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agissez maintenant La 5G : un train à double étage

Face à la pénurie d’énergie, agissez maintenant !

Le spectre d’un contingentement énergétique, voire d’un délestage cet hiver inquiète le monde de l’économie. Les sociétés doivent se montrer moins énergivores sans tarder. L’idée d’une bourse de l’énergie fait son chemin. Le point avec un spécialiste du secteur.

PROPOS RECUEILLIS PAR JEAN-FRANÇOIS KRÄHENBÜHL JEAN-FRANCOIS.KRAHENBUHL@CVCI.CH PHOTOS SIGFREDO HARO & SHUTTERSTOCK

« La probabilité qu’on n’ait pas assez de courant cet hiver pour faire face aux besoins est très élevée », redoute Laurent Balsiger.

LA SUISSE CONSOMME EN HIVER

3 À 7 TWH

Laurent Balsiger, directeur de la Société électrique des forces de l’Aubonne et ancien directeur de l’Energie du canton de Vaud, n’y va pas par quatre chemins : pour lui, la pénurie énergétique qui menace cet hiver doit inciter les entreprises à prendre des mesures d’économie dès maintenant et à établir des plans de continuité. « Elles doivent absolument se préparer à différents cas de figure, car une fois les ordonnances prises par la Confédération, elles n’auront que quelques jours pour s’exécuter. Elles ont intérêt à disposer de scénarios le moment venu, réalisés avec l’appui de leurs spécialistes énergétiques, leurs distributeurs ou des bureaux externes. » Interview.

Une pénurie d’électricité et de gaz est annoncée urbi et orbi pour cet hiver. Le risque est-il réel? Rationnement, délestage, blackout, quel scénario est le plus plausible?

La pénurie est plausible. La Suisse consomme davantage d’électricité en hiver qu’elle n’en produit. Ces 3 à 7 TWh qui manquent sont importés à 60% de France à partir d’énergie d’origine nucléaire; or, à fin septembre, plus de la moitié des centrales françaises étaient à l’arrêt et l’on n’a pas de certitude qu’elles vont redémarrer. C’est le grand défi. A cela s’ajoute la problématique du gaz, que l’on doit importer. Le réseau électrique doit toujours être équilibré pour fonctionner, entre production et consommation. La probabilité qu’on n’ait pas assez de courant pour faire face aux besoins est très élevée, mais dans quelle proportion? Cela dépendra du nombre de centrales françaises opérationnelles, de la pluie qui tombera ces prochaines semaines pour remplir les barrages et de la température de cet hiver.

Concrètement, que doivent faire les entreprises pour anticiper au mieux ces risques?

Le plan Ostral de la Confédération contient quatre étapes : faire des économies, avec un potentiel de 5%. Si cela ne suffit pas, il y a des interdictions (jacuzzi, enseignes lumineuses, appareils superflus) permettant d’économiser encore 10%. Si c’est insuffisant, on arrive au contingentement, qui concerne surtout les grands consommateurs ; ceux-ci pourraient être obligés par voie d’ordonnance du Conseil fédéral d’économiser 10, 20 ou 30 % d’énergie. Ma grande recommandation est la suivante : les entreprises doivent réfléchir maintenant où et comment elles peuvent économiser du courant, car il y a un potentiel. Cela peut passer par baisser l’eau chaude de x degrés, réduire le chauffage à certains endroits, diminuer l’éclairage superflu, etc. Pour moi, le délestage est le scénario du pire: on coupe l’électricité pour des périodes de quatre heures, ce qui signifie un arrêt de l’économie car il est très difficile de fonctionner dans ces conditions. Au bout d’une heure il n’y aura plus de télécommunications, de transports publics. La paralysie est assurée. Il faut inviter dès aujourd’hui les entreprises à tout faire, sans attendre que le Conseil fédéral se réveille, pour faire des économies. Chaque KWh économisé, sous forme de gaz ou d’électricité, pourra être utilisé plus tard quand on en aura besoin.

