Le Délit - Édition du 24 septembre 2025

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Le Délit est situé en territoire Kanien’kehá:ka non cédé.
Publié par la Société des publications du Daily, une association étudiante de l’Université McGill

actualites@delitfrancais.com

Van Horne, de l’entrepôt à l’hôtel

La rénovation de l’emblématique entrepôt au cœur d’une consultation publique.

Montréal, le lundi 15 septembre 2025. Dans une salle de spectacle mise à disposition par la Ville, des urbanistes de l’arrondissement Mont-Royal, des promoteurs immobiliers et des citoyens sont réunis pour découvrir les nouveaux plans de réaménagement de l’ancien entrepôt Van Horne. Bâti en 1924, l’édifice trace la frontière entre le Mile End et Rosemont–La Petite-Patrie, avec sa silhouette massive et son château d’eau bien connu des Montréalais. Le réaménagement de l’entrepôt Van Horne, classé site prioritaire par Héritage Montréal, est l’objet d’une consulta-

ANOUCHKA debionne

MONTRÉAL

tion continue entre la Ville de Montréal et ses citoyens.

Consultationscitoyennes

PropriétédugroupeResterManagementdepuis2019,l’édificeVan Horne a été utilisé comme simple entrepôt à documents depuis la fin de son usage industriel dans les années 1990. Le promoteur propose aujourd’hui de transformer l’immeuble de sept étages en un complexe à usages mixtes : chambres d’hôtel « style Plateau MontRoyal», espaces pour artistes et commerces au rez-de-chaussée.

La première proposition de réaménagementdel’entrepôtencomplexe hôtelier,dévoiléeen2022,avaitsuscité de nombreuses réactions. Un sondage mené cette année-là révélait que 74 % des 10 732 répondants étaientdéfavorablesàl’idéed’unhôtel sans espace culturel ou communautaire.Depuis,lesplansontétérevus.Lenouveauprojetréserveradésormais un quart de la surface à des

ateliers d’artistes, qui seront gérés par l’organisme Ateliers Belleville. Lerestedel’espacesediviseraentre un hôtel de 120 chambres (50 % du bâtiment)etunrez-de-chausséedédié à des commerces. L’objectif de ResterManagementestdeproposer une alternative aux locations de courte durée dans le Mile End, qui pèsent sur le marché du logement, tout en assurant la viabilité économiqueduprojet.

Risquesd’embourgeoisement

Lors de la période de questions qui a suivi la présentation du projet deconstruction,descitoyensontexpriméleurcraintequ’unerénovation de ce bâtiment augmente les taxes d’habitationdeslogementsduquartier. Celles-ci sont déterminées en fonction de la valeur de l’ensemble des propriétés d’un quartier. Cette augmentationinciteraitlespropriétaires à augmenter leurs loyers. D’autres citoyens ont également relevé que la présence de commerces aurez-de-chausséerisquaitdedéna-

turer la spontanéité du quartier, qui bénéficie d’un skatepark et d’un parc, tous deux résultant d’initiatives citoyennes. La promesse d’espacecréatifaétépointéedudoigtpar descitoyensetparlesreprésentants desAteliersBelleville,quiontrappelé lors de la consultation que l’enveloppe de la Ville consacrée au soutien des espaces créatifs est vide, freinant leur mission d’offre de loyersabordables.

Jusqu’au 16 octobre, une nouvelle étape s’amorce pour la consultation citoyenne de l’entrepôt Van Horne. Lescitoyenssontappelésparl’Office deconsultationpubliquedelavilleà donner leur opinion sur les usages prévus par les plans, l’impact sur le patrimoine et l’identité du quartier, et l’insertion urbaine du bâtiment. Unenouvelleoccasionpourleshabitantsdes’impliquerdansl’avenirde leurquartier.̸

ANOUCHKA DEBIONNE

Contributrice

STM : les étudiants paient le prix fort

Les McGillois en périphérie particulièrement touchés par la grève.

Depuis le 22 septembre, et pourdeuxsemaines,lesdéplacements des Montréalais seront fortement perturbés par la grève des employés d’entretien de la Société de transport de Montréal (STM). Jusqu’au 5 octobre, bus et métros ne circuleront que quelques heures par jour les lundis, mercredis et vendredis. Une situation qui bouleverse la vie de nombreux usagers, en particulier celle des étudiants qui dépendentdutransportcollectifpour aller en cours.

LesemployésdelaSTMréclament demeilleuresconditionssalariales et s’opposent à des changements d’horaires jugés contraignants, alors que l’employeur propose une hausse salariale de 12,5 % sur cinq ans.Ladirectionaffirmequelesde-

la grève cause un bouleversement complet de son quotidien. Habitant Mirabel, il lui faut près de deux heures de trajet pour se rendre à McGill. Stu est entièrement dépendant des transports en commun. Les perturbations sur le réseaudetransportl’obligentalors àfairedeschoixdifficiles:«Jedois parfoisfaireunecroixsurdesjournées de cours. Le trajet est trop long, trop coûteux et épuise toute mon énergie. » À défaut de transportfiable,lavoituredevientledernier recours ; une solution plus chère, moins écologique et entravéeparles44chantiersdelarégion métropolitaine de Montréal.

Stuseditpourtantfavorableauxrevendications salariales des employésdelaSTM:«Entantquesalarié, je comprends. Ces gens ont

« Dire aux gens de marcher ou de prendre un vélo, ce n’est pas ancré dans la réalité de ceux qui viennent de loin »

mandes syndicales dépassent ses capacités financières d’environ 300 millions de dollars, étant actuellement de 470 millions pour lesservicesd’entretien,etprévient qu’yrépondreimpliqueraitdecouper 10 % du service de bus.

Des horaires intenables

Pour Stu, illustrateur au Délit,

droitàdebonnesconditionsdetravail. » En revanche, l’étudiant pointedudoigtladéconnexiondes institutions vis-à-vis des réalités étudiantes:«Direauxgensdemarcheroudeprendreunvélo,cen’est pasancrédanslaréalitédeceuxqui viennent de loin. »

Il regrette également le «manque d’accommodations de McGill »,

TOSCANE RALAIMONGO I LE DéLIT

qui,àl’aubedesexamensdemi-session, n’a toujours pas mis en place de mesures pour assurer la tenue de cours en ligne. Cette absence de solutions nourrit un sentiment d’abandon selon Stu, qui subit comme beaucoup d’étudiants la grève et ses conséquences sans ne rien pouvoir y faire.

Des alternatives inégales

Bixi Montréal, surfant sur sa vaguedesuccèssuivantladernière grève de la STM en juin dernier, a bonifié son offre : 11 stations dépôt superviséespardupersonneletun meilleur rééquilibrage des vélos. Les services d’autopartage Com-

munauto et Leo ont aussi ajusté leur service et offert des rabais. Maispourceuxquihabitentenpériphérie, ces options sont impraticables. Malgré sa frustration, Stu se veut conciliant avec les grévistes. Il explique : « Il ne faut pas mettre la frustration des citoyens sur le dos des travailleurs. » Il dénonce des problèmes qui « viennent d’en haut » et appelle citoyens, étudiants et ouvriers à se « tenir les coudes » pour faire face à cette épreuve. ̸

Matthieu juge

Éditeur Actualités

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Mark Carney resserre les liens Canada-Mexique

Entrevue exclusive avec Cameron MacKay, ambassadeur du Canada au Mexique.

Le jeudi 18 septembre, Mark Carney foulait pour la première fois le sol mexicain en tant que premier ministre du Canada.Deuxjoursd’intensesdiscussions plus tard, il repartait de Mexico avec une déclaration conjointe de la présidente Claudia Sheinbaum et la promesse d’un « partenariatstratégiqueglobal».Ce dernier s’articule autour de quatre piliers principaux : la prospérité économique, la mobilité, la sécurité et l’environnement. Cette annonce majeure a été faite dans le contexted’uneinquiétudegrandissante face à l’instabilité de la politique américaine. Afin de clarifier les enjeux de la visite du premier

ministre, Le Délit a pu s’entretenir avec Cameron MacKay, ambassadeur du Canada au Mexique et diplômé de l’Université McGill.

Un moment décisif dans la relation bilatérale

« Le moment choisi pour cette visite était très stratégique. Il n’y a aucun doute qu’au cours de la dernièreannée,enraisondestarifsimposés par les États-Unis, la relation entre le Mexique et le Canada était très tendue (tdlr) », explique l’ambassadeur MacKay. Lesdites tensions ne provenaient pas seulement de Washington – elles avaient également été alimentées

pelouzet I

Délit

parlesdéclarationsdupremierministre de l’Ontario Doug Ford, selonquileCanadadevraitexclurele Mexique de l’accord de libreéchange nord-américain (ACEUM).

Dans ce climat crispé, la visite de Mark Carney apparaît comme une tentative de réconciliation, en vue non seulement de la renégociation prochaine de l’ACEUM, mais aussi de la Coupe du monde de soccer 2026,quiseraorganiséeconjointement par les trois pays. L’ambassadeur souligne que « le premier ministre a pris une sage décision en choisissant de mettre fin à ces tensions dès maintenant ».Legesteest d’autant plus nécessaire que les économies des deux pays sont profondément liées – le Canada étant le cinquième partenaire commercial du Mexique, et le Mexique le troisième du Canada.

Le spectre américain en arrièreplan

Si le Canada et le Mexique ont intérêt à collaborer, la visite de Carney est toutefois partiellement dictée par la relation turbulente des deux pays avec les États-Unis. La présidence de Donald Trump, marquée par un très fort protec-

tionnisme, a fragilisé l’équilibre nord-américain et incité ses partenaires à trouver d’autres alliances.« Les deux gouvernements [canadien et mexicain] réalisent aujourd’hui qu’ils doivent diversifier leurs échanges commerciaux vers de nouveaux marchés. Du point de vue canadien, la plupart de nos échanges commerciaux se font avec les États-Unis, et nous devons intensifier nos échanges avec d’autres pays, notamment le

avantageux avec les États-Unis les détourne de leur collaboration bilatérale. Un Carney catégorique a répondu que « le Canada était absolument engagé à collaborer avec ses deux partenaires ». Sheinbaum, quant à elle, a affirmé que « [le CanadaetleMexique]travaillerontensemble, sans l’ombre d’un doute ».

