Changement d’ère à Canal

HAprès les adieux d’Engrenages, la chaîne cryptée entend confirmer son succès acquis la saison dernière avec Validé auprès du jeune public.

Première série estampillée du label “création originale” de Canal+, Engrenages tire cette saison sa révérence après quinze ans de loyaux services. Un vrai changement d’époque, le succès la série policière ayant calibré une grande partie des fictions suivantes de la chaîne cryptée. “C’est un moment fort, la fin d’une très belle aventure pour la première série que nous avons mise à l’antenne, appuie Fabrice de La Patellière, directeur de la fiction chez Canal+ depuis 2002. Engrenages était une manière de nous positionner, la série ayant évolué avec nous tout au long de ces quinze ans. Pour nous, elle a été une sorte de mètre-étalon. C’est cette série qui a déterminé notre rapport au réel. Ancrée dans une réalité plus complexe, plus sombre, Engrenages tranchait à l’époque avec la série française classique, avec ses conventions, qui se passait dans un monde très édulcoré. Comme cela a fonctionné, d’autres auteurs se sont inspirés de cette approche qui est un peu devenue notre marque de fabrique. Aujourd’hui, nous arrivons au terme de cette histoire, et nous avons décidé d’y mettre fin de la meilleure manière possible.”

La chaîne travaille désormais sur le programme qui parviendra à porter ce lourd héritage. Pour la saison 2020-2021, elle a choisi de miser sur Paris Police 1900 (8x52’, Tertra Media / A.F.P.I.), créée par Fabien Nury, qui se déroule dans la capitale française en 1899, en pleine affaire Dreyfus. “C’est pour nous une manière originale de renouveler le genre, poursuit Fabrice de la Patellière. Nous avons évidemment d’autres polars, dont une série contemporaine. Nous étudions plusieurs propositions. L’important est de ne pas se répéter. Nous évitons en général d’avoir plusieurs séries du même genre, mais le policier est tellement populaire auprès de nos abonnés que l’on peut envisager d’avoir deux séries de ce type en même temps, comme nous avions à une époque à la fois Braquo et Engrenages.”

Parmi les autres temps forts de la saison, la chaîne attend beaucoup de la série de Jonathan Cohen La Flamme (9x26’, Les Films entre 2 et 4 / Making Prod), une parodie de télé-réalité inspirée du Bachelor et adaptée de la série américaine Burning Love ; une “nouvelle étape pour nous dans la comédie de 30 minutes”, revendique le directeur de la fiction de la chaîne cryptée, qui espère également un bon accueil pour le thriller franco-israélien Possessions, présenté en avant-première pendant ce festival de la fiction. Produit par Haut et Court TV et Quiddity, la série en six épisodes écrite par Shachar Magen (Sirènes) en collaboration avec Valérie Zenatti (Une bouteille à la mer) raconte les mésaventures d’une jeune Française expatriée en Israël (Nadia Tereszkiewicz) accusée d’avoir assassiné son mari le soir de ses noces.

Autre création originale très attendue : OVNI(s), créée par Clémence Dargent et Martin Douaire (12 x30’, Montebello Productions). Incarnée par Melvil Poupaud, Michel Vuillermoz et Géraldine Pailhas, cette comédie fantastique s’inspire d’un bureau d’enquête spécialisé dans la présence extraterrestre réellement actif dans l’Hexagone à la fin des années 1970.

Les deux plus grands succès de la saison passée, Hippocrate et Validé, auront pour leur part logiquement droit à une deuxième saison. Le tournage de la série médicale de Thomas Lilti, interrompu par le confinement, vient de reprendre sans souci majeur. “C’est évidemment un tournage particulièrement encadré, plus complexe avec les mesures sanitaires à respecter, mais cela n’enlève rien à la détermination de Thomas Lilti, précise encore Fabrice de la Patellière. Cela n’aura aucune incidence sur la qualité de la série.” Porté de longue date par Julie Delpy et produit avec Netflix, On the Verge, qui raconte la vie d’un groupe de femmes quadragénaires à Los Angeles, fait également

partie des projets dont le tournage a été interrompu par la crise sanitaire.

L’attente est particulièrement grande envers la nouvelle saison de Validé, dont le tournage vient de démarrer à Marseille. La série créée par Franck Gastambide devra confirmer le succès acquis auprès des jeunes publics, dont l’ampleur a surpris même en interne. La chaîne, qui entend comme chaque année s’adresser à tous ses différents types d’abonnés, a choisi de porter une attention particulière aux plus jeunes d’entre eux, et même au-delà : la réussite de Validé a séduit une large partie des 15-24 ans, pas seulement les fidèles de la chaîne cryptée. ”Validé a été un phénomène extraordinaire en termes d’audience et de résultats, et a prouvé que nous pouvions mobiliser un public très jeune, pas forcément habitué à notre création originale ou abonné à Canal+, par une proposition forte qui les concerne, qui s’adresse à eux, analyse Fabrice de la Patellière. Pour nous, c’est un marqueur très important. Nous allons continuer de travailler dans ce sens en ciblant davantage le jeune public avec ce type de propositions.”

