Cahier de faisabilité - Célia Normand

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DE L’HOSPITALISATION À L’HOSPITALITÉ

Inviter le quotidien dans un centre de soin



AVANT-PROPOS À l’intérieur se trouve une réflexion que je n’ai jamais vraiment eu l’occasion de traiter durant mes études mais qui, pourtant, est pour moi primordiale dans la manière de concevoir l’espace. Nous construisons, rénovons, améliorons, transformons des espaces pour l’homme, ce qui m’amène à penser que l’humain devrait être le principal moteur de la réflexion pour un designer d’espace. Pourtant, un des espaces qui devrait être le plus relié à l’homme, celui du médical, se veut distant. Ce terme nous renvoie tous vers l’image d’un espace d’attente, d’un couloir sans fin, sans fenêtre et sans vie. Un grand silence règne. Par souci d’économie et d’hygiène, le design et l’architecture ont longtemps été relégués au second plan. De ce fait, hôpitaux et autres structures de soins se ressemblent. Par des formes et des aménagements standardisés, ces lieux semblent figés, comme piégés par une conception immuable des espaces. Ce sujet concerne tout le monde. C’est un regard que la population en France porte de manière inquiète au travers de nombreux échecs auxquels nous faisons face : désertification médicale, urgences engorgées, médecins en burn out, soignants en souffrance… Le système de santé craque de toute part. Inadapté, il ne répond plus aux attentes des patients et nourrit le mécontentement des professionnels de santé. Il est également marqué par de profondes rigidités d’organisation ainsi que des tensions financières croissantes. Cela le rend déshumanisant et les institutions publiques commencent à en prendre conscience. À notre échelle, en tant que designer d’espace, comment pouvons-nous intervenir ? Tout autant que l’homme, ces lieux n’auraient-ils pas besoin d’être soignés ? Ces questions m’interpellent fortement, c’est donc dans cette direction que ma recherche de mémoire et de projet professionnel s’est engagée.

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AVANT-PROPOS

01.

CHIRURGIE DU PAYSAGE NANTAIS Pour une nouvelle centralité du soin

p.3

p.7

Déplacement du CHU Nouvelle dynamique autour d’un pôle de soin L’urgence de ralentir Des espaces à repenser

02.

PRISE EN MAIN Contre la douleur

p.27

> COMMENT L’ARCHITECTURE PEUT-ELLE ACCOMPAGNER LE CORPS DOULOUREUX VERS UNE RECONSTRUCTION DE SOI ? « J’AI MAL ! », Quand la douleur nous exclut de la société « JE NE ME SENS PAS À MA PLACE ! », Une rupture avec l’environnement et l’entourage « IL FAUT QUE JE M’ADAPTE ! », Vers un espace relais hospitalier Appendice : Rehabilitation health record booklet

03.

UNE INFIRMITÉ SPATIALE D’une enveloppe paysagère singulière à un mal-être intérieur

p.71

Un emplacement stratégique Un paysage médical Un lieu en retrait « Comme à l’hôpital »

04.

RÉÉDUCATION DU CENTRE DE SOINS Un centre pour réapprendre à vivre

p.111

Des rencontres inspirantes Un écosystème en attente de soins Vers un chemin de reconstruction Des intentions de projet : - Favoriser l’accompagnement - Soigner l’accueil et l’hospitalité - Adapté le soin à la ‘‘santé’’ - Des espaces vecteurs de volonté - Une extension du centre

ANNEXES

p.142

Bibliographie Remerciement

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01 CHIRURGIE DU PAYSAGE NANTAIS


10 SIATNAN EGASYAP UD EIGRURIHC


Pour une nouvelle centralité du soin

«Bien vivre à Nantes, c’est aussi une question de santé.» www.nantes.fr

Dans l’objectif de préserver le «soin pour tous», la ville de Nantes cherche à appliquer une nouvelle identité médicale. Elle tente de moderniser certains équipements et de renforcer l’efficacité en installant des dispositifs plus fonctionnels et plus attractifs. Cela aura pour objectif de fluidifier le parcours interne des patients en rassemblant les nombreuses interfaces médicales existantes au sein d’une même structure. Pour cela, la ville a récemment signé un contrat de construction dans l’objectif de réaliser un grand projet médical qui permettra d’engager un renouveau pour la santé Nantaise. Quelle sera la nouvelle image de la santé dans la ville ? Quelle place prendra-t-elle ? À quoi ressemblera-t-elle ?

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DÉPLACEMENT DU CHU Une hyperconcentration technique Le projet du nouvel hôpital sur l’île de Nantes s’est concrétisé lors de la validation du financement par Marisol Touraine, Ministre des Affaires Sociales et de la Santé en Septembre 2013, puis par la signature du contrat de maitrise d’œuvre avec l’équipe Art&Build, Pargade Architectes, Artelia et Signes Paysages en 2015. Cette intention de projet a pris sens au début des années 2000, suite à un diagnostic des activités réalisé au sein du CHU. Cette étude a révélé un dysfonctionnement des activités généré par la division du CHU en deux sites (l’hôtel-Dieu au centre-ville et l’hôpital Nord Laennec à Saint-Herblain). De plus, le vieillissement des bâtiments et le retard pris sur la prise en compte des réglementations et des normes dédiées aux bâtiments hospitaliers, ne permettent plus au CHU de répondre aux besoins de prises en charge et aux pratiques médicales nécessaires aujourd’hui.

▲ Photomontage de Pargade Architectes

▼ Carte de Nantes et géolocalisation du futur CHU

▲ Photomontage du projet du futur CHU par Pargade Architectes

Ce projet, qui devrait se concrétiser en 2026, sera l’occasion de questionner le modèle hospitalier en créant un nouveau quartier de santé. Ainsi, les activités de courts séjours, aujourd’hui dispersées entre le CHU et l’hôpital Nord Laennec, seront regroupées sur un seul et même site. D’ailleurs, lors du European Healthcare Design Congress 2018, concours international d’architecture consacré aux projets de santé, le futur CHU de Nantes a été lauréat dans la catégorie « Future Healthcare Design » pour sa collaboration avec les acteurs du CHU, sa prise en compte des différents acteurs et son travail architectural.

▲ Photomontage de Pargade Architectes

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Et demain ? ...

▲Plan local d’urbanisme Métropolitain (PLUM) - Document issu du PLUM de Nantes Métropole - Sans échelle

Repolarisation du soin et du centre Nantais Les hôpitaux français reçoivent 500 000 patients chaque jour, 21 millions d’appels au SAMU et 13 millions de personnes qui se rendent aux urgences chaque année. Au cours d’une année, la plupart des français vont à l’hôpital pour se soigner ou rendre visite à un proche. Par conséquent, l’hôpital est un service public au cœur de notre société et pour cela, il se doit d’être accessible et proche de ses citoyens. Or, ne serais-ce pas une erreur de déplacer le CHU tout au sud de l’île de Nantes, à l’extrémité du centre-ville historique ? Avec la forte transformation et l’expansion du centreville, il se trouve compliqué de placer un hôpital plus proche du centre que le CHU actuel. Cependant, depuis les années 2000, la ville de Nantes a mené divers projets de restructuration sur l’île de Nantes dans l’objectif de l’inclure au centre-ville. Ainsi, l’implantation du CHU au sud-ouest lui permettra de devenir un des éléments majeurs de la restructuration de l’île de Nantes et permettra de créer une plus grande dynamique entre l’île et le centre-ville.

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1990

2018

2026


NORD

▲ Schéma en plan représentant le zooning des espaces du futur CHU. Photomontage d’un plan masse réalisé par Pargade Architectes.

Une nouvelle image et identité pour le soin Implanté prochainement sur l’île de Nantes, le CHU a pour objectif de souligner et de conserver l’image de «l’île de la création». Pour cela, les architectes du nouveau projet ont cherché à relier l’hôpital avec la ville en imaginant un hôpital fragmenté où les différents services seront hiérarchisés puis reliés par des passerelles. Cela permettra d’ouvrir le CHU à la ville et de faciliter la déambulation et la prise en charge des patients. De plus, ce principe de fragmentation place l’hôpital à l’échelle dite « familière » en évitant de construire des blocs en béton comme on a l’habitude de voir pour des centres hospitaliers. D’après les architectes, l’hôpital prendra la forme d’un campus universitaire en milieu urbain afin de briser les codes de l’architecture hospitalière. De plus, l’hôpital se réinventera avec la Loire comme une grande partie des nouveaux projets de la ville. Que ce soit sous la forme aussi bien architecturale, urbaine que paysagère, dans une ville où tout s’accélère, la proximité des soins avec la Loire place le patient au cœur des préoccupations afin de créer un sentiment de bienêtre nécessaire quel que soit la durée du séjour.

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NOUVELLE DYNAMIQUE AUTOUR D’UN PÔLE DE SOIN Vers de futurs projets

IMPLANTATION DU FUTUR CHU

CLINIQUE DU CONFLUENT

ZAC PIRMIL-LES-ISLES

HÔTEL ET RÉSIDENCE LE CONFLUENT

▲ Carte représentant les différents projets sur le terrain - À partir d’un plan cadastral

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La ZAC Pirmil- Les Isles

RENOUVELLEMENT URBAIN INTERCOMMUNAL - NANTES MÉTROPOLE Le projet situé sur les abords de Rezé, Nantes et Bouguenais prévoit de construire 4 000 nouveaux logements et 2 000 emplois supplémentaires, afin de répondre à l’augmentation de la population Nantaise prévue pour 2040. Le projet s’est précisé suite au choix de l’implantation du futur CHU qui permettra de redessiner une nouvelle entrée au sud de l’île de Nantes. Cet aménagement permettra de redynamiser les liens entre ses deux communes. De plus, les objectifs premiers du futur projet seront de redonner accès à la nature et à l’eau en aménagent les abords de la Loire.

