Revue Vie Chrétienne n°3

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Éditorial

© P. Razzo / CIRIC

Le Seigneur est là Nous avons tous fait l’expérience de ces temps de prière où nous entrons dans l’excès de joie ou de chagrin ou au contraire, à d’autres moments, dans la tiédeur ou la grisaille. Et puis au fur et à mesure, tous ces sentiments s’effacent et laissent la place à une joie paisible, profonde : la joie des enfants de Dieu. Et cette joie-là nous donne la force d’affronter les difficultés. Elle nous donne aussi de voir que la vie est pleine de nuances et de beauté. Il ne s’agit pas de répéter, comme le préconisait Émile Coué, vingt fois de suite et trois fois par jour : « Tous les jours et à tous points de vue, je vais de mieux en mieux », mais d’apprendre à regarder les circonstances, les événements et les personnes dans la foi. À avancer avec constance, même si comme Marthe et Marie il nous arrive de dire : « Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort ! » Ne fermons pas les yeux devant le malheur. Sachons aussi accueillir le bonheur. Dans l’un comme dans l’autre, le Seigneur veille sur nous. Puissions-nous reconnaître sa présence chaque jour de l’année qui s’ouvre !

»

Florence LEROY

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L'air du temps

Solidarité : le souci du corps Il n’y a pas si longtemps que le mot solidarité est entré dans le vocabulaire des catholiques français. Hier, il résonnait plutôt dans le « camp laïc », comme substitut à la notion chrétienne de « charité ». Grâce au Concile Vatican II – Gaudium et Spes (46) note, parmi les « signes des temps », le « sens toujours croissant et inéluctable de la solidarité entre les peuples » - et surtout grâce à l’encyclique de Jean Paul II, Sollicitudo rei socialis (1988), qui affirme que la « solidarité est sans aucun doute une vertu chrétienne » (§ 40), cette notion est devenue un des principes de base de la « doctrine sociale de l’Église ».

I Pour Jean Paul II, la solidarité « n’est donc pas un sentiment de compassion vague ou d’attendrissement superficiel pour les maux subis par tant de personnes proches ou lointaines. Au contraire, c’est la détermination ferme et persévérante de travailler pour le bien commun ; c’est-à-dire pour le bien de tous et de chacun parce que tous nous sommes vraiment responsables de tous » (Sollicitudo rei socialis, § 38).

Mais comme ce mot évoque des impératifs éthiques qui ont été longtemps exprimés dans le registre de la charité (par exemple : l’attention aux plus pauvres, l’invitation au « partage » avec les pays en développement, etc.), beaucoup sous-estiment le fait que la solidarité s’inscrit d’abord dans le registre des institutions. Pour faire bref, ce n’est pas « À vot’ bon cœur, m’sieurs dames »,

mais « À vos impôts, citoyens » ! Ce caractère institutionnel de la solidarité explique à la fois qu’elle résiste assez bien aux fluctuations conjoncturelles (notamment en France, où de solides institutions de solidarité atténuent, plus que chez nos voisins, les effets sociaux de la crise) mais aussi que sa légitimité s’érode peu à peu, à mesure que gagnent les attitudes individualistes. Beaucoup diraient aujourd’hui : j’accepte de « donner » à qui je veux, mais pas de « payer » pour d’autres.

Nos destins sont liés La crise de la solidarité, ce n’est donc pas celle de la générosité et de l’altruisme - qui continuent à bien se porter, Dieu merci - mais celle du « faire corps ». La solidarité repose en effet sur la conviction que ce qui arrive aux autres me concerne, non pas parce que c’est « moralement bien » de m’intéresser à eux, mais parce que nos destins sont liés1. C’est une notion à la fois sociale et politique : ce qui se joue à travers la solidarité instituée, c’est l’avenir du « corps social » et donc le

mien ; ce qui se joue à travers la solidarité internationale, c’est l’avenir de notre planète et donc le nôtre. Au cours des trois jours que les Semaines sociales de France ont consacrés fin novembre au thème « nouvelles solidarités, nouvelle société », ont été évoquées quelques illustrations de l’érosion du sentiment de « faire corps ». L’un des intervenants, Pierre Rosanvallon, a même parlé d’une « contre-révolution silencieuse de la désolidarisation sociale ». En voici quelques exemples, donnés par lui ou d’autres :

• Les fortes inégalités de reve-

nus sont de plus en plus acceptées : en 1975, un leader du patronat estimait que le salaire le plus élevé, dans une entreprise, ne devrait pas dépasser 7 fois le salaire le plus bas ; en 2009, un leader socialiste présente comme un objectif hautement révolutionnaire de faire en sorte que cet écart ne dépasse pas 1 à 20 ! On cite comme non exceptionnels des rapports de 1 à 200 ; non seulement on s’en indigne peu, mais l’on traite parfois de « démago-

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Atelier TAPORI, animé par le mouvement ATD Quart Monde, dans lequel les enfants vivant dans le bidonville en cours de réaménagement confectionnent des silhouettes de tissu pour 20e anniversaire de la Journée mondiale du refus de la misère. La solidarité commence par la résolution de ne plus faire pour mais avec.

gues » ceux qui s’en indignent ! Dans un « beau quartier », on voit s’organiser de véritables campagnes (avec signatures de pétitions) pour contrer tout projet de construction de logements sociaux. Et combien de communes riches s’arrangent pour échapper aux obligations de la loi SRU… Les mêmes pétitionnaires n’auront pas de mots assez durs pour fustiger les violences des jeunes que leur attitude aura contribué à parquer dans des banlieues dites « sensibles ».

• Des médecins refusent de soi-

gner des bénéficiaires de la CMU, alors qu’ils y sont légalement tenus ; d’autres concentrent sur quelques plages horaires leurs consultations CMU, afin que ces patients ne soient pas présents dans leur salle d’attente en

même temps que leur clientèle habituelle…

• La génération qui arrive en ce

moment à la retraite a bénéficié d’une large protection sociale, financée grâce à l’énorme dette qu’elle laisse à la génération suivante.

Une vraie conversion Face à ce constat, les chrétiens rassemblés par les Semaines sociales ont affirmé leur volonté d’inventer de nouvelles formes de solidarité et de conforter celles qui émergent depuis peu : commerce équitable, épargne solidaire, entreprises d’insertion, etc. Mais surtout, ils ont pris conscience, grâce à la forte participation de personnes défavorisées, que la solidarité commence

par la résolution de ne plus faire pour mais avec elles. Cela exige un changement de regard sur elles, une vraie conversion. Chacun est invité à mieux intégrer désormais ses élans de générosité dans un souci du corps social, du corps mondial. Citoyen français, citoyen européen, citoyen du monde : à chaque niveau, la dimension institutionnelle et donc politique s’impose à moi si je veux vraiment incarner dans des lois, des institutions, des politiques fiscales, des structures économiques, les désirs de paix, de justice et de solidarité que suscite en moi l’Esprit. Tant il est vrai que, en ce domaine comme en d’autres, il n’est pas d’esprit sans corps. Christian MELLON sj

Christian Mellon est jésuite. Il est membre du Ceras (Centre de recherche et d’actions sociales), qui publie la revue Projet. www.ceras-projet.com

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© Barbara Strobel

le dossier le dossier

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Chercher et trouver et trouver Dieu Dieu

Aider. À notre façon, à notre place.

© Barbara Strobel

Nous ne traitons pas dans ce dossier de l’aide qui s’exerce dans un contexte institutionnel, mais de l’aide tout ordinaire, pour laquelle nous sommes parfois très démunis. Car aider ne va pas de soi, même si nous nous sentons poussés à le faire, pour une multitude de raisons. Demander de l’aide ne va pas de soi non plus. Nous sommes gênés, nous avons honte parfois, ou peur que ceux auxquels nous nous adressons nous jugent, décident à notre place, alors que nous attendions juste une oreille attentive, un peu de compassion. De part et d’autre, il s’agit de confiance, de respect. De justice sans doute. De liberté aussi. De gratuité enfin. FL

Témoignages : Demander de l’aide à un groupe . . . . 8 Aider un jeune en recherche d’emploi 9 Aider des jeunes en souffrance dans leur travail . . . . 10 Aider son enfant après une tentative de suicide . . . . . 12 Aider un fils qui divorce . . . . . . . . . 13 Aider des parents qui vieillisssent . . 14

Contrechamp : Face à la demande d’aide spirituelle dans l’épreuve . . . . . . . . . . . . . . . . .16 Contrepoint biblique : La parabole du Bon Samaritain . . . . 17 Repères ignatiens : Aider les âmes . . . . . . . . . . . . . . . . 20 Aider ce n’est pas…. . . . . . . . . . . . . 21 Pour conclure ce dossier . . . . . . . . . 21

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Chercher et trouver Dieu

le dossier À l'aide !

Des personnes que nous côtoyons, mais dont les vies sont séparées des nôtres, se tournent parfois vers nous lorsqu’elles sont affrontées à des difficultés. La demande d’aide n’est pas toujours clairement formulée, mais nous sommes suffisamment touchés pour réagir et oser un geste, une parole. Une demande et des réponses qui ne sont faciles pour personne.

Découragée… Plus de travail, et l’engrenage a débuté. Sans ressource, le loyer impayé, un procès légitime s’est enclenché ; la décision d’expulsion m’a été cruelle. J’étais jugée incapable, sans bonne volonté. Mon équipe ne m’a pas vue ainsi, mais a voulu me dicter ma conduite. Déjà découragée, cela a augmenté ma souffrance. Mon refus de répondre aux directives a été reçu comme un refus de bouger. Je me suis enfoncée dans le mutisme, le repli. Écrasée, j’ai alors refusé de participer à un week-end d’équipe, laquelle a

© Jéromine Derigny / Picturetank

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compris le message et a réfléchi sur sa manière d’être et de faire. L’attitude de tous a changé, mon silence a été respecté et j’ai entendu : « Que vas-tu faire ? Comment pouvons-nous t’aider ? » L’équipe m’a accompagnée de ses conseils et de sa présence. Une personne m’a aidée à maintes reprises dans les rouages de la Justice. Plusieurs m’ont offert du temps, gratuitement, me reconnaissant ainsi une existence. J’ai été émerveillée de la confiance de certains à me proposer spontanément de l’argent pour éviter

une saisie. L’aide reçue est passée plus par la considération personnelle que par l’aspect matériel. J’étais un membre à part entière de l’équipe. Un membre rendu muet par la souffrance, mais priant avec les mots des autres. Ma prière personnelle était difficile, inexprimable, mais j’ai pu faire un vrai chemin spirituel avec mon équipe. Le groupe est alors devenu mon seul lien spirituel et social. Je n’ai pas été enfermée dans une image d’incapacité. Chacun a gardé la distance nécessaire pour que je trouve peu à peu la force de me reconstruire, parce que sept personnes croyaient en la vie plus forte que tout. La seule vie d’équipe n’aurait pas suffi à me soutenir, et j’ai reçu beaucoup d’attention entre les réunions car la solitude était très dure à porter. Cette expérience m’a fait découvrir la confiance en moi et dans les autres, mais cela reste fragile dès qu’une difficulté se présente. SABINE

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Aider à mon tour

Je connais Claire depuis toujours et je la considère comme une petite-cousine plus jeune de douze ans. J’ai pour elle une grande affection. Après un an comme jeune fille au pair en Allemagne et loin de ses parents en province, je lui ai proposé de l’héberger chez nous, le temps qu’elle trouve un travail à Paris. Partageant son quotidien et ayant été moi-même au chômage récemment, l’aider dans sa recherche m’est venu naturellement et je pense pouvoir être de bon conseil.

