La meurtriere legerete de prosper merimee

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À la mémoire de ma mère, Simone, (1908-2001) en hommage affectueux.


Table des abréviations A.D.C.S. Archives départementales de la Corse du Sud A.S.G. Archivio di Stato di Genova CORS Fonds Corsica de Archivio di Stato di Genova B.S.S.H.N.C. Bulletin de la Société des sciences historiques et naturelles de la Corse E.C. Études corses Franciscorsa Association Franciscorsa, Bastia, (Ancienne Bibliothèque des Franciscains de Corse, Bastia) m.F. Microfilm

Avertissement Dans le texte, les références de page et de ligne données entre crochets tels que [page A, ligne 2] permettent de situer les personnages auxquels ils se rapportent dans les arbres généalogiques situés en annexe n°4.


Avant-propos

C

e livre reproduit, pour l’essentiel, le chapitre XII de la thèse de doctorat d’histoire moderne et contemporaine, soutenue par l’auteur, le 14 janvier 2010, à l’Université de Corse, Pascal Paoli, sous la direction d’Antoine-Marie Graziani, Professeur des Universités : « Les nobles gentilshommes de la Maison de la Serra, descendants de Giovan Paolo de la Serra, ancêtre de tous les Rocca Serra et de tous les Pandolfi ainsi que des Susini et des Vincentelli de Serra ». Dans cette thèse, l’auteur montre le rôle de ces gentilshommes dans l’Histoire de Corse. Il parle, en particulier, des descendants de Geronimo Rocca Serra, ancêtre des Rocca Serra de Sartène, petit-fils de Giovan Paolo de la Serra. Au chapitre XII, l’auteur survole l’histoire de Sartène avec : la fondation de Sartène, en 1550 ; le siège et la prise de la ville, en 1565, par Sampiero Corso ; la razzia, en 1583, des Turcs, commandés par Hassan Veneziano, qui prit la ville et emmena 500 prisonniers en esclavage ; le siège de Sartène, en 1800, par des notables de la montagne. Puis, l’auteur après avoir parlé des Durazzo de Fozzano qui ont émigrés à Sartène et des descendants de Geronimo Rocca Serra, en arrive aux tragiques événements qui, à Sartène, ont précédés et suivis la fusillade du 16 septembre 1830, qui fit deux morts

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et cinq blessés. Enfin l’auteur met en cause Prosper Mérimée et démontre sa lourde responsabilité dans la mort de Jérome Rocca Serra, dit u Bisentellucio (1801,1843), un notable de Sartène. Prosper Mérimée (1803-1870), après des études de droit, entama une carrière littéraire, tout en travaillant dans la fonction publique et dans les cabinets ministériels. En 1839, il est nommé Inspecteur général des Monuments historiques. Sa vie durant, parallèlement à ses activités littéraires, il se consacrera à cette tâche. Cette même année, il fit si bien qu’il fut envoyé en Corse avec mission de recenser les monuments historiques, d’évaluer leurs mérites et les sommes qu’il serait nécessaire d’affecter à leur conservation et à leur restauration. Chacun sait que Prosper Mérimée pour écrire son roman Colomba, trouva son inspiration à Fozzano (Corse-du-Sud), où il rencontra Colomba Carabelli, épouse Bartoli, qui immortalise la vendetta corse, par son acharnement à vouloir venger son fils Antoine-François, tué le 30 décembre 1833 par les Durazzo de Fozzano. Mais, Prosper Mérimée s’inspira également du double coup de feu de Jérôme Rocca Serra, un notable de Sartène, chez qui il résida pendant une semaine du 6 au 15 septembre

Colomba illustration de Gaston Vuillier (Calmann Levy, 1897)

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1839 et qui quelques années après la fusillade du 16 septembre 1830, blessé au bras gauche, tua le 20 février 1833, d’un doublé mémorable, deux frères Pietri, Alexandre et Camille. Le roman Colomba de Prosper Mérimée fut publié en 1841. Il est considéré comme l’un des chefs d’œuvres de la littérature française. Le critique littéraire Sainte-Beuve compara Prosper Mérimée à Sophocle et écrivit : « La Colomba de Prosper Mérimée est un chef d’œuvre […]. Je ne connais rien de si beau, de si parfait, de si fin […] » Les Rocca Serra de Sartène comme tous les Rocca Serra sont originaires de Serra di Scopamene, les Durazzo, de Fozzano, deux villages de Corse du sud. Les tours des deux familles autrefois rivales, Carabelli (Tour de Colomba) et Durazzo

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Fozzano situé dans la Rocca inférieure, à 420 m d’altitude, est le village où Prosper Mérimée trouva son inspiration pour son roman Colomba. Ce village a été le témoin de la rivalité et de la guerre, remontant au moins en 1793, qui opposa les Carabelli (Colomba) et les Durazzo. Ces deux familles n’ont pas le même ancêtre et pourtant, concernant Colomba, on pourrait parler de


guerre familiale puisque sa mère est une Bernardini qui a le même ancêtre que les Durazzo. À Fozzano, on peut y voir encore la tour de Colomba, tour d’in giò (d’en bas) construite en partie au xive siècle, torre vecchia, reconnaissable, sur la photo, par ses machicoulis et la tour Durazzo, la plus en hauteur, reconnaissable à son balcon, torre nova, construite en 1548. À Fozzano on peut voir également le tombeau de Colomba et de son fils François-Antoine, tombeau qu’elle fit ériger pour ce dernier en face de sa maison.