Au terme de cette visite, le Canada et le Mexique ont envoyé un message fort, celui d’une volonté com-

« Le moment choisi pour cette visite était très stratégique. Il n’y a aucun doute qu’au cours de la dernière année, en raison des tarifs imposés par les États-Unis, la relation entre le Mexique et le Canada était très tendue » Cameron MacKay, ambassadeur du Canada au Mexique

Mexique ». L'ambassadeur ajoute que « le Canada estime qu’il peut encore apprendre à mieux connaître, à explorer le Mexique –et le Mexique a exactement la même conviction ».

Lors de leur conférence de presse conjointe, Sheinbaum et Carney ont d’ailleurs été interrogés sur la possibilité qu’un accord plus

mune de bâtir une relation stable et durable.Dansunenvironnementrégional incertain, ce partenariat stratégique pourrait marquer un tournantdécisifpourl’Amériquedu Nord. ̸

EUGÉNIE ST-PIERRE Éditrice Actualités

La saison des débats pour la mairie s’est ouverte le 16 septembre. Débat municipal : comment améliorer la vie démocratique à Montréal?

Trois candidats : Luc Rabouin (Projet Montréal – le parti de ValériePlante,l’actuellemairesse),SorayaMartinezFerrada(Ensemble Montréal – l’opposition principale) et Craig Sauvé (TransitionMontréal – lepartinaissant).Un chiffre: 39 %, c’est la proportion de Montréalais ayant voté lors des élections municipales de 2021. C’est à partir de ce constat inquiétant que les représentants de l’Institut du Nouveau Monde et de Transition en commun, organisateurs de ce débat dans l’auditorium de la Grande Bibliothèque, ont présenté le thème de la rencontre : la démocratie municipale. Une heure durant, les trois pré-

tendants au poste ont défendu leur bilanetleurspropositionspouraméliorer la participation citoyenne à Montréal en répondant à une questionchacun.Unformatsanséchange qui a permis aux Montréalais présentsd’enapprendreplussurlesambitions de leur futur maire ou future mairesse.

Un rappel des bilans

Peu de propositions claires ont été articulées lors du débat ; les candidatsontplutôtprissoinderappeler leur expérience et attachement à la cause démocratique. Martinez Ferrada, par exemple, a évoqué son tra-

vail de fond en tant que conseillère municipale dans l'arrondissement Saint-Michel, notamment son effort d’implication des citoyens dans les négociationsaveclesinvestisseurset dans la construction d’une agora dans le quartier : « Il faut s’assurer que la démocratie ne consiste pas à voter qu’une fois, et que les points de vuedescitoyenssoientintégrésdans chaque projet par des processus de consultation.»Enlienaveclethème, la candidate s’est également décrite comme une « victime » du « dialogue démocratiqueextrêmementpolarisé » au conseil municipal, particulièrement sur la question des pistes cyclables : « On ne peut pas avoir une conversation sur le sujet sans être traité d’anti-vélo. On ne peut pas juste être pro-mobilité inclusive et fluide? »

Rabouin a contesté cette prise de position en mêlée de presse : « Le premier engagement de Martinez Ferradaaétédedirequ’ilfaudraitdéfaire des pistes cyclables, en affirmant que Projet Montréal ne s'occupait pas des infrastructures, et mettait l’argent dans les pistes cyclables. Qui polarise alors?». L’héritier de Valérie Plante a lui-même rappelé son attachement à la démocratieeninsistantsursonopposition aux « idées populistes de droite radi-

cale », son implication passée dans l’organisationdesommetscitoyens, ainsi que la publication de son livre Démocratiser la ville en 2009.

Un nouveau mode de scrutin

Sauvé,quantàlui,aexpliquéque «Transition Montréal existe justement pour renforcer la démocratie àMontréal»ententantdemettrefin aubipartismeduConseilmunicipal, qui mènerait aujourd’hui à des « débatsstériles».Enlienaveccettecritique, Sauvé a pu évoquer l’une de ses propositions principales : une «réelle réforme démocratique » vers un scrutin proportionnel. Selon lui, l’abstention croissante aux élections s’explique d’abord par un sentiment de non représentation:«Beaucoup d’électeurs se disentqu’ilnesertàriendevotercar l’autre candidat gagne toujours leur arrondissement [...] la proportionnelleforcelesélusàlacollaboration etpermetunemeilleurereprésentation. »

Comment impliquer les jeunes ?

L’abstention des jeunes est particulièrement frappante à Montréal :75%des18-35ansn’ontpasvotéen 2021.UndiagnosticpartagéparDominique,toutjustediplôméedeMc-

Gill et présente au débat : « Je trouve que les jeunes ne s’intéressent pas assez à la politique, particulièrement la politique municipale. »

Le Délit a pu demander aux candidats leur diagnostic et leurs solutions à cet enjeu démocratique. D’après Rabouin, « pour intéresser les gens, il faut aller vers eux. Dans le conseil d'arrondissement du Plateau MontRoyal, dont je suis maire, on tient une fois par année une séance à l’école secondaire Jeanne-Mance avec les étudiants. Plus que de simplement leur laisser la parole, il faut écouter les besoins des jeunes ». Selon Sauvé, « le projet de réforme électoral aiderait à attirer l'intérêt des jeunes en multipliantlesvoixetlespointsdevue».Le candidat s’est également dit «vraiment ouvert à l’idée d’un vote à 16 ans ». Nous n’avons pas pu interroger Martinez Ferrada sur la question.

Qu’ont pensé les quelques jeunes présents au débat? Juan, de son côté, en est sorti sceptique : « J’ai eu du mal à dégager les idées uniques des candidats, mis à part l’idée de réforme de CraigSauvé.Pourautant,jenesuispas sûr que ce sera l'initiative qui décidera mon vote » . ̸

PELOUZET Éditeur Actualités

Valentin
« Tout était dans le mental » : les McGillois face au marathon de Montréal

Le Délit a rencontré les étudiants qui ont couru le 21 km et le 42 km ce dimanche.

Émilie savoure son exploit, un grand sourire aux lèvres: «L’expérience était incroyable, je suis tellement heureuse del’avoirfait!»Cetteétudiantede21 ans en microbiologie et immunologie à McGill vient de terminer son tout premier marathon pour sa dernièreannéeuniversitaire.Maislafatigue se ressent dans sa voix : « Je ne sais pas si je le referai, car la course m’a achevée», glisse-t-elle en rigo-

lant. À ses côtés, ses parents sont venus tout droit de Dallas, au Texas, pourlasoutenir:«C’estnotrechampionne,noussommestellementfiers d’elle! » s’exclame le père d’Émilie, les yeux brillants.

En effet, ce dimanche 21 septembre s’est conclu la 33e édition du marathon et du demi-marathon de Montréal, organisé par l’organisme Courons Mtl et ayant comme partenaire

québec

Grève

Den titre la compagnie mutuelle d’assuranceBeneva.Entout,32000coureurs se sont inscrits à l’évènement decourseàpiedquiadurédeuxjours et 19 000 participants étaient présents ce dimanche. Les premiers sportifs se sont élancés dès 7h45 du parcJean-Drapeau.Marathonienset demi-marathoniens ont parcouru ensemble les quatorze premiers kilomètres avant de se séparer au niveau du parc La Fontaine. Les coureurs du demi-marathon ont bifurqué en direction du parc Maisonneuve,leurlieud’arrivée.Pourlemarathon, il fallait faire un détour jusqu’au pont Viau, puis revenir sur ses pas pour atteindre le parc. De nombreux sportifs ont trouvé ce long détour jusqu’aux portes de Laval éprouvant. Émilie le constate d’ailleurs:«Aprèslafindelamontée, entre le 25e et le 30e km, j’ai failli abandonner, mais je me suis dit que, sijel’avaiscommencé,autantlefinir.

« J’avais les larmes aux yeux »

Ruben, un McGillois français en troisième année, a battu son record ce dimanche : il a terminé son marathon en 3 heures et 16 minutes, soit 30minutesdemoinsquel’annéepré-

d’enseignement des

« Des pancartes humoristiques, des slogans, des fleurs et des cris d’encouragement ont rythmé la course et donné de l’énergie à ceux qui en manquaient dans une ambiance festive »

cédente. L’étudiant confirme cependant que son mental a été mis à rude épreuve en redescendant le boulevard Saint-Laurent. Mais la souffranceavitelaisséplaceàl’émotion : « À l’arrivée, j’étais tellement heureux, j’avais les larmes aux yeux », confie-t-il, la médaille du 42 km autour du cou.

Pour Elsa, arrivée à McGill ce semestre, l’expérience a pris une autre dimension. Elle a profité de son premier demi-marathon avec son amie pourdécouvrirMontréalautrement.

Si elle a adoré découvrir le SaintLaurent, elle garde un souvenir plus douloureux de la montée de la rue

Berri-UQAM : «Sans les encouragementsdupublic,jenesaispassij’auraistenu.»Cetespritcollectif,laMcGilloise Camila le confirme, elle qui ne s’était entraînée que deux se-

maines avant le demi-marathon : «Les encouragements ont été décisifs pour moi, tout était dans le mental.»

Le long du parcours, spectateurs et proches ont joué un rôle crucial. Des pancartes humoristiques, des slogans,desfleursetdescrisd’encouragement ont rythmé la course et donnédel’énergieàceuxquienmanquaient dans une ambiance festive.

Enfin, la journée s’est achevée dans la fierté montréalaise : Samuel StAntoine,unQuébécois,estmontésur la troisième marche du podium du marathonaprèsavoirfranchilaligne en2heureset22minutes,ovationné par le public, derrière deux athlètes internationaux venus du Kenya. ̸

Camille tavitian

Contributrice

médecins spécialistes

Les étudiant·e·s en médecine plongé·e·s dans l’incertitude.

epuis le lundi 15 septembre, une grève de l’enseignement menée par les médecins spécialistessecoueleQuébec.Cettemobilisation touche des milliers d’étudiant·e·senmédecine,tantaupremier cyclequ’àl’externat.

Une rémunération conditionnelle quifaitpolémique

Lagrèveestuneréponsedirecteau projetdeloi106,proposéparlegouvernement du Québec, qui vise à lier 25% de la rémunération des médecins aux critères de performances, dans le but de«mettrelaprioritésurlespatientes et les patients et de s’assurer que le temps et l’expertise des médecins contribuent pleinement à améliorer l’accèsauxsoins».