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Je l’aide au fur et à mesure de ses besoins et de son cheminement. Je l’ai d’abord aidée à orienter sa recherche, pour définir le type de poste à viser. Je lui ai ensuite donné des idées pour cibler les en-

treprises à contacter. Je lui ai aussi donné des conseils de méthodologie pour assurer un suivi efficace de ses candidatures et pour préparer ses entretiens. Et j’ai enfin retravaillé son CV avec elle pour qu’il soit plus percutant.

des choses par le biais de questions. Et si je lui suggère quelques conseils, j’attends ensuite qu’elle m’en reparle d’elle-même. Je n’exclus aucun sujet a priori, le tout est de trouver le bon moment pour en parler.

Chaque jour quand je rentre du travail, nous échangeons sur l’avancée de ses réflexions et recherches. J’attire son attention sur les choses qui me semblent importantes, par exemple les orientations à ne pas prendre. Et j’essaie de lui faire réaliser qu’elle doit être très active pour mettre toutes les chances de son côté.

J’ai eu la chance d’être bien accompagnée dans ma propre recherche d’emploi, et je m’aperçois que de pouvoir à mon tour aider Claire m’apporte aussi une satisfaction personnelle. Mais je reste un peu frustrée quand j’ai l’impression que Claire ne s’investit pas autant qu’elle le devrait en y consacrant son énergie à temps plein. C’est difficile de lui faire comprendre sans être rébarbative ou donneuse de leçons. BRIGITTE

Je donne mon avis uniquement lorsque je sens Claire réceptive, sinon je fais en sorte qu’elle prenne conscience elle-même

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le dossier Au travail, c'est l'enfer ! ´ E

Élodie et Stéphane sont deux jeunes trentenaires de mon entourage. Est-ce mon âge ? (j’ai soixante-deux ans) ou mon expérience de cadre ? (j’ai pris ma retraite il y a peu), toujours estil qu’ils m’ont demandé de les aider à faire le point. Élodie est graphiste dans une agence de publicité. La crise a ramené les effectifs de 27 à 8 personnes. Elle fait 60 heures par semaine. Elle a craqué en tombant dans une profonde dépression et son « hiérarchique » nie sa maladie ; lui et ses clients la sollicitent par téléphone pour compenser son absence.

Avec la crise économique, le malaise s’est amplifié. Je suis d’abord surpris qu’ils m’appellent. Je les écoute. Cela dure longtemps, car le sac est lourd et il leur faut beaucoup de temps pour le vider. Ils ont besoin de parler. Ensuite, avec eux, j’essaie de mettre des mots sur les choses, de leur faire préciser ce qu’ils subissent. Car il y a une grande confusion dans le vocabulaire utilisé, dans la perception des situations. Par exemple, je demande à Élodie : « Pourquoi n’écourtestu pas poliment la conversation téléphonique avec ceux qui t’appellent à ton domicile ? Pourquoi ne pas leur rappeler que tu es en© iStock

Stéphane pilote sept commerciaux téléphoniques. Les weekends, il finit de répondre à ses mails en souffrance et prépare la semaine de travail de son équipe. Il aimerait gagner plus, mais ses bons résultats n’influent pas l’évolution de sa rémunération ;

core malade et que ton médecin et ton état de santé ne te permettent plus de répondre à leurs questions ? » À Stéphane, même type de question : « Et si tu ne travailles pas pendant le weekend, que se passera-t-il ? As-tu informé ton chef des conséquences ? Et pourquoi endosses-tu des reproches qui sont du ressort d’un collègue. Ce serait une bonne occasion de redéfinir les règles du fonctionnement hiérarchique. »

il souffre d'un manque de reconnaissance. Son directeur, suspicieux, court-circuite les hiérarchies, change de cap, incapable dans la liste « des courses à faire » qu’il lui dresse chaque matin de fixer la moindre priorité.

J’essaie aussi d’éclairer autrement la pression qu’ils subissent ; ne s’est-elle pas développée sur un terrain favorable qu’ils ont eux-mêmes préparé à leur insu ? Soit grâce à l’investissement (légitime mais peut-être exagéré) fourni dans leur travail pour atteindre pouvoir, reconnaissance et bonne rémunération, soit grâce à l’illusion entretenue que la « boîte » repose sur eux. « Je bosse, me dit Stéphane et je n’ai pas d’augmentation sérieuse. » Je lui demande alors : « L’as-tu demandée ? En as-tu précisé le niveau ? » Il me répond : « Non, s’il est le patron, il doit bien savoir ce que je vaux, je n’ai pas à le lui souffler ». Je lui dis alors naïvement : « Il lui est plus facile de savoir ce que tu veux que ce que tu vaux. » Idem avec Élodie : « Si je ne réponds pas au téléphone quand je suis malade, la boîte va s’écrouler, mes clients comptent sur moi ». Les mots m’échappent : « Tu t’octroies les responsabilités de ton chef sur l’avenir de

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Oser parler. Le supérieur hiérarchique est un homme comme un autre.

l’entreprise. Tu n’es pas un peu mégalo ? » « C’est ce mot qui m’a fait réagir », m’a avoué plus tard Stéphane à qui j’avais lâché aussi le mot. Le repérage des dysfonctionnements permet de dégager avec eux la part de complicité et de responsabilité qu’ils ont encore dans ce qui leur arrive, sans pour autant les culpabiliser. J’essaie alors de leur faire découvrir les marges, si faibles soientelles, dont ils disposent toujours pour envisager d’exercer leur liberté de manœuvre esquissée ou de nouveau possible. Bien sûr, ce ne sera pas facile, je le leur dis, mais il leur faut cesser de rêver et affronter la réalité. C’est aussi leur part dans le combat à mener. Nous élaborons enfin une manière de procéder avec leurs chefs.

- D’abord, lui demander un entretien pour lui exposer la situation, imaginer aussi son stress à lui, pour ne pas être surpris par ses comportements et en déjouer les pièges ou les incohérences. - Ensuite, oser lui rappeler les limites à ne pas franchir, le replacer devant ses responsabilités pour lui faire assumer ce qui est de sa charge, et non de la leur. « Ton patron est un homme comme toi, il est faillible et il a besoin lui aussi de ton rappel aux règles du vivre ensemble ; tu peux le faire si c’est avec respect, les yeux dans les yeux. » - Puis, faire confiance à l’inattendu dans la capacité de chacun, y compris son chef, à entendre, à se corriger et à corriger la trajectoire. Ne pas désespérer à l’avance de l’autre.

- Enfin, envisager aussi de changer, de partir même ailleurs si rien ne bouge. Élodie et Stéphane ont réagi. Pour Stéphane, l’affrontement avec son chef a été libérateur. Surprenant ! Pour Élodie, sa convalescence se poursuit et elle n’est plus importunée ; elle ne se fait plus de souci exagéré pour la pérennité de sa « boîte » ; elle a réalisé que c’était la responsabilité de son patron et non la sienne, mais rien n’est gagné. J’ai essayé de répondre comme j’ai pu et comme j’ai senti, en partant de ma propre expérience, mais vraiment je suis dépassé par la dureté de notre époque ! DIDIER Janvier 2010 11

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Chercher et trouver Dieu

le dossier

Ta souffrance est la mienne Lorsque nos parents ou nos enfants sont dans la souffrance, nous souffrons avec eux et nous n'imaginons pas un instant ne pas intervenir. Il faut alors faire preuve d'un infini respect. C'est leur vie dont il s'agit.

Notre enfant va mal mes paroles ont traversé sa carapace… Nous l’avons su plus tard quand nous avons pu relire tout cela avec lui.

Notre fils Éric a manifesté très tôt des positions d’évitement, de repli et de refus de parler dès que nous le reprenions. Peu à peu, nous avons perçu qu’il fuyait la réalité s’installant dans une position « toute-puissante ». Rêvant d’un monde où il serait le « meilleur », avec les difficultés de la vie abolies. S’installant vis-à-vis de nous dans un refus proche d’une forme de mépris. Rejetant notre mode de vie trop loin de ses attentes imaginaires.

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Comme mère, je lui ai beaucoup parlé, tenté de le raisonner.

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Souvent dépassés, nous n’avons jamais renoncé à chercher l’ouverture pour le rejoindre malgré les erreurs, les échecs, les incompréhensions, les colères quand la coupe débordait.

Comme père, je privilégiais plutôt le partage d’activités sportives pour maintenir le lien. Lien qu’Éric semblait s’ingénier à détruire.

Vainement parfois. Je sais l’avoir exaspéré avec mon besoin d’explications. Pourtant certaines de

Lors du décès d’un de ses grandspères, Éric fit une tentative de suicide grave. Temps de désolation…, dans la certitude que nous devions nous tenir là, demeurer près de lui ; dans la prière ; sans reproches. Paradoxalement cet événement ouvrit une brèche. Ébranlés dans notre relation conjugale et familiale, nous avons demandé de l’aide à une personne qualifiée. Ce fut un soutien déterminant. Comprenant mieux le

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conflit psychique d’Éric et la nécessité de trouver une juste distance vis-à-vis de lui. Cessant de trop le protéger. Prenant le risque du détachement en l’invitant à faire ses propres choix… Le poussant, après ses études, à quitter

le nid familial qu’il rejetait sans pouvoir le quitter. Demeurant proches mais dans la séparation… Ce lent accouchement fut marqué d’avancées et de régressions parfois sévères mais qui lui ont permis de naître à lui-même.

Éric reconnaît aujourd’hui que notre présence et notre ténacité ont permis qu’il prenne enfin le risque de vivre. CLAIRE et MICHEL.

Mon fils divorce

J’arrive à parler avec lui, à condition que mes réflexions ne lui donnent pas l’impression qu’il est jugé moralement. Je n’ai d’ailleurs pas cette tentation. En effet, si nous n’approuvons pas le principe du divorce, nous savons que pour notre fils, coincé depuis plusieurs années dans une situation inextricable, la séparation est sans doute la solution la moins mauvaise pour sa famille. Comme le divorce se déroule dans un climat de tension, il accepte d’aborder la question avec nous, moins pour demander des conseils que pour sentir que nous ne sommes pas indifférents à ce qu’il vit. De mon côté, soucieuse d’atténuer les souffrances de mes petits enfants, j’essaye d’évoquer les solutions qui seraient les moins douloureuses pour eux. Et souvent j’aurais envie d’intervenir davantage. Mais je dois rester très discrète pour ne pas donner à mon fils l’impression que l’on

prend sa place et que l’on décide pour lui.

pas sur lui un regard négatif et dévalorisant.

