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Amérique Latine

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de architectura

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Une architecture haute en couleur ?

Les cultures d’Amérique latine sont reconnues dans le monde entier comme des pays aux couleurs éclatantes. En effet, en se promenant dans les rues de Cuba, de Lima, de México ou encore de Rio de Janeiro, on voit, même dans les quartiers les plus pauvres, comme les favelas, des couleurs toujours plus vives sur les murs. Certains expliquent cela par le fait que la couleur a un effet thérapeutique sur les consciences, elle pourrait redonner une joie de vivre, une raison de se réjouir sous le soleil même dans les pires situations. Autant dans tous les arts d’Amérique latine la couleur est abondante, pourtant l’architecture est bien l’exception à la règle.

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Béton blanc sur fond blanc

Le style international a eu une influence majeure en Amérique du sud et d’une façon particulièrement notable au Brésil avec le trio mythique d’architectes Oscar Niemeyer, Vilanova Artigas et Lucio Costa. Ce style architectural moderniste et hygiéniste arrive à une époque où la globalisation fait ses premiers pas. On retrouve donc des exemples de ce style dans le monde entier, des bâtiments publics, des maisons, des hôpitaux et même des usines reprenant les éléments de la modernité en architecture : le plan libre, les poteaux, les formes quasiment exclusivement orthogonales… principalement théorisés par Le Corbusier. Mais ce mouvement arrive aussi à l’époque des premières grandes périodes de développements économiques en Amérique latine et connaît un essor rapide puisque considéré comme l’apogée de la modernité et du nouveau monde.

Historiquement on trouve dans ces pays d’Amériques latine, anciennes colonies du royaume d’Espagne ou du Portugal, une transposition de l’architecture de ces puissances européennes comprenant toutefois des adaptations techniques dues notamment aux éléments naturels et aux conditions climatiques tropicales.

Le modernisme latin se définie alors aux antipodes de cet héritage colonial et se veut international, universel et intemporel en se libérant donc de l’ornementation signe d’appartenance à une culture et à un héritage historique.

L’orientation politique des principaux protagonistes de ce mouvement en Amérique du sud est déterminante dans son développement. En effet, au sortir de la Seconde Guerre Mondiale, l’URSS est au faîte de sa puissance et finance les partis communistes dans le monde entier. Cette santé économique lui donne une influence politique et culturelle très importante. Niemeyer représente le meilleur exemple de cette influence : il adhère au parti communiste en 1945 et y restera fidèle jusqu’à sa mort en 2011 ( à 104 ans !). Il réalisera d’ailleurs le siège du parti communiste français et le siège du journal d’extrême gauche l’Humanité en accord avec ses convictions. Le style international est donc en adéquation avec les volontés universalistes de la doctrine communiste (pensez à l’Internationale Communiste ). Vilanova Artigas et Paulo Mendes Da Rocha sont deux autres exemples d’architectes brésiliens de l’architecture international appartenant au parti communiste. L’une des caractéristiques principales du style international, s’inscrivant dans l’idée de traverser toutes les frontières, est l’utilisation du blanc comme seule couleur pour les façades du moins, et du béton, parfois laissé brut de décoffrage, comme matériau premier.

Luis Barragan et Ricardo Legorreta - architectes mexicains

Pourtant il existe bien des architectes d’amérique latine qui utilisent la couleur, en harmonie avec forme et lumière, comme le point d’orgue émotionnel de l’espace.

Tournons-nous tout d’abord vers le Mexique, “capitale artistique” d’amérique latine dans les années 30.

Le plus connu pour son architecture colorée est sans doute Luis Barragan. Architecte autodidacte, il s’inspire de l’effervescence des artistes mexicains et des quartiers colorés de sa ville Guanajuato, mais également à travers ses voyages, où il rencontre notamment Le Corbusier et s’intéresse à l’architecture moderne. Il est évident que l’architecture de Barragan s’identifie clairement par l’utilisation de couleurs vives telles que le rose, le rouge, le jaune, ou encore le bleu, et la maîtrise de la lumière, de l’eau ou tout autre moyen de réflection pour la mettre en valeur. Dans la manière dont il conçoit ses édifices, Barragan le fait avec empirisme car l’architecture est avant tout une expérience sensible, de mise en valeur et mise en forme. Ces réalisations les plus saluées, tels des bâtiments manifestes, sont la maison-atelier, et la maison Gilardi.

Elève incontesté de Barragan, Ricardo Legorreta il crée sa propre agence en 1964, puis son fils le rejoint en 2000. Les édifices de Legorreta utilisent des couleurs vives telles que la maison à Hawaï entièrement jaune et uniforme sur l’entièreté du bâtiment aux formes modernes. La maison Greenberg à Los Angeles fait partie des maisons remarquables du Mexique, par les différents jeux de lumières, tout avec une manière mystérieuse d’organiser l’espace.

Lina Bo Bardi et Henri Ciriani - le modernisme avec touches de couleurs

Architecte brésilienne d’origine italienne, Lina Bo Bardi est reconnue dans le monde entier comme une des pionnière de l’architecture moderne. Elle rencontre à Rio, le groupe d’architectes Niemeyer et Lucio Costa, et réalise le musée d’art à Sao Paulo. Ce projet qui est un de ses plus fameuse réalisation est reconnaissable par cet grand arche rouge vif donnant au bâtiment cet impression de lévitation. Elle réalise également le Centre social SESC Pompéia, cet édifice imposant en béton parsemé de touche de couleurs par des les fenêtres aux formes organiques. On ne peut pas dire réellement que Lina Bo Bardi ait théorisé son utilisation de la couleur dans son architecture, cependant son utilisation bien plus partielle que l’architecture de Barragan apporte des éléments symboliques à son architecture.

Henri Ciriani, architecte péruvien naturalisé français, que nous avons pu rencontrer à l’ENSPAVS cette année, fait partie des architectes moderniste à utiliser la couleur dans ses projets. Dans le Musée départemental Arles antique, une grande façade bleue, se déploie et se termine tel un arche relié au sol. Dans ses nombreux logements, comme ceux situés juste à côté de l’école, rue Chevaleret, on reconnaît plusieurs touches de couleurs primaires par le même processus que Le Corbusier (utilisé par exemple à la Cité Refuge quelques rues plus loin). Mais si l’on fait référence à Ciriani pour la couleur, il nous vient tout de suite en tête ses nombreux croquis colorés. Bien que d’origine péruvienne, il est peu probable que Ciriani l’utilise en référence à son pays d’origine, mais plutôt dans une démarche liée à l’architecture moderne et sa théorisation au début du siècle.

Cela nous interroge plus largement à l’utilisation de la couleur en architecture, pas seulement en Amérique Latine, mais pourquoi pas en France. Si ce sujet vous intéresse, nous vous conseillons de vous pencher sur des architectes français qui construisent aujourd’hui, en 2019, tout en couleur, avec plus ou moins de quantité de surface colorée: Jakob+MacFarlane, Dominique Coulon, Manuelle Gautrand, ou encore Frédéric Borel (ça me rappelle quelque chose).

Léa Balmy et Clément Eygun

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