

Accueillir,accompagner,soigner,guérir,protéger…c’estlatâchequesedonnent nombredegensdansnotrecommunautéparoissiale, c’est la missionque nous recevonsduChrist.
DansladémarchequenousavonsvécueensembledansceCarême2025,lefil rouge, dans l’esprit du jubilé auquel nous a appelés le Pape François, a été Chercheurs d’espérance.
Cetteespérancec’estcellequebeaucoupd’entrenousessayentdevivreetde partagerdansleurquotidienfamilial,professionnelouens'engageantdansunservice auseindelaparoisse:catéchistes,membresduServiceévangéliquedesmalades, accompagnateursdescouts,chargésdesfunérailles,membresdel’associationLe Passage pour l’accueil des migrants, prêtre ou diacre, membres de l’équipe d’animationpastoraleoudelacommissionéconomique, chantresou animateurs liturgiques,sacristines…etenbiend’autresservices!
UnsoirdeCarêmequelquespersonnesnousonttémoignédecetteespérance vécueauplusprèsdecellesetceuxquisontenfragilité.Ellesnouslivrentànouveau ici,defaçondiverse,leurengagement.



Les peintures qui illustrent ce livret sont de Françoise Michaely
Prendre Soin dans l’accompagnement des Funérailles
Il y a quatre ans, après une réflexion sur plusieurs pistes, j’ai décidé de m’impliquer au sein de ma paroisse. Lors d’un séjour dans un monastère, un couple de retraitants m’a parlé de l’urgence de trouver quelqu’un pour rejoindre l’équipe des funérailles de leur paroisse. Vivant dans le même arrondissement, cette parole m’a touchée Après réflexion et échanges, j’ai choisi de m’engager. Ce fut un moment où mes peurs et doutes se mêlaient à une assurance intérieure qui m’a poussée à agir.
Ayant beaucoup reçu dans ma vie chrétienne, il m’a semblé que c’était l’opportunité idéale pour rendre ce que j’avais reçu, au service de mon église. Le lien entre "le prendre soin" et l’accompagnement des funérailles se décline de plusieurs façons :
1. Accueillir l’autre dans sa vérité
L’accueil des personnes endeuillées est au cœur de mon engagement. Il ne s'agit pas seulement de les recevoir, mais de les accueillir dans ce qu'elles sont et où elles en sont. Cet accueil, je le fais au nom d’un Autre, c’est-à-dire de Dieu. Il ne s’agit pas de juger ni d’idéaliser la personne, mais de l’écouter avec bienveillance, sans porter de jugement. Chaque vie, chaque histoire est unique, et il est important de la reconnaître dans sa vérité. L’accompagnement passe aussi par une écoute attentive des relations qui se sont tissées autour du défunt : relations heureuses, blessées, inachevées, parfois marquées par le besoin de pardon. Dans cette étape de l’accueil, il est essentiel de montrer de la bienveillance, de souligner la dignité du défunt, et de découvrir comment chaque vie est porteuse de lumière et d’ombre. Chaque vie singulière est précieuse et féconde et ouvre sur du plus grand que l’on peut connaître ou croire connaître.
2. Être un passeur, offrir consolation et espérance
Accompagner les familles dans la préparation des funérailles, c'est aussi être un passeur de mémoire et d’espérance. Le témoignage écrit sur la vie du défunt, même s’il n’est pas toujours facile à rédiger, permet à la famille de se réapproprier son histoire et de l’exprimer avec ses propres mots. Parfois, ce récit est simple, parfois plus élaboré, mais il est toujours porteur d’une vérité. Il est important de veiller à ce que les choix musicaux, les poèmes, les chants et les textes de la cérémonie soient en adéquation avec le souhait des familles tout en respectant l’esprit de la célébration.
Accueillir ces choix avec bienveillance et discernement, c’est aussi laisser place à la singularité de la personne et des familles. Aucune situation n’est la même. Ces parcours humains divers nous invitent à nous émerveiller des chemins inattendus par lesquels le Seigneur rejoint chacun.