Cette discrétion, parfois frustrante, peut cependant avoir des effets positifs. Elle libère la parole de mon fils car si j’intervenais trop, il se fermerait comme une huître. Il a besoin de sentir qu’avec son père, nous sommes à ses côtés et que nous ne le laissons pas seul dans cette épreuve. Et surtout que nous ne portons

La meilleure solution, bien audelà des conseils qu’on peut lui donner, est de conforter sa responsabilité de père désireux de trouver la solution la plus humaine pour les siens. Respecter sa dignité est, nous semble-t-il, le plus sûr moyen de l’aider. ODILE

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Mon fils est en train de divorcer. Son père et moi regrettons qu’il en soit arrivé à cette déchirure, d’autant que les petits enfants en souffrent. Mais nous ne savons trop comment nous y prendre pour l’aider.

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le dossier

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Mes parents vieillissent

Comment aider des parents âgés, encore en bonne santé, à ne pas se sentir peu à peu dépouillés de leur indépendance ? C’est subtil et cela exige mille petites attentions. Ainsi est-il bon de les aider à garder un lien avec la réalité sociale en leur permettant de raconter leurs lectures et d’échanger sur ce qu’ils ont vu à la télé.

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Leur faire découvrir qu’ils ont encore une utilité auprès des jeunes générations est positif. Aussi, pour éviter qu’ils se sentent marginalisés, peut-on parfois leur demander un avis, un conseil. Il est bon également de les inciter à garder une certaine activité créatrice (couture, bricolage) qui leur permet de rendre service aux autres.

Aimer les personnes âgées suppose que l’on respecte, autant que possible, leurs goûts et leurs préférences. S’il y a un choix à faire, et si elles sont capables de discernement, il est préférable de les associer à la recherche de la meilleure solution. Sans leur forcer la main. Parfois les enfants sont écartelés : pour être plus rapides, plus efficaces, ils agissent comme si la personne âgée ne pouvait avoir de préférence et ils décident à sa place. Parfois, au contraire, culpabilisés de ne pas être assez attentif à ses désirs, ils deviennent totalement dépendants de ses caprices. La « bonne » distance n’est pas toujours facile à trouver.

Il est nécessaire parfois d’accompagner des parents âgés qui vivent des petits deuils quand il leur faut accepter de ne plus pouvoir faire telle ou telle activité. Aussi doiton éviter de minimiser les petits renoncements auxquels ils sont confrontés en leur disant « ce n’est rien » ou « c’est pas grave ». Prendre au sérieux, donc, leurs difficultés en essayant de positiver ce qu’ils peuvent encore faire et chercher avec eux des solutions. Dans toutes les situations, il est important d’avoir un regard positif et bienveillant sur la personne âgée pour que nos visites soient un rayon de soleil qui les encourage à vivre. JULIETTE

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i u q Retraite de Carême sur Notre Dame du Web: ndweb.org 7 étapes • • • • • • •

1ère semaine : le Seigneur entend notre cri 2e semaine : la Parole qui ouvre un avenir 3e semaine : Dieu se révèle et envoie 4e semaine : une Parole qui s'accomplit 5e semaine : une créature nouvelle pour la louange Rameaux : une Parole qui console Pâques : une Parole qui ouvre les tombeaux

Les internautes reçoivent chaque semaine un message avec : Une introduction au thème de la semaine Des points d'oraison sur la liturgie du dimanche Des exercices pratiques Un commentaire théologique des lectures du dimanche du P. Domergue, jésuite • Une œuvre d'art • De la musique ou un chant • Des fonds d'écran Tout au long de la retraite, un forum interactif est accessible par un mot de passe donné aux seuls internautes : les retraitants partagent leurs questions, découvertes, joies, difficultés. Les autres internautes, les animateurs et les animatrices de ND du Web peuvent réagir, répondre. Une boîte aux lettres uniquement ouverte par les animateurs de la retraite permet aux retraitants de demander des conseils plus personnels ou des questions techniques. Une permanence est assurée tous les jours.

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Chercher et trouver Dieu

le dossier Contrechamp

Face à la demande d’aide spirituelle dans l’épreuve Comment aideriez-vous quelqu’un qui, à la suite d’une épreuve, doute très fortement de la bonté et même de l’existence de Dieu et qui est très troublé par ces doutes ?

Si elle vient parler avec moi c’est qu’elle désire trouver quelqu’un qui ette foi du soit témoin de la foi, de cette durement éprouvée par les événements auxquels elle est confrontée. Elle sait inconsciemment qu’elle ne sera pas jugée par son interlocuteur mais accompagnée dans sa démarche de vérité. La seconde attitude qui s’impose est d’être persuadé que la personne ne peut trouver une issue qu’en elle-même.

Pour cela lui faire des propositions de lectures, de réflexions et de méditations de la Parole de Dieu adaptée au point où elle en est à travers Ancien et Nouveau Testament. Ainsi, l’on peut inviter à prendre le psaume 38 qui exprime la prière dans la détresp se : « accablé, prostré, à bout de forces, tout le jour j’avance dans le noir », lit-on au verset 7. On peut aussi, après avoir donné quelques explications, suggérer de lire doucement le livre de Job. Quel que soit le texte, il est nécessaire de donner à la personne le temps de ruminer cette Parole et lui permettre d d’exprimer librement ce qu’elle ressent à travers ombres et lumières. À la suite de ce qu’elle aura dit et prié, la laisser prendre les décisions qui construiront désormais sa vie en s’appuyant sur ce qui lui a donné force tant dans son dialogue avec l’accompagnateur que dans les textes médités. © Wilfrid Guyot / CIRIC

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Devant une personne qui exprime son désarroi à cause d’une lourde épreuve, il me semble que la première attitude à avoir est celle de l’empathie qui se traduit par le fait d’écouter jusqu’au bout l’interlocuteur bouleversé. Je dis bien « écouter jusqu’au bout » c'est-àdire sans l’interrompre et sans se dire « comment vais-je faire pour trouver une réponse à sa demande ? ». Il est nécessaire pour cela de ne pas être dominé par la peur mais d’accepter de recevoir la vérité qui se dit dans la bouche de la personne.

Odilon de VARINE sj

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Contrepoint biblique

LA PARABOLE DU BON SAMARITAIN 29 Mais lui, voulant se justifier, dit à Jésus : « Et qui est mon prochain ? » 30 Jésus reprit : « Un homme descendait de Jérusalem à Jéricho, et il tomba au milieu de brigands qui, après l'avoir dépouillé et roué de coups, s'en allèrent, le laissant à demi mort. 31 Un prêtre vint à descendre par ce chemin-là ; il le vit et passa outre. 32 Pareillement un lévite, survenant en ce lieu, le vit et passa outre. 33 Mais un Samaritain, qui était en voyage, arriva près de lui, le vit et fut pris de pitié. 34 Il s'approcha, banda ses plaies, y versant de l'huile et du vin, puis le chargea sur sa propre monture, le mena à l'hôtellerie et prit soin de lui. 35 Le lendemain, il tira deux deniers et les donna à l'hôtelier, en disant : “Prends soin de lui, et ce que tu auras dépensé en plus, je te le rembourserai, moi, à mon retour.” 36 Lequel de ces trois, à ton avis, s'est montré le prochain de l'homme tombé aux mains des brigands ? » 37 Il dit : « Celui-là qui a exercé la miséricorde envers lui. » Et Jésus lui dit : « Va, et toi aussi, fais de même. » Luc 10, 29-37 (traduction Bible de Jérusalem)

LORSQUE LA CHARITÉ PREND VISAGE

Le visiteur peut admirer dans le déambulatoire de la cathédrale de Bourges une série de dix grandes verrières historiées qui datent du début du XIIIe siècle. L’une d’elles nous conte la parabole du Bon Samaritain. Un texte bien connu que nous interprétons souvent comme une invitation à examiner notre comportement vis-à-vis du prochain. Et voici que ce vitrail nous déconcerte.

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Chercher et trouver Dieu

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l’homme blessé : nous voyons ce même visage, comme tracé avec le même calque, L’homme blessé et le Samaritain sont frères jumeaux. Par ce jeu de similitudes veut-on nous dire que Jésus est aussi l’homme blessé ? Bien sûr ! Il est sur le chemin de Jérusalem et « quand il sera tout à fait à la place du Samaritain méprisé, il sera aussi un homme qui meurt au bord d’une route, nul ne le secourant… Il attendra qu’un autre vienne le secourir, il s’en remettra à celui qui voudra bien s’approcher de lui, l’arracher à la mort. »

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Au centre du vitrail, it il nous voyons bi bien l’hi l’histoire t i que Jésus raconte. L’attaque des brigands, l’homme blessé laissé à demi-mort, le Samaritain et son cheval et même l’aubergiste : tout y est. Mais de chaque côté de ces scènes en voici d’autres qui nous étonnent : un récit des premiers chapitres de la Genèse (chapitres 1 à 3) et les épisodes du Buisson ardent et du Veau d’or (Exode 32,1-24). Puis, tout en bas, une scène de flagellation et un Christ en croix accompagné de Jean et Marie. Qu’est-ce que cela peut bien signifier ?

Des ressemblances étranges

Si nous regardons de plus près, une autre chose va nous étonner : le beau visage du Samaritain nous est connu : cheveux mi-longs ondulés, courte barbe et moustaches, traits réguliers et paisibles, grands yeux ouverts. C’est celui que les peintres d’icônes donnent à Jésus. Le Bon Samaritain a le visage de Jésus. Pourquoi nous en étonner ? Parce que le Samaritain est un homme méprisé en Israël et par cette ressemblance Jésus est assimilé à cet homme. Un homme méprisé mais qui, dans ce récit, incarne la miséricorde. Dans Luc, cette parabole nous est racontée alors que Jésus a pris « résolument la route de Jérusalem » (Luc 9, 51). Il va être cet homme méprisé et pourtant lumineux, donné tout entier à ses frères. Il nous raconte sa propre histoire. Penchons-nous maintenant vers le visage de

Mais voici que surgit un troisième frère. De nouveau les traits du visage sont les mêmes : ce sont ceux du Samaritain et de l’homme blessé. Et il porte l’auréole crucifère qui est la marque du Christ. Le créateur met à la porte du paradis Ève et Adam après qu’ils aient goûté au fruit défendu. La parabole du Bon Samaritain est en effet entourée xode. Ici des récits de la Genèse et de l’Exode. ue le par l’image nous comprenons que e Créateur, le Samaritain, l’homme blessé sont une même personne et qu’il s’agit de Jésus. Essayons de tirer les fils. L’homme, créé en grâce, est é par la faute originelle dépossédé de son vêtement de gloire et de la mière richesse de son créateur. La première alliance celle de la Création est rompue. Comme le voyageur de la parabole est dépouillé par les brigands, l’humanité est abandonnée au bord du chemin par celui qui l’a blessée, l’antique serpent, le « diabolon » qui l’a livrée à la convoitise qui divise. Ici, le récit du Samaritain et celui de la Genèse se rejoignent. La parabole du Samaritain est le récit de l’histoire du salut. Et ce récit rebondit avec Moïse et le veau d’or. Après Noé et Abraham, Dieu fait alliance avec Moïse. Il revient au secours de son peuple blessé. Ce sera la sortie d’Égypte. Mais après que Dieu les ait secourus « à main-forte et à bras étendu », il suffit de laisser le peuple quarante jours au pied de l’Horeb pour qu’il s’écarte de la voie prescrite

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(Deutéronome 9, 12-17). Chacun apporte à Aaron ses bijoux d’or pour remplacer le Dieu Unique par un veau d’or. Et, à cette idole faite de mains d’homme, ils viennent offrir des libations.

