EcoRevue 2014

Page 1

1

Q SAMEDI28JUIN2014

S u p p l é m e n t

EcoRevue 2014

L’essentiel de l’Alsace active

Production en atmosphère stérile chez Lilly à Fegersheim. (Photo DNA - Cédric Joubert)

Anticiper

Comprendre Le pôle sciences de la vie

L’activité des grands secteurs en Alsace

Page 8

Page 6 et 7

Pages 4 à 11

L’économie numérique en Alsace TP1 01

Observer


ÉCOREVUE 2014

SAMEDI28JUIN2014 P

2

EMPLOI Les effectifs de l’industrie ont continué à s’éroder

Q Q ÉDITORIAL

L’

Alsace est sans doute plus qu’aucun autre territoire en France dépendante de la bonne tenue des marchés européens et mondiaux. Pour au moins trois raisons. En premier lieu, l’écrasante domination des capitaux internationaux dans l’industrie. Même si les implantations nouvelles se sont nettement ralenties, la France n’étant plus aussi attractive que par le passé, le stock d’investissements existant continue à porter l’économie régionale, assurant plus de quatre emplois sur dix dans l’industrie. Il est significatif d’observer que plusieurs des grands projets industriels du moment sont bien le fait d’entreprises internationales.

Le très inconfortable entre deux de l’économie alsacienne Le second facteur d’exposition à la dynamique mondiale est la capacité exportatrice, elle-même très dépendante des investissements internationaux en particulier des entreprises allemandes. De ce point de vue, l’Alsace est restée en 2013 le bon élève français, en tête pour le taux d’exportation per capita. La région demeure cependant encore trop tournée vers les marchés européens et singulièrement l’Allemagne. Elle devra fournir bien des efforts pour conquérir de nouveaux marchés dans les économies émergentes. L’économie voisine allemande reste un moteur important de l’Alsace pour toutes ces raisons. Sans oublier l’envoi quotidien de plusieurs dizaines de milliers de frontaliers, outre Rhin bien sûr, mais également en Suisse. Depuis quelques années, doutes et interrogations se relayent sur la capacité de la main-d’œuvre française à répondre aux exigences de compétence linguistique. On pense naturellement à l’allemand, mais on oublie parfois que la langue de travail des majors suisses est souvent l’anglais international. Aujourd’hui, certains employeurs allemands ou suisses en pleine forme se plaignent amèrement de ne pas trouver suffisamment de candidats alsaciens à l’apprentissage ou à l’emploi. Cette triple dépendance est particulièrement sensible vis-à-vis de l’économie allemande. Or, force est de constater que les deux pays, indissociables dans la construction européenne selon la vulgate politique, ont suivi des chemins bien différents pour rebâtir leur compétitivité respective. Et, de fait, les deux «inséparables» donnent l’impression d’élargir jour après jour le fossé qui les sépare. La nouvelle «politique de l’offre» forgée à Paris après hésitations et contre-temps semble en effet bien éloignée du libéralisme décomplexé et transpartisan installé par Berlin. L’actualité s’est fait un malin plaisir à en offrir une nouvelle illustration dans le rendezvous manqué d’Alstom avec Siemens. ANTOINE LATHAM

Le nord-est à la traîne Évolution annuelle des effectifs salariés du secteur marchand par région et par zone d’emploi en % Nord-Pas-de-Calais -0,9

Wissembourg -0,2 Haguenau Saverne Niederbronn -0,5 Sarre-Union -1,0

Haute Picardie Normandie -1,4 Basse -1,4 Lorraine Normandie -1,2 Ile-de-0,9 France ChampagneAlsace Bretagne -0,1 Ardenne -0,5 -0,6 -1,4 Pays de la Loire FrancheCentre -0,2 -0,9 Bourgogne Comté -1,1 -1,2 PoitouCharente -0,5 Limousin Rhône-Alpes -1,4 France 0,1 Auvergne -0,4% -0,2 Aquitaine -0,1 Midi-Pyrénées 0,2 LanguedocRoussillon -0,4

Molsheim Obernai 2,2

Strasbourg -0,3

Sélestat 0,7 Colmar -2,2

Mulhouse -1,3

ProvenceAlpes-Côted’Azur -0,4

Saint-Louis 1,1

Corse -0,2 Source : URSSAF Info

43885 C. Guerittot 11/06/2014

L’emploi des secteurs marchands s’est contracté de 0,5 % en 2013 en Alsace, un recul un peu plus fort qu’au plan national (-0,4 %). Pour la région, cela représente la perte de 2 700 postes en un an. L’industrie, à elle seule, a détruit 2 520 emplois. L’Urssaf qui publie ces chiffres a cependant noté une amélioration au dernier trimestre 2013, avec 0,2 % de salariés supplémentaire, première hausse significative après deux années de baisses trimestrielle consécutives.

SOCIAL Bilan 2013 en Alsace

REPÈRES

Selon l’INSEE, le chômage a cessé de croître

ALSACE

Les chiffres clés du territoire

Le taux de chômage observé en Alsace, 9 % fin 2013, reste inférieur de 0,8 point au niveau national. Les contrats aidés diminuent la pression sur les jeunes.

S

ous le titre « Incertitudes persistantes », le bilan 2013 que de l’économie alsacienne que vient de publier l’INSEE contient malgré tout une bonne nouvelle. Même s’il faut l’entendre avec quelques précautions: l’Alsace est revenue, du point de vue du sous-emploi, à la situation qui était la sienne en 2009.

« Une légère amélioration a favorisé la reprise d’activité des chômeurs les plus récemment inscrits » « Le chômage a cessé d’augmenter en fin d’année pour se stabiliser à 9 % de la population active. Fin décembre, 93200 personnes restent inscrites à Pôle emploi sans avoir travaillé ce dernier mois. 4600 de plus que fin 2012. Le chômage des jeunes de moins de 25 ans recule, celui des seniors de 50 ans ou plus augmente encore de 14 %. En dix ans, leur nombre a doublé, leur part avait dépassé celle des jeunes en 2010 pour atteindre 23 % cette année ». « Une légère amélioration a favorisé la reprise d’activité des chômeurs les plus récemment inscrits. Le chômage de longue

Dans une agence de Pôle emploi à Strasbourg. PHOTO

DNA MARC

ROLLMANN

durée, plus d’un an, concerne 42 % des demandeurs, quatre points de plus qu’un an auparavant et approche maintenant le niveau national. Parmi eux, 14750 sont inscrits depuis plus de trois ans. Les politiques d’emploi restent particulièrement ciblées sur cette population. Passé

55 ans, 60 % des personnes au chômage le sont de longue durée, traduisant la complexité des fins d’activité », écrit Jean-Pierre Courson dans la synthèse de Chiffres pour l’Alsace (N° 21, mai 2014) consacré au bilan de l’économie alsacienne. L’INSEE note que la reprise de

l’intérim a permis a davantage de jeunes hommes de trouver un emploi. Mais c’est de toute évidence le recours aux contrats aidés qui a permis de faire diminuer la pression. Le nombre de contrats de professionnalisation a progressé de 1,6 %, les contrats uniques d’insertion de 6 % et les contrats d’insertion dans la vie sociale de 3,4 %. En revanche, le nombre de contrats d’apprentissage du secteur privé est passé de 10767 à 9145, soit un vrai recul de 15,1 %. Un échec collectif alors que les chambres consulaires et le conseil régional ont fait du développement de l’apprentissage une priorité stratégique. Mais il est vrai que les conditions pour les employeurs se sont dégradées. Et le manque de visibilité de l’activité n’incite pas les entreprises qui le souhaiteraient à s’engager dans le recrutement d’apprentis. Le contraste est saisissant si l’on jette un œil sur ce qui se passe en Allemagne et en Suisse. Outre Rhin, le taux de chômage est passé en un an de 5,5 % à 5,3 % de la population active. Dans le BadeWurtemberg, locomotive économique du pays avec la Bavière, le taux de chômage est de 3,4 %… En Suisse, le taux de chômage est passé de 4,2 % à 4,4 % fin 2013 pour l’ensemble du pays. Mais dans la zone riveraine de l’Alsace, la Suisse du nord ouest, le taux de chômage est passé de 4,2 % à 4,1 %. A.L.