▲ Visuel du projet de la ZAC Pirmil-les-Isles - Site de Nantes

▲ Visuel du projet de la ZAC Pirmil-les-Isles - Site de Nantes

Hôtel et résidence Confluent

PROJET ANNEXE À LA CLINIQUE LE CONFLUENT PAR L’AGENCE AIA LIFE DESIGNERS Aux alentours de l’Hôpital privé du Confluent la ville de Rezé verra naître en 2019 un hôtel et une résidence seniors dessinés par le cabinet d’architectes nantais AIA, spécialiste de l’architecture médicale. L’hôtel permettra aux patients domiciliés à plus d’une heure de l’établissement de venir s’y installer. Les accompagnants qui souhaiteraient rester près de leurs proches pourront aussi profiter d’un séjour hôtelier. Ce service annexe permettra de faciliter les prises en charge ambulatoire de la clinique, qui vient d’être récemment mis en place, mais également de fluidifier et simplifier le parcours médical des patients. La résidence offrira des solutions d’accueil après l’hospitalisation, pour les patients en court séjour. Les deux bâtiments seront reliés par leurs rez-de-chaussée et regrouperont un espace bar, une petite salle de gym, une piscine et un sauna, un salon de coiffure, une bibliothèque et une salle de restaurant. ▲ Visuel du projet de l’hôtel et de la résidence Confluent - Extrait visuel de la presse Ouest-France

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DIAGNOSTIC DE L’URGENCE

▲ Photographie de l’entrée de Rezé par le pont de Pont-Rousseau ▼ Plan spatial réalisé lors d’une immersion au sein de la vie de quartier

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Un quartier en devenir La commune de Rezé borde l’estuaire de la Loire et fait face à la ville de Nantes. Situé au sud de Nantes, l’agglomération regroupe un important carrefour de voies terrestres, fluviales et maritimes et se développe le long du fleuve sur environ 50 hectares. Le centre de soins, situé sur les deux territoires Nantes et Rezé, s’appuie sur cette connexion et cette proximité pour se développer.

ZONE D’ACTIVITÉS Derrière la clinique se trouve une grande zone d’activités Hautes Isle qui regroupe 70 entreprises, soit 1200 emplois dans le secteur industriel et logistique.

COMMERCES En entrant dans Rezé on découvre toute une chaîne de commerces de proximité et de restaurations qui longent la ligne de tram.

PARCS ET JARDINS Proche de la place Pirmil, le petit jardin du Confluent se dessine à la rencontre de la Loire et de la Sèvre. À Rezé, sur les bords du Sèvre se trouve la promenade Saint-Wendel dans les «Prairies de Sèvre». On y trouve un chemin pédestre, des tables de pique-nique, des jeux pour enfants mais également diverses espèces protégées de faune et de flore.

ABORDS DE LOIRE L’entrée de la ville a été redessinée en 2010 par un aménagement urbain qui a donné naissance à la place Sarrail. Cette dernière permet de redistribuer l’espace à l’aide d’un grand rond-point et d’aménager les abords de la Loire avec un mémorial aux morts de la guerre d’Algérie. Ce projet a surtout permis d’offrir un nouveau visage et une nouvelle identité à la ville de Rezé.

QU’EST-CE QU’ILS EN PENSENT ?

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Fatima, handicapée moteur, Avis recueilli lors de la démarche « Rezé vu par ».

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CHU

DÉPLACEMENT DU CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE SUR L’ÎLE DE NANTES

Un CHU (Centre Hospitalier Universitaire) est un hôpital lié à une université. L’hôpital est donc un service de l’université qui permet d’assurer la formation théorique et pratique des futurs professionnels médicaux, personnels paramédicaux et chercheurs en sciences de la santé. Le CHU convient à tous types d’opérations ou de traitements urgents. Ils priment les courts séjours pour des interventions ponctuelles. Il y a, par conséquent, beaucoup plus de va-et-vient, avec un public large.

L’URGENCE DE RALENTIR L’urgence au cœur des préoccupations Face au futur CHU, de l’autre côté de la Loire se situe la clinique privée du Confluent. Un espace médical aux services complémentaires, à la clientèle différente, et qui se doit aussi polyvalente que le projet du CHU. Cette proximité permet d’homogénéiser géographiquement un pôle santé. Étant dans l’ère de l’accélération, le CHU et la clinique du Confluent sont tous deux tournés vers l’urgence.

▲Vue aérienne sur la clinique du Confluent et l’île de Nantes

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14/12/2018

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Pourquoi la santé est-elle en ébullition à Nantes ?

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L’urgence de ralentir, c’est maintenant ! Abonnez­vous

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Pourquoi la santé est­elle en ébullition à Nantes ?

Une infirmière en grève : " quand prendez­vous soin des soignants." | OUEST­FRANCE

Philippe GAMBERT. 14/12/2018

Pourquoi la santé est-elle en ébullition à Nantes ?

Modifié le 07/06/2018 à 17h27

Grèves, à l’hôpital privé Confluent, à la clinique Bretéché, aux ambulances Douillard ; mouvement de grogne chez les kinés du CHU de

Nantes… La colère sociale s’attise sur le front de la santé nantaise. Pont commun à tous ces conflits ? Les personnels se plaignent de leur Abonnez­vous à Ouest­France  bas salaire et souvent de conditions de travail dégradées. Preuve de ce mal­être, les arrêts maladies gonflent dans les établissements de santé. Salaires trop bas, conditions de travail dégradées : les raisons de la colère du personnel médical sont nombreuses. L’inquiétude Leur métier, ils l’ont choisi « par humanité » et ils ne se retrouvent plus dans un secteur où la santé est souvent traitée comme une et la grogne montent un peu partout. marchandise. Le secteur privé, qui dégage des dividendes pour les actionnaires, se développent. Billet « Le personnel de Confluent se bat pour que leur établissement (il appartient à 153 médecins actionnaires) garde son PUBLICITÉ indépendance, on les comprend » , commentait mardi, sur le piquet de grève, une infirmière gréviste de Bretéché, appartenant au groupe Elsan. À Nantes, le paysage de la santé est mouvant. Ce qui accentue l’inquiétude des salariés. Elsan est en train de regrouper quatre de ces six établissements à Saint­Herblain. Avec à la clef des économies d’échelle ? Les médecins actionnaires de Confluent pourraient décider le 28 juin prochain, la vente de leur hôpital privé à un groupe. Dans la discrétion, la clinique mutualiste Jules Verne va à nouveau s’étendre. Et au milieu de tout cela, le CHU, la locomotive du service public, parie sur la coopération entre les 13 hôpitaux publics du département et prépare un transfert sur l’ile de Nantes pour 2026. Dans ce tourbillon, le personnel a parfois le sentiment d’être oublié. Partager cet article

Une infirmière en grève : " quand prendez­vous soin des soignants."

▲Pourquoi la santé est­elle en ébullition à Nantes ? Article issu du journal Ouest France - 07/06/2018 Ouest­France.fr

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Clinique du Confluent

RASSEMBLEMENT DE DIFFÉRENTES CLINIQUES SUR UN MÊME SITE

Contrairement à un CHU, une clinique est une association ou une société commerciale et non un établissement public de santé. Elle assure une meilleure prise en charge mais avec des tarifs plus onéreux. Les séjours et les traitements sont généralement plus conséquents, ce qui permet un suivi plus personnalisé du patient. Elle traite également de plus en plus l’urgence avec des espaces de chirurgie rapide qui permettent de répondre à divers problèmes de santé.

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    https://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/nantes-44000/pour-la-sante-est-elle-en-ebullition-nantes-5809174

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#Nantes

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Gilets jaunes. Jean­François Barnaba, une figure du mouvement, gagne 2 600 euros sans « avoir de poste » Gilets Jaunes

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Où prendre le temps de se rééduquer ? Selon la situation et l’opération, le suivi médical après cette étape peut être différent. Par exemple suite à une chirurgie ambulatoire comme une extraction dentaire par exemple, le patient se fait opérer dans la journée puis rentre à la maison le soir même. Le suivi post-opératoire est donc assuré par la médecine de ville ou bien par un accompagnement médical à domicile. À l’inverse, suite à une hospitalisation lourde, le patient obtient le statut de convalescent, ce qui signifie qu’il est dans une période lui permettant de retrouver la santé grâce à un service de rééducation fonctionnelle. Dans ce cas, les soins de rééducation peuvent être pratiqués en ambulatoire, c’est-à-dire en ville, par un masseur-kinésithérapeute libéral ou bien en hospitalisation, complète ou partielle, en établissement de Soins de Suite et de Rééducation (SSR). Ce choix est pris par des médecins en fonction de l’état de santé et du niveau d’autonomie du patient.

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Centre de soins de suite et de rééducation Roz Arvor, Nantes Nord

2 Centre de soins de suite et de rééducation de la Croix-Rouge, Clinique du Confluent, Nantes / Rezé

Cependant, quand un patient rentre chez lui après un séjour à l’hôpital, la phase de convalescence est parfois difficile à vivre. Détaché pendant un court ou long moment de la vie quotidienne, il perd tout habitudes et repères et peine à les retrouver. C’est pour cela qu’un accompagnement est nécessaire suite à des hospitalisations ou des problèmes de santé.

3 Établissement de Santé pour Enfants et Adolescents (avec un centre de soins de suite et de réadaptation), Nantes

NORD

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4 Centre de soins de suite Beaumanoir, Croix-Rouge française, Nantes

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▲ Carte des centres de Soins de Suite et de Rééducation à proximité de Nantes

5 Centre de Soins de Suite et de Réadaptation Jules Verne, Saint-Sébastien-sur-Loire

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▲ Photographie sur le mémorial aux morts de la guerre d’Algérie, Place Sarrail à Nantes

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Qu’est-ce qu’un SSR ?

Aussi bien appelé «moyen séjour», «maison de convalescence» que «Soins de Suite et de Rééducation», ce type d’établissements représentent 1 700 structures en France, dont une centaine destinée aux enfants et adolescents. Une grande partie des patients accèdent à ce type d’établissement après un séjour hospitalier, tandis que d’autres patients intègrent directement le centre depuis leur domicile personnel. Généralement, le convalescent intègre le centre pour une durée moyenne de 36 jours. Durant 1 mois, le patient vit au rythme du centre en suivant une rééducation complète (kinésithérapie, balnéothérapie, psychologues, médecins, …) afin de pouvoir par la suite être autonome à la sortie du centre. Globalement, environ 950 000 patients sont accueillis et pris en charge chaque année. Des chiffres qui augmentent depuis quelques années suite au vieillissement de la population – l’âge moyen des patients en SSR étant de 75 ans – et l’augmentation des maladies chroniques.