Desétudiantslaissésenplan

Le Délit s’est entretenu avec Ryan Kara,présidentdel’Associationdesétudiant·e·senmédecinedeMcGill(MSS : Medical Students’ Society), qui entame sa troisième année du doctorat enmédecine,équivalenteàlapremière année d’externat. « Pour les étudiants au préclinique, les cours magistraux sont désormais remplacés par des enregistrements d’années précédentes, ce qui retire la possibilité de poser des questions en direct », explique-t-il. «Les petits groupes, qui étaient encadrés par des spécialistes, sont fusionnésengroupespluslargesavecdespro-

fesseurs non cliniciens ou des médecinsdefamille,réduisantainsil’interaction directe et l’apprentissage personnalisé. » Mais l’impact est encore plus marquant pour les étudiants en externat : «Tous les stages cliniques, sauf ceux en médecine familiale, sont annulés.Celasignifiequelesexternes n’ont plus d’exposition clinique, ce qui compromet leur formation pratique essentielle. »

LaréponsedeMcGill Faceàlasituation,l’UniversitéMcGill tente de s’adapter en offrant plus deflexibilitéadministrative.Ilestdésormais possible de modifier ou d’annuler un stage à la dernière minute, souvent pour le remplacer par un stage de recherche. Mais la rapidité avec laquelle ces décisions doivent être prises constitue une source de stress supplémentaire pour les étudiant·e·s, déjà contraint·e·s de naviguer dans un contexte hautement incertain.

Malgré tout, Kara souligne les efforts delaFacultédemédecinepoursoutenir les étudiant·e·s. Selon lui, celle-ci s’efforceraitdemainteniruneexpositioncliniqueenfacilitantl’accèsàdes stagesàl’extérieurdelaprovince.Une mesuresaluéeparlesétudiant·e·sbien qu’elle aille à l’encontre des objectifs du gouvernement, notamment ceux exprimés dans le projet de loi 83, qui vise à retenir les diplômé·e·s au Qué-

bec après leur formation. Un contraste que Kara juge pour le moins paradoxal.

Lesimpactspotentielssontconsidérables

Kara souligne également les risques à long terme de la grève : retardsdel’obtentiondudiplôme,perte d’accès au Service canadien de jumelage des résidents (CaRMS) et affaiblissement global de la formation clinique.Lesétudiant·e·sconcerné·e·saujourd’huiserontlesrésident·e·sdedemain,enpremièrelignedansleshôpi-

taux. « Si une cohorte entière de résidents manquait à l’appel en juillet 2026, cela créerait une pression supplémentaire importante sur le systèmedesanté,quiseferaitmalheureusement sentir par les patients », ajoute-t-il.Toutenréitérantleursolidaritéenverslesmédecinsspécialistes etomnipraticiensdansleursrevendications, les étudiant·e·s en médecine, qui seront éventuellement représentés par la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ) ouparlaFédérationdesmédecinsspécialistes du Québec (FMSQ), dénoncent le projet de loi 106. Le corps

étudiant demande au gouvernement de reconnaître l’enseignement médical comme une priorité et d’accélérer les négociations. Kara déplore : « Le blocage actuel pénalise les médecins, lesétudiantset,ultimement,les patients.»Sicettegrèveconstitueune contestationclairedesmédecinsface à la réforme proposée, elle engendre aussi un ralentissement préoccupant de la formation des futurs médecins. En l’absence de résolution rapide du conflit,l’incertitudeplanesurlasuite deleurparcours.̸

Elie nguyen Coordinatrice des réseaux sociaux

Camille tavitian
Elie nguyen I Le délit

Société

société@delitfrancais.com

La liberté qu’il nous reste

L’inquiétante recrudescence de la censure politique.

ANTOINE PROULX

Éditeur Opinion

J’avais comme idée cette semaine d’écrire sur la nomination de Robert Leckey, exdoyen de la Faculté de droit de McGill, à titre de juge à la Cour supérieure du Québec. J’aurais décrié une décision fédérale complètement inacceptable, et critiqué un juriste sous-qualifié, opposé aux lois 96 et 21 et fervent partisan du Parti libéral du Québec et du Canada. Je me serais vertement opposé à cet affront à l’autonomie législative québécoise, malgré mon désaccord avec les motivations parfois xénophobes du projet caquiste en ce qui a trait à la loi 21. Bref, une autre démonstration de mon mécontentement face aux incursions du fédéral dans notre démocratie québécoise, jamais tout à fait omnipotente.

Mais face aux affronts répétés à la liberté d’expression dans la dernière semaine, ma conscience me dicte de laisser la politique tranquille un moment. C’est franchementinquiétant,etentantque(pseudo-) journaliste, je ne peux rester muet. C’est mon droit, ce l’est encore et ça doit le rester. Alors voilà. Ce n’est que partie remise pour Leckey.

« Pour savoir qui vous dirige vraiment,ilsuffitderegarderceuxque vous ne pouvez pas critiquer » - Voltaire

Le propos qui suivra se veut simplement un regard critique sur les abus oppressifs de certaines nations dontlapuissanceinquiétanteenraye la possibilité pour tous de s’exprimer librement. Il n’est pas une condamnation, mais plutôt un cri désespéré pour la liberté.

sous peine d’exclusion de la sphère publique, d’une perte d’emploi sans sommation ou bien même d’attaque directe par un bonhomme orangé ayant oublié de désactiver le verrouillage des majuscules.

Donald Trump, que j’ai pu décrire comme sénile et orangé ci-haut, est tout de même un ingénieux propagandiste, un maître de la distraction et de la confusion. Un hypocrite de la pire espèce. Quand il s’agit de pleurer la mort d’un homme haineux, raciste et homophobe comme Charlie Kirk, on ne trouve pas en Trump un plus grand défenseur de la liberté d’expression et d’opinion. Il condamne toute violence politique et déifie un débatteur populiste somme toute médiocre, juste assez intelligent pour retenir et recracher les grandes lignes de la révulsante idéologie trumpiste.

Mais gare à celui qui oserait le critiquer! La liberté d’expression défendue par le Premier amendement se métamorphose en une obligation de complimenter. On ne peut plus critiquer Trump ou son administration et ses alliés : il n’aime pas ça. Ça l’offusque et ça le frustre, quand les journalistes parlent en mal de lui. Il use de son pouvoir pour bannir certains médias de ses mêlées de presse, réduire au silence ses critiques médiatiques et se débarrasser de fonctionnaires qui osent se dresser contre lui.

Et on ne pourra pas dire que l’on ne s’y attendait pas! C’est un déjanté de la première heure, un malade à la tête de la nation la plus puissante au monde! L’élire une fois en 2016, je peux le comprendre. Une femme au pouvoir, pour nos voisins du Sud, c’était peut-être trop en demander. Mais le réélire? Quelle infamie! Un

« C’est en se lassant de défendre ses droits qu’on les perd pour de bon, et que l’on concède la victoire à ceux qui déploient tant d’efforts pour nous faire taire »

Difficile de braquer le regard ailleurs que sur les États-Unis et leur inquiétante ploutocratie. Une nation dirigée par une sorte de monstre bicéphale, alliance d’un tyran sénile et d’intérêts étrangers génocidaires. Une nation supposément obsédée par son archaïque Bill of Rights –mais qui en fait une écoute sélective. Une nation se croyant hégémonique, toute-puissante, invincible. Une nation en perdition.

Mais surtout, une nation dont on ne peut critiquer le pouvoir en place,

homme qui n’est loyal qu’envers luimême, qui ne défend la Constitution que lorsqu’elle sert ses intérêts les plus égoïstes, et qui, en plus, est un criminel! C’est dystopique.

Fasciste, le Donald? Je n’irai pas jusque là, mais on n’en est pas très loin. On n’a pas non plus à se rendre bien loin pour en trouver un, un État fasciste, ethnonationaliste et génocidaire.

LeplusfidèlealliédesÉtats-Unis,Israël, est une autre nation qu’il

semble impossible de critiquer sans s’exposer formellement à une panoplie d’accusations. Vous critiquez l’éradication du peuple palestinien? Antisémite! L’exécution d’enfants? Haineux! La famine orchestrée et planifiée? Menteur! Cette auto-victimisation est si efficace que les gens en oublient les images diffusées de massacres et de morts à longueur de journée, preuves directes des crimes israéliens. La famine devient un mensonge parce que quelques Gazaouis grassouillets existent. On transforme les enfants exécutés en apprentis terroristes. On parle du génocide des Palestiniens comme d’une guerre. Les mots et les images perdent leur sens, et les téléspectateurs y laissent leur raison.

À la lumière des discours remâchés cent fois truffés de mensonges éhontés, il est clair que la machine de guerre israélienne n’est pas qu’une puissance militaire financée par les États-Unis. Elle est passée maître dans l’art de nous flouer, de nous ensorceler et de nous aveugler. Elle est insidieuse, elle s’infiltre dans les rouages du pouvoir par l’intermédiaire d’organisations telles que l’American Israel Public Affairs Committee (AIPAC) et installe son narratif facétieux dans l’imaginaire collectif. Et l’argent, que dire de l’argent! Tout le monde a son prix, et chaque politicien un seuil d’intégrité.

Pour les vendus à l’entreprise israélienne, tout devient un affront. On

leur parle de Palestine libre, et on dirait qu’on vient de leur annoncer que l’on voudrait éliminer les Juifs de la surface de la Terre. C’est absurde, toute cette gymnastique pour défendre ce que même l’ONU qualifie de génocide. J’ai de la difficulté à le mettre en mots, tellement c’est délirant. On ne peut plus rien dire, on ne peut plus critiquer, on n’est véritablement pas libres de s’exprimer.

Je n’incite personne à la haine ou à la violence en m’exprimant ainsi. Je ne franchis aucun seuil passible d’une sanction selon la loi canadienne. Et pourtant, la publication d’un article tel que celui-ci pourrait m’attirer bien des ennuis. Pourquoi? Parce qu’il existe de toute évidence, comme Voltaire a su le dire, une sphère du pouvoir que l’on ne peut se permettre de critiquer. Il existe réellement des entités qui peuvent moduler le sens des mots, qui peuvent réduire au silence les critiques à leur égard de manière systématique.

Je n’accuse pas Israël de contrôler le monde, de contrôler nos intérêts et nos industries. Vous ne ferez pas une Elisa Serret de moi! Mais il est impossible d’ignorer qu’Israël a mainmise sur de nombreux enjeux de la politique américaine. C’est factuel, rapporté par des intellectuels comme Mearsheimer et Sachs et des politiciens comme Bernie Sanders, tous trois Juifs, mais capables d’un jugement cri-

tique. Ils ne sont pas antisémites mais anti-ingérence, anti-génocide, anti-apartheid!

Il est important que les mots conservent leur sens, sans quoi tout débat devient complètement inutile et dépourvu de rationalité. Une critique de Netanyahou et son régime génocidaire n’est pas antisémite parce qu’il gouverne un état à majorité juive. Une critique de Trump, un président despotique et antidémocratique, n’est pas illégale parce qu’il le décrète.

