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Des outils pour mesurer la vulnérabilité et la fragilité
Nombre de kinésithérapeutes voient passer au quotidien des patients âgés – un groupe de plus en plus nombreux qui souhaite continuer le plus longtemps possible à mener une vie autonome dans son environnement familier, ce qui nécessite des soins et thérapies adaptées dispensées par des soignants professionnels.
Une vieillesse en bonne santé est étroitement liée au maintien ou au rétablissement de l’autonomie, qui favorise à son tour le bien-être global. Le patient gériatrique se caractérise toutefois par une certaine fragilité/vulnérabilité et présente un risque élevé de détérioration fonctionnelle et de dépendance. Dans cette population, l’autonomie est donc loin d’être une évidence.
La définition opérationnelle de la fragilité (frailty) la plus fréquemment utilisée est celle de Linda Fried et al. [1] [2] , qui en ont proposé une définition phénotypique reposant sur cinq éléments :
• Une perte de poids non intentionnelle • Une faiblesse musculaire • Un ralentissement de la vitesse de marche • Une perte d’endurance • Une baisse de l’activité physique
Une personne est considérée comme fragile lorsqu’au moins trois de ces critères sont réunis. Lorsqu’il n’y en a qu’un ou deux, on parlera de « pré-fragilité » ou de « fragilité intermédiaire » ; les sujets qui n’en présentent aucun sont dits « non fragiles » ou « robustes ».
Plusieurs instruments de mesure sont utilisés pour garantir une thérapie optimale dans le cadre de la Classification Internationale du Fonctionnement humain (CIF). Ils nous permettent de déterminer d’une manière très simple si la personne concernée se trouve en situation de vulnérabilité et de donner des indications claires ou de développer une action plus ciblée. Bien souvent, il subsiste des capacités résiduelles suffisantes pour améliorer la situation par des exercices de force et d’équilibre.
Quels sont les outils de mesure recommandés en cas de vulnérabilité ou de fragilité ?
• La Physical Performance Scale se compose de 2 tests : • L’échelle d’équilibre de Berg : une échelle d’équilibre bien connue, mais aussi un test des activités de la vie quotidienne (AVQ) • La vitesse de marche (test de marche sur 4 mètres, test de marche sur 10 mètres)
• La force musculaire : • La mesure de la force de préhension (dynamomètre) • L’échelle MRC (Medical Research Council)
Aux outils de mesure énumérés ci-dessus s’ajoutent une série d’autres possibilités pour mesurer la force musculaire, l’équilibre, la vitesse de marche et la fragilité, dont les mieux connus sont des tests de lever de chaise chronométrés comme le TUG (Timed Up and Go) ou le TCST (Timed Chair Stand Test), des tests d’équilibre comme le Four Test Balance scale, le test de Tinetti, le Functional Reach Test… Nous nous limiterons toutefois ici à ceux qui ont été mentionnés plus haut.
L’échelle d’équilibre de Berg [3] Elle permet de dresser le tableau des capacités fonctionnelles statiques et dynamiques.
L’échelle de Berg évalue l’équilibre et repose sur 14 éléments, cotés sur une échelle ordinale à 5 points (de 0 à 4), le score maximal étant de 56 points. Ce test a démontré sa fiabilité, sa validité et sa réactivité et permet d’évaluer le risque de chutes, un score < 45 points étant associé chez les personnes âgées à un danger accru.
Le tableau ci-dessus reprend les fourchettes considérées comme normales sur l’échelle de Berg. Un score inférieur à ces valeurs est associé à un risque de difficulté dans les AVQ et de vulnérabilité.
60 – 69 ans 55-56 54-56
70 – 79 ans 52-56 52-55
80 – 89 ans 51-54 49-52 Différence (cliniquement) significative 2,8-6,6 2,8-6,6
Autonome avec déambulateur ≥ 33 ≥ 33
Autonome sans dispositif d’aide à la marche ≥ 46 ≥ 46
Date 1 D’assis à debout 2 Se relever seul 3 S’asseoir seul 4 De debout à assis 5 Transferts 6 Rester debout avec les yeux fermés 7 Se relever seul avec les pieds joints 8 Tendre la main avec le bras tendu 9 Debout et ramasser un objet au sol 10 En position debout, regarder au-dessus de l’épaule gauche et puis de la droite 11 Faire un tour de 360 ° sur soi-même 12 Alterner la montée et la descente d’un pied sur une petite marche 13 Debout avec un pied en avant 14 Debout sur un pied
Total
Cet instrument de mesure et son utilisation sont à retrouver sur le site www.meetinstrumentenzorg.nl.
La vitesse de marche [4] [5] [6] [7] Elle peut être mesurée sur une distance de 4, 6 ou 10 mètres, 4 mètres étant le minimum ; le score est déterminé sur la base de la moyenne de trois mesures. Le patient est invité à marcher le plus rapidement possible, mais à un rythme qui reste confortable pour lui. Une zone d’accélération et de décélération est prévue en sus de la distance sur laquelle porte la mesure.
Une série de vitesses de marche associées à la dépendance, à l’hospitalisation, aux besoins en rééducation, à la sortie d’hôpital/du centre de rééducation et au degré de mobilité

Un temps de marche de plus de 5 secondes pour 4 mètres (< 0,8 m/s) suggère un risque accru de vulnérabilité et la nécessité d’un examen clinique plus poussé.