Le Durazzo le plus connu est Michele qui fut général de la Rocca, lors de la guerre d’Indépendance (1729-1769). Fozzano avait autrefois de nombreux hameaux dont Campomoro où est située l’importante tour génoise. Les habitants de Fozzano étaient des agriculteurs (céréales et olives). Tous les ans sont organisées à Fozzano les « Journées Colomba ». Serra di Scopamene est un village situé au cœur de l’Alta Rocca, à 850 m d’altitude. Son habitat est fort ancien. Des fouilles réalisées de 2008 à 2013 par Kewin Peche Quilichini ont mis en évidence des structures d’habitat allongées à extrémités absidiales, constituant le village protohistorique de Serra, vers 650-450 avant J.-C. (premier âge de fer). Au dessus du village se trouve le Pianu, hauts plateaux du Haut Cuscionu, autour de 1 600 m, vastes paturages d’été qui firent la richesse des seigneurs de l’Alta Rocca. Couverts de neige l’hiver, les Anciens durent inventer une transhumance inverse (de la montagne vers la plaine), nécessité impérieuse pour le bon équilibre agropastoral des habitants du village qui étaient avant tout des éleveurs. Cette transhumance est fort ancienne, on en trouve la trace jusqu’en l’an 1000. Pour pouvoir mettre en place cette transhumance les aborigènes prirent possession des terres de la plage de San Martinu, à 60 km du village où s’implantèrent de nombreux hameaux. 10


Le village à la fin du Moyen-Âge était déjà composé des trois actuels quartiers : Vangonu, Chiesa, Aquafredda. Le Vangonu, quartier des descendants de Giovan Paolo de la Serra, niché au pied d’une colline (1 177 m) semble sous la protection de l’antique château féodal situé à son sommet. Ce château est le point de départ d’une chaine de châteaux, relais visuels et points d’appui, permettant de contrôler toute la Rocca. Le château de Cuciurpula fut possédé par différents seigneurs de la Rocca : appartenant à Ladro Biancolaccio, seigneur de Capula, il fut pris par Giudice della Rocca en 1245, possédé par Arrigo de Litalla en 1336, ruiné en 1393 par le gouverneur génois de l’époque, il fait partie du dispositif de Polo della Rocca (qui sera comte de Corse en 1436), et sera pris par Vincentello d’Istria († 1434), vice-roi de Corse au nom du roi d’Aragon Alphonse V, en février 1426. Redevenu propriété de Polo, il est possédé en 1503 par son petit fils Rinuccio della Rocca qui y écrivit une lettre le 14 septembre. (Archivio di Stato, Fonds dits exterieurs, Banco di San Giorgio, Primi Cancellieri di San Giorgio, Busta 41, Franciscorsa, m.F. 400964). Un quartier de Serra di Scopamène

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Le château fut définitivement ruiné en 1507 par Andrea Doria, futur amiral de François 1er puis de Charles Quint et seuls quelques vestiges peuvent être aperçus sur la pointe de gauche de la colline.


Fozzano et Serra di Scopamene, villages sociologiquement, bien semblables Les villages de Fozzano (Rocca inférieure) et de Serra di Scopamene 1 (Alta Rocca) présentent d’étonnantes similitudes. On observe, en effet, que, dans ces deux villages : les familles (sept à Fozzano et quatre à Serra) qui constituent l’essentiel de la population, sont issues d’un ancêtre fondateur, Orsone de Fozzano 2 et Giovan Paolo de la Serra, contemporains et vivants approximativement dans la deuxième moitié du xve siècle. les familles issues de ces ancêtres fondateurs ont vécu, au sein de ces deux villages, jusqu’à la première moitié du xxe siècle, repliées sur elles-mêmes et mettant tout en œuvre pour se protéger de tout apport extérieur. parallèlement, certains membres de ces familles se sont distingués en émigrant hors de leur communauté d’origine : les Durazzo à Sartène, les Rocca Serra à QuenzaPorto-Vecchio, à Levie et à Sartène. Alors que Prosper Mérimée ignorait tout de ces similitudes et que sa double inspiration était pure coïncidence, il est intéressant de constater que Colomba œuvre littéraire, rédigée à Paris, nous a permis de relier deux villages corses, Fozzano et Serra et de mettre en évidence leur ressemblance au plan historique, sociologique et ethnologique. Mais notre étude mettra, également, en évidence, ce qui ne remet pas en cause le génie littéraire de Prosper Mérimée, qu’en s’inspirant de faits réels survenus à Fozzano et à Sartène, celui-ci a fait preuve d’une coupable légèreté puisque celle-ci entraina la mort de Jérôme Rocca Serra.

1. À partir de cette page, parlant de Serra di Scopamene, nous écrirons Serra. 2. Sur Orsone de Fozzano, cf. page 58, note 9 de ce livre.

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I

Les Durazzo, la vendetta et la vraie Colomba Origine du nom patronymique Durazzo Le nom patronymique Durazzo vient du nom italien de la ville de Durazzo, (Drastsh en turc, Durtz en slave), actuellement appelée Durrës, en Albanie, dont chacun d’entre nous a, maintes fois, entendu parler lors des douloureux événements du Kosovo. Autrefois, Epidamnus puis Dyrrachium, du temps des Romains, c’était le point de passage le plus fréquenté pour se rendre d’Italie en Grèce, en partant de Brindisi. C’est à Dyrrachium que Pompée se retrancha lorsque la guerre civile fut portée en dehors de l’Italie. César ayant subi une série d’échecs partiels, Pompée décida d’engager toutes ses forces. Ce fut, alors, tout près de là, la célèbre bataille de Pharsale, en 48 avant Jésus-Christ où César battit Pompée d’une façon décisive. Bien plus tard, la ville de Durazzo, avec ses environs, devint un duché qui fut possédé par plusieurs princes de la maison d’Anjou. Les Durazzo apparaissent à Gênes à la fin du xive siècle (vers 1380), venus d’Albanie en passant par la Sicile. Ce sont de redoutables corsaires et l’un d’eux est gardien en darse du port de Gênes. Au xve siècle, on les trouve lainiers, tisseurs, puis ils font de la banque. En 1528, ils sont agrégés à « l’albergo Grimaldi ». Ils donnent, alors, à Gênes, plusieurs doges dont les principaux sont : 13


Jacques, doge de 1573 à 1575, qui parvint à rétablir l’ordre dans Gênes, déchirée par les factions et à empêcher une intervention de l’Espagne. Pierre, doge de 1685 à 1687, qui, après la guerre entre Gênes et la France sous Louis XIV, fit relever les édifices détruits pendant les bombardements de la ville et ratifia le traité conclu à Versailles par son prédécesseur, Lescaro. Jean-Etienne, doge de 1734 à 1736, qui sollicita les secours de la France pour résister à l’insurrection en Corse. Marcellin, doge de 1767 à 1769, qui, en 1768, céda à la France, la Corse que Gênes ne pouvait plus maintenir sous sa domination. Les armes des Durazzo génois sont : « De Hongrie bandée de gueules et d’argent, au chef de France, d’azur à trois fleurs de Lys d’Or ». Elles montrent qu’ils prétendent descendre des Anjou-Durazzo, qui, vers 1400, étaient appelés Durazzo.