R

À la Foire européenne de Strasbourg. PHOTO

DNA - MICHEL FRISON

Territoire et population

L’Alsace couvre 8 280 km², compte 904 communes et 1 852 325 habitants, soit une densité de 223,7 habitants au km².

u

Production et secteurs L’Alsace assure 2,7 % du PIB national, soit 27 986 euros par habitant, à comparer à 25 913 euros pour la France hors Ile-deFrance. Le secteur marchand compte 535 500 emplois, dont 126 900 pour l’industrie, 43 400 pour la construction, 125 400 pour le commerce, l’hébergement et la restauration, 20 600 pour l’intérim et 219 300 pour les autres services. u

Création d’entreprises et défaillances En 2013, 13 400 entreprises ont été créées, en hausse de 4,4 % par rapport à 2012. Près de 1 500 défaillances ont été prononcées par les chambres commerciales, en baisse de 1,1 %. u

Commerce extérieur Les échanges extérieurs de l’Alsace totalisent 60,6 milliards d’euros, 29,5 milliards à l’exportation, en progression de 2,1 %, et 31,3 milliards à l’importation. L’Alsace est au 5e rang des régions exportatrices françaises, au 1er rang per capita. u

Supplément gratuit des du 28 juin 2014 Le directeur de la publication : Francis Hirn N° commission paritaire 66238 - ISSN 0150 - 391 X Imprimerie DNA Coordination rédactionnelle : Antoine Latham Crédit photos : DNA Couverture : Studio dessin DNA TP1 02


ÉCOREVUE 2014

3

Q SAMEDI28JUIN2014

BÂTIMENT ET TRAVAUX PUBLICS Les perspectives 2014 sont orientées à la baisse

Meilleur que prévu

En 2013, malgré un important recul du logement neuf, le secteur de la construction a mieux résisté que prévu en Alsace. Cette année, les perspectives restent orientées à la baisse.

L’

an passé en Alsace, selon la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL), la mise en chantier de logements de tous types a atteint un niveau historiquement bas. Avec 7 300 réalisations, la baisse, qui affecte essentiellement le Bas-Rhin, est de 21 % par rapport à 2012. En matière de permis de construi-

re accordés, leur nombre (9 435), qui renseigne sur les futures mises en chantier, affiche également en important repli (-25 %) par rapport à 2012. Le secteur de la maison individuelle est ici le plus touché avec un recul de 30 %, qui s’équilibre entre les deux départements. Pour autant, à en croire l’enquête annuelle de la Banque de France auprès des PME alsaciennes, cette

1,3 MILLIARD POUR ÉQUIPER L’ALSACE Présenté fin décembre 2013, le volet « mobilités » du contrat de plan État-Région Alsace pour la période 2014-2020 a de quoi mettre du baume au cœur des entreprises alsaciennes du secteur du BTP. Tous modes de transport confondus ce programme, fruit d’une consultation entre les collectivités locales, prévoit 828 millions d’euros d’investissements cofinancés par l’État, la Région Alsace, les conseils généraux du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, les trois grandes villes et agglomérations, des fonds européens, des financeurs étrangers et des opérateurs publics. En matière d’infrastructures ferroviaires l’enveloppe de 480 millions d’euros comprend notamment la modernisation des nœuds ferroviaires de Strasbourg et Mulhouse, la réouverture de la ligne Bollwiller-Guebwiller, la modernisation de la ligne Niederbronn-Haguenau et le raccordement de l’EuroAirport. Pour le domaine routier (277 millions d’euros), on trouve la déviation de Châtenois, la rocade Sud de Strasbourg, l’achèvement de la mise à 2x3 voies de l’A35 à Mulhouse, l’aménagement de la RN 83 entre Colmar et Sélestat ainsi que la requalification de l’A35 dans l’agglomération de Strasbourg. Pour la voie d’eau ce sont 72 millions d’euros de travaux qui sont planifiés. « Il ne s’agit pas de bétonner l’Alsace, mais de l’équiper », a insisté Philippe Richert, président de la Région, qui ajoute volontiers à cette liste de travaux le contournement autoroutier Ouest de Strasbourg, soit 500 millions d’euros d’investissements supplémentaires financés par le secteur privé.

TP1 03

déprime de la demande n’a pas trop pesé sur les résultats des entreprises du bâtiment. Dans le gros œuvre, où le recours aux intérimaires a continué de marquer le pas (-21 %), l’activité a été proche de 2012 (+ 0,2%). Dans le second œuvre, qui a pareillement réduit le recours aux intérimaires (-5,8 %) tout en diminuant les investissements (-11 %), la croissance est légèrement supérieure (+0,9 %).

En 2014 les entrepreneurs craignent notamment un nouveau fléchissement de la commande publique Selon l’enquête de la Banque de France, les entreprises de travaux publics ont bénéficié l’an passé d’un volume d’activité en hausse de près de 6 %, soit un résultat supérieur aux prévisions. Les investissements en revanche ont pour cette branche enregistré un recul global de 23 % alors que les effectifs y sont restés plus ou moins stables (+0,6%). Concernant l’année en cours, les entrepreneurs alsaciens du BTP interrogés par la Banque de Fran-

Nouveaux immeubles de logements vus depuis la Passerelle Mimram et le Jardin des Deux Rives. PHOTO DNA - MICHEL FRISON ce, présentent généralement des carnets de commande orientés à la baisse. Ils s’attendent donc à une nouvelle contraction de l’activité, tout particulièrement dans le gros-oeuvre et les travaux publics. Année électorale aidant, ils craignent notamment un nouveau fléchissement de la commande publique, en raison des contrain-

tes budgétaires. En 5 ans, par exemple, les crédits publics consacrés à l’entretien et au renouvellement du réseau routier national non concédé ont diminué de plus de 50 %. Ainsi la fédération régionale des travaux publics, qui représente l’industrie routière, pronostique-t-elle une chute de 5 à 6 % de son activité en 2014. Côté bâtiment, alors que les mises

en chantier ont continué à baisser en Alsace au cours du premier trimestre (-6,3 %), on estime que les effets du plan d’investissement gouvernemental en faveur du logement et les mesures fiscales pour les travaux d’économie d’énergie n’auront pas d’effet bénéfique sur l’activité avant 2015. X.T.

R


ÉCOREVUE 2014

SAMEDI28JUIN2014 P

4

TRANSPORTS Record de croissance à l’aéroport de Bâle-Mulhouse

EN RELIEF

L’aérien en grande forme

TOURISME Record de nuitées en 2013

Changement de braquet

L’an passé les deux aéroports alsaciens ont bénéficié du dynamisme des compagnies à bas prix qui devrait se poursuivre cette année. Du côté des ports rhénans, du TER et du fret routier, les bilans d’activité 2013 restent plus mitigés.

L’ Véloroutes, Slow Up, Alsace CyclHotel, Movelo Alsace, etc.: depuis 2013, les produits d’appel pour cyclos se multiplient. PHOTO DNA - F. DELHOMME

LA HAUSSE NOTABLE de la clientèle internationale dans l’hôtellerie

(+12%), ainsi qu’une affluence exceptionnelle sur les marchés de Noël ont fait de l’année 2013 un millésime à la hauteur des deux précédentes pour le secteur touristique alsacien. Alors que le Comité régional du tourisme (CRT) a dénombré un nombre stable de visiteurs, soit 18 millions qui se partagent en 6 millions d’excursionnistes et 12 millions de touristes (passant au moins une nuit sur place), les retombées économiques (1,5 milliard d’euros) ont toutefois affiché une croissance de 5 %. Malgré une baisse des hébergements générés par les congrès et salons (-20 %), l’hôtellerie a été le principal bénéficiaire de cette dynamique : en progression de 3 %, ce secteur a établi l’an passé un nouveau record de nuitées marchandes (6,4 millions contre 6,2 en 2011). L’augmentation résulte ici avant tout de l’engouement de la clientèle étrangère : ces quatre dernières années, elle n’a cessé de croître, augmentant de 25 % sur la période. En tête du top 5 on retrouve pour 2013 les Allemands (671 000 nuitées), devant (454 000 nuitées), les Suisses (258 000 nuitées), les Britanniques (153 000 nuitées) et les visiteurs en provenance des États-Unis (95 000 nuitées).

Une destination vélo de premier choix Le secteur du tourisme locatif (chambres d’hôte et gîtes) n’a pas été en reste puisqu’il a vu sa fréquentation augmenter de 6 % l’an passé (288 000 nuitées) alors que les campings ont pour la troisième année consécutive enregistré une chute des vacanciers (880 000 nuitées, -3 %). Pour la première fois une enquête de terrain menée par le CRT a permis de mieux cerner l’activité induite par les cyclotouristes. Leur nombre a été estimé à 2,3 millions et les retombées à 13 millions d’euros. De quoi conforter les collectivités locales et structures d’accueil qui ont décidé de mieux cibler à l’avenir cette clientèle réputée à fort pouvoir d’achat. Pour faire de l’Alsace une destination vélo de premier choix, plusieurs initiatives ont éclos depuis dix-huit mois, d’Alsace CyclHotel (offre de séjours itinérants à bicyclette) au jalonnement des véloroutes emblématiques, de Movelo Alsace (stations de location de vélos à assistance électrique) au Slow Up Alsace, un nouveau rendez-vous champêtre lancé dans le cadre des 60 ans de la Route des vins d’Alsace, qui a attiré en 2014 près de 25 000 participants, dont de nombreux cyclos. Pour la saison en cours, les indicateurs laissent présager des résultats comparables à 2013. Dans ce contexte des plus favorables, la création en mars dernier de la nouvelle Agence d’attractivité de l’Alsace, résultant de la fusion du CRT avec Alsace International et la marque Imaginealsace, doit permettre à la région de changer de braquet pour renforcer davantage ses atouts, secteur touristique inclus.