Jésus nous parle de lui-même Alors il ne reste plus à Dieu que de « décider que le Verbe se fasse homme pour sauver le genre humain » (Exercices spirituels 102). Et c’est ce que nous voyons tout en bas du vitrail. Exceptionnellement, celui-ci se lit de haut en bas. Nous pouvions penser que c’était pour respecter le récit de la parabole : « un homme descendait de Jérusalem à Jéricho… » Nous comprenons maintenant que le théologien qui conçut le vitrail a fait non pas un choix narratif, mais un choix théologique. L’homme qui descend de Jérusalem est bien la figure du Fils qui « ne retient pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu » (Philippiens 2). Il prend la condition d’esclave et se fait semblable aux hommes. Mais « obéissant jusqu’à la mort, et la mort de la croix » il amorce le retour au Père de toute la création. créat « Lorsque j’aurais été élevé de d terre, j’attirerai tous les homme hommes à moi. » (Jean 3, 14-15). Derrière lui, sur le vitrail, le tombeau ouvert ouver et le linceul vert, couleur de vie. De même, mêm la croix du Christ est verte, c’est l’arbre de vie du nouveau jardin. La lune l soleil l il de d la l création é ti sont prêts à disparaître car ett le l’Agneau sera leur flambeau. Le Verbe qui crée Adam, le Samaritain et l’homme blessé ont le même visage car le Christ « bon Samaritain » recrée un homme qui porte la trace de ses blessures, mais qui a retrouvé la vie. C’est dire le lien entre création et rédemption, c’est dire la place unique du Christ dans cette histoire du salut. La parabole n’invite pas d’abord à imiter Jésus, le bon Samaritain, mais à l’aimer, lui qui est venu nous chercher sur le bord du chemin où nous gisions à demi-morts. Geneviève ROUX, xavière

Pour prier… Me tenir en présence du Seigneur. Regarder le chemin qui descend de Jérusalem à Jéricho. La ville riche et ses jardins, le désert broussailleux où attaquent les brigands… Demander la grâce de connaître l’amour du Seigneur qui vient nous chercher dans notre détresse et pour cela prend sur lui notre mal, jusqu’à devenir l’homme blessé de la parabole.

✚ Voir le Christ comme le Bon Samaritain qui vient au secours de l’humanité blessée. « Il fut ému de pitié. Il s’approcha, banda ses plaies, y versant de l’huile et du vin, puis il le chargea sur sa propre monture. » Regard du Christ rempli d’attention, de miséricorde, de délicatesse sur l’humanité blessée. Contempler, réfléchir en moi-même. ✚ Voir le Christ comme l’homme blessé de la parabole. Dépouillé de ses vêtements (Luc 23,34), roué de coups, laissé agonisant au bord du chemin. « Il a pris sur lui nos péchés ». (Isaïe 53,4). « Comment, lui, le Créateur…, il en est venu à la mort temporelle et à mourir ainsi pour mes péchés. » Exercices spirituels 53. ✚ Voir le Christ en croix, tout en bas du vitrail, dépouillé mais sur l’arbre de vie et déjà ressuscitant, devant le tombeau ouvert. « Lui qui ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu » et qui prend condition d’esclave (cf. Philippiens 2). Me tenir devant la croix comme le suggère Ignace au n° 53 des Exercices spirituels. M’entretenir avec le Christ dans l’admiration de son amour. Donnerais-je amour pour amour ? De qui, à sa suite, me ferais-je le prochain ?

Les photos illustrant cet article sont toutes de Catherine Geoffroy

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Chercher et trouver Dieu

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Repères ignatiens

Aider les âmes

Cette expression qui revient souvent dans la bouche d’Ignace ne va pas de soi. En effet, le mot « aider » peut prendre plusieurs sens (faciliter, secourir, faire avec…) et la notion d’« âme » ne fait pas partie de notre vocabulaire habituel. Découvrons le projet de conversion et de salut qui s’y cache ainsi que sa pertinence pour aujourd’hui.

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Nous le savons, les Exercices spirituels sont le fruit de l'expérience de conversion d'Ignace, en particulier à Manrèse. D'après son secrétaire, « toutes les fois qu'il observait dans son âme des choses qu'il trouvait utiles et qui lui semblait pouvoir être utiles aux autres, il les consignait par écrit ». Ignace a ainsi l’intuition que ce que Dieu lui fait entendre et la façon dont il l’entend n’est pas que pour lui. Son originalité est non pas de faire le récit des grâces reçues – il ne le fera qu’à la fin de sa vie et encore sous la pression de son entourage – mais de proposer une pédagogie pour que chacun rencontre personnellement le Seigneur et trouve « la manière de préparer et de disposer (son) âme pour écarter de soi tous les attachements désordonnés et, après les avoir écartés, pour chercher et trouver la volonté divine dans la disposition de sa vie en vue du salut de son âme ». Ce chemin de conversion et de salut, unique pour chacun, se vit par la médiation de quelqu’un qui a lui-même reçu cette « manière de faire ». La joie que cette expérience déploie dans l’être profond d’une personne (son âme) suscite le désir que d’autres en vivent à leur tour. Il y a donc comme une chaîne de témoins qui en même temps qu’ils sauvent leur âme aident aussi d’autres à accueillir Dieu dans leur vie.

fécond. Ainsi naîtra la Compagnie de Jésus. Dans les Constitutions, on lit une vigoureuse invitation à « voyager à travers le monde et vivre n'importe où il y a espoir de rendre grand service à Dieu et aider les âmes ». Cette invitation est vraie encore aujourd’hui. Nous ne sommes pas tous appelés à partir aux Indes ou à donner des retraites mais nous avons à nous situer résolument sur les frontières multiples de notre monde. Le premier à s’y être attelé est le Christ lui-même. Désireux de faire connaître son Père et « contagieux de salut », il n’hésite pas à franchir des frontières physiques et socioreligieuses en s’adressant à des non-juifs et à toutes sortes de personnes exclues. C’est là que nous sommes attendus, avec nos moyens et nos espoirs, apprenant patiemment qu’aider les âmes, c’est en fait aimer et servir notre prochain. À la suite de Jésus, Ignace nous enseigne que « l'amour doit se mettre dans les actes plus que dans les paroles ». Réjouissons-nous du fait que, malgré les combats, il y a du bonheur durable à servir concrètement notre prochain et à faire rayonner joyeusement l’Évangile autour de nous. Manuel GRANDIN sj

Un désir commun qui envoie aux frontières Ignace comprend vite qu’aider les âmes ne se résume pas à l’apostolat des Exercices ni à un projet qu’il porterait seul. Ce désir doit se décliner dans d’autres charismes (conversation spirituelle, soin des plus petits, éducation, missions au loin) et être partagé avec d’autres pour être plus

Confiance en la personne, confiance en ses forces les plus profondes

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En résumé… Les innombrables demandes d’aide psychologique, morale ou spirituelle exigent des approches adaptées à chaque situation. On n’aide pas de la même manière un cadre stressé dans son travail, un chômeur en recherche d’emploi, un jeune dont le couple éclate, des parents âgés diminués ou une personne éprouvée qui perd sa confiance en Dieu. Pourtant il existe des points communs à toutes ces situations. Aider ce n’est pas :

Aider c’est :

• Agir à la place de l’autre, ni dé- • D’abord avoir un regard posicider pour lui ce qui lui conviendrait le mieux.

• Minimiser ses inquiétudes par des réflexions telles que « ce n’est pas si grave ».

• Porter un jugement moral sur

un comportement, même s’il apparaît que la situation actuelle a été provoquée par des négligences et des erreurs.

• Avoir un regard pessimiste et © Meyer@Tendance floue

dévalorisant sur la personne en découvrant que ses chances de remonter la pente sont faibles.

tif sur celui qui est désemparé en ayant la conviction que, malgré les obstacles, la vie sera plus forte car ce fils de Dieu possède en lui des ressources incommensurables enfouies sous les décombres.

• Être capable d’écouter son his-

toire jusqu’au bout, d’entendre ses difficultés et ses peurs sans immédiatement proposer une solution toute faite, en kit.

• Permettre à celui qui est éprou-

vé de mettre des mots sur des sentiments confus et mélangés. En s’exprimant, il peut déjà exorciser certaines fragilités.

• Manifester à celui qui demande

de l’aide que l’on est à ses côtés, même si lui seul possède les clés pour sortir du labyrinthe.

• Enfin redonner à la personne confiance en ses forces les plus profondes, en sa capacité de réagir, d’oser, d’entreprendre et de dire oui à la vie. Yves de GENTIL-BAICHIS avec Dominique HIESSE

Pour conclure ce dossier… Pour la relecture et le partage en groupe 1 - Choisir dans les semaines récentes une ou deux occasions que j’ai eues d’aider quelqu’un de façon personnelle. Me souvenir des personnes, de leurs soucis, de leurs besoins, de la manière dont ils les ont formulés. 2 - Comment ai-je accueilli ce qui m'était confié (écoute, essai de comprendre, disponibilité…) et qu'est-ce qui m'a habité (désir de servir, humilité, investissement pour trouver des moyens ou encourager, souci de vérité et de réalisme…) ? Quels pièges ai-je eu à éviter (assistanat, mise sous tutelle, impatience…) ? 3 - L'échange qui a eu lieu a-t-il été occasion de lien nouveau ? À quelles réalités nouvelles ai-je été ouvert ou dans quoi me suis-je refusé d’entrer ? Cela a-t-il été une occasion de me révéler ou de fuir ? 4 - Quel encouragement ai-je pu apporter ? De quelle espérance ai-je pu être serviteur ? Pour aller plus loin… - Approches de la souffrance, Christus n°152, octobre 1991 - L’épreuve du réel, Christus n°189, janvier 2001 Janvier 2010 21

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Se former

École de prière

Et si je préparais moi-même mon temps de prière avec le texte de l’évangile du jour! Il y a beaucoup de manière de faire, beaucoup de propositions pour aider à prier la Parole de Dieu. Ici, il ne s’agit ni d’un commentaire, ni d’orientations précises, mais d’une façon très simple et très ouverte de prier une scène évangélique. Chacun trouvant ainsi ce qui est bon pour lui, aujourd’hui, à la lumière de l’Esprit Saint. Comment faire ? Quel texte retenir ? Pour commencer, il est plus sage de choisir une scène évangélique où il se passe quelque chose. Avec un peu d’expérience, il sera possible de préparer des textes plus compliqués et plus abstraits. Mais dans un premier temps, mieux vaut retenir un passage d’évangile, où l’on contemple Jésus et ceux qu’il rencontre. Cela peut-être l’évangile du jour ou celui du dimanche suivant.