▲ http://ch-hazebrouck.fr/les-unites-de-soins/ssr/

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Après une hospitalisation, l’heure à l’hospitalité 13/12/2018

La vie après un cancer : « On ne sera plus jamais comme avant »

SANTÉ

La vie après un cancer : « On ne sera plus jamais comme avant » A l'occasion de la publication par l'Institut national du cancer d'une enquête sur les conditions de vie des personnes à qui un cancer avait été diagnostiqué deux ans plus tôt, LeMonde.fr a lancé un appel à témoignages auprès de ses lecteurs. Publié le 11 juin 2014 à 15h20 - Mis à jour le 12 juin 2014 à 01h43

A l'occasion de la publication par l'Institut national du cancer d'une enquête ▲ Articlegrande dans le journal Le Monde,sur Juin 2014 les conditions de vie des personnes à qui un cancer avait été diagnostiqué deux ans plus tôt, LeMonde.fr a lancé un appel à témoignages auprès de ses lecteurs. AFP/BERTRAND LANGLOIS L'Institut national du cancer publie mardi 10 juin une grande enquête sur les conditions de vie des personnes à qui un cancer avait été diagnostiqué deux ans plus tôt. A cette occasion, LeMonde.fr a lancé un appel à témoignages auprès de ses lecteurs : « Vous avez eu un cancer, comment vivez‐vous aujourd'hui ? » Nous publions ici une sélection de ces réponses. Lire : Vie professionnelle, sexualité… quelle vie deux ans après un cancer ?

« Ma vie s'est figée il y a dix ans », par Sophie, 48 ans, Paris

« Traitée pour un cancer de la thyroïde métastasé il y a dix ans, je suis en rémission. J'ai à l'époque été licenciée pour « manque de productivité » de la grosse entreprise où je travaillais. J'ai réorienté ma vie professionnelle en n'en parlant pas dans mon nouveau travail. Dix ans après, le cancer reste présent en permanence. En plus des cachets quotidiens, il se rappelle médicalement toujours à mon souvenir : nombreuses pathologies induites, heureusement bénignes, pas de voyages trop loin sans une énorme trousse à pharmacie. Le plus frustrant est l'arrêt de tout projet. Suite aux traitements, il m'était déconseillé d'avoir un enfant dans les cinq ans qui suivaient. Cela m'a mené à 43 ans. Et je ne me voyais pas rencontrer quelqu'un alors que je pouvais rechuter. Je suis restée célibataire. Sur le plan immobilier, les soi‐ disant conventions Aeras [qui ont pour objet de faciliter l'accès à l'assurance et à l'emprunt des personnes ayant ou ayant eu un problème grave de santé] sont mensongères. Pour détourner la loi, les 13/12/2018 FAIT DU JOUR Le combat pour la vie de Stéphanie - Objectif Gard assurances ne refusent pas de prêts, elles demandent de représenter la demande plus tard, https://www.lemonde.fr/sante/article/2014/06/11/la-vie-apres-un-cancer-on-ne-sera-plus-jamais-comme-avant_4436056_1651302.html

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▲ Article de Radio Canada, Décembre 2018

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Société

FAIT DU JOUR Le combat pour la vie de Stéphanie

Victime d'une infection nosocomiale, Stéphanie Pisciotta s'est retrouvée amputée des quatre membres. Voici son histoire. Corentin Corger  • 3 décembre 2018

  6 024 7 minutes de lectureDécembre 2018 ▲0Article sur le sitewww.objectifgard.com,

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CENTRE ROZ ARVOR, NANTES NORD

CENTRE ESEAN, NANTES SUD

Détaché du centre Nantais, ce centre profite d’un grand terrain pour recueillir les personnes sortantes d’hospitalisation. L’atmosphère des lieux rappelle celui d’un EHPAD à travers le mobilier, l’architecture, le rythme de vie et les activités.

Ce centre est le plus récent et offre une qualité spatiale propice à l’enfant. Le bâtiment en bois détache l’aspect médical. De plus, un gros travail a été effectué par la signalétique afin de faciliter le parcours et d’habiller les murs vides des couloirs.

CENTRE DE LA CROIX-ROUGE, CLINIQUE DU CONFLUENT, NANTES / REZÉ

Ce service est une annexe de la Clinique du Confluent. Il se trouve sur le même terrain et quelques services y sont partagés (cuisines, espace de contrôle, ambiances, et atmosphères). Cette connexion altère le centre de rééducation par la forte présence de l’aspect médical et technique.

DES ESPACES À REPENSER Souffrants de l’accélération Chaque centre de soins adopte sa propre singularité en terme d’architecture. Généralement, ces centres puisent leur forme et leur matérialité par rapport à leur environnement. Certains se retrouvent bloqués et étouffés par d’immenses immeubles comme le centre Beaumanoire. D’autres se retrouvent pensés en fonction du bâtiment adjacent comme c’est le cas pour le centre du Confluent, qui est travaillé comme une continuité de la clinique. Tandis que les autres sont pensés sur de grand terrain vert et puisent leurs formes et leurs matérialités par l’identité du quartier. Cependant, à l’intérieur, les centres de soins de suite sont souvent pensés comme des espaces hospitaliers. Pour cela, ils reprennent leurs codes d’aménagement, ce qui amène les patients à séjourner dans des espaces similaires aux hôpitaux. Ils sont alors souvent froids et inhospitaliers. Or, pour un centre dont l’objectif est d’accompagner l’homme vers sa vie quotidienne, ne serait-ce pas contradictoire de rester dans une ambiance hospitalière ? Le patient ne vit pas sa rééducation mais la subit comme il le fait dans un centre hospitalier. Il serait alors temps de penser à ramener de la vie dans ces espaces médicalisés et délaissés. Pour cela, le design d’espace doit alors rentrer en jeu. Au cœur de la nouvelle dynamique de soin qui est en train de se construire, se trouve le centre de Soins de Suite de Rééducation de la Croix-Rouge. Ce dernier se situe sur le terrain de la Clinique du Confluent, face au futur CHU. Il serait alors intéressant de requestionner sa place dans cette future dynamique de soin. Pourrait-il devenir une parenthèse de bien-être ? Pourrait-il être prochainement pensé comme un pôle de soin ouvert aux étudiants ? Quel rôle devra-t-il jouer ? Que deviendra-t-il ?

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CENTRE JULES VERNE, SAINT-SÉBASTIEN-SUR-LOIRE

Situé en dehors de la ville de Nantes, ce centre profite d’un cadre idyllique avec un grand terrain vert, un terrain de tennis, des patios et une ambiance de quartier calme et apaisant. Cependant l’intérieur est neutre et vide de toute personnalité, régi par une ambiance médicale.

CENTRE DE SOINS DE SUITE BEAUMANOIR, CROIXROUGE FRANÇAISE, NANTES

Ce centre est situé à proximité du centre-ville et est étouffé par l’atmosphère urbaine qui l’entoure. Il n’y a pas d’espaces de vie. Les personnes restent alors allongées dans leur chambre toute la journée. La luminosité est faible, on pourrais penser à un mouroir.

Clinique Saint Martin,

DISC : Diversified Integrated Sports Clinic,

Ce centre de rééducation et de réadaptation est implanté dans l’enceinte des Hôpitaux Sud de Marseil le et est associée au service public hospitalier, L’établissement est assez réputé en France grâce à l’ergonomie spatiale qu’i l offre aux usagers. I l se développe sur une surface de 6 500 m2 et s’élève sur 5 niveaux. La lumière naturel le, les nombreux points de vues sur le paysage et les espaces verts extérieurs, la surface spatiale et la qualité des services rendent agréables les séjours. Une attention toute particulière est portée sur la qualité de la restauration et sur l’environnement que propose l’espace. Pour cela, des salons, des sal les à manger, des terrasses etc, y sont aménagés pour le bien-être des usagers.

L’émission de M6, 66 Minutes, apparut le 13 janvier 2019, a annoncé l’o uverture d’u n nouveau centre de rééducation au Koweït au côté de Yohan, un jeune rééducateur français. Ce centre est situé dans la plus haute tour de la vil le, la Al hamra tower, une tour mesurant 414 m et comportant 77 étages. À l’i ntérieur se trouve des bureaux, des hôtels, des boutiques de luxes, et au 49ème étage un tout nouveau centre de rééducation “ DISC ”. L’établissement a été dessiné par une architecte al lemande et s’i nstal le sur plus de 1000 m2 dans l’o bjectif d’a ccueil lir l’élite du Koweït. Pour cela, des matériaux onéreux offrent une sensibilité architecturale forte et une atmosphère apaisante que l’o n trouve rarement dans les centres.

Marseille, 2013

Koweït, 2018,

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02 UNE PRISE EN MAIN

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20 NIAM NE ESIRP ENU

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Contre la douleur COM M ENT L’ARCH ITECTU RE PEUT-ELLE ACCOM PAGN ER LE CORPS DOU LOU REUX VERS U N E RECONSTRUCTION DE SOI ?

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INTRODUCTION

« J’ai mal ! »

QUAND LA DOULEUR NOUS EXCLUT DE LA SOCIÉTÉ

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La santé et la norme Avoir ou prendre conscience d’un handicap Souffrir Souffrir, être et rester soi-même Normes biologiques et normalité technique

« Je ne me sens pas à ma place ! » UNE RUPTURE AVEC L’ENVIRONNEMENT ET L’ENTOURAGE

47

L’hôpital, un lieu de techniciens L’hôpital, un lieu qui déshumanise Une disharmonie corps et espace Que faire ?

« Il faut que je m’adapte ! » VERS UN ESPACE RELAIS HOSPITALIER

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Un modèle à réinventer ! Devenons « patient-partenaire » ! Habitons le lieu ! Une question d’hospitalité

CONCLUSION

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I NTRODUCTION

« La peau humaine sépare le monde en deux espaces. Côté couleurs côtés douleurs.. » Paul Valéry, Mauvaises pensées et autres, Q, p. 888.

« Ne vous plaignez pas, vous n’avez pas le

cancer », « Est-ce que ça s’attrape ? », « Il est assis lui, il peut attendre », « Vous vivez dans un centre ? », «

Vous êtes handicapé et pourtant vous n’êtes pas en

fauteuil ? », « Il y a pire comme handicap ! »

Soyons réalistes, pouvons-nous concrètement catégoriser, étiqueter, juger une personne au travers de son handicap ? Pouvez-nous prétendre comprendre une personne quand on ne la réduit qu’à son apparence physique ? Et s’il arrive qu’il soit visible, peut-on quand bien même jauger le ressenti, la douleur que provoque un handicap ? On ne peut parler objectivement. Par définition, le jugement est subjectif. L’homme dont l’infirmité se trouve être visible aux yeux de tous, se verra catégorisé comme “handicapé” au nom de la loi et de la société. Ainsi, on nous fait remarquer, à lui comme aux autres, qu’une personne touchée par une infirmité ne rentre pas dans les codes de la “normalité”. Or, dirait-on à un enfant qui a perdu une dent, à une femme qui est enceinte, à un vieil homme ou à une personne en surpoids : « Tu es handicapé » ?

