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Quand la jeunesse s’immerge dans la politique municipale
Au cœur du Jeune Conseil de Montréal.

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matthieu juge Éditeur Actualités
Dans une époque marquée par un certain cynisme quant à l’intérêt des jeunes pour la politique, une initiative se distingue par son énergie, son authenticité et son ambition : le Jeune Conseil de Montréal (JCM). Depuis plus de 37 ans, cette simulation parlementaire municipale rassemble chaque année des jeunes Montréalais âgés de 18 à 30 ans pour débattre des grands enjeux de leur ville concernant la jeunesse et façonner la politique locale de demain. La 37e édition, qui s’est tenue du 24 au 26 janvier dernier a réuni une nouvelle fois des participants au cœur de l’Hôtel de Ville de Montréal pour une expérience à la fois immersive et transformatrice.
Donner une voix à la jeunesse
Fondé en 1987 par un groupe de jeunes inspirés par le Parlement jeunesse du Québec, le JCM s’est imposé comme une plateforme sans égal pour les jeunes souhaitant comprendre et participer aux processus décisionnels municipaux. Une particularité majeure distingue cette simulation : son caractère
vorise une réflexion sincère sur les enjeux municipaux ».
Les thématiques abordées lors de la simulation gravitent autour des enjeux majeurs touchant la jeunesse. Cette année, quatre projets de règlement ont été débattus : le renforcement de la démocratie participative interculturelle, la promotion du tourisme, la lutte contre la solitude et l’individualisme et le développement de l’Est de Montréal. Chacun d’entre eux sont au cœur de la simulation et sont le fruit d’une réflexion minutieuse. Faravena Olivier, porteuse du projet sur la démocratie participative interculturelle, place au cœur de son projet l’inclusion, l’implication et l’intégration. L’objectif est de donner une voix aux citoyens en intégration et, à terme, leur permettre de voter aux élections municipales. « C’est une réflexion sur la façon dont nos institutions peuvent être plus inclusives et accessibles à tous, peu importe leur statut », affirme-t-elle.
Le JCM, ce n’est pas seulement une fin de semaine de débats, mais plusieurs mois de préparation et de réflexion intensive pour concevoir les meilleurs projets de règle-

non-partisan. Contrairement aux véritables débats politiques, les participants du JCM ne sont pas tenus de suivre une ligne de parti. Cela signifie qu’un membre de l’administration peut s’opposer à un projet, ou qu’un opposant peut librement soutenir une idée qu’il juge pertinente. Comme le souligne Victor Fahey, président du comité exécutif, « cette non-partisanerie fait toute la richesse de cette simulation, car elle libère les débats et fa-
ment capables d’alimenter des échanges riches et passionnés. Initialement, chaque porteuse de projet propose plusieurs idées. Cependant, lors d’une retraite dans un chalet organisé par le JCM, elles confrontent leurs visions, échangent avec les autres, et sélectionnent finalement le projet qu’elles défendront durant la simulation. Chaque projet de règlement occupe une demi-journée de débat, et avec quatre propositions au programme, ces dis-
cussions structurent l’essentiel de la simulation, réparties sur le samedi et le dimanche. Les critiques de projets jouent un rôle essentiel en soulignant les failles potentielles des propositions, tandis que les porteuses de projet doivent défendre leurs idées avec conviction.
tion, témoignant de l’intérêt que suscite l’événement.
Le JCM se distingue par son ambiance unique, à la fois professionnelle et conviviale. Les débats se déroulent dans l’enceinte même de l’Hôtel de Ville, donnant aux participants une

La jeunesse au service de la politique locale
« C’est un événement fait par les jeunes, pour les jeunes », explique Victor. Cette philosophie se reflète dans les enjeux abordés mais aussi dans la progression des participants. Les nouveaux participants commencent souvent par des rôles d’observation avant de gravir les échelons jusqu’aux postes à forte responsabilité, comme celui de porteuse de projet ou de mairesse. Marie Cosquer, mairesse de cette 37e édition, est l’exemple de ce système voulu « progressif ». Après cinq participations, elle incarne aujourd’hui le rôle le plus prestigieux de cette simulation : coordonnatrice de nombreux aspects de l’événement en plus de sa fonction de mairesse durant la simulation.
Bien que le JCM n’ait pas la prétention d’influencer directement la politique municipale montréalaise, il joue un rôle important dans la sensibilisation des élus aux enjeux de la jeunesse. Les projets de règlement débattus lors de la simulation sont par la suite présentés à un véritable conseil municipal, permettant ainsi aux idées des jeunes de nourrir les réflexions politiques sur les sujets traités. De plus, certains élus assistent directement à des débats pendant la simula-
expérience immersive incomparable. Les débats intenses sont ponctués de moments plus légers. Faravena évoque les entrées dansées et en musique des partis avant de prendre place dans la salle du conseil municipal chaque matin ou encore certains discours de présentation du vendredi soir, parfois décalés et empreints d’humour.
Un antidote au cynisme
Mais au-delà des débats et des moments de complicité, le JCM représente avant tout une expérience transformatrice pour ses participants. Faravena résume son expérience en un mot : « croissance. » Elle explique : « le JCM est une opportunité de grandir, pas seulement dans les capacités d’expression, de réflexion et d’analyse critique, mais aussi sur le plan interpersonnel et relationnel. »
Marie Cosquer abonde dans ce sens : « L’expérience est un antidote au cynisme envers les jeunes et la politique. » Pour les jeunes Montréalais, le JCM incarne une opportunité de développement personnel et de partage de ses idées, le tout dans une ambiance conviviale et encadrée par la ville, laissant des souvenirs impérissables. x
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Le Nouvel An lunaire, souvent appelé à tort « Nouvel An chinois », est une célébration annuelle basée sur le calendrier lunaire, qui diffère du calendrier grégorien utilisé en Occident. L’utilisation du terme « Nouvel An lunaire » est bien plus inclusive, car il reflète la diversité culturelle des peuples qui célèbrent cette fête, au-delà de la Chine. En effet, plusieurs communautés à travers l’Asie, comme les Vietnamiens (nommant cette fêteTết), les Coréens (nommant cette fête Seollal), les Mongols et certains groupes au Japon, en Thaïlande, en Malaisie, ou aux Philippines, marquent cette occasion avec leurs propres traditions uniques.
La date de ce Nouvel An varie chaque année, car elle est déterminée par le calendrier lunaire, qui suit les cycles de la lune. Cette année, le Nouvel An commence le mercredi 29 janvier et se termine avec la fête des lanternes, 15 jours après. En Chine, cet événement est aussi appelé « Fête du Printemps » (春节), car il marque la fin de l'hiver et le début d'une nouvelle saison agricole. Au Vietnam, cette période est nommée Tết Nguyên Đán et revêt une forte dimension familiale et spirituelle. Au total, ce sont presque deux milliards de personnes qui vont célébrer ce début de l’année lunaire.
Les célébrations varient selon les pays, mais elles incluent souvent des rituels communs : grands repas en famille, offrandes aux ancêtres, feux d'artifice pour chasser les mauvais esprits, danse du lion et nettoyage des maisons pour accueillir la chance. Les enveloppes rouges remplies d’argent (hóngbāo en Chine ou lì xì au Vietnam) sont offertes pour symboliser la prospérité et l’amour entre les générations.
Le Nouvel An lunaire est intimement lié au zodiaque chinois, qui repose sur un cycle de 12 ans, où chaque année est représentée par un animal spécifique : Rat, Buffle, Tigre, Lapin, Dragon, Serpent, Cheval, Chèvre, Singe, Coq, Chien et Cochon. Ces signes sont également associés à des éléments naturels (bois, feu, terre, métal, eau) qui influencent davantage le caractère de l'année. Ainsi, cette combinaison d’un animal et d’un élément crée une symbolique particulière et rend chaque année unique par son énergie. Cette année 2025 est l'année du Serpent de bois, signe de sagesse, de maturité d’esprit, mais aussi de transformation, par son association au bois.x