Les Durazzo corses ne sont pas apparentés aux Durazzo génois Certains aimeraient qu’il y ait une communauté d’origine entre les Durazzo corses et les Durazzo génois. Cela est impossible. Les Durazzo corses sont originaires de Fozzano. Ils forment l’une des sept familles fondatrices. Ces sept familles ont un ancêtre commun : Giovan Paolo (1557-1657), dont le grandpère Orsone di Fozzano (né vers 1450) était au côté de Rinuccio della Rocca, lors de la fondation du couvent de Sainte-Lucie de Tallano, le 15 mai 1492. Les historiens s’interrogent pour savoir qui étaient les quinze principali (notables locaux), témoins et garants de la fondation du couvent : Carlo et Filippo de Quenza, Marco Aurelio et Pasquino de Carbini, Alessandro et Girolamo Serra, Pietrino, Giulio, Goffredo, Fabiano et Orsontonio de Santa Lucia, Orsone et Paolo di Fozzani (dit, parfois lo prette, père de 14


Francesco). Fernand Ettori 1 parlant du combat de Levie, en septembre 1462, qui opposa les parents du comte Polo, absent car malade, aux parents de son neveu Lodovico, fils d’Orlando le frère du comte, cite comme étant aussi avec Ludovico « plusieurs principali dont on ignore s’ils appartiennent plus lointainement à la Maison (de la Rocca) ou s’ils se trouvent apparentés à elle. Tels sont Guglielmo fils d’Orsone da Fozzano… ». Le père Fidélis 2, quant à lui, était persuadé, bien qu’il n’en ait pas apporté la preuve, qu’Orsone di Fozzano, descendait des Cinarcais 3. Rinuccio della Rocca, le dernier seigneur du fief de la Rocca, éliminé par Gênes, étant mort en 1511, sans postérité, Fernand Ettori écrit : « La Maison de la Rocca ne peut donc se prolonger que par des collatéraux, proches ou lointains. Il serait vain de prétendre suivre les innombrables rameaux qui, en deux siècles de seigneuries, se sont détachés du tronc pour se fondre finalement dans le peuple 4 ». Dans un environnement où il n’y a pas de pouvoir royal pour encadrer la noblesse suivant des règles strictes qui, en particulier, font que seul l’aîné porte le nom du fief, l’arbre se multiplie à l’infini et « devient tellement touffu que le tronc se perd au milieu des branches » (Fernand Ettori). Fernand Ettori écrit également : « Dans l’état actuel de nos connaissances, il est impossible d’affirmer avec certitude que telle ou telle famille, notable au xvie siècle, ne descend pas de la maison de la Rocca… D’une manière générale, il y a présomption que toute famille, riche en terres et influente au xvie siècle, est issue de la maison de la Rocca 5 ». Cela est valable pour les Fozzani et les Rocca Serra. 1. Fernand Ettori, La Maison de la ROCCA, un lignage seigneurial en Corse au Moyen-Âge, Éditions Alain Piazzola, Ajaccio, 1998, page 107. 2. Le Révérend Père Vrydaghs Fidelis est un moine belge, qui fut durant plusieurs années curé à Fozzano. Bien que n’étant pas historien, il écrivit une intéressante monographie sur Fozzano : Père Vrydaghs Fidelis, Notices historiques sur la Rocca, Ajaccio, 1962. 3. Vr. Fidelis cite un document daté du 19 mai 1589, qui montre que Guglielmo, fils de feu Orsone di Fozzano a été reconnu, à cette date, par Gênes, gentilhomme principal de la Rocca. R. P. Vr. Fidelis Notices Historiques sur la Rocca, Ajaccio, 1962, pages 64 à 67. Il découle de ce document, qu’il était en vie en 1565, soit 103 ans après le combat de Levie. Il y a là une incohérence que nous ne pouvons expliquer. À moins que Guglielmo, présent au combat de Levie soit, non pas le fils, mais le père d’Orsone, et l’autre Guglielmo son petit-fils. 4. Fernand Ettori, op. cit., page 144. 5. Ibidem.

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S’il ne peut y avoir de communauté d’origine entre les Durazzo génois et les Durazzo corses, il n’est pas impossible qu’il y ait eu une communauté de biens.

Plaque de marbre située dans la chapelle Saint Joseph du capitaine Paulo Fozzani, de Fozzano (photo Franceschi)

Naissance du patronyme Durazzo, en Corse Les descendants d’Orsone di Fozzano et de son petit-fils Giovan Paolo furent désignés pendant un certain temps, tous confondus, sous le patronyme Fozzani. En explorant la lignée de l’un deux, le capitaine Paulo (1623-1700), nous allons assister à la naissance du patronyme Durazzo en Corse. Les Durazzo génois devaient posséder des propriétés dans la région du Valinco. Ainsi, l’abbaye d’Olmeto payait chaque année une pension de 400 livres au génois Monseigneur Marius Emmanuel Durazzo, évêque d’Aleria (1686). Certes, Giovan Paolo (1557-1657) [page A, ligne 2] 6, petit-fils d’Orsone di Fozzano, possédait des biens à Campomoro, dès le xvie siècle, 6. Ces références de page et de ligne permettent de situer les différents personnages de ce livre et de suivre leur parenté, dan s les arbres généalogiques placés à la fin. Cf. « L’Arbre et la Forêt », Annexe n° 4.