Le philosophe Emmanuel Kant s’intéresse non pas à la complexité et l’ambiguïté de la “normalité”, mais à la notion de la “beauté”. Deux notions qui sont similairement proches. Kant dit ne pas s’intéresser au beau en tant que qualité objective des choses, mais au jugement que nous formulons quand nous disons d’une chose qu’elle est belle. Selon lui, dire que quelque chose est beau, simplement par son esthétisme, n’est pas une réaction OBJ ECTIVE mais SU BJ ECTIVE. Ce qui signifie qu’ « il ne désigne rien de l’objet, mais simplement l’état dans lequel se trouve le sujet affecté par la représentation »1 . Il est subjectif dans le sens où il désigne un genre particulier de sentiment ressenti par celui qui juge. Et, au contraire, il ne peut être objectif dans le sens où il ne désigne en rien une qualité objective de l’objet qui en a été l’occasion. De cette manière, l’homme émet donc des jugements à partir de ce qu’il voit et ressent et non de ce qu’il pense ou de ce qu’il sait. On peut alors comprendre qu’un homme qui émet un jugement radical sur un handicap n’est en aucun cas un regard objectif sur la personne jugée.

1. Kant Emmanuel, Critique du jugement esthétique, Premier livre : Analytique du beau, §1, 1790,

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Seuls les médecins ont cette aptitude à décoder la douleur des patients grâce à des diagnostics techniques. En effet, la douleur est désignée comme étant un ESPACE I NTÉRI EU R, SU BJ ECTI F, SI NGU LI ER, qui est ressentie par le patient et dont on ne sait quelque chose que par les signes qu’il envoie. La douleur peut être seulement définie par des mots, des signaux ou des comparaisons qui sont généralement désordonnés, incohérents et qui demandent une interprétation. On peut alors imaginer que la subjectivité d’un patient qui est en train de pâtir est une structure intérieure, non visible, qui est en train de se défaire et qui demande de l’aide. Pour pallier à cela, le patient se dirige vers l’hôpital qui, quant à lui, est l’ESPACE EXTÉRI EU R, OBJ ECTI F, COMM U N, qui offre une structure et des moyens de soigner (personnels, machines, savoirs) et de décrypter la douleur et le besoin du patient. Ainsi, l’hôpital accueille un corps physique qui est en souffrance et dont l’objectif serait de pouvoir restructurer cet individu. Or, l’hôpital ne peut tout faire. Il répare le corps physique avec ses outils et ses machines, puis relègue le travail à des espaces annexes, des espaces de transition où le soin acquiert une autre dimension. C’est là qu’entrent en jeu les centres de rééducations qui ont pour rôle

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d’accompagner l’homme vers sa propre guérison, qui lui est singulière, pour le reconduire vers la société, le réadapter, le soigner et lui rendre un maximum de ses capacités. On soigne non plus le corps mais la douleur qui se situe à l’intérieur pour ramener le sujet vers son identité singulière. Les outils techniques ne sont donc plus en mesure de soigner cette douleur. C’est là que l’espace objectif, qui est celui du soin, dans son atmosphère, son accueil, ses ambiances, sa luminosité, sa qualité de vie doit prendre le relais et doit chercher à contrer l’espace normé, médicalisé déjà très présent lors de l’hospitalisation et qui bloque le sujet dans sa rééducation. Ainsi, comment le design d’espace peut-il accompagner un sujet d’un lieu à un autre tout en prenant en compte les différents phases de sa guérison ? Comment rendre le sujet actif et non passif de sa rééducation ? Comment l’architecture peut-elle accompagner le corps douloureux vers une reconstruction de soi ?


▲ Photo extraite de la série «Stray», 2015, de Kyle Thompson

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« J’AI MAL ! »

Quand la douleur nous exclut de la société

Concentrons-nous un peu sur l’espace intérieur du sujet : LA SU BJ ECTIVITÉ. Défini par Sartre comme étant « la conscience de conscience », la subjectivité est donc une vie intérieure de la conscience permettant d’offrir un point de vue sur le monde depuis le regard intime d’u n individu. On peut alors comprendre que c’est ce qui est propre à chaque personne et que c’est ce qui nous permet de nous définir en tant que sujet. Mais lorsque cel le-ci est touchée, froissée, blessée, heurtée, offusquée, que devenonsnous aux yeux de la société ? Entretenonsnous la même relation à l’espace qu’u n homme « normal » ?

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â–˛ Illustration dans un article sur la diffĂŠrence : https://www.filsantejeunes.com/la-difference-on-la-choisit-ou-on-la-subit-5222

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LA SANTÉ ET LA NORM E Qu’est ce que être normal ? Le mot “normal” provient du latin “norma-alis” ou “norma”, désignait à l’époque romaine une sorte d’équerre servant aux agrimensores (que l’on pourrait assimiler à des géomètres aujourd’hui) puis est devenu un terme signifiant règle, principe, loi, modèle, exemple. Le suffixe “alis”, quant à lui, signifie la relation, l’appartenance et la dépendance. Par conséquent, on identifie ce qui est normal à ce qui est conforme à la règle, à la norme statistique. Cependant, au quotidien, le terme “normal” est souvent amené à être utilisé de manière inappropriée. En effet, au lieu de simplement définir une conformité, l’homme moderne l’utilise pour définir un acte, un comportement, une pensée ou bien un physique qui devrait rentrer dans des codes qu’il pense définis par la société, comme si il y avait un homme idéal et que tous les hommes devaient se ressembler.

Une utopie Or, la découverte des chromosomes à la fin du 19ème siècle démontre qu’aucun individu n’est identique à un autre, que chaque être a sa propre identité génétique et sa propre singularité dans le monde2. Pourtant, on s’efforce de se référer à un homme parfait. Or, rentrer dans la norme, ne serait-ce pas perdre sa propre identité pour satisfaire la société et ne pas paraître “étrange”, “anormal” ou “différent” ? L’histoire nous a prouvé que pendant longtemps notre société ne voyait pas la différence comme un atout mais plutôt comme une divergence qui

2. Jordan Bertrand, Dans La lettre de l’enfance et de l’a dolescence, Chapitre : L’enfant programmé par ses gènes ? (pages 11 à 18) 2001 - Site :Cairninfo

nous faisait peur : les femmes considérées comme sorcières ont été exécutées, les nains ont été traités comme des bêtes de foires, les gueules cassées ont été cachées, les handicapés ont été mis de côté. C’est pourquoi aujourd’hui, la monde médical et le juridique appréhendent les dysfonctionnement, les nient et les isolent. Est-ce pour cela que l’on ressent le besoin de ressembler à un homme parfait ? Il faut bien ce l’avouer, l’image que l’on renvoie aujourd’hui est importante et impacte la santé et la psychologie.

S’aliéner pour se sentir normal Ainsi, en se pliant aux normes, l’homme essaie peut-être de se fondre dans la masse pour éviter tout jugement, critique ou rejet. Patrick Bouchain3 a constaté qu’un homme qui cherche à appliquer un modèle unique c’est un homme qui est perdu. Il finit alors par trouver une solution satisfaisante à son problème dans l’imitation d’une abstraction et s’aliène, c’est-à-dire qu’il perd toute liberté et s’éloigne de lui-même. Or, c’est ce sentiment inévitable, de distance vis-à-vis de la société et de soi-même que nous cherchons à éviter, qui vient perturber et questionner une personne frappée d’une maladie. Néanmoins, nul n’est à l’abri d’un tel bouleversement. Que ce soit par malheur ou par génétique, elle peut survenir à tout moment. Et dès que la maladie se présente, le sentiment et la perception d’une personne en sont modifiés.

3. Bouchain Patrick, Construire autrement, comment faire ? Col lection Actes Sud - Série l’i mpensé - 2006

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AVOI R OU PREN DRE CONSCI ENCE D’U N HAN DICAP

Qu’est ce qu’un handicap? Le terme “handicap” est utilisé aujourd’hui pour désigner un homme malade, dont la maladie distancerait l’individu de la norme et de la société ellemême, qui est en train de se dessiner en fonction d’un homme idéal, inexistant. Il faut savoir que le mot “handicap” est né assez récemment, dans les années 1800, dans les courses hippiques. Le handicap représente l’action de mettre des poids dans le sulky du driver afin d’équilibrer les poids de chaque compétiteurs, dans le but de rendre plus juste la compétition et définir un vainqueur. Or, actuellement, le sens du terme handicap tel que nous le comprenons est celui qui nous rend la vie difficile et qui altère notre être. Ainsi, de la limitation des performances des meilleurs chevaux, le terme est passé au fil de l’histoire à la limitation des capacités humaines. Alors pourquoi parler de handicap si ce dernier nous place en marge de la société au lieu de nous rendre égaux aux autres ?

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Sa place au sein de la société Historiquement, nous pensions que le handicap provenait d’une faute de la mère. Or, actuellement la vision du handicap a changé, la société dit accepter la différence et ne cherche plus à cacher les malades. Cependant ce terme reste très connoté et est utilisé pour parler de la maladie en général, de la maladie génétique, de la faiblesse et de la différence physique. Des caractéristiques qui font peur à l’homme moderne car cela viendrait le toucher dans son estime de soi et l’éloignerait de l’image de l’homme idéal qu’il désire acquérir : fauteuils, canne blanche, unijambisme, paralysie faciale, … Malgré que la société ait mis en place des normes PMR permettant d’intégrer les malades dans la ville, ce sont généralement les autres qui nous renvoient à notre handicap. Par exemple, dans les magasins, les personnes sont souvent pressées. Si elles se trouvent derrière une personne handicapée, qui va moins vite, cela les stressent ou les énervent, car elles sont gênées dans ce qu’elles doivent faire. Or, un individu malade ne veut ni être vu ni se sentir comme un fardeau pour les autres. Il désire alors plus que tout “être normal” pour pouvoir se fondre dans la masse.


▲ Illustration de l’identité du handicap avec Jocelyn Bartlem par le photographe Louis Lim.

Une limite abstraite Alexandre Jollien, autiste et écrivain, se questionne sur la limite entre le normal et l’anormal4. Dans sa grande discussion avec Socrate on peut comprendre que la limite est abstraite et que la maladie ne nous catégorise pas comme étant anormal. En effet, la société manifeste l’image d’un homme parfait découlant d’une moyenne réalisée par rapport aux diverses singularités existantes. Et plus nous nous en éloignons plus nous sommes anormaux. Or, dans une autre civilisation ou un autre lieu les normes seraient-elles les mêmes ? Dans un centre hospitalier nous sentons-nous différent des autres qui nous entourent ? Un comportement anormal dans un centre médical n’est donc pas le même comportement anormal dans la société.

