Marocains aux Pays-Bas : un ultimatum de La Haye à rejeter sans état d’âme par Rabat ! Abdelkrim Belguendouz Universitaire à Rabat, chercheur spécialisé en migration
L
e mal est fait, la boucle est bouclée. Dans le cadre des politiques néolibérales à relents populistes, la droite et l’extrême droite néerlandaises, sont arrivées à leur fin : imposer au Maroc lui même à travers son gouvernement, la remise en cause d’un certain nombre de droits sociaux acquis par ses ressortissants immigrés aux Pays-Bas et leurs familles restées ou retournées au Maroc. Plusieurs domaines ont été touchés essentiellement. Des décisions régressives En vertu de la «loi sur le principe de résidence», datant du 1er juillet 2012, qui introduit des modifications dans les critères d’attribution des prestations en matière de sécurité sociale, une diminution de 40% a été instituée à partir du 1er janvier 2013 sur les pensions de veufs et de veuves, ainsi que sur les allocations familiales pour les enfants se trouvant au Maroc, sous prétexte que le coût de la vie au Maroc est inférieur de 40% à celui prévalant aux Pays-Bas. Par ailleurs et conformément à une nouvelle mesure concernant «l’arrêt de l’exportation des allocations familiales», celles-ci devaient également être supprimées en direction du Maroc. Au total, cinq types de prestations sont concernées par ces mesures gouvernementales, considérées comme signe et facteur de «modernisation» du système de «protection» sociale, alors qu’elles sont prises en considérant l’immigration comme la variable d’ajustement de la crise. Il s’agit des allocations pensions de survivants (ANW), des prestations d’invalidité partielle basée sur le revenu minimum ( WGA), de l’allocation d’invalidité ( TW), des allocations familiales pour les enfants (AKW) et de l’assurance maladie (ZWW).
L’approche du fait accompli En vue de permettre l’entrée en vigueur de ces décisions, il était nécessaire pour le gouvernement néerlandais de modifier en particulier la convention de sécurité sociale conclue avec le Maroc, sachant évidemment qu’il y a primauté des conventions internationales sur les lois internes. Par conséquent, il aurait fallu engager une concertation notamment avec le Maroc, avant d’adopter ce type de mesures et mettre les pays d’origine devant un fait accompli. Or le gouvernement néerlandais de coalition libérale-travailliste a pratiquement «notifié» au gouvernement marocain de réviser la convention. Sous couvert de concertation, on a cherché de fait à officialiser et à légaliser la discrimination et l’injustice, en exerçant des pressions insoutenables sur le Maroc pour la signature d’une nouvelle convention entre les deux pays. En d’autres termes, cette méthode machiavélique consiste à faire en sorte que le Maroc accepte lui même les remises en cause des droits des Marocains aux Pays-Bas pour que l’on ne parle plus de la violation de l’accord bilatéral de sécurité sociale par le gouvernement néerlandais. En invoquant la prise de nouvelles mesures, le gouvernement néerlandais a de la sorte, fermé le dialogue avant de l’ouvrir. Ce qui a prévalu dans cette logique, c’est la prééminence du fait accompli, la nécessité de se soumettre à la nouvelle réalité, sans la remettre en cause d’aucune façon, et en la considérant par conséquent comme non négociable. Objections de fond tardives ? Finalement, depuis 2011, après une longue période de tergiversations marocaines, de pressions et de chantage néerlandais, une courte période de «résistance» du Maroc s’en est suivie
. Durant cette seconde phase et concernant la décision unilatérale de La Haye, le ministère marocain des affaires étrangères avait exprimé «son rejet total de cette décision aussi bien dans la forme que dans le fond», et que des décisions allaient être prises à Rabat en vue de «consolider la défense des intérêts, des acquis et des droits des Marocains de Hollande». Le Maroc n’est pas prêt à sacrifier les intérêts de ses ressortissants et céder sur les acquis réalisés en la matière. Plus encore, «des actions seront envisagées sur le plan aussi bien politique que juridique», précisait alors un communiqué du ministère marocain des affaires étrangères, à la suite d’une réunion tripartite des trois ministres concernés ( A. E, Emploi, ministère MRE). Mais les deux parties ont repris langue, aucune des menaces de rétorsion brandies par Rabat n’ayant été mise en application. Fin septembre 2015, tout était définitivement bouclé, suivi par des communiqués officiels séparés triomphalistes de part et d’autres, marquant une satisfaction générale de l’aboutissement des pourparlers et saluant les résultats de ce dialogue. Dans un communiqué du ministère néerlandais des affaires sociales en date du 29 septembre 2015, l’accord «d’ajustement» de la convention bilatérale en matière de sécurité sociale est qualifié d’»équilibré», en ce sens qu’il «prend en compte les intérêts « et «l’excellence des relations diplomatiques de longue date» entre les deux pays. La date de la signature officielle de la convention révisée était même fixée pour le 15 décembre 2016.
Lire la suite de l’article : https://goo.gl/dSAoR3