Contributeur


jade lê Coordinatrice de la Production


Nian Gao :
Ce gâteau de riz est un porte-bonheur, car sa prononciation cantonaise (年糕 ) est similaire à celle de « la plus grande année » (年高). Le dessert apporte davantage de bonheur, de santé et d’abondance. Le gâteau est couronné d’une fève rouge, qui représente la chance.
Bánh tét/Bánh chưng :
Au Vietnam, ce gâteau fait de riz gluant, garni de haricots mungo et de porc, puis roulé dans des feuilles de bananes est un plat iconique du Nouvel An. Au Nord, certaines communautés le préparent en forme carrée (bánh chưng) tandis qu’au Sud, il est souvent préparé dans une forme cylindrique, telle une bûche (bánh tét).
Thịt kho :
Ce plat vietnamien est composé de porc braisé et d’œufs durs dans une sauce composée de caramel et d’eau de coco. Il est très souvent servi pour le Tết (Nouvel An vietnamien).
Le gâteau de navet est un plat chinois qui comprend du radis/navet chinois, de la farine de riz et d’autres ingrédients aromatiques, comme des crevettes séchées, des saucisses chinoises, des champignons et du jambon. Il est cuit à la vapeur, coupé en tranches, et frit à la poêle, tel le bánh tét vietnamien.
Yusheng :
Ce plat, notamment consommé en Malaisie, est constitué de poisson frais et de légumes finement coupés en lamelles. Cette salade est un symbole de prospérité et de vigueur, car son nom chinois se rapproche d’ « augmentation d’abondance ».

Tangyuan :
Selon la tradition chinoise, la texture gélatineuse et la forme ronde de ces boulettes de riz sucré signifient l’unité et l’harmonie au sein de la famille. Elles contiennent soit du porc, des légumes-feuilles chinois, ou une pâte à base de sésame.
Poisson :
Le mot « poisson » en chinois ( 魚 ) est un hom-ophone pour le mot « abondance » ( 餘 ).
Ainsi, c’est un incontournable des festivités dans de nombreux pays d’Asie, car il apporte richesse et prospérité. Il est cuit à la vapeur et toujours servi entier.
Tteokguk :
Un plat coréen traditionnel, où « tteok » signifie « gâteau de riz » et « guk » signifie « soupe ». Le bouillon est préparé à partir d’os de bœuf ou d’anchois séchés. Servi chaque jour de l’an, ce plat porterait chance pour le reste de l’année.



L’ASSOCIATION DES ÉTUDIANTS VIETNAMIEN·NE·S DE MCGILL (MVSA)

Jason, membre de l’équipe « événementiel » de MVSA, nous partage les détails du plus gros événement de l’année organisé par le club. Inspiré des marchés nocturnes vietnamiens particulièrement animés, il nous donne rendez-vous à la salle de bal de l’édifice de l’AÉUM ce 1er février, de 12h à 17h. À travers différents kiosques proposant musique, nourriture, spectacles et autres activités culturelles, cet événement nous invite à voyager et à (re) découvrir la richesse de la culture vietnamienne. De nombreux commanditaires et vendeurs, tels que Gong Cha (thé aux perles) ou Nhasang (restaurant vietnamien) seront présents. L’événement proposera aux visiteur·se·s de confectionner leur propre lanterne vietnamienne, de participer aux classique Bầu cua (jeu d’argent incontournable), de s’initier à la calligraphie, et bien plus. En vous procurant votre billet, vous obtiendrez automatiquement 10 bons pour participer aux diverses activités disponibles. L’événement est ouvert à tous·tes. Plus d’information sur Instagram : @mvsa.mcgill

C’est ma quatrième année à célébrer le Tết loin de chez moi. Vivre le temps du Tết, plutôt que de le fêter. Une étrange indifférence s’installe en moi et elle me fait peur : étreinte oppressante à l’idée de me perdre. L’excitation usuelle qui m’habite est désormais inexistante. Je repense au Nouvel An 2021 célébré à Hanoï, quand je suis rentrée dans la maison après avoir « franchi son seuil ». Selon cette coutume, la première personne à le faire, le premier jour de la nouvelle année, doit être choisie à l’avance, en fonction des signes du zodiaque porteurs de chance. Je crois que c’était mon frère qui était le premier à entrer. Chez nous, on achetait aussi des thés aux perles. Une tradition simple et familiale, en raison de mon anniversaire et de celui de mon frère qui tombaient étrangement – deux années de suite – le jour du Nouvel An. Mon père me serre dans ses bras, me


LA SOCIÉTÉ DES ÉTUDIANTS
CHINOIS DE MCGILL (MCSS)
Lillian, responsable de la communication de MCSS, nous dévoile les détails de leur soirée à thème « écailles de fortune » (scales of fortune (tdlr)) pour bien commencer cette année du serpent. L’événement aura lieu ce 30 janvier au restaurant Pink Kong, situé au 2087 rue St-Catherine Ouest, entre 21h et 2h du matin. Avec des DJs spécialement invités pour l’occasion, cette soirée au code vestimentaire noir et rouge vous emmènera au bout de la nuit pour cette célébration du nouvel an lunaire! Les billets seront disponibles au prix de $25 à la porte.
De plus, le club nous invite à célébrer la Fête des lanternes (tenue traditionnellement 15 jours après le Nouvel An lunaire), l’occasion parfaite d’en apprendre plus sur la culture chinoise! En tant que visiteur·se, vous pourrez vous essayer à la confection de tangyuan (boulettes de riz gluant fourrées de diverses garnitures), et d’autres activités qui vous plongeront dans les traditions de « l’Empire du Milieu ». Ouvert à tous·tes, l’événement se tiendra en février, et les détails seront confirmés sous peu sur le compte Instagram du MCSS (@mcssfam).
MTSA, MCSS, HKSN, MECA, MASSA, CCAS**


souhaitant la santé et le bonheur. Je me souviens vivement lui avoir dit que ce serait la dernière fois, pour très longtemps, que je fêterais le Nouvel An à la maison.
Tous les objets, parfums et sensations me reviennent tendrement. Lì xì, enveloppe d’argent porte-bonheur. La rue Hàng Mã, ornée de décorations festives. Occasionnellement, les gens vêtus de áo dài [robe traditionelle vietnamienne, ndlr]. Il m’est difficile de décrire cette excitation palpable suspendue dans l’air frais, comme si tout autour était baigné dans une atmosphère festive. Chez nous, il y a toujours un kumquat, un petit abricotier, et mon favori : un grand pêcher forestier, rose pâle et non rose vif, qui occupe toute l’entrée menant au salon. Sur la table du salon, une multitude de grignotines : des fruits confits (ô mai), des bonbons, des chocolats et des biscuits, mais mes préférés ont toujours été les graines de citrouille et les pistaches. Une théière, constamment maintenue au chaud, car la maison ne cesse de recevoir des visiteurs. Pour le repas, on mange des rouleaux impériaux (nem), du poulet bouil-
De nombreuses associations étudiantes asiatiques vous invitent à leur marché du Nouvel An lunaire, qui se tiendra le 6 février prochain de 16h à 21h aux 2e et 3e étages de l’édifice de l’AÉUM. Le marché proposera de nombreuses activités et kiosques de nourriture, ainsi que des animations gratuites. Les commanditaires des clubs tels que Tsujiri (salon de thé japonais), Coco (pâtisseries chinoises), Ocha (thé aux perles et mochis) seront présents pour ravir vos papilles! Organisé en partenariat avec l’Université Concordia, l’événement est également une opportunité de faire de nouvelles rencontres au sein de la communauté étudiante montréalaise et de sortir de la « bulle » McGill. Chaque billet d’entrée vous permettra de participer à une loterie avec divers prix à la clé. Ces billets seront vendus au prix unique de 3$ (avec option de payer 2$ en plus pour un billet de loterie supplémentaire). Plus d’informations sont disponibles sur les comptes Instagram des différentes associations organisatrices (@hksnmcgill, @mtsalovesyou, @clubccas, @meca.mcgill, @massa_mcgill).
**L’Association des étudiants Taiwanais de McGill, La Société des étudiants Chinois de McGill, Le Réseau des étudiants Hongkongais, L’Association éducative et culturelle et des étudiants coréens de McGill, L’Association étudiante des Malaisiens et Singapouriens, L’Association des Canadiens d’origine asiatique de Concordia
li, et surtout du bánh chưng, un gâteau fait de riz gluant, rempli de haricots mungo et de viande. Chez nous, le bánh chưng se mange avec du chè kho, un pudding sucré à base de ces mêmes haricots, spécialité de ma grand-mère. Il y a des chansons de fête qui résonnent partout : à la télé, dans la voiture de mon père, dans la rue, dans les cafés et les restaurants. Pourtant, le matin du Nouvel An, toute la ville se plonge dans un silence paisible et tellement doux. On sort pour rendre visite à la famille. Le deuxième jour, on part à la campagne pour brûler des encens en l’honneur de nos ancêtres.
Présentement, à Montréal, cette excitation et cette joie vibrante sont absentes. Je sors de l’école à 19 heures, la nuit étincelée de cristaux de neige. Il ne fait pas froid, du moins pas ce froid qui giflait comme au Vietnam, même si la température là-bas ne descendait que rarement en dessous de 10°C. Ici, tout est blanc.
Dans mes souvenirs, tout était rouge.
Une nostalgie amère s’empare de moi. Il est difficile de parler