Plus globalement, la création originale de Canal+, qui produisait jusquelà huit séries par an, vise désormais les neuf à dix séries par saison. L’idée est de proposer l’offre la plus variée possible, que ce soit dans le genre ou le format, avec une volonté de panacher les séries constituées d’épisodes de 30 et de 52 minutes.

Enfin, la coproduction internationale n’est pas en reste avec la fiction costumée Marie-Antoinette, à travers laquelle Canal+ espère reproduire le succès de Versailles, également produite par Capa.

Engrenages – saison 8 (10 x 52’, Son et Lumière / Big Band Story), écrit par Marine Francou, Sylvie Chanteux, Antonin Martin-Hilbert, Maxime Caperan, Thomas Finkielkraut, Anne Rambach et Marine Rambach. La Flamme (9 x 26’, Les Films entre 2 et 4 / Making Prod), adaptation de la série américaine Burning Love signée Jonathan Cohen, Jérémie Galan et Florent Bernard. Possessions (6 x 52’, Haut et Court TV / Quiddity), écrite par Shachar Magen en collaboration avec Valérie Zenatti. Hippocrate – saison 2 (8 x 52’, 31 Juin Films / Les Films de Benjamin), créée et réalisée par Thomas Lilti. La Guerre des mondes – saison 2 (8 x 52’, Urban Myth Films), adaptation du roman de H. G. Wells écrite par Howard Overman. OVNI(s) (12x30’, Montebello Productions), écrite par Clémence Dargent et Martin Douaire. Paris Police 1900 (8 x 52’, Tetra Media Fiction / A.F.P.I.), créée par Fabien Nury. Validé – saison 2 (9 x 52’, Mandarin Télévision), créée par Franck Gastambide.

HDeux séries belges, dans les formats classique ou digital, figurent parmi les 15 projets des Rendez-vous de la création francophone. Elles sont initiées par deux sociétés bien ancrées dans chacun de ces genres, AT-Prod et Narrativ Nation.

A l’initiative ou partenaire depuis plus de 25 ans de nombreux téléfilms, séries, documentaires, principalement avec la France, la société bruxelloise AT-Prod présente aux Rendez-vous de la création francophone le projet de série La Crue (8 x 52’), écrite par la romancière et scénariste Tiffany Tavernier. Tout un village menacé par une crue gigantesque y sera impliqué dans une véritable course contre la montre. Son producteur, Arnaud De Battice, y voit “tous les ingrédients d’une ambitieuse série événement et grand public, avec beaucoup d’effets spéciaux", de quoi séduire tant les chaînes publiques que les plateformes. “Nous avons profité du confinement pour renouer avec des auteurs dont nous apprécions les livres et les univers et travailler sur le positionnement du projet”, confie-t-il.

Début janvier, AT-Prod entamera avec le réalisateur Frank Devos (Chaussée d’amour, Undercover) le tournage de la série Fils de, une histoire d’héritage d’autant plus compliquée qu’elle se passe dans le milieu de “la jungle urbaine la plus hostile au monde: Bruxelles”. Développé depuis trois ans par Camille Pistone et Salim H Réservant traditionnellement dans ses grilles une place de choix à la fiction française, la RTBF a entamé sa rentrée 2020-201 avec la diffusion, légèrement en avance sur TF1, de la série Grand Hotel, coproduite par Les Gens et Capa Drama (groupe Newen) ; une opération qui lui a rapporté le leadership le dimanche soir avec 400000 téléspectateurs (24,6 % de PdA) pour les deux premiers épisodes. Cette semaine voit la mise à l’antenne de la deuxième saison d’Infidèle (6 x 52’), avec Claire Keim et Jonathan Zaccaï, qui figure au menu des projections du Festival de la Fiction. Cette adaptation française de coproduite en Belgique par BE Films et la RTBF avec Stora Télévision, BBC Studios et TF1. “On a la chance de voir les producteurs français nous solliciter tout au début du processus créatif de

Talbi avec l’appui du Fonds Séries RTBF/FWB, son tournage était initialement planifié le mois prochain. “Vu les circonstances sanitaires, nous avons jugé plus sage de reporter la réalisation de quelques mois, tout en essayant de conserver l’ambition de départ du projet”. Si l’’action se situe dans le milieu des braqueurs, on n’y jouera cependant pas masqué…