X.T.

an passé, le trafic a poursuivi son envol à l’aéroport de BâleMulhouse comme à celui de Strasbourg-Entzheim. Avec 5,9 millions de billets vendus (+10%) le premier a battu son record pour la troisième année consécutive. Le second, pourtant pénalisé par l’arrêt de sa principale ligne à destination de Roissy a enregistré une troisième année de croissance c o n t i n ue d e s a c l i e n t è l e (1,18 million de passagers ; +1,3 %).

Stabilité du trafic TER après une forte croissance Dans les deux cas, ce sont les compagnies à bas prix qui, en ouvrant de nouvelles lignes ou en renforçant les plus courues, constituent les fers de lance de la croissance. Cette année elles ne sont pas moins de sept (contre 2 en 2012) à proposer des vols réguliers domestiques et européens au départ de la plateforme d’Entzheim, attirées notamment par des taxes d’aéroports parmi les plus basses de France. Depuis ce printemps, la liste comprend également la compagnie low cost britannique EasyJet, numéro un en Europe, qui réalise par ailleurs 54 % du trafic à Bâle-Mulhouse. Simultanément, sur la plateforme hautrhinoise c’est son principal concurrent, l’irlandaise Ryanair, qui effectue son grand retour sans toutefois y ouvrir de base, un an après avoir fait de même à… Entzheim. Sur les rails, le niveau de trafic du TER Alsace, après une augmentation régulière ces dernières années, est resté identique à celui de 2012 malgré les nombreux chantiers de modernisation ayant localement perturbé la circulation des trains, dont une fermeture totale de la ligne Strasbourg-Haguenau pendant huit semaines. La SNCF, qui a

Sur le tarrmac de l’EuroAirport à Saint-Louis. PHOTO - ARCHIVES DNA rouvert la desserte transfrontalière Mulhouse-Müllheim en décembre 2012, a ainsi comptabilisé 940 millions de voyageurs-kilomètres, soit une moyenne restée stable de près de 77 000 voyages/jour en semaine. En 2014, avec la mise en service progressive de nouvelles rames Régiolis (11 sur une commande totale de 24), la SNCF accroît son offre de sièges tout en modernisant son parc roulant. Si le bassin du Rhin a renoué avec la hausse du trafic fluvial de marchandises (+9%), essentiellement portée par la croissance des denrées alimentaires, des produits pétroliers (suite à la fermeture de la raffinerie de Reichstett) et des produits métallurgiques, l’activité s’avère plutôt contrastée en 2013 dans les ports alsaciens. Pour les produits transportés en vrac, le port de Strasbourg affiche une relative stabilité des tonnages transbordés (7,956 millions ; -0,1 %) alors que les ports de Mulhouse-Rhin et de Colmar-Neuf Brisach, qui

ont su gagner de nouveaux trafics (terreau de végétalisation, granulés de bois, etc.), ont poursuivi le redressement opéré en 2012, avec des trafics respectifs de 5,11 millions de tonnes (+3%) et de 1,61 million de tonnes (+6%).

Les conteneurs maritimes marquent le pas En revanche, en matière de conteneurs maritimes, après douze années de croissance ininterrompue, ce segment a connu en 2013 pour la première fois un léger recul dans le port de Strasbourg (406 393 unités équivalent vingt pieds ; -5,5 %). Une baisse essentiellement due à l’arrêt fin 2012 des navettes ferroviaires régulières à destination du port du Havre. Le recul est encore plus important sur le site portuaire d’Ottmarsheim (ports de MulhouseRhin) où le trafic conteneurs a chuté l’an passé de 17 % à cause notamment de l’arrêt des exportations de PSA vers l’Iran. Colmar-Neuf Brisach ne fait ici pas exception avec un recul de 7 %

de son activité conteneurs. Dans le domaine du transport routier de marchandises, selon l’enquête annuelle réalisée par la Banque de France auprès des PME alsaciennes, les entreprises de transport et les services auxiliaires ont enregistré une légère croissance de l’activité en 2013, respectivement 2 % et 3 %, alors que les effectifs de la branche baissent. Après deux années d’attentisme, les dépenses en matière de flotte ont augmenté l’an passé de 3,3 % alors que l’investissement en faveur de l’entreposage et des services auxiliaires de transport a fait un bond de 11 %. Cette reprise n’empêche pas la rentabilité d’un tiers des PME de transport de se détériorer : « Plus de la moitié des entreprises alsaciennes de transport routier ont été confrontées à un recul des marges et à une situation de trésorerie difficile », observent les experts de la Banque de France, guère optimistes pour cette branche en 2014. X.T.

R

CONGRÈS Strasbourg veut devenir la deuxième destination de France après Paris

Réveiller le tourisme d’affaires Relancer le tourisme d’affaires, aux retombées économiques majeures, est un enjeu pour l’Alsace. EN 2013, L’ALSACE a accueilli 96 rencontres d’affaires, dont 29 d’envergure internationale, en baisse par rapport à 2012 où l’Observatoire du tourisme avait compté 108 manifestations. 80000 nuitées sont dues à ces rencontres, en recul de 20 % l’an dernier. L’évolution de ce marché dépend de la conjoncture, bien entendu, mais aussi de l’attracti-

vité de l’Alsace, de ses structures d’accueil et de son efficacité à recevoir. Depuis quelques années, les équipes de congrès de Colmar, Mulhouse et Strasbourg ont uni leurs efforts pour organiser l’offre, sous l’égide des CCI. Alsameeting présente ainsi quelque 400 salles dans la région. Les collectivités sont très conscientes de l’intérêt des congrès, dont les participants sont souvent plus prodigues que les touristes ordinaires. Encore faut-il disposer des outils d’accueil adéquats. À Strasbourg, le plus grand chantier actuellement en

cours est précisément celui de l’extension et de la rénovation du Palais de la musique et des congrès qui s’articulera à terme avec un nouveau site de foire-exposition.

70 millions d’euros d’investissements à Strasbourg Débuté en août 2013, ce chantier a pris une tournure spectaculaire. À la fin de cette année, 8000 m² couverts supplémentaires seront livrés. S’ensuivront en 2015 et 2016 la restructuration des grandes salles Érasme et

Schweitzer, cette dernière passant de 900 à 1200 places. Un troisième amphi de 520 places sera créé. Le budget de cet investissement est de 70 millions d’euros. À mettre en regard des retombées économiques indirectes de l’activité congrès (hôtellerie, restauration, commerce) évaluées à 100 millions d’euros pour une ville comme Strasbourg. Son objectif est de venir la deuxième ville de congrès de France après Paris, en attirant d’avantage de rencontres internationales, notamment scientifiques. Très disputées entre les villes de congrès

Le Palais des congrès de Strasbourg étendu et rénové, sera méconnaissable. PHOTO DNA LAURENT RÉA dans le monde, ces manifestations ont l’avantage d’offrir des séjours un peu plus longs que les congrès nationaux, avec des dépenses per capita plus importan-

tes. Et les dirigeants du PMC sont convaincus qu’un congressiste bien accueilli aura tendance à revenir en tant que touriste. A.L.

R

TP1 04



ÉCOREVUE 2014

SAMEDI28JUIN2014 P

6

BIOTECHNOLOGIES Le pôle de compétitivité sous la loupe

L’écosystème de la santé, vecteur de développement L’Alsace, Bâle et le Bade-Wurtemberg sont devenus un véritable terreau pour les entreprises de biotechnologies. Les starts-up innovantes, qui y côtoient les grands noms de l’industrie pharmaceutique, continuent à croître et à se multiplier. Le pôle de compétitivité Alsace BioValley, estime qu’elles pourraient créer, rien que dans la région, 2000 emplois d’ici 2018.

L

e monde des biotechnologies a sa Silicon Valley. Elle se trouve aux États-Unis, dans la région de Boston qui est aujourd’hui la plus active au monde dans ce secteur. En terme d’importance, la vallée du Rhin se classe juste après elle. « Avec ses 700 entreprises des sciences de la vie qui emploient 50 000 salariés, ses trois universités, ses six Prix Nobel et ses 15 000 scientifiques, la région trinationale est aujourd’hui le deuxième Boston au monde », affirme Didier Frommweiler, le directeur général du pôle de compétitivité Alsace BioValley. De fait, entre Strasbourg, Bâle et le Pays de Bade, « il y a un foisonnement de biotechs », observe-t-il. À l’ombre des grands noms de l’industrie pharmaceutique, qui sont quasiment tous présents (Roche, Novartis, Eli Lilly, Johnson & Johnson, etc), sont apparues ces dernières années de nombreuses entreprises, en particulier des start-ups, qui travaillent à la diffusion d’innovations thérapeutiques issues de la recherche.