titouan paux Éditeur Actualités jade lê Coordinatrice de la Production

des expériences qu’on a vécues lorsqu’elles ne sont plus que des souvenirs. Des souvenirs teintés de mélancolie. Du regret de ne pas avoir vécu pleinement ces moments, de ne pas les avoir appréciés lorsque j’en avais l’occasion. D’une envie persistante de revenir en arrière, de redevenir enfant au temps des fêtes, innocente et insouciante. De jouer des pièces de piano pour ceux qui nous rendent visite, de cueillir les pétales de mon arbre fruitier préféré tombés au sol. De manger des plats de Tết tous les jours durant le temps des fêtes.
L’hiver montréalais m’a été pénible. Pourtant, cette année, je le trouve bienveillant. Le froid me caresse. Je pense aux travaux qui m’attendent. Ils me rappellent pourquoi tout cela en vaut la peine. Il est temps pour moi de créer mes propres traditions, loin de mon pays natal, loin de ma famille. Mais une partie en moi craint cet élan. Je m’accroche à mes souvenirs, je mets des chansons que j’écoutais autrefois. Je casse mes pistaches. Elles n’ont plus le même goût


qu’à l'époque où j’étais enfant. Les moments de ma jeunesse se transforment en un rêve lointain, auquel je reviens sans cesse, tentant de revivre ce que j’étais. J’essaye de revoir ma maison pendant le Tết, encore et encore, espérant qu’elle y reste à jamais si j’y songe assez longtemps.
Comme Verlaine qui dit, « Je me souviens Des jours anciens Et je pleure » x






Constamment entre New York et Hanoï, je peine à trouver l’endroit auquel j’appartiens, ressentant sans cesse cette aliénation inévitable envers ma ville natale. La photographie est mon refuge. C’est ainsi que je parviens à appartenir. C’est ainsi que je parviens préserver ces moments précieux.



société
societe@delitfrancais.com enquête
Les gardiens de la démocratie
Démystifier la pratique et l’encadrement du lobbyisme québécois.
Le lobbyisme a un problème de personnalité. L’évocation seule du terme rappelle une pléthore de scandales pharmaceutiques (Purdue Pharma), financiers (Crise financière de 2008) ou tabagiques (Affaire Dalli) ; il est, dans l’imaginaire commun, une gangrène sociale cupide. Les reportages sensationnalistes qui vilipendent cet instrument démocratique se concentrent sur un marché dérégulé, voire anarchique – celui des ÉtatsUnis. La mondialisation à laquelle la sphère médiatique est soumise place donc l’ensemble des lobbys et leurs représentants dans une catégorie artificiellement homogénéisée, ignorant les efforts des différents régimes pour l’encadrement de la pratique. Au sein d’une société majoritairement méfiante de la légalité et l’intégrité du lobbyisme et des titulaires de charges publiques (TCP), comment scinder le Québec de l’exemple américain? Présenter le cadre réglementaire québécois – en opposant ses modalités à la perception négative de jeunes universitaires – peut permettre de mettre en lumière le paysage du lobbyisme d’ici. Ainsi, nous saurons si la haine viscérale envers le lobbyisme est justifiée.
Comprendre le système québécois
Si l’on se penche sur les statistiques avancées québécoises, il va sans dire que ce marché parapolitique représente un paradis du plus offrant de par sa nature purement entrepreneuriale. Il ne faut pourtant pas confondre cette flagrante iniquité pour un abus de pouvoir, de confiance ou bien un manquement des élus à leur promesse d’intégrité.
L’industrie du lobbyisme est rigoureusement encadrée par Lobbyisme Québec (LQ) – sous-division de l’Assemblée nationale – depuis 2002. Le mot d’ordre : transparence. S’il se révèle sociétalement impossible de combler l’écart des richesses et son influence dans l’accès aux élus, LQ s’assure d’une divulgation complète de toutes les tentatives de lobbyisme effectuées dans la province. Le Commissaire au lobbyisme, Jean-François Routhier, œuvre sans cesse pour mettre à jour, réformer, populariser et perfectionner la Loi sur la transparence et l'intégrité en matière de lobbyisme (LTEML).
La plateforme de divulgation
Carrefour Lobby Québec est primée, moderne, facile d’accès, mais honteusement inconnue. Il semble donc que le problème ne repose pas dans un laxisme législatif, mais plutôt dans une méconnaissance des