Il ne faut pas rester muet ou indifférent face à toutes ces entraves à la libertéd’expression.Ilnefautpasavoir peur de les défier, sans quoi on risque de les normaliser. C’est en se lassant de défendre ses droits qu’on les perd pourdebon,etquel’onconcèdelavictoire à ceux qui déploient tant d’efforts pour nous faire taire.

Je pense réellement que, si vous ne devez retenir qu’une chose de cet article, c’est de ne pas craindre les conséquences de l’expression de votre liberté. Je n’ai pas dit l’expression de votre haine, ou de vos insultes sans fondement. J’en appelle à votre liberté. À notre liberté à tous. Si vous vous taisez maintenant, vous le regretterez lorsque vous n’aurez plus de choix à faire entre la parole ou le silence. Vous le regretterez pour toujours.

Et aux despotes de se réjouir de votre apathie. ̸

EILEEN DAVIDSON i LE DéLIT

IA et pénurie d’emplois : un défi de taille pour les étudiants

Midnight Kitchen : l’automatisation infiltre le processus de recrutement.

Entre pénurie d’emplois, intelligence artificielle (IA), et compétitionaccrue,lemarché du travail est devenu marché du vide. ChatGPT, logiciels automatisés et autres IA génératives se relaient face àunprocessusd’embauchedeplusen plusdrainant.Ilspermettentauxcandidats, mais aussi aux employeurs, d'économiser du temps et de l’énergie. L’IA semble avoir endossé le rôle de candidat et de recruteur.

Le collectif mcgillois Midnight Kitchen (MK), notamment, a dû faire face à cette problématique. Depuis 2002, Midnight Kitchen combat l’insécurité alimentaire et la précarité étudiante, distribuant chaque semaine des paniers repas à la communauté étudiante. L’association met l’emphasesurlasolidaritéorganique, lajusticesociale,ouencorelaprotection environnementale, qu’elle se propose d’enseigner à travers différents ateliers.

Lemoisdernier,l’associationaouvert trois postes aux étudiants de l’Universitéenprévisiondelarentréed’automne 2025. Partageant les valeurs portéesparcecollectif,etétantparla même occasion à la recherche d’un emploi étudiant, j’ai naturellement candidaté à leur offre d’emploi. Mon profiln’afinalementpasétéretenu,et, accoutumée aux courriels de rejet, je n’ai lu que distraitement celui de l’association. Toutefois son contenu m’a interpellée. Car, d’après MK, au moinsunquart (25%)despostulants a eu recours à ChatGPT pour rédiger sa lettre de motivation et/ou son curriculum vitæ (CV). À ce sujet, j’ai interrogé Dania, membre du collectif

celable,maisplussubtile,«etsurtout, pasaussigénéralisée»,précise-t-elle. « Là, on a retrouvé plusieurs documents presque identiques, reprenant directement des éléments de la description de l’offre. C’était juste bizarre». Il va sans dire que ces candidatures n’ont pas été sélectionnées.

DanslecasdeMidnightKitchen,l’utilisation de l’IA s’est révélée contreproductive. Toutefois, on ne peut ignorer la quasi nécessité d’en faire usagedansuncontexteoùl’obtention d’un emploi étudiant relève presque du miracle.

La recherche d’emploi : un parcoursducombattant

« En fait, ça nous a assez surpris. L’utilisation de l’IA par les candidats était juste tellement évidente »

Dania, membre du collectif MK

Pendantprèsd’unan,Bryanna,19 ans, a multiplié les candidatures. En l’interrogeant sur ses qualifications, force est de constater que ce n’est pas le manque d’expérience qui lui a fait défaut. Avec trois années en service à la clientèle, elle a concentré ses efforts sur ce secteur. Et sur les 200 offres d’emploi auxquelles elle a postulé, seulement deux ont débouché sur un entretien.

Elleafinalementtrouvéunemploiau seind’unecompagniedetutorat,àraison de quatre heures par semaine. Si ce temps de travail ne la satisfait pas, elles’encontente,conscientedelapénurie actuelle d’offres d’emploi.

En effet au Québec, le nombre de postesàpourvoiraatteintsonniveau le plus bas depuis 2018, soit 119 175. Une pénurie d’emplois qui pénalise particulièrementlesplusjeunes,âgés entre15et24ans,dontletauxdechô-

« Le sentiment que, fournir des efforts pour produire une candidature qualitative, avec des compétences qui correspondent à la demande du recruteur, n’est plus récompensé »

depuis presque cinq ans : « Nous avions un profil très spécifique en tête: actif au sein de sa communauté et politiquement engagé. Les expériences bénévoles et personnelles étaient un atout. » De ce fait, l’utilisationdel’IAaétéparticulièrementdéroutante.Leslettresdemotivationrédigéesàl’aidedeChatGPTnepermettaient pas d’entrevoir la personnalité oulesconvictionsducandidat.«Cela semblait très impersonnel », avoue Dania, très étonnée lors de l’examen des candidatures. Les années précédentes,sonutilisationétaitcertesdé-

mages’élèveà14,2%en2025.Ventes en baisse, pouvoir d’achat réduit, tarifs douaniers : au coeur de ce contexte économique incertain, les recruteurs ne recrutent plus vraiment… De nombreux emplois n’ont passurvécuàcescoupesbudgétaires, enparticulierceuxàtempspartiel:16 500ontdisparucetteannée,audétriment d’un bon nombre d’étudiants.

Les postes disponibles, notamment en service à la clientèle ou dans l’alimentation, font donc face à une augmentation accrue de candidatures.

L’annonce de MK a cumulé près de 100 postulants, un nombre inhabituellement élevé pour l’association. Les jeunes à la recherche de leur premier petit boulot ont donc peu de chance de se démarquer face à des profils bien plus qualifiés.

Privilégierlaquantitéàlaqualité

Pour obtenir un emploi coûte que coûte, certains étudiants sont donc bien contraints de répondre à un nombre considérable d’offres, parfois sansvraimentprendreletempsdelire ladescriptionoulesattentesduposte. L’IA apparaît alors comme une aide bienfortuite.Les25postulantsdeMK ayant eu recours à ChatGPT étaient sans doute soucieux d’économiser du temps dans leur recherche d’emploi, espérant maximiser leur chance de déboucher sur une réponse positive. Piètre stratégie certes, mais légitime.

Au-delà d’une volonté de gagner du temps dans leurs recherches, il y a aussicetteimpressiond’unprocessus de recrutement complètement arbitraire. Le sentiment que, fournir des effortspourproduireunecandidature qualitative,avecdescompétencesqui correspondentàlademandedurecruteur,n’estplusrécompensé.Lemérite personnel ne semble plus prévaloir : le piston et les relations préalables constituent la voie royale pour être embauché. 80 % des emplois sont obtenus par le biais d’une connaissance personnelle ou professionnelle.

En ce qui concerne Bryanna, elle a effectué sa recherche d’emploi sans l’aide de ChatGPT, pour des considérations éthiques et environnemen-

tales. Cela dit, elle peut concevoir qu’un nombre croissant de postulants y aient recours. Après tout, c’est de bonne guerre : « un pourcentage élevé de candidatures doit très probablement être examiné par une IA », présume-t-elle.

Unmarchédel’emploiduvide

Effectivement, les employeurs ne s’en privent pas non plus. Afin

datures pour une seule offre d’emploi. D’après un rapport publié en 2025 par Indeed, 51 % des compagnies américaines y ont recours. Pour leurs voisins canadiens, le pourcentage s’élève à 27 %.

Beaucoup de postulants ont conscience de ne pas correspondre au profil recherché, mais tentent leur chance malgré tout. C’est un véritable cerclevicieuxquis’estcréé:lapénurie

« Cette sélection automatisée est devenue toutefois indispensable, compte tenu de la hausse de candidatures pour une seule offre d’emploi »

d’accélérer le processus de recrutement, les candidatures doivent passer par un logiciel informatique, lequelestparamétréetentraînéparla base de données de la compagnie.

S’opère alors un tri minutieux : les CV sans mots-clés spécifiques, incluant localisation géographique, compétence linguistique ou encore années d’expérience, sont rejetés d’office. L’IA ne conserve que les meilleurscandidats,quisontdèslors recommandés et priorisés pour un entretien. Un processus assez déshumanisant, puisque les logiciels sont incapables de détecter l’intelligence émotionnelle du candidat, qui doit apparaître notamment dans sa lettre de motivation.

Cette sélection automatisée est devenue toutefois indispensable, compte tenu de la hausse de candi-

d’emplois pousse les postulants à déposer leur CV n’importe où, souvent à l’aidedeChatGPT.Pourgérercettedemande accrue, les compagnies n’hésitent pas à les filtrer par le biais d’une IA.Lescandidatseux,continuentd’intensifier leur recherche.

Entoutcas,leclimatprofessionnelactuel est décourageant pour plus d’un. Daniaenabienconscience.C’estpourquoi « l’organisation a pour politique de répondre à chacune des candidatures, même si la réponse est négative »,m’a-t-elleassuré.L’intelligenceartificielle, quant à elle, n’a pas fini de redéfinir le marché du travail, et semble annonciatrice d’un effritement des liens organiques que nous entretenons les uns avec les autres. ̸

Dalia djazouli Contributrice

EILEEN DAVIDSON i LE DéLIT

Il est environ midi vingt-huit, le soleil brille de mille feux sur le campus de McGill et près de 138 étudiants se bousculent simultanément pour quitter les « décombres » de Leacock 132. Étonnement, la faim te prends la panse, et, du coin de l’œil, il est possible d’observer une icône mcgilloise, là, au loin : le « hot-dog man ». Rapidement, tu t’y rends et commandes ce que tous commandent, un hot dog, puis te diriges vers la table pour y garnir ton fantastique plat. Ketchup, moutarde, oignons: tout s’y trouve. Pourtant, un plat en particulier attire ton regard : la choucroute. Le plat est toujours plein ; mais qui en mange, et pourquoi? Qu’est ce que la choucroute de toute façon?