Favoriser le transfert de technologie Rien qu’en Alsace, le pôle de compétitivité en recense environ 250 qui œuvrent pour une grande partie dans le domaine des technologies médicales. Les autres, une centaine environ, sont actives dans le déve-

BioValley, Sa mission, explique son directeur général, consiste en effet à « accélérer la croissance industrielle » en favorisant les collaborations entre le monde de la recherche et celui de l’entreprise et en accompagnant les chercheurs qui décident de commercialiser une avancée scientifique (lire cidessous).

La plus grande usine-école d’Europe

L’IHU -Strasbourg a développé une nouvelle discipline: la chirurgie mini-invasive guidée par l’image. DROITS RÉSERVÉS loppement de médicaments. Cette économie se nourrit évidemment de la recherche, très féconde dans la région. De part et d’autre du Rhin, plusieurs milliers de scientifiques travaillent en effet dans les laboratoires des cinq universités du secteur : Karlsruhe, Fribourg, Bâle, Mulhouse et bien sûr Strasbourg, « 49e meilleure université au monde pour les sciences de la vie et 16e en chimie selon le classement de Shanghai », souligne Didier Frommweiler. La capitale alsacienne, rappelle-t-il, accueille également « la deuxième force du CNRS en France après le

campus de Gif-sur-Yvette » (Ilede-France). De la collaboration de tous ces chercheurs et de ceux de l’INSERM, aussi très présents, sont nés plusieurs pôles d’excellence, comme par exemple l’Institut de génétique et de biologie moléculaire et cellulaire (IGBMC), l’Institut de recherche contre les cancers de l’appareil digestif (IRCAD), l’IHU (institut de chirurgie mini-invasive guidée par l’image) ou encore Icube, spécialisé dans la recherche en informatique, en imagerie et en robotique. Sans oublier Alsace Tech, né du regroupement de toutes les grandes écoles de

la région. Au fil des années, tout un écosystème s’est développé autour de cet univers afin d’aider les équipes de recherche à valoriser leurs découvertes. En Alsace, cette mission est notamment assurée par la SATT (société d’accélération du transfert de technologie) Conectus « qui gère la propriété intellectuelle des laboratoires et identifie des industriels » susceptibles d’être intéressés par les innovations qui en sont issues, explique M. Frommweiler. Elle est surtout développée par le pôle de compétitivité Alsace

Les promesses de cet écosystème en terme de développement économique sont telles que les pouvoirs publics ont accepté de financer des infrastructures d’excellence, à l’image par exemple du projet EASE (European Aseptic and Sterile Environment Training Center). Grâce au programme des investissements d’avenir, IllkirchGraffenstaden accueillera en 2016 la plus grande usine-école d’Europe (et la deuxième plus grande dans le monde après celle de Caroline du Nord aux États-Unis) dédiée aux métiers de production en salle blanche. Ce centre sera en mesure de former chaque année 4 000 futurs collaborateurs des industriels de la pharmacie, de la chimie et de l’agroalimentaire. Cet investissement de près de 28 millions d’euros, qui sera géré par l’Université de Strasbourg dans le cadre d’une société anonyme, contribuera à « faire de l’Alsace le meilleur terrain d’implantation en Europe » pour les biotechs, expliquent ses promoteurs. C’est dans la même optique qu’en 2018, une plateforme dédiée aux technologies médica-

les verra le jour à côté du nouvel hôpital civil de Strasbourg et des futurs locaux de l’IHU, inventeur de la chirurgie miniinvasive guidée par l’image. « Nous allons développer un hôtel d’entreprises pour héberger les start-ups, indique Didier Frommweiler. Elles bénéficieront sur place de toutes les compétences pour concevoir, développer et tester les technologies de santé de demain ». C e type d’infrastructures répond à un réel besoin. Il y a aujourd’hui dans la région, précise le directeur du pôle, « 120 entreprises innovantes dans les techmeds ». Et d’autres sont appelées à voir le jour. Les projets collaboratifs, qui dépassent largement les frontières, y contribueront, à l’image, par exemple, de celui qui actuellement est en train de se concrétiser : l’Université de Strasbourg, l’INSERM, le Centre allemand de recherche contre le cancer, l’Université de Heidelberg-Mannheim et Sanofi sont en train d’implanter à Strasbourg une plateforme innovante pour le développement de médicaments. Cet écosystème et les moyens déployés pour lui permettre de se développer devraient se traduire, espère Didier Frommweiler, par la création de 2 000 emplois et de 30 entreprises d’ici 2018. C’est en tout cas l’objectif affiché très officiellement par Alsace BioValley, qui revendique la création, depuis 2005 de 3 266 emplois directs et indirects, de 62 entreprises et de 473 projets de recherche et développement collaboratifs. ODILE WEISS

R

Alsace BioValley à l’interface Le pôle de compétitivité Alsace BioValley a développé de nouveaux outils pour aider les entreprises innovantes à concrétiser leurs projets et renforcer l’attractivité de la région. SANS LUI, LE MONDE de la re-

cherche et celui de l’industrie auraient certainement beaucoup plus de mal à se parler. Au fil des années, le pôle de compétitivité Alsace BioValley s’est imposé comme un partenaire essentiel des universités, des laboratoires et des entreprises qui travaillent dans le domaine des biotechnologies. Le cluster, qui « un des sept pôles français dans le domaine de la santé et un des trois de vocation mondiale », rappelle son directeur général Didier Frommweiler, réunit aujourd’hui 115 membres. Il consacre l’essentiel de son budget de 1,8 million d’euros à favoriser le développement de nouveaux courants d’affaires

afin d’« accélérer la croissance industrielle » du secteur. En particulier dans les domaines « qui présentent les plus grandes perspectives d’essor », à savoir « la robotique médicale, les systèmes de délivrance de médicaments, la chirurgie mini-invasive, les dispositifs médicaux transplantables et les outils de simulation et de modélisation », liste le dirigeant.

Partenariats internationaux Pour cela, Alsace BioValley a développé de nouveaux outils. « Nous accompagnons par exemple les entreprises pour qu’elles soient en capacité de lever des fonds, surtout pour leur deuxième tour de table qui est souvent le plus difficile ». Le pôle propose aussi « de nombreux services pour aider (ses) membres à vendre plus et à mieux acheter ». Il s’efforce également de leur ouvrir de nouvelles perspectives, en leur offrant une vitrine

dans les salons spécialisés et, surtout, en nouant des partenariats internationaux. L’an dernier, Alsace BioValley a ainsi signé un accord de coopération avec le Massachusetts Life Sciences Center. Cet accord avec le célèbre cluster de Boston « permettra de mettre en place des financements bilatéraux pour des projets d’innovations thérapeutiques », indique Didier Frommweiler. La première entreprise de la région à en bénéficier sera Transgene, qui pourra ainsi poursuivre le développement de ses médicaments contre le cancer. « Nous avons également conclu un partenariat avec le Centre québécois du médicament et nous sommes en train de développer le même modèle avec l’Allemagne et le Japon », précise le directeur général. Parallèlement, souligne-t-il, « n o u s avo ns l a vo l o n t é d’agrandir la taille du pôle, en nous ouvrant aux industriels hors santé, comme par exemple l’horlogerie, capable de produi-

Selon Didier Frommweiler, Alsace BioValley a contribué depuis 2005 à la création de 3 266 emplois directs et indirects et de 62 entreprises.. PHOTO DNA – JEAN-CHRISTOPHE DORN re des pièces de très petite taille, ou encore la plasturgie. Nous aimerions inciter des industriels qui travaillent pour l’automobile à se rapprocher du secteur des biotechs ». La structure, qui n’exclut pas d’élargir ses frontières géographiques vers l’ouest, veut ainsi contribuer aussi à renforcer l’attractivité du territoire. « Notre objectif, insiste M. Frommweiler, est de faire venir des entreprises pour qu’elles profi-

tent de l’écosystème » car « ici nous avons tout : les patients, les laboratoires de recherche, les plateaux techniques et l’excellence dans des secteurs de pointe » (lire ci-contre). Cette stratégie commence selon lui à payer. Exemple : « Une entreprise spécialisée dans le conditionnement de la médecine chinoise est actuellement en train de s’implanter au pôle d’innovation d’Illkirch ». En fait, résume Serge Bischoff,

président de Rhenovia Pharma et adhérent d’Alsace BioValley, « nous essayons de promouvoir la notion d’intelligence collective ». L’idée consiste à « se regrouper pour développer des offres cohérentes pour les grands comptes. Si les entreprises alsaciennes se regroupaient pour travailler ensemble, nous serions tout à fait compétitifs avec n’importe quel centre dans le monde ». O.W.

