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délit | 4 avril 2006 02 xle www.delitfrancais.com

Nouvelles

Québec, «je me souviens» Une manifestation souligne le premier anniversaire de la grève étudiante du printemps 2005. local Benoît Auclair Le Délit

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a population étudiante se regroupait jeudi dernier, d’abord pour se rappeler ce qui a été la plus grande grève étudiante de l’histoire du Québec, mais aussi pour protester contre un possible dégel des frais de scolarité. Le dégel des frais de scolarité Lors du Sommet sur l’éducation postsecondaire qui se tenait à Ottawa en février dernier, les étudiants ont réitéré leur souhait de

voir se concrétiser le transfert de 4,9 milliards de dollars par le gouvernement fédéral pour le financement des institutions post-secondaires. Cette revendication s’inscrit surtout dans un désir de compenser la hausse des frais de scolarité de cinq p. cent en Ontario, qui prendra effet en septembre prochain. Jean Charest et Dalton McGuinty, premier ministre de l’Ontario, étaient les hôtes du Sommet. Compte tenu de la décision prise en Ontario concernant une hausse des frais de scolarité, les étudiants québécois présents semblent cependant avoir décidé de prendre les devants. Aaron Lakoff, membre de la Fédération canadienne des étudiants et des étudiantes (FCÉÉ), dirigeait les troupes en manifestation jeudi dernier. Il souhaitait rappeler au gouvernement que «les demandes sont aussi fortes qu’elles l’étaient l’an dernier». Il ajoute que «les étudiants au Québec bénéficient de frais de scolarité très bas, les plus bas au pays, mais ce n’est pas une raison pour les augmenter. Beaucoup trop d’étudiants encore ne peuvent fréquenter l’université

Les manifestants ont tenté de prendre la rue Sherbrooke. Benoît Auclair

à cause du mur financier». Changement de parcours! La Coalition pour une éducation publique et accessible (CÉPA), qui regroupe plusieurs associations étudiantes à travers le Canada, avait prévu que la marche emprunterait la rue Président-Kennedy de BerriUQÀM jusqu’au bureau de M. Charest, devant les portes Roddick de McGill. Cependant, à la moitié du parcours, la foule a entrepris de rejoindre immédiatement la rue Sherbrooke, ce qui aurait entravé la circulation. Les policiers n’ont pas hésité à bloquer le passage aux quelques 350 manifestants. La tension a persisté pendant près d’une heure, et malgré les in-

jures de certains étudiants, les policiers ont su agir en accord avec leur engagement d’éliminer la brutalité policière gratuite lors de tels événements. Carole Racette, policière, indique qu’il était «impensable de permettre le passage des manifestants sur Sherbrooke pour la simple raison qu’il s’agit d’une rue numérotée, c’est-à-dire une artère empruntée par les services essentiels tels que les ambulances, pompiers, etc.» Des revendications tous azimuts Une fois devant les bureaux de Jean Charest, Jérôme Charoui, également membre de la FCÉÉ, y

est allé de la lecture de documents faisant état des revendications étudiantes québécoises. Il a aussi fortement insisté sur la solidarité du Québec avec les étudiants français contre l’établissement des contrats de première embauche, un ensemble de mesure qui aura pour effet, selon lui, «de resserrer le pouvoir des employeurs sur les ouvriers». Notons que Aaron DonnyClark, vice-président aux communication et aux affaires externes, indiquait au Daily la semaine dernière que l’AÉUM ne souhaitait pas faire partie de la CÉPA, déplorant que les revendications de la coalition concernant le retrait des compagnies privées des campus étaient trop radicales. x

En cette fin d’année, le bureau de publicité du Délit et du McGill Daily remercie tous les annonceurs et vous donne rendez-vous le mardi 12 septembre 2006.


Éditorial

xle délit | 4 avril 2006 www.delitfrancais.com

La culture francophone malade à McGill?

LE SEUL JOURNAL FRANCOPHONE DE L’UNIVERSITÉ MCGILL RÉDACTION 3480 rue McTavish, bureau B•24 Montréal (Québec) H3A 1X9 Téléphone : +1 (514) 398-6784 Télécopieur : +1 (514) 398-8318 redaction@delitfrancais.com

Triste état des lieux de la scène culturelle sur le campus. campus Agnès Beaudry & David Drouin-Lê Le Délit

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a critique principale qu’a reçue cette année Le Délit quant à sa section Arts & Culture a été: «Pourquoi si peu sur ce qui se déroule à McGill?» Le Délit étant le seul journal francophone de l’Université, on pourrait penser que le matériel mcgillois laissé dans l’ombre par nos homologues anglophones suffirait à remplir une certaine proportion de la section. Même en survolant le McGill Daily, on constate rapidement que la scène culturelle montréalaise écrase celle de McGill. Est-ce par choix éditorial? Avancer l’hypothèse d’une scène plutôt petite, presque inexistante en français, et d’un manque de visibilité et d’accessibilité nous semble plus raisonnable. La question se pose alors: quelle est la place des arts et de la culture à McGill, et surtout, quelle est sa place en français? Du côté des anglos La littérature, le théâtre et la musique ont tout de même réussi à se créer une place dans la bulle anglophone du campus. Avec le Player’s Theatre et le Tuesday Night Café (TNC) pour le théâtre, on assiste chaque année à plusieurs œuvres de qualité. Nous rappelons, dans le cas du Player’s, la pièce Tragic Protest: Three Antigones cette année, ou encore Too Much Light Makes the Baby Go Blind, l’an passé. Et au TNC, Fool for Love de Sam Sheppard. Nous remarquons que malgré le fait qu’il n’y ait qu’un sous-département d’arts dramatiques (du département d’Anglais) et quelques revues littéraires aux ressources modestes, le désir de la communauté étudiante de faire vivre les arts sur le campus est plus fort que les désavantages logistiques. Mais qu’en est-il du théâtre et de la littérature en français?

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Du côté des francos Scrivener, revue littéraire se déclarant bilingue, nous a offert cette année quelques textes médiocres en français. Le support est là, la revue est prête à publier des textes de qualité dans les deux langues, mais les francophones manquent à l’appel. Avant de pouvoir augmenter la qualité du matériel francophone, il faudrait que les gens qui parlent la langue de Molière veuillent bien s’impliquer. Ensuite on pourra critiquer les choix de l’équipe éditoriale si besoin est, ou l’absence de publication de création en français à McGill. Le même problème se pose avec la troupe du Théâtre de la Grenouille. Cette année, malgré le fait qu’elle soit la seule troupe jouant du théâtre francophone à McGill, elle a été contrainte d’aller chercher certains de ses huit comédiens dans les autres universités. Le Délit a mentionné dans l’édition du 7 mars que la troupe avait dû présenter sa pièce dans un lieu éloigné du campus en raison «de problèmes avec le Player’s». En effet,

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le manque de participation au sein de l’administration de la troupe a mené à de sérieux problèmes d’organisation. On a beau réclamer sa place dans une université où l’on est minorité, reste qu’il faut savoir la prendre lorsqu’elle est offerte. L’art visuel, cet art silencieux, n’est quant à lui pas digne d’investissement pour l’administration de McGill. Vu l’ampleur que prend le théâtre sur le campus malgré son faible statut officiel, on aurait pu s’attendre à ce que l’art visuel parvienne à se tailler une certaine place. Or, sauf quelques expositions circonstancielles pour des fins caritatives, on perçoit du côté des étudiants le phénomène de la page blanche… ou serait-ce plutôt une peur de sortir les dessins des tiroirs? Enfin, d’après la metteuse en scène de Prodigy, Gabrielle Soskin (voir page 12), «la grandeur d’une ville dépend de l’état de ses événements culturels et de la santé de sa communauté artistique». La francophonie à McGill serait-elle donc minuscule, et sa communauté artistique malade? x

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Rédacteur en chef david.drouinle@delitfrancais.com David Drouin-Lê Chefs de pupitre–nouvelles nouvelles@delitfrancais.com Laurence Bich-Carrière Jean-Philippe Dallaire Chef de pupitre–arts&culture artsculture@delitfrancais.com Agnès Beaudry Rédacteurs-reporters Maysa Pharès Marc-André Séguin Coordonnateur de la production production@delitfrancais.com Alexandre de Lorimier Coordonnateur de la photographie Mathieu Ménard Coordonnateur de la correction Pierre-Olivier Brodeur Chef-illustrateur Pierre Mégarbane Collaboration Benoît Auclair, Émilie Beauchamp, Christopher Campbell-Duruflé, Julie Francoeur, Lucille Hagège, Flora Lê, Sophie Lestage, Félix Meunier, Mathieu Renaud, Clémence Repoux Couverture Mathieu Ménard BUREAU PUBLICITAIRE 3480 rue McTavish, bureau B•26 Montréal (Québec) H3A 1X9 Téléphone : +1 (514) 398-6790 Télécopieur : +1 (514) 398-8318 daily@ssmu.mcgill.ca Publicité et direction générale Boris Shedov Gérance Pierre Bouillon Photocomposition Nathalie Fortune The McGill Daily • www.mcgilldaily.com coordinating@mcgilldaily.com Joshua Ginsberg Conseil d’administration de la Société de publication du Daily (SPD) David Drouin-Lê, Joshua Ginsberg, Rebecca Haber, Rishi Hargovan, Mimi Luse, Rachel Marcuse, Joël Thibert, Jefferey Wachsmuth

14 L’usage du masculin dans les pages du Délit vise à alléger le texte et ne se veut nullement discriminatoire.

Comment vous faufiler Journaux: le torchon Une promenade au dans une ambassade brûle à Concordia centre-ville

Urbania: un magazine de la relève

Merci de nous avoir lus tout au long de l’année. Le Délit sera de retour en septembre avec une nouvelle équipe.

Le Délit (ISSN 1192-4609) est publié la plupart des mardis par la Société de publication du Daily (SPD). Il encourage la reproduction de ses articles originaux à condition d’en mentionner la source (sauf dans le cas d’articles et d’illustrations dont les droits avant été auparavent réservés, incluant les articles de la CUP). Les opinions exprimées dans ces pages ne reflètent pas nécessairement celles de l’Université McGill. L’équipe du Délit n’endosse pas nécessairement les produits dont la publicité paraît dans ce journal. Imprimé sur du papier recyclé format tabloïde par Imprimerie Quebecor, Saint-Jean-sur-le-Richelieu (Québec). Le Délit est membre fondateur de la Canadian University Press (CUP), du Carrefour international de la presse universitaire francophone (CIPUF) et de la Presse universitaire indépendante du Québec (PUIQ).

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délit | 4 avril 2006 04 xle www.delitfrancais.com

Controverses Insolites insalubres Le courrier En trois du lecteur vitesses déplacé Surf souterrain?

La légende urbaine veut que la mi-temps du Superbowl crée un raz-de-marée monstre dans les égouts américains. Ce n’est pas la seule lame de fond souterraine, si l’on en croit l’histoire de cette Sud-Africaine qui pique-niquait tranquillement lorsque son bébé s’est éloigné et est tombé dans un égout sans plaque (elles sont fréquemment volées et revendues à des ferrailleurs). Elle a plongé dans le trou pour le sauver, mais à peine l’avait-elle récupéré qu’une vague les a emportés. Ils sont sortis sains et saufs, deux kilomètres plus loin. (Reuters/Yahoo!)

Les tribulations de la toilette de Jerry Garcia C’est une véritable saga qui entoure la toilette couleur saumon du chanteur des Grateful Dead. En effet, alors qu’un jugement venait à peine d’ordonner qu’elle soit déplacée selon les désirs des propriétaires mohawk d’un casino en ligne (le fameux Goldenpalace.com, qui a également acheté un grilled-cheese à l’effigie de la Vierge et les pierres au rein de William Shatner), qui l’avaient acheté pour 2500$ lors d’un encan charitable fait par un ami d’un ami du groupe, elle vient d’être volée! «C’est un peu dégueulasse», a dit la police. (AP/CNEWS)

Qui sera le plus gentil du Canada ou de la Norvège?

On se souviendra peut-être de cette scène des Jeux olympiques de Turin où un spectateur norvégien a prestement donné son bâton à Sara Renner qui venait de casser le sien. Ce spectateur, c’était Bjoernar Haakensmoen, entraîneur de l’équipe norvégienne. Pour le remercier de son fair-play ô combien pierre-de-coubertinesque, l’ambassade du Canada en Norvège a décidé de lui remettre 5,2 tonnes (7400 boîtes) de sirop d’érable. (PC/AFP)

Corromps, mais corromps égale Le secrétaire général intérimaire de la Fédération nigériane de football vient d’annoncer que les arbitres pouvaient accepter des «cadeaux» de la part des clubs, tant que cela n’influençait pas le résultat des matchs. C’est un leurre de bon aloi, explique-t-il. «Ils doivent seulement faire semblant de mordre à l’hameçon, et s’assurer que le résultat ne favorise pas ceux qui ont offert le pot-de-vin». Inutile de dire que le président de la ligue professionnelle de football, rivale, s’est dissocié de cette interprétation. (Reuters/Yahoo!)

Sans commentaire Laurence Bich-Carrière COMMENT VOULEZ-VOUS VOUS fier à la nature pour vous annoncer que c’est le printemps quand il pleut au mois de février et que vous entendez des oiseaux triller dans les branchages alors que vous déblayez les trois pieds de neige que la ville de Montréal a bien voulu laisser devant votre porte d’entrée? Le réchauffement de la planète n’est pas mon propos –pas question de vous bassiner avec les banquises qui fondent (sauf si elles pouvaient engloutir Brigitte Bardot pendant qu’elle y «frenche» un phoque) ou les ours polaires qui, selon le gag classique, naîtront bientôt avec une fermeture à glissière. Non, le sujet est beaucoup plus primesautier et m’engage à beaucoup moins: c’est le printemps. Et le printemps, on ne peut plus se fier exclusivement au calendrier pour le prédire. Ni au ministère des Transports du Québec qui a annoncé (assez présomptueusement merci!) «que la période de dégel dans la région de Montréal débuterait le 20 mars». Passons. Si les projections équinoxiales de Météomédia ne nous sont plus utiles, il existe encore, en revanche, quelques excellents indicateurs, beaucoup plus fiables que les apparitions d’une marmotte qui, de toutes façons, risque d’être écrasée. Le premier signe indéniable du printemps est vestimentaire. Et en tant qu’étudiant de McGill, vous possédez un terrain fertile pour verser dans la socio-climatique. Ainsi, sur le campus, vous aurez remarqué depuis lundi dernier au moins, des mcgilloises pure souche (celles-là qui ont tendance à se faire une toque sur le sommet du crâne, comme si elles étaient des clichés

Un big fat merci au Délit En effet, Le Délit c’est bien de la qualité A! Encore bravo; personne ne porte la jupette «meilleure publication de l’année» aussi brillamment que vous. Une admiration certaine se doit à votre illustre dessinateur -je reste convaincue que ses commentaires hors bulle résument terriblement bien la sex-attitude de l’équipe adorée. Family Freud, garni de belles nues perplexes, m’aura fait frémir jusqu’au bout. Lecteurs fidèles, nous avons été gâtés cette année!