Eh bien, la choucroute est un accompagnement d’origine germanique qui, comme bien d’autres aliments du même genre, est soumis à un procédé de fermentation. Cette fermentation dénommée lactique est l’une des nombreuses variétés connues de ces méthodes de transformation bactérienne, parce que, oui, l’un des éléments principaux de la fermentation sont les bonnes bactéries. On retrouve celles-ci sur la surface des produits bruts, comme le chou, les concombres et même le lait! Cependant, la fermentation, c’est bien plus que le travail de certains microbes et légumes…

En effet, voici les différents éléments de base nécessaire à la fermentation lactique, ainsi que leur utilité dans le processus :

Les bonnes bactéries : Ce sont les mamans du processus de fermentation lactique. Elles travaillent jour et nuit pour produire les glucides et les carbohydrates dans le but de les réduire à leur plus petite forme pour se nourrir. En effet, puisque la fermentation lactique est une transformation anaérobique, elle ne nécessite pas d’oxygène, mais des glucides qu’elle transforme en acide lactique et en énergie. Cette énergie anaérobique libérée est alors la clé de la progression de la glycolyse débutée précédemment. Cette boucle crée un amas croissant d’acide lactique dans la solution, ce qui diminue le pH de l’aliment et le rend ainsi plus acide! Les types de bactéries trouvées dans le milieu de fermentation lactique sont habituellement les bactéries Lactobacillus, Pediococcus et Lactococcus.

Le glucose/l’amidon : Le glucose et les carbohydrates sont un peu comme la nourriture des bonnes bactéries, ils apportent ainsi de l’énergie lors du processus de fermentation et sont les victimes de la glycolyse. Dans un milieu aérobique, les bactéries se nourrissent de l’oxygène dans le but de décomposer les matériaux organiques sur lesquels ils sont disposés. Cependant, la fermentation lactique requiert un milieu anaérobique pour ainsi contrer les mauvaises bactéries pouvant apparaître lors du processus. L’acidité du milieu crée un environnement instable pour leur survie, ce qui prolonge la conservation de l’aliment! Cette acidification se stabilise habituellement autour d’un pH de 4.

On retrouve aussi d’autres types de fermentations, telle que la fermentation éthanolique (alcoolique), dont le nom seul devrait annoncer la direction dans laquelle cette méthode se dirige. Similaire à la fermentation lactique, l’alcoolique requiert cependant une levure, et non une bactérie, et transforme de fait les sucres en éthanol et en dioxyde de carbone. C’est ainsi que naissent les produits alcoolisés tant appréciés par les Français, les Anglais, les Allemands, ou bien les traditionnels Québécois amateurs de « Tite Frette ». On utilise aussi cette technique dans le procédé du pain artisanal au levain, ce qui démontre sa versatilité!

Kimchi : Plat coréen consistant de légumes fermentés. Le kimchi est souvent connu sous sa forme traditionnelle de chou napa (Baechu-Kimchi) fermenté, tranché ou en feuille complète, mais il existe un énorme éventail de légumes utilisés dans sa création, comme le kimchi d’oignons verts (Pa-Kimchi), de radis (Kkakdugi) ou encore de feuilles de moutarde (Gat-Kimchi). Il peut être fait épicé (grâce au gochugaru et gochujang) ou « blanc » (dans un jus clair).

Où? H-Mart Ste-Catherine (Downtown), MTLKFOOD, Lee N Kim, Marché K, Marché C&T, Marché Eden, Marché T&T

Recettes? Maangchi – Youtube et son blog

Choucroute : Faite de chou fermenté, elle est habituellement utilisée en accompagnement avec les sandwichs, assiettes de viandes ou les assiettes du genre Ploughman. Elle est habituellement non épicée, mais peut être accompagnée de moutarde, d’épices ou de raifort, ce qui élève sa saveur d’un ton!

Où? Rachelle-Béry, Marché Avril, Épicerie PA Nature, Marché Adonis

Recettes? Daring Gourmet, Holmen / Lofoten

Kombucha : Un thé fermenté sucré probiotique qui est légèrement pétillant et offert en version avec ou sans sucre. Le kombucha originaire de Chine connaît une montée en popularité remarquable!

Où? Partout!

Recettes? You Brew Kombucha, American Homebrewers Association – Blog

Natto : un aliment consistant de fèves de soja fermentées, de consistance collante et filamenteuse. Son goût est très polarisant, mais habituellement est vendu en magasin dans des petits plats de styromousse, accompagné d’huile de sésame et de moutarde, ou de sauce soya. Le natto est couramment mangé avec du riz et vient en petites portions d’environ une demitasse, démontrant son goût puissant!

Où? H-Mart Ste-Catherine (Downtown), Marché K, Sushi Dépanneur sur Mont-Royal, Marché T&T, Marché C&T

Le sel : Dans cette grande boucle de microbes, le sel semble jouer un rôle uniquement gustatif, mais il ne faut pas s’y laisser prendre : il est beaucoup plus utile que cela! Effectivement, le sel aide à l’inhibition de la croissance de bactéries inutiles lors du procédé de fermentation. Il aide à retirer l’excédent d’eau des légumes, ainsi que les mauvaises bactéries du même coup. Les sels conseillés pour les recettes de fermentations sont habituellement des sels non-iodés, du genre kasher, gros sel à marinade ou de mer, puisque l’iode peut avoir un effet défavorable sur le résultat final.

Nguyen LE DéLIt

Cornichons fermentés : Différents des cornichons traditionnels que l’on retrouve dans les épiceries, puisqu’ils n’utilisent habituellement aucun vinaigre et présentent une marinade de visibilité plus trouble. Le goût? Croquant, sûr et portant la saveur classique du ferment en avant-plan. Les cornichons fermentés existent sous forme sûre et semi-sûre (Malossol)!

Où? Rachelle-Béry, IGA, Marché Euro Market, Marché La Branche D’olivier

Recettes? Cornichons Malossol

Pain au levain : Ne nécessite pas tant d’explications, c’est en effet un pain, comme les autres, mais il utilise le levain comme source de nutriments pour lever. Le pain au levain est habituellement plus « présent » en bouche, offre une texture plus rebondissante sous la dent et une croûte plus croquante. Contrairement au pain à la levure traditionnelle, le pain au levain est plus facile à digérer grâce au processus de fermentation présent.

Où? Plougastel, Rachelle-béry, Boulangerie Artisanale 773 Beaubien

Recettes? The Perfect Loaf, Farmhouse on Boone ̸

Elie

Faut-il boire pour s’amuser?

La croissante sobriété des étudiants redéfinit leur façon de profiter des soirées.

Faut-il absolument avoir un verre à la main pour profiter d’une soirée étudiante? Pour Benji, étudiant à la faculté des arts de McGill, la réponse est claire : « Oui! Tu ne peux pas aller en boîte de nuit sans boire, on apprécie beaucoup mieux pompette! » Pourtant, de plus en plus de jeunes ne boivent plus–ou du moins, plus autant qu’avant. Selon une enquête réalisée par le gouvernement Canadien, il y aurait eu une diminution de 74 % par rapport au cycle 20192020 concernant la consommation d’alcool au cours des 30 derniers jours.

D’après le rapport, il y a plusieurs causes à cette récente baisse. Une des principales raisons invoquées est la diminution des rendez-vous sociaux (79 %), ou encore une volonté d’économiser de l’argent (16 %). D'autres arguments qui sont apparus au cours des entretiens pointent vers une question de goût, et une certaine appréhension de perdre le contrôle.

Pendant longtemps, boire en soirée était une norme sociale implicite. Rien de mieux qu’un shot pour entamer la fête. Mais qu’en est-il maintenant?

Boire pour socialiser

Pia, une autre étudiante à McGill, donne son avis : « Ça dépend surtout de combien tu veux t’intégrer dans un groupe, et de combien

à table

ce groupe boit », explique-t-elle. Selon Pia, l’alcool peut jouer un rôle dans la socialisation, pas différent de celui de la cigarette. « Quand tu es dans un groupe de fumeurs et qu’ils partent en pause, mais que toi tu ne peux pas supporter l’odeur du tabac, tu perds des moments importants et c’est plus dur de s’intégrer. C’est similaire avec l’alcool, ajoutet-elle, si tous les autres membres du groupe boivent, il y a une certaine pression à se conformer ». Elle admet cependant n’avoir jamais été victime d’une telle pression.

Même lors de la semaine d’intégration, Frosh – pourtant un événement où la consommation d’alcool est mise en avant – les organisateurs offraient toujours des alternatives. Aujourd’hui, il n’est pas exceptionnel qu’un étudiant décide de passer une soirée sans alcool. Les témoignages recueillis sur le campus auprès de telles personnes attestent que ce choix est généralement respecté par leurs amis.

Apprécier la soirée sobre

Un sentiment récurrent chez les étudiants interrogés est que boire avant d’aller en boîte de nuit leur permet de se sentir moins gêné, de relâcher la pression. Il sert aussi, pour certains, à mieux apprécier la musique et le cadre. Mais cet argument cache un certain paradoxe. Comme le souligne Pia, « si mes potes arrivent en boîte sobres, ils vont trouver la musiquemédiocreetvontvouloirpartir».Elle

s’esclaffe, un peu exaspérée : « Moi, je sais très bien que c’est exactement la même chose qu’ils trouvent “trop cool” quand ils sont bourrés. » Selon elle, choisir de rester sobre oblige au contraire à porter davantage attention à l’environnement et à l’expérience de la soirée. Cela permet, avec le temps, d’apprendreàprofiterréellementdumomentsans

dépendre de l’alcool. Une compétence que, d’après Pia, beaucoup d’étudiants négligent, faute d’oser affronter la boîte de nuit sans ce coup de pouce préalable. ̸

hÉLOISE DURNING

Contributrice

Les légumes, c'est la saison

CLa

colère des communautés autochtones face au gouvernement Legault.

e samedi matin au Marché Atwater, la première brise automnale se répand autour des étals. Les feuilles mortes ne se ramassent pas encore à la pelle, mais les rayons des courges et des citrouilles annoncent le début de l’automne. Cette période de l’année est particulièrement avantageuse pour les consommateurs : on peut encore savourer des légumes de l’été sans se priver des produits automnaux. Les bonnes fraises du Québec sont toujours disponibles pour un petit peu de temps, tandis que les choux sont là pour durer. Un constat qui demeure autour des cultivateurs est que, pendant les deux semaines à venir, tout reste de qualité. Profitez, cela va passer en un clin d’œil.

Pour certains légumes au Québec, la fin de septembre est synonyme du dernier souffle. Cela est notamment le cas des tomates fraîches. Une fois que le plein gel arrive, c'est-à-dire que les températures baissent bien en dessous de zéro, la récolte prend fin. Comme l’explique Lyne, une employée de la Ferme Lucie Pinsonneault, « les premières gelées nocturnes, avec des températures atteignant -2°C ou -3°C, commencent généralement vers le 15 octobre». Et, comme elle me l’a précisé, contrairement aux légumes comme les oignons ou les carottes, les tomates ne se conservent pas bien au réfrigérateur. C'est maintenant ou jamais pour les tomates fraîches du Québec. Sinon, il y aura toujours des tomates insipides importées pour le reste de l’année.