Lorsque nous jouions dans les cours de récréation, parfois nous donnions à une personne ce que l’on appelait un “handicap”. C’est-à-dire qu’il avait un fardeau, un poids supplémentaire à porter et par conséquent moins de chances de crier victoire car il était plus faible que les autres. Mais doit-on regarder le handicap de cette manière ? Comme une faiblesse ? Cette personne qui est en charge du fardeau devra chercher à se surpasser et à faire preuve d’une combativité et d’une mentalité plus forte que les autres. C’est toute cette ambiguïté sur la maladie, entre la faiblesse et le dépassement de soi, qui habite un homme qui se retrouve en fauteuil ou avec une déficience autre. Dans tous les cas, il naît en lui une douleur singulière qui peut être ressentie de façon extrêmement différente selon les individus, mais aussi chez une même personne, selon son environnement.

4. Jol lien Alexandre, Eloge de la faiblesse, éditeur Marabout, 2012

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SOU FFRI R « Sois sage, ô ma Douleur » Charles Baudelaire, Recueil lements, 1857

La souffrance aujourd’hui « Aïe ! », « j’ai mal ! ». Ce sont généralement les premiers mots qui nous viennent à l’esprit lorsque la douleur se manifeste. Une sensation tant redoutée par “l’Homme moderne” mais qui est pourtant indissociable de la vie de chacun. Or, aujourd’hui, l’Homme refuse la douleur. Il la craint. Et avec les progrès des sciences, l’Homme pense que la douleur n’est qu’un problème à soigner et qu’il peut être guéri par des médecins ou des médicaments. Mais un médicament est-il réellement la solution adéquate pour effacer la douleur du patient ? Qu’est-ce que signifie la douleur ? Du latin dolor, ce terme désigne la souffrance, la peine, le tourment, le chagrin, l’affliction, voire la colère selon le dictionnaire Larousse. En 400 avant J-C, Aristote considérait la douleur comme :

▲ Illustration de la douleur de Nice suite aux attentas en juillet 2016 dans le journal le Monde par Plantu

« une forme particulière de l’émotion qui atteint l’h omme dans son intimité » 5 Avec les avancées scientifiques comme la découverte du système nerveux, l’étude de l’anatomie, de la physiologie et l’avancée des chirurgies, la douleur serait plutôt une perception et non une sensation, comme un signal d’alarme face à un corps en détresse. On comprend alors que la douleur peut concerner deux dimensions : la douleur physique et la douleur intérieure au patient. Elle peut donc être à la fois subjective et objective. En effet, une maladie guérie à l’aide d’une intervention médicale n’est pas forcément un esprit guéri. Le mal-être intérieur du patient est inaccessible et donc plus compliqué à guérir.

▲ Frida Kahlo, La Colonne brisée, 1944

5. Le Breton David, Anthropologie de la douleur, Paris, Édition Métailié, 1995, Col lection Traversées

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Peut-on me comprendre ? Le patient malade réussit quand même à représenter et à traduire mentalement la sensation de la douleur qu’il vit ou a vécu. Le philosophe David Le Breton5 complète cette pensée en s’appuyant sur le principe que la douleur est un élément incommunicable, non verbal où « Aïe ! » et « j’ai mal ! » deviennent des appels aux soins. On communique notre douleur à travers des mots-images, des comparaisons, des comportements ou bien des attitudes. Or, les mots sont-ils suffisants pour jauger une douleur ? Cet état physique est ressenti de manières très différentes selon les individus. En effet, il n’y a pas de douleur objective qui pourrait être attestée par un examen médical mais une douleur singulière qui serait perçue et marquée par l’histoire individuelle de l’individu et le degré de la maladie. Le sujet en souffrance est le seul à connaître l’ampleur de sa peine et à la subir. C’est ce que tente d’expliquer David Le Breton en détachant la notion de la douleur à celle de la souffrance. Selon lui, la douleur serait un concept médical et la souffrance un concept du sujet qui la ressent. La souffrance ne se mesurerait

pas car elle est subjective. Donc, la douleur physique concernerait plutôt le corps tandis que la souffrance psychique concernerait l’âme ou l’esprit. Paul Ricoeur6 accentue cette définition en expliquant que cette douleur morale, qui est celle de la souffrance, amène le patient à être passif, et donc à ne plus être un sujet. En effet, selon lui souffrir c’est ne plus s’appartenir, c’est subir, c’est pâtir sur la réflexivité, le langage, le rapport à soi, et aux autres. Cependant l’homme qui souffre a paradoxalement le sentiment d’exister. En effet, la douleur nous rappelle à notre finitude, c’est-à-dire à la mort et à nos limites, nous plaçant ainsi au cœur de la condition humaine. Sans douleur nous ne cherchons plus le plaisir. Ainsi, son ambiguïté, faisant référence à la fois à la mort comme à la vie, participe à une altération de son être. Mais comment une douleur peut-elle nous transformer ? Pouvons-nous rester nous-même ?

6. Ricœur Paul, Souffrance et douleur. Autour de Paul Ricoeur 2013, Chapitre ;La souffrance n’est pas la douleur, pages 13 à 34

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SOU FFRI R, ÊTRE ET RESTER SOI-M ÊM E Un sentiment qui déshumanise La douleur pourrait être comparée à un séisme sensoriel. Quand elle surgit le sujet gémit, crie, réalise des grimaces, ne maîtrise plus ces propos… Tout le monde le regarde mais personne ne peut rien y faire. C’est à ce moment là qu’il se sent différent, de par ses interactions et ses comportements inhabituels et contraires aux normes. La douleur le déshumanise. Lorsque l’annonce du diagnostic tombe, le malade fait face à un sentiment d’impuissance qui affecte l’estime de soi, c’est-à-dire son “être”. Généralement, cette pensée s’accompagne d’un repli sur soi et d’une crise du rapport à autrui. On s’enferme alors dans un état mental que l’on pourrait qualifier d’insupportable. En un instant, le patient a l’impression de se détacher de la norme et de s’éloigner de la société. Comme l’explique Hannah Arendt, l’expérience de la souffrance, parce qu’elle s’impose comme la ligne entre la vie et la mort, marque notre subjectivité:

« le sentiment le plus intense que nous connaissions, intense au point de tout effacer, à savoir l’expérience de la grande douleur physique, est à la fois le plus privé et le moins communicable de tous. C’est peut-être la seule expérience que nous soyons incapables de transformer pour lui donner une apparence publique ; plus encore, el le nous prive de notre sens du réel à tel point que rien ne s’o ublie plus vite, plus aisément que la souffrance. »7

Un besoin de persévérer

Spinoza définit le désir comme étant l’essence de l’homme8. Ainsi, sans désir, l’homme ne pourrait être comblé car pour lui «l’être d’u n être est de persévérer dans son être». Par conséquent, nous serions des êtres de désirs, ce qu’il tente de définir au travers du terme “conatus”:« Le conatus désigne l’effort de toute chose, autant qu’il est en elle, à persévérer dans son être». Ce serait alors une sorte de force permettant à tout être de persister dans son être et de l’amener à exister encore et toujours plus. Le désir serait donc une volonté de se battre, sans laquelle nous n’aurions pas d’objectif à viser et, ainsi, pas l’envie d’exister. Pour un corps douloureux sortant de l’hôpital, la notion de conatus et de désir sont donc des besoins primordiaux que l’homme doit retrouver dans un premier temps pour avoir l’envie d’avancer et par la suite retrouver son subjectif luimême. On peut également comprendre que si nous sommes des êtres de désir, le soignant pourrait donc être le professionnel répondant au désir de l’autre à travers le soin. L’objectif serait donc de retrouver le désir et la volonté de soigner et de se guérir. Cependant, le design est-il adapté à cette dimension? Donne-t-il l’envie de se rétablir d’une maladie ? Ou, a contrario, donne-t-il envie de s’abandonner ?

La souffrance transforme, remet en question notre identité et donc, par conséquence, notre relation à soi, mais aussi aux autres et au monde. C’est ce que souligne Hannah Arendt qui pense la douleur comme un grand “individualiseur”. En effet, selon elle, « seule la douleur éloigne radicalement du monde commun »7 . ▲ La pyramide des besoins de Maslow

7. Arendt Hannah, Condition de l’h omme moderne, Paris, CalmannLévy, 1961, Chapitre « Domaine public, domaine privé », p. 89-91

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8. Site web : Cairninfo, Spinoza au XXIe siècle, d’a près Flahault François dans L’H omme & la Société, 2008-2009, pages 251 à 262


NORM ES BIOLOGIQU ES ET NORMALITÉ TECH N IQU E

L’utopie du « design for all » Dans une recherche de normalisation et de standardisation de l’architecture, des architectes ont pensé à une taille et un format uniques pour tous, permettant d’intégrer le plus grand nombre. Ainsi, tous les architectes et designers se retrouvent bercés par le livre des normes Les Eléments des projets de construction de Ernst Neufert, qui visait à rationaliser l’architecture. Ce besoin d’affirmer des singularités est issu d’une utopie moderniste définissant des normes qui pouvaient paraître rassurantes. Cependant, certains designers, scénographes et architectes comme Patrick Bouchain ou bien Lucien Kroll cherchent à dénoncer et à critiquer cette vision d’un design universel9 qui viserait à standardiser le monde et non à répondre aux besoins des usagers. De la même manière, des romanciers et des cinéastes conçoivent des récits dystopiques dans le but de prévenir et de dénoncer cette vision idéaliste, universelle qu’une entreprise de standardisation globale cherche à dessiner. On peut alors se demander si l’objectif premier du design serait-il toujours de fournir des produits et services adaptés à chaque usagers ? Car comme on a pu le voir précédemment, chaque personne est singulière et donc personne n’est identique. Le design universel qui visait à déstigmatiser prend ainsi une toute autre forme. Cherchant à concevoir un espace pour tous, elle est amenée à le concevoir à la fois pour personne. Ainsi, le “design for all”, le design universel trouve réellement ses limites à travers la question du handicap.

9. Définition du terme ‘ u niversel’ selon le Dictionnaire Larousse : Qui concerne l’U nivers, le cosmos, Qui s’étend sur toute la surface de la terre, Qui embrasse la totalité des êtres et des choses, Qui s’a pplique à tout les cas, Qui à le caractère de l’u niversalité.