LES DÉCLARATIONSCHOC D’ANDRÉ BOISCLAIR Oui, oui, André Boisclair a dit quelque chose (c’est un bon début). En effet, selon le chef du Parti québécois, le Parti libéral du Québec est en «situation de crise». Wow. Non, vraiment? Quelle déclaration à l’emportepièce! (La Presse)

De l’étranger, en fantasmant pdf-style, −Manon

C’est le printemps: je souffre tous les clichés de cannibales) se promenant jambes et bras nus en sirotant des cappuccinos glacés du Tim Hortons en face du pavillon de Musique. Un peu plus à l’ouest, vers Westmount –cette enclave où la vitesse maximale de 40 km/h sur les artères est indiquée à tous les deux poteaux, où pissent pareils des chiens sur le toilettage desquels on a probablement dépensé plus que mes parents sur mon éducation–, vous avez aperçu un jeune homme en gougounes hawaïennes, bermudas mais coton ouaté en train de laver son automobile et son entrée de garage. Le point de non-retour, il l’a atteint –comme s’il avait irrémédiablement mué– car il restera habillé ainsi même si le thermomètre retourne à 3°C. Points bonis si vous avez également croisé la version plus âgée qui préfère les sandales sports, portées avec des bas montés à la mi-mollet. L’autre signe du printemps est dans la rue. Est-ce que quelqu’un peut m’expliquer la nature des travaux qui éventrent Sherbrooke? C’est quoi l’idée, un seppuku perpétuel? Artère à cœur ouvert? Ç’a pris un an avant que l’on puisse traverser à l’intersection McTavish sans passer dans la garnotte. Douze mois encore au coin de Peel? Pourquoi creuse-t-on des trous, il y n’en a pas assez? Dis, toi, préfères-tu une série de nids-de-poule en montagne russe ou une ornière assez grande pour remplacer une piscine municipale? Autrement dit, vaut-il mieux remplacer une suspension ou une garde-robe parce que le gentil chauffeur de l’autobus que vous venez fatalement de manquer vous aura copieusement éclaboussé après une gentille giboulée d’avril? Car il est assuré qu’avec le printemps

En hausse

le débat des nids-de-poule va revenir sur la place publique, parsemée des immondices qui avaient passé l’hiver sagement cachées au fond des bancs de neige. Avec lui d’autres rengaines bien connues: Montréal est sale (comme si on ne vous en avait pas assez rebattu les oreilles pendant la campagne municipale), en avril, ne te découvre pas d’un fil, «comment j’m’habille? y’a plus de saisons!» et autres «ça sent la Coupe». Tout semble indiquer que le printemps est enfin arrivé –vous avez peut-être même commencé à réviser pour vos examens. Pourtant, vous vous mettez, incontrôlablement autant que sournoisement, à redouter une bordée de neige pour la fin de semaine de Pâques. Et ça, sous nos latitudes, c’est le signe indéniable du printemps.

Au neutre LA VESTE DE PÊCHE DE STEPHEN HARPER C’est quoi M. Harper? On vous a dit «habillez-vous trekking chic?» Où est passé votre habilleur de la campagne électorale? Pourquoi personne ne vous a-t-il dit qu’un sommet tripartite nordaméricain dans la poussière du Mexique n’était pas l’endroit pour «s’habiller plein air» comme pour une partie de pêche en Abitibi? Mais bon, puisque vous semblez l’aimer, cette vieille horreur... (SRC)

En baisse

PAMELA ANDERSON Comme si «l’actrice» ne pouvait pas se couvrir de ridicule encore plus, voilà qu’elle reprend le combat de Brigitte Bardot et accuse le Canada d’inhumanité et de cruauté avec la chasse au phoque. (Canoë/Le Nouvel Observateur).


Controverses

xle délit | 4 avril 2006 www.delitfrancais.com

Spicilège: des perles de relecture Comme nos collègues du Daily l’ont inscrit sur le frigo du local, le talent, c’est de l’habileté et de la relecture. À preuve, ces quelques perles, mélange de lapsus, de fautes d’inattention, de pléonasmes, de contradictions et de flous historiques. Pour vous, amis-lecteurs...

Du côté des nouvelles «Une indifférence envers les nombreux clubs et activités sportifs est une attitude courante parmi les étudiants mcgillouis.» Et les mcgilbertes, alors? «Des cocus entre étudiants criant des stratégies était une scène typique de la journée.» Ils portaient leurs cornes avec beaucoup de panache.... «On ne sait pas trop ce que ça veut dire, apparemment, cela viendrait des Romains, lors de la bataille entre Athènes et Sparte, lorsque le premier homme se serait rendu à Marathon (créant d’ailleurs la discipline olympique) et c’est ce qu’il aurait dit au général comme message.» Voilà une façon plutôt transversale de voir

l’histoire: l’Antiquité était une longue bataille et la guerre c’est mal. Peace, allons rouler man. [Note des érudits de la Rédaction: la bataille de Marathon opposait les Grecs aux Mèdes, les Perses quoi, et le soldat a couru de Marathon à Athènes et non le contraire; et les Romains n’étaient pas vraiment dans le portrait en 490 av. J.-C.] «Quand nous voulons mettre de l’avant des lois pour réaffirmer notre existence en tant que peuple (Charte de la langue française), le Canada arrive en colonisateur, branlant la constitution de 1982 et la belle Charte des droits qu’il nous a imposée, pour nous rappeler ce qu’on a le droit de faire chez nous et ce qui nous est défendu.» Branler la constitution: une activité qui va de pair avec l’érection d’un pays. «Mme Cox espère qu’ils réussiront à sensibiliser la population et sauver les chimpanzés qui s’y trouve[nt].» La Planète des singes: ils sont déjà parmi nous... «Cinquante jeunes femmes ont été sélectionnées pour participer au concours Miss Univers Québec qui s’est déroulé le 28

janvier dernier au Casino de Montréal. [...] Comment se démarquer parmi cinquante confrères lorsque...» Révélation-choc: Miss Univers Québec est un homme! «Un étudiant de la Faculté de pharmacie, excédé par les pratiques de «parrainage» de sa faculté qui permet aux étudiants de se passer résumés et question d’examens d’année en année, prend parole publiquement sous le couvert de l’anonymat.» Notre journaliste assure avoir interviewé un homme avec une barre noire à la place des yeux et la voix de Jabba le Hut. «[Ces deux organismes travaillent] pour s’assurer de la sécurité des aliments qu’on retrouve sur les tablettes des épiceries.» Il ne faudrait pas qu’une pomme se foule une cheville ou qu’un boîte de céréales se casse un bras, quand même...

Du côté de la culture

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nous faire avaler la pilule.» En effet, après de nombreuses expérimentations il se sert maintenant d’une gorgée d’eau. «Comme le spectacle [de danse] est presque entièrement en silence, la musique est de première importance.» Quelle est la plus grande tautologie: l’importance de la musique ou le silence de la danse? «Von Trier a cherché et cherchera toujours des puces chez les humains en général, et les États-Unis en particulier.» Chercher des puces sur un humain, ce n’est déjà pas évident, mais sur un pays, quel défi! «Quant à la trame sonore, elle est du même ton que les chansons.» Il paraîtrait également que les images vont très bien avec les illustrations et que les mots accompagnent harmonieusement les paroles. x Compilé et commenté par Laurence Bich-Carrière et Pierre-Olivier Brodeur

«Il préfère nous dire ce qu’il veut dire de manière crue, sans aucun compromis et sans se servir de béquilles pour mieux

Le CIPUF demande la libération de Frédérick Lavoie Les membres de plusieurs journaux étudiants à travers le monde exigent la libération du pigiste québécois. lettre ouverte

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es médias du Carrefour international de la presse universitaire francophone (CIPUF) déplorent l’arrestation de M. Frédérick Lavoie qui, depuis le vendredi 24 mars, est détenu à la prison d’Akrestina au Belarus. M. Lavoie est membre de notre organisation et est détenteur d’une carte de presse du CIPUF. En janvier dernier au Venezuela, il a couvert le Forum social mondial de Caracas pour le réseau avec une équipe de correspondants du CIPUF. Ces derniers sont présents dans 25 pays à travers le monde. À cette occasion, il a montré son professionnalisme, son éthique et son sérieux. Nous demandons à ce que l’État canadien maintienne ses pressions sur l’État du Belarus, afin que ce dernier libère notre collègue dans les plus brefs délais, et nous supportons les démarches de l’organisation Reporters sans frontières auprès du ministère des Affaires étrangères afin que Frédérick soit libéré immédiatement. Nous invitons tous les médias étudiants, communautaires et professionnels à nous joindre dans notre position. De la même manière, nous demandons aux

journaux étudiants membres du CIPUF de dénoncer l’attitude de l’administration du président Loukachenko et de contribuer à montrer comment ce dernier traite les journalistes indépendants. Frédérick Lavoie a été arrêté et condamné à 15 jours de prison suite à un procès ni juste, ni équitable. On l’accuse de s’être retrouvé à une manifestation politique sur la place d’octobre sans accréditation officielle et d’y avoir tenu des propos contre le président Loukachenko. Il était présent au Belarus pour faire son travail de reporter, qui consiste à rapporter la version la plus complète de la vérité afin d’en informer le public. L’État du Belarus, ne tolérant pas la dissidence, a choisi de l’arrêter et de le détenir et a ainsi violé l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, qui assure le droit à la liberté d’opinion et d’expression. Nous, membres de la presse étudiante et du Carrefour international de la presse universitaire francophone (CIPUF), souhaitons dénoncer la situation dans laquelle se retrouve notre confrère. Le fait qu’il n’était pas accrédité comme journaliste s’explique facilement, dans un contexte comme celui du Belarus où on ne souhaite pas que les étrangers se penchent sur le

Frédéric Lavoie, posant au centre, en compagnie de ses collègues journalistes étudiants. gracieuseté CIPUF

déroulement des élections. Ce fait ne devrait pas nuire à sa libération. Plusieurs d’entre nous avons eu l’occasion de rencontrer Frédérick dans le cadre de notre travail. Notre collègue est une personne déterminée à faire un travail de qualité. Il est un journaliste d’expérience ayant une grande compréhension de l’environnement dans lequel il se trouve. Il ne prend pas de risques inutiles. Sa famille, qui passe depuis quelques jours des moments fort difficiles, peut être fière de lui et a tout notre soutien. x

Marianne Laroche (418) 524-7337 poste 222 marianne.laroche@cipuf.org Marc-André Séguin Le Délit (Université McGill) (514) 793-8459 Mathias Marchal Quartier Libre (Université de Montréal) Samuel Auger Quartier Libre (Université de Montréal) Nicolas Vézeau Impact Campus (Université Laval) Gaétan-Philippe Beaulière La Rotonde (Université d’Ottawa)

Derrick Finch Le Réveil (Collège universitaire de St-Boniface, Manitoba) Delamou Alexandre Mediflash (Guinée - Conakry) Cyril Barbier Avis Culturel (France) Mamadou Ciré Savané Directeur de publication de L’Universitaire (Conakry, Guinée) Charline Mengue Tam-tam littéraire (Gabon)


délit | 4 avril 2006 06 xle www.delitfrancais.com

Entretien avec Adam Conter Le président sortant revient sur son travail à la tête de l’AÉUM et commente la relève. campus Le Délit De quoi es-tu fier? Adam Conter Cette année, nous sommes parvenus à prouver que l’AÉUM peut fonctionner. Je suis arrivé ici avec l’idée que tout ce que je souhaitais était de diriger une équipe et de la diriger efficacement. Je considère que j’ai réussi et que, de surcroît, l’équipe s’en est très bien sortie. Nous avons été audevant de tous les dossiers que nous avions à traiter, nous avons atteint nombre des objectifs que nous nous étions fixés au début; et l’entente est toujours bonne entre nous aujourd’hui, ce qui est très important étant donné que c’est une industrie très imprévisible. Je pense que tout le monde connaît les querelles qui sont survenues ces deux dernières années. Nous avons tous lu au sujet des scandales et des disputes qui éclataient au sein de l’AÉUM. Cela arrive, nous pouvons le comprendre. La pression est forte ici et il y a beaucoup de têtes fortes avec des opinions. C’est pourquoi je pense que nous avons fait du bon travail en essayant de rester soudés. On savait à quoi on ressemblerait si on ne l’était pas, et on ne voulait pas donner cette image de nous-mêmes. LD Que regrettes-tu de ne pas avoir fait ?

Nouvelles

AC J’aurais voulu être plus visible. Je suis irrité de ne pas avoir eu plus de temps pour être encore plus présent sur le campus, pour faire des annonces dans les classes chaque semaine, ne serait-ce que pour dire que le nouveau site Web est achevé et ce qui se passe à l’Asso. Le Conseil est certes accessible, mais il est rébarbatif. C’est toujours plus drôle si le président sort en personne pour informer les étudiants. Mais la raison pour laquelle je n’ai pas pu faire cela est que plein de choses qu’on ne prévoit pas arrivent. J’ai été constamment sollicité par la presse, et les négociations de certains baux prennent beaucoup de temps. LD Qu’est-ce qui a mal tourné? AC Il y a certaines choses qui n’ont pas forcément mal tourné, mais qui auraient pu aller mieux. J’ai le sentiment de ne pas avoir pu faire tout ce que j’avais en tête. On a toujours les yeux plus gros que la panse. Quand je suis arrivé, j’avais des tonnes d’idées et je voulais opérer une série de changements. Mais une fois installé et engagé dans l’action, on se rend compte que l’on ne peut vraiment mener à bien que deux ou trois projets, parce que le temps fait défaut et qu’on est submergé. Je souhaitais améliorer la communication avec les étudiants et faciliter le travail du Comité des affaires présidentielles et du commissaire aux relations avec les facultés. Il aurait fallu renforcer nos liens avec le gouvernement étudiant. Nous avons de bonnes raisons pour ne pas avoir fait cela, mais je tiens à ce que ce soit fait l’année prochaine. Je regrette aussi

qu’on n’ait pas effectué de sondage auprès des étudiants pour savoir ce qu’ils pensent de nous. Je pense qu’Aaron [Donny-Clark] fera du bon boulot sur ce plan. [...] LD Que souhaiterais-tu que la prochaine équipe fasse? AC Je veux qu’ils accomplissent ce qu’ils ont projeté de faire. Augmenter la communication et diversifier le Frosh sont de très bonnes idées. Faire évoluer Gert’s est un excel-

lent projet et je pense que David [Sunstrum] fera du bon travail en poursuivant ce qu’Erik [van Eycken] a initié cette année. Il est important de faire de Gert’s un point chaud du campus, un endroit où les étudiants ont envie de traîner. Du côté de l’externe, il faudra réparer notre relation avec la FEUQ. Je pense qu’à l’interne, Aaron sera efficace avec son plan pour les cinq prochaines années. x Propos recueillis et traduits par Maysa Pharès

Un stage en ambassade, pourquoi pas? Un collaborateur explique une façon de contourner le système. international Félix Meunier Le Délit

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ans l’esprit de plusieurs, le seul moyen de travailler dans une ambassade est de joindre le service extérieur en subissant les exigeants examens de la fonction publique. Pourtant, toutes les ambassades canadiennes embauchent du personnel recruté sur place. Il y en a même quelques-unes qui offrent des possibilités de stage. C’est donc un excellent moyen d’expérimenter la vie de diplomate pour une période donnée. Traditionnellement, le haut-commissariat à Canberra et l’ambassade à Paris offrent chacune deux postes de stagiaires, habituellement dans la section des affaires publiques. L’ambassade du Canada aux États-Unis d’Amérique offre également des stages. Washington, DC, là où les plaques d’immatriculation ne disent pas Je me souviens mais bien Taxation Without Representation, est un rêve pour n’importe quel individu épris ou simple intéressé de politique américaine. Environ 330 civils et militaires y travaillent, ce qui fait de l’ambassade à Washington, DC, la plus importante ambassade du Canada. La richesse de la relation bilatérale canado-

Vous pourriez vous aussi travailler dans un immeuble à sécurité maximum... Mathieu Ménard

américaine et l’importance des décisions politiques américaines requièrent en effet des postes de conseillers dans plusieurs secteurs: agriculture, science, énergie, transports, finance… Certains stagiaires ont leur baccalauréat en poche et ont entamé des études supérieures, d’autres étudient encore au premier cycle. Les stagiaires, selon leur parcours académique et leurs intérêts, sont affectés aux sections économique, commerciale, environnementale, politique, des affaires publiques, des affaires légales ou à l’Organisation des États Américains (OÉA). Dans mon cas, en compagnie de trois autres stagiaires, tous bacheliers, j’ai été affecté à la section économique et commer-

ciale. Tous les stagiaires ont des superviseurs différents; le mien était le conseiller en politiques de transports. Il m’avait été assigné en raison de mon expérience passée dans ce domaine. C’est là un attrait important de Washington, DC: en raison de sa taille immense, il est fort difficile de ne pas trouver une position qui correspond aux intérêts du stagiaire. Le stage consistait surtout à faire un suivi sur différents projets de loi, programmes ou régulations qui pourraient avoir un impact sur la relation canado-américaine en matière de transports. J’étais donc appelé à préparer différents rapports sur des récents développements qui se produisaient à Washington, DC. En plus d’une recherche approfondie

de différents documents gouvernementaux, il était souvent nécessaire d’assister à des audiences de comités du Congrès, rencontrer différents fonctionnaires locaux et étrangers ainsi que des représentants d’associations d’intérêts locaux. Et pour les curieux, oui, c’est vrai, il n’y a pas de french fries en vente dans les différents édifices de la Chambre des Représentants. On peut cependant substituer pour 1,35$ de succulentes freedom fries qui au goût semblent par ailleurs fort similaires aux french fries.] J’étais également appelé à assister à diverses réunions à l’ambassade ou en compagnie d’autres diplomates basés à Washington afin d’échanger sur de récents développements sur des sujets particuliers, par exemple l’aviation. Dans d’autres domaines cependant, notamment sur la sécurité des frontières, une approche basée davantage sur une stricte relation bilatérale canado-américaine est préférable. Une excellente compréhension de la diplomatie et des mécanismes législatifs américains est ainsi acquise. Le stage permet de plus d’être un témoin direct de l’évolution de la plus importante relation commerciale au monde. Quant aux perspectives d’après-stage, dépendamment des obligations académiques ainsi que de la performance du stagiaire, elles sont plutôt prometteuses en raison du réseau développé lors du stage que ce soit à l’ambassade (comme employé recruté sur place) ou à la centrale d’Affaires étrangères Canada ou de Commerce international Canada (comme contractuel). x