Tandis que, pour certains légumes, la fraîcheur signifie la fin de récolte, pour d’autres, elle en annonce le début. Un cultivateur de pommes, Alain Dauphinais, qui opère au marché Atwater depuis 45 ans, se réjouit particulièrement de ce refroidissement. «On avait hâte qu'il commence à faire froid», me confie-t-il. Pour les pommes, c’est la baisse de température qui est essentielle à la récolte, puisque « ça prend des

nuits fraîches pour que la pomme rougisse». Sans cela, les pommes n’ont pas l'occasion de mûrir et se sucrer naturellement. Voilà pourquoi à leur kiosque, la demande des pommes plus sures – comme les Bencraft –arrive plus tôt dans la saison.

Pour les étudiants de première année qui n’ont pas la chance d’avoir leur propre cuisine, ne vous inquiétez pas, vous aussi avez l'opportunité d'apprécier les légumes frais et locaux. Cela est permis par l’initiative McGill nourrit McGill (McGill Feeding McGill).

Au cours du semestre d’automne, les chefs des cafétérias résidentielles collaborent minutieusement avec la ferme du campus Macdonald afin que la récolte des fruits et légumes soit proposée quotidiennement dans les menus. Cela offre une variété pour les cuisiniers tout en limitant l'empreinte environnementale de l’Université. D’après Nicholas Farkas, le chef exécutif de la cafétéria de New Residence Hall, lorsque la saison est bien lancée, les récoltes de la ferme Macdonald peuvent occuper 25 % des produits offerts dans les cafétérias. Pourvu que cela dure. ̸

MILAN MCcarthy

Pour les cultivateurs du Marché Atwater, la saison estivale au Québec a été remarquée par sa sécheresse, une tendance qui suit les années précédentes. M. Dauphinais, qui cultive aussi des tomates et des fleurs, n’a plus d’autre option que d'arroser ses terres artificiellement. « On ne l'attend pas, la pluie, parce que des fois, si tu attends trop longtemps, tu vas perdre tes produits », me raconte-t-il. L'essentiel est que les agriculteurs ne perdent pas leur récolte, ils ont donc recours à l’irrigation goutte-à-goutte ou à l'arrosage. « Pas le choix », conclut-il.

Contributeur

Eileen Davidson I LE DéLIT
Toscane ralaimongo I LE DéLIT

culture

exposition

Quand l’art fait parler les absences

Retour sur la Biennale d’art contemporain Éloges de l’image manquante.

Faire chanter les voix étouffées, et laisser hurler le silence. C’est avec cet objectif qu’a été lancée, le mercredi 10 septembre, la 19e Biennale d’art contemporain MOMENTA, intitulée : Éloges de l’image manquante

Déployée dans 11 lieux différents à Montréal, cette exposition met en avant les projets de 23 artistes issus de 14 pays, quatre provinces et cinq communautésautochtones.Cesderniers se retrouvent autour d’une ambition

commune : pointerdudoigt l’absence, le silence, et les récits écartés.

Le vendredi 12 septembre, la commissaire de l’exposition, MarieAnn Yemsi, ainsi que le photographe britannique Lee Shulman ont participé à une visite-rencontre au Musée d’art contemporain de Montréal (MAC) permettant de présenter la Biennale ainsi que leur vision artistique.

«Imaginerl’histoireautrement»

Letonestdonné,Marie-AnnYemsi amorce la rencontre en exposant son approche : « Ce sont des sujets graves,

cinéma

liés à l’histoire, mais ils sont traités avec l’idée que celle-ci est vivante, et peut toujours être repensée. À travers lesœuvresdesartistes,nousfaisonsle pari d’imaginer l’histoire autrement quetellequ’ellenousaétéracontée.En apercevoirlesmanques,leslacunes,les invisibilisationsetlespointsnoirs.»

LeprojetBeingThere deLeeShulman et du photographe sénégalais Omar Victor Diop en est l’illustration parfaite.L'œuvreenquestion:unecollectiondeplusieursdizainesdephotographies des années 1950 sur lesquelles des modifications ont été réalisées, à savoirl’ajoutd’unpersonnage…

Au cours de la visite-rencontre, Shulman a expliqué son processus créatif devant une trentaine de personnes : «En voyant les archives de photos des années1950et1960auxÉtats-Unis,je mesuisditquequelquechoseclochait. Ces photos présentent des moments d’après-guerre, donc généralement joyeux,maislesclichésretranscrivent aussi une énorme tristesse : celle de la ségrégation.Àtraverscesvieillesphotos,onvoitdebellesimagesdefamilles africaines-américaines et blanches, maisonnevoitjamaiscesdernières,en même temps, cohabiter. » L’artiste constate donc un « vide » présent sur les images des familles de la classe moyenneaméricaine,etdécidedecom-

blercetespace.«Enfumantunecigarette, assis contre une voiture avec Omar, j’ai réfléchi à ce vide, à cette placemanquantedanslesphotos,etje lui ai dit : ça aurait dû être ta place, ça»,raconte-t-il.

Àpartirdececonstat,lesdeuxartistes liés d’amitié se sont embarqués dans une aventure de plus d’un an, afin de reproduire les poses et insérer Omar sur chacune des images d’origine, voulant rétablir l’équilibre, et redonner un espace aux personnes qui ont étésilongtempsécartées.

«Onafaituntravailénorme,avecdes stylistes, des spécialistes des lumières,pourfairecommesiOmarfaisait partie de ces images, de ces instants. » Un pari particulièrement réussi : impossible de distinguer l’ajout d’Omar dans les photos, qui sembleavoirfaitunbondde75ansen arrière. Des images grinçantes qui produisentunrésultatmélangeantcomédie et tragédie, car, si Omar Victor Diopsemble«fairepartie»delacommunauté présente sur chaque photo, il ne fait qu’incarner le vide et la divisioncauséeparleracismesystémique del’époque.

Àquelquespasdel’UniversitéMcGill, cette exposition, accessible jusqu’au 8 mars 2026, mérite le détour. Le

MACoffreuneoccasionrare:voirlacollection des deux artistes réunie dans sa quasi-intégralité.

En plus de la collection, vous pourrez aussi profiter de quatre autres œuvres : Bêtise humaine, le projet cinématographiquedel’artistelibanaisecanadienne Joyce Joumaa ; l’installation Nuna Aliannaittuq de l’artiste inuvialuk MaureenGruben;lesimagesintrigantes duprojetLevitatedel’artistecolombien IvánArgote;ainsiquel’essaicinématographique Un calendrier incomplet de l’artiste iranienne Sanaz Sohrabi. Des projets qui parlent, qui donnent une voix au silence, et qui invitent à repenser la mémoire,l’histoire, et la justice sociale. ̸

L’Été où je suis devenue accro à une série

Comment The Summer I Turned Pretty a réussi à captiver les écrans et les esprits.

Mercredisoir,commetousles mercredis depuis maintenantneufsemaines,mescolocataires et moi étions affalées sur le canapé, prêtes à savourer l’épisode finaldelasériequinousafaitfrémirtout l’été:TheSummerITurnedPretty(ou L’été où je suis devenue jolie en français). Après une très longue attente, le suspens était à son comble : l’héroïne allait-elle finir avec son premier amour, après avoir rompu ses fiançaillesaveclefrèredecedernier,oune choisir personne, et avancer seule en tantquefemme?

Lola Tung, dans le rôle d’Isabel Conklin,surnommée«Belly»,estunejeune femme américaine prise dans un triangle amoureux avec les deux fils de la meilleureamiedesamère.Adaptéede latrilogiedelaromancièreJennyHan –égalementcréatricedelasérietélévisée – l’histoire se déroule sur trois saisons.Laviedesonhéroïneyestracontée:dupassagedel’adolescenceàl’âge adulte,dusecondaireàlavieuniversitaire, en passant par les premiers amours,lesamitiésdurables,ainsique le deuil. Tout l’été, la promotion de la sérieaenflammélesmédias,etparticulièrementlesréseauxsociaux.Lorsque j’ai découvert la trilogie il y a maintenantplusieursannées,l’histoireneme

paraissait pas bien différente du reste des (médiocres) fictions romantiques quejelisaisàl’époque.Alorspourquoi, cinqansplustard,jemeretrouvescotchée devant mon écran, fascinée par les personnages, leurs décisions et leurshistoires?

Je semble avoir trouvé deux réponses à ma question. La première repose sur

la stratégie de communication particulièrement remarquable de la série. Diffusée sur la plateforme Prime Video– qui s’est démarquée de son concurrent Netflix en arborant le programmecommevitrinedepuisjuillet–L’étéoùjesuisdevenue jolie a vu sa popularitégrimperrapidement.Desmagazines, tels que Vogue, ont vite saisi l’enjeu. Certains éditeurs de la revue

analysent l’impact de la série sur notre vision de l’amour, du deuil, et du passage à l’âge adulte, tandis que d’autres publient les « 62 pensées quej’aieuesenregardantlafinale[de lasérie](tdlr)».SurTikTok,demultiples géants, tels que la National BasketballLeague(NBL)etdiverses équipes de la National Football League, reprennent des références et des codes de la série pour attirer un public plus vaste, et les inclure danslapromotiondeleurscontenus.

Celanousamènedoncàladeuxième réponse à ma question, qui est tout simplement qu’au moment où je regarde ces épisodes, je n’ai plus 16 ans, mais 21 ans. La réussite du programme se montre dans la facilité avec laquelle on arrive, nous, jeunes adultes,às’identifieraurécit.Onretrouve ainsi une certaine prouesse de Jenny Han dans l’élaboration des scènes, qui a réussi à capter l’essence d’une jeunesse authentique : les dialogues, bien que parfois maladroits, les jeux de regard et les hésitations, les voix qui se cassent, et surtout, des physiques naturels, éloignés des standards idéalisés, particulièrement chez les personnages féminins. Accompagné d’une bande-son pertinente, au revers

nostalgique et ponctué de clins d'œil à notre génération, notamment avec des chansons de Taylor Swift, chaque épisode de la série se consomme avec légèreté, excitation, et nous donne un sourire en coin.