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La scène se passe en un lieu, souvent précis, les bords du lac, une montagne, le désert, le temple, un chemin, mais cela peut être aussi quelque part sans autres détails.

En ce lieu, on peut voir des personnes, très différentes, certaines petites, d’autres malades, certaines dans la peine, d’autres dans la joie. Elles se parlent, s’interrogent, s’écoutent, d’autres se taisent ou murmurent. Ces personnes agissent, se déplacent, courent, se prosternent, parfois grimpent aux arbres ou oublient leur cruche. Tous ces éléments vont aider à préparer le moment de la prière.

Comment faire ? Comment préparer ? Une fois le texte retenu, on peut le lire tranquillement un soir avant de s’endormir. Le lendemain, il faut trouver un

peu de temps, une dizaine de minutes, où l’on est au calme, pour relire ce passage d’évangile. Le lire sans a priori, en se laissant faire par la Parole. Il s’agit de préparer une rencontre avec le Seigneur. Il n’y a pas à trouver un éclairage idéal, mais ce qui convient, ce qui est donné pour aujourd’hui. Pendant la lecture, il peut arriver que tel personnage, telle parole échangée, telle question, tel geste aient du poids, du relief. Il faut le noter, car cela va être un appui pour le temps de prière. Parfois le texte semble trop connu ou au contraire obscur et rien ne vient. Quel que soit le cas de figure, on peut s’aider de ce que propose

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saint Ignace pour la contemplation évangélique. C’est une manière de faire simple qui permet d’entrer dans l’intimité de la scène évangélique. En regardant, en écoutant, Jésus et la Samaritaine, Jésus et Zachée, Jésus et tous ceux et toutes celles qu’il rencontre, il y a toujours en filigrane, la rencontre de Jésus et de chacun de nous, pour qui cette parole est dite aujourd’hui.

Cette manière de faire très simple est d’une grande richesse, car elle permet d’entrer dans l’intimité des scènes évangéliques. Il ne s’agit pas seulement d’un récit d’événements anciens, mais aussi d’une rencontre personnelle, aujourd’hui.

Le lieu Il n’est pas précisé, cela se passe quelque part, un lieu ordinaire où Jésus rencontre les hommes et leur parle. Où il nous rencontre aujourd’hui. Prendre le temps d’être là, à cet endroit que nous pouvons imaginer.

Prenons un exemple Un court passage de l’évangile de saint Luc au chapitre 11 versets 27 et 28.

Premier éclairage :

Prendre le temps de regarder cette foule. Qu’espère-t-elle de Jésus ? Et moi ?

• Le premier éclairage sera de

Jésus monte vers Jérusalem et tout le long du chemin, il enseigne et guérit. Il vient de parler de la prière à la demande de ses disciples, et de l’esprit du mal.

Or pendant qu’il parlait ainsi, une femme, de la foule, élève la voie. Elle lui dit : « Heureux le ventre qui t’a porté et les seins que tu as tétés ! »

Crayon en main :

• Noter très simplement le lieu

où se déroule la scène d’évangile. Dans la prière prendre le temps d’être là. voir les personnes, voir qui elles sont, ce qui nous est dit de chacune, et s’interroger, comment cela me touche, me rejoint. Le deuxième éclairage sera d’entendre ce qu’elles disent ou ne disent pas, et comment cela me touche, me rejoint.

• Le troisième éclairage sera de

regarder ce qu’elles font, et comment cela me touche, me rejoint.

Voir cette foule nombreuse qui entoure Jésus et qui l’écoute.

Deuxième éclairage : Quelqu’un élève la voix, se fait entendre du milieu de la foule. Une femme. Voir cette femme, qui est-elle ? Entendre ce qu’elle dit, elle parle de bonheur ? « Heureux le ventre… »

Mais il lui dit : Heureux ceux qui entendent la Parole de Dieu et la gardent. »

Laisser sa parole résonner en moi, que me dit-elle ?

Traduction de sœur Jeanne d’Arc (Desclée de Brouwer)

Troisième éclairage : Entendre la réponse de Jésus. Lui aussi parle de bonheur : « Heureux plutôt… »

© Sébastien Désarmaux / Godong

Laisser sa parole résonner en moi. Que me dit-il ? Dans ce court passage d’évangile, il s’agit d’un dialogue, mais il n’y a aucun geste ni aucun mouvement décrit. Il y a simplement à voir les personnes et à entendre ce qu’elles disent. Ces quelques points notés, viendra le temps de la prière. Nicole COLLOMBIER

« Heureux le ventre qui t’a porté et les seins que tu as tétés ! »

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Se former

À propos du partage en réunion (suite) « À la suite du partage, personne ne réagit et chacun repart avec ce qu’il a apporté. Pourquoi ? » Voilà la question posée dans le numéro de novembre. Une question à multiples facettes qui mérite qu’on la reprenne ! Car après avoir regardé du côté de celui qui partage, il convient de regarder aussi du côté de ceux qui écoutent. Il est en effet frustrant de partager ce qui tient à cœur et de n’avoir aucun écho en retour. À la longue, l’on pourrait même penser que ce que nous apportons lors des réunions n’intéresse personne ! À ce silence, peut-être y a-t-il une raison toute simple : le groupe est encore trop jeune et il n’y a pas eu assez de temps pour se connaître en profondeur et pour établir un climat de confiance. À moins que ce silence ne soit signe d’un respect pour ce qui est partagé et qui rejoint l’intime. Car il serait facile d’entrer dans un débat d’idées, d’apporter la contradiction ou de donner des solutions toutes faites. Mais si ce qui a été partagé est de l’ordre de l’histoire sainte, c’est un autre type de parole qui est attendu en écho.

I

Alors qu’est-ce qui va aider à une telle parole, lors de l’échange ? En premier lieu, notre manière d’être à l’écoute.

Écouter l’autre en profondeur Écouter l’autre vraiment n’est pas toujours facile ! C’est d’abord l’accueillir avec un a priori bienveillant, sans jugement, dans l’amour et le respect. C’est l’écouter en profondeur, pour entendre, au travers de ce qu’il relate, ce qui consonne avec l’Évangile, les mouvements qui l’habitent, la cohérence avec son histoire, son combat spirituel, sa chance de croissance… Il s’agit d’essayer ainsi de repérer le travail de l’Esprit Saint en lui.

Écouter aussi ce que cela provoque en soi À moins d’être enfermé dans ses propres préoccupations, la parole de l’autre a un impact ; elle ne laisse pas indifférent. Elle décentre et fait bouger. Comment ? Voilà ce qui est aussi à écouter. Quels sont les sentiments qui m’habitent ? Comment cela rejoint-il ma propre expérience ? Comment cela m’interpelle-t-il ?

C’est de cette double écoute, à condition de se laisser un peu de temps et de silence pour en recueillir les fruits, que pourra monter en soi une parole à adresser à l’un ou l’autre.

Le compagnonnage se vit à travers l’échange Encore faut-il ensuite se risquer à la dire ! Simplement, humblement, sans souci du résultat, dans la confiance que le Seigneur est là, en chacun. N’hésitons pas à dire à l’autre ce qui nous a éclairés, questionné, ce qui a suscité un désir dans ce qu’il a dit ; c’est un cadeau pour lui. N’hésitons pas à lui dire ce que nous avons vu comme constante, comme nouveauté, comme recherche, ou à le questionner pour clarifier ou approfondir. Car c’est à travers ces paroles échangées, que se vivra un compagnonnage et que chacun pourra avancer pas à pas sur son chemin à la suite du Christ. Marie-Élise COURMONT

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© Alain Pinoges / CIRIC

Voir la fiche pédagogique « En réunion CVX, s’écouter… mais ensuite ? »

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Se former

UN PAS DE PLUS EN COMPAGNONNAGE Du côté des animateurs

Anne-Laure de Coincy (Paris) a animé la session « Un pas de plus en compagnonnage » à plusieurs reprises ; elle revient sur cette expérience. En quoi cette session vous semble-t-elle pertinente ? Cette session permet d’échanger sur les limites auxquelles nous nous heurtons parfois dans nos communautés locales, après quelques années. « On manque de temps », « ça s’affadit », etc.

C

Elle propose de réexpérimenter, l’un après l’autre, chaque moment d’une réunion et de sa préparation : relecture axée sur les motions intérieures, prière commune, premier tour/temps de partage, temps de silence, second tour/temps d’échange, temps de silence, évaluation. Chacun de ces temps a son importance, et le week-end permet de le vivre très concrètement. Enfin elle redonne quelques moyens pour faciliter l’échange au second tour : un partage plus centré sur les motions intérieures – et non pas sur les faits – peut davantage donner prise à l’interpellation ; une parole qui peut être non seulement une parole pour l’autre, mais aussi une parole sur la façon dont l’autre m’a évangélisé, ou une parole pour la communauté.

Cette session revient sur les manières de faire en communauté locale. Y a-t-il un enjeu à mieux les vivre ?

cet engagement apostolique » dans les « réalités, même les plus humbles, de la vie quotidienne » (Principes généraux n° 8).

D’abord cette formation donne des idées et l’envie d’aller plus loin, d’être stimulé, encouragé, dans sa vie de communauté locale, avec le désir de s’en remettre davantage au Seigneur et à ses compagnons.

Comme animatrice, comment repartez-vous d’une telle session ?

Elle permet de mieux comprendre comment s’aider à discerner nos lieux de mission respectifs, s’envoyer, se soutenir et évaluer.

Dans la joie et l’action de grâces ! Quelle joie, en particulier, lorsque sont nommés et offerts au Seigneur lors de l’Eucharistie les « pas de plus » désirés par chacun ! « Deo gratias » !

C’est donc un temps privilégié qui permet de reprendre conscience que ce qui est en jeu dans nos réunions locales, nationales ou mondiales : « devenir des chrétiens engagés » (Principes généraux n° 4), reconnaissant la pratique de la prière et du discernement personnels et communautaires, de la relecture quotidienne et de l’accompagnement spirituel comme « d’importants moyens pour chercher et trouver Dieu en toutes choses » (Principes généraux n° 5), avec une communauté qui « nous aide à vivre

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Du côté des participants Membre de la CVX depuis plusieurs années, je croyais avoir compris le fonctionnement de la communauté, son organisation, sa méthode.