R

TP1 06


ÉCOREVUE 2014

7

Q SAMEDI28JUIN2014

Leaders de demain BIOTECHNOLOGIES Le pôle de compétitivité sous la loupe

Parmi les nombreuses biotechs alsaciennes, quatre sont sur le point de transformer la vie de centaines de milliers de malades. Ensemble, ces start-up, lauréates de prix prestigieux, ont devant elles un marché qui se chiffre en milliards d’euros. Defymed, inventeur du pancréas bio-artificiel

D

efymed représente un espoir considérable pour toutes les personnes atteintes du diabète de type 1. Cette jeune société de biotechnologie strasbourgeoise, créée en 2011 par des chercheurs du Centre européen d’étude du diabète (CEED), travaille à la mise sur le marché d’une thérapie cellulaire qui devrait permettre aux insulinodépendants d’oublier leur maladie, de vivre presque normalement sans passer par une greffe du pancréas -nécessairement associée à un lourd traitement antirejet. La start-up entend exploiter le produit de près de vingt ans de recherches, en l’occurrence un dispositif implantable dans lequel il est possible d’injecter des cellules insulino-sécrétives. Les chercheurs du CEED ont en effet mis au point une membrane suffisamment hermétique pour protéger les cellules en question du système immunitaire du receveur mais tout de même assez perméable pour leur permettre de secréter de l’insuline en fonction des besoins de l’organisme. « Aujourd’hui, explique Séveri-

Séverine Sigrist, Defymed. ne Sigrist, la présidente de Defymed, nous sommes en phase d’études précliniques. Les premières études cliniques devraient démarrer fin 2015 sur 15 patients à Montpellier et à Oxford ». L’entreprise qui emploie aujourd’hui six personnes a d’ores et déjà levé 1,2 million d’euros pour préparer ces essais. La start-up prépare déjà l’exploitation commerciale de son dispositif. L’idée, indique Séverine Sigrist, qui vient d’être élue présidente d’Alsace BioValley, serait de conclure un accord de licence ou de codéveloppement avec une société pharmaceutique susceptible de produire et de commercialiser les cellules. Les perspectives sont considé-

TP1 07

rables. En 2012, rappelle la présidente, 25 millions de personnes dans le monde vivaient avec le diabète de type 1 et leur nombre augmente chaque année. Les bénéfices réalisés avec le pancréas bioartificiel permettraient à l’entreprise d’explorer d’autres terrains. « Nous pouvons adapter les membranes, explique la chercheuse. Notre dispositif pourrait donc être étendu aussi aux maladies hépatiques, rénales, à l’hémophilie voie même à la maladie d’Alzheimer ».

Rhenovia Pharma, leader de la biosimulation du système nerveux En sept ans d’existence, Rhenova Pharma s’est imposée dans son domaine. Aucune autre société dans le monde n’est allée aussi loin dans la biosimulation du système nerveux central que cette entreprise mulhousienne, créée en 2007 par une équipe internationale d’experts en neurosciences. La technologie qu’elle a développée « permet de reproduire sur ordinateur les mécanismes cellulaires du cerveau et de la transmission nerveuse », explique son président Serge Bischoff. Rhenovia Pharma peut ainsi « voir ce qui se passe dans le cerveau » d’une personne atteinte d’une maladie neurodégénérative comme Alzheimer ou Parkinson, neurologiques comme l’épilepsie ou psychiatrique comme la schizophrénie et donc « mieux comprendre les mécanismes des crises, leur genèse ou encore leur durée », précise M. Bischoff. À partir de ces données, souligne-t-il, « nous pouvons tester l’effet d’un médicament, anticiper les risques d’effets secondaires ou d’interractions moléc ul ai r e s e t i d e n t i f i e r d e meilleures cibles thérapeutiques ». En clair : participer au développement de nouveaux traitements sans passer par l’expérimentation sur les animaux. « Notre business modèle, précise le dirigeant, consiste à développer des partenariats avec des industriels ». Rhenovia a d’ores et déjà mis ses simulateurs au service de grands noms de l‘industrie pharmaceutique, ce qui lui a permis de réaliser jusqu’à un million d’euros de chiffre d’affaires. L’entreprise, qui compte 13 salariés, s’efforce également de diversifier ses sources de revenu. Elle a ainsi adapté ses logiciels aux besoins de l’industrie agroalimentaire (pour étudier

Serge Bischoff, Rhenovia Pharma. les propriétés des aliments sur le système nerveux) et de la défense. « Nous avons développé un simulateur d’armes chimiques avec la DG Armement afin de monter un programme de recherche d’antidotes », annonce le dirigeant. Pour lui, c’est clair : Rhenovia Pharma a « des perspectives de développement énormes. Nous ne cessons de découvrir de nouveaux modes d’action » susceptibles de générer de nouvelles applications. Mais pour poursuivre sur sa lancée, l’entreprise a besoin de fonds. Elle prépare d’ailleurs un troisième tour de table de deux millions d’euros, ouvert à de nouveaux investisseurs. Elle dispose, pour les convaincre, d’un nouvel argument. Elle vient de remporter le concours mondial d’innovation 2014 pour une autre de ses découvertes : un timbre transdermique électronique destiné aux malades d’Alzheimer.

et ce à partir d’une simple injection intracardiaque de cellules souches sanguines. Le procédé, développé par l’Institut de recherche en hématologie et transplantation (IRHT) de Mulhouse a en tout cas permis ces dernières années à six patients, dont trois étaient condamnés à une transplantation cardiaque, de retrouver la santé. Son président, le Pr Philippe Hénon, a du coup décidé de développer et de diffuser « ce traitement de rupture qui constitue une alternative à la transplantation cardiaque ». C’est ainsi qu’est née en 2008 la société CellProthera. Depuis, la start-up mulhousienne qui emploie aujourd’hui 14 personnes travaille au développement d’un automate d’expansion cellulaire, qui permet de multiplier les cellules souches prélevées dans le sang des patients pour constituer les greffons qui sont ensuite injectés dans le cœur. « L’objectif, explique le Pr Hénon, est de proposer un traitement accessible à la majorité des patients à mauvais pronostic. L’automate que nous préparons avec l’aide de Bpifrance permet de faire cinq greffons à la fois ». Après avoir levé

CellProthera, pionnier de la régénération cardiaque Cela a l’air presque trop beau pour être vrai, mais pourtant ça fonctionne. il est aujourd’hui possible de régénérer le myocarde après un infarctus sévère,

Philippe Hénon, CellProthera.

17,4 millions d’euros, la société s’apprête à démarrer un essai clinique international de phase II sur 44 patients. Pour le mener à bien, « nous devons trouver 10 millions d’euros. Soit via une augmentation de capital, soit par une entrée en bourse », indique son directeur général Jean-Marc Jeltsch. Si tout va bien, CellProthera devrait obtenir son autorisation de mise sur le marché fin 2017. Vu l’attente que suscite le dispositif, en particulier aux ÉtatsUnis et au Japon, « nous gagnerons de l’argent dès la première année », assure M. Jeltsch. Les perspectives à plus long terme sont carrément vertigineuses. « En 2022, estime le dirigeant, nous devrions dépasser 2 milliards d’euros de chiffre d’affaires avec seulement 7 % du marché ».

ProTip Medical, inventeur du larynx artificiel ProTip Medical s’est rendue célèbre en 2013, lorsqu’une équipe des Hôpitaux Universitaires de Strasbourg a réussi une première mondiale : l’implantation d’un larynx artificiel sur un patient atteint d’un cancer. Cette réussite était pour la startup strasbourgeoise le résultat d’un long développement. La société y travaillait depuis sa création en 2004 par le Pr Christian Debry, chef du service d’oto-rhino-laryngologie des H.U.S. Elle est aussi le produit d’un lourd investissement. ProTip a dû lever au total 7 millions d’euros pour financer les recherches et les essais cliniques. Cet engagement s’est en tout cas révélé payant. « En cours de route, nous nous sommes rendu compte que le larynx artificiel pouvait être utilisé aussi pour

Maurice Bérenger, ProTip. PHOTOS DNA – LAURENT RÉA les troubles de la déglutition » qui peuvent apparaître après un AVC ou lors d’une maladie neurodégénérative, explique son président Maurice Bérenger. Le marché potentiel s’est dès lors considérablement élargi. « En Europe, 400 000 patients déclarent chaque année des troubles de cette nature », constate le dirigeant. Le développement effectué « avec un laboratoire aéronautique pour le matériau, avec l’INSERM pour le traitement de surface et un institut de Grenoble pour le travail sur la voix » a au final abouti à la mise au point de deux implants commercialisables, précise M. Bérenger. R ésultat, « nous sommes aujourd’hui en phase de précommercialisation. Nous faisons des essais sur l’homme ». La société, elle, est déjà profitable. Elle a réalisé l’an passé un chiffre d’affaires de 6 millions d’euros, grâce à son activité sur le marché allemand. « Nous cherchons actuellement entre 5 et 8 millions d’euros pour attaquer le marché américain », précise M. Bérenger. « Avec nos 15 salariés, précise-til, nous pouvons assez vite nous occuper du monde entier ». ODILE WEISS

R


ÉCOREVUE 2014

SAMEDI28JUIN2014 P

8

NOUVELLES TECHNOLOGIES Candidature alsacienne au label national French Tech INTERVIEW

Les espoirs d’un jeune entrepreneur

Le Shadok et le KM0, aux deux bouts de la chaîne

La candidature de l’Alsace au label French Tech, qui doit permettre de développer l’économie numérique et de faire émerger des start-up, s’appuie notamment sur deux « lieux totems », le Shadok à Strasbourg, le KM0 à Mulhouse. Deux projets qui traduisent deux approches du numérique et qu’il va falloir marier.