3. La liturgie des funérailles comme source d’espérance
La liturgie des funérailles repose sur la Parole vivante de Dieu et les symboles du baptême. Ces symboles – la lumière, l’eau, le signe de la croix – sont au cœur de la foi chrétienne et rappellent la promesse de la vie éternelle. En préparant les funérailles, je veille à choisir des textes bibliques qui parleront à ceux qui y participent, qu’ils soient croyants ou non. Il est surprenant de constater que, même pour ceux qui ne sont pas familiers des Écritures, certains passages résonnent profondément. Le plus important, c’est d’offrir une parole vivante et porteuse d’espérance. Ce travail demande une véritable écoute et un temps de préparation, afin que la Parole de Dieu soit reçue avec tendresse, et que les mots prononcés puissent être des sources de consolation. La liturgie devient alors un chemin de foi et d’espérance, à la fois pour les vivants et pour les défunts.
4. L’accompagnement en Église, soutenu par une communauté chrétienne
L’accompagnement des funérailles s’inscrit dans le cadre de l’Église, soutenu par une équipe ou une communauté chrétienne. Je me présente toujours devant l’assemblée en précisant que j’agis en tant que laïque chrétienne ayant reçu de la paroisse la mission de conduire la célébration des funérailles Face à l’assemblée, je me tiens debout, à la jonction de l’horizontalité (avec les personnes présentes) et de la verticalité (en communion avec Dieu). C’est un moment fort où l’on porte ensemble une parole d’espérance et de consolation. Ce service me permet de témoigner de l’amour de Dieu, de l’humanité souffrante, et de la puissance de l’esprit qui peut agir même dans la douleur. L’accompagnement des familles pendant cette épreuve me permet aussi de voir des signes de vie, des petites réconciliations ou des retrouvailles inattendues. Ces signes sont de véritables miracles de l’amour divin. L’équipe des funérailles tient à ce que le nom du défunt soit nommé au cours de la messe suivant la célébration des funérailles afin que la communauté paroissiale prie pour lui. La mort fait partie de notre humanité et donc de la vie de la communauté chrétienne.
5. Pourquoi choisir de célébrer dans l’Église ?
Pour moi, le Christ, mort et ressuscité, est au centre de ma vie. Même si je traverse parfois des périodes de doute, c’est cette parole de Jésus qui m’accompagne : « A qui irions-nous, Seigneur, tu as les paroles de la vie éternelle ». C’est cette espérance que je veux partager en célébrant les funérailles dans l’Église, Je suis heureuse de témoigner de cette douceur ,de cette tendresse ,de cette bonté d’un Dieu qui s’est incarné et n’a pas eu peur d’aller au fond du gouffre de notre misère et de notre détresse pour nous relever, nous faire grandir en humanité et nous sauver en nous faisant entrer dans sa vie de toute éternité. Je crois profondément que l’Église, malgré ses faiblesses humaines, porte une espérance inaltérable pour tous. C’est pour cette raison que je continue à offrir ce service à ma communauté chrétienne, même si je me pose des questions sur l’évolution de la société et de la pratique religieuse. La question de la sécularisation est bien réelle, et il est important de réfléchir à la manière dont l’Église pourra continuer à accompagner les personnes dans le deuil, même dans un monde de plus en plus éloigné de la foi.
En conclusion, je dirais que l’accompagnement des funérailles est, pour moi, une véritable grâce. C’est un service que je rends à mon Église et à l’humanité, tout en nourrissant ma propre foi. C’est une mission qui enrichit ma vie spirituelle et me permet de témoigner de l’espérance chrétienne dans le monde d’aujourd’hui.
Monique Audinat pour l’Équipe Funérailles
Témoignage et prière
En tant que parent représentant et responsable d’un adulte handicapé mental dit léger, Seigneur je te fais cette prière en union avec tous les parents et amis de ces personnes. Et avec vous tous.
Dieu de miséricorde, accompagnes-nous dans le parcours de soins auprès d’eux. Ça commence avec l’annonce et le diagnostic du handicap : la surprise. Que tu nous aides à transformer l’amertume et la colère, voire la culpabilité initiale en bienveillance et accueil d’un enfant différent. Une fois dépassée la rudesse des institutions, sures de leur paradigme de soins et d’attitudes à adopter, nous te rendons grâce de l’efficacité réelle et collective des professionnels qui les accompagnent, même si ce n’est pas parfait. Au cours de son accompagnement en famille, en fratrie, avec l’éducation nationale et les établissements médico-sociaux, les Instituts d’apprentissage et les Esat, que chaque fois nous apprécions ce qu’apportent ces enfants, leur progrès, leur simplicité et leur joie. Il ne s’agit pas de gommer les aspérités du chemin, ni l’énergie que ça demande, mais de trouver auprès des associations qui les accompagnent le réconfort et les bons conseils. Nous nous réjouissons des degrés d’autonomie qu’ils acquièrent graduellement et non de façon linéaire. Nous sommes démunis face à la violence générée par leur anxiété qui traverse leur parcours, violence que nous contenons. Nous mettons ces épisodes au pied de la croix. Nous te prions, toi Seigneur, qui a traversé les tribulations et les souffrances de l’injustice et de la haine jusqu’à la mort, mais le père t’a glorifié en te ressuscitant. Ainsi, Seigneur, toi qui te révèles dans la fragilité et la faiblesse nous te rencontrerons et te louerons avec cette âme d’enfants dont ils témoignent. Chantons notre joie au Seigneur ! Amen, Alléluia !