Désireuse de mettre mes pas dans ceux du Christ, j’y avais trouvé la relecture et les retraites ignatiennes comme moyen de goûter la joie qui vient de Dieu, de me reconnaître aimée, en route avec mes compagnons. Je me suis inscrite à la formation « un pas de plus en compagnonnage » sans attente particulière, juste intriguée par « ce pas de plus ». de ce partage lorsque nous ne sommes pas sur la même longueur d’onde. J’ai goûté nos réunions en grand groupe qui ont clarifié, comme une révision, les grandes lignes de la CVX.

Durant ce week-end, j’ai d’abord retrouvé des frères en Christ. J’ai apprécié mon équipe d’un weekend et réexpérimenté l’intensité du partage basé sur l’écoute de l’autre. Mais parce qu’il n’est pas toujours facile de s’écouter, j’ai aussi pu mesurer les difficultés

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Mon pas de plus ? - Plus de repères sur la communauté vie chrétienne

© Patrice Thébault / CIRIC

- Plus de désir d’une relation vraie à Dieu, au fil des jours, par la relecture à travers la prière d’alliance des motions spirituelles qui accompagnent chaque moment vécu, en vue d’une rencontre plus authentique de mes frères. - Plus d’expérience de la communauté dans sa pâte humaine et la joie de découvrir le pardon possible en communauté. Pour, je le désire, beaucoup de pas en plus… Sabine REGAUD

EN QUELQUES MOTS La session « Un pas de plus en compagnonnage » s'adresse aux membres qui ont déjà quelques années en CVX. Elle commence le vendredi soir et se termine le dimanche après-midi. Elle permet de relire l'expérience déjà vécue, et de se confronter à la visée et aux enjeux de la communauté nationale, en lien avec les orientations de la communauté mondiale. La démarche proposée, à la fois personnelle et communautaire, amène chacun à vérifier son goût pour le chemin proposé, et à envisager le « pas de plus » à faire avec ses compagnons de communauté locale. Au fil des sessions, les participants confient leurs découvertes :

• La notion de communauté apostolique (c’est-à-dire envoyée).

• Les 4 mouvements que nous essayons de vivre ensemble : discerner, envoyer, soutenir, évaluer.

• La relecture de vie, les mouvements intérieurs, les préalables nécessaires à nos rencontres.

• Le bien-fondé de nos manières de faire, en particulier le « second tour » de nos réunions.

Calendrier 2010 22 au 24 janvier à Lyon ; 5-7 février en Midi-Pyrénées ; 6-7 mars en Alpes du Nord. Renseignements et inscription auprès du correspondant formation de votre région.

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Pour se former…

Se former

Centre Sèvres Facultés jésuites de Paris

Les ateliers de la CVX

Être appelé par Dieu

Les ateliers résultent d'un désir manifesté par des membres de la Communauté Vie Chrétienne de pouvoir partager leurs expériences dans un domaine commun, pour approfondir ensemble certaines questions actuelles.

Le jeudi, du 04/02/10 au 08/04/10 de 19h 30 à 21h 30 Mme Nicole JEAMMET

Le fait de connaître et d'être confronté aux mêmes réalités permet d'aller « plus vite, plus loin » dans l'échange, et de s'interroger mutuellement sur les manières d'être chrétiens dans ce monde.

Chrétienne ou « préchrétienne » ? Etty Hillesum ou la compassion comme chemin vers « Dieu »

Au sein d'un atelier, des personnes qui n'ont pas souvent l'occasion de se rencontrer mais qui travaillent dans un même milieu peuvent ainsi échanger. Avocats, magistrats et visiteurs de prisons pour l'atelier Justice. Enseignants de la maternelle à l'université dans l’atelier CVX Éduc'. Infirmiers, médecins et autres soignants professionnels dans l'atelier Santé, etc. Il existe actuellement dix ateliers : Retrouvez la présentation détaillée de ces ateliers et les contacts utiles sur le site cvxfrance.com, rubrique Ateliers

Établissement privé d’enseignement supérieur libre

• Atelier Arts • Atelier Chrétiens Coresponsables de la Créa-

tion (CCC). Prochaine rencontre : 9 et 10 janvier à Troyes avec Mgr Stenger sur le thème « Une espérance à recevoir et à partager »

• Atelier CVX Éduc’ • Atelier Étranger. Prochaine rencontre :

9 janvier à Paris

• Atelier Évolutions du monde du travail • Atelier Justice • Atelier Politique • Atelier Précarité • Atelier Servir l'Église. Prochaine rencontre :

17 et 18 janvier en région parisienne sur le thème « Être en Église au service du monde »

• Atelier Ressources Humaines.

Prochaine rencontre : 26 (soir) au 28 mars à St Hugues de Biviers sur le thème « Vivre la violence des conflits au travail »

Trajectoires de « spirituels » : l'impact du religieux sur le psychique Le lundi, du 08/02/10 au 29/03/10 de 19h 00 à 21h 00 Dr Jacques ARÈNES

Le mardi, du 09/03/10 au 13/04/10 de 19h 30 à 21h 30 P. François MARXER

À l'épreuve du bien et du mal : le chemin spirituel de Bernanos Le mardi, du 09/03/10 au 13/04/10 de 14h 30 à 16h 30 P. Dominique CUPILLARD sj

L'avenir du monde selon Teilhard Le mardi, du 09/03/10 au 13/04/10 de 19h 30 à 21h 30 Melle Évelyne MAURICE fcm

Initiation à la théologie chrétienne (II) « Le concile Vatican II dans la vie de l'Église » Le mercredi, du 10/03/10 au 12/05/10 de 20h 00 à 21h 30 P. François BOËDEC sj

À partir des « Exercices spirituels », quelques repères pour la vie chrétienne aujourd'hui Le jeudi, du 11/03/10 au 27/05/10 de 14h 30 à 16h 30 P. Bernard MENDIBOURE sj

Renseignements et inscriptions : 35 bis, rue de Sèvres, 75006 Paris Tél. 01 44 39 75 00 Fax. 01 45 44 32 06 www.centresevres.com

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spiritualité ignatienne

Apprendre à se décider La manière d’Ignace de Loyola Nos vies sont faites de décisions. Petites décisions au quotidien : dépenses selon le budget, relations, loisirs… Grandes décisions, qui engagent à long terme : orientation scolaire et professionnelle, mariage, changement de logement, engagement dans une association, un service, etc. N’y a-t-il pas un lien entre les petites décisions et les grandes ? Les décisions portant sur le « faire » ne préparentelles pas celles qui portent sur l’être ? Le monde d’aujourd’hui ne nous oblige-t-il pas plus que celui d’hier à poser des choix ? Le P. Jacques Fédry, jésuite français vivant au Burkina Faso, nous donne quelques repères. Qu’est-ce que décider ? Décider, c’est douloureux, et cela nous fait peur. Nous voudrions pouvoir garder toutes les possibilités ouvertes devant nous, le plus longtemps possible. Or, décider c’est trancher ; c’est dire non à ceci pour dire oui à cela. Decidere (avec i long en deuxième syllabe), en latin, signifie « détacher en coupant, couper, retrancher, d'où trancher, décider ». Décider, c’est mettre un terme à l’hésitation de la délibération, qui pèse le pour et le contre, en optant pour une voie et donc en renonçant aux autres : ce chemin-ci, et pas ceuxlà, cette femme-ci et pas celles-là. Le oui implique toujours un non. Maurice Blondel a bien exprimé la perte inhérente à tout choix :

D

« On ne marche, on n'apprend, on ne s'enrichit qu'en se fermant toutes les voies sauf une, et qu'en s'appauvrissant de tout ce qu'on eût pu savoir et gagner autrement.1 » Décider est l’acte le plus personnel, le plus précieux de notre liberté : là où nous sommes le plus nous-mêmes, au plus intime de notre intime, là est Dieu en nous, au cœur et à la source de notre décision. « Ce sont nos décisions qui nous construisent. C’est jour après jour, minute après minute, exactement décision après décision que nous construisons notre vie éternelle. Pourquoi donc ? Tout simplement parce que le Christ ressuscité est au cœur des décisions que nous prenons2. »

Se décider ne va pas de soi et suscite bien des peurs.

• Peur de décider, pour pouvoir se garder toutes les possibilités toujours ouvertes ; décision toujours repoussée.

Peur de l’affrontement avec l’autre, peur de dire « je ».

1

Maurice Blondel, L’Action (1983), Presses Universitaires de France, 1950.

Peur du « qu’en dira-t-on », de ce que vont penser les autres ; de leur critique ou opposition.

Maladie du désir, dispersés dans tous les sens, attirés par la consommation sans fin, entraînés dans un zapping indéfini, nous ne savons plus vraiment ce que nous voulons…

Incapacité à laisser advenir une décision venant de notre être le plus profond et le meilleur, la source divine au fond de nous,

2

François Varillon, Joie de croire, joie de vivre, Bayard,1989

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Se former

spiritualité ignatienne parce que nous avons déjà tout « ficelé d’avance » : des attachements « désordonnés » que nous ne sommes pas prêts à remettre en cause, nous empêchent de prendre une décision libre…

(avant la conversion). • Faire de grands projets pour Dieu (Loyola et Manrèse). • Laisser Dieu réaliser son projet en lui (après le retour de Jérusalem).

presque toutes ses lettres dit bien sa visée : « Daigne sa divine et souveraine bonté nous donner à tous la grâce d’avoir toujours le sens de sa très sainte volonté et de l’accomplir entièrement. »

L’expérience d’Ignace de Loyola, un homme de décision

Ce projet de Dieu se précisera progressivement : « aider les âmes », un projet qui exigera un patient détour par les études et prendra forme dans un corps apostolique constitué avec un groupe de compagnons, « amis dans le Seigneur », après un long discernement communautaire. Ignace apprendra à se dessaisir de son propre projet pour accueillir celui de Dieu et le laisser se réaliser. Rome prendra la place de Jérusalem. La formule qui conclut

Les Exercices spirituels, une école de décision Ce qu’Ignace a vécu, il en a laissé le mode d’emploi, si l’on peut dire, dans les Exercices, une véritable école de décision. « Exercices spirituels pour se vaincre soi-même et ordonner sa vie sans se décider en raison de quelque affection qui serait désordonnée » (ES 21).