AT-Prod projette par ailleurs trois à quatre séries françaises, notamment la sixième saison de La Stagiaire, avec Michèle Bernier, pour France 3, et la mini-série Gloria (6 x52’), une adaptation de la série galloise Keeping Faith, réalisée par Julien Colonna et produite par Quad Drama pour TF1. Trois unitaires sont également prévus au programme de production. tous leurs nouveaux projets, nous permettant ainsi de sélectionner ceux qui nous paraissent les plus prometteurs”, commentait Marc Janssen, directeur de la fiction, lors de la présentation des nouvelles grilles de la RTBF. Dans les prochaines semaines, on y verra également les séries La Promesse, avec Olivier Marchal, et Balthazar (saison 3), ainsi que les unitaires Au-dessus des nuages (avec Alice Taglioni), La Fugue (avec Valérie Karsenti) et T’en fais pas, j’suis là (avec Samuel Le Bihan).

Le retour des séries belges

Après près d’un an d’absence, la RTBF renouera aussi cet automne avec les séries belges francophones avec la diffusion d’Invisible, une création de Marie Enthoven réalisée par Geoffrey Enthoven, qui fera d’abord l’objet d’un passage en avant-première dès

L’autre projet belge est la comédie Dopamine (6 x 30’), créée par Lionel Delhaye, Jérôme Dernovoi et Benjamin Torrini et produite par Dylan Klass chez Narrative Nation. On y retrouve six jeunes gens en quête de sens, dans une société et une génération accro à l’immédiateté –sorties, sex, Instagram, Netflix… Ils seront campés par les comédiens qui incarnaient déjà dans la websérie Typique une joyeuse bande d’étudiants déjantés. Mais le temps a passé, viennent les interrogations sur le sens de la vie, de l’amitié… Un peu à l’image de la série Girls (HBO), “c’est un projet qui s’adresse à la génération des 20-35 ans dans un format de 30 minutes qui lui convient bien”, estime Dylan Klass. Il est au stade du développement, avec le 21 septembre, dans l’offre Movies & Series de Proximus Pickx. Dans ce drame fantastique bien dans l’air du temps, les habitants de Creux sont confrontés à un phénomène mystérieux; certains deviennent invisibles. Au générique de cette première saison (8 x52’) figurent Myriem Akheddiou (Le Jeune Ahmed), Fabio Zenoni et Roda Fawaz (Unité 42). Elle est produite par Annabella Nezri (Kwassa Films) et BE Films avec l’apport du Fonds Séries, de Wallimage, Screen Brussels et du Film Fund Luxembourg. Trois autres séries développées dans le cadre du Fonds Séries sont en cours de production pour une diffusion l’année prochaine : la comédie Baraki (20 x 26’, Koko arrose la culture), Coyotes (8 x 52’, Panache Productions, La Compagnie cinématographique) et Pandore (10 x 52’, un pilote en postproduction, et recherche un diffuseur belge et un français et devrait aussi susciter l’intérêt des plateformes. “Nous sommes positionnés sur la fiction digitale à destination d’une audience de moins de 35 ans et convaincus qu’il y a des formats très intéressants à trouver pour la comédie sur le 30 minutes". Narrativ Nation est ainsi coproducteur de nouveaux épisodes de la websérie française Les Engagés, dont le tournage est prévu en octobrenovembre pour une diffusion en 2021 sur Francetv Slash. Au premier semestre 2021 devrait ensuite avoir lieu le tournage de la troisième saison de la websérie belge La Théorie du Y, créée par Caroline Taillet et Martin Landmeters pour la RTBF et qui traite de bisexualité. Un grand succès du web qui a cumulé les sélections et les prix dans les festivals du genre.

Pointons encore, au Festival de la fiction, la présence de la société liégeoise Versus Production parmi les coproducteurs de la série internationale No Man’s Land (8 x 45’), dans laquelle un Français recherche sa sœur présumée morte parmi les combattantes kurdes en Syrie. Diffusée à partir de cette semaine sur Arte.tv, elle a été intégralement postproduite en Belgique avec l’appui de Wallimage, et sera.

la série britannique Docteur Foster a été

Thierry Leclercq

Artémis Productions). Une quinzaine d’autres séries sont en cours de développement.

Parmi les innovations de cette rentrée à la RTBF, on relève par ailleurs la diffusion quotidienne d’une mini-fiction belge, portée par Carole Matagne et Jean-Jacques Rausin (Ennemi public), 1 semaine sur 2, une plongée dans les affres d’une famille recomposée produite par Artémis Production. S’illustrant depuis plusieurs années dans la fiction digitale (Typique, Euh, Burkland, La Théorie du Y…), la chaîne publique annonce également l’arrivée dans sa nouvelle offre Tipik, destinée aux jeunes adultes, d’une websérie d’humour, les Anonymes (20x2’30) qui lèvera le voile sur de nouvelles catégories d’anonymes, au-delà des alcooliques (les misogynes, les narcissiques, les tueurs en série..). T.L.