Le test de préhension [8] Le test est réalisé en position assise, l’avant-bras reposant sur un support, le coude plié à 90°. Le patient serre le dynamomètre le plus fort possible durant 3 secondes. Trois mesures sont effectuées de chaque côté (en alternance) ; on retient pour chaque main la valeur la plus élevée.
Le tableau ci-dessous reprend les valeurs normales :
Âge Main Homme Femme
50-54 D 51,53 kg 29,85 kg
G 46,22 kg 25,99 kg
55-59 D 45,90 kg 25,99 kg G 37,74 kg 21,45 kg
60-64 D 40,69 kg 24,99 kg
G 34,84 kg 20,73 kg
65-69 D 41,32 kg 22,50 kg
G 34,84 kg 18,60 kg
70-74 D 34,16 kg 22,50 kg G 29,39 kg 18,82 kg Seuils des valeurs mesurées à l’aide d’un dynamomètre hydraulique :
FAIBLE À RISQUE NORMAL
Homme Femme Homme Femme Homme Femme
25 kg 11 kg 38 kg 21 kg 50 kg 31 kg
L’EWGSOP 2 considère comme faible un score de 27 kg chez les hommes et de 16 kg chez les femmes. [9]
La Foundation for the National Institutes of Health (FNIH) considère comme faible un score de 26 kg chez les hommes et de 16 kg chez les femmes et comme « à risque » un score de 32 kg chez les hommes et de 20 kg chez les femmes. [10]
L’échelle MRC La mesure ou la gradation de la force de groupes musculaires distincts repose le plus souvent sur l’échelle MRC, qui va du grade 0 au grade 5 et prend pour critère principal le mouvement contre la pesanteur. [11]
0 = absence totale de contraction
1 = contraction visible mais sans effet
2 = un mouvement peut être effectué lorsque la pesanteur ne joue pas. Ex. : mouvement horizontal du bras
3 = le patient est en mesure de surmonter la gravité
4 = le patient est en mesure de s’opposer à la gravité
• Ce score est parfois subdivisé en « 4 moins » lorsqu’il est capable de résister un peu • Et « 4 plus » s’il exerce une résistance marquée (4 plus = presque normal) • À partir de 4, l’évaluation est délicate parce que l’on ne connaît jamais exactement la force normale d’une personne d’une constitution et d’un âge donnés
5 = la force est normale
Conclusion En sus des tests susmentionnés, il existe également des questionnaires pour mesurer la fragilité ou la vulnérabilité, comme par exemple le Groningen Frailty Indicator, le Tilburg Frailty Indicator, etc.
Les résultats d’un ou plusieurs de ces tests permettront aussi au kinésithérapeute d’établir plus facilement un plan de traitement et d’aider ainsi plus efficacement le patient à conserver son autonomie et son indépendance.

Jan Tessier est président de la zone de première ligne Oostkust, membre du conseil d’administration du cercle de kinésithérapie Noord-WestVlaanderen et membre du conseil d’administration de l’ABCIG Kinésithérapie en Gériatrie. Plus d’information sur l’ABCIG ? Surfez sur www.axxon.be/fr/bcig
Références [1] FRIED LP, TANGEN CM, WALSTON J, et al. Frailty in older adults: Evidence for a phenotype. J Gerontol A Biol Sci Med Sci 2001; 56: M146-M156)
[2] Broosheid bij ouderen of „frailty”: het geriatrisch kernsyndroom ontleed - M. Dejaeger, E. Gielen, M. Vandewoude, K. Milisen, M. Laurent, D. Vanderschueren, F. Claessen, J. Flamaing, S. Verschueren, S. Boonen – Tijdschrift voor Geneeskunde, 67, nr. 22, 2011 – doi: 10.2143/TVG.67.22.2001076
[3] Berg, K. el al (1983): “Measuring Balance in the Elderly: Preliminary development of an Instrument.” Physiotherapy Canada 41:304-310, 1989
[4] White Paper: “Walking Speed: the Sixth Vital Sign” Fritz, Stacy PT, PhD; Lusardi, Michelle PT, PhD - Journal of Geriatric Physical Therapy32(2):2-5, 2009.
[5] BCGuidelines.ca: Frailty in Older Adults – Early Identification and Management (2017)
[6] Braden H. Self-selected gait speed: A critical clinical outcome. Lower Extremity Review [Internet]. 2012 Nov [cited 2017 Apr 7]. Zie ook: http://lermagazine. com/article/self-selected-gait-speed-a-critical-clinical-outcome
[7] CGA Toolkit [Internet]. Gait Speed Test. Resources for the Comprehensive Geriatric Assessment based Proactive and Personalised Primary Care of the Elderly. Zie ook: http://www.cgakit.com/fr-1-gait-speed-test
[8] Study to totally standardize procedures – Roberts HC, et al, Fsharpened 2011.
[9] Sarcopenia: revised European consensus on definition and diagnosis. Writing Group for the European Working Group on Sarcopenia in Older People 2 (EWGSOP2), and the Extended Group for EWGSOP2.
[10] The FNIH Sarcopenia Project: Rationale, Study Description, Conference Recommendations, and Final Estimates - The Journals of Gerontology: Series A, Volume 69, Issue 5, May 2014, Pages 547–558, https://doi.org/10.1093/ gerona/glu010
[11] Vanpee G, Hermans G, Segers J, Gosselink R. Assessment of limb muscle strength in critically ill patients: a systematic review. Crit Care Med. 2014 Mar;42(3):701-11.