Nous reconnaissons l’appui du gouvernement du Canada.
Nous remercions le Conseil des arts du Canada de son soutien.
Stéphane Nicolet Jean-Baptiste Drouot
NOTE DE L’ÉDITEUR
Dans ce livre de mythologie, comme dans tous les livres de mythologie, il y a des mythes, ou des légendes, si vous préférez. En revanche, vous n’y trouverez ni dieu grec, ni déesse égyptienne, pas de Shiva plein de bras, pas de serpent à plumes, et encore moins de barbu roux armé d’un gros marteau magique… Tout le monde sait bien que cela n’existe pas.
Non, ce livre est unique au monde : il s’agit tout bonnement de LA mythologie, la VRAIE, la SEULE et surtout la PREMIÈRE, celle qui a inspiré toutes les autres. Elle date de l’époque où les humains ne scribouillaient pas encore sur des parois de cavernes ou des tablettes en argile. Croyez-vous vraiment qu’on avait la tête à scribouiller il y a 50 000 ans ? La réponse est NON. On grelottait dans ses bobettes en mammouth tanné en mâchouillant une vieille racine et on se racontait des histoires autour du feu pour se rassurer. Des histoires de dieux fondateurs, pour donner un sens à la vie. Des histoires pour expliquer le monde et tenter de trouver des réponses aux questions existentielles : pourquoi le soleil se lève-t-il tous les matins ? Pourquoi la rivière coulet-elle toujours dans le même sens ? Pourquoi les papillons de nuit ne sortent-ils pas le jour s’ils sont attirés par la lumière ? Pourquoi les mammouths ne portent-ils pas de slips en peau d’humain, et surtout, combien d’humains faudrait-il tanner pour confectionner un seul de ces gigantesques sous-vêtements ?
Vous brûlez certainement d’envie de tourner la page et d’en savoir plus, mais avant cela, prenez le temps de lire ci-dessous le témoignage certifié de l’autrice de ce texte sacré :
Cette mythologie, je la tiens de la bouche de ma grand-mère, qui elle-même la tenait de son garagiste. Il faut dire que feu ma mémé était réputée pour sa mémoire d’éléphant et pour sa conduite de rhinocéros. Ses nombreux accidents de voiture la conduisirent plus souvent qu’à son tour au garage. Trouvant là une disciple fort attentive, le brave garagiste lui enseigna son précieux savoir année après année, au fil de multiples réparations, si bien qu’elle devint à son tour détentrice de la mythologie originelle, et aussi pas mal calée en turbo GTI.
Rien ne prédisposait une tête de linotte comme moi à porter ce secret à mon tour. D’ailleurs, elle ne me l’a jamais proposé. Ce n’est qu’à l’occasion de son ultime carambolage qu’elle me confia cette légende, sur son lit d’hôpital, de peur de la voir s’éteindre avec elle. J’ai tout consigné, et c’est le récit que vous vous apprêtez à lire.
Bisous.
– Barbara T.
TABLE DES MATIÈRES
1.
Les Esprimitifs
Planches I à VI
3.
Les Savasava
Planches XIII à XX
5.
Les Pakouls
Planches XXVII à XXXII
7.
Les Gromythos
Planches XXXIX à XLVI
2. La triade des Kaspièh
Planches VII à XII
4.
Les Sangs-mêlés
Planches XXI à XXVI
6.
Les Trochous
Planches XXXIII à XXXVIII
8.
Les Après
Planches XLVII à LII
Au début du début, il n’y avait rien, sinon le néant, et c’était assez nul.
Puis Whâlou s’éveilla…
1 Les Esprimitifs
dieux archaïques
WHÂLOU
NB : en raison de la difficulté de représenter le néant, l’auteur et l’équipe éditoriale ont exceptionnellement autorisé l’illustrateur à placer un vieux dessin d’ananas sympa avec des jambes. Merci de se fier uniquement aux annotations.
toujours rien
là non plus rien
pas de genre ni de sexe
vide intégral le néant total
rien de rien
toujours pas de sexe (bande d’obsédés !)
NIVEAU autres noms divinité* pouvoirs PUISSANCE parenté
1 - Kheudäl (en Occident seulement) - Dieu primordial divin pas divin - Création - Destruction - Transformation - Flexion - Extension
10/10 - Fils du néant - Père de Heup et Daoune * Estimation basée sur une étude américaine.
Whâlou est LE dieu primordial. C’est un Esprimitif, ou un Surdieu si vous préférez (exactement comme un dieu, mais en bien mieux). Il ne ressemble à rien, ce qui est assez contre-intuitif puisqu’en fait il est tout. Enfin, c’est plus compliqué que ça. Disons qu’il est la possibilité du tout. C’est assez difficile à se représenter, il faut bien l’avouer : essayez donc d’imaginer une masse informe, transparente, vide, un peu floue (mais pas trop non plus) où règnent le désordre et le chaos. Vous y êtes ? Je parie que non. Et pourtant c’est bien de ce tas de rien que toutes les choses sont nées. En effet, tout seul dans le néant, on s’ennuie assez vite. C’est la raison pour laquelle Whâlou décida un jour d’enfanter deux autres Esprimitifs : Heup (le dieu du haut) et Daoune (la déesse du bas). Le néant était toujours super vide, mais au moins ça lui faisait un peu de compagnie. Et puis, à plusieurs, on a toujours plein d’idées. Ils se mirent donc à créer comme des petits fous.
Fig. 1 la vérité sur le Big Bang
tapette sacrée
œil no 1
HEUP
œil no 21
8 racines
21 yeux crevés mouche sacrée
une seule dent (mais très tranchante)
NIVEAU autres noms divinité pouvoirs PUISSANCE parenté
2 - Dieu du haut divin pas divin
- Contrôle de la météo - Retroussage de parapluies
- Détournement d’étoiles filantes 10/10 - Fils de Whâlou - Frère et mari de Daoune - Père des Kaspièh
Heup est le dieu de toutes choses du haut : le ciel, le soleil, la lune, les nuages, les hélicoptères, les pigeons, et même les chapeaux… Bref, de ce qui se situe AU-DESSUS des humains. À sa naissance, affamé, Heup mordit son père Whâlou de sa seule et unique dent et détruisit ainsi le néant à tout jamais. De rage, sa sœur Daoune lui creva les yeux… tous les yeux ! Admettant qu’elle s’était peut-être un peu emportée, elle lui offrit, en gage d’excuse, une mouche sacrée pour le guider, et aussi une tapette sacrée, parce qu’une mouche qui vous tourne autour en zonzonnant, c’est plutôt agaçant. Depuis ce jour, quand Heup agite sa tapette, il déclenche tornades, cyclones et autres catastrophes climatiques plutôt désagréables pour les humains qui pensent que Heup leur en veut personnellement, alors qu’en fait pas du tout. Précisons que si Heup a huit racines, c’est bien parce que Whâlou l’avait voulu ainsi : chacun de ces appendices était censé s’enraciner sur les huit continents de la planète et unir à jamais terre et ciel. Seulement voilà, Daoune en décida autrement…
Tu es sûre que mes nuages sont assez divins et suffisamment célestes ?