mécanismes mis en place pour la protection de l’État de droit québécois. Il s’agit donc de comprendre si les jeunes universitaires impliqués en politique sont insatisfaits et trouvent l’effort législatif trop faible ou bien s’ils basent leurs jugements du lobbyisme sur des perceptions injustifiées et externes au Québec.
L’encadrement législatif
La transparence n’est-elle donc que factice si son existence reste inconnue par les masses? À quoi bon la divulgation du moindre murmure d’un lobbyiste envers un élu si personne ne sait comment l’entendre? Selon Eloïse, étudiante en développement international et en environnement à McGill, le problème est bifocal : l’accès à l’information est imparfait et les visées du lobbyisme ne mènent pas à une amélioration des conditions sociales de la population générale. Elle avance que « même si des mécanismes de contrôle existent, le fait même qu’ils soient inconnus du public rend leur efficacité risible », affirmant ellemême n’avoir jamais consulté les ressources de transparence telles que CLQ. De plus, « des milieux sous-subventionnés ou moins financés, comme les organisations non gouvernementales et autres organisations environnementales, sociales, communautaires » voient leur accès aux élus complexifié à cause de lobbyistes qui accaparent l'agenda démocratique.
Bogdan, étudiant en sciences politiques à McGill, soulève le problème suivant face au lobbyisme : « l’influence des lobbys [américains, ndlr] ne cesse d’augmenter depuis l’arrêt Citizens United v. FEC (2010) et a pris des proportions hallucinantes dans les dernières années. »
EILEEN DAVIDSON i LE DéLIT
d’enrayer l’attitude négative face au lobbyisme – même auprès de jeunes universitaires dont les intérêts académiques s’alignent avec des questions d’administration gouvernementale. Sachant que, comme le dit Eloïse : « le lobbyisme est inhérent, et dans une certaine mesure sou-
d’après-mandat – empêchant l’effet des « portes tournantes » chez les TCP et les abus de pouvoir et d’influence. L’organisation fait également la promotion de l’empreinte législative, qui divulgue publiquement et au sein de chaque projet de loi l’influence exacte de chaque groupe de représentation d’intérêts. Après avoir été informée de ces recommandations, Eloïse a semblé plus réceptive, affirmant que : « la meilleure visibilité et transparence ne peut qu’être bénéfique, » ajoutant qu’il fallait rester le plus loin possible du « modèle américain. »
Des leçons à tirer?
Que faut-il donc retenir de cette consultation étudiante? Il semblerait que le lobbyisme soit craint non pas pour sa seule pratique, mais pour les écarts éthiques qui y sont souvent attribués. En renforçant le cadre normatif et législatif actuel, il serait possible de rassurer la population sans pour autant que cette dernière ait l’impression d’être dupée. Malgré l’effritement de la confiance envers les institutions démocratiques, force est de constater que tout n’est pas perdu. Bien que le lobbyisme souffre d’un problème de personnalité, on
« La tendance universitaire identifie non pas un manque de transparence, mais plutôt un partage imparfait des pouvoirs et une méconnaissance des ressources de divulgations comme étant la problématique principale »
Il supporte ainsi l’idée que le lobbyisme américain est endémique au système, parfois à son détriment. Cependant, il note une lueur d’espoir pour le Québec, alors qu’il explique que la province se débrouille assez bien, citant des outils comme « un registre public assez complet [...] et un système de vérification rigoureux. »
La tendance universitaire identifie non pas un manque de transparence, mais plutôt un partage imparfait des pouvoirs et une méconnaissance des ressources de divulgations comme étant la problématique principale. Bien que le modèle législatif québécois soit incroyablement avancé et muni de multiples organes de vérification de la conformité du lobbyisme, ce dernier garde sa réputation négative en raison des objectifs qu’il poursuit. Il paraît impossible
haitable dans le démocratie ; le réel problème, ce sont les manigances et autres actes frauduleux », il faut se pencher sur des façons de rendre le processus toujours plus paritaire et transparent.
Le futur d’un lobbyisme transparent
L’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) – organisme œuvrant dans l’avancement dans la recherche socio-économique et la compilation statistique – recommande une multitude d’ajustements réglementaires qui pourraient faire toute la différence pour ce qui est de la confiance envers le processus démocratique. Ils proposent un meilleur encadrement des normes
le tolère, on le comprend et éventuellement on l’adoptera pleinement. Le Québec est sur la bonne voie en ce qui a trait à sa réforme de la LTEML : il doit continuer de surveiller et punir les contrevenants ainsi que s’assurer de divulguer de manière accessible et beaucoup plus publique les activités de lobbyisme. La méfiance est un problème d'accès. Il suffira de donner aux Québécois ce qu’ils désirent, ce qui les aidera à comprendre le côté essentiel du lobbyisme et la représentation d’intérêts. Les étudiants ont parlé : c'est au tour du Québec de se rendre digne de son titre de démocratie fonctionnelle et véritablement transparente! x
ANTOINE PROULX Contributeur
MAYA MOHAMMAD
Contributrice
Trouver un équilibre entre l’enseignement et la recherche est un défi quotidien pour les professeur·e·s-chercheur·se·s. Ces deux vocations, souvent guidées par les intérêts individuels et les habitudes de travail des professeur·e·s, demandent une gestion rigoureuse de leur temps et des différentes tâches. Comment ces professionnel·le·s parviennent-ils·elles à jongler avec leurs multiples responsabilités?
Grâce à deux témoignages de professeurs en sciences sociales et politiques, menant leurs propres projets de recherche, j’ai pu avoir un aperçu des routines, des défis, et des stratégies qu’ils adoptent pour concilier leur double métier. J’ai discuté avec le professeur Brendan Szendro, intéressé en recherche comparative sur les gouvernements et la politique, et le professeur Barry Eidlin, sociologue de recherche historique comparative sur les sujets de classes, inégalités, et changements sociaux.
Au quotidien
Le quotidien du domaine varie beaucoup en fonction de l’horaire et des responsabilités de chacun. Par exemple, combien de cours donnent-ils durant le semestre, combien d’étudiant·e·s ont-ils par classe, ont-ils des assistant·e·s, etc. Szendro explique : « Ce semestre, j’enseigne trois cours, donc, à la place de travailler sur la recherche tous les jours, j’y dédie quelques jours entièrement. Les étés sont plus productifs, parce qu’il y a moins d’obligations liées à l’enseignement (tdlr) ». De plus, relayer les tâches à une équipe de recherche, comme le fait Eidlin, allège sa charge de travail, lui permettant de travailler sur plusieurs projets et de trouver un équilibre avec ses responsabilités de professeur.
Eidlin explique : « Il y a un rythme à la recherche. Il y a l’étape où on conçoit le projet, on développe les idées, on récolte les données, puis il y a l’analyse et la rédaction… mais en vérité, ce n’est pas aussi linéaire. Chaque projet à son propre rythme et chacun a ses contraintes. » La collecte de données qualitative – c’est-à-dire des entrevues individuelles ou en groupe, des
Découvrir le quotidien des professeur·e·s-chercheur·se·s
Discussion avec Brendan Szendro et Barry Eidlin.
questionnaires, et autres – est la méthode la plus courante en sociologie. « Je ne m’assois pas devant l’ordinateur pour faire des calculs et des analyses statistiques, c’est plutôt de la lecture, de la réflexion, de l’analyse des documents, de la recherche des tendances, faire la comparaison entres différentes perspectives. » Tout ce processus demande plus de temps et d’efforts que la collecte de données quantitatives, qui consiste à recueillir des nombres et les codifier pour en faire des statistiques.
Pour mieux séparer travail et vie personnelle, Szendro fréquente un café de son quartier. « Certains jours durant l’été ou le congé d’hiver, je commence la journée en allant à un café prendre quelques notes, ce qui est super relaxant », dit-il. On pourrait définir le café de third space – soit un endroit qui n’est ni la maison ( first space ), ni le bureau ( second space ), mais un troisième espace consacré aux loisirs, au social, et dans ce cas-ci, à la recherche. Ce déplacement physique permet au cerveau d’associer chaque lieu avec un état d’esprit spécifique et d’être plus productif.
Être professeur et chercheur
Szendro partage : « Pour certaines personnes, [être professeur et chercheur] s’agit de choses largement distinctes, mais pour d’autres – et c’est l’approche que j’utilise – la recherche constitue la base de ce que nous enseignons. À ce stade, cela devient une question de traduction », afin
ment. Szendro développe que les possibilités d’avancement varie selon ses objectifs personnels et cela l’accorde plus d’indépendance dans la sélection de ses
ne pas savoir quoi faire, et maintenant j’ai trop à faire. Ça fait en sorte que c’est difficile de poursuivre [les projets] tous en même temps, alors il faut faire des

