La clé du paradis

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Tulln, 15 mai 1095

Major et Dorianael désespéraient. Cela faisait deux jours qu’ils étaient enfermés dans un cachot humide et puant sans qu’on leur eût servi la moindre nourriture. Il y avait avec eux, en plus des rats, deux autres hommes, sales, pouilleux, qui parlaient une langue inconnue. L’un était grand, corpulent, l’autre petit et râblé. Ils n’avaient de cesse de hurler et cogner contre la lourde porte de leur geôle. Lorsque Major essayait de les raisonner, le grand faisait, avec le tranchant de la main, sur la nuque de son compagnon, un geste pour le moins équivoque qui ne laissait aucun doute sur le sort qui leur était réservé. Finir décapité n’arrangeait pas les affaires de Major qui, est-il nécessaire de le rappeler, était censé lui-même rapporter la tête du Duc d’Ardenne à sa Duchesse d’épouse. Il se demandait bien par quel coup du sort il en était arrivé là. Le début de leur périple s’était pourtant parfaitement déroulé. Ils s’étaient lancés au grand galop dans la vallée du Danube et les Balkans, dans le sillage même de l’ost de Godefroy de Bouillon. Ils avaient chevauché rapidement et, s’ils n’avaient été malencontreusement arrêtés, ils auraient eu vite fait de rallier Constantinople. Major bouillait de ne pas pouvoir poursuivre la mission qui lui incombait. Il ne craignait pas de mourir, non point. Mais à l’idée que les hanches galbées d'Emilya d’Ardenne ne

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