Fig. 1 La création des nuages
Fais-moi confiance, ils sont PAR-FAITS.
beaucoup de dents
DAOUNE
binette divine
doigts pointus à fort coefficient de pénétration dans les yeux
souvent contrariée fourrure (enmimétique théorie)
NIVEAU autres noms divinité pouvoirs PUISSANCE parenté
2 - Déesse du bas divin pas divin - Invincible aux concours de châteaux de sable - Puissance terre-mer
10/10
- Fille de Whâlou - Sœur et femme de Heup
- Mère des Kaspièh
Éric
Daoune est la déesse de toutes choses du bas, c’est-à-dire ce qui se situe EN DESSOUS des humains : les océans, les cailloux, les taupes, le magma, les crevettes, les semelles anti-transpiration, le métro, etc. Armée de sa binette divine, elle creusa, dit-on, les vallées et les montagnes, les lacs et les océans, car avant, tout était super plat et moche. Elle est toujours représentée avec son fidèle lombric éternel, qui se dédouble à chaque fois qu’on le coupe. Cela expliquerait d’où viennent ces milliards de vers qui labourent la planète de nos jours. Contrairement à la plupart des autres dieux, Daoune ne peut pas se rendre invisible. Or les humains NE DOIVENT JAMAIS voir les divinités, cela perdrait tout son charme. Daoune est donc obligée de porter ses tongs de l’oubli par tous les temps : leur clapclap hypnotique efface la mémoire de quiconque croise son chemin. En revanche, ce petit centimètre de semelle la rapproche un peu trop de Heup à son goût, et ça, ça la met parfois dans des colères noires : tremblements de terre, coulées de boue, terribles éruptions, éboulements mortels et pannes de tondeuse, tout un programme !
1 Artefact no 1 : preuve du culte de Daoune (Squelette datant de 43 000 ans AV. J.-C., Buenos Tacos, Patagonie)
Fig.
Puis
Daoune dit à Heup :
« Frère, je suis sûre que t’es pas cap d’inventer de nouveaux dieux tellement t’es nul ! » Et ils se mirent à procréer sans le moindre discernement.
2
La triade des Kaspièh
dieux perturbateurs
BROOT
mitraillette à graines
(là, on voit pas bien à cause du feuillage)
spray à spores (si si, là, sous la feuille) cache-pistil en pétales de tulipe séchés NIVEAU autres
canon à bulbes (là non plus, on voit pas très bien)
lance à rhizomes
3 - Dieu des plantes et des champignons divin pas divin
- Fertilité inextinguible - Bouturage absolu
- Reste vert même quand il est calme
9/10 - Fils de Heup et Daoune
- Aîné de la triade des Kaspièh * L’éditeur a choisi un autre fromage pour changer un peu du sempiternel camembert.
Broot est né de l’orteil de Daoune. Un jour qu’elle marchait sans ses gougounes, elle se cogna le pied contre un silex et blasphéma : « Nom de Moi ! Tabarnheup ! Maudit soit Whâlou ! » Rouge de sang, Broot jaillit alors de la plaie mais, à la lumière solaire de son père (et tonton), il devint tout vert : la photosynthèse venait d’être créée.
Broot se mit aussitôt au travail et répandit sur Terre une végétation si luxuriante que les êtres vivants, qui jusque-là mouraient de faim, purent enfin brouter à volonté dans un joyeux concert de mastication. Enchanté par ces mélodieux bruits de bouche, Broot eut l’idée de s’autobaptiser : « Je s’appelle Broot ! » proclama-t-il à la face du monde, qui réalisa alors qu’il était bien plus fort en jardinage qu’en syntaxe. L’humanité rumina ainsi pendant très longtemps. C’est ce qu’on appelle le Véganolithique, ou encore l’âge du vert. Mais les épinards, ça va bien cinq minutes, et ce qui devait arriver arriva : un humain lassé de la verdure mordit un innocent poulet et il vit que cela était bon. Fini le paradis terrestre ! Chacun voulut manger l’autre, de préférence mort et cuit, et ainsi de suite, de meurtre en meurtre, jusqu’à l’invention moderne du tacos trois viandes.
Pourquoi tu me regardes comme ça ?
J’ai de la salade entre les dents ?
1 La fin du véganolithique
Fig.
œil pour voir le passé
PEYTAMESH
œil pour voir dans les âmes
œil pour voir le futur
feuille de Broot
toupet incoupable
œil pour voir de près œil pour voir de loin
œil pour voir dans les narines (ou les oreilles)
poncho en poils de Daoune
NIVEAU autres noms divinité* pouvoirs PUISSANCE parenté
3 - Dieu de la faune et de tout ce qui est fait en viande divin pas divin - Omniscience - Création et multiplication des créatures
* Fromage de chèvre.
9/10 - Fils de Heup et Daoune
- Cadet de la triade des Kaspièh
Né une seconde après Broot, Peytamesh arracha aussitôt une des feuilles de son frère et une touffe des poils de sa mère. Investi de leurs pouvoirs combinés, il se mit à créer la faune tous azimuts, et la planète fut bien vite peuplée de créatures allant des plus charmantes (comme les poulpes ou les capybaras) aux plus nuisibles (comme les tiques et les chatons). Ces fichues bestioles se mirent aussitôt à dévorer l’œuvre de Broot, qui, pour limiter le carnage, créa des légumes au goût pas terrible comme les betteraves ou les salsifis. On en sait peu sur Peytamesh, si ce n’est son célèbre toupet hyper stylé qui, dit-on, lui barrait la vue en permanence. Pour compenser ce handicap capillaire, il développa au bout de ses doigts des yeux aux pouvoirs incroyables, mais malheureusement parfaitement myopes, sauf un. Peytamesh décida malgré tout de créer un dernier animal à son image (approximative) : l’humain !
Vous êtes sûrs qu’ils font partie de la faune, comme nous ???
Ben, il paraît…
1 La création du tout dernier iFaune
Fig.
MÉMÉ-DUZA
nez 2
nez 4
nez 6
nez 1
nez 3
nez 5
nez 99
NIVEAU autres noms divinité* pouvoirs PUISSANCE parenté
3 - Déesse aux cent nez
* Raclette.