Bernard Floret
Service évangélique des malades. SEM.
Cette solidarité, ce « prendre soin », je ne l’ai pas choisi. C’est en septembre 2018 qu’Yves Longin m’a demandé de soutenir l’équipe d’aumônerie des Hibiscus, le jour de la messe mensuelle. Je venais de mettre fin à mon bénévolat à Médecins di Monde. J’ai donc accepté ce service. Mais très vite, l’équipe (88 ans, 89 ans et 90ans) sentant une petite relève a déclaré forfait et je me suis retrouvée seule, ceci pendant 2 ans. Heureusement, l’équipe administrative et soignante m’a fait bon accueil. Maintenant, nous sommes 2 pour les visites, Jean-Yves et moi, et Roland nous rejoint le jour de la messe mensuelle. Être bénévole au titre du SEM donne une certaine responsabilité. Bien sûr, nous avons à apporter écoute, réconfort et chaleur humaine, mais aussi la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ. Je vais essayer de vous dire comment je vis cette exigence. Les Hibiscus, ce sont 4 étages, l’un, fermé, réservé exclusivement aux personnes atteintes de graves troubles cognitifs, essentiellement d’Alzheimer. Un autre, fermé lui aussi, mais avec des résidents moins atteints, et les 2 autres étages, avec des personnes fatiguées, plus ou moins en fin de vie, ou relevant de soins de longue durée. Autant dire que ce n’est pas évident d’entrer en contact avec certains.
A chaque nouvel arrivant, nous allons le rencontrer dans sa chambre. Nous nous présentons faisant partie de l’équipe d’aumônerie, proposant notre présence fraternelle pour les non-chrétiens. Le contact, c’est souvent par les photos sur les murs, les familles présentes, surtout quand la personne ne parle pas. Parfois un prénom prononcé réveille quelque chose, comme chez cet homme qui tout à coup, au prénom de Clémence, prononcé je ne sais plus pourquoi, s’est mis à nous parler de sa grand-mère qui portait ce prénom et de toute son enfance. Si la personne ne parle pas et qu’on ne rencontre pas la famille, nous sommes en difficulté de relation. Les soignants ne peuvent rien nous dire, étant tenus au secret professionnel.
Un livre sur une table, de très rares fois (mais cela arrive) une bible. A partir de là, on essaie de comprendre un peu mieux la personne, et ce qu’a été sa vie.
La régularité est essentielle, afin de faciliter la connaissance. Ils nous repèrent, nous attendent. Nous prenons du temps, par une écoute que nous espérons attentive. Il faut aussi savoir apporter la vie, la nôtre, celle du monde.
Comme Jean-Yves parlant de sa sortie à vélo du week-end, et la personne lui répondant : « Ah ben, moi aussi, j’ai fait du vélo dimanche dernier. Je vais toujours sur telle route… ». Du coup, on connaît un peu mieux le résident et ces centres d’intérêt. Au début de leur séjour, ils disent « Pourquoi je suis là ? j’aurais pu rester chez moi ». On entend aussi parfois : « A quoi je sers ? » ou « j’en ai marre ». Et vers la fin qu’ils sentent venir « j’ai peur ».
Souvent, le découragement nous guette, on se dit, mais qu’est-ce que je fais ici ? J’ai l’impression que je ne peux ou ne sais rien leur dire de ce qui m’habite, de ce qui me nourrit, me fait vivre. Et puis, ce jour-là, un petit signe : comme cette femme, atteinte d’Alzheimer, parlant encore, qui me voit et me dit « j’ai quelque chose pour vous ». Elle m’emmène dans sa chambre, fouille ses tiroirs, ne sait plus ce qu’elle cherche et tout à coup, me sort un petit ange, qu’elle me donne.