La maladie remet en question les normes Le design universel peut être remis en question lorsque les capacités d’une personne ne sont plus conformes à celle de l’homme dit normal. L’arrivée de la maladie entremêle le corps et ses sens, altérant le corps blessé ou traumatisé dans ses repères spatio-temporels, ceux de la distance et de la relation avec son environnement10. Un espace universel ne peut donc convenir à cet individu dont les besoins sont différents. Ainsi, un espace de vie standard correspondant soit disant à un homme normal ne peut-être conforme à soi : tout est démesuré, mal-proportionné, non-ergonomique et non-fonctionnel. Il devient alors le miroir de son handicap. Ainsi, plutôt que d’intégrer l’homme, l’espace le rejette. Or, le design ne serait-il pas sensé être l’outil permettant de répondre aux besoins de chaque individu ? En imposant une posture technique loin de l’échelle humaine, l’espace peut-il être vivable pour un homme malade ? Comment se reconstruire dans un espace dans lequel on perd tous ses repères ? Comment le design peut-il aborder cette expérience de reconstruction du soi ? Comment les espaces médicaux abordent-ils et accompagnent-ils la douleur subjective de l’homme ?

10. Le Breton David, Anthropologie de la douleur, Paris, Édition Métailié, 1995, Col lection Traversées

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« J E N E M E SENS PAS À MA PLACE ! » Une rupture avec l’environnement et l’entourage

Dans un deuxième temps, sortons du subjectif et tournons-nous vers l’o bjectif : l’espace de soin. Contrairement à la subjectivité, qui implique la pensée et la sensibilité d’u ne personne, l’o bjectivité est une sorte de prise de distance du sujet visà-vis de lui-même. Cela permet à l’i ndividu de suspendre son jugement personnel pour émettre un critère plus universel. L’espace médical est un espace physique et un lieu où l’o n soigne des corps. Ainsi, on s’i ntéresse alors d’a bord à la matière et non au spirituel. Mais dans ce cas-là, un lieu qui se dit objectif et normalisé, ne serait-il pas un lieu déshumanisant ? Un lieu sans âme ou sans esprit comme on a tendance à le dire ? Un lieu neutre du point de vue des affects ?

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L’H ÔPITAL, U N LI EU DE TECH N ICI ENS « I l faut bien comprendre qu’a u VIème siècle de notre ère, date approximative de la création des premiers hôtels-Dieu, ces derniers n’o nt pas grand-chose à voir avec les malades … Étymologiquement, l’h ôpital ou plutôt l’h ospice est le lieu où l’o n accueil le l’étranger (hostis en latin) » Jean-Noël Fabiani, La fabuleuse histoire de l’h ôpital du Moyen-Âge à nos jours,

De l’hospitalité à l’entreprise hospitalière Comme l’explique le clinicien et chercheur Jean-Noël Fabiani11 le terme hôpital vient du latin hospes (“hôte”), qui est aussi la racine de “hospitalité”. Ainsi, l’hôpital du Moyen- Âge était pensé et organisé comme un lieu d’accueil plus que comme un centre de soins. De plus, étant donné que l’hôpital était étroitement lié à la religion et de l’église, il avait adopté des valeurs et des préceptes similaires. De ce fait, l’hôpital était un lieu d’hospitalité permettant d’accueillir et de réconforter tous ceux en situation de précarité : malades, pauvres, pèlerins, etc. On peut alors comprendre que la dimension religieuse de l’époque impose une architecture de consolation plus que de soin, où le patient est un pénitent dont la souffrance est apaisée au travers de la charité. Or aujourd’hui, à nous citoyens contemporains, cette vision de l’hôpital pourrait nous paraître utopique, voire inconnue. Alors comment cela se fait qu’aujourd’hui rien ne soit moins hospitalier qu’un centre hospitalier lui-même ? La fonction et la nature de l’hôpital se sont vues modifiées au fil du temps. Vers le XVIIIe, la pratique de la médecine est devenu petit à petit un savoir qui a assigné à l’hôpital l’objectif de faire régner l’ordre. Avec la Révolution Française, l’hôpital a muté d’une gestion religieuse à municipale ce qui a éloigné tous

11. Fabiani Jean-Noël, La fabuleuse histoire de l’h ôpital du moyen âge à nos jours, Paris, Pocket, 2018

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principes religieux. De plus, les progrès considérables de la médecine (découverte de l’asepsie par Pasteur en 1860 et l’antisepsie par Lister en 1863), ont ouvert peu à peu l’hôpital aux malades payants. Puis, l’hôpital a vu naître la clinique, le service hospitalier que l’on connaît actuellement. Un terme qui, comme l’explique Michel Foucault12, n’est pas la désignation d’un lieu mais plutôt d’un concept. En effet, Foucault définit la clinique comme étant la nouvelle médecine moderne qui offre un nouveau regard sur l’homme. Cette médecine moderne a subi un bouleversement dans le champ des connaissances et du savoir et a marqué la fin de l’hôpital hospice pour laisser place à des lieux de savoirs diplômants, de transmissions, de centre de traitements et de recherches devenus payants. L’objectif étant de se diriger vers un “hôpital d’excellence”, l’hôpital prend une place prépondérante dans l’ensemble du système de santé. On parle alors d’ “hospitalo-centrisme”.

12. Site web : Cairninfo, Ansermet François, Vacarme, 2004, Chapitre « Les inventions de la cliniques », pages 102 à 105,


Une vitesse destructrice Olivier Rey perçoit la médecine comme étant un « secteur de “service” qui ne cesse de réclamer des moyens toujours plus importants». En effet, l’hôtel-Dieu étant né des besoins de la société (maladies, souffrances …), il est condamné à évoluer en fonction de ces mêmes contraintes : modifications des pathologies et des maladies, évolution des besoins des populations, progrès de la médecine et transformations du métier du soin. Or, actuellement la société dans lequel nous vivons est caractérisée par une accélération des évolutions. Nous cherchons plus d’efficacité et de rapidité, que ce soit au travail, en autonomie, dans les transports, etc. Cependant, dans cette frénésie de la vitesse, l’hôpital doit suivre le rythme. Ainsi, elle cherche en permanence à faire évoluer la techniques et les proces13

sus de soins pour se rapprocher d’une médecine plus performante et rapide afin de répondre aux besoins des citoyens actuels. Néanmoins, l’hôpital a perdu toute humanité. Le soin s’est transformé et morcelé en cherchant à se rapprocher d’un soin moderne, hyper-technologique voire utopique. Aujourd’hui, il s’est métamorphosé en un lieu technique, industriel et économique tel une entreprise. Et comme toute industrie, l’hôpital est représenté par une fonction de production. D’ailleurs, le réputé professeur de santé et de soins économiques Charles Phelps, ne conçoit pas la moindre différence entre la production automobile et la production de santé13. Il s’agit dans les deux cas de combiner des facteurs de production afin d’élaborer un produit (l’acier, le plastique, le travail, etc., pour l’automobile, les “soins médicaux ” pour la santé). Ainsi, aujourd’hui, l’hôpital est devenu un environnement de spécialistes où se trouve des experts de pathologies et des experts de l’hygiène. L’architecture médicale est donc devenu une institution publique érigée par l’économie et les normes hygiénistes. Ainsi, Ivan Illich dans son analyse sur la société actuelle et les dommages causés par le développement exagéré, nomme la “santé” en premier comme étant la plus dangereuse14. D’ailleurs, son livre Nemesis médicale, s’ouvrait sur cette phrase,

«l’entreprise médicale est devenue un danger majeur pour la santé»

Mais en quoi l’architecture médicale serait-elle dangereuse pour la santé ? Ne serait-ce pas contradictoire pour un espace médical ? Quels impacts a-t-elle sur l’homme ?

▲ Illustration Deligne dans un article de la Nouvelle République «Agnès Buzyn enterre “ l’hôpital-entreprise ”»

13. Rey Olivier, Une question de tail le, 2014

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L’H ÔPITAL, U N LI EU QU I DÉSH U MAN ISE

« plus le niveau de la technique est élevé, plus les avantages que peuvent apporter des progrès nouveaux diminuent par rapport aux inconvénients. » Discours de Simone Weil, Réflexion sur les causes de la liberté et de l’o ppression social, repris par Olivier Rey, Une question de tail le

La crise du soin La découverte des antibiotiques, de la pénicilline après la Seconde Guerre mondiale a offert un espoir de guérison face à des maladies infectieuses et transmissibles que l’on croyait éternelles, comme la tuberculose. Cet élan d’optimisme ainsi que la création des CHU suite à la réforme de 1958 a permis à nos anciennes cliniques françaises de s’allier aux sciences de laboratoire, puis aux technosciences pour créer la biomédecine française sur le modèle états-unien. Ainsi, pendant une quarantaine d’années, l’idée d’un progrès médical qui serait infini était devenu une évidence qui était partagée autant par les élites politiques, administratives, médicales et le corps social tout entier. Nous pensions sincèrement et objectivement que nous allions vaincre toutes maladies pour le futur. Or, ce rythme effréné d’innovations a vu naître de nombreuses évolutions qui étaient pensées bienveillantes mais qui sont devenues aujourd’hui nuisibles à la santé de l’homme. Et au-delà d’une entreprise, on peut aujourd’hui comparer le système de santé à celui d’un marché. Les personnes en demandent de soin deviennent des consommateurs, des clients, des patients consommant des produits. Pour aller bien, il faudrait alors acheter ceci ou cela. Pour être mieux, il

faudrait consommer ceci ou cela. C’est le propos qu’entretient Olivier Rey dans son livre Une question de taille, en expliquant que le facteur de rapidité dans la création de projets techniques est un élément « destructeur » pour ses utilisateurs. Selon Olivier Rey, il existerait un seuil, dont on ne connaît pas la limite, mais qui au-delà de cette frontière, le développement deviendrait contre-productif et nuirait à la situation qu’il était censé améliorer. Serait-ce cette mauvaise utilisation de la technologie qui déshumaniserait le système de soin ?

▲ Grève du 8 novembre 2016, les infirmiers et aide-soignants ont défilé à Paris. Photographie par Philippe Wojazer

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La technologie ou l’homme ?

