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Les différentes thérapies à disposition du thérapeute pour viser l’amélioration des fonctions du membre supérieur après un AVC
Quelle est la meilleure pratique dans la réadaptation du membre supérieur chez le patient ayant subi un AVC ?
Cet article se base sur une revue systématique multiple afin de faire un état des lieux des techniques de rééducation permettant d’induire une récupération du membre supérieur après AVC (Hatem et al., 2016).
L’ Accident Vasculaire Cérébral (AVC) est la deuxième cause de décès la plus courante dans le monde. Bien que l’incidence des AVC ait diminué au fil du temps grâce aux progrès médicaux et techniques, le nombre absolu de personnes touchées ou handicapées par ceuxci a quant à lui augmenté à l’échelle mondiale. En effet, la World Health Organisation (WHO) estime que les AVC vont probablement augmenter dans les Etats Membres de l’Union Européenne de 30 % entre 2000 et 2025.
La récupération post-AVC suit une évolution non logarithmique (Figure 1). La plus grande partie de la récupération survient durant les 3 premiers mois suivant l’AVC. Néanmoins, la récupération neurologique ne se limite pas à cette période, mais peut survenir plusieurs années après l’AVC.
Bien souvent, les déficits de fonction motrice dus à un AVC affectent la mobilité de nos patients, leurs activités de la vie quotidienne, leur participation à la société et leurs chances de reprendre une activité professionnelle.
Figure 1 : Récupération spontanée neurologique post-AVC. Kwakkel et al. 2006 ; Langhorne et al. 2011.
Par ailleurs, les déficits du membre supérieur (MS), qu’ils soient au niveau du bras, de la main ou des doigts, sont persistants chez plus de 50% de nos patients plusieurs années après leur accident. Ceci est d’autant plus grave que l’utilisation de leur MS est fortement corrélée avec leur qualité de vie (ex. : s’alimenter, s’habiller, faire sa toilette…) et leur perception subjective de bien-être. Avec le temps, on peut observer que nos patients ont une tendance à la sous-utilisation du membre déficient au profit du membre sain. Ce phénomène de « nonutilisation acquise » sur le bras déficient et de « sur-utilisation » sur le membre opposé leur permet de faire face aux difficultés quotidiennes. Néanmoins, d’un point de vue rééducatif, ceci est particulièrement délétère car cela réduit les fonctions du membre atteint et impacte le niveau d’incapacité à long terme. Un cercle vicieux s’installe et le membre est de plus en plus délaissé. L’amélioration de la fonction du MS est donc un élément essentiel de la réadaptation de nos patients.
La rééducation post-AVC vise à offrir tous les moyens possibles permettant de récupérer les fonctions perdues et d’augmenter l’autonomie des patients tout en tenant compte des déficiences motrices existantes. Mais quelles sont les techniques de neuro-réhabilitation qui permettent de promouvoir la récupération motrice du MS ? C’est l’objectif de la revue systématique multiple de Hatem et al. (2016) sur laquelle le présent article se base. En effet, cette revue systématique a permis de recenser l’ensemble des thérapies utilisées dans la réhabilitation fonctionnelle du MS et de mettre en avant celles dont l’efficacité a été démontrée scientifiquement. Cette revue extrêmement rigoureuse est menée sur plus de 5.712 publications (parues entre 1971 et 2015) portant sur la réadaptation motrice post-AVC des membres supérieurs.
Ses auteurs proposent une classification de nos pratiques professionnelles en six catégories, selon les modalités de traitement utilisées :
1.
Les approches neurofacilitatrices : le concept Bobath, la méthode Perfetti, la méthode Picard.
2.
3.
4.
5.
6.
Les concepts isolés : le renforcement musculaire, l’isocinétisme, le stretching, l’entraînement bilatéral.
Les thérapies basées sur les théories de l’apprentissage moteur : la thérapie par contrainte induite (CIMT) et les thérapies intensives.
Les interventions basées sur l’hypothèse des neurones miroirs et de l’imagerie motrice : l’observation motrice, l’imagerie mentale, la thérapie miroir.
Les thérapies adjuvantes : il s’agit des thérapies combinées à un autre traitement de réadaptation, comme la stimulation cérébrale non invasive et invasive, la stimulation électrique fonctionnelle ou la pharmacologie (toxine botulique, antidépresseur).