Fouzi Louahem, cofondateur des Éditions du bout des doigts et de Bande à part. Fouzi Louahem est directeur des Éditions du bout des doigts qui ont créé en février 2013 le magazine de cinéma numérique gratuit Bande à part, à lire sur tablettes et smartphones. Le mensuel dédié au cinéma français, produit à Neudorf, a été partenaire de la Quinzaine des réalisateurs au Festival de Cannes. Fouzi Louahem rêve de croissance rapide et pense que la French Tech Alsace peut les y aider. DNA - Où en est aujourd’hui Bande à part ? Fouzi Louahem - Nous comptons 10 000 téléchargements par mois sur l’AppStore et Google Play et environ 20 000 lecteurs, majoritairement en France, mais aussi à l’étranger, notamment dans des pays francophones. Bande à part qui se veut un «magazine amoureux» du cinéma français, différent de ce qui existe, a décroché deux distinctions aux Digital Magazines Awards, à Londres, en novembre 2013. Il a aussi été retenu par Apple dans le best of des applications 2013. - Pouvez-vous expliquer ce que vous entendez par « magazine numérique enrichi » ? - Cela consiste à réinterpréter les contenus traditionnels, ceux du papier, de la vidéo, de la radio, du web, pour les optimiser pour une lecture sur tablette multimédia. Il s’agit de proposer une nouvelle façon de lire qui marie le texte, la vidéo, le son, la photo, en misant sur une forte interaction avec le lecteur. - Que peut apporter la French Tech Alsace à une petite société comme la vôtre, créée par quatre associés et qui compte quatre salariés ? - Nous sommes une start-up et nous avons besoin de synergies ici, de nous associer à d’autres entreprises pour progresser dans l’édition numérique. La French Tech peut nous aider à grandir, nous voulons profiter de l’importance que prend aujourd’hui la publication numérique pour tablettes, en France et à l’international. Nous recherchons des partenaires financiers : la demande est au rendez-vous, nous avons des projets de création de trois nouvelles publications, notamment dans le domaine de la musique et du sport, et nous avons besoin de grandir. - Strasbourg restera votre port d’attache ? - Oui, parce que nous avons un regard précis sur les formations proposées : nous avons formé des étudiants, nous les avons pris en stage et nous les avons embauchés. C’est une des régions où il y a le plus d’agence web, le travail graphique y est fort grâce à la Haute école des arts du Rhin. Il y a un terreau propice au développement des Éditions du bout des doigts. CH.B. Q

@ www.ebd-agence.fr

L

a French Tech Alsace doitelle avoir pour symbole un coq stylisé portant la coiffe alsacienne ou une cigogne en plein vol ? La querelle peut paraître futile. Elle témoigne pourtant de la nécessité de donner corps à une candidature commune, associant véritablement acteurs mulhousiens et strasbourgeois du numérique. Pour Robert Herrmann, président de la CUS et désormais président du Pôle Métropolitain Strasbourg-Mulhouse, la candidature alsacienne qui fédère deux grandes villes est originale. Encore faut-il que la volonté politique de jouer en équipe soit prolongée sur le terrain. Ce sera tout le travail du cabinet parisien CMI qui assistera le Pôle métropolitain pour monter le dossier.

Un projet tourné vers les entreprises à Mulhouse, plus culturel à Strasbourg Les deux projets de « lieux totem », emblématiques de la candidature alsacienne, le Shadok à Strasbourg et le KM0 à Mulhouse, témoignent de deux manières d’appréhender l’économie numérique : très tournée vers les entreprises et l’initiative privée au sud ; très tournée vers la culture, l’art et les usages numériques au nord. Les projets se complètent ; de la capacité à faire converger ces démarches dépendra la réussite de la French Tech Alsace, au-delà de la candidature au label. Le KM0 a été imaginé par six hommes, un universitaire (Gérald Cohen), un architecte (Guillaume Delamazure) et des chefs d’entreprises (Patrick Rein, Olivier Zeller, Michel Levy, Romain Spinali, également président du pôle de compétences numériques Rhénatic). Ils ont conçu un avenir pour l’un des bâtiments de briques rouges de l’ancienne SACM, posés le long de la voie de chemin de fer et que l’on aperçoit depuis le train, en arrivant à Mulhouse. Ce qu’ils proposent pour le bâtiment 23 de l’ancienne SACM (près de 6 000 m² sur trois niveaux) tourne autour de l’idée de la mise en réseau des acteurs du

numérique : la création d’une « École de la ligne numérique » qui pourrait accueillir dès l’automne une quinzaine de jeunes en quête d’un projet professionnel, un « un job center » mettant en lien des entreprises et des jeunes (étudiants ou non) pour des missions ponctuelles ; un restaurant ; une « place de marché » (où des projets de startup en quête de financements pourraient être mis en avant). A l’étage, ce bâtiment qui offre des espaces ouverts de plusieurs centaines de m² entièrement équipés de prises et réseaux, pourrait accueillir des entreprises du secteur numérique en quête de locaux ou de locaux supplémentaires. Le second et dernier étage recevrait SEMIA (incubateur d’entreprises), Enov Campus (Université de Haute Alsace) et Rhénatic. « Ce qui enrichit, c’est le croisement et la mise en relation », insiste Romain Spinali. Le KM0 ne devra pas susciter des transferts. « L’objectif est de créer et de faire venir de nouvelles activités ».

KM0 : un premier lot, le 1er septembre 2014 Jean Rottner, maire de Mulhouse et vice-président de la M2A, l’agglomération, est partant et même un peu pressé : pour lui, la reconversion du bâtiment 23 qui s’inscrit dans un ensemble bien plus vaste (50 000 m² de l’ancienne SACM encore disponibles) constitue un enjeu important pour l’avenir de la ville. Et une promesse de la campagne des municipales. « Le premier septembre, il faudra un premier lot, c’est l’objectif que nous fixons ». Romain Spinali pense que le délai est tenable, que la création de l’école, le déménagement de Rhénatic et l’installation de quelques entreprises disposées à composer avec des travaux à venir est possible. Mais il reste d’ici là à lever des obstacles (lire ci-contre, à droite). Si à Mulhouse Jean Rottner compte s’appuyer sur l’initiative des six du KM0, à Strasbourg, le Shadok est né à la CUS et réalisé par elle. C’est une affaire publique. Géraldine Farage porte ce projet et aura en charge l’animation du lieu avec une équipe de six personnes ; elle vient de la direction de la culture de la ville et travaille en étroite collaboration

Géraldine Farage montre l’immeuble des Docks à Strasbourg, dont la partie centrale sera occupée par le Shadok. PHOTOS DNA – CHRISTIAN BACH avec Marc Dondey ; directeur de projet Entreprises créatives.

Shadok : ouverture en mars 2015 Le Shadok doit ouvrir ses portes en mars 2015, sur trois niveaux, dans le quartier de l’ancien môle Seegmuller entre Neudorf et Esplanade, dans le bâtiment des Docks. Les débats ont longtemps porté sur la vocation artistique de ce lieu. Aujourd’hui, sa configuration est établie : un espace de convivialité au rez-de-chaussée (500 m²), un espace d’exposition de 700 m² au premier étage, un espace de coworking et un studio de production au deuxième étage constituent quelquesuns des éléments clés du projet. Un lieu dédié au numérique. « Mais nous préférons parler d’un lieu dédié à l’évolution technique de la cité, aux usages numériques du grand public et des experts », précise Géraldine Farage. Marc Dondey insiste : « nous voulons sortir l’innovation de la traditionnelle approche technologique. Elle s’appuie aussi sur le design, les nouveaux médias, les jeux, le travail des graphistes et des artistes ». Alors qu’à Mulhouse on mise sur l’installation d’entreprises au KM0, à Strasbourg, le Shadok existera par la promotion des usages et l’animation du lieu : Alsace Digitale gardera la Plage, lieu de coworking à Rivétoile, tout à côté, mais prolongera ses actions en faveur du travail col-

COMMENTAIRE

Une histoire à raconter... CE QUI MANQUE À LA FRENCH TECH ALSACE, aujourd’hui, c’est

une histoire. Et une séance de storytelling. Il faut que les agitateurs d’idées de la Plage Digitale, les entrepreneurs et créateurs de services numériques fédérés par le pôle de compétences Rhénatic, les villes de Strasbourg et de Mulhouse, la M2A et la CUS écrivent un scénario. Un récit où chacun des acteurs de la French Tech Alsace trouve sa place et peut tenir son rôle ; une histoire compréhensible du grand public, du jury en charge l’attribution du label convoité, compréhensible aussi à l’international pour contribuer au rayonnement de l’Alsace numérique. Écrire un code génétique commun au KM 0, très orienté vers les entreprises, et au Shadok qui croise culture et numérique avec pour objectif de s’appuyer sur les usages ; commun à Rhénatic, à la Plage digitale, à l’Université de Strasbourg et à l’Université de Haute Alsace ; commun à Mulhouse l’industrielle et à Strasbourg l’européenne n’est pas une chose facile. Mais de la capacité à convaincre tous ces acteurs qu’ils sont engagés dans la même histoire et de la capacité à convaincre ailleurs en France, en Europe et dans le monde qu’il y a une démarche coconstruite et commune dans le domaine du numérique et de l’innovation dans la région, dépend la réussite de la French Tech Alsace.