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et le capitaine Paulo, [page A, ligne 4], grand-père du premier Durazzo corse agrandit le domaine en achetant des terres, mais il semble bien qu’à l’origine, les Durazzo génois aient eu une concession à Campomoro, exploitée par les Fozzani. Un gouverneur génois Durazzo aurait été, en 1673, le parrain du fils de Sanseverino Fozzani, le fils du capitaine Paulo, qui fut, pour cela, prénommé Durazzo 7 [page B, ligne 6]. Léon Maestrati 8, se référant à la tradition familiale des Durazzo, fait remonter à cette date leur prise de possession du domaine de Campomoro. Ce domaine aurait été concédé par Gênes au gouverneur génois Durazzo qui l’aurait légué ensuite à son filleul Durazzo Fozzani, le fils du capitaine Sanseverino. Alors que les exportations de céréales, d’huile étaient strictement réglementées par Gênes, alors qu’il était spécifié dans les Statuti Civili e Criminali de Corse, que, pour éviter la contrebande, les céréales ne pouvaient être embarquées qu’à Bastia, Saint-Florent, Calvi, Algaiola et Ajaccio et qu’il était interdit de les entreposer à proximité des marine, en 1698, le noble Durazzo Fozzani obtient une dérogation exceptionnelle. Il possède plusieurs maisons, dans la plaine de Campomoro, près de la mer, où il habite une grande partie de l’année. Il peut y entreposer les céréales qu’il a récoltées sur ses terres, mais il doit verser à la Camera une caution de 100 écus d’or et doit déclarer au chef des gardes de la tour génoise, la quantité exacte des céréales emmagasinées. En outre, il s’engage à ne pas exporter sans licenza 9. Durazzo Fozzani, par la suite, à l’âge adulte, fut désigné sous le nom patronymique de Durazzo. Son fils, Michele, né en 1698, fixa définitivement, le patronyme Durazzo. Sa notoriété favorisa cela. Nous verrons pourquoi un peu plus loin. 7. Dans la liste donnée par Michel Vergé-Franceschi, des gouverneurs génois en Corse, parfois appelés commissaires généraux, figurent : Gio-Battista Durazzo (1611-1613), Durazzo Cesare (1645-1647), Durazzo Mattéo (1654-1658), Durazzo Carlo-Emmanuel (1671-1672) et Durazzo Niccolo (1724-1726). Michel Vergé-Franceschi, Histoire de Corse Éditions du Felin, Paris, 1996, Tome II, page 351. Durazzo Fozzani étant né en 1673, on peut supposer que son parrain, s’il était vraiment gouverneur génois, en Corse, se nommait Carlo-Emmanuel Durazzo. 8. Cité par le R.P. Jean Thenisseu, O.F.M., curé de Fozzano, en 1978, Vighjano, une piève de la Rocca, monoraphie posthume publiée par sa famille, Zonhoven, Belgique, octobre 1987. 9. Atti Fatti in visita, C50, Archives départementales, Ajaccio. Les Atti fatti in visita sont des règlements de différentes affaires jugées sur place par le Gouverneur génois, lors de sa tournée annuelle.

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En Annexe N°1, on trouvera un tableau synoptique des descendants d’Orsone di Fozzano, montrant la formation des patronymes fozzanais. On y observera que deux autres lignées adoptèrent le patronyme Durazzo. Des descendants, du capitaine Carlo abandonnèrent le nom de Paoli. En effet, un prénommé Durazzo [avant-dernière colonne à droite, ligne 5] et Giulio Francesco [dernière colonne à droite, ligne 6] épousèrent respectivement Maria Severina et Maria Angela [toutes deux première colonne à gauche, ligne 7], filles de Durazzo Fozzani et sœurs de Michel Durazzo, général de la Rocca. La notoriété de ce dernier, fit que ses sœurs, cas très particulier, transmirent son nom patronymique et leur nom de jeune fille, à leur propre lignée. On trouvera également, dans le tableau, les noms patronymiques Bernardini, Paoli Roch et Paoli qui complètent ainsi les patronymes des lignées issues d’Orsone di Fozzano et de son petit-fils Giovan Paolo.

Fozzano, un village belliqueux La veille de la fête de saint Antoine, le 17 janvier 1652, une rixe éclata sur la place de l’église de Fozzano, entre le lieutenant Gio Giacomo [page A, ligne 3] et Giordano [page K, ligne 2] soutenus par leurs parents, tous principali de la Rocca. Face à l’importance de cet incident qui risquait de diviser Fozzano en deux camps, le lieutenant génois de Sartène envoya son chancelier Gian Vincentello Gualtieri, pour les réconcilier. Après l’intervention de celui-ci, ils se donnèrent le baiser de paix, basciandosi in bocca, et promirent de ne pas rompre la paix, sous peine d’une amende de cinq cents écus. (Carlo Fozzani, notaire, ceppo 4e, page 109). Le père Fidelis 10, qui relate cette rixe, note que les frères respectifs de Gio Giacomo et de Giordano, Marc’Aurelio et Gio Battista, tous deux curés de Fozzano, étaient liés d’amitié. Le premier qui succéda au second lui légua son cheval pour qu’il se sou10. R.P. Vrydaghs Fidelis, op. cit., pages 130 et 127.