Les thérapies basées sur la technologie : la robotique, la réalité virtuelle et les serious games.
Parmi toutes ces thérapies et suite aux évidences des données scientifiques, les techniques de rééducation permettant de favoriser la récupération de la fonction motrice du MS sont le renforcement musculaire (preuves d’un niveau modéré), la CIMT (preuves d’un niveau modéré), la thérapie miroir (preuves d’un niveau modéré), l’imagerie mentale (preuves d’un niveau modéré) et certaines thérapies adjuvantes. Les moyens thérapeutiques qui ne sont pas repris ci-dessous ont dû être exclus : • soit à cause d’un nombre insuffisant de données scientifiques permettant de soutenir leur supériorité par rapport à d’autres moyens thérapeutiques dans la rééducation de la fonction motrice du MS (ex.: le concept Perfetti ou Picard).
• soit à cause d’un nombre suffisant de données scientifiques ne permettant pas de soutenir leur supériorité par rapport à d’autres moyens thérapeutiques dans la rééducation de la fonction motrice du MS (ex.: la thérapie Bobath ou le stretching musculaire). 1. Le renforcement musculaire Contrairement à ce qui a été longtemps pensé, le renforcement musculaire n’induit/n’augmente pas la spasticité. Par contre, nous savons à ce stade qu’il constitue une partie essentielle de la rééducation de patients cérébrolésés (Patten et al., 2004 ; Daly et al., 2005). Il permet d’augmenter ou d’entretenir la force musculaire, dans le but d’améliorer la trophicité et la performance musculaire (NICE, KNGF et HAS).
Le renforcement musculaire peut être proposé aux patients étant aux stades aigu, subaigu et chronique de l’AVC.
Pour être efficace, les exercices de renforcement doivent être actifs, fonctionnels et progressifs. Ces exercices peuvent être effectués contre une résistance manuelle (exercée par le thérapeute), une résistance par des objets ou une résistance par des appareils dits « porteurs » : isocinétisme, robotique et stimulation électrique fonctionnelle. Aucune supériorité de l’isocinétisme manuelle n’a toutefois pu être mise en évidence. 2. La thérapie par contrainte induite (CIMT) La CIMT peut être proposée aux patients étant aux stades aigu, subaigu et chronique de l’AVC.
La CIMT est une approche thérapeutique se basant sur les théories de l’apprentissage moteur. Il s’agit d’une approche rééducative orientée sur la tâche. C’est un moyen thérapeutique qui permet d’induire un apprentissage moteur et une plasticité cérébrale.
Contrairement à l’usage forcé (qui se base sur l’idée d’immobiliser le MS non parétique, sans intervention spécifique), la CIMT nécessite à la fois un entraînement fonctionnel du MS atteint tout en augmentant progressivement le niveau de difficulté ainsi qu’une immobilisation du MS non atteint.
Au départ, le protocole de la CIMT était le suivant : s’exercer d’une manière répétitive et orientée sur une tâche 6h/jour durant 10 jours consécutifs, intégrer dans la vie de tous les jours les habilités nouvellement acquises (suite à la thérapie), contraindre le MS non atteint durant 90% des phases éveillées du patient (waking hour) (Morris et al., 2006) et augmenter graduellement la difficulté des tâches (Taub et al., 2005, 2006).
Des formes « modifiées » de CIMT ont été proposées (mCIMT). Cellesci consistent à appliquer les mêmes principes thérapeutiques avec des temps de travail adaptés (entre 0,5 à 6 h/jour) et sur une durée (nombre de jours consécutifs) plus longue. 3. La thérapie miroir La thérapie miroir peut être proposée aux patients étant aux stades aigu, subaigu et chronique de l’AVC.