Pour ceux qui ne l’ont pas encore regardé, je ne vous dévoilerai pas ce que l’on apprend dans l’épisode final de L’Été où je suis devenue jolie. Ceci dit, je partagerai volontiers ce qui m’a traversé l’esprit en éteignant la télévision. À 21 ans, comme Belly, comme moi, comme vous, on a le luxe du temps : celui d’essayer, d’échouer, de se tromper, et de recommencer. Pour moi, ce n’a pas été pas l’été où je suis devenue jolie, mais plutôt l’été où j’ai remis certains choix en question, l’été où l’idée de grandir m’a fait peur, l’été où j’ai appris de mes erreurs ; finalement, c’est l’été où j’ai compris que terminer l’université, ce n’est pas la fin du monde, c’est plutôt l’amorce de ce qui est à venir.

LestroissaisonsdeL’étéoùjesuisdevenuejoliesontdisponiblessurPrimeVideo,moyennantunabonnement.̸

LARA CEVASCO Coordonatrice de la Correctiom

Vincent maraval Rédacteur en
LARA CEVASCO i LE DéLIT
VINCENT MARAVAL i LE DéLIT
THE ANONYMOUS PROJECT

Malaika

Première

: fragments de mémoire et résistance

L’exposition Il était une fois Malaika, l’histoire d’une fille isolée, d’un peuple oublié.

Unpasdanslasalle,puisnous voilà au parc Ambroise Boimbo (1930 - 1981), Congo, en compagnie de Malaika Première.Lanouvelleexpositiondu centre d’image contemporaine VOX,signéeMoridjaKitengeBanza, rassemble mémoire et imaginaire. L’artiste montréalais d’origine congolaise nous fait vivre une expérience où les époques se confondent. Guidés par une princesse qui voyage dans le temps, Malaika, les visiteurs découvrent des récits réinventés qui proposent une relecture de l’histoire officielle. L’expériencenousinviteàressentir, voire à écouter autrement le passé. C’est une proposition artistique qui déstabilise notre façon de penser.

La galerie occupe le quatrième étage de l’édifice. Loin du tumulte de la rue Sainte-Catherine, le lieu respire le calme. Dès la sortie de l’ascenseur, le vacarme de la ville disparaît et laisse place à un profond silence . La salle est tapissée de gazon synthétique. Et dans l’air, le gazouillement instaure une atmosphère pastorale. Il ne manque que l’odeur de la terre humide pour se croire réellement dehors. Ici, on

RÉFLEXION

ressent l’espace avant même de regarder les œuvres.

Aucentredelasalle,lastatuedeMalaikaPremièresedresse,imposante et mystérieuse. Sa tête disparaît sousdelargesfeuillesd’hévéa.Dans sa main droite, une carte redessine l’Afrique telle qu’elle existait avant le partage colonial de la conférence de Berlin, tandis que dans l’autre, le sabre repris au roi Baudouin en 1960estlesymboled’unpouvoirreconquis. La sculpture va au-delà d’une représentation des faits en proposant de réinventer l’histoire. En arrière-plan, une projection du parc Ambroise Boimbo ouvre l’espacecommesionpouvaits’yrendre à la marche.

Durantlavisite,lespectateurestinvité à lire un court récit. Ce conte, quiportelemêmenomquel’exposition, Il était une fois Malaika, suit la princesse qui voyage dans la nuit à traversdesmondeshantésparlecolonialisme. Elle traverse des forêts habitées, rejoint les villages marrons mentionnés, s’aventure jusqu’au palais des objets volés. Conçu pour le jeune public, le conte rend l'œuvre accessible à tous. L’ap-

proche par le récit merveilleux prend la place des manuels d’histoire et ressuscite des récits effacés des victimes du colonialisme.

Unepisteaudiocomplèteledispositif.Lavoixenregistréerevientsurla statue, éclaire les intentions de l’artiste, explique les symboles. Sans imposer d’interprétation, elle propose un chemin de lecture qui ac-

compagne la marche et relie chaque partie de l’installation.

Moridja Kitenge Banza signe ici un projetambitieuxquivaplusloinque lesexpositionsclassiques.Enmêlant sculpturemonumentale,projections etnarration,l’artistecréeunlangage propre pour aborder des sujets plus sensibles.Lesplusjeunesytrouvent une aventure captivante, les adultes

une réflexion nécessaire sur les silences de l’histoire. Cette approche multisensorielle transforme le quatrième étage du centre VOX en un lieu oùlamémoirerésisteendouceur.

L’expositionestouvertedu10septembre au 29 novembre 2025, du mardi au samedide11hà17h.Entréegratuite. ̸

Jiayuan cao Éditrice Culture

La culture à l’ère des écrans

Une culture fragmentée peut-elle encore nous rassembler?

Qu’est-cequelaculture?C’est ce trésor commun dans lequel tous puisent et auquel chacun peut contribuer. C’est ce chemin de désir qui se trace sous les doigts des lecteurs, qui élisent les classiques en tournant les pages. Unelecture–unvisionnement–est à bien des égards un vote dans cette instance démocratique que l’on appelle la culture.

La culture a ses jalons que nous appelons des référents ; ces référents, qui étaient jadis des histoires contées, chantées, écrites, se retrouvent aujourd’hui propagés et déterminés par le biais des écrans. Une histoire qui aurait mis des semainesàfaireletourduvillagepeut en quelques jours faire le tour du monde.

La promesse d’Internet était celle d’une grande démocratisation ; à l’ère des géants du Web, nous savons aujourd’hui qu’il n’en sera rien.

Le commerce de l’attention

Depuis longtemps le lectorat renielessuccèsdits«commerciaux», qu’il oppose à un succès plus franc,

plus profond, et de plus longue durée. Si la critique et l’édition peuvent se tromper sur le court terme, un lectorat plus large finit souvent par corriger leurs erreurs de jugement.

La technologie avance ; la société augmente sa production de toutes choses, y compris de culture. Le tronc commun de la culture se divise, les référents se multiplient. Une culture qui se fragmente peutelle encore nous rassembler?

L’algorithme de recommandation des plateformes numériques maximise le temps d’écran en se faisant la plus précise idée de nos goûts personnels. Ces algorithmes deviennent des conseillers omniprésents, dirigeant notre attention vers telle ou telle information qui risque de piquer notre intérêt. Ce faisant, ils réunissent au même endroit les internautes, au-delà des frontières, en fonction de leurs goûts, de leurs opinions et intérêts.

L’ère du numérique est cependant aussi celle d’un présent continu, d’une amnésie collective, de la relativité culturelle. Puisque pour l’algorithme, tout contenu se vaut,

pourquoi les plateformes feraientelles la promotion de contenu qui fait réfléchir? Promouvoir un livre ou un artiste pousse les internautes hors de la portée toujours grandissante des plateformes. Pour Meta, bannir les médias d’information au Canada était tout autant une affaire de responsabilité fiscale que d’attention. Bien que les contenus médiatiquesvérifiésnesoientplusdisponibles sur les plateformes, peu sont ceux qui ont fait le saut entre leur fil d’actualité et la presse numérique.

Pourquoi lire les classiques?

Lire est un acte tout autant culturel que politique. Choisir de donner son attention à une œuvre particulière, c’est la pousser un peu plus près du panthéon de la culture commune.

Pourquoi lire les classiques? Dans son recueil d’essais éponyme, Italo Calvino nous laisse cet indice:«Principe numéro 13) Est classique ce qui tend à reléguer l’actualité au rang de rumeur de fond, sans pour autant prétendre éteindre cette rumeur. » Je rajoute à ceux de Calvino un 15e prin-

TOSCANE RALAIMONGO i LE DéLIT

cipe:les classiques forment ce tronc commun qui nous arrache au présent pour nous rappeler que nous ne sommes, comme dirait Joyce, « ni premier ni dernier ni seul ni unique dans une série ayant son origine dans l’infinité et se répétant à l’infini » (Ulysse, p.1120).

Ce qui se produit aujourd’hui sera un jour classique, cela ne fait aucun doute. Il faudra cependant ac-

corderàcesœuvrescontemporaines un délai de maturation, le temps que les idées cheminent dans l'inconscient collectif. Il faut laisser au présent le temps d’acquérir son caractère nostalgique.

Ces futurs classiques sont, à beaucoup d’égards, à la merci de notre attention collective. ̸

BODGAN SAVA Contributeur

Jiayuan cao i LE DéLIT

Ode photographique à Montréal

Retour sur l’exposition Battre le pavé. La photo de rue à Montréal.

Originaires de Montréal ou étudiant·e·s étranger·ère·s de passage, nos quotidiens sont bercés par les humeurs de la ville. Ses mouvements sociaux, les terrasses de son Vieux-Port, sa Place des Arts baignée de musique, ses transformations démographiques, les rues du Plateau qui, à l’arrivée de l’été, se piétonnisent et se parent de guirlandes, ses travaux, ses festivals, sa vie nocturne, ses bouches de métro et pistes cyclables, ses parcs, ses fresques murales, ses changements de couleur à l’aube de l’automne, puis de l’hiver… Autant de fragments qui composent la mosaïque vivante qu’est Montréal. L’exposition Battre le pavé. La photo de rue à Montréal est une célébration de cette mosaïque, une tentative – plus que réussie – d’en retranscrire des bribes entre les murs du Musée McCord Stewart de Montréal. Depuis le 18 avril, et ce, jusqu’au 26 octobre, les 400 clichés exposés attestent de l’histoire de la ville, de ses quartiers, de son ambiance, de sa diversité et de son tissu social, du 19e siècle à nos jours.

Un des premiers panneaux de l’exposition indique que, dans les années 1980 et 1990, Jean-François LeBlanc, alors photographe pour Voir – un ancien magazine culturel hebdomadaire distribué gratuitement – proposait sur sa page de sommaire une série de photographies de rue témoignant de l'actualité et de l’ambiance des rues montréalaises au cours des derniers jours. Humblement photographe pour Le Délit – journal étudiant hebdomadaire francophone distribué gratuitement (!) – je vous suggère une sélection de quelques-unes des photographies de rue exposées dans Battre le pavé ; une invitation à entrevoir les projets artistiques entrepris par des photographes désireux·ses de capturer le quotidien des Montréalais·es à travers leur objectif.

Cette intersection du boulevard Saint Laurent et de la rue SaintAntoine (Craig, à l’époque) est celle où se trouvent aujourd’hui les bureaux de La Presse. En 1895, voici à quoi elle ressemblait. À la fin du 19e siècle et au début du 20e, de nombreux·ses photographes, dont William Notman, se sont appliqué·e·s à documenter, par la photographie, les transformations de l'aménagement urbain de Montréal – leurs appareils comme témoins de la métamorphose de la ville en métropole.