Nouvelles

Journalisme étudiant: ça brasse à Concordia L’opposition entre le Concordia français et L’Organe est-elle un débat idéologique ou une simple guerre de clochers? local Julie Francoeur Le Délit

T

out récemment, neuf anciens membres de l’équipe du journal francophone de l’Université Concordia, le Concordia français, se sont rassemblés pour publier une lettre ouverte ainsi qu’un communiqué de presse dénonçant plusieurs changements apportés au journal par l’équipe actuelle, ainsi que les voies qui ont été empruntées pour les instituer. Les changements concernés sont principalement la décision de la publication de devenir bilingue, l’abandon de la politique anti-publicité, les mauvaises décisions financières, le changement de nom en janvier dernier (le journal est renommé L’Organe) et une distanciation par rapport aux valeurs contenues dans sa constitution. Au-delà d’être une simple guerre de clochers entre l’équipe actuelle et les membres fondateurs, la situation soulève un débat plus profond sur la place d’un média francophone dans une université anglophone. Raisons de la lettre «Récemment, l’actuelle administration a entrepris des changements majeurs qui transforment le journal de façon radicale. Nous croyons que ces changements sont catégoriquement illégaux et qu’ils brisent l’esprit du contrat entre le Concordia français et les étudiants de Concordia, tel que voté en 2003», peut-on lire dans la lettre signée par quatre ex-rédacteurs en chef. Lorsque interviewé sur le pourquoi de cette action, Jean-Sébastien Lévesque, rédacteur en chef en 2004, explique: «On s’est rassemblés car on devenait de plus en plus inconfortables avec ce que devenait le journal. On avait chacun nos différents malaises mais à la suite des changements les plus récents, la publicité et le bilinguisme, nous avons considéré que la présente administration outrepassait la mission du journal.» «C’est notre devoir d’informer la population étudiante et lui rappeler ses droits si elle veut s’opposer à cet abus d’un bien commun qui lui appartient, qui est présentement détourné sans la consulter», ajoute-t-il faisant référence au fait que malgré l’introduction de publicité dans ses pages, les étudiants sont encore le principal bailleur de fonds du journal. Grâce à une cotisation étudiante de 0,06$ par crédit, obtenue en référendum en novembre 2003, le Concordia français pouvait demeurer indépendant de revenus publicitaires; en contrepartie, il s’engageait à publier au moins huit fois par année un journal

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francophone de qualité avec une perspective distincte de ce qui existait déjà sur le campus. Publicité et budget serré C’est principalement par un désir de croissance que l’administration actuelle explique les récents changements. Selon Pierre-Luc Bouchard, directeur de l’information de L’Organe, la cotisation étudiante, qui totalise un peu plus de 50 000$ par année, n’était plus suffisante à la suite de la décision de publier deux fois par mois au lieu d’une seule et d’élever le tirage à 3500 exemplaires par édition. La nouvelle administration semble cependant avoir beaucoup plus de dépenses que par le passé. Ces dépenses sont d’ailleurs grandement remises en question par les anciens collaborateurs. En plus de l’achat d’équipement, de la décision de publier en couleur avec des cahiers photos, de commanditer des événements culturels et de payer des frais de locaux élevés plutôt que d’accepter un local sur le campus, la nouvelle administration a aussi instauré l’allocation de salaires. Bien que pratique courante dans les journaux universitaires, l’allocation de salaires demeure un point de contentieux. «Tu ne prends pas la décision de donner des salaires quand t’es serré dans ton budget!», soulève Lévesque. Les signataires, dont quatre sont toujours étudiants de Concordia, par leur lettre intitulée «Un gaspillage scandaleux de fonds étudiants» déplorent l’irresponsabilité financière de L’Organe. «Le journal affirme être financièrement en crise et devoir revenir sur son indépendance de la publicité, qui était très importante pour les visionnaires fondateurs. On considère que si le journal est en crise c’était dans leur agenda. Ils avaient déjà décidé d’avoir recours à la pub. Ils faisaient des budgets sans respecter leurs ressources financières et se sont mis à avoir des dépenses hors de leur capacité.» Un journal francophone bilingue? Quant à la question du bilinguisme de L’Organe, Bouchard la défend comme un moyen de créer un pont entre les communautés anglophones et francophones, précisant que certains étudiants ne sachant écrire en français se sentaient exclus de la publication. Il admet tout de même que le changement est utile et vise à combler un manque de collaborateurs. «On n’avait jamais assez de monde et les articles étaient toujours en retard. Et puis, c’est quoi le problème à vouloir inclure tout le monde? On s’anglicisera pas du jour au lendemain! On est contre le fait que tous les étudiants doivent payer pour le journal sans être capables de le lire. On veut juste rapprocher les cultures» affirme le directeur de l’information de L’Organe. Pourtant, la population étudiante reste sceptique quant à savoir en quoi ce changement «rapproche[ra] les cultures», comme le note Kate Fraser, étudiante anglophone de quatrième année en anthropologie: «Il y a déjà trois journaux anglophones sur le cam-

Le torchon brûle à Concordia à propos du journal francophone. Mathieu Ménard

pus. J’ai l’impression que le changement vise seulement l’insertion de contenu anglophone dans le journal au détriment du contenu francophone dans l’université.» En ce sens, l’ex-rédacteur en chef Lévesque ajoute: «Ils ont changé le nom disant qu’on se mettait la population étudiante à dos avec le nom Concordia français. Faudrait-il avoir honte d’être francophone? Nous étions fiers d’être Concordia et fiers de l’être en français. Je ne peux pas croire qu’en 2006, on dise devenir bilingue parce que ça choquait des gens qu’on soit unilingue francophone.» Le retour du Concordia français? Pas de sitôt. Malgré cet appel au respect des fondements idéologiques constitutionnellement protégés par ceux qui avaient fait naître le Concordia français et y ont œuvré jusqu’à tout

récemment, il y a fort à parier que le nouvel Organe continuera sur sa lancée. Soulignant le paradoxe et le clivage entre deux visions, Jean-Sébastien Lévesque conclut sur ces mots: «C’est tout à fait normal que le journal se transforme et c’est tout à fait normal aussi que ça nous choque et qu’on se lève et en parle. On fait cette démarche qu’on considère légitime. C’est en partie une espèce de dernière bataille pour sauver ce qu’on a créé: un journal unilingue francophone indépendant de toute publicité offrant une perspective unique à Concordia.» Pour Pierre-Luc Bouchard, L’Organe change et se transforme tellement qu’il est «presque devenu une PME». «On travaille là-dessus en tout cas!» affirme-t-il, enthousiaste. «On ne répliquera aucunement [à la lettre des anciens rédacteurs]. En ce qui nous concerne, leur lettre c’est de la grosse bouette», conclut-il. x


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Le cirque des initiations L’ironie du sort aura voulu qu’alors que nous rapportions les propos d’organisateurs qui affirmaient que les initiations allaient être à l’avenir plus soft, McGill ait cette année fait la une de plusieurs journaux comme étant un temple de débauche: Sodome et Gomorrhe dans les initiations de l’équipe de football des Redmen, libations sans soutien-gorge à la faculté de Gestion et autres beuveries qui ont défrayé les manchettes d’un océan à l’autre.

Boisclair hanté par son passé La course à la chefferie du Parti québécois bat son plein. Mystérieusement, les soirées de réunion du Délit sont pleines de journalistes en devenir qui veulent à tout prix couvrir le sujet. Nous envoyons notre rédacteurreporter, qui nous gratifie d’une photo où André Boisclair lui-même nous offre son sourire Colgate. Ah oui, et les rumeurs commencent à circuler à l’effet qu’il aurait consommé de la cocaïne. Avis aux intéressés, si vous avez vingt ans, il vous en reste dixneuf pour faire une «erreur de jeunesse» et potentiellement devenir premier ministre.

Dieu, les armes à feu et l’AÉUM À Activities Night, une surprise de taille attendait les jeunes mcgillois en mal d’activités. En effet, le groupe McCord Rifle Association était en pleine campagne de recrutement et cherchait à convaincre les badauds des bienfaits des armes à feu et ce, à grand renfort de vidéos (mauvais) de Charlon Heston et de musique heavy metal. L’organisme n’a malheureusement pas été capable d’obtenir le statut de club (et le financement connexe), faute de membres. Quel dommage, les séances d’initiation aux armes à feu prévues n’auront pas eu lieu.

Spécial cavités Pardonnez au Délit ce jeu de mots douteux qui ne visait qu’à joindre sous la même bannière plusieurs sujets d’actualité, tous brûlants. OK, tous sauf le reportage sur les catacombes de Paris. Couvert dans cette édition: Playboy fait entrer McGill dans son palmarès des «universités de party» (les photos sortent dans le numéro de mai!), la suite du scandale des Redmen (qui n’en était un que par la force des médias puisque la «victime» a avoué qu’aucune pénétration anale n’avait eu lieu). Et pour les fans de littérature, un spécial Houellebecq!

Pas grand chose à en dire Page neuf: notre photographe de l’époque illustre un article intitulé «Boivent-ils en Arts?», avec une photographie d’une bouteille de bière laide prise en contre-plongée bizarre. C’est la troisième fois cette année. Il se défend en disant que c’est «plusse de l’art que les dessins de l’illustrateur». Une chicane s’ensuit. Arrive le graphiste qui a concocté le logo du spécial Festival du nouveau cinéma qui sourit. Devinez lequel des trois individus reste l’an prochain. Indice: ce n’est ni le photographe, ni l’illustrateur.

Spécial référendum! Le Délit lance un concours de textes et d’affiches sur le sujet du dixième anniversaire du référendum de 1995. Une affiche classique l’emporte du côté du «oui», mais c’est de l’affiche du «non» dont nous nous souviendrons. Elle se lisait comme suit: «Moïse n’a pas séparé le Québec du Canada. Pourquoi le devriezvous?/Que Dieu t’aide à dire NON à la souveraineté et à la drogue». Notre fidèle rédacteur en chef se fait appeler par la CBC pour représenter «le Québec» sur la question. Quel recherchiste a eu cette idée de cave?

L’AÉUM En éditorial, nous félicitons l’exécutif de l’AÉUM d’exister encore, de n’être pas (encore) divisé par des luttes intestines et, ma foi, de «faire de quoi». C’est la première fois depuis trois ans que le président ne démissionne pas avant le début des cours (c’est déjà ça). Cela dit, la participation aux activités –particulièrement celles qui sont annoncées à coup de pizza gratuite au Gert’s– est toujours aussi faible. Il faudra trouver d’autres moyens (qui sait, peut-être est-ce là qu’est née l’idée des pubs sur CTV).

Spécial étudiants étrangers Fruit d’une recherche de longue haleine, Le Délit vous livre un reportage où sont révélées les pratiques illégales de l’Université concernant la facturation des étudiants étrangers. La loi fixe un plafond aux droits de scolarité imposés à ces étudiants, plafond impunément dépassé depuis deux ans par l’administration. Un avis juridique a été obtenu confirmant que les étudiants étrangers disposent de recours en justice par rapport à ces pratiques qui mettent à mal leur bourse, parfois déjà bien dégarnies.

Plagiat professoral et marchands du temple Moyennant un don de 22 millions de dollars, l’Université renomme sa faculté de Gestion au nom de son mécène Marcel Desautels. Notons que l’édifice abritant la faculté Desautel porrait déjà le nom de «building Bronfman». Comment avoir le beurre et l’argent du beurre! En parlant de pratiques discutables, Le Délit dénonce dans la même édition le dédale administratif dans lequel s’embourbent les étudiants accusant leurs professeurs d’avoir plagié leurs travaux de session. Et c’est plus fréquent qu’on ne le croirait.

Des élections autour de la dinde! Des grèves ont lieu un peu partout. À l’Université de Montréal, les professeurs font le piquet pendant plusieurs semaines. Ils réclament un «rattrapage salarial» et privent les pauvres étudiants de leurs cours. Autre grève, celle de RenaudBray, dont les employés débraient, également pour améliorer leurs conditions salariales. Les politiciens, par contre, ne sont pas en grève puisque les élections du 23 janvier sont déclenchées et que la campagne électorale est bien lancée.

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Lendemain de veille électoraux La Rédaction commence à en avoir un peu marre de la campagne électorale, surtout qu’elle est en lendemain de veille, ayant recommencé le 3 janvier et reçu ses factures de cartes de crédit. En culture, apparition des critiques de bandes dessinées, absence notée du Family Freud, remplacé pour l’occasion par une histoire d’écureuil sanguinaire. Plus sérieusement, on ne sait plus trop pourquoi, mais il y a Bruno Landry déguisé en Raël en page douze.

Les fraternités Dangereuse, la vie de journaliste! Il a suffi d’un reportage sur les fraternités (concocté à grand renfort de recherche et d’entrevues avec divers membres de ces organisations) pour qu’un rouquin «principalement en journalisme à Concordia», flanqué de deux groupies, vienne nous enguirlander. Hé, Ducon, c’est pas parce que tu ne sais pas lire le français que notre lectorat ne comprend pas les subtilités syntaxiques de la langue de Molière et Miron non plus. Patate.

Jésus à l’Université Au cours d’une rencontre pancanadienne des journaux universitaires, les délégués du Délit sont troublés par la présence d’étudiants provenant d’une université chrétienne évangélique de Colombie-Britannique. Tout à fait incrédules, au risque de se faire convertir, mais n’hésitant devant rien pour remplir nos pages, ils interviewent ces individus. D’autres sujets pour nous faire râler: la *&%?*((&% de glace qui recouvre les rues de Montréal et la FEUQ qui se désintègre après la désaffiliation de l’Université Laval.

En direct de Caracas L’un de nos rédacteur-reporters est envoyé au Venezuela dans le cadre du Forum social mondial. Il risque sa vie dans les barrios de Caracas afin de nous livrer ses impressions sur l’événement. Même si Cindy Sheehan, Hugo Chavez et Françoise David y étaient, s’agit-il vraiment de la rencontre altermondialiste qu’on prétend? En tout cas, l’aspect social y est très présent. À McGill, manifestations des gais contre Héma-Québec. Résultat: annulation de la clinique de sang.

Les roses de Mahomet Le débat autour des caricatures de Mahomet fait rage dans les salles de rédaction partout à travers le monde. Faut-il publier par solidarité et s’attirer les foudres des imams montréalais (avant qu’ils ne soient attaqués dans le métro et déportés) ou s’abstenir pour ne pas vexer plus de susceptibilités? Dans le doute, Le Délit choisit une voie originale et publie les aventures explosives de Kamikaze Jésus. C’est la bombe. Toujours dans la controverse, nous publions un schtroumpf qui se pique à l’héroïne.

Nous voulons votre corps Du moins est-ce le message des compagnies pharmaceutiques, nous apprend notre rédactricereporter. L’idée de ce reportage nous est venue dans le métro, alors que défilait sur le babillard électronique l’alléchante offre d’Anapharm. Ingérer quelques pilules pour quelques dollars, où est le danger? Les compagnies prétendent qu’il n’y a jamais eu de problème sérieux. Ironie du sort: quelque temps après la publication du journal, en Angleterre, six cobayes se retrouvent aux soins intensifs après avoir ingéré ces lucratives pilules.