Il s’agit d’un traitement durant lequel un miroir est placé dans le plan sagittal médian du patient, de sorte que le côté non parétique puisse se refléter comme s’il s’agissait du MS atteint (Ramachandran et al., 1995). Dès lors, le mouvement du membre non parétique crée l’illusion du mouvement du MS parétique. Parmi les avantages de la thérapie miroir, on peut retenir
Patient AVC

Aigu Moins qu’un mois post AVC
Subaigu Entre 1 mois et 6 mois post AVC
Chronique Plus que 6 mois post AVC
LÉGENDE AVC : Accident Vasculaire Cérébral
MOUVEMENTS DE LA MAIN Présent Absent
Présent
Absent
Présent
Absent
CIMT (1 à 3h / jour), Renforcement musculaire, Thérapie miroir
Elevée
Faible
Elevée
Faible
Elevée
Faible
Elevée
Faible
Thérapie miroir
Toxine botulique, CIMT, Renforcement musculaire
CIMT, Renforcement musculaire
Toxine botulique, Thérapie miroir, mCIMT
Thérapie miroir, mCIMT
Toxine botulique, CIMT, Renforcement musculaire
CIMT, Renforcement musculaire
Toxine botulique, Thérapie miroir, mCIMT
Thérapie miroir, mCIMT
CIMT : Thérapie par contrainte induite mCIMT : Thérapie par contrainte induite modifiée
Figure 2 : Arbre décisionnel (adapté de Hatem et al. 2016).
la facilité avec laquelle la thérapie est applicable, la possibilité de l’appliquer d’une manière autonome et de pouvoir l’appliquer chez des patients qui sont sévèrement atteints.
Toutefois, il faut veiller à ce que la difficulté de l’exercice soit bien calibrée, stimulante mais atteignable. Le patient ne doit pas s’ennuyer et être très concentré sur ce qu’il fait et voit. Sans oublier la quantité de travail, qui doit être importante si l’on veut tirer un bénéfice de la thérapie. 4. L’imagerie mentale L’imagerie mentale peut être proposée aux patients étant aux stades subaigu et chronique de l’AVC.
L’imagerie mentale consiste à répéter cognitivement des activités afin de les améliorer. Le mouvement n’est pas réellement produit mais, à l’inverse, imaginé par le patient (Jackson et al., 2001 ; Page et al., 2001). Cette visualisation peut se produire du point de vue de la première ou de la troisième personne et le protocole définit le nombre de répétitions imaginées ou le temps que la personne investit dans la procédure d’imagination. L’imagerie mentale peut être combinée avec un entraînement physique de l’activité imaginée ou utilisée seule. 5. Les thérapies adjuvantes Les thérapies adjuvantes qui se révèlent comme étant efficaces sont les suivantes : l’imagerie mentale, la réalité virtuelle, la stimulation électrique neuromusculaire passive, la stimulation magnétique transcrânienne répétitive (rTMS), la stimulation transcrânienne par courant continu (tDCS), certains antidépresseurs et la toxine botulique.
L’arbre décisionnel Les auteurs ont été plus loin en proposant un arbre décisionnel (Figure 2) pour la réadaptation des membres supérieurs après un AVC. Cet arbre décisionnel est un outil clinique mis à notre disposition afin de nous permettre de choisir au cœur de notre processus clinique l’intervention la plus adéquate et efficace pour notre patient. Il se base sur le stade de l’AVC (aigu, subaigu ou chronique) (Figure 1), la présence de mouvements de la main et la présence d’hypertonie neurogène (type spasticité ; co-contraction ; dystonie spastique) (Gracies, JM. et al., 2010).
En fonction des caractéristiques du patient décrites ci-dessus, des approches de rééducation spécifiques ainsi que des recommandations adjuvantes sont alors proposées (Figure 2).
On peut dès lors observer que selon le stade de l’AVC, certains concepts de réadaptation peuvent être plus appropriés que d’autres. Pour certaines approches de réadaptation, le degré de gravité initial du déficit de notre patient va avoir un impact majeur sur la faisabilité et l’efficacité de l’intervention, ce qui nécessitera une ou des adaptations. Sur base des preuves actuelles, les approches de réadaptation recommandées en tant qu’intervention de réadaptation principale pour améliorer les résultats moteurs du MS sont (Figure 2) :
• Chez le patient étant en phase aiguë de l’AVC : les exercices de renforcement musculaire, la thérapie par mouvement induit par des contraintes (avec un schéma posologique plus faible), la thérapie miroir, la stimulation électrique neuromusculaire passive, la rTMS, la tDCS, certains antidépresseurs et la toxine botulique.
• Chez les patients étant en phase subaiguë de l’AVC : les mêmes approches de réadaptation qu’au stade aigu sont recommandées, mais nous retrouvons en plus la pratique mentale avec imagerie motrice et la stimulation nerveuse électrique transcutanée à haute fréquence, qui offrent des résultats convaincants.