projets. Autant d’indépendance peut être source de stress au début, donc l’enseignement donne une structure sur laquelle se reposer. Finalement, les modes
sacrifices. » Il ajoute qu’il faut prioriser quel projet et à quel moment le commencer en fonction de sa pertinence et de sa spécialisation professionnelle.
« C’est comme si on escalade une montagne, et on arrive à ce qu’on pense être le sommet, mais à travers les nuages on voit qu’il y a encore du chemin à faire »
Barry Eidlin, professeur-chercheur de sociologie
de rendre la matière accessible autant aux sphères de chercheur·euse·s qu’aux étudiant·e·s. Il ajoute que les recherches demandent une approche plus technique et spécialisée, tandis que l’enseignement demande une forme plus éloquente afin de captiver un auditoire.
Pour les nouveaux·lles diplômé·e·s, faire de la recherche permet d’élargir les possibilités de carrière au delà de l’enseigne -
de travail pour les recherches et la structure de l’enseignement s’équilibrent mutuellement.
Les hauts et les bas
Eidlin partage les craintes des nouveaux·lles diplômé·e·s, qui ont souvent peur de ne pas parvenir à trouver un sujet de recherche, qui ne savent pas où commencer et qui se perdent dans la foule de chercheur·se·s. Il avoue : « J’avais des craintes de
En tant qu’étudiant·e, rendre sa thèse de doctorat semble être l’aboutissement. « C’est comme si on escalade une montagne, et on arrive à ce qu’on pense être le sommet, mais à travers les nuages on voit qu’il y a encore du chemin à faire. », décrit Eidlin. Szendro, pour sa part, atteste : « Lorsque vous êtes fier d’un résultat, vous avez vraiment le sentiment d’avoir contribué à l’évolution des connaissances et vous avez le sentiment d’avoir dé-
couvert quelque chose d’unique. Cela semble profondément important. »
Tandis que ses recherches portent souvent davantage sur l’histoire, un de ses projets traite d’événements actuels. Je me demandais si, à cause du temps que prend le processus de publication, il est possible que la recherche ne semble pas aussi pertinente une fois publiée. Eidlin explique : « J’ai confiance que les événements que j’étudie actuellement seront toujours importants dans 5 à 10 ans. Je dois faire les recherches en ce moment, mais les trouvailles seront pertinentes dans le futur. »
Le processus d’évaluation par les pairs ( peer-review)
Dans certains secteurs de recherche, les revues sont davantage spécialisées. Par exemple, en sociologie, il existe des revues sur la sociologie politique, la sociologie de la famille, des mouvements sociaux, de la vie urbaine, la criminologie, la culture, etc. Il est important pour les chercheur·euse·s de considérer leur auditoire lorsqu’ils·elles établissent leur projet. Cependant, il est possible que la revue rejette leur projet, donc il est préférable d’en sélectionner plusieurs, au cas où. Comme le dit Eidlin : « Une partie intégrale de la vie académique, c’est le rejet. » Un appel aux critiques, qui ont la possibilité d’accepter ou de rejeter la demande. Il ajoute qu’il faut prendre en compte que les chercheur·se·s prennent de leur temps pour donner des évaluations à d’autres projets et ne sont pas rémunéré·e·s pour ce travail.
L’équilibre entre passion et défis
Pour tout dire, l’équilibre entre l’enseignement et la recherche est un défi constant pour les professeur·e·s-chercheur·euse·s. Entre les exigences de collecte de données, la rédaction, l’évaluation par les pairs, et les multiples révisions, ces professionnel·le·s jonglent entre de nombreuses responsabilités qui demandent beaucoup d’organisation et de motivation dans leurs quotidien. Malgré les obstacles et les rejets, le rôle de chercheur·euse contribue de manière significative à l’avancement des connaissances et à l’enrichissement des enseignements. Ces efforts, bien que souvent invisibles, façonnent les disciplines académiques et la société en général. x
BIEN-ÊTRE
esprit
bienetre@delitfrancais.com
Overthinking : la tourmente des étudiants
Peut-on faire taire ses pensées négatives?
adÈle doat
Éditrice Bien-être
Que ce soit les notifications Outlook de myCourses, celles d’un message Instagram ou d’une nouvelle publication sur LinkedIn, les avertissements sonores nous rappelant nos obligations et préoccupations sont omniprésents. Toutefois, il arrive qu’un brouillard tapageur, encore plus désagréable, les recouvre tous pour envahir notre esprit trop souvent stimulé. Ce bourdonnement est provoqué par la rumination de nos pensées, impossibles à faire taire, qui nous rongent de l’intérieur.
Il m’a fallu des années pour finalement réussir à plonger dans une piscine. Chaque été, alors que je me retrouvais face à l’eau, prête à m’élancer, fléchissant les jambes pour me propulser, je coupais soudainement mon élan, assaillie par un flot de pensées paralysant. Et si je me cognais contre le fond de la piscine? Ou que je faisais un plat? En proie au doute, je finissais toujours par faire un saut en bouteille. Ce n’est qu’une fois où j’ai décidé de me précipiter du plongeoir sans réfléchir que j’ai réussi à effectuer mon premier plongeon. Dans la vie, la rumination mentale nous empêche parfois de faire le premier pas lorsqu’on est amoureux, ou d’oser saisir les opportunités quand elles se présentent, laissant place au regret. Et si trop penser nuisait à notre santé mentale?
Pour mieux comprendre le fonctionnement de la rumination mentale, aussi connue sous le terme anglais overthinking , et ses effets sur les étudiants, je me suis entretenue avec la psychologue Mélanie Bourdette, membre de l'Ordre des psychologues du Québec (OPQ).
Performer à tout prix
« Penser, c’est plutôt une bonne chose », rappelle Mélanie Bourdette, car « cela signifie que notre cerveau fonctionne bien. » Néanmoins, si la rumination mentale a un côté désagréable, c’est qu’elle prend la forme d’une « pensée à connotation négative qui va tourner en boucle et se répéter. »
Michaela, étudiante à McGill, m’a avoué ruminer constamment : « À propos de l'école, pas
vraiment des relations. Juste la performance académique ( tdlr ) ». Son témoignage confirme les observations de Mélanie, qui a constaté parmi sa clientèle étudiante la prévalence de pensées négatives reliées à la performance, telles que : « Je ne vais pas y arriver, je ne suis pas assez bonne ».
Christina, une autre étudiante mcgilloise, remarque qu’il lui arrive souvent de ruminer par rapport au passé ou à ses choix de vie. La psychologue explique que les pensées négatives sont souvent disproportionnées par rapport à la situation actuelle, lorsqu’elles sont associées à un sentiment de regret ou de culpabilité, par exemple : « On n'a pas de machine à remonter dans le temps. Or, on continue à penser à une situation qui s'est produite il y a une heure ou trois ans, alors même qu'on ne peut pas y revenir ».
Qu’est-ce qui provoque la rumination?
« La rumination est associée à l’anxiété », explique la psychologue, « ainsi, tous les facteurs déclencheurs de l’anxiété peuvent favoriser ou nous rendre beaucoup plus sensibles au fait de ruminer. »
Ce sentiment, qui apparaît dans le nouveau volet du film d’animation Sens dessus dessous (ou Vice-versa), est bien connu des étudiants. En effet, pendant les périodes d’examen, leurs nerfs sont mis à rude épreuve. L’anxiété est alimentée par diverses peurs : « la peur de s'être trompé, la peur qu'il y ait des conséquences, la peur de ne pas performer. » L’anxiété est également corrélée à l’humeur, c’est pourquoi Mélanie Bourdette explique que « parfois, lorsqu'on a une humeur un peu plus basse, typiquement lors des déprimes saisonnières, les circonstances sont plus propices à ruminer ». Christina l’a remarqué, car bien qu’il lui arrive de ressasser des pensées négatives à n'importe quelle période de l’année, elle est toujours surprise « quand le printemps arrive et que le soleil sort, je me sens comme, “wow” », alors qu’elle se rend compte combien l’hiver l’a rendue morose.
La fatigue peut aussi être une cause indirecte de la rumination : « Bien qu’un manque de fer ne génère pas de la rumination, il entraîne de la fatigue physique, donc une sensibilité plus accrue aux émotions, notamment la peur qui provoque