Le panzercardinal Un article qui fera couler beaucoup d’encre (une page et demi, en comptant la pub) à l’édition suivante est publié: il s’agit d’un rapport de la conférence de John Allen, journaliste vaticaniste, et du cardinal Marc Ouellet, sur Joseph Ratzinger, alias Benoît XVI. Pendant ce temps, notre rédacteur-reporter se tape des tonnes et des tonnes de rapports gouvernementaux pour accoucher d’un reportage (c’est son métier) sur un projet de loi portant sur la réforme à l’enfance. Le reste de la rédaction illustre, en utilisant sa main gauche pour un style enfantin.

Semaine d’action contre le racisme En culture, divers journalistes couvrent et interviewent plusieurs artistes utilisant des médiums variés pour générer un message de tolérance et d’ouverture (écrivains, bédéistes, ethnomusicographes, philosophes, comédiens et acteurs, professeurs et enseignants, etc.). Lors d’une entrevue accordée aux journaux du campus, la rectrice Heather MunroeBlum martèle son message: l’Université souffre d’un sous-financement chronique. Pour le reste, absolument rien ne sortira de cette entrevue. On l’aura appris: elle est habile, cette Heather...

Élections à l’AÉUM: c’est la fête! Un vent de renouveau souffle sur l’AÉUM. Le taux de participation aux élections qui renouvellent l’exécutif pour l’année scolaire 20062007 a été historique (près de trente p. cent). Tous les référendums ont été acceptés par les étudiants, ce qui signifie que CKUT reste en ondes et que l’AÉUM devra tenir une assemblée générale semestrielle. Autre fait à noter, la mascotte en forme de pinte de Guinness en page neuf, qui s’adresse de façon troublante à d’innocents bambins.

Nous, nous, nous et vous Dans un éditorial à six mains digne du Journal de Montréal, Le Délit fait état de plusieurs faits divers ayant animé la vie de l’édifice Shatner. Nous en profitons pour truffer nos pages, et même notre couverture, de références particulièrement narcissiques à notre nouveau statut de meilleure publication de l’année. Ce qu’il reste de cette mémorable soirée de remises de prix, c’est le discours d’acceptation de notre vénérable rédac chef: «Merci, je serai bref puisque je n’ai pas le choix. Est-ce que quelqu’un pourrait m’indiquer où sont les toilettes?»

2005

une année de délits Après une année bien remplie, la Rédaction du Délit présente une rétrospective de ses meilleurs (et de ses pires) moments.

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2006


Le Délit présente son

Cahier Création

édition deux mille six


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Le

Délit ° 4 avril 2006 ° Cahier Création

Je ne blague pas

Dé-Lies

par Nicolas Denoize, illustration par Malheureux anonyme

par Samuel L. Leeds

Un jour, tu m’as demandé de passer du temps avec toi, Pour la première fois, tu écrivais une loi. «Nous serons ensemble pour toute la vie, Parce que je t’aime» tu m’as dit. Je voulais toujours être à toi, Connaître ton visage, tes lèvres, et ton dos. Surtout les connaitre mieux que tous les autres. «Tu es sérieuse?» je demande «Oui, je ne blague pas».

Le blaireau

Thicker than the word, betraying mirror Obvious is the lie of the metaphor

par Peter C.

Un jour j’ai tué une blaireau, Je n’ai pas su quoi en faire Ainsi je l’ai mangé...

Poetry is a prank foolishing as a prat Drunk limps the lie of my empty rhymes Montreal, politics, daily - laws and versions Official stand the lies of blurry translations

Le blaireau était grande, Et maintenant je le suis aussi, Je souhaite que je ne l’aie pas mangé...

Tobogonning Backward In a Funnel Come The

Un jour je serais malade, Et dehors sortira le blaireau, Dans toute son intégralité... J’espère qu’il me pardonnera...

Mots Dilatés Translatés Qui s’acharnent, par plaisir À montrer la traîtrise d’obscures traductions Une version francophone, histoire de faire bien.

Pour le manger...

Le pamplemousse par Peter C.

Le pamplemousse, il se repose, Le pamplemousse, il a beaucoup de prose, Mais maintenant, C’est le temps du silence

À finir la bêtise de ces rimes à rien Le délit vaincra! à coup de «boutons!» À tisser à leur guise de jolies métaphores, Sublimant la langue, encore et encore.

Le pamplemousse, il se repose, Le pamplemousse, il pense à quelque chose, Mais maintenant, C’est le temps du silence

Montréal Je voudrais un petit poisson, Je voudrais une grande boisson,

par Peter C.

Je ne sais pas pourquoi.

Montréal no2

Un jour il se réveillera, Ébranlera son sommeil, Et tout la monde, Sera régné Par le pamplemousse.

par Nicolas Denoize

Mon petit canard en sucre Vous me faites beaucoup de peine. Il faut égorger des prêtres, Pour éponger ma peine.

NDLR: Certaines erreurs grammaticales ont été conservées pour respecter l’esprit original de certains poèmes.


Le

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par Mathieu Ménard


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Le

Délit ° 4 avril 2006 ° Cahier Création

L’appel

par Nathalie Batraville

T

out est propre, jusqu’au dernier recoin de la maison. L’éponge à la main, je jette un dernier regard furtif à la recherche d’une dernière tache, d’un autre tapis de poussière. Rien… La cuisine est maintenant très blanche, elle a presque l’air trop net. On ne dirait plus que nous l’habitons depuis plusieurs mois déjà. Même à notre arrivée elle n’était pas aussi propre, aussi immaculée… Enfin… le jardin a sûrement besoin d’être entretenu. Tout arbre qui ne porte pas de bons fruits est coupé et jeté au feu. … [Le téléphone sonne depuis quelques instants déjà. Je ne doute pas que ce soit lui. Mes mains se remettent à trembler…] L’éternel est mon berger: je ne manquerai de rien. J’ouvre la télévision mais je sais que je ne devrais pas, la télévision est pleine d’idées malsaines. Nul ne peut servir deux maîtres… D’ailleurs, il n’y a personne qui me ressemble à la télévision. Il n’y a plus personne qui nous ressemble nulle part. C’est pour cela que nous sommes la lumière du monde… Le téléphone encore… J’ai la tête qui tourne… Une compresse… Je passe devant un miroir sans le regarder. La fraîcheur me fait du bien, mais après un certain temps, je suis incapable de supporter le froid. Une douleur plus intense encore part de ma tempe et se répand sur mon visage. Le bruit de la télévision me monte à la tête. Tout ce qui n’est pas foi est péché… Des frissons parcourent mon corps.

De la foi. Je suis la voix de celle qui crie dans le désert. [Les réponses ne viennent plus. Je retourne au miroir du corridor sans vraiment le vouloir… Mon œil gauche est boursouflé, presque clos… je me rapproche de la glace, il y a du sang séché au coin de ma lèvre gonflée. Je soulève mon chandail… sous mes seins une ombre bleutée traverse mes côtes… Je suis salie… Sans me retourner, je sais à la douleur que je ressens que des meurtrissures couvrent le haut de mon dos… On m’a salie… On dirait qu’on m’a marquée comme on marque un animal au fer rouge, mais dont on a étendu la peau brûlée vive en un gâchis de couleurs violacées.] Je suis l’argile, et tu m’as formée… Je suis l’ouvrage de tes mains. Prise d’un nouveau vertige, je retourne à la cuisine. Elle est blanche comme l’agneau de Dieu… Je dépose quelques feuilles de thé vert dans l’eau bouillante. Elles s’imbibent du liquide et se déploient lentement… Les mains jointes autour de la tasse, je fixe son fond. Je n’ai pas redescendu mon chandail… Je glisse mes mains chaudes sur mon ventre, sur ma poitrine, sur mon dos, caressant la peau lentement, la laissant s’imprégner de cette chaleur qui trop vite disparaît. Le thé est parfait… Je retourne au miroir et rabaisse mon chandail. Demande, et tu recevras, afin que ta joie soit parfaite. Le téléphone sonne et cette fois-ci, je réponds. Enfin…


Caricatures à l’index

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Délit ° 4 avril 2006 ° Cahier Création

par Pierre Mégarbane

Une caricature un peu trop hard sur la semaine de prévention du suicide.

Playboy débarque à McGill

Notre caricaturiste tenait à parler de l’affaire Gillet, pas nous.

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Délit ° 4 avril 2006 ° Cahier Création

Images cruellement abandonnées lors de la mise en page du spécial compagnies pharmaceutiques. Notez la première apparition de l’oncle Sam. par Mathieu Ménard

Seul par Eugene Nicolov

Flammes par Eugene Nicolov

À travers le verre par Eugene Nicolov


Le

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La Vérité par Pierre-Olivier Brodeur

C

ertaines choses ne se discutent pas. Leur évidence saute aux yeux, s’impose à l’esprit avec une telle clarté qu’il serait vain de la nier. Ceux qui refusent de reconnaître la Vérité quand elle se présente devant eux ne sont que des imbéciles de mauvaise foi, des morons de la plus pure espèce, et rien ne sert de débattre avec eux. Voilà ce que se disait Paul en sortant de chez lui, tâtant ses poches pour vérifier une dernière fois qu’il n’oubliait rien. Il monta dans sa voiture et la mit en marche; le grondement de la bête le fit frissonner de plaisir. Son tableau de bord lui indiquait d’un clin d’œil lumineux qu’il lui fallait faire le plein. Il n’était que quatre heures vingt-cinq, il avait le temps de passer à la station-service avant de se rendre à son rendez-vous, mais il fallait se dépêcher. Docteur Clark ne l’attendrait pas. Le prix de l’essence avait encore augmenté, ça lui coûterait une petite fortune pour remplir son camion, à cause qu’une bande d’Arabes illuminés menaçait encore de faire sauter des puits de pétrole. Bande de fanatiques… Et tout ça parce qu’un faux prophète a profité de quelques naïfs pour se monter une secte. Voilà des gens avec qui ça ne sert à rien de débattre, en voilà une belle grande famille d’imbéciles heureux. Et la secte a grandi, et aujourd’hui c’est moi qui paye pour ça! C’est sûr, les pétrolières en profitaient pour s’en mettre plein les poches, aux dépens des honnêtes gens. Le pompiste lui rendit stoïquement sa monnaie, sans répondre: certaines choses ne se discutent pas. Au fil du chemin, Paul compta trois squeeges, cinq mendiants, dont une pauvre petite vieille toute rabougrie, et un illuminé avec sa pancarte annonçant l’apocalypse. Il leva les yeux au crucifix suspendu à son rétroviseur. Le fils de Dieu lui rendit son regard d’un air bienveillant, serein, ignorant la plaie large et rouge à son côté. Doux Jésus! Qu’est-ce qu’on a fait pour mériter ça? Qu’est-ce qu’on a fait pour voir notre pays s’enfoncer dans le chaos et la misère comme ça? C’est maintenant qu’on aurait besoin de toi, Seigneur, c’est maintenant qu’on est perdu. Au coin de la rue, deux policiers tabassaient un jeune Noir, sûrement un vendeur de crack pris la main dans le sac, tant pis pour lui. La loi: une autre chose qui ne se discute pas. Surtout pas avec des petits morons. Paul se stationna à l’endroit où il avait rendez-vous. Cinq minutes à l’avance. Autour de lui, le centre-ville était frénétique: des gens se précipitaient dans les magasins, se jetaient dans les autobus, s’accrochaient aux taxis, se bousculaient pour y monter. Dans ce chaos, tous les visages se confondaient pour former celui de la foule, anonyme et stupide. L’égoïsme, voilà le mal de notre société, tout le monde ne pense qu’à soi. Mais comment expliquer le bien commun à des hommes qui ne pensent qu’à leur petite réussite personnelle? Comment leur montrer la voie? Jésus avait toujours le même regard imperturbable. Son sourire mystérieux n’apportait aucune réponse, ses bras grand ouverts, aucun réconfort. L’animateur à la radio annonçait, entre les hits de petites putes siliconées, de nouveaux meurtres, plus d’attentats, la montée de l’anarchie. Quelque fois je me dis qu’il faudrait nuker toute cette planète, parce qu’il y a des choses qui ne se discutent tout simplement pas. L’apparition d’un quadragénaire que Paul connaissait, sans lui avoir jamais parlé, le tira de ses rêveries. Le docteur Clark sortait du travail, ponctuel, et se dirigeait vers l’arrêt d’autobus. Paul se précipita pour l’interpeller, une main dans la poche: « Docteur Clark! Docteur Clark! » Le médecin se retourna, juste à temps pour recevoir la balle en pleine figure. Sa tête éclata en une gerbe de sang, la boîte crânienne s’ouvrit en pétales roses et gris qui vinrent joncher l’asphalte, un œil se détacha et s’écrasa sur le pavé dans un bruit mou. Floc. Paul laissa le corps là, devant la clinique d’avortement, et regagna son véhicule calmement, heureux d’avoir accompli son devoir. Car certaines choses ne se discutent pas.

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Joannielais Bou

Joannie Boulais étudie actuellement à l’Université du Québec à Montréal en Arts visuels et médiatiques, profil enseignement. Les techniques récurrentes dans son travail comprennent la peinture, le dessin, la photographie et la gravure. Ses sources d’inspiration vont de la littérature au portrait en passant par les possiblités de l’abstraction, du vide, du geste et de la matérialité de la couleur. Le Délit présente un échantillon de ses créations académiques et personnelles récentes.

Pastel gras sur papier (2005)

Pastel à l’huile et pastel sec sur toile / Acrylique sur carton (2005)

Acrylique façon aquarelle sur papier (2005)

Pastel gras sur papier (2006)

Acrylique sur toile (2005)


Le

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Artéfacts

proposés par Paule Samson-Finidori

Dessin à l’encre de dame Murasaki Shikibu, poétesse japonaise qui, entre la fin du Xe siècle et le début du XIe siècle, écrivit le Dit du Genji (ou le Genji Monogatari), chronique de la vie quotidienne des amours du prince Genji — ouvrage que les japonais lisent toujours aujourd’hui.

Dessins à l’encre, inspirés de légendes australiennes: le serpent Ngalyod (à gauche) et Djankawu.

Sculptures d’argile précolombiennes


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Une pilule, une gorgée d’eau par Sophie Lestage

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e voulais en finir avec la vie quand, soudain, j’ai eu le goût de tuer quelqu’un d’autre. Il était dix heures et quart. Mon saxophoniste de voisin remaniait une de ses compositions. Si je n’avais pas été en larmes, j’aurais probablement tendu l’oreille. Une autre fois, peut-être. Le téléphone sonnait sans cesse. Le répondeur, lui, répondait. Si je n’avais pas été obnubilée par le journal, j’aurais probablement décroché. Mais pas cette fois. Aujourd’hui, ma fin du monde venait d’arriver. Je l’ai rencontré dans la salle d’attente de ma psychiatre. Une pilule, une gorgée d’eau. Il s’était perdu et ne savait plus où aller. Une pilule, une gorgée d’eau. J’étais dans la salle d’attente et, donc, j’attendais. C’est alors qu’il est passé devant moi. Lui. Une pilule, une gorgée d’eau. Il s’est présenté. Je ne me souviens plus ce que je lui ai balbutié… mais je lui ai indiqué le chemin à prendre. Il m’a souri. Une pilule, une gorgée d’eau. Je lui ai donné mon numéro de téléphone. Il a ri. Une pilule, une gorgée d’eau. Il m’a promis de faire bon usage de ce numéro gagnant. J’ai ri, j’étais prête à l’épouser. Le reste des pilules, sans eau. Le téléphone sonne. Merde, je suis occupée. Est-ce que quelqu’un va répondre? J’ai beau me répéter que ce n’est pas de ma faute, je n’y crois pas vraiment. Mais qui d’autre que moi prendrait ma part? Ils se pensent tous supérieurs: ils croient que je ne les entends pas, mais ils se trompent. Je les entends toujours, surtout lorsqu’ils rient de moi. Je vous ai dit que j’étais occupée! Est-ce que quelqu’un va finir par répondre? C’est que je dois attendre, moi. J’attends un téléphone important. Lui. Taisez-vous, arrêtez de rire! Vous allez me faire manquer son appel. Le téléphone sonne toujours. Encore. On dirait que ça fait une éternité que j’entends cette sonnerie. Il sonne, mais ce n’est jamais lui. Je n’en veux pas d’autre. Que lui. De toute façon, il n’y en a pas d’autre. J’ai l’impression de l’avoir attendu toute ma vie. Lui. Il a promis de m’appeler. Il ne l’a toujours pas fait. Je ne saurais dire ce qui fait le plus mal, imaginer qu’il ne sera plus là pour moi ou craindre qu’il ne sera jamais plus. Je suis incapable de penser à autre chose; je l’imagine dans mon appartement et c’est comme s’il y habitait déjà. La moitié des tiroirs, vide. La moitié de la garde-robe, vide. Il est l’amour de ma vie. Lui. Je ne sais pas encore le côté du lit qu’il préfère et ce qu’il mange au déjeuner, mais je sais. Il n’a ni jamais véritablement voulu m’appeler, ni songé au mal qu’il me fait. Il m’a menti. Lui. Je ne comprends pas. Des rivières vagabondes jaillissent de ses yeux quand je lui reproche d’exister. Il me faut cracher sur ce visage qui me juge, briser le miroir qui se tient devant moi. Je suis morte, mais je respire toujours. Que m’arrive t-il? Je n’arrive plus à réfléchir. J’ai la gorge sèche. Que s’est-il passé? Je veux boire de l’eau. Comment se fait-il que personne ne réponde au téléphone? Je suis occupée, que quelqu’un réponde! Pourquoi mes vêtements jonchent-ils le sol? J’ai soif. À qui appartient tout ce sang? Lui. J’ai mal à la tête. Je veux une aspirine, quelque chose. Je n’en ai plus? Mais répondez! Arrêtez de rire et répondez à ce foutu téléphone! Quel jour sommes-nous? Mercredi. Le jour de ma consultation. Une semaine à attendre. Bon Dieu, répondez donc que ce vacarme cesse! Et rapportez-moi un verre d’eau.