CHRISTIAN BACH

laboratif au Shadok. Les architectes et designers de l’AVLab, fablab de la rue de la Douane (création de prototypes avec la technique de l’impression 3D) devraient démanger au Shadok. Des artistes seront en résidence, des animations type BarCamp ou start-up week-end trouveront leur place dans ce nouveau lieu. Le Shadok prolonge l’intention de développer l’innovation par le lien entre entreprises créatives et entreprises numériques, tout comme les appels à projets Tango et Scan ; il s’inscrit aussi dans un réseau plus large dont feront

partie d’autres lieux, à l’échelle de la ville : le site de la COOP au Port-du-Rhin et la Manufacture des tabacs à la Krutenau, où il est envisagé de créer un Pôle d’entreprenariat créatif et solidaire, avec une pépinière d’entreprises. Si toutefois la Ville de Strasbourg acquiert ces bâtiments. La French Tech inscrit le KM0 et le Shadok dans un même défi. Il n’est pas déplacé d’imaginer que le Shadok devienne le KM1, deuxième élément d’un réseau que l’équipe du KM0 espère créer à travers l’Europe et le monde… CHRISTIAN BACH

R

KOECHLIN À MULHOUSE, PIÉPLU À STRASBOURG

Romain Spinali, un des porteurs du projet KM 0, dans un des grands espaces du premier étage du Bâtiment 23 de la SACM.

NOMS.- KM0 (kilomètre0) fait allusion au passé industriel de Mulhouse et à la construction par Koechlin de la première ligne de chemin de fer internationale (Strasbourg-Bâle) inaugurée en septembre 1841. Le Shadok a été retenu en référence au sens de l’humour et de l’autodérision des petits personnages de la série télévisée auxquels Piéplu avait prêté sa voix. Les Shadoks étaient à leur manière… des inventeurs. GESTION.- Le bâtiment 23 de l’ancienne SACM à Mulhouse et les deux bâtiments voisins qui devraient accueillir à terme le KM0 deviennent début juillet la propriété de la M2A, l’agglomération de Mulhouse. Le régime juridique sous lequel seront exploités les bâtiments est encore en discussion (SCI, location, location-vente). À Strasbourg, les murs du Shadok (2 000 m² du grand bâtiment des Docks) appartiennent à la CUS, le lieu est exploité par la Ville en régie directe. La CUS a acquis les murs (5,7 millions d’euros), la Ville de Strasbourg les a équipés (545 000 euros) SITES.- Pour en savoir plus sur le Shadok à Strasbourg : www.shadok.strasbourg.eu/ , on y trouve notamment toutes les infos sur les animations à venir. Pour en savoir plus sur le KM0 : www.km0.info/ (il existe aussi deux applications dédiées à ce lieu sur GooglePlay et l’AppStore. TP1 08


ÉCOREVUE 2014

9

Q SAMEDI28JUIN2014

MÉTALLURGIE La mécanique se défend sur un marché très concurrentiel

Un tissu régional contrasté

La transformation des métaux est un des points forts de l’industrie alsacienne. Elle bénéficie d’importants investissements mais doit faire face à de lourdes menaces.

Aménagement d’un nouvel atelier pour la nouvelle génération de boîtes de vitesses automatiques chez Punch Powerglide Strasbourg. PHOTO DNA MARC ROLLMANN

D

e gros investissements chez SEW Usocome près de Brumath, Trumpf à Haguenau, ou Kuhn à Saverne, chez Punch Powerglide à Strasbourg. Un site structurant, celui de PSA Peugeot Citroën, consolidé dans le Haut-Rhin (lire page 11). Ce sont, en quelques exemples concrets, les côtés positifs de la grande famille de la mécanique, de la transformation des métaux et de la filière automobile en Alsace.

L’emploi a cédé beaucoup de terrain Plus inquiétantes sont les évolutions constatées chez Steelcase pour son usine de Wisches, dans la très sensible vallée de la Bruche, ou dans le triste dossierfeuilleton de Caddie. Le fabricant

TP1 09

de chariots de supermarché est une nouvelle fois aspiré dans une zone de turbulences et de grande incertitude. Dans ce cas comme dans quelques autres, ce sont les emplois qui risquent de faire les frais de décisions de gestion hasardeuses et d’une concurrence impitoyable. La métallurgie alsacienne au sens large apparaît ainsi comme le théâtre d’histoires très contrastées. Avec le sentiment, partagé par de très nombreux employeurs, et pas seulement les leaders patronaux, que l’industrie française doit se battre avec des semelles de plomb. « On n’est pas là pour pleurer. Nos entreprises se battent tous les jours pour innover, trouver des marchés. On souhaite simplement qu’on les remette d’équerre par rapport à d’autres pays, comme l’Allemagne. À partir de là, elles seront plus compétitives et pourront embaucher », commentait il y a quelques jours Henry Baumert, président de l’Union des indus-

tries et métiers de la métallurgie (UIMM) en Alsace. Dans la métallurgie, comme dans d’autres branches industrielles, les dirigeants se plaignent amèrement de la faiblesse du taux de marge, qui pèse sur l’investissement productif, la prospection à l’exportation et les efforts d’innovation. À la mi 2014, les industriels de cette branche n’ont pas le sentiment d’avoir encore bénéficié des effets du « pacte de responsabilité et de solidarité » mis en place par le gouvernement, qui prévoit des allégements de charges significatifs pour les entreprises. Le crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE) est certes opérationnel, permettant d’économiser 4 % des charges de personnel pour la masse salariale en dessous de 2,5 fois le SMIC. Mais les accords compétitivité-emploi ont fait flop, pour l’instant. En 2014, à l’examen des statistiques URSSAF, les industries métallurgiques ont cédé du terrain dans

l’emploi, comme l’ensemble du secteur productif alsacien (126900 emplois) qui perdu 2 %. La métallurgie et les produits en métal (12700 postes) a cédé 1,8 %, la fabrication de machines et d’équipements (14800 postes) a perdu 1,1 % et la fabrication de matériels de transport (15 300 postes) a lâché 4,1 %… Si l’intérim semble reprendre des couleurs, une bonne partie de ces services étant appelés par ces branches industrielles, la visibilité reste faible. Au niveau national, la Fédération des industries mécaniques affichait en début d’année un certain optimisme, avec une perspective de croissance de 2 % en 2014, grâce aux exportations. Rien ne dit que ces projections se confirmeront dans un environnement international peu favorables aux entreprises françaises. Beaucoup se plaignent d’un taux de change de l’euro trop élevé. A.L.

R


ÉCOREVUE 2014

SAMEDI28JUIN2014 P

10

VITICULTURE Tiré par une reprise des ventes à l’export

Le vignoble résiste

Depuis le début de l’année, l’export (re) donne des couleurs au marché des vins d’Alsace, mais plus inquiétante, l’érosion des ventes en France se poursuit.

L

e vignoble alsacien n’est pas en crise comme pourraient le laisser croire les difficultés récentes de certains négociants. « Des cas particuliers », relativise Frédéric Bach, directeur de l’Association des Viticulteurs d’Alsace (AVA). Les données du Conseil interprofessionnel des Vins d’Alsace (Civa) confirment une reprise de l’export, qui représente 26 % de la commercialisation des vins d’Alsace en volumes.