stu doré | LE DÉLIT
l'anxiété », indique la psychologue. La fatigue rend plus difficile la gestion de nos émotions, d’où l’im-
« Ce qui cause de l’anxiété et amène à ruminer, c’est lorsque l’image que l’on a de soi s’est détériorée »
portance de maintenir une alimentation saine et équilibrée, un bon sommeil, et la pratique d’une activité physique, non seulement pour se sentir bien dans son corps, mais aussi dans sa tête.
On pourrait penser qu’un manque de confiance en soi
puisse faciliter le développement de pensées négatives, mais c’est plutôt l’estime de soi qui influence la rumination. Mélanie Bourdette explique la différence entre les deux termes : « En psychologie, on différencie la confiance en soi de l'estime de soi. Parce que la confiance en soi, c'est notre capacité à faire quelque chose. J'ai confiance en moi, ça veut dire que je sais
que je peux faire quelque chose. L'estime de soi correspond à l'image que l'on a de soi, qui n'a rien à voir avec notre capacité de faire. » Ce qui cause de l’anxiété et amène à ruminer, c’est lorsque l’image que l’on a de soi s’est détériorée. « Parce que si on sait qu'on ne sait pas faire, on ne va pas ruminer. Je sais que je ne sais pas piloter, donc je n'ai aucune confiance en ma capacité
à piloter un avion », illustre-t-elle. Mélanie Bourdette explique que le rôle du cerveau est d’enregistrer des informations et de les répéter en boucle pour qu’on les retienne. Ainsi, un environnement académique stimulant, combiné à des attentes personnelles ambitieuses, nourrit parfois la rumination.
Modeler plutôt que contrôler
« Je ne dirais jamais que cela m’empêche vraiment de me mettre en avant. C’est juste que j’ai l’impression que c’est un obstacle mental », reconnaît Michaela sur la rumination.
Selon Mélanie Bourdette, la rumination mentale peut créer « une réelle souffrance ». Elle continue : « Lorsqu’on est trop stressé par
esprit
quelque chose, on perd en performance, on n’est plus capable de faire les choses ».
La rumination mentale touche aussi bien les hommes que les femmes. Toutefois, la psychologue observe que « les femmes ont plus tendance à extérioriser l’anxiété et la rumination, contrairement aux hommes qui, même pour plein d’autres troubles mentaux, vont plutôt l’intérioriser ». Alors, peut-on contrôler ses pensées négatives?
Selon Mélanie, il est plus juste de dire que l’on peut gérer ses pensées plutôt que les contrôler : « Contrôler une émotion, c’est lui mettre des barrières et pouvoir la faire taire ». Or, il est impossible d’arrêter de penser « parce qu’il
Cela fait maintenant deux étés que j’effectue des stages pour acquérir de l’expérience professionnelle. À ces deux reprises, ils se sont effectués majoritairement à distance. La première fois, je travaillais au gouvernement et mon équipe était située à Québec, c’est pourquoi je ne pouvais m’y rendre en présentiel. Ma routine consistait en une rencontre journalière sur Zoom avec toute l’équipe, des rencontres rapides entre collègues sur Teams et beaucoup de temps passé seule devant mon écran à retaper un document Word ou un fichier Excel. La deuxième fois, l’été dernier, j’ai eu la chance de trouver un stage de recherche auprès d’un professeur. C’était beaucoup de temps passé seule à travailler sur mon ordinateur portable et apprendre à coder sur le logiciel R. Au terme de ces deux expériences professionnelles, une conclusion m’est vite apparue : je ne me vois pas continuer à travailler à distance dans mes prochains emplois. Voici donc mon compte-rendu sur la réalité du télétravail, avec ses avantages et ses inconvénients, pour vous aider à déterminer quel mode de travail adopter cet été ou dans votre future carrière.
Fausse consolation
L’idée du télétravail est attrayante, personne ne peut le nier. Fini le temps perdu dans les trajets entre la maison et le bureau, vous avez la liberté de travailler en pyjama (à moins d’avoir une réunion virtuelle, bien sûr), et vous pouvez en profiter pour accomplir des tâches quotidiennes comme la vaisselle, le ménage ou même faire du sport, des choses que vous n’auriez pas le temps de faire pendant votre longue journée de travail au bureau. Lors de ma pause-diner, puisque je ne travaillais qu’en été, j’allais courir pendant trente minutes et je prenais ma douche, je mangeais et étais
n’y a qu’une seule situation où on arrête de penser, c’est lorsqu’on est mort ». En revanche, en thérapie de psychologie, on essaye plutôt de reformuler nos phrases avec une structure positive ». Aussi, on remplace « je ne suis pas compétente » par « je suis compétente sur un élément, mais
ce dernier s’impose à notre esprit. Cela montre que notre cerveau ne « comprend pas la négation » et qu’il vaut mieux « lui dire ce qu’on a envie de penser ».
Cependant, il est parfois difficile de croire en de belles phrases positives pour s’échapper des pen -
mettant par écrit. C’est une méthode d’évitement positif contrairement aux distractions qui font culpabiliser comme lorsque l’on fait défiler son fil d’actualité sur Instagram. Christina nous partage son astuce : « Je pense qu’il faut mettre les choses en perspective, se rendre compte que ce n’est pas la
« Il est impossible d’arrêter de penser “parce qu’il n’y a qu’une seule situation où on arrête de penser, c’est lorsqu’on est mort ” »
peut-être que je pourrais m’améliorer sur autre chose ». Lorsque l’on se force à ne pas penser à un ours blanc pendant vingt secondes,
sées négatives. Une autre stratégie pour extérioriser nos pensées consiste à leur associer un aspect comportemental, comme en les
La réalité du télétravail
Les pour et les contre du travail à distance.