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Janvier & septembre

par Vénus Chih-Chin

De l’inconvénient d’être Cioran

par Malheureux anonyme

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Les Cinq Montagnes

Écosse, Isle of Skye orsque leurs rires fusaient ensemble, on pensait à la fin du monde, mais elle apparaissait douce, on pensait que c’était l’amour qui explosait de partout sur la Terre et on se disait qu’elles étaient magnifiques. En réalité, elles étaient plus que magnifiques, leur beauté dépassait tout entendement humain. Quand elles étaient dans la même pièce, on se taisait. Les mots qui circulaient dans les croisements de leurs yeux bleus, d’un bleu qui n’avait existé que pour elles, ces mots brisaient déjà le silence sans qu’il faille en glisser un de plus. L’équilibre, elles le maintenaient, et s’il arrivait que quelqu’un s’inséra dans leur cercle, ce fut de bien éphémère façon et au péril de son équilibre. Ainsi leur père les avait vues toujours, ainsi elles avaient grandi. Bien que comme les doigts d’une seule main, elles s’accompagnaient, on n’avait jamais vu des êtres souffrant une pareille solitude. Il y avait cette difficulté terrible à dire. Il y avait l’impossibilité de communiquer avec l’autre au-delà du bonheur et du rire. L’esseulement et le désarroi ne trouvaient pas le chemin pour sortir du roc de leur silence. Pourtant, chaque jour était Fête de Complicités, chaque heure délice de se regarder dans l’œil d’une sœur. Quand elles eurent l’âge d’être épousées, un galion splendide accosta sur l’île. Et un homme en débarqua dans une solennité telle que le silence sur Terre se fit comme au premier jour. Il avait au côté un sabre démesuré et la prestance

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d’un seigneur que la vie et l’âge ont éprouvé alors qu’il fleurait la vingtaine. Sa démarche était celle d’un être qui n’a pas vu ce monde et d’emblée on le pensait immortel. Elles assistaient au débarquement, soudées l’une à l’autre, et il vint à les voir. Mais il vit surtout la puînée. Il l’aima, il l’aimait depuis toujours. Le père à qui il demanda la main de sa cadette s’exclama dans sa pipe qu’il n’y avait rien à faire, elles devaient toutes partir en même temps. Alors, il manda l’homme: « Fiston, je veux que tu parcoures le monde, que tu soulèves les rochers, je veux que tu ailles par les continents inconnus et que tu scrutes les visages. Je veux que tel tu voies mes filles aujourd’hui, tel tu leur trouveras des hommes qui les vaillent. Ils devront être mieux que les dieux auxquels tu crois, mieux que le soleil lorsqu’il recouvre la pluie. Trouve les cinq hommes les plus parfaits de la Terre, amène-les ici, et je te donnerai ma fille en mariage.» Elles désespérèrent devant la témérité de leur père, elles pensaient que jamais leur solitude ne serait brisée. Outré, le patriarche les changea en montagnes. Cinq montagnes extraordinaires par leur grosseur. Ainsi il avait décidé qu’elles attendraient le retour de leur fiancé, ainsi elles attendraient. L’homme revint, âgé et hideux, pleurer au pied des montagnes. Il n’avait pas trouvé de par le monde d’hommes qui saillent à des femmes si parfaites. Aujourd’hui, les cinq montagnes se tiennent par la taille sur une île que leur beauté jalouse domine toute entière. Elles attendent encore.

L’homme et son arbre

ans la rue Maupassant, la maison 235 venait de subir un remue-ménage. Au second étage, Chloé et son mari regardèrent autour d’eux. La chambre était déserte; des poussières dansaient çà et là parmi les traces des anciens meubles. La femme était parfaitement en forme, ses yeux pétillaient. Son mari se tenait debout devant la seule fenêtre de la chambre qui donnait sur le jardin où se dressait un somptueux arbre. L’homme contempla au dehors, la saison chaude l’invita à sortir. –Je vais au jardin pour prendre l’air, dit-il. –Attention au vent, l’avertit gentiment Chloé, c’est la consigne du médecin. Son mari ne lui répondit pas, il enfila un gilet de laine gris, puis il sourit à sa femme pour lui demander son consentement. En voyant des rides aux coins des lèvres de l’homme, la femme s’attendrit. Elle l’embrassa sur le cou avant qu’il ne sorte. Au jardin, l’homme prit de grandes respirations. Il s’étira et se dirigea vers l’ombre de l’arbre. Le vent du début de juin soufflait doucement sur sa figure, le feuillage frémissait au-dessus de ses cheveux poivre et sel. Avec un regard tendre posé sur la gigantesque créature devant lui, l’homme lui toucha le tronc. Ses mains tâtonnèrent parmi les plis irréguliers de l’écorce, elles les sentirent tantôt s’enfoncer dans la pulpe de ses doigts, tantôt s’en retirer. L’homme approcha ses yeux du tronc pour mieux l’examiner; il le lisait avec une attention soutenue. Puis il mania quelques feuilles de l’arbre, les pesa une à une sur sa paume, et les caressa. Tremblées dans le vent, les feuilles dégagèrent un parfum exquis qui pénétra le cœur de l’homme. Il renifla cette source odorante en remplissant pleinement ses poumons; une sorte de plaisir monta vers son cerveau. Chloé se dirigea vers le jardin avec son sac à main. Elle était dans sa robe d’été jaune, l’air radieux. Dès qu’elle vit son mari dormir dans l’ombre, le dos courbé contre l’arbre, elle décida de ne pas le déranger. Un peu plus loin sur la pelouse, elle se coucha à plat ventre, sous les rayons du soleil. Les yeux fermés, l’homme écoutait; ses mains remuaient dans l’air, ou tapaient sur le sol. Quelques feuilles tombèrent, il les chercha de ses doigts sans les regarder. Un grand vent s’abattit soudain sur l’arbre, un mugissement assourdissant se fit entendre. L’homme plissa son front, il tortilla son cou, puis il s’éveilla en poussant un soupir profond. Chloé était devant lui, éclatante sous le soleil. Elle fredonna une mélodie familière, ses pieds balancèrent pour compter les notes. Quand elle vit son mari la contempler de loin, elle s’assit sur son séant, ravie. –J’ai songé aux châteaux anciens de France, dit-elle, les bals des aristocrates

par Marielle Giguère

par Venus Chih-Chun

étaient sûrement impressionnants! – Oui, c’est ça, répondit le mari. –Et les peintures au Louvre…Que j’ai hâte! –Oui, c’est ça, répéta le mari machinalement. –J’ai surtout envie de revoir les grands festivals français! –Oui, c’est ça. Chloé valsa sur ses pieds, ses frisettes dorées bondirent sur ses épaules. Le mari leva les yeux, il lisait les agitations de l’arbre. À son pied, il trouva une branche fraîche brisée. Ses sourcils se rencontrèrent, il mordit sa lèvre inférieure. –Si nous partons, qui s’occupera de cet arbre? demanda-t-il à Chloé. –Ben voyons, recommence pas ce sujet maintenant! Les nouveaux propriétaires s’en chargeront. –Mais jamais personne ne l’entretiendra aussi bien que je l’ai fait! L’homme prit une attitude plus sérieuse : –J’aime cet arbre! –Je sais, je sais. Dans ce cas-là, nous lui laisserons notre nom en souvenir. En sortant un petit coupe-papier de son sac à main, elle s’approcha de l’arbre. Mais son mari lui ôta l’instrument d’un geste vif et le jeta violemment sur le sol, puis il se posa entre elle et l’arbre. Un vent s’éleva, le ciel s’obscurcit. De l’autre côté du jardin, sur la terrasse voisine, une table et six chaises vides s’imposaient. Derrière elles, la maison dégageait une atmosphère morne à travers des rideaux fermés. Les environs restaient silencieux, personne ne passa, aucune voiture ne circula. Chloé ne dit rien. Son mari avait les pieds solidement cloués sur le sol, ses yeux pétillaient. Sa silhouette s’allongea comme celle de l’arbre à mesure que le

ciel s’éclaircit graduellement. Des chuchotements gais vinrent de quelque part. Sur la terrasse voisine apparurent deux enfants qui voulaient jouer au football; derrière eux les rideaux s’ouvrirent, un jeune père retroussa ses manches pour participer à la partie. Une fourgonnette passa avec fracas; quelques mètres plus loin, un couple se promena. Un taxi arriva, Chloé partit seule sans se retourner. L’homme embrassa longuement son arbre en l’entourant de ses bras. Deux jours plus tard, les nouveaux propriétaires de la maison 235 dans la rue Maupassant découvrirent l’homme au second étage, dans une chambre vide. Comme une statue en marbre, son corps vêtu d’un gilet gris se tenait raide devant la fenêtre de la pièce. Les yeux bombés de son visage livide étaient fixés sur l’arbre. L’homme riait.


«Hummingbird Facing Left» par Leila Peacock

«Mars» par Venus Chih-Chun

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«Bird With Eyes Tail» par Leila Peacock

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Arbres et éléphants

par Geneviève Gartenmayer

Geneviève Gartenmayer possède une formation en arts plastiques et en design multimédia. Son médium de prédilection est le dessin. Ses sujets d’inspiration émergent d’une fascination pour l’organique, l’interdépendence entre les êtres vivants et

la place de l’être humain dans ce processus. La série «Arbres et éléphants» consiste en une série d’illustrations réalisées en appliquant du révélateur photo sur du papier surexposé, en utilisant des photogrammes pour ajouter de la texture.

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1-«Savanne» 2-«Feuilles» 3-«Escalade» 4-«Bûche»


Une ville en or

par Alexandre de Lorimier

Pierre-Olivier Brodeur, Peter C., Vénus Chih-Chun, Joseph Dahine, Nicolas Denoize, Alexandre de Lorimier, Geneviève Gartenmayer, Marielle Giguère, Samuel L. Leeds, Sophie Lestage, Pierre Mégarbane, Mathieu Ménard, Eugene Nicolov, Leila Peacock, Mathieu Renaud et Paule Samson-Finidori

Le Cahier Création du Délit • édition deux mille six • numéro du quatre avril deux mille six • ont participé: Nathalie Batraville, Joannie Boulais,

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u diable les Jeux olympiques. J’ai eu la chance de voir une vraie athlète à l’œuvre, aujourd’hui, dans le métro. Et qui dit vraie athlète dit vrais commentateurs, donc voici de quoi les habiles prouesses de notre olympienne locale pouvaient avoir l’air pour le fin observateur et amateur de sports urbains. –Alors, mesdames et messieurs, bonsoir et bienvenue à la compétition de «pomponnage» se tenant cette année dans les souterrains de Montréal. Bonsoir, Gilles. –Bonsoir, Claude. On nous promet une finale des plus enlevantes ce matin et tous les yeux sont rivés sur la piste Henri-Bourassa - Berri-UQÀM. –On se rappellera que par le passé cet endroit s’était révélé peu chaleureux pour les athlètes qui avaient trouvé le circuit bien exigeant. –Ce fut la bête noire de la Russe Tzerzchika en 1983 si je me souviens bien, n’est-ce pas Claude? –C’est exact! Vous avez une excellente mémoire, Gilles! [ Notons ici l’absence totale de reconnaissance envers les trente-quatre statisticiens qui fouillent dans les papiers et les ordinateurs pour faire passer deux incompétents pour des experts. ] –Oh! J’aperçois les coureuses sur la ligne de départ pointillée et orangée. Elles tentent toutes de se mettre devant l’endroit où elles devinent l’emplacement des portes du métro à l’aide des traces de poussière laissées par les autres passages, un truc appris au cours de leurs entraînements. –On assiste à un petit épisode de confrontation, n’estce pas Gilles? –En effet, il serait malheureux que l’une d’entre elles se blesse au cours de cette... OH! MAIS VOILÀ LE MÉTRO QUI FAIT SON APPARITION! –La compétition risque de se jouer au moment où les portes s’ouvriront! Surveillons le dénouement! –Et c’est la jeune Brésilienne Veronica Belsha qui entre la première! Elle se faufile à travers les passagers qui sortent, esquive une femme enceinte, double deux vieilles dames, contourne une jeune femme chargée de sacs d’épicerie, bouscule un carrosse abritant vraisemblablement un bébé, feint de ne pas entendre les reproches d’un vieil homme et va s’ass... –Quelle feinte, Gilles! – ...oir directement sur un siège près d’un hurluberlu barbu qui murmure un macabre charabia. –La crainte n’envahit tout de même pas Belsha. On voit qu’elle a l’étoffe d’une championne du monde! –Ou qu’elle n’en est pas à son premier voyage en métro. Vous savez, Claude, un vrai citadin s’habitue aux extraordinaires personnages qui peuplent les décors fantastiques des voies souterraines et en vient à passer maître dans l’art d’éviter les regards et d’ignorer les individus louches. –Pourrait-on aussi qualifier ces individus de douteux, d’étranges, d’inquiétants, de nébuleux, de marginaux, bref, de personnages, Gilles? –Très certainement. Attention! Belsha ouvre son sac à main et sort son miroir et sa trousse de maquillage. Elle est sans l’ombre d’un doute prête à s’assurer aussi tôt que possible de la victoire en semant ses plus proches rivales dès le début de la course. –C’est une tactique élaborée en 1996 par l’équipe allemande et qui commence à être de plus en plus répandue