- Déesse de l’amour et de la raclette divin pas divin
- Fait tomber les gens amoureux (en théorie)
- Fromagisation
- Flair divin
8,3/10
- Fille de Heup et Daoune
- Benjamine de la triade des Kaspièh
Mémé-Duza est née d’un éclat de rire. Mais pas n’importe quel éclat de rire : c’était celui de Heup en personne à qui Daoune chatouillait furieusement les racines. Mémé-Duza vint donc au monde sous un aspect fort comique. Elle était déjà vieille et affublée de cent mignons petits nez tout mous. Pour toutes ces raisons, elle était prédestinée à devenir déesse de l’humour mais, comme elle n’était pas du genre à se laisser mener par le bout des nez, elle décida, envers et contre tout, de briguer le poste de déesse de l’amour, pas moins.
Seulement voilà, malgré son flair inégalable, elle n’avait pas vraiment le chic pour faire matcher les humains, et ça faisait plein de disputes de couple encore plus pénibles que dans les émissions de téléréalité.
Bref, elle était nulle ! Ça se voyait comme les nez au milieu de la figure. Heup, son père, trouvait sa fille trop belle avec ses deux cents narines et craignait qu’un humain trop charmeur ne la lui ravisse.
Il l’affligea donc d’une terrible malédiction : quiconque croiserait son regard serait instantanément changé en statue de fromage. La pauvre déesse, qui n’était pas contre un petit bisou, se désolait de voir tous ses prétendants gratiner au soleil sur son passage. On prétend qu’elle erre encore sur Terre, à la recherche d’un aveugle charmant pas trop incommodé par l’odeur de la raclette.
Fig. 1 Cérémonie de la Rat-clette, en offrande à Mémé-Duza
Voyant que les créatures s’entre-dévoraient et n’empruntaient pas le « chemin d’amour qui mène à la lumière », les Kaspièh se dirent : « Oups ! Peut-être qu’on devrait invoquer de nouvelles divinités pour arranger les choses, ou au moins pour faire genre… »
3 Les Savasava
dieux consolateurs
ESKEPGUÊME
écrou de la fortune
tourne dans le sens inverse des aiguilles d’une montre (mais pas toujours)
cage aux âmes
âme pas ravie-ravie chemise de nuit
NIVEAU autres noms divinité* pouvoirs PUISSANCE parenté
4 - Déesse de l’Outre-monde divin pas divin - Communique avec les âmes - Championne des énigmes 8/10 - Fille de Peytamesh
* Brie de Meaux.
Avant l’avènement d’Eskepguême, il n’y avait ni enfer, ni paradis, ni rien du tout. Les créatures mouraient, leurs âmes n’allaient nulle part et tout cela faisait un super compost, pour le plus grand bonheur de Broot. Un peu vexé que sa création finisse en terreau, Peytamesh enfanta Eskepguême et lui confia pour mission de sauver au moins les esprits des morts. La jeune déesse créa donc l’Outre-monde pour stocker les âmes en attendant qu’elles se réincarnent. Seulement voilà, elle s’ennuyait un peu, seule avec tous ces esprits pleurnicheurs qui ne faisaient que réclamer des résurrections, tant et si bien qu’elle décida de « pimenter un peu le guême », comme on disait à l’époque. Elle enferma les âmes chagrines dans de minuscules cages inconfortables et se mit à inventer des énigmes super dures pour les distraire un peu. L’ultime épreuve consistait à faire tourner sa propre tête incrustée de symboles bizarres, afin de la décrypter. Un final à la fois classe et mystique : on est déesse ou on ne l’est pas !
Fig. 1 Artefact no 2 : objet sacré voué au culte d’Eskepguême
poses mélodramatiques
PLØK
air concentré (très concentré)
fesses flasques en forme de flaque
4 - Dieu de l’humidité - Plîk
- Attraction terrestre - Ubiquité - Permutation
5,1/10 - Fils de Broot
Nommé Plîk dans l’hémisphère sud, il serait né d’une goutte de la sève de Broot. Toujours est-il que Pløk, divinité liquide, lassé de tomber inéluctablement du haut vers le bas, se mit un jour dans une colère noire. Pour se venger de cette fatalité, il imposa cette fichue attraction terrestre au reste de la planète par pur caprice, ce qui fait qu’aujourd’hui, nous sommes TOUTES ET TOUS obligés de souffler dans les escaliers comme des hippopotames au lieu de flotter dans les airs comme des graines de pissenlit. Composé à 99 % d’eau et à 1 % d’indiscrétion, Pløk est partout et dans tout : les plantes, les animaux, les océans, les toilettes, les nuages, les oreilles juste après la piscine… Parfois, grâce à son petit pouvoir de permutation, Pløk parvient à inverser la gravité et à regagner quelques secondes l’espace céleste tant regretté. Quoi qu’il en soit, il finit toujours par retomber et c’est tant mieux pour nous. Sans lui, la vie serait impossible et nous ne saurions nous passer de sa présence bienfaisante… À part peutêtre quand on fait un pique-nique et qu’il y a des chips, parce que les chips molles, c’est pas bon.
Fig. 1 Hominidé avant et après permutation de gravité
écailles de thon albacore
FISHNSHEEP
pose figée (vitesse réelle : 850 km h)
chapeau profilé spécial grande vitesse
pipeau occulte guêtres en peau de guépard
mélodie d’Outre-monde dite « quêpope »
NIVEAU autres noms divinité pouvoirs PUISSANCE parenté
4 - Déesse de la musique et des chandails qui piquent - Le Grand Mouton divin poisson en boîte - Envoûtement - Groove ultime - Course à pied supersonique 8,2/10 - Fausse jumelle d’Eskepguême
Fishnsheep est la bergère des cieux. Elle guide chaque créature vivante de sa naissance jusqu’à sa mort. Elle est aussi la messagère des cieux, ce qui l’agace un peu, parce qu’elle n’a vraiment pas que ça à faire. Elle est métamorphe, mais, le plus souvent, se présente sous les traits d’une brebis aux écailles de poisson. On dit qu’aux origines, elle possédait sept pattes, mais qu’elle en coupa une pour s’en faire une flûte en os de tibia. Vous trouverez peut-être ça dégoûtant, reste que c’est grâce à ce pipeau qu’elle appelle les créatures quand leur dernière heure est venue pour les conduire jusqu’à l’Outre-monde d’Eskepguême. Elle en tire des mélodies si envoûtantes qu’il est impossible de leur résister. Grâce à ses guêtres en peau de guépard, elle court hyper vite. C’est bien pratique pour livrer les messages. En revanche, il n’est pas facile pour les humains de la suivre jusqu’à l’Outre-monde : mieux vaut avoir du souffle et être bien entraîné.
Ce qui fait qu’à cette époque, disait-on, ceux qui se présentaient devant la mort étaient plutôt en très bonne santé.