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vienne de lui dans ses sacrifices et ses prières (Carlo Fozzani notaire, 1666, ceppo 6e). Un traité de paix fut signé entre les Durazzo et les Carabelli, en 1793, à Corte 11. Xavier Versini 12 écrit que quelques années plus tard : « Le 12 nivôse au X, M. Galeazzini, préfet du Liamone, avait accommodé les belligérants et apposé sa signature au pied d’un traité qui devait établir dans la commune une paix durable ». Mais, deux ans plus tard, le général Morand, gouverneur de la Corse, qui ne plaisantait pas, fut obligé d’intervenir à son tour : « Le 3 thermidor an XII, le général Morand s’était rendu à Fozzano, avait fait comparaître devant lui les membres les plus influents des familles en inimitié et leur avait enjoint de prêter le serment suivant : « Nous jurons, sur notre honneur, de n’exercer jamais aucune vendetta contre nos ennemis et, dans le cas où nous éprouverions quelque insulte de leur part, de porter plainte au général commandant en chef pour en obtenir justice ». Pour fortifier cet engagement, le général avait pris un arrêté capable de donner à réfléchir aux têtes les plus folles : si un délit de nature à troubler la tranquillité publique venait à être commis à Fozzano, deux cents hommes de troupe seraient immédiatement envoyés dans le village et entretenus aux frais des habitants, jusqu’à l’arrestation des prévenus. Ceux-ci, et à leur défaut quatre de leurs plus proches parents, seraient aussitôt déférés à une commission militaire. Au cas de condamnation, ils seraient exécutés deux heures après, sur les lieux mêmes, et leurs maisons brûlées ». 11. Michel Lorenzi de Bradi, la Vraie Colomba, Flammarion, Paris, 1922, rééditée par La Marge Éditions, Ajaccio, 1990, page 3. Michel Lorenzi de Bradi (1865-1945), poète, journaliste, chroniqueur, essayiste, biographe, historien, romancier, vécut plus de quarante ans à Paris, tout en revenant régulièrement en Corse dans sa maison familiale de Campomoro. La grand-mère de Michel Lorenzi de Bradi, Maria Rosalinda Rocca Serra était la cousine de Jérôme Rocca Serra chez qui Prosper Mérimé résida à Sartène. Dans la Vraie Colomba, Michel Lorenzi de Bradi dresse un portrait très noir de celle qui inspira Prosper Mérimée. Bien que sa famille soit alliée aux Durazzo, donc opposée aux Carabelli, il ne l’accable pas, mais la décrit telle qu’elle devait être. 12. Xavier Versini, Vieilles Affaires et Procès oubliés, Melun, 1971, pages 86 et 87.

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Le traité de paix de Corte, en 1793, montre que les Durazzo et les Carabelli étaient déjà en guerre, bien avant 1830.

Les Durazzo de Sartène Une lignée de Durazzo de Fozzano se fixa à Sartène. Voyons comment. Disons d’abord que : Lors du partage, entre ses deux fils, des biens de leur père Vincentello (1596 – 1666) [page A, ligne 3], Gian Paolo eut pour lot les terrains de Campomoro (jadis hameau de Fozzano) alors que son frère Polo eut les terrains attenants à Fozzano. Cela nous est confirmé, en 1854, par le maire de Fozzano, à l’occasion d’une délibération du Conseil municipal du 9 novembre dont nous parlerons plus loin. C’est à Fozzano qu’est né, le 9 mars 1673, Durazzo Fozzani [page B, ligne 6], descendant d’Orsone di Fozzano. C’est à Campomoro, qu’il vit essentiellement, où il est capitaine du bataillon de Campomoro et responsable de la tour génoise. Il y fait construire avec le concours de son cousin-germain, le prêtre Ignazio Fozzano [page A, ligne 6], l’église Saint-Antoine. C’est à Sartène, dans la maison de son beau-père, le noble Gian Battista Pietri de Sartène, que Durazzo Fozzani épouse Maria Felice Pietri. C’est à Sartène que naît, le 29 septembre 1698, son fils Michele, alors que le frère de ce dernier, Gian Paolo, naît à Ajaccio. C’est à Campomoro, dans la maison de son fils « le noble Gian Paolo Durazzi de Fozzano », que « le S gr Durazzo de feu Cap. Sanseverino Durazzi de Fozzano » (Durazzo Fozzani) rédige son testament, le 2 octobre 1747. C’est à Campomoro que meurt, Durazzo Fozzani, le 10 juillet 1751 et c’est à Fozzano qu’il est enterré, dans l’église paroissiale, le 11 juillet. 20


Disons ensuite que Michele Durazzo, le fils de Durazzo Fozzani va peu à peu se détacher de Fozzano, le village de ses ancêtres, pour se rapprocher de Sartène son village natal. La tour génoise de Campomoro (Porto Elice), construite en 1585/1586 sous la direction de l’officier génois Carlo Spinola (cliché F. Rombaldi)

Michele Durazzo 13, général de la Rocca, le plus célèbre des Durazzo corses La puissance politique de Michele Durazzo 14 était en partie fondée sur l’importance du domaine (plus de 2000 hectares) qu’il possédait à Campomoro 15. Certains disent même, qu’un temps, « les terres des Durazzo allaient du pont de l’Ortolu au pont de Baraci, soit plus de 40 000 hectares ». Son père Durazzo Fozzani, nous venons de le voir, pro-génois était capitaine du bataillon de Campomoro et responsable de la tour génoise. Parmi les nombreuses tours génoises, celle de Campomoro (Porto Elice), la plus massive, construite en 1585/1586 sous la direction de l’officier génois Carlo Spinola 16, 13. Sur Michele Durazzo, cf. Pierre Lamotte, Études Corses, n°15 et 16, 3e et 4e trimestres 1957 et Vr. Fidelis, op. cit., pages 152 et 197. 14 Le prénom Michele, chez les Durazzo corses, vient de Michele Pietri de Sartène, notaire, en vie vers 1564, frère de Vinciguerra III (tué à Sartène, en mars 1565, par Sampiero Corso), arrière grand-père de Maria Felice Pietri, épouse de Durazzo Fozzani et mère de Michele, général de la Rocca. Vinciguerra III descend de Vinciguerra I, Vicaire de la Terre de la Commune, frère du comte Polo. Ainsi, s’il n’est pas possible d’affirmer qu’Orsone di Fozzani, ancêtre des Fozzani, descend des Cinarcais, Michele Durazzo, descendant d’Orsone di Fozzani est, lui, descendant des Cinarcais par sa mère Maria Felice Pietri, comme le sont ses propres descendants, les Durazzo de Sartène. 15. Histoire de la Corse publiée sous la direction de Paul Arrighi, chapitre IX, « La Paix Génoise », Fernand Ettori, page 279. 16. Cf. Antoine Marie Graziani, Les bâtisseurs de la tour de Campomoro. Sur la construction de la