Vous plaidez pour la création d’une bourse de l’énergie.

Le contingentement est très compliqué à gérer pour certaines entreprises: il est difficile de demander à un boulanger de diminuer de 30% sa consommation; il faudra sans doute qu’il réduise ses jours d’ouverture. Il faudrait sans tarder mettre en place un système de bourse de MWh: on rétribuerait les entreprises qui renonceraient à consommer pour permettre à d’autres de produire. Je souhaiterais mettre ce système de bourse en place dans ma région de desserte, mais la législation ne le permet pas pour le moment. Pour certaines entreprises, une diminution de 20% signifie l’arrêt des activités: il vaut alors mieux s’interrompre quelques jours ou semaines. Dans ce cas, la Confédération doit songer à octroyer des RHT et des prêts sur le modèle de la crise

du Covid. On doit militer pour cela. Le délestage signifie un arrêt de l’économie. De plus, l’exercice est périlleux car il risque de déséquilibrer le réseau; le redémarrage est délicat, au risque d’arriver à un blackout qui serait pire que tout. Je le répète: pour éviter les mesures de contingentement et de délestage qui seront pénibles pour tout le monde, il faut faire des économies maintenant.

Quels conseils donneriez-vous aux grands consommateurs, concernés au premier chef?

Revenir sur le marché régulé est interdit par la loi aux grands consommateurs. Je les invite donc à prendre contact avec les sociétés qui les ont attirées sur le marché libre car, à mes yeux, elles ont une part de responsabilité dans ce qui se produit. Elles doivent les aider à trouver une issue. Ensuite, il leur faut prendre urgemment des mesures d’énergie en mandatant un bureau spécialisé, en signant des conventions d’objectifs, et s’équiper sans tarder de photovoltaïque et de pompe à chaleur… C’est tard pour cet hiver, mais il faut s’y mettre de toute manière.

Passé cet hiver, que faut-il faire pour que cette situation de crise ne se répète pas?

Il faudra moins consommer, ce qui implique l’efficience énergétique (chauffage, mobilité, recourir à des équipements de production moins énergivores), mais aussi plus de sobriété. Il est certain que la suppression des chauffages électriques contribuerait à réduire cette pointe de consommation hivernale. Ce sujet redevient d’actualité. Et, surtout, il faut produire davantage d’électricité en hiver pour assurer plus d’autonomie. Et en hiCRISE ÉNERGÉTIQUE : LA CVCI VOUS INFORME

Les incertitudes géopolitiques actuelles rendent l’approvisionnement de notre pays en gaz et en électricité problématique cet hiver. En contact avec les autorités et les spécialistes du secteur, la CVCI est à même de communiquer rapidement à ses membres toutes les informations utiles pour surmonter au mieux la crise qui s’annonce.

A cette fin, la Chambre a mis en ligne début octobre une page sur son site Web où les entreprises trouveront conseils utiles et réponses aux nombreuses questions que cette situation suscite.

www.cvci.ch/fr/penurie-energie

Le délestage est le scénario du pire : la paralysie de l’économie serait alors assurée.

ver, la meilleure source demeure l’éolien (2/3 de production à cette période). Il faut accélérer ces projets, car le canton de Vaud dispose d’un grand potentiel. Moins consommer et produire davantage en hiver reste la clé.

Vous appelez à une vraie révolution des mentalités.

La transition énergétique en douceur est ratée ! Il nous faut mener une vraie révolution, comme nos aïeux l’ont fait à l’époque de la révolution industrielle, en remplaçant rapidement les énergies fossiles par du renouvelable local. Il faut investir des moyens conséquents, de gros efforts sont en vue, mais on s’y retrouvera à la fin. Mais nous sommes confrontés parallèlement à des pénuries de main-d’œuvre et de matériel… Le chantier qui nous attend est immense, il s’avère passionnant et déterminant pour notre avenir.