de retour à mon poste de travail à 13h tapantes. Une tâche de moins qui me laissait profiter du temps en famille et entre amis. J’avais l’impression d’avoir trouvé un bon équilibre entre ma vie professionnelle et personnelle. Finalement, je noterais que je sentais un plus grand sens de contrôle sur ma routine de travail, car j’écoutais la musique que je voulais, je travail-
charge de travail demandée en me laissant un sentiment de liberté et une opportunité pour pleinement profiter de mon été.
Un cercle vicieux
Avec autant de liberté et de temps pour soi, qu’est-ce qui pourrait rendre le télétravail problématique? Pour moi, le plus difficile
moi, ça a été tout l’inverse. Je suis passée d’une année entière à l’école à socialiser régulièrement avec des amis, des camarades de classe et à m’impliquer dans des activités parascolaires, et soudainement mes journées ont été remplacées par un écran qui me demande huit heures de mon temps, sans aucun aspect social. Cette réalité peut être très normale pour certains, mais
« Mon premier été, j’étais sur un contrat de trois mois, et à partir de la quatrième semaine il me semblait que j’en étais à ma dixième, car toutes mes journées se ressemblaient »
lais n’importe où et je sentais un grand sentiment d’indépendance, ce qui me rappelait beaucoup mon horaire atypique de l’université que j’aime tant. En général, le télétravail comme première expérience professionnelle m’a bien habituée à la
et le plus radical, c’est cet aspect solitaire. Travailler seul à la maison peut vite devenir pesant, surtout sur le long terme. Cela peut convenir à certains, car ils ne veulent pas socialiser au travail ou préfèrent le confort de leur maison. Mais pour
personnellement cela a grandement affecté mon moral. L’aspect du travail que certains aiment tant, dont les pauses-café entre collègues, les cinq à sept après le travail et les petits moments de discussions, n’y étaient plus ; donc le travail devant
fin du monde, quelle que soit la décision prise. » Après tout, elle n’a pas tort, mieux vaut se jeter dans le bain que d’avoir des regrets. x
l’ordinateur portable a été tout ce que j’ai connu pendant un été entier. Mon premier été, j’étais sur un contrat de trois mois, et à partir de la quatrième semaine il me semblait que j’en étais à la dixième semaine, car toutes mes journées se ressemblaient. J’ai contrebalancé ce sentiment de solitude en voyant mes amis et ma famille de manière régulière, toutefois je sentais que cela me prenait beaucoup d’effort et d’énergie pour remplacer un aspect qui aurait autrement été naturel et raisonnable à trouver dans un environnement de travail. Il y a aussi le fait que je n’ai jamais pu bâtir de relations professionnelles proches avec mes collègues ni participer à des événements, de réseautage, ce qui fait perdre une grande partie de l’attrait d’un stage professionnel à l’université.
Bref, le télétravail est un phénomène qui a gagné en popularité durant la pandémie et qui a révolutionné le monde professionnel, autant pour le meilleur que pour le pire. Pour les parents, les personnes âgées et ceux qui habitent loin de leur travail, travailler à distance est un excellent moyen de concilier travail et vie personnelle. En revanche, pour les jeunes qui débutent dans leur carrière et ceux qui veulent un travail dynamique et social, le télétravail n’est pas vraiment séduisant. En tant qu’étudiant, réfléchissez bien à ce que vous souhaitez pour votre prochain stage ou votre premier emploi : voulez-vous privilégier un excellent équilibre travail-vie personnelle axé sur le confort et la routine, ou préférez-vous une vie professionnelle plus stimulante et sociale, qui exigera davantage d’énergie et de sacrifices au quotidien ? x
LAYLA LAMRANI
Éditrice Bien-être
Entrevue
Rencontre avec Matthew Rankin
Le cinéaste nous dévoile Une langue universelle : le film canadien sélectionné pour les Oscars.
HARANTXA JEAN
Éditrice Culture
Retourner à la maison, s'occuper de sa maman : ce sont ces motivations empreintes de tendresse qui poussent Matthew, un fonctionnaire, à quitter Montréal pour retourner à Winnipeg, sa ville natale. Dans Une Langue Universelle, la quête du chez-soi, un foyer où l’on est inclus plutôt qu’invité, constitue le cœur du récit. Ce chez-soi, Matthew Rankin, co-scénariste, réalisateur et acteur s’interprétant lui-même, le traduit avec une telle sensibilité que le film est retenu comme candidat canadien dans la Liste Courte du meilleur film international des 97e Oscars de 2025. Mais le pays de l’érable que Rankin dépeint n’est pas celui que l’on connaît : dans ce film, sélectionné parmi le Top 10 des meilleurs films canadiens de l’année 2024, le Canada est un univers unique et biscornu, où le persan et le français sont les langues officielles du pays.
L’histoire s’ouvre au sein d’une école d’immersion française, où un professeur acariâtre enseigne à des élèves intrigués par une dinde et des lunettes disparues, nous plongeant au cœur d’un enchaînement d’événements improbables. Dans un autobus en direction de Winnipeg, ce même professeur croise la route de Matthew, à la recherche de sa maison d’enfance, tandis que deux écolières poursuivent un billet de 500 riels gelé sous la glace. Massoud, un guide touristique, s’ajoute à ce tourbillon où les destins et les corps semblent se confondre. Vous l’aurez compris : pour le deuxième long métrage de fiction du cinéaste, tout s'entrelace. Couronné du prix du public au Festival de Cannes, ce récit fascinant explore des liens invisibles et des hasards troublants. Cela dit, je n’ai pu m’empêcher de questionner les racines autobiographiques du film, où Rankin se met en scène, ainsi que l’imaginaire derrière ce Canada franco-perse, si singulier. Alors que les crédits défilaient, le film m’a laissée à mes songes – heureusement, Rankin a répondu à mes questions.
Le Délit (LD) : Une langue universelle propose un univers hybride où se rencontrent des éléments de la culture iranienne, du persan et du français dans un Canada réinventé. Qu’est-ce qui vous a conduit à mélanger ces influences culturelles?
Matthew Rankin (MR) : Oui, c'est un film très hybride. Pour moi, il repose sur trois grands piliers : un

« Ce film, par son espace doux et fluide, a trouvé une résonance universelle, et c’est peut-être pour cela qu’il a touché tant de gens »
Matthew Rankin, réalisateur d'Une langue universelle
amour du cinéma iranien, du cinéma winnipégois et du cinéma québécois. C’est un amalgame, un peu comme une pizza hawaïenne, qui fusionne différents codes cinématographiques. L’idée était de créer un film qui dépasse les frontières, qui soit « sans nation ». Ce n’est ni un film canadien, ni iranien, ou québécois : c’est une œuvre à la confluence de ces univers, un reflet de nos vies qui sont, en réalité, beaucoup plus fluides que les frontières et catégories que nous leur imposons. Ila Firouzabadi [co-scénariste et actrice dans Une langue universelle, ndlr] et moi avons ressenti un désir de représenter cette absence de barrières et d’explorer un espace surréaliste, mais aussi authentique, qui reflète nos expériences de vie collective.
LD : Votre film regorge de références historiques et nationales, comme une murale représentant Brian Pallister, ancien premier ministre du Manitoba, serrant la main de Justin Trudeau. En tant que diplômé en his-
toire à McGill et à l’Université Laval, ces références étaient-elles intentionnelles pour ancrer votre récit dans un contexte historique précis?
MR : Oui, ces références font partie des codes du film, mais nous avons
Maison4tiers
voulu les subvertir en les examinant sous un autre prisme. Par exemple, à Winnipeg, les spectateurs ont vu dans le film un miroir de leur identité, même s’il est en persan et en français, des langues peu parlées là-bas. À Téhéran, les spectateurs ont eu une réaction similaire. Ce que nous avons cherché à créer, c’est un espace liminal, un lieu entre-deux. C’est là où la plupart de nous existons : dans des zones de transition, dans un écosystème complexe et souvent absurde. Ces codes, tout en ancrant le film dans un contexte, nous permettent aussi de questionner les cadres binaires qui organisent notre monde.
LD : Le film explore le thème de la défamiliarisation, avec un protagoniste qui, partout où il va, reste un invité. En quoi ces thèmes sont-ils liés à vos expériences personnelles?
MR : C’est un reflet direct de mes expériences. J’ai grandi à Winnipeg, mais après 20 ans d’absence, je ne m’y sens plus complètement chez moi. Je suis à la fois un étranger et un ancien local. À Montréal, où je vis depuis longtemps, c’est un peu la même chose : je suis Québécois, mais pas au sens traditionnel. Ces tensions ont créé une histoire qui dépasse les appartenances géographiques. Winnipeg, par exemple, partage des similitudes avec Téhéran, que ce soit dans l’architecture ou l’humour noir. Le film reflète ces espaces « entre » et « au-delà » que nous naviguons tous.
LD : Le titre « Une langue universelle » semble paradoxal, compte tenu du fait que le film est en persan et en français. Pourquoi ce choix?
MR : Le titre fait référence à l’espéranto, une langue conçue pour unir les peuples. Ila et moi travaillons
d’ailleurs sur un autre projet portant sur l’espéranto [rires]. Au-delà des langues parlées, une « langue universelle » peut être une forme de communication fondamentale : un langage cinématographique, un geste tendre ou même un regard. Puis, mon intérêt pour les langues indo-européennes, que j’ai étudié à McGill d’ailleurs, m'a aussi influencé. Ces dernières proviennent du latin, une langue-mère oubliée, mais on en ressent encore l'influence. Similairement, ce film explore cette idée de résonance universelle, au-delà des mots.
LD : Votre film a été accueilli avec enthousiasme sur la scène internationale, notamment avec une sélection dans la liste courte pour l’Oscar du meilleur film international. Comment percevez-vous cette reconnaissance, et influence-t-elle votre vision du cinéma canadien?
MR : Ce qui me fait rire, c’est que malgré nos efforts pour créer un film sans étiquette nationale – ni canadien, ni iranien, ni québécois – il soit classé comme « canadien » [rires]. Le film est simplement canadien à cause de notre citoyenneté. Une langue universelle est transnational, construit autour des connexions improbables qui nous unissent. Sa fluidité rejette les oppositions rigides que l’on utilise pour structurer le monde. Je pense que nous vivons dans une époque en pénurie de tendresse, et ce film, par son espace doux et fluide, a trouvé une résonance universelle, et c’est peut-être pour cela qu’il a touché tant de gens.
Le film prendra l’affiche partout au Québec le 7 février 2025.x