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était un pion important dans le dispositif génois de défense et de repli. Le gouverneur génois Giorgio Centurione préconisait, en 1614, en cas de conflit, le repli des forces génoises sur Bonifacio et Calvi et sur la tour de Campomoro 17. En 1729, au début de la guerre d’Indépendance (1729-1769), Michele Durazzo, en bon notable du sud, comme son père, est pro-génois. Il est, à cette époque, également, comme l’avait été son père, capitaine responsable de la tour génoise de Campomoro. Il repousse à deux reprises l’assaut des insurgés qui veulent s’emparer de la tour. Le gouverneur génois loue son action et déclare qu’il est l’homme le plus fidèle que Gênes possède dans le royaume de Corse. Le 28 août 1735, les chefs de la Province de la Rocca convoquèrent une consulte générale au couvent de Sainte-Lucie de Tallano et décidèrent à l’unanimité de rester unis à Gênes et de défendre la Rocca. Dans ce but, ils demandent au Commissaire génois d’Ajaccio de leur fournir 500 fusils, à raison de 100 par piève (Sartène, Veggiano, Tallano, Scopamène et Carbini). Cependant, ils stipulent qu’à l’exception du lieutenant de Sartène, ils n’accepteront aucun officier génois à leur tête et nomment leurs propres officiers : Michele Durazzo, JacquesAntoine et Vincent Susini. Ils forment deux compagnies, une dans le Veggiano pour repousser d’éventuels mouvements venant de la piève d’Istria, l’autre à Aullene pour s’opposer à ceux qui viendraient de la piève du Talavo. À l’occasion d’une autre consulte (30 octobre 1735), les officiers reçoivent le titre de général. Mais, les Génois sont maladroits, méprisants vis à vis des généraux de la Rocca, fidèles à Gênes. Les chefs de l’insurrection corse, les Généraux Luigi Giafferi, Giacinto Paoli (le père de Pasquale) et Luca Ornano tirent profit tour de Campomoro, cf. : – A.S.G., CORS-885. 1572-1579, avec entre autre, nomination du benemerito Pier’Andrea de Casta pour la construction des tours de Tizzano, de Roccapina et de Campomoro et accord passé avec les corailleurs de la Rivière du Ponent pour cette construction en 1575-1577. – A.S.G., CORS-886. 1581-1610, avec entre autre, un document signé Giogio Doria au sujet de la construction de la tour de Campomoro en cours et de la possibilité de construire un autre édifice à Roccapina. Le fonds Turrium contient des archives concernant les tours littorales. Ce fonds est constitué de sept liasses. La liasse 886, la plus importante compte plus de 40 pièces sur la tour de Campomoro. 17. Antoine-Marie Graziani, La Corse Génoise, Éditions Alain Piazzola, Ajaccio, 1997, page 71.

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de cette situation et gagnent à leur cause Michele Durazzo et le reconnaissent pour seul général de la Rocca. Dès lors, Michele tourne le dos à Gênes et devient un des chefs de l’insurrection. En 1736, il tente de prendre le contrôle de la région de Fozzano et de s’emparer du village de ses ancêtres. Il se retrouve, alors, face à son frère Gian Paolo qui lui est pro-génois et qui occupe la maison familiale avec toute la population 18. Cette maison est la solide tour située dans le quartier d’en haut. Elle a été construite, torre nova, en 1548, comme l’indique une inscription. L’autre tour, située dans le quartier d’en haut, est la tour, dite aujourd’hui des Carabelli, construite, en partie, au moins au xive siècle, torre vecchia. Lors de l’assaut, Gian Paolo Durazzo, est le premier à tirer sur son frère Michele, de l’échauguette (guardiola) de la tour, le blessant légèrement. Devant l’accueil qu’il reçut, Michele Durazzo se retira dans la maisonnette de la Cena qui appartenait à son père. Celle-ci existe toujours et est située à 500 m au-dessus de Fozzano, en direction d’Arbellara. Delà, par des promesses puis par des menaces, il tenta, en vain, de retourner la situation. Finalement, craignant que les chefs de l’Alta Rocca ne lui coupent la retraite, il décrocha. Il écrivit alors à Luca d’Ornano pour l’informer de la situation et lui demander d’attaquer la Rocca. Les habitants de Fozzano, de leur côté, écrivirent à Ajaccio, au Commissaire Grimaldi et à Levie pour demander des secours. Le Commissaire Grimaldi leur envoya le colonel Gheraldini avec 500 hommes. L’épisode de l’attaque de Fozzano et son échec marque la rupture définitive de Michele avec le village de ses ancêtres et son ancrage à Sartène, qui deviendra la ville de ses descendants. Michele Durazzo continua à prendre une part active à la guerre jusqu’en 1750, date où l’on n’entend plus parler de lui. Ainsi, Michele Durazzo est le trait d’union entre les Durazzo de Fozzano et les Durazzo de Sartène.

18. Traditionnellement, dans les villages, ces tours étaient capables d’héberger la quasi-totalité de la population, en cas d’agression extérieure.

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Suivre le parcours de Michele Durazzo, général de la Rocca, nous a permis de mieux comprendre l’antagonisme entre la quasitotalité des populations corses, éprises de liberté et le conservatisme et la fidélité à l’égard de Gênes des notables de l’Alta Rocca, descendants des seigneurs de la Rocca et plus ou moins lointains collatéraux de Rinuccio della Rocca, dernier seigneur du fief. Il faudra attendre 1760, neuf ans avant la fin de cette guerre de 40 ans, pour que ces notables rallient Pascal Paoli. Nous retrouverons, plus loin, en 1830, le même antagonisme.