Les vrais athlètes par Joseph Dahine

auprès des athlètes internationaux. Voyons si elle pourra maintenir un tel rythme. –La Brésilienne décide d’entamer son maquillage d’une façon plus conservatrice et sort son fond de teint. Elle applique le produit uniformément sur son visage, s’assurant de masquer ses profondes cernes, résultat d’une longue nuit d’étude pour un examen de mathématiques. –En effet, Gilles, on sait que Veronica étudie en actuariat à la universidade de Rio de Janeiro, ce qui n’est pas de tout repos. –C’est exact. Voici maintenant qu’elle s’affaire à poursuivre son maquillage en appliquant le fard, le blush et la poudre pour rehausser la couleur de ses joues et de ses pommettes afin de produire une fausse impression de santé et de jeunesse ainsi que pour séduire le sexe opposé à son arrivée. –Tout à fait, Gilles. On sait que la femelle étudiante change de couleur lorsque vient la période reproductive, c’est-à-dire toute l’année. –On notera aussi le niveau de difficulté rehaussé de cette épreuve en raison des turbulences irrégulières du métro. Ce qui se voulait devenir véritable oeuvre d’art peut rapidement tourner au cauchemar à la moindre manoeuvre involontaire et à l’humiliation totale une fois parmi ses pairs. –C’est bien pour cela que ce sport se retrouve aux Olympiques! –On est maintenant à mi-parcours et Belsha remarque dans son miroir l’entrée dans le wagon d’une vieille dame, affaissée sur son marchepied, au dos si recourbé qu’on dirait que son âme essaie de s’échapper d’un corps écrasé par le poids du monde. Rapidement, Belsha dévie son miroir afin d’évacuer de son champ de vision cette octogénaire et de ne pas céder à la tentation de lui céder son siège en un moment si important... –Oui, Belsha a brillamment mis en pratique le principe physique de réflexion x1 = x2. –Elle a gardé un vif souvenir de sa cinquième secondaire et surtout de son professeur qui était d’une générosité telle qu’il allait lui-même chez Veronica pour lui donner des cours privés. On dit qu’il sortait toujours de chez elle affichant un sourire radieux et satisfait. Veronica devait être une élève exemplaire. Étant habile tout en ne posant pas trop de questions, c’était une naturelle. –Un professeur ne peut souhaiter mieux, on le salue d’ailleurs! –Sapristi! Belsha décide de s’attaquer au mascara! –Oh là là, Gilles. On assiste peut-être au point tournant de cette épreuve. Le mascara est l’étape la plus délicate de cette course. –En effet, Claude. Et c’est une hantise pour Belsha, elle qui a toujours eu de la difficulté à réussir cette étape aux entraînements. –Vous avez raison, Gilles. On se rappellera que sa soeur, Bianca, avait perdu un oeil il y a dix ans en tentant d’exécuter la même manoeuvre. –Ohoho! Fantastique! Belsha surmonte sa bête noire et y va même d’une application parfaite du crayon à yeux! –C’est magnifique, Gilles! Elle a parfaitement anticipé les fluctuations du métro et a pleinement usé des avantages que lui procurait son miroir pour réussir un tel coup de maître! –Plus que deux stations avant le fil d’arrivée et

Belsha est en bonne position non seulement pour gagner la médaille d’or, mais aussi pour battre le record du monde! –En effet, elle est en bonne voie de fracasser le record de la Canadienne Jessica Stoneham datant de 1991. Il ne lui reste plus que son rouge à lèvres, son brillant à lèvres et son baume à lèvres. –Oui, ce sont là des éléments de dernière minute ajoutés à sa routine par son entraîneur, éléments rendus nécessaires par le climat hivernal montréalais, qui ne pardonne pas les négligences esthétiques. –Son entraîneur qui, lui non plus, n’hésitait pas à se rendre chez Veronica pour des séances d’entraînement privées, si je ne m’abuse. –C’est exact; un entraîneur dévoué. On le salue d’ailleurs! –On remarquera son baume à lèvres à saveur de kiwi, un clin d’oeil à sa mère qui travaille bénévolement dans un champ de fruits tropicaux à Brasilia pour une multinationale américaine établie là-bas tout récemment. –On la salue d’ailleurs, si elle est à l’écoute! –Belsha s’approche de la fin...Voilà, c’est complété! Nouveau record du monde pour la Brésilienne, Veronica Belsha! –On voit l’émotion luisant dans ses yeux, qu’elle refrène habilement afin de ne pas abîmer son beau maquillage, fruit de tous ses efforts, bien sûr! –Elle doit être heureuse! –Ça oui! On imagine facilement le nombre incommensurable d’heures passées à pratiquer sa technique pour en venir à réaliser un tel exploit. –On peut vraiment dire que c’est le summum en termes d’adresse et d’habileté! –Je suis heureux d’avoir pu être témoin d’un tel exploit au moins une fois dans ma longue carrière de journaliste! -Un exploit qui passera à l’histoire et qu’on ne croyait pas possible! –C’est le moins que l’on puisse dire, Claude! ... Je ne me laisserai pas impressionner aussi facilement... demain, je mettrai mes verres de contact dans le métro.


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Nouvelles

Le débat des aliments Perspectives sur les OGM au Canada. national Marc-André Séguin Le Délit

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ue retrouvons-nous réellement dans nos assiettes? Les aliments que nous consommons sont-ils sécuritaires? La réponse semble de plus en plus ambiguë. Avec les débats qu’on retrouve actuellement concernant la réglementation des OGM, il est parfois difficile d’y voir clair. D’autant plus que la lutte pour calmer les inquiétudes des citoyens serait devenue une activité rapportant plusieurs millions de dollars aux firmes de relations publiques, sans compter les jeux de coulisses dans les sphères politiques. Portrait d’un débat dont l’issue est loin d’être déterminée. Les OGM dans nos épiceries La liste des OGM autorisés pour la commercialisation au Canada est établie par l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA), qui travaille en collaboration avec Santé Canada pour s’assurer que les aliments qu’on retrouve sur les tablettes des épiceries sont sécuritaires. Les tests effectués sont les mêmes pour tous les nouveaux aliments et rien n’est donc spécifique aux OGM. La liste des OGM autorisés à ce jour inclut des plantes telles que le maïs-grain, le soja et le canola. On retrouve aussi une multitude d’aliments ayant été autorisés pour la commercialisation, mais qui, pour des raisons climatiques ou de marché, n’ont pas encore été commercialisés. On pensera alors à la tomate à mûrissement retardé, ou à des formes de courge ou de betterave à sucre résistantes à certains virus. Fait intéressant, aucun fruit ou légume frais OGM n’est autorisé pour commercialisation au Canada, ce qui inclut les importations des États-Unis. Selon France Brunelle, conseillère scientifique auprès du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec, cette mesure inclut aussi des produits dérivés de la culture traditionnelle et d’une recherche génétique normale, sans qu’on ait eu recours à une modification génétique à proprement parler. À première vue, lorsqu’on consulte la liste des OGM autorisés, certains seront portés à conclure que cette dernière est plutôt courte. Mais selon Éric Darier, responsable de la campagne OGM pour Greenpeace, cette conclusion serait erronée. Il rappelle que les céréales autorisées pour la commercialisation se retrouvent ensuite dans un nombre impressionnant de produits dérivés. Il estime aussi que les autorités gouvernementales informent mal le public en indiquant que les animaux OGM ne sont autorisés au Canada qu’à des fins de recherche et que la population ne peut donc pas en consommer. «La plupart des OGM se retrouve dans l’alimentation animale et donc indirectement dans la viande, le fromage, le lait.» Greenpeace, qui a fait de ce dossier l’une de ses causes prioritaires et qui lutte pour

un étiquetage obligatoire des OGM comme c’est le cas en Europe, estime par ailleurs que l’administration gouvernementale du dossier manque de crédibilité et devrait être revue en profondeur. Une administration des OGM remise en question L’opinion est partagée par Mme Hélène Alarie, agronome de formation et ancienne députée à Ottawa. «L’[ACIA], sous prétexte de ne pas vouloir dévoiler des secrets commerciaux, n’a aucune transparence dans les tests et la recherche qu’elle fait auprès des producteurs.» Madame Alarie fut la première à réclamer un débat sur la question au Parlement et a travaillé pour l’obtention d’une loi exigeant l’étiquetage obligatoire des OGM au Canada. Elle croit que la manière dont Santé Canada conduit ses tests ne protège pas suffisamment le consommateur canadien. Elle affirme qu’en pratique, les tests ne sont pas conduits de manière assez rigoureuse: «Santé Canada ne mène en réalité que neuf tests allergènes sur vingt-quatre.» Les tests de Santé Canada ont aussi été critiqués en 2001 dans un rapport de la Société royale du Canada. Selon l’approche actuelle de Santé Canada, un aliment génétiquement modifié peut –en ce qui concerne la sécurité– être évalué de la même manière qu’un aliment non génétiquement modifié qui lui soit semblable. Le rapport avait alors souligné que ce test, jugé trop superficiel, devrait être remplacé par une approche axée sur la précaution, soulignant «qu’aucune nouvelle technologie ne doit être présumée sécuritaire en l’absence de fondements scientifiques fiables permettant de conclure à son innocuité». Le groupe d’experts de la Société royale regroupait quatorze scientifiques spécialistes. Selon Mme Alarie, les tests, tels qu’ils sont actuellement menés, sont aussi influencés par des pressions externes, notamment de la part des importants lobbys des industries agroalimentaire et biotechnologique. À cela, on doit ajouter que le rapport de la Société royale du Canada a aussi soulevé des inquiétudes quant au fait que l’ACIA et Santé Canada ont à la fois le mandat de promouvoir l’industrie biogénétique au Canada et d’approuver la commercialisation des aliments, ce qui laisse croire à un conflit d’intérêts. L’ancienne députée souligne que les lobbys ont largement influencé le fonctionnement d’agences telles que Santé Canada et ce, jusque dans les plus hautes instances. «Il y a eu plusieurs démissions à la Santé. Et un sous-ministre du ministère de la Santé au fédéral, David Dodge [l’actuel gouverneur de la Banque du Canada], a dit en toutes lettres: «mes fonctionnaires n’ont pas la compétence à la Santé pour travailler sur ce dossier». Comme par hasard, il a changé de travail quelques jours plus tard. C’est très drôle aussi parce que les gens, dès qu’ils se prononçaient un peu [en ma faveur] ou qu’ils me frôlaient, changeaient de job comme par magie. C’est là que je me rendais compte que je touchais à quelque chose de très [sensible].»

Jeux de coulisses d’importance Mme Alarie ajoute aussi que le dossier des OGM à Ottawa en est un qui est particulièrement sensible. Cela s’explique entre autres par l’influence «majeure» qu’exercent les lobbys des industries agroalimentaires et de biotechnologie auprès du gouvernement fédéral. «Dennis Dawson [qui est maintenant un sénateur du Parti libéral du Canada à Ottawa] était un lobbyiste. Quand j’ai quitté [la colline parlementaire], j’ai appris qu’il travaillait pour la firme de relations publiques Hill & Knowlton. Quand j’ai commencé mes bagarres en chambres, ça a été comme un tremblement de terre. Jamais avait-on abordé les OGM, et quand ça a commencé, ils ont reçu un contrat de cinq millions de dollars juste pour faire du lobbying.» Elle rappelle aussi des difficultés rencontrées lorsqu’elle a travaillé pour déposer son projet de loi demandant l’étiquetage obligatoire des aliments OGM au Canada. «Ils sont très présents, ils fournissent dans les caisses. Quand j’ai fait signer mon projet de loi, il y a des députés de l’Ouest canadien qui me disaient: «moralement, on est absolument d’accord avec toi, mais ce sont eux qui financent nos caisses électorales», alors ils ne signaient pas. C’est un peu dégueulasse.» Elle mentionne aussi un incident avec un ancien sous-ministre à l’Agriculture qui

avait tenté de lui offrir des pots-de-vin afin qu’elle cesse ses démarches. L’homme était alors PDG d’une compagnie travaillant dans le secteur agroalimentaire. «C’était dans le temps où on avait des débats sur le blé transgénique [qui n’est toujours pas autorisé au Canada]. Moi je défendais une idée, mais je n’avais pas commencé à l’appliquer dans le quotidien. D’autres avaient commencé à le faire pour moi», lance-t-elle à la blague. Elle ajoute aussi qu’à l’époque, le dossier était tellement chaud que la GRC devait inspecter son courrier quotidiennement pour s’assurer que ce dernier ne contenait pas d’explosifs ou de poison. Les éléments à suivre de près dans l’avenir rapproché? Mme Alarie prévoit des débats très importants concernant l’autorisation des saumons et du blé génétiquement modifiés. «On n’a jamais su quelles réactions les OGM peuvent provoquer chez les êtres humains. Peut-être qu’il n’y en a pas, mais on n’a toujours pas les moyens de le savoir. […] On ne connaît pas les conséquences de ces aliments sur les enfants asthmatiques. Aucune recherche n’a été faite sur la vie microbienne [et son rapport avec les plantes OGM]. Peut-être que les dangers sont moins grands que ce que l’on croit. Mais s’il y en a, nous ne sommes pas prêts à lutter contre ça. Et quand on va se réveiller, il risque d’être trop tard», prévient-elle. x


Arts&Culture

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Affronts esthétiques

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Tandem virtuel pour marcheurs intrépides Votre mission, si vous l’acceptez, sera de vivre l’expérience d’une œuvre faisant éclater les frontières entre l’artiste et le spectateur, entre l’art et le musée, entre la réalité et la fiction. arts visuels PROMENADE Musée d’art contemporain, 185 rue Sainte-Catherine Ouest Mathieu Ménard Le Délit

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photos Mathieu Ménard

Les œuvres qui parsèment le campus sont autant d’occasions de découvrir des créateurs importants et les efforts de liens thématiques vis-à-vis des édifices. arts visuels Mathieu Ménard Le Délit

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e campus universitaire, par son âge vénérable, force la cohabitation de styles souvent disparates: le pseudo-classique côtoie l’ultramoderne et la brique vieillotte s’oppose au ciment austère. Çà et là sont parsemés différents dons et acquisitions de pièces artistiques, sculptures et autres compositions bidimensionnelles. Deux des pièces les plus curieuses proviennent de peintres américains éminents; ces œuvres paraissent inusitées car elles abandonnent la toile au profit du... tapis. Près de la jonction entre le bâtiment Leacock et l’édifice de la faculté des Arts, on peut dénicher un shaped canvas de Frank Stella (1). Ce dernier s’inscrit parmi les artistes ayant été le trait d’union entre l’expressionnisme abstrait et les courants non-figuratifs subséquents. La pièce donnée à l’Université s’inscrit dans l’esprit du minimalisme, avec un cercle compartimenté en contours et en formes géométriques colorées. Une autre pièce d’intérêt particulier se trouve dans le bâtiment de la faculté des Arts. Il s’agit d’une création de Roy Lichtenstein (2) consacrée aux délices de la modernité. Lichtenstein, monument de l’art pop, est surtout connu pour son application de couleurs

primaires imitant la trame d’impressions. Ses tableaux les plus célèbres sont des agrandissements de scènes de bandes dessinées, mais le tableau présent à McGill agence des motifs simples (palette d’artiste, colonne classique, paquebot, visage, etc.) dans un esprit géométrique. Si le déploiement de sculptures à travers le campus témoigne d’un mélange bigarré, une attention est accordée à relier thématiquement les œuvres aux édifices. Les pièces accompagnant les bâtiments de science (métallurgie, chimie et géologie) et de génie sont sans doute les exemples les plus éloquents. Devant l’édifice Frank Dawson Adams (3), une structure métallique pêle-mêle remplit à la fois un rôle pédagogique et esthétique. La sculpture accompagnant l’édifice McConnell (4) réunit des symboles associés à la profession (le compas et la clef) en les changeant d’ordre d’échelle. En utilisant des matériaux métalliques et un système de représentation spécifique pour la clef (le dessin industriel), l’œuvre reste cohérente et agencée à l’édifice. Au final, une question s’impose: quelle place sera consacrée aux installations artistiques dans le développement futur du campus, vis-à-vis des autres infrastructures? Près de l’édifice de biologie Stewart, la sculpture se tient piteusement entre les rails pour les bicyclettes. Espérons que les futurs ajouts sauront mieux s’accommoder des autres besoins et des différents styles architecturaux du campus. x

u Musée d’art contemporain, il y a une œuvre nimbée de mystère dont l’existence est presque impossible à deviner sans l’aide d’un peu de bouche-à-oreille. On pourrait croire à un film d’espionnage: en se présentant à la billetterie, il faut demander la «promenade» de Janet Cardiff. Une fois la paperasse remplie et les cartes d’identité et de crédit laissées momentanément en otage, la réceptionniste vous confie du matériel audiovisuel: un caméscope et un casque d’écoute. Confortablement installé dans un fauteuil, vous démarrez l’appareil. La voix de l’artiste vous interpelle, puis l’image apparaît sur l’écran du caméscope. Filmée à partir de l’endroit où le spectateur est présent, la promenade invite ce dernier à «suivre» la vidéo, le faisant marcher à travers le musée et même à l’extérieur de l’édifice. Forcé de tenir le caméscope, le promeneur se laisse rapidement prendre au jeu. L’efficacité de l’œuvre provient d’abord du travail sonore. La voix de l’artiste berce le participant, récitant une composante narrative dans l’esprit d’un «meurtre et mystère». Parfois les instructions sont intégrées à l’histoire, parfois elles sont chuchotées par une deuxième voix. L’effet ambiophonique est spectaculaire: on a véritablement l’impression que quelqu’un marche derrière soi, qu’il nous parle à l’oreille. La réalité et la fiction deviennent impossibles à dissocier. La vidéo complète l’audio, tout en se permettant quelques libertés. Présentant une réalité décalée et transformée, la promenade suggère irrésistiblement à l’observateur de comparer la vidéo et son environnement. Les coïncidences font en sorte que les passants apparaissent parfois en même temps dans la vidéo et devant soi; les badauds se trouvent à participer à l’histoire malgré eux. À l’occasion, la vidéo change de perspective, sinon d’endroit, mais les instructions et l’intrigue gardent l’attention du témoin. De fait, Cardiff exploite une variété de frontières avec ses œuvres. L’artiste interagit directement avec le spectateur, l’emporte dans un jeu captivant dont il n’est pas tout à fait le maître. Le musée n’est plus un lieu d’exposition, mais simplement un prétexte pour accueillir le promeneur, qui finit par sortir complètement du cadre muséal. L’immersion sonore trouble l’ouïe, amène le participant à questionner la capacité de la vidéo à créer une autre réalité. Ludique et active, cette création traduit habilement les possibilités offertes par l’intégration des disciplines multimédias dans la production artistique. L’artiste canadienne continue à explorer les possibilités du son avec son acolyte George Bures Miller. À partir du 5 mai, le duo exposera aussi dans la galerie de l’UQÀM (1400 rue Berri) l’œuvre The Paradise Institute, installation qui a récolté les honneurs au cours de la Biennale de Venise de 2001. Bien que la promenade du Musée d’art contemporain fasse partie de la collection permanente, elle n’est pas accessible le mercredi soir ou la fin de semaine. Elle coûte 4$ (tarif étudiant) et donne aussi accès aux expositions. Cartes d’identité et de crédit requises. x

