Aimer les yeux fermés

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Il faisait beau, ce matin-là. Le mois de mai s’étalait en grande pompe, éclatant, triomphant. Les arbres avaient retrouvé leur feuillage, les oiseaux s’en donnaient à cœur joie, les premières cerises se trouvaient sur les étals des marchés. Le printemps vacillait, laissant la place à un été précoce, rempli de promesses qui ne seraient pas toutes tenues, mais qu’importait ? Il faisait beau, la confiance revenait après un hiver difficile sur fond de crise économique, et les gens retrouvaient le sourire. Partout, cette détente était perceptible. En ville, bien sûr, la différence était particulièrement notable. Les terrasses des cafés étalaient des parasols aux couleurs vives, les femmes osaient les jambes nues, le maquillage léger et les premières robes courtes de l’été. Les hommes desserraient leur cravate, se laissaient aller à éteindre leur téléphone portable et prolongeaient leur pause déjeuner, une cigarette aux lèvres, observant les yeux mi-clos leurs voisines attablées. Dans les villages, on restait ensemble plus longtemps à la sortie de l’école, à bavarder entre mères de famille. On prolongeait le temps consacré au marché, découvrant les fruits de saison comme si c’était la première fois qu’on y goûtait. Les enfants jouaient le soir dans les jardins, leurs rires couvrant le cri des hirondelles qui rentraient au nid. Parfois même, les fenêtres restaient ouvertes

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