Stefano Durazzo, un notable de Sartène Stefano [page C, ligne 8], le plus connu des fils de Michele, fait partie intégrante en 1768, de la communauté de Sartène. Le 8 mai de cette année là, nous le verrons plus loin, 4 chefs de famille dont Stefano 19, se proclament chefs de toute la communauté de la ville et élisent, pour être le procurateur de celle-ci, à la consulte de Corte le 22 mai 1768, Gio. Gregorio Ortoli. Les mariages avec des filles Rocca Serra que firent, à Sartène, plusieurs de ses enfants, renforcèrent son intégration à la ville : Pietro Paolo [page C, ligne 9] conseiller à la Cour, président du Conseil général, épousa, le 30 octobre 1809, Maria Lovisa de Rocca-Serra [page XII, ligne 9]. Maria Catalina [page C, ligne 9] épousa Anton Goffredo de Rocca-Serra dit Tatello [page X, ligne 9] Palma Maria [page C, ligne 9] épousa Gio. Paolo de RoccaSerra [page XII, ligne 9]. Sur Stefano, le père Fidelis écrit 20 : « Élu Noble XII, […] il est nommé capitaine au régiment provincial de l’île de Corse par le roi Louis XV, le 23 août 1772 [...] Pendant l’occupation anglaise, il adresse un mémoire « au Sgr Smith generale delle milizie », lui rappelant 19. Cf. pages 55 et 58 de ce livre. 20. R.P. Vr. Fidelis, op. cit., page 154, note 1.

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qu’il a organisé un corps de volontaires à Propriano dans lequel se sont enrôlés beaucoup de volontaires de Sartène et de Fozzano, entre autres ses cousins et neveux ; qu’il a accompagné le général au péril de sa vie, qu’il l’a spécialement défendu contre les bergers de Zicavo. Il le prie de vouloir rembourser les sommes versées au Capn Gabrielli dalli Ciamanacci et d’autres, d’accorder une compensation à l’abbé Ignace Durazzi [page A, ligne 6], lequel l’a accompagné à Ajaccio, Talavo et Propriano en qualité de chapelain des milices. Le commandant a annoté en bas de la lettre. To be paid by the paymaster (sera payé par le chef-payeur) et signé George Smith, commandant of the militians ». On retrouve Stefano à la Consulte générale de Corte le 27 mai 1793, comme adjoint à l’Administration générale et à l’Administration du district de Tallano qui a, un moment, éclipsé Sartène. Sur les treize accusés, suite à la fusillade du 16 septembre 1830, à Sartène, dont nous allons parler, sept descendent de Stefano, un descend de son frère et quatre lui sont apparentés.

Après le rattachement de la Corse à la France, les Durazzo obtiennent de Louis XV, le 12 mai 1772, reconnaissance de leur noblesse Furent reconnus : Jean-Jacques et Antoine-François [page E, ligne 6] tous les deux fils de feu Durazzo de feu Marc’Aurelio. le prêtre Ignace-François, Antoine-François, Jean Paul, Durazzo et Charles-Laurent tous les cinq [page F, ligne 7], fils de feu Giulio Francesco. Jean-Paul [page B, ligne 7], frère du général de la Rocca, Michele Durazzo, et fils de feu Durazzo Durazzo de feu le capitaine San Severino. Antoine-Joseph, Antoine-François et Étienne (Stefano) tous les trois [page B, ligne 8], fils du même général Michele. 25


Les Durazzo de Fozzano et les Durazzo de Sartène, deux lignées bien distincte mais pourtant parentes, puisqu’elles ont le même ancêtre En 1830, les deux groupes que constituent les Durazzo de Fozzano et de Sartène sont bien indépendants l’un de l’autre. Leur parenté, toutefois, est réelle. Elle est déjà ancienne, leur ancêtre commun est Giovan Paolo (1557-1657) [page A, ligne 2]. On retrouve souvent les mêmes prénoms dans les deux groupes. Michele Durazzo [page B, ligne 7] général de la Rocca, père de Stefano, ancêtre des Durazzo de Sartène, est parent au 11e degré (par rapport à leur ancêtre commun, Giovan Paolo [page A, ligne 2], petit-fils d’Orsone di Fozzani) avec Michele Durazzo [page F, ligne 8], le chef du clan Durazzo de Fozzano et père de Jean-Baptiste et d’Ignace, tués à Tunichella (Fozzano), le 30 décembre 1833, (dans le roman de Prosper Mérimée, l’avocat et maire Giudice Barricini). Le même Michele Durazzo [page F, ligne 8] est parent au 13e degré, (par rapport à leur ancêtre commun, Giovan Paolo [page A, ligne 2]), avec Michele Durazzo [page D, ligne 10] protagoniste dans l’affaire de Propriano et mentionné à l’Article quatre du traité de paix de Sartène du 7 décembre 1834, dont nous parlerons plus loin. Ignace Durazzo [page C, ligne 10] l’un des accusés, suite à la fusillade de Sartène du 16 septembre 1830 et Ignace Durazzo [page F, ligne 9] tué à Tunichella (Fozzano), le 30 décembre 1833, sont parents au 15e degré, (par rapport à Giovan Paolo [page A, ligne 2], leur ancêtre commun). Ils portent tous les deux le prénom d’Ignace pour deux prêtres, Ignazio [page A, ligne 6], pour le premier et Ignazio Francesco [page F, ligne 7] pour le second. Ces deux prêtres sont parents au 9e degré par rapport à Giovan Paolo [page A, ligne 2], leur ancêtre commun. On peut observer que Colomba Carabelli-Bartoli, ennemie jurée des Durazzo est, par sa mère, une Bernardini et qu’à ce titre, elle descend de Giovan Paolo Fozzani [page A, ligne 2], 26


comme les Durazzo. C’est sans doute, pour cette raison que son grand-père maternel a pour prénom Ignazio Francesco.