Cardiff à l’œuvre: magicienne du son. gracieuseté FIFA


délit | 4 avril 2006 12 xle www.delitfrancais.com

Arts&Culture

Première prodigieuse pour Prodigy

Persephone Productions présente la première mondiale anglophone d’un texte de Nancy Huston au Théâtre Ste-Catherine. théâtre PRODIGY Théâtre Sainte-Catherine, 264 rue SainteCatherine Est Jusqu’au 9 avril Lucille Hagège Le Délit

G

abrielle Soskin, la metteure en scène de la pièce Prodigy, est une magicienne. La salle du Théâtre Ste-Catherine a beau être étriquée, étroite et inconfortable, Soskin sait vous faire oublier tout cela avec deux ou trois poignées de sa poudre magique. Une mise en scène originale et inspirée, des actrices grandioses, un texte beau comme un coucher de soleil... cette femme connaitrait-elle la recette de la pièce parfaite? Croyez-le car Prodigy, une adaptation d’un roman de Nancy Huston, ensorcelle le spectateur dès les premiers effluves de sa poésie sensible et tranquille. La pièce tisse l’histoire de trois géné-

rations de femmes pianistes, dont seule la dernière se révèle être un prodige. Cordon ombilical indispensable entre les trois êtres, cette passion pour la musique devient néanmoins une force destructrice qui enferme chacune d’elles dans la solitude et le reproche. Sur la scène, un piano immense occupe presque tout l’espace et il sert tour à tour de lit, de maison et même de cercueil. Les actrices ne peuvent à aucun moment avoir la scène à elles seules car elles doivent contourner l’instrument énorme qui régit leurs vies. À la place de dialogues, les actrices tressent leurs monologues sans jamais se regarder, incapables de parler un même langage, que ce soit avec de la musique ou avec des mots. Cette pièce est le huitième succès de la toute jeune compagnie Persephone Productions, ainsi nommée pour la sagesse et l’espoir printanier caractéristiques de la déesse grecque. Créée par Gabrielle Soskin en l’an 2000, cette organisation à but non lucratif aime donner une chance à de jeunes professionnels du théâtre. Pour Prodigy, elle réunit des artistes récemment diplômés de l’École nationale de théâtre et de l’Université de York, ainsi que des étudiants de McGill et de Concordia. Soskin croit en effet que la grandeur d’une ville dépend de l’état de ses événements culturels et de la santé de sa communauté artistique. La compagnie s’engage donc également à présenter des pièces innovatrices d’importance littéraire et sociale. Ses productions antérieures comptent Spring Awakening, A Room of One’s Own,

Le décor de Prodigy: un piano autour duquel se joue la passion. DR

SubUrbia, Kindertransport et West. Avec Prodigy, Soskin gagne encore une fois son pari car le texte de Nancy Huston, traduit du français par l’auteur spécifiquement pour Persephone Productions, est un bijou de talent littéraire. Tour à tour drôle, émouvant, triste et magnifique, le texte contient toute la sensibilité poétique caractéristique de Nancy Huston, mais aussi une musicalité envoutante, amplifiée par le torrent de notes émanant du piano. Les images que l’on rencontre au détour de chaque phrase sont si vivides que le spectateur voit presque les mots danser devant ses yeux. Un plaisir

de tous les sens. Née à Calgary en 1953, Nancy Huston est une écrivaine acclamée au Canada et en France, son pays adoptif depuis plusieurs années déjà. Ayant publié sept romans et une variété d’œuvres de non-fiction, Prodigy est son premier texte adapté au théâtre. Son œuvre lui a valu le prix Goncourt des Lycéens, le prix du Livre-Inter, le prix Elle et le prix du Gouverneur Général pour fiction en français. x Pour réservations et plus d’information: (514) 481-1327 et www.persephoneproductions.org.

Bonbons assortis à déguster sans modération La pièce Bonbons assortis de Michel Tremblay: déjà en supplémentaires. théâtre BONBONS ASSORTIS Théâtre du Rideau vert Du 28 mars au 29 avril Clémence Repoux Le Délit

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ichel Tremblay a dit dans un entretien à propos de Bonbons assortis que «On a beau se servir de nos souvenirs, je dis toujours que la meilleure autobiographie est celle d’un menteur […]. Les anecdotes sont vraies, mais elles sont habillées.» Gilles Renaud, l’acteur qui interprète le rôle de Michel Tremblay dans la pièce Bonbons assortis (basée sur le livre du même titre paru en 2002) commence par nous annoncer qu’il va nous raconter des souvenirs d’enfance légèrement améliorés, parce que la vérité n’est pas très intéressante. Déjà, le public est conquis. Le spectacle n’est commencé que depuis cinq minutes et on a déjà ri. Impressionnant? Non: Michel Tremblay. C’est sa marque de commerce, sa façon à lui de conquérir les cœurs: en nous faisant

rire, parce qu’on comprend, parce qu’on se reconnaît dans ses histoires et que, dans le fond, on rit de nous-mêmes. Il nous explique qu’il a six ans, qu’il est caché sous la table de la cuisine, et qu’il écoute ce que les adultes disent, au fur et à mesure qu’ils oublient sa présence. Entrent sa mère, sa tante, et sa grand-mère, «ces femmes, éminemment dramatiques, tragiques et comiques, qui l’ont façonné», dans tout le charme coloré de leur joual. Elles se disputent. Pas assez d’argent pour le cadeau de mariage de la voisine, qui est plus riche qu’elles. Que faire? On est peut-être pauvre, mais il faut qu’on fasse semblant d’être riche pour garder la tête haute. Voici le genre de bonbons que Michel Tremblay nous sert: doux et acidulés à la fois. On a l’impression d’y être, chez lui, rue Fabre, dans les années 50. Pierrette Robitaille nous livre une grand-mère attachante, énergique, et hilarante. Rita Lafontaine, qui a participé à presque toutes les créations du tandem Michel Tremblay-André Brassard depuis Les Belles soeurs en 1968, joue une Nana Tremblay pleine de ressources, émouvante, mais drôle aussi. Germain Houde est excellent dans le rôle délicat du père, l’homme de la maison, qui laisse transparaître un peu de sa sensibilité comme par accident. Adèle Reinhardt, qui joue à la télévision dans Le Petit Monde de Laura Cadieux, émeut dans le rôle d’une tante mal dans sa peau et un peu défaitiste. Enfin Pierre Collin est détonnant dans le rôle de

Rita Lafontaine dans le rôle de Nana Tremblay et Gilles Renaud jouant l’auteur. Suzane O’Neill

l’oncle grivois. Ça faisait longtemps que je n’avais pas vu un public rire autant pendant une pièce de théâtre. Je ne vous raconte pas tout, parce que je ne voudrais pas vous gâcher ces petites merveilles. Par contre, je vous transmets le souhait du metteur en scène René Richard

Cyr qui nous livre une mise en scène éclatante de simplicité et d’intelligence: «Que le spectateur s’amuse, soit ému, plonge à son tour dans ses propres souvenirs d’enfance, car, au fond, chacun de nous demeure pour toujours l’enfant qu’il a été, et qu’il ne cessera jamais d’être, qu’il le veuille ou non.» x


Arts&Culture

Oser Dare-Dare

Le gala Dare-Dare, soirée bénéfice dédiée à la fondation du centre d’artistes, a surpris et diverti son public avec un savant mélange de performances, de vidéo et de musique. événement

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Pour plus d’information, visitez le site Internet du centre d’artistes Dare-Dare au www.dare-dare.org.

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L’aventure du vin Flora Lê

L’Alsace, à la limite de la France CREUSET DE LA culture française et germanique, l’Alsace, isolée du reste du pays, tient son climat particulier du massif des Vosges d’un côté, et du Rhin de l’autre. Les vins de cette région ont souvent été confondus avec ceux d’Allemagne, ce qui tient à son histoire tumultueuse, l’Alsace ayant été tantôt allemande, tantôt française. Et pour compliquer les choses, l’Alsace et l’Allemagne cultivent les mêmes cépages. Cette confusion a eu pour effet de jeter de l’ombre sur les vins alsaciens, chose intéressante pour le consommateur qui peut y faire de très bonnes affaires. Les vins d’Alsace sont décidemment une classe à part. Ils se distinguent principalement sous deux aspects. Premièrement, vous pourrez les reconnaître très facilement à la forme de la bouteille, qui s’appelle flûte du fait de sa silhouette effilée. D’autre part, si partout en France le vin se fonde sur la notion sacrée de terroir, ici, en Alsace, on doit penser en terme de cépage. C’est une classification tout à fait marginale en France, mais qui ouvre la porte à la façon de faire des pays du Nouveau Monde.

Mathieu Ménard Le Délit e centre d’artistes Dare-Dare, berceau de nombreux artistes contemporains émergents, organisait le 31 mars dernier une soirée bénéfice rassemblant des performances artistiques de toutes sortes. Pour le néophyte, l’accueil au 7154 St-Urbain avait quelque chose de déconcertant. Les droits d’entrée acquittés, le visiteur était invité à se faire couper une étiquette de vêtement, après quoi on lui déposait un liquide sur la langue au comptegouttes (sans indiquer la composition dudit liquide). La musique, courtoisie de DJ Liph, disco Gaétan et compagnie, était ponctuée de bruits de vaisselle cassée. Le maître de cérémonie paraissait fondre avec son manteau et son pantalon en fourrure, apparemment confectionnés avec des blanchons (histoire de scandaliser Brigitte Bardot). Il s’assurait du bon fonctionnement de la soirée avec des blagues douloureuses et des remises de prix fréquemment marquées par l’absence des lauréats. Un autre point d’intérêt était la présence de la Milice céleste, un collectif d’artistes dont les performances absurdes promettent une «voyance de qualité». Après avoir pris rendez-vous pour discuter d’un doute, le participant intrépide pouvait choisir la devineresse selon sa spécialité. Lecture dans les yeux, dans les cartes, dans les livres ou... dans les légumes, il y en avait pour tous les goûts. Votre humble serviteur, essayant la divination par les livres, s’est fait réciter dans un ton dramatique un passage d’un livre de Foucault, tel un message d’outre-tombe. Décrire l’expérience comme «perturbante» serait un euphémisme. De temps en temps, la musique cédait la place à la performance. Le public a eu l’occasion d’observer une séance de destruction de coupes de verre et de vaisselle en porcelaine, accomplie avec délicatesse et désinvolture. Une autre performance, réalisée en duo, mélangeait la confrontation physique, le bruit strident d’un sifflet, les poses sculpturales et les déclarations amoureuses théâtrales récitées de façon parfaitement monocorde pour un effet curieusement humoristique. Dans un autre ordre d’idées, de nombreuses productions vidéo ont été présentées en plusieurs intervalles. La variété des techniques (animation par ordinateur, appropriation de vidéos d’archives, montage à la façon d’un vidéoclip, etc.) s’accordait avec la variété des sujets. Un court métrage fort amusant détournait un extrait de l’émission Passe-Partout; le montage stratégique rendait le jeu de Claire Pimparé (Passe-Carreau) explicitement érotique. Les autres productions impliquaient entre autres un pastiche de vidéoclips des années 80, une tentative de camping par temps venteux et une forte dose de distorsion visuelle et sonore. Tantôt déconcertant, tantôt hilarant, le gala Dare-Dare avait une variété suffisante pour combler les intérêts artistiques de son public. Avec ses interventions absurdes et son sens de l’humour, la soirée paraît révéler une relève éclectique, une douce folie sans prétention. x

xle délit | 4 avril 2006 www.delitfrancais.com

Scandaliser Bardot avec un manteau de «blanchons»

Un peu de géographie Lorsque l’on considère la latitude plutôt nordique de l’Alsace, on peut supposer que le climat est assez froid. Heureusement, la protection du massif des Vosges à l’ouest permet au climat d’être un des plus secs de France, parfait pour la culture de la vigne. Bien qu’on cultive quelques vins de pinot noir, les vins d’Alsace sont résolument blancs. Quatre vins dominent le marché, issus de quatre cépages principaux: le pinot blanc, le riesling, le pinot gris et le gewurztraminer. Les appellations variétales En Alsace, la classification des vins est faite selon le type de cépage utilisé, ce que l’on appelle dans le jargon un système d’appellation variétale. Voyons les quatre cépages vedettes plus en détail. Le riesling est le roi des vins d’Alsace, avec son nez fleuri et ses arômes secs, fermes, presque métalliques. Bien qu’il puisse être consommé jeune, il peut facilement se garder 10 ans. Le gewurztraminer offre des arômes et des saveurs si intenses, si mordantes et épicées, qu’on aime ou on n’aime pas. C’est en Alsace que ce cépage s’exprime le mieux. Faible acidité, fort taux d’alcool, c’est une combinaison qui donne une impression de complétude et de douceur. Il accompagne les foies gras et fromages robustes, de même que la cuisine asiatique. Le pinot gris, ou tokay, est le même qu’on appelle pinot grigio en Italie. Ici, par contre, il offre des vins charnus, épicés, riches, avec beaucoup de caractère. Le pinot gris est moins parfumé que le gewurztraminer, mais cependant doté d’une riche complexité aromatique. Enfin, le pinot blanc est le plus léger des quatre cépages. Certains producteurs en font un vin demi-sec, mais la majorité persiste dans le blanc absolument sec.

Passe-Carreau curieusement coquine

Les vendanges tardives L’Alsace est le berceau d’une magnifique production de vins de dessert onctueux et aromatiques. Vous les reconnaîtrez à la mention «vendanges tardives» ou «sélection de grains nobles» sur l’étiquette, ce qui signifie que les vins sont élaborés à partir de raisins riches en sucre et cueillis tardivement dans les bons vignobles. Ces vins sont plus légers, de demi-sec à doux, alors que les vins de sélection de grains nobles sont issus, comme les sauternes, de raisins attaqués par la pourriture noble, ce qui les fait plus doux et plus forts en alcool. Nous serons de retour en septembre avec les vins du Nouveau Monde, ceux du reste de l’Europe et les alcools forts. J’espère que vous saurez profiter de l’été pour essayer de nouveaux vins!