• Chez les patients étant en phase chronique de l’AVC : la thérapie miroir, les exercices de renforcement musculaire, la CIMT et la toxine botulique. Nous retrouvons également comme thérapies adjuvantes : la pratique mentale avec imagerie motrice, la rTMS, la tDCS et la réalité virtuelle.
Cette revue nous apporte la confirmation que certaines des approches démontrées efficaces sur le résultat moteur du MS ne présentent pas d’impact sur le degré d’hypertonie neurogène. Nous pouvons ainsi citer les exercices de renforcement musculaire, la stimulation électrique neuromusculaire passive, la thérapie miroir, la thérapie par contrainte induite et la réalité virtuelle.
Nous ne pourrions conclure notre partage des avancées du monde scientifique sans vous sensibiliser à la notion d’ « engagement moteur » réel de nos patients lors des séances de soins. En effet, pouvoir proposer des stratégies adéquates de réadaptation en fonction du stade et de l’évolution de notre patient est une chose, mais pouvoir améliorer nos connaissances sur la quantité de pratique nécessaire pour atteindre des résultats spécifiques seraient une belle avancée à laquelle le monde scientifique s’attelle (Dorsch & Elkins, 2020). Augmenter l’« engagement moteur » dans la pratique et la motivation à pratiquer de nos patients est un nouveau défi pour les thérapeutes, mais nous sommes persuadés que cela améliorerait grandement notre capacité à aider les personnes ayant subi un AVC à atteindre une pratique efficace. Références Daly, J. J., Hogan, N., Perepezko, E. M., Krebs, H. I., Rogers, J. M., Goyal, K. S., Dohring, M. E., et al. (2005). Response to upperlimb robotics and functional neuromuscular stimulation following stroke. J. Rehabil. Res. Dev. 42, 723–736. doi: 10.1682/ JRRD.2005.02.0048.
Dorsch, S. and Elkins, M (2020). Repetitions and dose in stroke rehabilitation. Journal of physiotherapy, doi: 10.1016/j. jphys.2020.04.001.
Gracies, J-M., Bayle, N., Vinti, M., Alkandari, S., Vu, P., Loche, C.M., and Colas, C. (2010). Five-step clinical assessment in spastis paresis. Eur. J. Phys. Rehabil. Med. 46, 411-21
Haute autorité de santé. Recommandation de bonne pratique : Accident vasculaire cérébral: méthodes de rééducation de la fonction motrice chez l’adulte. (2012). https://www.has-sante.fr/ upload/docs/application/pdf/201211/11irp01_reco_avc_ methodes_de_reeducation.pdf. Consulté le 01/07/2020
Hatem SM, Saussez G, Della Faille M, et al. (2016). Rehabilitation of Motor Function after Stroke: A Multiple Systematic Review Focused on Techniques to Stimulate Upper Extremity Recovery. Front Hum Neurosci. 10, 442. doi:10.3389/fnhum.2016.00442.
Jackson, P. L., Lafleur, M. F., Malouin, F., Richards, C., and Doyon, J. (2001). Potential role of mental practice using motor imagery in neurologic rehabilitation. Arch. Phys. Med. Rehabil. 82, 1133–1141. doi: 10.1053/apmr.2001.24286.
KNGF Clinical Practice Guideline for Physical Therapy in patients with stroke. (2014). https://www.dsnr.nl/wp-content/ uploads/2012/03/stroke_practice_guidelines_2014.pdf. Consulté le 01/07/2020.
Morris, D. M., Taub, E., and Mark, V. W. (2006). Constraintinduced movement therapy: characterizing the intervention protocol. Eura. Medicophys 42, 257–268.
National Institute for Health and Care Excellence. Clinical guidelines : Stroke rehabilitation in adults. (2013). https://www.nice.org. uk/guidance/cg162/chapter/1-Recommendations#movement. Consulté le 01/07/2020
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Patten, C., Lexell, J., and Brown, H. E. (2004). Weakness and strength training in persons with poststroke hemiplegia: rationale, method, and efficacy. J. Rehabil. Res. Dev. 41, 293–312. doi: 10.1682/JRRD.2004.03.0293
Taub, E., Uswatte, G., King, D. K., Morris, D., Crago, J. E., and Chatterjee, A. (2006). A placebo-controlled trial of constraintinduced movement therapy for upper extremity after stroke. Stroke 37, 1045–1049. doi: 10.1161/01.STR.0000206463.66461.97.