Fozzano en 1830 En 1830, Fozzano est un village de sept cents habitants. Il est composé de deux quartiers. Le quartier d’en haut, supranu, est contrôlé par les Durazzo. Le quartier d’en bas, suttanu, est aux mains des Carabelli, Bartoli, Paoli et Bernardini. Colomba Carabelli [page L, ligne 6], épouse Bartoli qui inspira Prosper Mérimée, est l’égérie du clan suttanu. Elle est née le 7 mai 1775 à Fozzano, dans la sévère tour d’in giù (d’en bas), dite des Carabelli. Colomba est par son père, de la lignée du noble capitaine Tomaso Fozzani [page K, ligne 0]. Ce capitaine est un des rares Fozzani à ne pas descendre, semble-t-il, d’Orsone di Fozzano. Il est contemporain de Giovan Paolo, petit-fils de ce dernier. Le 10 novembre 1586, Tomaso Fozzani recevait de la République de Gênes une patente l’autorisant à exporter une quantité importante de grains. Alors que le nom Rocca Serra apparut pour la première fois en 1613 et se fixa définitivement entre 1640 et 1650, certains noms patronymiques, en Corse, se fixèrent parfois tardivement. Les descendants du noble capitaine Fozzani porteront d’abord le nom de Fozzani Tomasi, puis celui de Tomasi. Le grand-père de Colomba, Simon Giovan [page L, ligne 4] est le premier Tomasi à avoir ajouté Carabelli à son nom. Sur sa dalle funéraire, dans la chapelle du Très-Saint Rosaire de Fozzano, on peut lire : « Depositus quem in perennem filli crexerunt memoriam sanguine et virtute clarissimi Simonis Joan di Tomasi Carabellis. Obiit 1771, 28 Déc. ». Puis, Carabelli deviendra son nom patronymique vers 1780, alors que plusieurs branches collatérales garderont le nom de Tomasi. Un des fils de Simon Giovan, Gian Battista, épousa Maria Innoncenta, fille d’Ignacio Francesco Bernardini [page I, ligne 7]. Ce sont les parents de Colomba. À sa naissance, en 1775, le nom de Carabelli n’est pas encore fixé. Son acte de baptême porte : 27


« Mille sette cento settanta cinque a di undeci giugnio in Fozzano io Rettore di Fozzano ho battezato una fanciulla nata il sette di maggio mese passato da Sgri Gio. Batta qd Simon Giovanni Tomasi e Maria Innocenzia conjugi cittadini di Fozzano, a la quale ho posto il nome Maria Colomba… » Par contre, la déclaration, à la mairie de Fozzano, du décès d’Antoine-François Bartoli, tué dans la fusillade de Tunichella, est faite par Maria Celestina Bartoli et par Colomba Carabelli, âgée de soixante ans environ et mère du défunt. Ainsi, sans parler de son nom de femme mariée, Bartoli, Colomba est née Tomasi et est décédée Carabelli. L’un de ses frères, Jean-Baptiste, né, un peu plus tard, en 1786, porte, dès sa naissance, le nom de Carabelli : « 1786, a di venti nove gennaro, in Fozzano. Io sottoscritto Rette di Fozzano ho battezato un bambino nato il nove febraro del mille e sette cento ottanta due dalli signri fu Gio. Batta Carabelli e Maria Innoncenzia conjugi. Al quale fu messo nome Gio. Batta… » Colomba Carabelli épousa Antoine Bartoli, dit Forciolo. De ce mariage, elle eut deux filles, dont l’ainée était Catherine 21 [page L, ligne7] et un fils Antoine-François qui sera tué dans la fusillade de Tunichella, le 30 décembre 1833. Antoine-François était un excellent cavalier et un fin tireur dès l’âge de dix ans, écrit Lorenzi de Bradi 22. Le sénateur Galloni raconte : « Un jour que j’accompagnais François Bartoli, mon ami, je le vis accomplir un prodige d’adresse au tir au pistolet. C’était un pied de noyer chargé, en ce moment là de fruits encore verts. François, avec son pistolet à double coup, visa une couple de noix accolées ensemble et les fit voler en éclats l’une après l’autre 23 ». 21. Prosper Mérimée, écrit Lorenzi de Bradi, s’éprit de Catherine, qui comme sa mère était fort belle. Il la demanda en mariage, mais sans succès. Catherine fut également remarquée par Antoine-Claude Valery qui fit un voyage en Corse en 1837. Catherine épousa Joseph d’Istria d’Olmeto. Ils eurent trois filles, Melles Nena et Mariuccia d’Istria qui vécurent à Olmetto et Me Simon Pieri qui vécut en Algérie. Catherine eut également un fils, Charles d’Istria que Prosper Mérimée reçut à sa table à Paris. Michel Lorenzi de Bradi, op. cit., pages 125 à 128 et page 151. 22. Michel Lorenzi de Bradi, op. cit., page 131. 23. Cité par R.P. Fidelis, Ibid., page 222, note 1, d’après les Anciens et surtout le manuscrit Versini, qui fut une réplique à La vraie Colomba de Lorenzi de Bradi.

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Colomba. Illustration par Gaston Vuillier, (Calmann Levy, 1897)

Colomba avait trois frères Simon-Jean est né le 18 décembre 1769. Il est l’aîné de la famille. Enrôlé dans les Milices Provinciales du Commandant Georges Smith, lors de l’occupation anglaise (1794-1796) et officier dans le Régiment anglais des Corsican Rangers de Hudson Lowe (le futur geôlier de Napoléon à Sainte-Hélène), il servit les Anglais jusqu’à la Restauration, puis les Bourbons pendant vingt ans. Il est décédé, à Fozzano, le 4 octobre 1855, âgé de quatrevingt-six ans et est enterré dans le caveau qu’il s’était fait construire, au lieu-dit Pietralba, à Fozzano. À ses côtés, dans le même tombeau, repose son frère Jean-Baptiste. 29


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