Fig. 1 Pendant des siècles, et encore de nos jours, les humains continuent inlassablement de chercher le Saint Pipo
KEURAVEKLÉDOA
coiffure super confortable
regard chaleureux et empathique NIVEAU autres noms
chevelure apaisante
nuage de chantilly équitable allégée stérilisée UHT 10,8 % MG
tête d’amphibien-être
toge en polaire de chanvre bio hyper méga douce
4 - Déesse de la bienveillance
- Filgoude
- Réconfort ultime
- Production de chantilly à partir de rien
6/10 - Fille de Mémé-Duza et peut-être d’un triton, mais c’est pas sûr sûr
Keuraveklédoa est la déesse de la bienveillance, fruit d’un baiser torride entre Mémé-Duza et un triton (faute de prince, puis faute de crapaud, etc.). Sa mission ? Apporter du réconfort aux sapiens qui l’invoquent. Par exemple, c’est elle qui allumait le feu du premier coup quand on voulait se prélasser sous sa fourrure, devant une bonne série de peintures rupestres, avec une calebasse de tisane chaude, bien tranquille dans sa caverne après s’être fait courser tout l’après-midi par un rhino laineux et haineux. Bien sûr, il y eut des petits ratés, comme la fois où elle inventa la neige chaude pour soulager les orteils des humains (quasiment tous noyés dans l’inondation qui s’ensuivit). Mais bon, c’est l’intention qui compte ! C’est elle aussi qui a créé les compliments, comme par exemple le mot archaïque « BWARGL », qu’on pourrait traduire littéralement par : « T’es une belle personne, t’as vraiment une belle énergie ! » Dernière précision, et pas des moindres, elle se déplaçait toujours à dos de nuage de crème fouettée. Cela explique son succès : quel humain n’aime pas la crème ? Surtout dans un paléoburger au mammouth !
Fig. 1 Rite de passage en l’honneur de Keuraveklédoa, bien avant l’invention de la pâte à tarte
Puis les dieux et les déesses, fascinés par la capacité des simples mortels à rire, à pleurer, à aimer, mais surtout par leur crédulité, se mirent à s’unir à eux, et ça, ce n’était pas forcément une super bonne idée.
Les Sangs-mêlés
dieux bâtards
puces
CHIBAÏNOU
beaucoup de puces
griffe artefact tunique couleur du cosmos puces puces
NIVEAU autres noms divinité pouvoirs PUISSANCE parenté
5 - La passeuse de mondes
- Passage entre les multivers - Rapporte la baballe
5,3/10 - Fille de Peytamesh et d’une humaine cheffe d’une tribu d’Australopithèques
L’histoire raconte que c’est sous la forme d’un chien que Peytamesh séduisit Enya, une mortelle, cheffe de la tribu des Gnœs. Neuf mois plus tard naissait Chibaïnou, première sang-mêlée de la mythologie. Les demi-divinités ont moins de pouvoirs que les dieux et les déesses, ça semble logique. Par exemple, Chibaïnou est une demi-immortelle, ce qui, au final, fait d’elle une mortelle, si on prend le temps d’y réfléchir. Par chance, Chibaïnou n’est pas très portée sur la réflexion, ni sur les intrigues mythologiques. Son truc à elle, c’est plutôt la baballe. Son dieu de père la lui envoie si fort qu’elle finit parfois par atterrir dans un univers parallèle. Qu’à cela ne tienne, elle arbore sur sa papatte gauche une longue griffe magique qui lui permet de percer le continuum espace-temps comme du beurre cosmologique et de traverser les multivers à sa guise en remuant ses queues. On prétend par ailleurs que les météorites sont des puces qui s’échappent de la fourrure de la demi-déesse. C’est pour cela qu’aujourd’hui encore, chaque fois qu’un Terrien ou une Terrienne voit un astéroïde tomber dans son jardin ou sur sa voiture, il hurle « Nom d’un chien ! » en hommage à Chibaïnou.
et pourquoi pas des demi-dieux tant que tu y es !
Toby, tu savais que nos ancêtres étaient des gros loups gris ?
Pfff,
MISSOU
L’EXÉCRABLE
visage très verruqueux regard suspect
corps chétif
garde-robe minimaliste
visage antipathique
paroles peu avenantes voire franchement désagréables
peau extrêmement verruqueuse
mollets maigrelets
NIVEAU autres noms divinité pouvoirs PUISSANCE parenté
7,7/10 - Fils de Keuraveklédoa et d’un chasseurcueilleur de l’espèce Homo sapiens
Missou l’Exécrable est né des amours de Keuraveklédoa et d’un jeune chasseur-cueilleur beau comme le jour mais doté d’un caractère de phacochère. Aussi acariâtre que son père, Missou ne tarda pas à éprouver la patience des dieux et des déesses avec ses marmonnements blasés à base de « Ouin, t’façon ! » (traduction approximative). Irrités par cette forme de communication pas du tout positive, ils lui imposèrent des corvées pour qu’il leur fiche un peu la paix : sortir les poubelles, débarrasser la grotte, laver son slip lui-même, se brosser les crocs trois fois par jour, sourire aux humains… Cet épisode de la mythologie ancestrale se nomme « Le repentir à Missou » (la grammaire ayant évolué depuis la préhistoire, on dirait de nos jours « Le repentir DE Missou »). Missou n’est pas immortel, mais on prétend qu’il vit encore dans un lagon noir d’Amazonie, et qu’il est toujours aussi désagréable (c’est bien la preuve que les punitions n’ont pas de vraie valeur éducative).
Fig. 1 Artefact no 3 : affiche de film américain (1954) plutôt fantaisiste mais prouvant indiscutablement l’existence de Missou
MIROUNGA
regard ensorcelant
petite moue charmeuse
chevelure éblouissante et ondoyante
peau de pêche carnation subtilement plantureuse
sensuelle mais correcte posture enjôleuse mais respectable
physique épanoui
NIVEAU autres noms divinité pouvoirs PUISSANCE parenté
5 - Divinité marine des otites et des acouphènes divin humain merlan - Séduction - Chante mal - Vraiment très mal
3,6/10 - Fille de Heup et de la plus belle femme du monde (Miss Terre)
Les dieux d’avant étaient très sensibles à la beauté physique des humains. Heup ne faisait pas exception à la règle et s’accoupla avec la plus belle des mortelles de son monde. Quand Daoune apprit que cette femme sublime était enceinte, elle la noya dans le plus profond de ses océans et affubla son pauvre bébé d’une tête de poisson, comme ça, par pure jalousie. La jeune Mirounga, puisque c’est ainsi qu’on la nomma, nageait fort mal avec ses deux jambes maigrelettes, mais elle était quand même obligée de rester en mer à cause de ses branchies. Pour briser sa solitude, il fut un temps où elle tenta d’attirer les marins en roulant des yeux de merlan frit et en chantant, alanguie sur les récifs. Seulement voilà, non seulement elle couinait comme une otarie malade, mais il n’y avait ni bateau ni navigateur à cette époque-là. Aucun sapiens sain d’esprit n’aurait osé franchir la plage, persuadé qu’au-delà, c’était le bord du monde et qu’on tombait dans le vide. Il ne vous aura pas échappé que les sirènes (qui n’ont jamais existé) ne sont qu’une pâle copie inversée de l’infortunée Mirounga : décidément, les Grecs anciens n’avaient pas beaucoup d’imagination !