SIRINE AL TAHA
Contributrice
Le théâtre, par son langage universel et sa capacité à faire résonner le non-dit, s’impose comme un médium pour transposer l’indicible en une expérience sensible et collective. C’est exactement ce que les Créations Unuknu nous offrent avec la pièce Monstres présentée au Théâtre Denise-Pelletier : un miroir éclaté de l’enfance marquée par la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ), où se mêlent cauchemars et espoirs.
Vies brisées, voix retrouvées
Monstres et les récits des enfants de la DPJ.
se présente comme conférencière pour partager son parcours, son récit de triomphe. Après son adoption, elle gravit les échelons sociaux, tel qu’elle le raconte dans son livre fictif. Face à cette histoire « trop parfaite », un spectateur se lève pour l’interroger sur son récit de conte de fées, dans un échange si malaisant que j’ai instinctivement échangé un regard perplexe avec mes voisins.
En parallèle, nous suivons le parcours de Moineau, une jeune fille, et sa famille dysfonctionnelle, au sein d’une société qui ne sait que la déplacer de foyers d’accueil
« L’alternance visuelle des deux fragments de maison qui composent le décor renforce la dichotomie des récits et des réalités sociales explorées »
« La famille, ça passe par des gens qu’on a choisis. »
Il ne faut que quelques minutes avant que le spectateur ne soit confronté à l’effondrement du quatrième mur, lorsque l’une des anciennes jeunes suivies par la DPJ
LITTÉRATURE
Éaux centres jeunesse. Elle s’enlise dans une spirale de souffrance et d’errance, laissée à elle-même, et confrontée aux réalités brutales de l’abus et de la rue.
La pièce est ponctuée de ces interludes où des témoignages audios sont livrés par de jeunes adultes du
Collectif Ex-placé DPJ. Ces voix, empreintes de franchise et d’une lucidité touchante, s’expriment à travers des mots comme « amour », « peur », « famille » pour dévoiler un aspect de leur histoire encore plus humain. Leur transcription en alphabet phonétique rend hommage à la diversité des accents, des prononciations et de la parole de ceux qui communiquent leur expérience.
Lors d’une séance de discussion avec les ex-placés à la fin de la pièce, j’ai interrogé la metteuse en scène Marie-Andrée Lemieux et l’autrice Marie-Ève Bélanger afin de mieux comprendre pourquoi avoir utilisé l’art comme première approche pour recruter le comité. Leur réponse, marquée par une profonde humilité, traduisait une volonté de collaboration sincère : « On ne voulait tellement pas s’approprier leurs idées », confient-elles avant d’ajouter : « C’était important pour nous d’arriver avec nos idées dès le début […] il y a des choses que je n’aurais jamais trouvées dans l’écriture [sans l’aide des jeunes du collectif, ndlr] comme le fait que “ce ne sont pas des placements qu’on vit, mais des déplacements”, […] “on va au trou, on fait notre temps” […] [je voulais tellement] mettre ça dans la bouche d’un personnage. »
maxim paré-fortin

L’écriture dramatique trouve ici un écho dans une mise en scène qui déploie une énergie rythmée entre jeux sonores, chorégraphie et scénographie d’une fluidité impressionnante. L’alternance visuelle des deux fragments de maison qui composent le décor renforce la dichotomie des récits et des réalités sociales explorées. La pièce présente parfois des choix de mise en scène proches de la comédie musicale. L’exagération de certains personnages loufoques en tenue extravagante frôle un peu l’excès dans les moments où la tonalité bascule vers une légèreté presque enfantine. Bien que l’intention soit sans doute de retrouver une certaine légèreté
dans l’œuvre, ces instants semblent affaiblir la gravité du propos, forçant une impression d’artificialité qui détonne. Ces petites ruptures de ton n’enlèvent rien à la force de l’œuvre dans son ensemble. Car au-delà de ces touches comiques, ce qui persiste, c’est la résonance de l’histoire racontée grâce à la mise en scène qui a permis d’offrir une véritable catharsis, un espace de parole libéré et nécessaire. Monstres n’est pas seulement une œuvre théâtrale, mais un véritable acte de partage et de résilience.
Monstres est présentée au Théâtre Denise-Pelletier jusqu’au 8 février 2025. x
Lancement de la revue Lieu Commun
Rendez-vous au pied de la lettre.
diter c’est rendre les mots tangibles. C’est rendre accessible l’histoire qui ne vit que par son auteur, pour son auteur. Éditer, c’est partager. C’est pourquoi Lieu Commun nous a offert un moment d’échange lors du lancement de son 23 e numéro, celui de l’automne 2024.
Revue mcgilloise depuis 2012
Lieu Commun est l’unique revue littéraire francophone de l’Université McGill, qui réalise à chaque semestre un appel de textes. Ce dernier se base sur un thème : une expression de la langue française, telle que « l’ombre au tableau » de l’édition d’hiver 2024, que l’équipe éditoriale vous invite à déconstruire, à réinventer. Pour montrer que les mots ne sont pas figés, pour titiller votre réflexion, votre imagination. Si la revue prend racine à l’Université McGill, les soumissions sont toutefois ouvertes à tous.
Synonyme de partage
Tenu à la librairie N’étaitce-pas l’été , dans le quartier de
la Petite Italie, le lancement a permis la rencontre entre auteur·rice·s, éditeur·rice·s et lecteur·rice·s. La soirée s’est ainsi ouverte sur les mots d’Alexandra Girlovan, éditrice et coordinatrice de la revue, accompagnée des autres membres du comité éditorial : Océane Nzeyimana, César Al-Zawahra, Irina Kjelsen, Julie Nicomette, Naomi Degueldre et moi-même.
« Pour montrer que les mots ne sont pas figés, pour titiller votre réflexion, votre imagination »
Puis, les auteur·rice·s présent·e·s ont eu l’occasion de lire leur texte édité, plongeant l’auditoire dans un moment suspendu où seuls les mots comptent. Le cadre propice à la découverte a permis un moment « inspirant », comme le souligne Robin Cros ,
un étudiant présent pour l’occasion, créant un véritable écrin de bienveillance. Certaines phrases ont marqué les esprits, des images ont provoqué des conversations sur le rôle de l’écriture et son importance.
Immergé au milieu des livres, dans une ambiance chaleureuse et conviviale, tous ont eu l’opportunité, l’espace de quelques heures, de pousser la porte de l’univers littéraire. C’est par ailleurs ce que m’a souligné Franck Menelik, étudiant d’HEC : « Les lectures ont touché des cordes sensibles en moi [...] c’est toujours si agréable de réaliser qu’on n’est pas le seul à écrire. C’est, sans aucun doute, une communauté qui rapproche et qui crée des liens. »
Chacun a ainsi pu repartir avec un exemplaire de la revue. Cet exemplaire gratuit restera une part tangible de cette parenthèse hors du temps, un souvenir des mots échangés, des rêves évoqués et des conversations inachevées qui se poursuivent à l’extérieur. Le lancement s’est terminé sur l’annonce du thème pour l’édition d’hiver 2025 : « La mer à
océane NZEYIMANA

boire», de l’expression « ce n’est pas la mer à boire ». Si originalement cette formule s’emploie pour dédramatiser une situation, libre à vous de la déjouer, de la défaire. Libre à vous de penser différemment. Et c’est par ailleurs ce que comptent faire plusieurs personnes interrogées lors du lancement ; leurs esprits fourmillent déjà d’idées. Alors, si l’inspiration vous vient, si les mots coulent de source, si vous
rêvez de tenter une nouvelle aventure, n’hésitez plus et écrivez. Soumettez votre texte. Qu’il soit retenu ou non, vous aurez parcouru la plus grande partie du chemin en acceptant de vous livrer sur le papier ; en cherchant à voir plus loin que ce que les thèmes peuvent signifier. x
TESS GUILLOU Contributrice