Confrontation et rapprochement

Questions et commentaires? flora.le@mail.mcgill.ca photos Mathieu Ménard


délit | 4 avril 2006 14 xle www.delitfrancais.com

Arts&Culture

C’est le temps du party!!! Quoi de mieux pour entamer la saison estivale qu’une édition du magazine Urbania consacrée entièrement aux partys! arts visuels Émilie Beauchamp Le Délit

Q

uoi? Vous ne connaissez pas Urbania? Plutôt normal, car cette revue un peu underground ne paraît qu’à chaque saison. Urbania dédie à chaque fois toutes ses pages à un seul thème qu’elle examine, retourne et approfondit jusqu’à traîner dans les bas-fonds de Montréal pour nous permettre de capter toute l’information montréalaise sur ce sujet. Urbania ne s’empile pas dans le bac de recyclage à chaque semaine, c’est plutôt une collection que l’on conserve sur nos tablettes et à laquelle on peut se référer dans l’avenir. Ayant exploré des thèmes comme la locomotion, le son, l’odeur ou encore le vice, l’équipe d’Urbania nous offre cette saison soixante-dix pages de découvertes sur ce qu’est le party à Montréal: DJs, barmans, danseurs, photographes et écrivains s’y sont donnés à cœur joie pour nous montrer

Seul ou en gang, c’est le temps du party à Montréal avec le magazine Urbania! gracieuseté Urbania

leur version du party et pour nous faire voir toutes les facettes de ce qu’est Montréal le soir… jusqu’au petit matin. On nous offre entre autres des entrevues avec les promoteurs de partys les plus en vue à Montréal tels que Robert Vézina (l’organisateur du Black & Blue) ou encore JC (fondateur de la boîte de promotion Productions 514). Urbania nous amène aussi faire la fête avec les Breastfeeders et Urbain Desbois où l’on apprend de merveilleux trucs de «calage» de

bière. On apprend même de nouvelles techniques d’absorption de shooters avec Yann Perreau, ainsi que comment ne pas perdre son emploi lors d’un party de Noël au bureau. De plus, Urbania publie nombre d’histoires courtes, de nouvelles et de textes, anonymes ou pas, qui nous font réfléchir (et rire aussi bien sûr) sur ce que signifie le party en Amérique du Nord. Bien qu’Urbania nous offre un panorama déjanté du party montréalais, on ne

peut s’empêcher de remarquer un certain délaissement des entrevues en profondeur. Pour les nouveaux lecteurs, ce sera peut-être apprécié, mais pour les habitués, on ressent immanquablement un certain pincement au cœur lorsque l’on voit que plusieurs sections, autrefois consacrées à d’autres formes de textes, entrevues, histoires ou dossiers spéciaux, ont fait place à une série de photos et de dessins. Quoiqu’une image vaille mille mots, plusieurs sont crues, parfois excessives, avec une bonne dose de sexe pour compléter le tout. Tout comme un party quoi, avec une incursion dans une soirée d’échangistes incluse! En fait, peut-être était-ce la meilleure manière de nous montrer ce que sont les partys de Montréal, le tout accompagné d’innombrables annonces d’Éduc-alcool. À noter: le site Internet d’Urbania, très interactif et amusant. On peut notamment jouer au DJ, se pratiquer au minigolf, faire un test de personnalité et plus encore! C’est d’ailleurs à travers ce site que l’on a accès aux éditions précédentes d’Urbania et que l’ont peut se procurer un abonnement à prix raisonnable. Bref, si vous êtes prêts à faire le party cet été, procurez-vous Urbania, elle vous sera un guide urbain indispensable. Pour les autres plus casaniers, ce sera une lecture idéale pour un soir d’été, avec ses chroniques amusantes et intelligentes. Et pour les autres, vous ne savez pas ce que vous manquez! x Pour plus d’information: www.urbania.ca.

Avoir les blues C’est cette semaine qu’aura lieu la 8e édition du Festival littéraire international de Montréal, Metropolis bleu. festival METROPOLIS BLEU Hôtel Hyatt Regency, 1255 rue Jeanne-Mance Du 5 au 9 avril Sophie Lestage Le Délit

«U

ne ville, des mots». C’est par ce thème évocateur que les artisans du festival vous convient cette année à leur grande fête littéraire, le Festival Metropolis bleu. Comme Montréal est cette année la capitale mondiale du livre, la programmation du Festival met plus que jamais la métropole en valeur. Par exemple, le Festival va, de concert avec la ville de Montréal, entreprendre d’inscrire des citations d’écrivains montréalais sur les murs des bâtiments de la ville et ce en plus de rendre hommage aux écrivains qui ont vécu à Montréal, ou qui en ont parlé dans leurs œuvres. La fondation du Festival va d’ailleurs remettre le Grand Prix littéraire international Metropolis bleu 2006 à Michel Tremblay, qui ne cesse de dépeindre la vie de montréalais dans ses œuvres. Le Grand Prix Metropolis bleu est remis chaque année à un écrivain de calibre international afin de le récompenser pour l’apport exceptionnel à la littérature

contemporaine de l’ensemble de son œuvre. Ainsi, le 5 avril prochain, à l’occasion de la soirée d’ouverture du Festival, Jean-Claude Germain soulignera l’importance de «l’effet Tremblay» sur le théâtre contemporain. Ce sera toutefois le spectacle littéraire Les Voix de Jacques Ferron, consacré à l’œuvre fantaisiste de cet auteur, qui servira de clôture à ce festival d’envergure. Le Festival Metropolis bleu, c’est plus de 130 événements, dont des spectacles littéraires et musicaux, des tables rondes, des lectures, des entrevues sur scène, des ateliers, des lancements, des conférences ainsi que des soirées de contes et de poésie. C’est plus de 250 invités, dont Louise Dupré, Jean-Claude Germain, Yann Martel, Marie-Hélène Poitras, Larry Tremblay, Michel Tremblay et plusieurs autres. Des auteurs, des traducteurs, des bédéistes, des chercheurs, des comédiens, des chanteurs, des musiciens, des journalistes et des éditeurs seront aussi présents à l’événement. Certes, le Festival offre une vitrine mondiale à notre littérature. Or, en plus de favoriser la découverte du paysage littéraire, il sensibilise le public à la diversité culturelle. C’est pourquoi la Russie sera à l’honneur cette année avec la tenue d’une grande soirée de poésie russe, qui transportera les festivaliers dans la Russie des dix-neuvième et vingtième siècles. Aussi, je vous invite à participer à la série d’ateliers de création destinés aux étudiants en création littéraire, aux futurs auteurs ou aux simples curieux. Ces ateliers en petits groupes sont formidables! Donnés par des écrivains de renommée internationale, ils couvrent tous les genres: poésie, fiction, littérature jeunesse, conte, hypermédia et essai, en version courte ou intensive. De plus, ne manquez pas le samedi 8 avril l’entrevue sur scène avec le prolifique dramaturge Larry Tremblay. C’est un must! x

Un must parmi tant de festivals. gracieuseté Festival littéraire international de Montréal

Le Festival recherche également des bénévoles. Vous pouvez contacter les organisateurs au info@blue-met-bleu.com. Pour réservations et plus d’information: (514) 937-BLEU et www.metropolisbleu.org.


Arts&Culture

Devenir un homme Primé à Cannes, Les Trois enterrements critique l’Amérique mâle. cinéma Jean-Philippe Dallaire Le Délit Plusieurs mois après sa présentation au Festival de Cannes, le film Les Trois enterrements de Melquiades Estrada a récemment fait son apparition sur quelques écrans du Québec. Premier long-métrage de Tommy Lee Jones, Les Trois enterrements nous entraîne dans un monde sauvage à la frontière des ÉtatsUnis et du Mexique. Le film raconte l’histoire d’un étrange voyage qui amènera le cowboy Pete Perkins (Tommy Lee Jones) et l’agent des douanes Mike Norton (Barry Pepper) des États-Unis au Mexique à dos de cheval. Après la mort par balles d’un de ses employés, Melquiades Estrada (Julio César Cedillo), Perkins mène l’enquête afin d’en déterminer l’origine. Deux obstacles de taille se retrouvent cependant sur son chemin. D’abord, Estrada était entré illégalement aux États-Unis; les autorités de Cibola County sont donc peu enclines à chercher les raisons de son décès. Ensuite, l’auteur du meurtre n’est nul autre que Mike Norton (Barry Pepper), un jeune douanier fraîchement arrivé de Cincinnati pour travailler sur la frontière mexicaine. Le corps d’Estrada est donc rapidement enterré et l’affaire classée. Dans cette communauté où tous sont reliés, la vérité finit cependant finalement par parvenir aux oreilles de Perkins. En véritable cow-boy, celui-ci entreprend de faire justice lui-même et de donner une sérieuse leçon au jeune

Norton. Il enlève celui-ci, le force à déterrer Estrada et l’oblige à le suivre sur la route de Jimenez, Mexique, pour aller enterrer le corps auprès de la famille d’Estrada. Le film se veut clairement une critique de l’Amérique frontalière, de ce Far West qui n’a pas encore totalement disparu. La petite ville de Cibola County, où se déroulent les faits à l’origine de l’histoire, se situe au sud du Texas. Le film débute alors que Mike et Lou Ann Norton (January Jones) cherchent à s’y installer et négocient l’achat d’une maison mobile dans un parc d’une laideur à couper le souffle. Tout au long de la première partie du film, les images chocs sur cette petite ville oubliée et ce jeune couple dysfonctionnel se succèdent. Parmi les scènes percutantes, notons un passage dans la cuisine des Norton dans lequel l’absurdité et le manque de profondeur de la relation des deux anciennes vedettes de leur école secondaire s’expriment avec force. Aux frontières d’une Amérique qu’on imagine facilement puritaine, le scénariste Guillermo Arriaga présente la sexualité comme l’exutoire bien mince des frustrations vécues par chacun. Il trace aussi un contraste profond entre des États-Unis où tout n’est qu’apparence et un Mexique humain, sincère et accueillant. Tommy Lee Jones incarne à merveille le vieux cow-boy paternel qui finira par prendre sous son aile le jeune Norton. Dans le rôle de ce dernier, Brian Pepper joue très bien un jeune con auquel l’aventure permettra finalement de surpasser son caractère violent et sa relation déficiente avec sa jeune épouse pour devenir un homme. Belle leçon d’humanité, le film a remporté deux prix au Festival de Cannes 2005: le prix d’interprétation masculine et le prix du scénario.x

Perkins (Tommy Lee Jones) confronte Norton (Brian Pepper). Dawn Jones / gracieuseté Mongrel Média

xle délit | 4 avril 2006 www.delitfrancais.com

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kulturkalender

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L’expositioncalendrierculturel re- Leacock.calendrierculturel Pour plus d’information: (514) 398turel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calengroupe des oeuvres sur le thème de l’agression 3911calendrierculturel poste 3. drierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculLe professeur Stuart Soroka (département sexuelle et decalendrierculturel la violence basée sur l’apparteturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calennance sexuelle. Elle aura lieu le jeudi 6 avril de de Sciences politiques) présenteracalendrierculturel The State drierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel in Canada danscalendrierculturel le cadre de lacalendrierculsérie de 19h à 21h aucalendrierculturel Cafe Shaika/Galerie V (5526 calendrierculturel rue of Mediacalendrierculturel turel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calenMax Bellcalendrierculturel 2006. La lecture aura lieu Sherbrooke Ouest). Consommations bois- séminaires drierculturel calendrierculturel calendrierculturel et calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel sons gratuites.calendrierculturel L’exposition durera tout le mois le vendredi 7 avril à 13h dans la sallecalendriercul201 du turel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calenMcGill Institute for calendrierculturel the Study of Canada (3463 d’avril. calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel drierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel(514) calendrierculrue Peel). Pour plus d’information: 398turel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calen8346.calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel drierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel Création littéraire calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierScrivener Creative Review, un magasine calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calenculturelLe calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel Visite guidée drierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel littéraire qui publie des oeuvres de fiction et de calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculDans lecalendrierculturel cadre des concerts Faculty Fridays, poésie à travers le pays depuis calendrierculturel vingt-cinq ans,calendrierculturel turel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calenl’école de musique Schulich présente Ellen recherche des candidats pour les postes suivants: calendrierculturel drierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel chef de pupitre art et photographie, chef de puJewett (violon) et Kyokocalendrierculturel Hashimoto (piano) qui calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierpitre critique littéraire, chef de pupitre fiction,calendrierculturel joueront des oeuvres de calendrierculturel Mozart, Lutoslawski, culturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calenet Brahms.calendrierculturel Le concert auracalendrierculturel lieu le venchef de pupitre poésie, coordinateur mar- Sokolovic drierculturel calendrierculturel calendriercultureldu calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel keting et responsable financier. Pour postuler dredi 7 avril à 19h danscalendrierculturel le Hall Tanna calendrierculSchulich turel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrieret plus d’information: scrivener.review@gmail. du nouveau pavillon de Musique. L’entrée estcalende culturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel drierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel com. $5. 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Dans le cadre de la série Mini-Beatty,calendrierculturel culturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calenle McGillcalendrierculturel Centre for Research and Teaching L’entrée est libre. Pour plus d’information: (514) drierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendriercul398-4547. on Women présente une conférence intituturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrierculturel calendrier-

Les rêveries du lecteur solitaire Pierre-Olivier Brodeur DURANT LA DERNIÈRE année, je vous ai fait part de mes opinions concernant de nombreux auteurs: certains ont été encensés, d’autres critiqués. J’en ai tiré un constat plutôt sombre sur l’état de littérature au Québec. Pour ma dernière chronique, je vous propose quelques réflexions sur la critique québécoise qui, en tant qu’institution d’importance, participe à ce recul du littéraire. Point n’est besoin ici de vous faire un long exposé sur l’absence de la critique littéraire dans les grands médias. Seule Télé-Québec nous offre une émission littéraire, mais, présentée par deux vétérinaires, elle reste d’une superficialité déroutante et manque résolument de sérieux. La radio de Radio-Canada n’est guère plus réjouissante: C’est bien meilleur le matin étonne par l’ignorance de Homier-Roy (entendu sur ces ondes: «[…] Proust commence son œuvre par «Longtemps je me suis levé de bonne heure» […]», je souligne…), et Indicatif présent déçoit par l’incapacité de Marie-France Bazot à parler de littérature. Bien qu’elle reçoive régulièrement des auteurs, elle n’y parle à peu près que de livres abordant des problèmes sociaux et, par conséquent, se limite à discuter du sujet de l’œuvre au lieu de l’aborder en elle-même. Ce vice de méthode est symptomatique d’une certaine paresse et d’une timidité caractérisant la critique québécoise. Ces défauts expliquent également le foisonnement des expressions toutes faites et vides de sens dans la critique. Pierre Popovic, dans l’édition de Liberté de février dernier, signe un court essai présentant ce problème. Il y recense, avec

Métacritique

une ironie tranchante, ces périphrases toutes faites : «Dans la presse littéraire, le destin est toujours incertain, l’issue toujours improbable, le matin petit, la nuit longue, le narrateur tourmenté, l’ivresse douce, la torpeur profonde, […] l’innocence pure, la pureté innocente et les démons toujours intérieurs.» Si l’on ajoute à ces clichés, où l’adjectif est d’une prévisibilité navrante, les phrases d’une préciosité obscure («Ce roman senti et habité en nombre ne prône pas pour autant une métamorphose de l’affligé»), on se retrouve en face d’une critique incompréhensible, parce qu’elle ne dit rien. Selon Popovic, «cela [l’utilisation de clichés et d’énoncés échappant à l’entendement] leur évite de questionner vraiment la forme et de transformer les textes lus en question, travail difficile, risqué, mais sans lequel il n’y a pas de critique qui vaille». Publié dans un numéro spécial ayant pour titre «Montréal: capitale mondiale du livre?», le texte de Popovic met en lumière un travers de la littérature québécoise rarement abordé. Alors que la littérature-spectacle (celle dont tout le monde parle et qui est «coup de cœur» chez Renaud-Bray) est sans cesse pourfendue, la critique est habituellement épargnée. Pourtant, elle est un acteur d’importance dans le champ littéraire et a sa part de responsabilité à assumer dans sa triste condition. Il va sans dire que cette lecture a provoqué chez votre (relativement) humble chroniqueur un mouvement d’introspection coupable. Mais ce texte ne doit pas être entendu comme un acte d’accusation, simplement comme une réflexion sur «l’expansion d’un langage superficiel et artificiel», qui endort et masque la réflexion critique. C’est peut-être pourquoi les politiciens l’aiment tellement… Merci à tous ceux qui ont participé au Cahier Création!


Cahier Création détachable Rétrospective pages 8&9 OGM page 10


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