Maman, pourquoi elle crie, la belle dame ? Par Mirounga ! Elle ne crie pas, elle chante !
Fig. 1 Magie de l’évolution : aujourd’hui, les poissons n’ont plus d’oreilles
Les humains s’adressèrent au Ciel pour se plaindre que la lèpre, ça pique les doigts et que le choléra, ça fait mal au ventre. Exaspérés, les dieux insensibles et cruels leur envoyèrent des monstres en leur disant : « Comme ça au moins vous aurez une raison de chouiner ! »
5
Les Pakouls monstres divins
cuirasse hyper dure en pierre
FURYMI
pince très coupante en silex
autre pince, mais purement décorative
pattes en pâtes (rigatoni)
les six calamités ou fléaux sempiternels NIVEAU
6 - Colosse aux pattes fragiles
- Carapace incassable - Démultiplication
8,7/10 - Probablement créé par Daoune, mais c’est pas sûr sûr
Venu des entrailles de la Terre, façonné dans la lave la plus incandescente, Furymi est un gigantesque monstre passionné par l’anéantissement, la souffrance, la mort, entre autres activités fort distrayantes (quand on est une calamité destructrice, bien entendu). Il est réputé invincible, à moins qu’on ne lui mouille les pattes. En effet, ses membres inférieurs sont faits de pâtes sèches, si bien qu’au contact de l’eau, ils ramollissent, flageolent et cèdent. Furymi s’écroule alors de tout son poids, les six fers en l’air ; incapable de se relever, il meurt comme ça, bêtement. C’est de cette terrible faiblesse que lui vient son surnom de « colosse aux pattes fragiles ». Mais, à l’instar de toutes les entités néfastes, Furymi a plus d’une corde à son arc. Quand il finit sur le dos et sent sa fin proche, il ouvre son horrible gueule et libère six répliques de lui-même. Quel fléau ! On le tient pour responsable de bien des catastrophes planétaires, comme par exemple la disparition des gentils dinosaures et l’apparition du commerce international… Fait curieux : les anciens se protégeaient du Furymi avec des talismans renfermant une dose de mayonnaise magique, censée éloigner le monstre.
Fig. 1 Jusqu’à un temps très récent, les humains se méfiaient encore de Furymi et installaient de très ingénieux pédiluves (« douves », pour les tatillons) pour s’en protéger
peau de cornichon
PAGLØRP
odeur de vinaigre
texture baveuse
petits yeux vicieux et mesquins
pédoncule ridicule bouche à mensonges atrocement spongieux
NIVEAU autres noms divinité pouvoirs PUISSANCE parenté
6 - L’Odieu Cornichon - Poukiman bave divin pickles - Corruption - Médisance - Méchanceté 9/10 - Bave de Mémé-Duza
La légende raconte que lorsque Mémé-Duza s’ennuie, elle crache sur la Terre depuis le Ciel, un peu comme le font les jeunes humains avec les fourmilières. Un jour, son crachat tomba au beau milieu d’un champ de cornichons sauvages et son ADN divin se mêla à celui des cucurbitacées : Paglørp était né ! Cette boule de mucosité et d’aigreur n’est que vice et a un grand mépris pour le genre Sapiens. Mais par-dessus tout, il est complètement crétin. Ce n’est pas un hasard si, encore de nos jours, on dit d’un imbécile qu’il est « bête comme un cornichon ». Tel un virus, Paglørp contamine l’esprit des mortels en répandant des rumeurs idiotes, des fake news et des méchancetés toutes plus sales les unes que les autres. Bref, Paglørp est vraiment le champion pour casser l’ambiance sur Terre. C’est à lui qu’on doit les guerres, les punitions collectives en classe, les massacres, les émissions politiques à la télé et les batailles de purée à la cafette… On raconte que, pour le détruire, il suffirait de lui faire un petit bisou. Mais force est de constater qu’aucun humain n’a été capable de se sacrifier jusqu’ici.
Alors comme ça il paraît qu’un « cornichon mou » t’a demandé de raconter à tout le monde que nos mères étaient de vieilles Australopithèques pelées ?
1 Embrouille paléolithique à propos des mamans
Fig.
FOUTLOUZ
ouragan
éruption
coulée de boue tremblement de terre tornade
NIVEAU autres noms divinité pouvoirs PUISSANCE parenté
6 - Mortel Cocktail - Henri Destruction
eau feu terre air divin - Destruction - Annihilation - Super groove
9,3/10 - Inconnue
Foutlouz est le fruit d’une expérience. Un dieu ou une déesse (personne n’a jamais voulu se dénoncer, bien que Paglørp ait tenté de faire circuler un nom ou deux) a cru malin de mélanger les quatre éléments dans une seule et même créature : la terre, l’air, le feu et l’eau. Or, si Whâlou s’est donné la peine de les séparer, ce n’est pas pour rien ! Résultat, Foutlouz est le monstre le plus instable de toute la mythologie. C’est un véritable cataclysme ambulant et les humains le détestent parce qu’ils n’aiment pas tellement mourir noyés, calcinés ou écrasés sous un bloc de pierre. Pourtant, Foutlouz n’a pas mauvais fond, et toutes les catastrophes « naturelles » qu’il provoque sont bien involontaires. Lui, sa passion, ce n’est pas du tout l’extermination, c’est la danse ! Il faut le voir groover de ravage en anéantissement, moonwalker au milieu des hurlements de détresse, il a vraiment le rythme chevillé au corps. Mais bon, ça, les humains ont toujours été un peu trop centrés sur leur petite survie pour s’en apercevoir. En tout cas, une chose est sûre : à force de se faire trucider, il y a eu un moment où l’humanité a commencé à en avoir sérieusement ras le pagne des dieux et de leurs excentricités.