© Barbara Strobel

Ignace de Loyola, né dans une période de mutation à la fin du Moyen Âge et à l’aube de la Renaissance, est un homme de décision. L’histoire de sa vie est celle d’une conversion du désir, qu’on pourrait schématiser en trois grandes étapes : • Faire des projets sans Dieu

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La décision y apparaît bien l’acte central de la liberté, entre deux termes opposés : « ordonner sa vie » en se libérant des attachements « désordonnés ». Une vraie décision ne peut être prise qu’en étant d’abord reçue. Voici les principales étapes de cette dynamique de la décision dans les Exercices spirituels :

Reconnaître le don, accepter d’être aimé : source secrète de joie en moi, force du désir : « Le désir est la pierre angulaire de la décision, le point de départ d'un choix3. »

• Liberté intérieure pour articuler de façon juste les moyens à la fin : ne pas « ficeler les choses d’avance », ne pas faire des moyens une fin.

Accueillir le pardon : me savoir pécheur pardonné et aimé de Dieu.

Suivre le Christ qui m’a sauvé pour vivre avec Lui et comme Lui.

• Éprouver la générosité par le discernement : l’Ennemi nous trompe sous couleur de bien.

• Prendre sa décision de servir le Christ en la recevant de Dieu, en demandant sa confirmation.

Comment se décider au quotidien (à la manière d’Ignace de Loyola)

Attitudes en amont de la décision : X Revenir à la source de mon désir profond, au meilleur que Dieu a mis en moi. Y Relire ma journée sous le regard de Dieu, pour y discerner ses appels.

Z Relire ma vie en dialogue régulier avec un confident ou une confidente. [ En période de trouble, ne pas engager l’avenir (urgence d’attendre !). \ Gare à la tentation sous couleur de bien ! (la générosité peut nous piéger : l’éprouver par le discernement). ] Dans la surcharge des occupations, me donner des temps de pause et de repos pour réviser mes choix.

Procédures au moment de la décision X Bien clarifier le point à trancher et n’en avoir qu’un seul. Y Avant de choisir le moyen, me rappeler clairement la finalité recherchée ; vérifier ma liberté intérieure pour ne pas prendre tel moyen plus que tel autre, sans confondre les moyens et le but. Z Soumettre à Dieu, dans la prière, le choix à faire, en lui demandant de me montrer laquelle des options possibles lui agrée davantage ; me décider comme j’aurais voulu l’avoir fait le jour de ma mort, devant Dieu. [ Recueillir les sentiments éprouvés en moi pour l’une ou l’autre option et sentir, devant Dieu, vers quoi penche la balance. \ Si je ne « sens » aucun mouvement du cœur, mettre par écrit les raisons pour ou contre chacune des options et déduire de quel côté les arguments pèsent le plus lourd : Dieu nous parle aussi par la raison.

] Une fois la décision prise, la présenter au Seigneur dans la prière, en lui demandant de bien vouloir, par la paix qu’il me fera éprouver, me confirmer sa volonté.

Conclusion Se décider en remontant du « faire » à « l’être », en passant du « prendre » au « recevoir ». Derrière ce que je choisis de faire, se construit en moi en réalité ce que je veux être. Nous avons chaque jour à poser des choix : c’est par eux que nous orientons notre vie, selon l’amour qui habite notre cœur comme le champ magnétique oriente l’aiguille aimantée de la boussole.

3

Marie-Luce Brun, Oser décider, Paris, Éditions de l’Atelier, 2005, p. 34.

Ces choix sont une mort et une résurrection : « Chacune des décisions humaines humanisantes qui font mourir en quelque sorte notre égoïsme est un passage à la vie divine, chacune de ces morts est une nouvelle naissance. La décision a une structure pascale, une structure de mort et de résurrection4. » La décision n’est jamais autant nôtre que lorsque nous la recevons de Dieu. Comme le Christ, c’est en discernant et accomplissant la volonté du Père que nous devenons le plus personnellement nous-mêmes.

4

François Varillon, Joie de croire, joie de vivre, Bayard,1989

Jacques FÉDRY sj Voir du même auteur : Libre pour se décider, La manière d’Ignace de Loyola, Vie chrétienne.

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À la suite du Christ, osons l'hospitalité !

1 Vous voulez en savoir plus sur cette réflexion de l'ESJ ? Rendez-vous dans le Livret du congrès p.28 et sur http://pass-ignigo. blogspot.com

Les jeunes sont trop peu nombreux dans la Communauté Vie Chrétienne, sans doute en raison de structures et de modes de fonctionnement mal adaptés à leurs demandes et à ce qu’ils vivent. L'Équipe Service Jeunes1 nous invite à réfléchir sur la place qui leur est donnée et sur les motivations qui nous animent. Dans un monde où valeurs et repères semblent fluctuants, dans une société où tout va très vite mais où la soif spirituelle n'a peut-être jamais été aussi profonde, à une période de la vie où de multiples choix se posent, avec tout leur corollaire de ques-

Le Christ nous montre le chemin : osons l'hospitalité !

Offrir généreusement Osons tout d'abord aller à la rencontre de ces jeunes générations, sans vouloir nécessairement en faire de futurs compagnons, mais gratuitement, pour apprendre

© Alain Pinoges / CIRIC

D

tionnements, CVX a vraiment un trésor à partager avec les jeunes générations. Il s’agit d’une mission urgente. Mais comment rejoindre les jeunes ?

Pendant une « messe qui prend son temps », au cours du rassemblement organisé par le RJI à La Louvesc (Ardèche) en juillet 2008.

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à les connaître, pour entendre leur soif. Prenons donc le temps de nous asseoir au bord de leurs puits pour leur dire, comme Jésus à la Samaritaine : « Donne-moi à boire. »2 Dans une Église et une société où l'on a tendance à faire des propositions qui ne partent pas forcément des attentes des jeunes, oui, notre communauté peut être vraiment prophétique, même si cela nous demande d'innover : nous disposons d'outils précieux (relecture, exercices spirituels, prière ignatienne…), sachons les adapter pour les mettre au service de la croissance spirituelle des jeunes, à leur couleur, à leur pas. N'ayons pas peur d'offrir généreusement ce que nous-mêmes avons reçu gratuitement3 : le trésor de notre spiritualité ! N'hésitons pas cependant à mutualiser nos forces : le Mouvement Eucharistique des Jeunes et le Réseau Jeunesse Ignatien portent eux aussi cette même question, partageons nos richesses, sachons ensemble ouvrir de nouveaux chemins4… Et si, pour mieux connaître de l'intérieur ces jeunes que je ne fais que croiser ou côtoyer, j'acceptais par exemple de donner un peu de mon temps pour accompagner un camp MEJ l'été prochain ? Certains ont osé cette expérience et en sont revenus transformés… Car l'hospitalité implique une vraie rencontre mutuelle, qui suppose le déplacement de part et d'autre.

Ouvrir nos communautés Deuxième mouvement, osons l'hospitalité au sein même de notre Communauté : « l'accueil est un des premiers signes qu'une communauté est vivante. Permettre à d'autres de vivre dans la communauté est signe qu'on n'a pas peur, qu'on a un trésor de vérité et de paix à partager. »5 Cet accueil des jeunes en CVX peut nous interroger ou nous faire peur : le style de vie de cette génération « zapping » n'estil pas incompatible avec le lent compagnonnage nécessaire à une communauté locale pour grandir en maturité ? Notre communauté est-elle suffisamment solide pour se laisser bousculer par une arrivée impromptue ? Les jeunes peuvent-ils vraiment trouver leur place malgré les différences d'âge ou d'expériences ? C'est là que Jésus nous invite à la confiance : « descends vite, il faut que je demeure aujourd'hui chez toi. »6 Ouvrir nos communautés locales à des jeunes, peut-être pas pour un cheminement de plusieurs années mais pour un compagnonnage de quelques mois : pour un jeune qui débarque pour une formation dans une région où il ne connaît personne, quelle joie profonde de pouvoir relire cette période de bouleversements… Ouvrir nos communautés locales en cours d'année parce que la mobilité professionnelle de notre société ne colle pas forcément ni avec l'année civile, ni avec l'année scolaire… mais quand on a déjà l'expérience d'un compa-

gnonnage régulier, quel soulagement de retrouver des frères rapidement pour pouvoir continuer à approfondir sa foi sous le regard de Dieu ! Ouvrir nos temps forts (en communauté locale, rencontres régionales, retraites, formations,…) à la réalité de jeunes parents avec des enfants en bas âge : là encore, quel bonheur de se sentir accueillis dans tout ce qui fait une vie de famille ! Proposons des communautés locales jeunes si le besoin s'en fait sentir, mais osons aussi la rencontre mutuelle entre les générations car la richesse de la Communauté Vie Chrétienne, c'est avant tout un vrai compagnonnage nourri des expériences de vie de chacun, pour chercher et trouver ensemble le Christ dans nos existences. Le mot « hôte », à l'origine, ne désigne-t-il pas aussi bien celui qui donne que celui qui reçoit ? Accueillir l'hôte au nom du Christ, c'est se découvrir accueilli par le Christ lui-même. Même si comme Marie nous nous demandons : « comment cela vat-il se faire ? », osons un « oui » généreux et inconditionnel : le mystère de l'accueil, c'est aussi celui de l'Incarnation. Rappelons-nous l'interpellation de Paul aux Hébreux8 « N'oubliez pas l'hospitalité : il en est qui, en l'exerçant, ont à leur insu logé des anges »… Le Seigneur passe…

2

Jean 4,10

5

Jean Vanier, La communauté, lieu de fête et de pardon, Fleurus, Bellarmin, 1989, cité dans L'Hospitalité, recueil de textes non bibliques, Éditions de l'Atelier, 1996, p. 71

3

Matthieu 10,8

6

Luc 19,5

4

L'Équipe Service Jeunes est ouverte et réceptive à toutes vos expériences vécues ou tentées, n'hésitez pas à nous interpeller, ou, mieux, à prendre contact avec le Délégué Jeunes de votre région : esj.cvx@gmail.com 8

Hébreux 13,12

Pascale JOUSSET au nom de l'Équipe Service Jeunes

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Trouver le titre du Congrès : un long et joyeux travail d’enfantement Béatrice Piganeau de la région Anjou-Maine nous parle du travail réalisé en équipe pour trouver le titre du Congrès : Un « oui » à partager pour la mission. Par quel cheminement l’équipe des dix personnes du pôle animation en est-elle arrivée à trouver le titre du congrès ?

L

L’Équipe Nationale nous avait fait une commande en précisant ce que devait faire passer le congrès. Dans un document de sept pages, Paul Legavre nous disait que ces

trois jours devraient d’abord être une réception du message de Fátima qui rappelait la vocation de la Communauté à être un corps apostolique. Et parler de corps apostolique suppose qu’il y ait engagement et que, pour être efficace, un corps apostolique doit réformer sa gouvernance. Et cet engagement, la communauté ne le vit pas seule mais en participant à la mission de l’Église etc…

Le menu ne paraissait-il pas copieux et quelque peu indigeste ? Un peu et nous voulions être compris par des gens qui, venant pour la première fois au congrès, ne seraient pas totalement familiers du vocabulaire de la CVX. Alors nous avons décidé d’écarter les « gros mots », ceux qui ne sont pas immédiatement compréhensibles comme par exemple, corps apostolique, gouvernance, engagement. Nous avons aussi cherché un fil directeur pour relier les éléments qu’il fallait intégrer. Nous cherchions une dynamique qui pourrait permettre aux participants de faire une expérience spirituelle pendant le congrès.

