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Interview Nicolas Campodonico
from #4 Juin 2019
interview
Nicolás Campodonico est diplômé de l’Université nationale de Rosario en 2001 avec une médaille d’argent. Il établit aussitôt son agence à Rosario et travaille sur des projets et des concours en Argentine et en Uruguay, qui lui valent des prix et des distinctions, dont les prix de l’ICCA pour la jeune architecture en Argentine en 2015. Ses travaux ont été publiés en Argentine, au Chili, au Mexique, en Colombie, en Espagne et en Angleterre. Parallèlement à son activité professionnelle, il enseigne depuis 1998 à la faculté d’architecture de l’Université nationale de Rosario.
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La vision de Nicolás Campodonico sur l’architecture se base sur 5 éléments primordiales: l’espace, la matière, la lumière, le lieu et le temps. Tout cela propre à la réalité physique et culturelle de l’Amérique latine.
une architecture locale et d’actualité
Les réalités physiques sont très concrètes: les lieux, les ressources, matériaux, d’une société ou l’architecture va être créé. Les réalités culturelles, dépendent du pays. Argentine est un pays qui a des forts contrastes, un pays très riche et très pauvre au même temps, aux richesses naturelles et culturelles très importantes mais au même temps 30% de la population est en dessous de la ligne de pauvreté. Alors, qu’est ce qui se passe au milieu ? La bureaucratie dans la politique et la corruption prend toutes ces richesses. Cela fait que ce qu’on a pour travailler, même si on est dans un pays riche, les ressources sont très limitées et cela est une condition qui arrive beaucoup en Amérique Latine. J’ai entendu des architectes disant sur des projets « Non, il n’y a pas de ressources » ou « Le client n’a plus d’argent » moi je crois que c’est le contraire, ce manque de ressources m’a permis d’établir un point de départ pour me concentrer à l’essentiel du projet. Au-delà d’être une difficulté, cela m’a permis de travailler avec une synthèse intuitive. Dernièrement cette intuition est devenue une condition plus rationnelle et concrète. Développer les projets avec une synthèse de ressources, la forme, les matériaux. En Amérique latine, on est tous dans un problème similaire. Entre le sous-développement et comment plusieurs acteurs profitent de ce sous-développement.
J’ai réalisé un petit projet au Mexique dans l’année 2015, c’était une galerie d’exposition. Je le considère comme un projet d’architecture car je l’ai voulu ainsi. La consigne était libre, je pouvais travailler dans une exposition comme dans une œuvre architecturale. J’ai décidé de travailler dans une pièce architecturale qui est quasiment comme une synthèse du reste de mes travaux. Ce fut une très belle expérience. Je suis allé le construire sur place, avec des pièces préfabriquées, j’ai assisté et participé au montage. Mais mes œuvres les plus traditionnelles se situent en Argentine et Uruguay.
Chaque endroit a ses conditions de travail. L’architecture qui m’intéresse de faire est formée par l’endroit où elle va être faite. J’essaye toujours de connecter le projet avec le lieu dans l’aspect direct de l’implantation mais aussi avec les techniques de construction, les matériaux, les ressources. Moi, j’essaye de me concentrer sur les pratiques locales, essayer de travailler là où je travailler et pas d’imposer une architecture différente dans n’importe quel autre lieu. Je ne cherche pas à faire quelque chose qui peut fonctionner partout mais faire un projet qui a besoin de ce lieu spécifique et inversement en utilisant les ressources et technologies de ce lieu.
spiritualité et matérialité
Je considère que ce n’est pas nécessaire. Je parle pour moi, moi je suis croyant. C’est un projet très spécial pour moi j’ai beaucoup aimé le réaliser. C’est vraiment un projet qui me tient beaucoup à coeur. Cependant je connais beaucoup des exemples des architectures religieuses faites par des architectes non croyants. Je ne sais pas si c’est nécessaire ou non. Ma profonde croyance dans la foi et les valeurs, m’a aidé à réfléchir sur ce projet. Mais cela m’aide aussi dans la vie quotidienne. Avant qu’architecte je suis un humain et je crois que c’est fondamental de comprendre que ce sont des éléments qui vont ensemble. On se forme comme architectes mais on grandit comme êtres humains. La conviction des valeurs est toujours bonne et importante pour notre développement général.