Fig. 1 Les Rhinos féroces, le groupe de heavy granit préféré de Foutlouz
Un jour viendra où les mortels cesseront de croire aux dieux, et les dieux disparaîtront. Donc ce serait pas mal qu’ on arrête un peu avec les monstres, les fins du monde et tout ça…
6
Les Trochous
monstres divins aussi, mais gentils
STACH
sourcils facétieux
cernes de fatigue patience
chevelure vibrionnante de mille éclats cosmiques
petite expiration en pleine conscience
moustaches suprêmes
NIVEAU autres noms divinité pouvoirs PUISSANCE parenté
7 - Capillosaurus rex
viande - Patience ultime - Kératine mystique 3/10 - Créé par Fishnsheep
Cette créature étrange et presque immortelle est probablement le chaînon manquant entre les mammifères et les dinosaures. Créé par Fishnsheep pour apaiser les humains qui en avaient gros sur la patate, Stach est un monstre gentil, un genre de dragon de compagnie sympa, avec des poils. On pourrait croire que sa force réside dans ses superbes moustaches et ses magnifiques cheveux qu’il entretient avec grand soin et beaucoup d’après-shampoing, mais en fait non, pas du tout ! S’il refuse de les couper, c’est juste parce qu’il trouve ça stylé, voilà tout. D’ailleurs, si quiconque s’avise de lui parler de coiffeur, il croise ses pattounettes avant et se met à bouder pendant des siècles, patiemment assis sur son tabouret éternel, imperturbable : c’est beaucoup trop mignon ! Avec les mortels aussi, il est adorable et laisse les petits d’humains le peigner avec des arêtes de poisson et des hérissons secs pendant des heures sans rien détruire ni s’énerver, contrairement à ses sinistres congénères, les Pakouls. On prétend que ses moustaches, grâce à leur teneur exceptionnelle en kératine, peuvent refléter toutes les couleurs de l’arc-en-ciel.
Fig. 1 Artefact no 5 : ustensiles de coiffure liés au culte de Stach (DATANT de 57 000 ans AV. J.-C., mis au jour en 2022 à OUAGAMOUMOUTE, BURKINA, AFRIQUE)
PÉGAMMOUTH
défenses anti-caries
Goleminus
coiffure presqueindémodable regard attendrissant
trompe de boss queue la plus kawaï du monde pattounettes hyper mignonnes ailes adorables oreilles trop choupi
Pégammouth, comme tous les autres Trochous, fut créé par Fishnsheep. Une fois encore, la déesse se cassa la tête pour concevoir un monstre aimable et charmant : quoi de plus choupinou qu’un gigantesque éléphant cyclope volant au secours des humains ? Les autres dieux, furieux que Fishnsheep ne comprenne rien de rien au concept de MONSTRE, lancèrent une malédiction à Pégammouth : ses ailes rétrécirent tant qu’elles devinrent alors trop faibles pour le porter et il perdit l’usage de la langue des humains. Pas facile de réparer les désastres des Pakouls quand on marche à 2 km/h et qu’on ne comprend rien à ce que hurlent les mortels en péril. Mais Pégammouth était si costaud qu’il parvint à voler malgré tout en agitant ses oreilles trop mignonnes. De son côté, Fishnsheep lui confectionna un adorable petit guide en argile (Goleminus) pour lui servir d’interprète. Bien sûr, sans ses ailes, Pégammouth allait beaucoup moins vite et pas mal d’humains mouraient le temps que Goleminus lui traduise ce qu’ils disaient, mais bon, c’était déjà mieux que rien. Ulcérés, les dieux lui retirèrent carrément ses ailes, lui rajoutèrent un pelage miteux et le condamnèrent à marcher à quatre pattes comme un vulgaire mammouth : quel sale caractère !
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Fig. 1 L’invention du service d’assistance téléphonique
voix irrésistible
KENJIRAC
beauté fatale
style de f0u
rythme dans la peau
dégaine de BG looké au top super trendy
NIVEAU autres noms divinité pouvoirs PUISSANCE parenté
7 - DJ Paradise divin musique beauté - Incendier le dancefloor - Charisme implacable
7,6/10 - Créé par Fishnsheep
Kenjirac est le dernier rejeton de Fishnsheep : cette fois-ci, elle se garda bien de créer un monstre trop voyant pour ne pas énerver les autres dieux. Elle fabriqua donc un troubadour inoffensif doté d’une tête de caïman et d’une voix de rossignol. Vous pouvez penser que cette description n’est pas des plus flatteuses, pourtant Kenjirac est le monstre Trochou le plus apprécié des mortels. Avec sa dégaine de ménestrel craquant, son attirail philharmonique et sa voix d’ange, il enchante les mortels de ses douces mélopées ou les dévergonde en danses éperdues sur ses rythmes endiablés. Ils oublient alors, rien qu’un bref instant, toutes les misères que leur infligent les autres dieux. Qu’importent la peste et les inondations quand on peut se déhancher sur un set de DJ Paradise ! Aucune humaine ni aucun humain de l’époque ne pouvait résister au charme de Kenjirac. Mais, faute de pouvoir danser avec le Trochou en personne, chacun finissait par se rabattre sur un ou une congénère de leur espèce, bien moins sexy, certes, mais qui faisait cependant largement l’affaire. Si Kenjirac n’a jamais empêché le moindre massacre, il a, en revanche, largement contribué à la multiplication des mortels sur la planète.
Fig. 1 L’invention du romantisme
Les dieux ne sont peut-être pas mortels, mais les mortels sont divins !
7 Les Gromythos
impostures en tous genres
NINAMRAD
chapeau de vaniteux
pose de poseur
cape de prétentieux
plume de m’as-tu-vu
tête de crâneur
Rïngostar
NIVEAU autres noms divinité pouvoirs PUISSANCE parenté 99 (selon lui)
- Très très lointain rejeton de Broot (soi-disant)
Comme on le disait il y a cinquante mille ans : « Ben dis donc, celui-là, y s’croit vraiment sorti de la tige à Broot ! » C’est justement ce que prétend Ninamrad, ou « Très Valeureux Omniscient », comme il aime à être appelé. Cette affirmation est impossible à vérifier tant Broot a eu d’enfants, eux-mêmes croisés avec des générations d’humains. Mais bon, admettons… Il fut un temps où Ninamrad paradait de par le vaste monde, juché sur son escargot géant, donnant son avis à tout le monde sur tous les sujets, même quand il n’était pas sollicité. En effet, il se proclamait détenteur de l’intégralité du savoir grâce à sa plume de la connaissance, soi-disant offerte par les dieux. Pour compenser sa petite taille, il posait son fragile popotin sur un gros coussin douillet et prenait des airs de diva pour dispenser sa « bonne » parole. Enfin bref, il se la jouait de façon très divine. À chaque fois que Ninamrad prononçait une sentence ou une prophétie, Rïngostar, sa fidèle monture baveuse, souriait d’un air entendu. Autant vous dire que cette figure mythologique n’était pas la préférée des sapiens de l’époque, mais peut-être l’aviez-vous deviné.
