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de architectura
from #4 Juin 2019
De Still Modern : Les Room Stories de la Résidence Chris Marker d’Eric Lapierre
Le paysage urbain du 14ème arrondissement de Paris vient de s’orner d’un historique nouveau complexe de 365 logements étudiants au style épuré et rationnel mais aux allures de Manifeste. Harmonieusement enclavée en surplomb d’un centre de maintenance de bus RATP situé entre le boulevard Jourdain et la rue Tombe Isssoire, la résidence étudiante Chris Marker (2007-2017) conçue par l’architecte Eric Lapierre se définit stricto sensu comme « une réflexion sur la monumentalité domestique ».
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Prenant comme référence son patrimoine environnant local qui s’étend de la Cité Universitaire (Pavillon Suisse, Pavillon du Brésil, Fondation Avicienne) aux emblématiques maisons modernes à proximité (Villa Seurat, Maison Atelier, Maison Ozenfant), cet imposant « paquebot » de 100 m de long et haut de 10 étages réinterprète l’imaginaire typologique du Mouvement Moderne pour devenir une authentique « ville condensée à la verticale ».
Une ville-équipement où les espaces communs, en double hauteur et en interdépendance entre les étages, « véritable volume fédérateur de l’établissement » qui compose la faille oblique du vide de la façade côté rue, se prolongent côté jardin en d’imposantes terrasses-patio à l’abri des nuisances sonores automobiles de la cité haussmannienne. Les cellules étudiantes quant à elles, surprenantes par leurs dimensions (8m x 2,5m) et leurs couleurs issues du nuancier Corbuséen, dévoilent côté jardin une façade totalement vitrée qui permet à la lumière d’éclairer en permanence les scènes intimes de la vie quotidienne.
Une architecture hissée au rang d’œuvre d’art qui utilise brillamment le détail pour permettre de réduire la stature monumentale du bâtiment à une échelle domestique. De ses colonnes aux hauteurs variées, qui allient volonté formelle et économie de matière, aux menuiseries triangulaires des logements réduisant l’effet linéaire de l’édifice en passant par ses percements circulaires « psychédéliques » au niveau des patios qui bousculent les lois de la perception, Eric Lapierre ne laisse aucune place au hasard.
Une « architecture savante » où la performance technique, comme son ascenseur qui dessert les différents espaces communs, et sa faculté de jouer avec les normes (anti-incendie) grâce au prolongement des dalles de béton armé par exemple, lui permet une grande lisibilité tant à l’échelle urbaine que domestique.
La vie [étudiante] vue comme un « photo-roman » de l’instant, c’est ce que le vainqueur du Grand Prix d’Architecture 2019 a tenté avec justesse de transmettre dans ce nouveau complexe de logements étudiants dédié au photo-cinéaste Chris Marker. Une « micro-révolution » ou la narration à l’échelle de la ville comme à celle du détail devient le moteur de conception du projet en faisant s’étendre les limites théoriques de la chambre étudiante afin de créer un gigantesque théâtre des rencontres quotidiennes. Une « machine à co-habiter » qui prône un mode de vie collectif et contemporain radical rassemblé sous le slogan : « Habiter Mieux, Habiter (à) Plus ».
Vincent Richard du Perron