Tout a de la couleur, les matériaux ont de la couleur. J’admire les architectes qui savent utiliser la couleur comme Luis Barragán, c’est incroyable. Il accroche très bien son architecture colorée avec une culture préexistant. C’est une relation très forte. Le Corbusier l’a aussi l’utilisé dans un point de sa vie. Personnellement je n’ai pas appris à utiliser la couleur de cette façon-là. Pour le moment, je suis plus intéressé à extraire la couleur des matériaux. La matière est un point très important et elle a beaucoup des choses à l’architecture dire par rapport à ses couleurs. J’essaye de travailler avec les couleurs naturels. Sinon j’utilise souvent la couleur blanche ou des tons sablés. J’aime beaucoup explorer et explorer la lumière et la couleur de la matière.
l’architecture, un métier fait de hasard et de passion
A vrai dire je n’ai pas eu de motivation pour être architecte. Lorsque j’ai fini mes études au secondaire, à 17 ans, je me suis mis à travailler dans le champ, en tant qu’agriculteur. Cependant, ma mère voulait que je fasse des études, elle a donc fait un accord avec moi. Elle voulait que je rentre dans une école d’architecture pendant une semaine, si je ne l’aimais pas je pouvais retourner travailler, dans le cas contraire, poursuivre dans cette voie. Ce fut en 1991, une époque où le dessin architectural le plus utilisé était la représentation 2D et non pas la 3D comme aujourd’hui, et je donc vu pour la première fois des plans d’architecture. Cela m’a tout de suite fait penser à des labyrinthes. Depuis mon enfance, l’idée de ce qui peut se cacher ou apparaître derrière un mur, m’a beaucoup intrigué. C’est avec ce souvenir qu’il s’est réveillé en moi la passion pour l’architecture.
Par moments je ressens cette intrigue que je sentais quand j’étais petit. Bien évidemment elle n’est pas toujours présente car il y a énormément d’aspects techniques dans lesquels nous devons nous démêler. Pour moi le moment créatif a toujours cet aspect magique, cette inquiétude de ne pas savoir ce qui viendra ensuite. Penser le projet comme une découverte, un voyage. Il faut être attentif à ce qu’il peut nous renvoyer. Aujourd’hui je suis heureux car je conserve toujours cette aptitude lors de la conception des projets.
Je pourrais dire que j’ai été plus intéressé par trois des maîtres de l’architecture d’une génération un peu plus âgée que la mienne avec lesquels j’ai pu être en contact. Le premier est Rafael Iglesia, le deuxième est Marcelo Villafañe et le troisième est Ricardo Caballero. Ce sont des architectes très proches, et originaires de Rosario. C’est une très petite ville et j’ai eu la possibilité de les voir travailler, ce sont des architectures très intelligentes qui mêlent le sensible et le conceptuel. Je crois que de quelconque manière ces contacts ont été pour moi de très grande importance. Dans le plan international, les maîtres de la modernité sont très inspirateurs comme Alvar Aalto ou Mies Van Der Rohe et Le Corbusier. Tous les maîtres apportent quelque chose, cependant j’ai été très intéressé par l’architecture européenne d’après-guerre, et en concret par les architectes espagnols d’aprèsguerre. Plus récemment j’ai rencontré d’autres architectes d’après-guerre comme Lewerentz. A vraie dire, chacun compose sa propre bibliothèque personnelle d’architectes. Cette bibliothèque marque et définit un regard architectural propre à chacun.
le mot de la fin
Pour moi la double hauteur c’est « sortir du standard ». Cela me paraît merveilleux. On est dans un monde où l’obsession pour faire de l’architecture économique et efficace est primordial. Cela fait que chaque endroit ait des mesures prédéfinies et à respecter. Par exemple à Rosario la hauteur prédéfinie est de 2.50 à Buenos Aires 2.56.
Je crois que la double hauteur c’est sortir de toute cette uniformité. C’est intéressant comme concept parce que cela n’implique pas une mesure de 5 mètres par exemple. Sinon rompre cela et travailler avec la coupe et l’espace. On se déplace dans l’espace horizontal donc l’expérience peut devenir très vite uniforme. C’est donc la double hauteur qui invite à jouer et qui crée des expériences.
Transcription espagnol-français : Eva Lombard et Matias Heras-Courvoisier Propos receuillis par : Rodrigo Romero Sastré