Les familles apprécient notre présence. Déroutées par tout ce qui leur arrive : séparation d’un parent, discussion parfois difficile avec les soignants et les médecins, organisation du vestiaire, aménagement de la chambre, ils peuvent nous parler de tout cela et nous disent facilement : « ma mère, mon père, allait à la messe le dimanche. Quand il y en aura une, il faudra venir le chercher ». Ce que nous essayons de faire, si la personne ne perturbe pas trop la célébration. Quand nous parlons religion, foi, Dieu, et qu’il y a une demande de prier, je fais souvent référence à la patience, à la miséricorde de Dieu, j’appelle à la confiance en ce Dieu qui aime chacun de nous. Je m’appuie sur 2 ou 3 psaumes de référence que je lis volontiers. Les psaumes, appel de l’homme souffrant, qui exprime sa colère, sa détresse et qui se terminent souvent par la reconnaissance de ce Dieu de miséricorde.
Il y a peu de demandes de sacrements, mais les rares fois où nous l’avons vécu, j’ai été émerveillée de sentir cette foi si vivante. Comme cet homme, grabataire aveugle, et sourd (il fallait lui parler dans l’oreille gauche très fort), qui a tendu spontanément les mains, ouvertes, pour qu’elles soient marquées du signe de croix.
Une famille, sentant que la fin de leur père approchait, père qui ne parlait pas, réagissait très peu aux stimulations, a demandé que le prêtre vienne. C’était une période pendant laquelle Bruno n’était pas libre. Après discussion, on a organisé une prière autour de lui, à la chapelle avec sa femme et ses enfants, tous de villes différentes, l’un devant subir une intervention chirurgicale importante, mais tenant à être là. Cela a été un moment très fort, chaque enfant parlant dans l’oreille du père, puis nous l’avons béni à tour de rôle. Le père étendant les mains pour la prière du Notre Père. Bruno est venu 3 jours après, rencontrer cet homme. Et ce monsieur est décédé une semaine plus tard.
Un dernier exemple : en me voyant arrivée, les soignants me disent « ah vous êtes là, il faut absolument aller voir cette dame, il y a sûrement un problème de pardon ». Je ne la connaissais pas encore. Je suis allée dans la chambre, nous avons fait connaissance, puis je lui ai proposé la visite du prêtre. Elle était d’accord. J’ai continué à aller la voir toutes les semaines. Un jour, elle a exprimé le désir de participer à la messe. L’année suivante, elle a demandé le sacrement des malades et d’autres personnes se sont jointes à elles. Nous avons pris l’habitude de prier et partager l’évangile toutes les semaines, je lui portais également la communion. Un jour pendant que je lisais l’évangile, la porte de la chambre s’est ouverte, je n’ai rien vu, mais tout à coup, une petite voix a dit en posant le goûter sur la table « Dieu vous le donne ». Manière pour le soignant de s’excuser de cette interruption et de se joindre à notre prière. Puis cette dame a voulu préparer ses funérailles, car elle voulait protéger sa sœur qui venait de perdre son mari, son frère et son beau-frère en très peu de temps. J’ai pu être présente à ses funérailles, et la famille m’a demandé d’intervenir.
Quand je vois certains résidents accueillir les nouveaux, leur ouvrir le chemin de la chapelle, je suis toujours touchée : ils agissent en vrais témoins. Ce qui me touche également, c’est leur foi toute simple, mais vraie. Comme cette dame qui, après avoir communié, dit simplement, tout haut : « Merci, mon Dieu. Pitié pour moi ». Et Bruno nous a fait reprendre à la fin de la célébration la prière de Germaine : « Merci, mon Dieu, priez pour moi. »
Bien sûr, nous ne sommes pas lancés sans formation. La pastorale de la santé propose des journées annuelles sur un thème, par exemple : « La vulnérabilité, une force méconnue et inattendue », « Le silence de Dieu » et la dernière en date : « De l’espérance en miettes aux miettes d’espérance ». Il y a également des propositions de formation qui couvrent quelques semaines sur l’approche de la fin de vie, sur la gériatrie...
Il me semble important de se former pour éviter de se laisser envahir par les émotions, même si certaines personnes nous touchent particulièrement.
En conclusion, je dirai que je suis émerveillée du chemin parcouru par les personnes, de la grâce de Dieu qui les habite, de la simplicité de leur foi. Je rends grâce de les accompagner sur ce chemin de foi, sur ce chemin d’humanité. Et lorsque je doute, je pense à cette phrase du Père Varillon, jésuite : « Dieu divinise ce que l’homme humanise.» C’est là toute ma foi.