De façon analogue, le photojournaliste Harry Sutcliffe transformait les négatifs de ses clichés en cartes postales photographiques numérotées, titrées et signées de ses initiales à la main. Celle-ci en est une du square Phillips, prise vers 1935.

À cette période, la transformation de terrains en espaces de loisir accessibles au public s’inscrivait dans un vaste mouvement de réforme municipale, destinée à atténuer les effets négatifs de l’industrialisation rapide et de la croissance démographique. La photographie, et particulièrement sa diffusion sous forme de cartes postales, permettait non seulement d’archiver ces aménagements dans les annales urbaines, mais aussi d’en diffuser l’image outre les frontières de la ville.

Photographier les tournants historiques

Photographier pour faire valoir des revendications

Si certain·e·s photographes ont capturé le bâti montréalais, d’autres ont pointé leur objectif sur l’humain qui l’habite. La photographe Liv Mann-Tremblay, initialement sceptique quant au plaisir des sujets à être photographiés, confie que, avec son expérience, elle observe qu’ils sont en réalité « reconnaissants d’être vus (tdlr) ». Battre le pavé met en lumière les œuvres de photographes dont le projet artistique est de rendre, par leur photo, des causes et messages visibles.

C’est l’ambition de Serge Emmanuel Jongué. Au début des années 1980, il photographie les rassemblements de membres de la communauté haïtienne de Montréal, mobilisé·e·s contre la discrimination raciale dans l’industrie du taxi. L’objectif : placer leurs revendications au centre de l’attention du reste de la société québécoise. Cette photo a été prise le 27 juin 1984.

En juillet 1976, Leon Llewellyn immortalise sur un film couleur 35 mm le défilé du carnaval antillais de Montréal, hommage festif à la culture antillaise et forte manifestation de son affirmation identitaire. Ses images contribuent à offrir à la communauté internationale une occasion de prendre connaissance des initiatives des communautés noires de la ville et de les inscrire dans la mémoire collective.

Le 28 avril 1945, des Montréalais·es se réunissent rue Peel pour célébrer la fin de la Seconde Guerre mondiale avant même la déclaration officielle d'armistice du 8 mai. Ronald E. Fleischman capture cet instant à travers son objectif. Son projet photographique, à l’instar de plusieurs de ses contemporains, permet de matérialiser visuellement l’impact d’événements d’envergure mondiale sur les populations à travers le temps. L’œuvre de Fleischman nous offre, 80 ans plus tard, une occasion de capter les émotions de la foule montréalaise à l’annonce de la fin des combats.

Il ne s’agit là que d’une brève sélection. Bien d’autres projets photographiques exposés dans Battre le pavé. La photo de rue à Montréal nous permettent de plonger dans l'effervescence de la ville à travers le temps, et d’en apprécier ses évolutions et sa complexité.

Le Musée McCord Stewart est ouvert du mardi au dimanche de 10h à 17h et l’entrée de l’exposition est à 15 $ sur présentation d’une carte étudiante. Ce dimanche 28 septembre, entre 13h et 17h, le musée propose la projection de trois films sur la photographie à l’occasion de la Journée de la culture. Ils seront commentés par Zoë Tousignant, conservatrice en photographie et commissaire de l’exposition. Une réservation est obligatoire, mais l’entrée est gratuite!̸

Toscane RALAIMONGO Photographe

Serge Emmanuel Jongué
Leon Llewellyn
Ronald E. Fleischman
William Notman
Harry Sutcliffe
Photographier l’évolution du bâti de la ville

ROSE

ML’Autre Bout du monde : un périple pour prolonger l’été

Entrevue avec l’autrice Maryse Pagé.

Une escapade routière ensoleillée à bord d’une vieille Coccinelle jaune en compagnie d’une dame et son bulldog français : c’est l’histoire de Mira, 17 ans, s’étant engagée à conduire Marguerite, 69 ans, en Gaspésie, qui est racontée dans L’Autre Bout du monde. C’est durant ce trajet que les deux femmes apprendront à se connaître, faisant ressurgir d’anciens secrets.

aryse Pagé est une autrice prolifique de romans jeunesse, connue notamment pour Rap pour violoncelle seul, paru en 2020. L’Autre Bout du monde, son tout nouveau livre, est arrivé en librairie le 16 septembre dernier. Le Délit s’est entretenu avec elle afin d’en savoir davantage.

Le Délit (LD) : Comment avezvous abordé cette nouvelle publication après Rap pour violoncelle seul qui a connu un grand succès?

Maryse Pagé (MP) : Ça fait peur, c’est sûr, quand on a connu un grand succès. Si on connaissait toujours la recette d’un succès, on l’appliquerait, mais on ne sait jamais, ça dépend de tellement de choses. La peur, il faut pas que ça t’arrête.

LD : Quelques thématiques reviennent dans L’Autre Bout du monde : les amitiés intergénéra-

caLENDRIER

CONCOURS PERFORMATIVE MALE

Le 26 septembre, un concours de performative male (homme performatif)auralieusurlecampusdeMcGill. Les participants se disputeront le titre du costume et de l’attitude les plus proches d’un de ceux d’un performative male, terme né sur les réseaux sociaux.

Quand:Le26septembre,à14h

Où:LowerfielddeMcGill

COMPÉTITION DU CLUB DE LAITUEDEMCGILL

Ce vendredi 26 septembre, le Club de laitue de McGill (Lettuce Club McGill) organisera la 5e édition de son concours annuel. L’objectif est simple : ingérer une laitue – d’au moins 600 g – le plus rapidement possible. L’ouverture de la pesée des laitues aura lieu à 12h30, et le concours aura lieu à 13h.

Quand : Le 26 septembre, à 13h

Où : Lower field de McGill

tionnelles, la quête de soi… Ce sont des sujets sur lesquels vous revenez souvent. Pourriez-vous expliquer pourquoi?

MP : Oui, les relations intergénérationnelles, c’est plus fort que moi. Sans vouloir me psychanalyser, je n’ai jamais connu mes grands-parents, mes enfants n’ont à peu près pas connu les leurs. Je pense que c’est un manque dans ma vie que j’essaie de combler, et je trouve que les ados et les aînés peuvent beaucoup s’apporter les uns aux autres. Dans L’Autre Bout du monde, c’est l’histoire d’un road trip, complètement différent de Rap pour violoncelle seul, mais c’est vrai que Mira est une adolescente, accompagnée de Marguerite, plus âgée. Dès que t’écris pour des ados, la quête de soi, ça revient évidemment : je pense que ça fait partie de cette étape-là de la vie.

LD : Qu’est-ce qui vous a poussée à écrire L’Autre Bout du monde?

MP : Premièrement, j’adore les road trips, j’adore les films comme Thelma et Louise ou Little Miss

Sunshine. J’avais le goût d’écrire un livre qui est un road trip – mais avec de la matière. Dans la vie, j’écris sur ce qui me dérange.

Vos prochaines sorties

Événements à venir sur le campus et à Montréal.

THÉÂTRERAP

LapremièredelapièceMommy,leretour d’Olivier Choinière aura lieu le 25 septembre à 20h au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui (CTD’A). La pièce contient des chansons originales d’Eman (Alaclair Ensemble) et du lip sync pour créer une pièce de théâtre-rap en écho à la montée des discoursréactionnaires.

Quand:Le25septembre,à20h

Où:CentreduThéâtred’Aujourd’hui

SEMAINES DE SENSIBILISATION AUX CULTURES AUTOCHTONES

Jusqu’au 30 septembre, plusieurs activités et tables rondes sont offertes par le Bureau des initiatives autochtones dans le cadre des Semaines de sensibilisation aux cultures autochtones. Cette année, le thème de l’événement souligne le 10e anniversaire du rapport final sur la Commission de réconciliation et vérité du Canada . Les activités sont sur inscription seulement.

Quandetoù:Dèsmaintenant,jusqu'au 30septembre,surlecampus

FESTIVALINTERNATIONALDE MUSIQUEPOPMONTRÉAL

Du 24 au 28 septembre, l’espace POP, situé dans le Mile End, accueillera la 24e édition de son festival international de musique POP Montréal.Auprogramme:boutiques éphémères, concerts, lancement d’albums, défilés… Réservez vos places dès maintenant!

Quand:Du24au28septembre

Où:EspacePOP

PARTIEDECROSSEINTERUNIVERSITAIRE

Le 30 septembre à 19h30, au stade Percival-Molson,lesRedbirdsdeMcGill affronteront les Gee-Gees de l’Université d’Ottawa dans une partie de crosse. Il s’agit du Legacy Game,unévénementannuelorganisé par l’Université McGill et le Bureau desinitiativesautochtones.Lapartie honore les racines autochtones du sport et promeut la réconciliation avec les communautés.

Quand:Le30septembre,à19h30

Où:StadePercival-Molson

J’écoutais les nouvelles et encore un féminicide, encore des histoires de relations toxiques… Je me disais : «Voyons, on dirait que ça ne change pas.» C’est un peu ça, ma prémisse, de constater que tu peux être une femme de 70 ans et avoir vécu une relation toxique dans ta jeunesse alors que tu peux le vivre quand tu n’as même pas 20 ans. C’est un peu différent, mais les formes se ressemblent. J’avais envie d’un road trip féministe qui parle quand même du droit des femmes, mais je ne voulais pas que ça soit lourd. Oui, il se passe des choses un peu graves, mais j’essaie que ce soit quand même agréable, qu’on prolonge l’été sur la route. C’est toujours mon souci de faire passer des messages, des choses qui me tiennent à cœur, mais sous des histoires qui paraissent quand même légères.

Maryse Pagé offre une fois de plus un roman haut en couleurs, qui s’adresse aux jeunes… et aux moins jeunes. Trouvez Mira et Marguerite dans L’Autre Bout du monde en librairie. ̸

AGA & Appel de candidatures

Les membres de la Société des publications du Daily (SPD), éditrice du McGill Daily et du Délit, sont cordialement invités à son Assemblée générale annuelle :

Le mercredi 1 octobre à 18h

Centre universitaire de McGill 3480 Rue McTavish, Salle 107

L’assemblée générale élira le conseil d’administration du SPD pour l’année 2025-2026.

Les membres du conseil de la SPD se rencontrent au moins une fois par mois pour discuter de l’administration du McGill Daily et du Délit, et ont l’occasion de se prononcer sur des décisions liées aux activités de la SPD.

Le rapport financier annuel et le rapport de l’expertecomptable sont disponibles au bureau de la SPD et tout membre peut, sur demande, obtenir une copie sans frais.

Questions? chair@dailypublications.org

Rose langlois i LE DéLIT

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