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Un carême « extra-ordinaire »

Un carême « extraordinaire »

Réflexions de prêtres sur le confinement.

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« Alors que le propre d’un curé de paroisse est de créer du lien, administrer, agir, anticiper, prévoir, organiser, fédérer, il se trouve que depuis le début du confinement avec plus de la moitié de l’humanité- nous nous sommes retrouvés pantois devant nos agendas barbouillés, refermés pour un certain temps. Entre angoisse et stupéfaction à l’annonce du confinement, il était important de choisir entre subir les événements ou construire autrement. Il n’était plus possible de continuer dans le « faire » c’est évident. Il était donc bon de se demander comment nous pourrions décliner le verbe « être ». Et si cette pandémie nous permettait de revenir à l’Essentiel ? Une citation de Edgar Morin nous rappelle ceci : « À force de sacrifier l’essentiel pour l’urgence, on finit par oublier l’urgence de l’essentiel » Revenir à l’essentiel, c’est-à-dire, « être » auprès de nos paroissiens et auprès des plus fragiles. Pas facile quand il nous faut rester au presbytère ! Avec l’équipe d’animation paroissiale, il a été possible de déployer des trésors d’imagination. Une page Facebook pour continuer malgré tout à « faire communauté » autour de la messe quotidienne. Un livret pour vivre la semaine sainte jour après jour, avec des prières, des propositions très concrètes à faire seul ou en

famille pour vivre en profondeur et autrement cette semaine. Et puis –entre autres- un numéro de téléphone de « service et d’écoute » pour les personnes qui auraient besoin d’un coup de main concret pour des courses, ou bien tout simplement pour parler. Tout cela ne sont -et ne restent- que des moyens qui concourent au seul but, celui de traverser ensemble la tempête et de garder le cap sur notre phare qu’est le Christ, notre Espérance. En rédigeant cette bafouille, me reviennent de doux et exaltants souvenirs de Lourdes avec l’Hospitalité, il y a un quart de siècle maintenant. Parmi ceux-ci, un s’en détache très nettement. Celui de Amédée. Amédée était un adulte porteur d’une déficience mentale qui nous réjouissait par son entrain et sa joie de vivre. Tout lui allait, rien ne le contrariait. Pour les jeunes que nous étions, il était devenu notre protégé, notre ami, et dit avec beaucoup de tendresse notre mascotte. Il ne cessait de répéter « content Médée » avec son large sourire déformé plein de charme parce que vrai. Aujourd’hui cette expression « content Médée » me revient souvent à l’esprit quand les difficultés et les contradictions viennent bousculer ma petite vie. Finalement, quand on a l’Essentiel, l’Amour d’un Dieu en qui nous mettons notre confiance, des amis, une famille qui sont là à nos côtés et une nature qui continue à nous émerveiller, merveilleuse Espérance : Merci Amédée ! »

Abbé Rémy SOUBRIER, Prêtre de Ligueil et des communes environnantes.

« Situation totalement inédite pour moi en tant que prêtre mais chacun pourrait le dire pour lui aussi.

Au cœur de ce carême j’ai d’abord mis plusieurs jours même deux semaines à réaliser et intégrer le bouleversement que ce confinement procurait au monde et aussi dans mon ministère. Plus de réunions, plus d’offices, et surtout plus de célébration eucharistique avec un peuple rassemblé, découverte de la communion de désir. Du jour au lendemain plus de relation avec des gens… Il m’a fallu découvrir une autre façon d’être présent à la vie des gens et aussi sentir l’angoisse, les inquiétudes de beaucoup. Plusieurs heures au téléphone pour prendre des nouvelles, parler, réconforter…gérer aussi des impératifs…Des reports de baptêmes, de mariages, de préparations aux sacrements. Des sépultures célébrées avec un nombre restreint de participants…masqués et à distance…Mais aussi beaucoup d’initiatives de solidarité : des courses proposées aux anciens, des coups de fil, des mails, des dessins d’enfants du caté pour les EPHAD, des attentions délicates mises dans les boites aux lettres en se promenant dans sa rue ou dans son quartier. Et bien sûr, au cœur de ce temps du carême, de la semaine sainte et maintenant ce temps pascal, une union invisible mais réelle dans la prière. Nuit d’adoration eucharistique à distance pour le soir du Jeudi Saint mais aussi chaque jour avec le chapelet de Lourdes et les offices retransmis à la radio, à la télévision. Union avec le prêtre qui célèbre seul mais aussi les mots journaliers de notre évêque.

Temps particulier propice à la réflexion aussi, à des retrouvailles en famille pour beaucoup. Finalement un temps angoissant par bien des aspects je pense aux malades, soignants mais aussi aux conséquences économiques et un temps qui marquera notre humanité dans son rapport au monde et aux personnes. Dans quel esprit en sortirons-nous ? Qu’est-ce que cela changera dans nos relations ? Dans notre manière de vivre, de consommer ? De vivre notre foi aussi ? Voici quelques éléments de la vie d’un prêtre en paroisse. »

Père Benoît MENOUX, curé-doyen de Loches.

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