Fig. 1 PARTIE DE Ninamrad (l’ancêtre du jeu du loup, du trappe-trappe et du TRÈS POPULAIRE JEU DE LA TAG)
BILL-YVES
coquille ressemblant à s’y méprendre à une coquille de moule d’eau douce
bof
« dieu de la mare »
normal non rien sceptre (pouvant servir de panier à moule)
R A S
NIVEAU autres noms divinité pouvoirs PUISSANCE parenté
96 - L’autre, là
Monsieur Mi Madame Mi - Persuasion - Mystification - Charlatanisme
1,8/10 - Fils de son père et de sa mère, Monsieur et Madame Mi
Bill-Yves se fit connaître en tant que porte-parole des dieux auprès des mortels. Lui-même n’était qu’un humain des plus banals, mais affirmait avoir réussi à capturer un dieu méconnu dans une mare et à l’asservir. Beaucoup de témoignages le décrivent se promenant partout avec SON dieu bien en vue, et communiquant avec lui par la pensée lors de transes parfaitement ridicules. Il transmettait ensuite aux spectateurs les volontés du dieu. En général, il s’agissait d’ordres pas trop mystiques et même plutôt matérialistes du style : « Donne-moi ce magret de mammouth grillé », « Tu déposeras le lait de ta chèvre demain matin devant ma hutte », etc. Ce nouveau dieu était bien exigeant, voire super pénible, et quelques humains commencèrent à ne plus croire en lui. Certains prétendaient même que ce n’était qu’une grosse moule des marais coiffée d’une perruque d’algues et que Bill-Yves était un imposteur. Les sapiens les plus perplexes, en pleine crise de foi, lui collèrent deux-trois baffes et il ne leur demanda plus jamais rien. Les plus serviles continuèrent leurs offrandes… Prophète ou faux prêtre ? Dans ces récits mythologiques, il est parfois difficile de démêler le vrai du faux !
Fig. 1 La concurrence entre les prophètes du Paléolithique est à l’origine des meilleures recettes d’aujourd’hui
MOUDINI
brushing du temps jadis
moustache néolithique
mulet préhistorique
cacahuète néolithique
jupette en cuir de varan
bottines en limace retournée
cape en pelures de bananes teintées collant en peau d’anguille
NIVEAU autres noms divinité pouvoirs PUISSANCE parenté
2,1/10 - Peut-être un descendant de Missou l’Exécrable
Moudini est un magicien, un sorcier, un mage, un enchanteur… C’est même lui qui a inventé tous ces synonymes, par pure vanité. Son pouvoir magique lui viendrait de son aïeul, Missou l’Exécrable. On dit de Moudini que c’était un ermite mollasson vivant dans un crâne de mammouth abandonné et échangeant ses prodiges contre de gros cadeaux. Il y a bien longtemps, les pauvres mortels arrivaient de partout pour l’implorer de leur faire repousser un pied, de conjurer la famine ou de ressusciter un canard de compagnie…
Mais lui, son truc, c’était plutôt faire griller une cacahuète par la pensée, exploser du pop-corn à distance ou encore deviner la couleur préférée des gens. Frustrés de ne jamais être satisfaits, les mortels le ligotaient systématiquement puis le jetaient dans le marais voisin, ou bien l’enterraient vivant histoire de lui donner une bonne leçon. À chaque fois, Moudini parvenait à se libérer et à filer en douce. Si on y réfléchit, c’est plutôt ça son VRAI pouvoir. Même s’il faut bien reconnaître que le pop-corn, c’est délicieux.
Fig. 1 Artefact no 6 : Équivalent contemporain du mage Moudini
Parmi les Gromythos, Ia est la seule à avoir une réelle ascendance divine, doublée de véritables pouvoirs. Toutefois, ces derniers étaient complètement inutiles aux sapiens d’antan. En effet, cette déesse était affligée d’une terrible maladie : l’anachronisme. Elle apparaissait aux sapiens armée de son sceptre quadricoeur 2,2 GHz 4 Go et leur proposait des tableurs, des logiciels ou encore des jeux MMORPG. Surpris, les humains s’arrêtaient un instant de tailler leurs silex, lui souriaient poliment et se remettaient au travail. Les journées ne duraient guère plus de trois heures durant la glaciation, alors vous pensez bien que le streaming n’était pas du tout leur priorité ! Le pire advint quand elle se mit en tête de les convertir aux « entrelacs célestes », qu’on appelle aujourd’hui « réseaux sociaux » : elle débarquait en pleine chasse au mammouth pour montrer comment scroller à tout ce petit monde et faisait fuir le gibier. Persuadés d’avoir affaire à une zinzin ou à une affabulatrice, les humains finirent par la chasser en lui jetant bifaces et galets. Toujours est-il qu’à l’époque, il n’était pas rare de croiser un hominidé occupé à taper sur une grosse pierre en psalmodiant « tik tok tik tok » dans le soleil du soir embrasant le crépuscule.
Fig. 1 Artefact no 7 : l’artisanat était déjà très développé il y a 50 000 ans. Cet authentique collier dédié à IA trouvé lors d’une vente de garage de Hongue-Congue en est la preuve.
Les dieux, courroucés par l’attitude des mortels, décidèrent de tout recommencer depuis le début et d’annihiler l’humanité sous des milliards de tonnes de neige. C’est ce qu’on appela le « temps des luges », ou encore « touchousse », dans la langue originelle.
8
Les Après
dieux de transition
échantillon de la création originelle
AMBILO
superficie 20 km2
altitude 4km
pelage protecteur
pattes en titane givré
dromadaire géant préhistorique
1 - Le village dans les nuages divin dromadaire
- Préservation - Climatisation
- Déambulation
sol mortellement froid
10/10 - Créé par Peytamesh et Fishnsheep
Contrarié que SA faune finisse surgelée comme des croquettes, et fatigué à l’idée de devoir tout recommencer, Peytamesh prit conseil auprès de Fishnsheep au vu de sa miséricorde notoire envers les humains. Ensemble, ils eurent une idée : pourquoi ne pas conserver un échantillon de l’ancien monde et attendre que la neige fonde avant de le remettre sur Terre dans quelques millénaires ? Ainsi fut fait et Peytamesh créa Ambilo, un dromadaire géant doté de pattes mécaniques insensibles au froid (les après-skis n’existaient pas encore et, du reste, les camélidés supportent mal les chaussures). Fishnsheep y installa une tribu de sapiens triés sur le volet, bien au chaud parmi les nuages. Sur les conseils d’Ia, ils ajoutèrent des habitations futuristes, la climatisation, la 5G et la fibre. En un mot, Ambilo, c’était le PARADIS ! Chacun savait bien que ça ne durerait pas, mais tout le monde s’en fichait pas mal : « Après moi, le temps des luges ! » clamaient les quelques élus sauvés des neiges. Ambilo arpenta ainsi la terre gelée pendant des siècles et des siècles. L’ADN des mortels d’Ambilo s’appauvrit-il par consanguinité au fil du temps ? L’histoire ne le dit pas, mais ce qui est sûr, c’est que nous… VOUS… êtes leurs descendants !