Les entreprises doivent se bouger et élargir leurs horizons Sur les quatre premiers mois de l’année, les ventes à l’étranger toutes AOC confondues, ont augmenté de 3 %. « On progresse considérablement à l’export. Nos stocks n’ont jamais été aussi bas », atteste Jérôme Bauer le p r é s i d e n t d e l ’AVA . Av e c 980 000 hl, les volumes de la récolte 2013 étaient déficitaires par rapport à la moyenne des dernières années (1 150 000 hl). « Les gros marchés traditionnels comme la Belgique ou l’Allemagne sont en forte hausse avec respectivement +9 % et +6 %. En Suède, l’Alsace voit ses ventes bondir de près de 11 %. Seuls les Pays-Bas sont en repli de 5 %, « mais c’est un marché difficile, intéressé par des produits à bas prix », analyse Jean-Louis Vézien, directeur du Civa. Sur les marchés lointains, l’Alsace, comme les autres vignobles français, a vu ses ventes plonger en Chine (moins 25 % pour les vins tranquilles en 2013) suite aux enquêtes anti-dumping et anti-subventions contre les vins européens. Des procédures au parfum de représailles suite au contentieux sur l’importation de panneaux solaires chinois, réglé depuis. Simple accident conjoncturel ? La Chine reste un eldorado prometteur, comme en témoigne la présence du plus influent critique chinois du vin au récent salon professionnel Millésimes à Colmar. Et l’export constitue la meilleure stratégie anti-crise de la viticulture alsacienne. « Au niveau des besoins globaux, il y a un déficit des disponibilités de

vins blancs, avec les modestes récoltes des derniers exercices en bourgogne et dans le Bordelais. C’est plutôt une bonne chose pour l’Alsace qui a les moyens d’approvisionner le marché », justifie Jean-Louis Vézien. La région vend en moyenne 1 070 000 hl, soit plus de 142 millions de cols, dont 25 % de crémant. Les représentants de la profession sont convaincus que le salut du vignoble vient de sa capacité à conquérir le monde. Le Civa encourage les entreprises à se bouger pour aller sur les marchés lointains.La promotion dans les pays tiers bénéficie d’aides européennes. Le marché français est en panne (lire co-contre), mais il y a plus inquiétant : le problème de la valorisation des vins. « Il n’est pas normal qu’avec des stocks aussi tendus, des opérations commerciales aient lieu dans la grande distribution à des prix défiant toute concurrence », fulmine Jérôme Bauer. Le secteur de la GMS absorbe encore plus de 50 % des ventes. Si les cours du vrac se sont un tantinet raffermis avec la faible récolte (un peu moins pour le riesling), cette évolution positive ne se retrouve pas au niveau des prix de vente en bouteilles. « En Bourgogne, les tarifs des vins flambent suite à la petite vendange. Les producteurs alsaciens ont fait beaucoup d’efforts qualitatifs en diminuant les rendements. Ils méritent mieux », estime Frédéric Bach. « Certaines entreprises pas assez diversifiées à l’export, dépendent pour leur trésorerie de la grande distribution, qui fait du vin un produit d’appel et tire les prix vers le bas », explique un porteparole de la viticulture. La guerre des prix des grands opérateurs en GMS ne doit pas être l’arbre qui cache la forêt.

UN MARCHÉ FRANÇAIS EN PANNE Sur le marché français, le marasme persiste. L’Alsace continue de perdre du terrain. Sur les quatre premiers mois de l’année, les ventes se sont légèrement rétractées de 0,4 %. Avec l’effet boule de neige, ce recul constitue aujourd’hui une tendance lourde. En 10 ans, sur la période 2003/2013, la baisse en métropole a atteint 5,4 %. « L’Hexagone stagne au niveau des ventes. On sent que les Français subissent encore la crise économique », note Pierre Bernhard, président du Syndicat des Vignerons indépendants. Bernhard. Le vrai frein aux ambitions commerciales du vignoble alsacien réside plutôt dans l’absence d’image de marque collective. « On fait le meilleur vin du monde et on croit que la planète nous attend », soupire JeanLouis Vézien. Le salon professionnel Millésimes Alsace devrait aider à combler ce déficit de notoriété. Sa 2e édition a réuni mijuin à Colmar autour d’une centaine de producteurs, la fine fleur internationale des sommeliers, des journalistes spécialisés et des guides des vins. Le président de l’AVA espère que cette vitrine des terroirs alsaciens aura des retombées sonnantes et trébuchantes pour les entreprises. I.N.

R

Le vignoble alsacien, ici autour de la flèche colorée de l’église de Turckheim, peut compter sur le potentiel de l’œnotourisme pour accroître sa notoriété et ses ventes. PHOTO DNA - CLAUDE OPPEL

« On fait le meilleur vin du monde » En Alsace, les ventes directes à la propriété représentent 28 %. Les vignerons ont la chance de pouvoir jouer la carte de l’oenotourisme, avec la Route des Vins. « Le week-end de la Pentecôte, les 100 producteurs impliqués dans le pique-nique chez vigneron, ont accueilli près de 20 000 personnes dans leur caveau. Le slow up en a déplacé 25 000 », jubile le président du Synvira Pierre

TP1 10


ÉCOREVUE 2014

11

Q SAMEDI28JUIN2014

Une stratégie pour 2020 AUTOMOBILE PSA Peugeot Citroën Mulhouse

Les collectivités alsaciennes finalisent la création de la SEMPAT, nouvel outil dont l’objet est d’assurer les bases de PSA Mulhouse en Alsace.

P

endant toutes ces années qui ont vu grandir les difficultés du secteur automobile, l’Alsace a craint pour le devenir de l’usine PSA de Mulhouse. Avec des effectifs qui ont fondu au fil des années (16 000 emplois dans les années 80 et 7 000 encore à ce jour), les analyses qui faisaient apparaître une surcapacité de production automobile en Europe, les inquiétudes soulevées par le passage à un monoflux industriel, les observateurs pouvaient légitimement se poser des questions sur la destinée du site de Mulhouse. Fermeture pure et simple à plus ou moins long terme, transformation en site de délestage pour l’usine historique de Sochaux, plusieurs options étaient ouvertes et surtout les plus pessimis-

tes. Puis ces derniers mois, l’environnement a bougé autour de l’usine. Grâce à la volonté commune des dirigeants de PSA et des élus locaux, au premier rang desquels, Jean-Marie Bockel, président de Mulhouse Alsace Agglomération, secondé par son vice-président en charge des questions économiques, Olivier Becht, maire de Rixheim. De ce travail en commun est né le projet de SEMPAT (baptisé « Porte sud » au sein de l’usine), qui devrait aboutir avant la fin de l’année 2014. « Nous faisons un pari sur l’avenir. Nous n’avons pas de certitude absolue, mais le fait de ne pas empêcher l’avenir, c’est très bien », explique Jean-Marie Bockel, conscient depuis longtemps

L’ENJEU DES EMPLOIS INDUITS PSA Peugeot-Citroën Mulhouse a une importante influence territoriale. Les statistiques de l’Insee estiment qu’on compte un emploi induit pour 5,5 emplois directs et indirects. Près de 15 000 emplois salariés sont liés de près ou de loin à l’activité de l’établissement. Quant à la filière automobile dans son ensemble, le Pôle Véhicule du Futur compte pour l’Alsace 41 938 salariés, qui se répartissent à raison de 45 % dans le Bas-Rhin et 55 % dans le Haut-Rhin. Ce chiffre d’élève à 45 305 pour la Franche-Comté. Le pôle Véhicule du Futur, labellisé pôle de compétitivité en 2005, travaille à améliorer la compétitivité des acteurs de la filière. À ce jour, le pôle a financé 110 projets dont 20 projets européens.

TP1 11

de la fragilité de la situation. La SEMPAT est une société d’économie mixte patrimoniale qui va acquérir une partie des terrains de PSA Mulhouse. L’intérêt de cette opération résidant dans la diminution des coûts fixes de l’usine et l’amélioration de sa compétitivité. Cette aide apportée à PSA Mulhouse engage financièrement les collectivités (Mulhouse Alsace Agglomération, le conseil général du Haut-Rhin et le conseil régional d’Alsace).

Acquisition d’ici la fin de l’année En effet, l’achat de ces terrains s’élève à 18,5 millions d’euros pour un total de 58,4 hectares acquis (sur les 320 hectares qu’occupe le centre de production. Le montage juridique de cette société patrimoniale arrive à son terme. Les collectivités seront actionnaires de la société ainsi que PSA à hauteur de 15 %. SEMPAT sera en charge de la gestion. PSA, qui continuera à occuper une petite partie de cette surface, paiera un loyer. Le reste sera

Sur une ligne de montage chez Peugeot Citroën à Mulhouse. transformé en zone économique d’intérêt régional. Ce projet, validé par Philippe Varin en décembre dernier, n’a pas été remis en cause par le nouveau management du groupe et son actuel président Carlos Tavarès. La cession définitive du terrain concerné à la Société patrimoniale SEMPAT va donc pouvoir se faire, avant la fin de l’année 2014.

PHOTO DNA – FZ

Mais d’ores et déjà, le site de Mulhouse a établi sa stratégie 2014-2020 autour de cette perspective. Des partenaires sont appelés à venir la rejoindre, car l’usine a pour objectif de devenir plus compacte et plus flexible. Les terrains qui seront acquis par la SEMPAT pourront les accueillir. Par ailleurs, la somme dégagée par la vente de ces terrains sera

injectée par PSA dans l’usine. D’où l’annonce faite le 13 juin dernier par Corinne Spilios, directrice de PSA Mulhouse d’un investissement de 300 millions d’euros consentis par le groupe pour moderniser totalement l’usine alsacienne. Des chiffres qui donnent une vraie raison d’espérer un avenir plus serein pour l’établissement alsacien. F.Z.

R



Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.