Bernadette Labat. Équipe SEM

Le matin du 3e jour
Témoignage d’un membre de l’association Le Passage
Tout d’abord, prendre soin, pour moi c’est considérer l’autre, mais c’est se considérer soi-même pour considérer l’autre, c’est l’accueillir en soi, c’est faire une place à l’autre, faire avec, lui redonner confiance, le faire grandir.
J’étais jusque là attentive aux autres, mais sans un véritable engagement, bien qu’ayant pratiqué pendant 10 ans de l’accompagnement de collégiens de situations sociales très variées !
C’est l’appel du pape François en 2015, lorsqu’il demande que « chaque paroisse, chaque communauté religieuse etc… puisse accueillir une famille immigrée », qui a résonné très fort en moi, comme un déclic. Je chantais à la messe « laisserons-nous un peu de place à l’étranger »…et bien c’était le moment. Il se trouve justement qu’une famille albanaise de 6 personnes logeant dans un camion nous est signalée à 2-3 personnes du quartier. En réponse à cet appel, nous décidons de prendre en charge l’hébergement de cette famille dans une ancienne cure. Pour moi, c’était une première approche de gens très différents de moi, très démunis, s’exprimant très mal en français…j’ai vraiment fait un pas avec eux, je découvrais…je n’étais pas très « naturelle » Et puis cela s’est enchainé avec une famille guinéenne, un papa et ses 2 enfants (la maman s’étant noyée pendant le voyage !), puis un jeune célibataire guinéen. Au fur et à mesure, je me suis sentie plus forte, plus naturelle avec eux, comme légitimée pour les accompagner. Plus tard, ce furent 8 MNA (mineurs non accompagnés) que le diocèse a proposé puis décidé de loger à St Maurice dans 2 salles de catéchèse non utilisées ; alors là j’étais vraiment à l’aise pour prendre soin d’eux, de chacun d’eux. Actuellement, 8 autres MNA sont venus les remplacer, mais je reste en contact le plus possible avec les anciens, sans oublier les 2 familles guinéennes !
L’amour du prochain ce n’est pas pour moi pure philanthropie ! Nous sommes tous fils et filles d’un même Père. C’est lui qui nous a aimés le premier, qui nous a envoyé Jésus pour nous apprendre à aimer. Ma foi est ancrée dans les paroles et gestes du Christ : prendre soin des plus fragiles, des abandonnés, leur donner une espérance concrète. Il ne suffit pas de dire : « courage, patience »….mais plutôt tendre la main sans jugement (ne pas connaître forcément par exemple ce qu’ils ont vécu avant), user de délicatesse, de bienveillance et aussi d’humilité, ne pas les stigmatiser…
Tout cela résumé en Jean 13 : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés » La parabole du bon Samaritain m’a fait réfléchir autour du mot « prochain » Qui est mon prochain ?...ou plutôt de qui je veux me faire proche ?Il y a un vrai déplacement dans cette réponse. D’ailleurs je parle plus souvent du prochain que du frère, le frère ne faisant pas appel pour moi au même regard.
Ma foi m’a sûrement poussée…la force de l’Esprit m’aide à poursuivre dans les moments de découragement : la différence de culture, de religion…ça bouscule un peu, et puis j’ai l’impression d’être une petite goutte dans un océan. Ma première conviction est que la terre n’appartient à personne, elle se partage ; de même l’amour se partage ! D’autre part, côtoyer des personnes en aussi grande fragilité fait prendre conscience de toutes les richesses que nous avons reçues, sans rien faire pour cela. C’est pour moi l’occasion de rendre grâce, de remercier Dieu et le louer, mais en même temps j’ai envie de crier : pourquoi moi ? Pourquoi pas eux ?
Je terminerai en disant que j’ai aussi beaucoup reçu de toutes ces personnes, leur détermination, leur foi en l’avenir, pas de ressentiment malgré les grandes souffrances endurées, leur reconnaissance aussi ; j’ai eu le chance de recevoir des témoignages très forts de plusieurs jeunes disant par exemple que nous étions avec mon mari leur famille de France ou bien que ce qui les avait énormément touchés était que nous les avions traités comme nos enfants, un vrai cadeau pour nous. Je ne sais pas si j’ai grandi dans la foi, ce qui est sûr c’est que j’ai beaucoup appris sur le plan humain et que je garde cette conviction ancrée en moi : reconnaître en tout homme un fils de Dieu, quel qu’il soit !
Jacqueline Machetto. Le Passage