C’est moi
Jean-Paul où ça s’est rafraîchi d’un coup, là ?
Fig. 1 Le tout début de l’ère glaciaire (la Guēn-dasse, dans la langue originelle)
VOUCH
mugissement éternel
confiance absolue dans l’avenir ailes du destin abdomen inéluctable pattes du renouveau perpétuel
Vouch est synonyme d’espoir et de recommencement perpétuel.
Elle appartient aux Après, les seules divinités dont les rescapés du temps des luges gardèrent un souvenir. Si Vouch a une tête de vache et un corps de mouche, ce n’est pas du tout parce que « les voies des dieux sont impénétrables », comme le rabâchent tous ces imposteurs de théologiens. Non, c’est même hyper logique, jugez par vous-même : qui dit vache dit bouse, n’est-ce pas ? Qui dit bouse dit mouche, qui dit mouche dit décomposition et humus, et qui dit humus dit herbe, donc vache à nouveau ! C’est juste LE symbole de la résurrection.
Pas étonnant dans ce cas que les humains d’avant l’aient idolâtrée.
Sur Ambilo (voir planche xlv), certains intégristes professaient même à tout bout de champ : « Tant qu’y a d’la vache y a d’la raclette, et tant qu’y a d’la raclette y a d’l’espoir ! Gloire à Vouch ! » Aujourd’hui encore, certains mortels semblent sous l’influence de Vouch. Trop confiants dans leur destin immuable, ces derniers se permettent de faire un peu n’importe quoi, comme allumer des feux d’artifice dans leur salon ou coller leurs index dans leurs oreilles avec de la superglu.
Vois-tu, Blanchette, la bouse, c’est de la fleur digérée.
C’est l’ESPRIT de la fleur, c’est le niveau d’évolution cosmique le plus élevé de la fleur, alors plus rien ne sépare la fleur de DIEU…
Fig. 1 Prêtre bouzzhiste prêchant la bonne parole
CHTOULOUCOUCOU
feuilles de bettes à carde
air suspect corps de pastèque
racines gluantes
nombre de racines : pfff racines glutineuses
racines collantes
racines mucilagineuses
NIVEAU autres noms divinité pouvoirs PUISSANCE parenté
10 - Dieu du hasard - Maître de la providence divin 5 fruits et légumes par jour - Pile ou face - Tombola céleste - Cap ou pas cap
8,5/10 - Créé par Broot
Certains prétendent que Chtouloucoucou est une monstrueuse entité cosmique venue d’une autre planète dont la simple vision maléfique rend fou, mais c’est absolument faux ! En réalité, il n’est autre que l’incarnation du hasard. Et pour cause, Broot le créa en utilisant le principe de la roulette botanique : c’est pour cela que Chtouloucoucou ressemble à un mélange aléatoire de racines tentaculaires, de pastèque et de feuilles de bettes à carde. C’est sous son influence aventureuse que vous commandez au pif un plat beaucoup trop pimenté sur un menu entièrement rédigé en coréen. Et si vous vous retrouvez perdu dans les bois en pleine nuit parce que « les cartes de randonnée, c’est pour les faibles », c’est aussi à sa magie que vous le devez. Chtouloucoucou, c’est l’aventure ! Et l’aventure, c’est la vie ! Mais parfois, c’est aussi la mort. Comme Vouch, il a beaucoup d’adeptes, car avec lui on ne s’ennuie jamais. Chtouloucoucou est toujours parmi nous, même si les sapiens contemporains ne laissent plus guère de place au hasard avec leurs sciences et leurs technologies. J’affirme haut et fort qu’il vit toujours dans les abysses du Pacifique Sud, même si les zoologues actuels ne voient en lui qu’un vulgaire poulpe un peu bizarre et dégoûtant (lire Les Animaux qui existent peut-être).
Si ça se trouve, il s’agit là d’une monstrueuse entité cosmique vénérée tel un dieu par des humains dévoyés lui vouant un culte immoral, qui nous conduira tous à l’Apocalypse !
Allons, un peu de sérieux, Jean-Ludovic…
Fig. 1 Bel exemple de l’esprit scientifique
POSTFACE
Bien longtemps après que les sapiens eurent regagné leur planète originelle, les Après furent à leur tour oubliés. Il n’y avait plus aucun dieu ni aucune déesse dans le Ciel ou sur Terre. Sans doute boudaientils quelque part dans cette galaxie ou dans une autre, écœurés de tant d’ingratitude. Hélas, toujours mortels, les humains eurent de nouveau froid et faim. Mais surtout, ils recommencèrent à se poser des questions. Des questions auxquelles personne ne savait répondre. Alors ils furent bien obligés d’inventer de nouvelles divinités, de celles que vous connaissez déjà : grecques, incas, vikings, et bien d’autres encore… Il n’empêche que toutes ressemblent de façon plus que troublante à celles qui sont décrites dans cet ouvrage. Il est pourtant scientifiquement impossible que ces similitudes aient été transmises jusqu’à l’Antiquité puisque l’écriture ne date que de 5 000 ans. Quant à l’autrice de cette mythologie, elle fut maintes fois attaquée par des théologiens l’accusant d’avoir tout inventé.
Vous trouverez ci-contre un droit de réponse très convaincant paru dans le no 28 du magazine Passion Mytho de juin 2023. Dans cet article, elle se défend brillamment avec des arguments incontestables.
Je ne vois pas où je serais allée chercher tout ça, ni pourquoi, d’ailleurs ! Puisque je vous dis que je le tiens de ma grand-mère, qui elle-même le tenait de son garagiste. Vous n’oseriez quand même pas traiter le garagiste de menteur ? Et pourquoi pas ma grand-mère, tant qu’on y est ? Vous savez ce qu’elle vous répond, ma grand-mère ?
C’est celui qui dit qui l’est ! – B. Tineuze
Dans ce livre de mythologie, comme dans tous les livres de mythologie, il y a des mythes, des légendes, des histoires épiques. Mais vous n’y trouverez ni dieu grec, ni déesse égyptienne, pas de Shiva plein de bras et encore moins de barbu roux armé d’un gros marteau magique... Car tout le monde sait que ça n’existe pas.
Les créatures qui peuplent ce livre ont en revanche toutes bel et bien existé. En tout cas, personne n’a jamais réussi à prouver le contraire…