Le burn-out

Les nombreuses évolutions technologiques, au sein du système médicale, sont venues bouleverser le rôle du soignants ainsi que sa relation avec le patient. En effet, le professionnel n’est non plus un accompagnant à l’écoute mais plutôt un médecin enchaînant diagnostics et clients. Le métier a donc perdu toute sa bienveillance et son accueil au profit de nouvelles technologies. On ne voit alors plus les espaces médicaux comme un lieu d’accueil et d’hospitalité mais plutôt comme un haut-lieu de technologie de pointe, un centre de recherche, un laboratoire permettant le diagnostic et la guérison rapide. En effet, dans un système de santé où l’impérialisme médico-économique a pris le pas sur les valeurs originelles des espaces de soins, le patient entretient un tout autre rapport au soin : il arrive, est pris en charge, abandonne son corps à la science pour réaliser des diagnostics, des opérations ou de la surveillance, puis il repart. Ainsi, le patient devient passif dans ce système de soins. Serait-ce donc simplement une question d’évolutions technologiques ? Ne serait-ce pas principalement le système de fonctionnement économique qui ne serait pas adapté à l’utilisation et aux valeurs des espaces de soins ?

Tout comme les patients, les soignants sont aussi malades et souffrants dans cet environnement hostère. Les soignants décrivent une pression toujours plus grande de la part des gestionnaires de l’hôpital qui souhaitent rendre l’établissement plus rentable. Il faut faire mieux, mais plus vite et avec moins de ressources. Les soignants se plaignent de ne plus éprouver de plaisir à venir travailler car ce système détruit les rapports humains qui humanisait et facilitait le travail. Les contraintes de gestion sont de plus en plus fortes et pèsent sur leur moral. Comparé à une entreprise, voir une usine, Freud définit ce métier de soins de métier comme étant “chronophages”14. C’est-à-dire que c’est « un métier impossible ». Une profession qui relève de l’irréalisable car sa finalité est impossible à atteindre. Ce savoir-faire nécessite tellement de présence, de travail, de liens sociaux et humains que c’est un métier qui prend notre vie et dont on en verra jamais le succès.

▲ Illustration sur l’environnement médical par Schvartz et Frap

14. https://journals.o penedition.o rg/leportique/271

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U N E DISHARMON I E CORPS ET ESPACE

« L’homme est la mesure de toute chose » Le philosophe Merleau-Ponty défendait la pensée antique de Protagoras soutenant le célèbre discours : « l’homme est la mesure de toute chose ». Selon le philosophe, le corps serait alors la matrice ultime permettant la mesure de toutes les dimensions15. Il affirmer également qu’il n’y a pas d’absolu ou d’universel et que la singularité de chaque homme doit être pris en compte. Et en effet, le premier geste de l’espace architectural ne serait-il pas d’accueillir nos corps ? Ainsi, ce serait un espace à habiter correspondant à un corps en particulier afin de pouvoir s’abriter, de se mouvoir et de se rencontrer. On peut alors comprendre que l’homme et l’architecture s’affectent l’un à l’autre. Au 16ème siècle, influencé par cette pensée, Léonard de Vinci représente les proportions idéales et parfaites du corps humain à travers son dessin “Homme de Vitruve”. Pour lui, cette représentation permet de théoriser le rapport de l’homme avec l’architecture, et donc avec le monde. Le 20ème siècle a vu apparaitre Le Corbusier et son “Modulor” : une silhouette humaine standardisée servant à concevoir la structure et la taille des unités d’habitation dessinées par l’architecte, comme la célèbre Cité radieuse de Marseille. Il s’intéresse plus à la morphologie humaine qu’au système métrique afin de permettre un confort maximal dans les relations entre l’Homme et son espace vital. N’aurions-nous pas détourné cette théorie en choisissant de prôner un corps parfait auquel nous cherchons à ressem-

15. Site web : Cairninfo, Angelino Lucia, Revue internationale de philosophie, 2008, Chapitre « L’a priori du corps chez MerleauPonty », pages 167 à 187

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bler ? N’était-ce pas les prémices d’une recherche d’ergonomie plutôt qu’une standardisation de l’habitat ? Fallait-il seulement s’arrêter à la représentation d’un homme idéal ?

La contradiction de l’espace médicale Thomas Bernhard16, tout au long de son récit sur sa maladie, décrit l’espace médical comme un établissement carcérale où tout le monde est observé, surveillé, contrôlé, passif et où « des règles précises régissaient notre vie de manière très ponctuel le. Ma sortie a été marquée par un « choc culturel ». I l a fal lu apprendre les habitudes, les moeurs, les règles de cette nouvel le vie ». L’auteur dénonce un décalage considérable entre l’espace de soin et la vie en société à travers la gestion mais également l’atmosphère et l’ambiance qui en émane. En effet, l’obsession d’un ratio, le nombres de normes hygiénistes et la gestion administrative du soin impactent l’espace architectural pour le rendre fonctionnel et efficace pour le personnel. On se retrouve alors souvent avec de longs couloirs sans fin, un réseau labyrinthique de distributions, un manque considérable de lumière naturelle et de vues sur l’extérieur. De plus, s’ajoutent un choix de matériaux, de couleurs et de décorations particulièrement pauvres. Et que dire aussi de ces zones d’entrée et d’accueil parfois trop grand ou trop administratif, qui rappellent des espaces de grandes institutions ou l’attente chez notre médecin. Ne serait-ce

16. Bernhard Thomas, Le froid, une mise en quarantaine, Paris : L’i maginaire, Gal limard, 2012


Défiguré par la standardisation pas contradictoire de bâtir un espace de soin sans prendre en considération l’homme ? La médecine est au service de l’homme, pourquoi pas l’architecture? Ne pourrait-elle pas prendre le relais de cette profession en crise pour assouvir les besoins du patient ? Comment l’architecture médicale arrive-t-elle à s’éloigner autant du corps ?

L’espace hospitalier est alors démesuré et inadapté pour un corps souffrant. Olivier Rey, comme de nombreux prédécesseurs nommés précédemment, constate à travers son récit Une question de taille qu’un espace qui s’éloigne de l’échelle humaine engendrerait forcément un échec architectural. Dans son début de réflexion, l’écrivain amorce ses recherches sur les conséquences de la démesure et de l’accélération moderne en pointant les catastrophes subites par le célèbre projet de relogement Pruitt-Igoe en 1950. En effet, issu du mouvement du fonctionnalisme, ce projet devait être un grand quartier d’habitat social comportant « 33 immeubles et 2 870 logements ». Novateur, il était devenu un symbole du renouveau du logement social et s’est diffusé comme un effet de mode. Malheureusement, ce quartier a été démoli en 1972, après seulement vingt années d’occupation. Le bâtiment offrait une architecture brutale et une géométrie rudimentaire en rupture avec son environnement et son quartier. L’architecte parle d’ailleurs d’ “urbanalisation” causé par la standardisation. Pourtant cette erreur n’a pas été source d’un requestionnement vis-à-vis de ces espaces démesurés face à l’homme. Par conséquent, on a tendance à tout casser pour reconstruire sans forcément faire mieux. Mais la destruction est-elle la bonne solution ? Un designer ne pourrait-il pas soigner, tel un médecin, un espace de soin qui se veut inhumain et malade ?

▲ Quartier d’habitat social Pruitt-Igoe, Minoru Yamasaki, 1950 - 1972

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QU E FAI RE ? Le designer enfile la blouse Aujourd’hui, on observe que petit à petit des designers se spécialisent professionnellement dans le domaine de la santé en travaillant avec des chercheurs ou des professionnels du soin. Serions-nous en train de prendre conscience que les espaces de santé seraient un élément indispensable à repenser dans notre société ? La santé serait-elle une question contemporaine ouvrant un nouveau champ de possibilités et d’innovations pour les designers ? Les praticiens ont du mal à comprendre la place du design dans le soin. Or, ne serait-ce pas un moyen de combler les manques qui ne peuvent relever du médical ? Les designers pourraient assurer l’apport de la bienveillance et de l’humanité à travers un espace pensé et dessiné pour l’homme en souffrance. Un moyen d’apporter de l’ergonomie, du réconfort ou bien de l’accompagnement pour les professionnels et les patients afin de favoriser un mieux-être. À travers son champ d’action, le designer pourra peut-être combler le manque d’accompagnement, faciliter la communication, la parole, les relations entre les patients et les soignants et favoriser l’autonomie du patient pour qu’il devienne actif de sa santé. Le designer pourrait intervenir sur les nombreuses normes du système médical afin de jouer avec elles, voir de les détourner. Il interviendrait sur l’espace de la même manière que le soignant intervient sur le corps d’un patient. Ainsi,

Vers un art de soigner l’architecte pourrait soigner l’espace existant, le réparer afin de retrouver un état “acceptable”, une nouvelle valeur, un nouveau statut. Pourrait-il penser le soin de la même manière qu’un soignant ? L’espace de soin aurait-il besoin de béquilles pour trouver un équilibre ? Ainsi, prothèse, suture, pansement, implant, greffe, sont autant de procédés médicaux qui pourraient faire émerger une nouvelle pratique du design permettant de soigner l’espace inhospitalier. De cette manière, à travers le projet Réanim, 5.5 designers ont créé une nouvelle discipline qu’ils nomment : la médecine des objets. En effet, ils s’intéressent aux objets de récupération et objets oubliés pour leur offrir une seconde vie : « I l ne s’a git ni de les restaurer pour les faire revivre comme au premier jour, ni de les réparer, ni de les détourner mais de les réhabiliter, de les réanimer, de proposer un avenir aux objets condamnés à disparaître »17 . Ce projet amène une manière de concevoir et de penser autrement afin de contrer notre société d’hyper consommation où l’on achète et l’on jette en permanence.