© Marcel Crozet / CIRIC / ADAGP

Les discussions entre vous ont-elles été animées et même difficiles ? Les échanges ont été riches et intéressants car chacun voyait les choses différemment. Si pour certains la référence à l’engagement ne posait pas de problème, pour d’autres, elle n’allait pas de soi. Il en était de même pour le « corps apostolique » et pour la gouvernance. Aussi chacun a dû faire un chemin, et parfois même une

« Faites tout ce qu’il vous dira » Les Noces de Cana, Arcabas, Notre-Dame de la Salette.

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conversion, pour comprendre ce que l’un ou l’autre voulait dire.

Quelles ont été les étapes pour arriver à la formule simple, claire et accessible du titre actuel ? Nous avions travaillé ensemble plusieurs fois dans l’année et, lors d’un week-end à la fin de l’été, nous avons décidé de ne pas nous séparer sans avoir trouvé un titre. Avant de nous réunir, nous avions décidé de mettre sur Google les titres qui nous venaient à l’idée afin que chacun puisse s’imprégner de ce qui inspirait les autres. Il y avait une vingtaine de propositions.

Étaient-elles très différentes les unes des autres ? Certaines proposaient que l’on évoque Marie et Bernadette, ce qui n’indiquait que par ricochets ce qu’on voulait faire au congrès. D’autres suggéraient des titres du genre « voyez comme le Seigneur est bon ». Cette phrase décrivait bien ce que nous avions vécu ensemble, mais nous pensions que cette formule pouvait déconcerter les congressistes. Nous nous sommes alors demandé quel était le titre qui nous parlait le plus.

Était-il déjà dans la liste ? Non, mais très rapidement nous avons pris conscience que c’était la parole qui nous unissait, la Parole de Dieu et la parole des membres de CVX qui échangent entre eux. Et que cette parole, circulant entre Dieu et nous, ci-

mentait la communauté. Nous en sommes alors arrivés à l’idée du partage car nous partageons cette parole avec Dieu, avec les autres et avec les membres de l’Église. On débouchait alors sur la mission car on partage pour la mission. Restait à exprimer notre conviction en termes simples et compréhensibles pour tous. Alors quelqu’un a proposé le « oui » qui est une parole forte : le « oui » de Marie, le « oui » de Jésus sur la Croix, le « oui » de notre engagement à CVX, le « oui » en réponse à tous les appels que nous recevons dans nos vies.

Et tout de suite la formule « Un oui à partager pour la mission » nous a accrochés. Mais, nous méfiant un peu du climat d’euphorie collective, nous avons décidé de prendre la nuit pour réfléchir. Et le lendemain, après la prière, nous avons choisi ce titre car il rassemblait ce que nous voulions dire de la dynamique du congrès. Nous avions beaucoup cherché et travaillé pour trouver ce titre mais nous avons eu le sentiment de l’avoir reçu, en quelque sorte. Propos recueillis par Yves de GENTIL-BAICHIS

Un « oui » à partager pour la mission D’emblée ce titre m’a fait m’imaginer des compagnons en chemin. un oui à partager Ils sont quelques-uns, ils se parlent, ils vont dans une même direction. un oui pour la mission Attirés, poussés par l’Esprit du Christ Qui les envoie dans le monde entier Ils ont accepté de porter ensemble son « goût de vivre » à leurs contemporains. un oui pour Et leur unité, leur projet, leur dynamisme, leur zèle me réjouissent. À l’écoute du même Seigneur Jésus Recevant sa grâce Ces compagnons Qui marchent côte à côte, Parlent ensemble, échangent Et œuvrent de concert pour le service et la louange de Dieu. Voilà une heureuse figure du « corps apostolique » Voilà une joyeuse image de notre CVX Voilà un titre dense en quatre mots (simples !) Qui rappelle pourtant de très près l’invitation de l’Assemblée Mondiale de Fátima « Cheminer comme corps apostolique : notre réponse à cette grâce de Dieu. » Et le « oui » de Marie à l’Annonciation. Bernadette KUNTZ-INIAL Janvier 2010 35

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Lorsque des cvx s’engagent en politique En Slovénie Nadine Croizier, membre CVX de Saint Étienne, est allée cet été à la rencontre de CVX Slovènes. À notre demande, elle a posé quelques questions à Ljudmila Novak, de la CVX Slovénie et présidente d’un parti politique. Ljudmila, pourquoi as-tu fondé un nouveau parti politique ? L. N. : Après la chute du com-

L

munisme, les premières élections démocratiques en Slovénie ont eu lieu en 1990, et pour ces élections, de nouveaux partis politiques se sont créés. À cette occasion est né le parti des Démocrates Chrétiens Slovènes qui a remporté les élections ; le Premier Ministre du premier gouvernement démocratique en était issu. Après des années de succès, puis des années moins heureuses, et des alliances éphémères, les Chrétiens démocrates ont créé un nouveau parti, pour représenter les opinions chrétiennes ; ainsi est né en 2000 Nova Slovenija, le nouveau parti des chrétiens slovènes, qui a été élu au parlement dès les élections suivantes. Nous sommes le seul parti en Slovénie qui travaille dans un esprit chrétien et qui représente les opinions chrétiennes.

Pourquoi t’y es-tu engagée personnellement ? L. N. : J’ai toujours été intéressée par la politique. Je pense que cela signifie travailler au bien commun, à un meilleur avenir pour nos enfants. Mon père a été élu local. Les opinions chrétiennes ont beaucoup de sens pour moi, si bien que je souhaite représenter cet esprit et ces opinions en politique, ainsi que les opinions slovènes traditionnelles. Très impliquée au niveau culturel et local, j’ai été connue et les gens m’ont fait confiance pour être maire de ma commune. Quelques années plus tard, j’ai été élue membre du Parlement Européen. Il y a environ un an, j’ai été élue présidente de notre parti Nova Slovenija ; maintenant j’essaie vraiment de ramener notre parti au Parlement, après qu’il en ait été écarté aux dernières élections. Je suis convaincue que la Slovénie a besoin d’un parti avec des opinions chrétiennes, et je

m’efforce de les maintenir au sein de notre parti.

Qu’est-ce que cela t’a fait découvrir du point de vue de la foi ? L. N. : Si je n’avais pas la foi, je ne crois pas que j’aurais persisté en politique. Chaque fois que je pense aux injustices, aux accusations que j’ai subies, je pense que Jésus-Christ a dû traverser tout cela. Dieu lui-même n’est pas aimé de tous, alors comment pourraisje l’être ? La foi me conduit aussi à chercher des décisions justes, et à travailler pour la vérité, la justice et le bien commun.

Quelle aide trouves-tu à CVX ? L. N. : Les amis de la Communauté m’aident par les conversations que nous avons et par leurs avis. Me sachant ainsi soutenue, il m’est plus facile de représenter vraiment ce que je vis et ce que je souhaite pour le bien commun. Nous parlons aussi de tous les

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aspects de la vie et de la société, avec leurs problèmes, et du manque de croyance en Dieu du monde actuel. Enfin, le plus important : ils m’encouragent dans ma vie spirituelle et me soutiennent de leurs prières.

Et dans a cette situaa tion, qu’évoquent les mots : discerner, envoyer, soutenir, évaluer ?

© Romeo Ranoco / Reuters

L. N. : En politique, ces verbes

sont très concrets. Un politicien doit discerner la situation politique globale : voir comment vivent les gens, comment ils vont, entendre de quoi ils ont besoin, trouver les bons mots, pour les aider et les encourager. Le vrai politicien doit aussi soutenir les bonnes décisions et les bonnes personnes. Enfin, ce qui n’est pas le moins important, quelles que soient les positions que vous soutenez, vous devez être capable de les évaluer. Et cette évaluation doit s’appuyer sur vos convictions personnelles, dans mon cas mes convictions chrétiennes. Je pense que la bonne combinaison de ces verbes est une clé de réussite et de fécondité dans mon travail avec les personnes. Propos recueillis par

Nadine CROIZIER

Aux Philippines : une présidente ignatienne… La mort, en août dernier, de Cory Aquino, première présidente démocratiquement élue des Philippines, est passée presque inaperçue. Animée d’une foi ardente, Cory Aquino était membre des Congrégations Mariales, devenues depuis Communauté Vie Chrétienne. Pourtant cette femme, que rien ne prédestinait à un mandat politique, a permis à son pays, par son élection en 1986 à la présidence de la république, de sortir de vingt ans de dictature. Veuve de Benigno Aquino, assassiné trois ans auparavant par Marcos,

P

elle faisait partie des Congrégations Mariales, devenues ensuite Communauté Vie Chrétienne. La mobilisation des chrétiens n’a pas été pour rien dans son accession au pouvoir : son élection ayant d’abord été déclarée Janvier 2010 37

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d’entrer de façon non violente dans la démocratie. Elle disait puiser ses forces dans sa foi chrétienne et la possibilité de la partager avec d’autres. Plus de vingt après, une autre

foule s’est retrouvée dans les rues lors des funérailles de Cory Aquino, en hommage à celle qui a ouvert la voie difficile vers plus de justice. Noëlle HIESSE © Laurent Larcher / CIRIC

illégale, une menace de guerre civile pesait sur le pays. À l’appel des évêques, une foule de plus d’un million de chrétiens s’est interposée entre les deux factions en présence, permettant au pays

… et une tradition d'engagement politique D’autres femmes aux Philippines s’engagent en politique, conscientes qu’il s’agit là non pas d’un lieu de pouvoir, mais d’un lieu où il faut être présents pour bâtir une société plus juste et plus humaine. Une femme, membre de CVX, a été élue représentante au Congrès, qui détient le pouvoir législatif. Elle a été invitée à partager avec la CVX, ce que signifiait pour elle, comme membre CVX, le fait de siéger au Congrès. Elle nous a confié combien il lui était difficile de garder son intégrité comme personne et comme chrétienne dans une structure souvent mar-

U

quée par la corruption. Elle pense qu’elle y a réussi grâce à sa formation et son orientation CVX, et avec le soutien de la grâce de Dieu. Beaucoup de membres de CVX sont impliqués dans des mouvements qui font la promotion d’élections propres et honnêtes, en étant scrutateurs, surveillant des urnes ou des isoloirs : un

enjeu important pour maintenir la voie de la démocratie. D’autres membres font activement campagne pour les candidats qu’ils pensent les plus compétents pour être au gouvernement à différents niveaux. Tony DE CASTRO, jésuite, assistant de la CVX Philippines Traduit de l’anglais par Noëlle HIESSE

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