17. https://www.a rtisigner.fr/5-5-Designers-ecoconcepteursmalgre-eux_a326.html

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Recentrer le soin sur le patient

▲ Concept Réanim, 5.5 designers, 2003

▲ Antibotics In Layers, Mathieu Lehanner, 2001

De même, dans ses espaces médicaux, le design peut servir à soigner les autres en améliorant la qualité de notre environnement. C’est ce que fait le designer Mathieu Lehanner18 en réalisant une série d’objets thérapeutiques. Quelquefois imaginés aux côtés de scientifiques ou de médecins, ses projets inventent de nouvelles ergonomies face à nos enjeux sensibles tels que : mieux respirer, mieux dormir, mieux vivre. Dans l’envie de « créer des objets qui s’a dressent à nos corps », à travers ses créations, on redécouvre nos cinq sens : l’ouïe, la vue, l’odorat, le toucher et le goût. D’ailleurs, son projet Antibotics In Layers, Mathieu Lehanner réfléchi sur l’effet placebo qu’entretient le patient avec sa maladie. Il a réalisé un médicament dont le principe serait de s’effeuiller comme un oignon. Ainsi, on consomme une couche par jour, jusqu’à arriver à la dernière gélule qui est celle de la guérison. Le médicament devient un objet communicant, un objet de sens sur l’évolution de la maladie. On peut penser que le médicament, par sa forme, sa gestuelle et le geste, accompagne le patient comme pourrait le faire un médecin. De cette manière, Gilles Deleuze et Félix Guattari dans leur conférence Philosophie du design affirment que « le designer devrait donc travail ler sur les formes comme composantes essentiel les de la production de la subjectivité. » 19

18. http://www.m athieulehanneur.fr 19. Site web : Cairninfo, Antonioli Manola, Design et écosophie, 2013 Chapitre : « Pour un design de la singularité », pages 171 à 178

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« I L FAUT QU E J E M’ADAPTE ! » Vers un espace relais hospitalier

I l y a alors deux espaces bien distincts : l’espace intérieur subjectif et l’espace extérieur objectif. Cependant ce sont deux consciences singulières qui se détériorent l’u ne à l’a utre par leur opposition. L’espace médicalisé aliène et individualise le sujet dans son approche aux soins. I l participe alors à l’a bandon du corps et de l’esprit. Ainsi, l’h ôpital serait le lieu technique par excel lence, mais l’espace transitoire entre l’h ospitalisation et le retour à la vie quotidienne ne devrait-il pas être pensé de manière plus subjective qu’o bjective afin de satisfaire son but premier : un retour à la santé et à la vie quotidienne ? Ainsi, la subjectivation du soin, serait-il un moyen, à travers l’espace et son influence thérapeutique, d’a ccueil lir, d’a ccompagner et de générer un effet humanisant sur notre relation au soin ?

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U N MODÈLE À RÉI NVENTER !

« Les maux du corps sont les mots de l'â me, ainsi on ne doit pas chercher à guérir le corps sans chercher à guérir l'â me. » Platon

Du soin à l’obsession de la santé parfaite Aujourd’hui, période de crainte et de crise du soin, les espaces médicalisés cherchent leur place dans la société au travers de nombreuses évolutions. Entre la diversification des modes de soins, le développement de l’ambulatoire et du soin à domicile, la pratique de la médecine se diversifie et se perd elle-même pour tenter de répondre aux besoins de l’homme moderne. En effet, l’hospice accueillait et soulageait des hommes souffrants, or, aujourd’hui, d’après Alexandre Jollien, « en médecine on assimile l’h omme normal à l’h omme parfaitement sain »20. Mais ne pouvons-nous pas être en bonne santé sans pour autant rentrer totalement dans la norme ? Serait-ce donc ça le soin aujourd’hui ? Un outil pour se rapprocher au plus près de la normalité ? Le citoyen est obsédé par la recherche d’une santé parfaite qui, selon lui, lui permettrait de se rapprocher des normes biologiques et statiques et, ainsi, de trouver sa place dans la société. Nous somme alors en recherche d’une santé idéale et non d’un soin pour une guérison. Le philosophe Olivier Rey explique que la santé serait « une sensation interne

20. Jol lien Alexandre, Eloge de la faiblesse, éditeur Marabout, 2012

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et personnel le (…) devenue un capital à entretenir demandant une vigilance permanente »21 et que c’est ce qui nous amènerait aujourd’hui à l’examen et au contrôle maîtrisé par le corps médical. Ainsi, la santé ne désignerait pas l’absence de maladie ou d’infirmité mais serait plutôt un état de complet bien-être physique, mental et social. C’est pour cela que le milieu médical a cherché à transformer et multiplier ses professions pour répondre aux besoins psychologiques et physiques des patients, au profit de l’approche humaine. Or, la santé demande-t-elle les mêmes attentes que le soin ? L’obsession du bienêtre ne serait-elle pas maladive ? Est-ce la recherche de la perfection, et donc de la norme, qui serait la source de cette préoccupation ?

21. Rey Olivier, Une question de tail le, 2014


De nouveaux besoins De nombreuses pathologies sont étroitement liées à notre mode de vie contemporain : médecine et chirurgie trop invasives, produits médicamenteux chimiques, alimentation industrielle, pollution, etc. L’acte technique pratiqué dans les structures médicalisées ne peut alors garantir seul la qualité et l’efficacité du soin. Un bon repas, une climatisation qui fonctionne, une liberté du mouvement et du comportement comme une lumière naturelle sont donc aussi importants que les actes techniques médicaux et paramédicaux. Comment rechercher la perfection au travers des centres médicaux si ses derniers ne sont pas exemplaires d’un système de vie bienveillant ? Pour cela, l’espace de soin ne devrait-il pas exprimer et montrer le chemin de ce désir d’idéalisation et de bien-être ? Aujourd’hui, ces structures sont donc en contradiction avec les besoins de la société. Nous vivons dans ces divers établissements à la même allure que dans un hôpital. Or, l’hôpital est là pour assurer des soins techniques différents des soins pratiqués par les centres médicaux annexes (pharmacie, centre de rééducations, kinésithérapies, etc). Alors pourquoi se plient-ils au même système que celui de l’hospitalisation ? Dans ce cas-là, nous sommes des machines à soigner et non des hommes à part entiers. Nous restons enfermés dans un système qui nous rend passif au soin. Alors comment ses espaces annexes peuvent-ils permettre aux patients de passer d’un espace à un autre s’ils restent dans un système médical technique et déshumanisant ? Qu’est-ce qu’être un sujet actif face au soin ? ▲ Publicité du programme “Bien évidemment” parrainé par Auchan et qui « donne plein de conseils, simples et pratiques pour manger mieux, bouger plus et prendre soin de soi », 2017

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DEVENONS « PATI ENT-PARTENAI RE » ! Être patient Le patient de l’hospice au Moyen-Âge était celui qui cherchait une consolation et qui avait besoin d’écoute. Aujourd’hui, l’évolution des maladies, de la médecine et de la technologie maintiennent le patient dans une posture de passive. L’idée à promouvoir serait de passer d’un patient “objet de soin” à un patient perçu comme “sujet en soin”. L’intégration du patient dans le système de soins et d’une professionnalisation en crise pourrait passer par des actions “matérielles” tel que le design. En effet, ces espaces délaissés peuvent revêtir une grande importance car

« si l’a rchitecture peut démoraliser les patients et contribuer à l’énervement extrême et mentale, el le pourrait à l’i nverse avoir une vertu réparatrice »22

C’est à partir de cette idée que Margaret Keswick Jencks, anciennement cancéreuse, a commencé avec son mari Charles Jencks, historien de l’architecture, à imaginer des lieux d’un type nouveaux pour soigner le cancer. Ainsi, le design joue un rôle au travers de la conception d’espaces, de structures, de dispositifs afin d’améliorer les séjours hospitaliers car nous sommes sujet que lorsque nous restons sujet. L’objectif serait alors de relier le patient à son expérience de la douleur en apportant une vision plus proche du quotidien et plus sociale permettant de libérer la parole, de promouvoir l’écoute et le partage. Un patient actif redevient alors un citoyen à part entier qui retrouve l’estime de soi.

22. Archiscopie no14, thème santé, avril 2018, l’Architecture au coeur des Maggie’s Center, page 15

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Être partenaire L’ensemble des évolutions font que les pathologies chroniques touchent de plus en plus de personnes. Elle nécessite un investissement du malade qui doit apprendre à vivre avec, comprendre sa maladie et savoir adapter son traitement par rapport à son projet de vie. Pour cela, il doit se sentir informé, accompagné, voire même encouragé, des objectifs récurrents dans diverses associations comme l’association Pierre-Noal, l’Institut Français de l’Expérience Patient ou bien l’Association des Infirmiers en rééducation et réadaptation. Ainsi quelle serait la place du soignant ? Et quelle serait celle du patient ? Outre la relation patient-soignant, la collaboration dans le centre semble importante pour lutter contre l’individualisme. D’ailleurs, Thomas Bernhard explique que:

« la col laboration était vitale pour atteindre le seul but urgent : progresser, évoluer, ressembler de plus en plus aux autres, à la catégorie des “normaux”. Cela dominait nos préoccupations et donnait un sens à tout le reste. Le dialogue avec les autres importants pour se sentir existé et vivant, se rencontrer, avoir un contact, par des gestes simples ou des regards. » 23

Pour cela, les espaces médicaux doivent faciliter la communication et la rencontre par le biais d’un espace qui nous réconforte et nous ouvre à la conversation.

23. Bernhard Thomas, Le froid, une mise en quarantaine, Paris : L’i maginaire, Gal limard, 2012


▲ Illustration sur l’environnement médical par Schvartz

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HABITONS LE LI EU !

Qu’est-ce que “habiter” ? Traditionnellement, “habiter” désignait la plante dans son espace, dans son habitat. Aujourd’hui, ce terme désignerait plutôt un art spécifique à l’homme qui nous permet de se sentir présent au monde et à autrui. L’habiter s’applique à toutes dimensions spatiales, dès lors que l’on y ressent quelques attaches et que l’on s’y reconnait. Cependant cette notion s’altère par le fait que nous vivons dans des villes où nous sommes guidés et formatés. Pour expliquer cela, Thierry Paquot soutient les propos d’Ivan Illich qui disait qu’ «habiter est un outil spécifique aux humains, un art en voie d’extinction sous les coups du capitalisme globalisé»24. L’aliénation empêcherait alors d’“habiter”. Mais justement, ne serait-ce pas le problème à résoudre qui permettrait d’activer l’âme et le corps du patient afin de changer sa relation au soin ? Habiter un espace de transition pourrait être le moyen de réhabituer, de rattacher et de reconduire l’homme vers sa vie quotidienne.

24. Vidéo “Vous avez dit habiter ? Ou quelques images” par Thierry Paquot sur www.vimeo.com

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Se construire, évoluer, progresser sont donc des actions qui sont soutenues et accompagnés par le lieu où la personne qui s’y trouve. L’habitat joue alors un rôle essentiel dans la construction de l’identité d’un individu. Ainsi, la notion de temporalité apparaît importante pour pouvoir pratiquer le lieu et apprendre à le connaitre afin qu’il devienne familier. L’important est de pouvoir l’identifier et de s’y identifier. Selon Thierry Paquot, trois attributs humains doivent être mis en exergue simultanément pour pouvoir “habiter”24 : le relationnel, le sensoriel et le situationnel. Par la suite, c’est le langage qui donne à habiter car elle la poétise, la traduit, l’explique et la met en valeur. Quels sont les outils permettant de créer cette appartenance et ce sentiment ? On comprend, à travers l’exemple de l’espace médicalisé, que réaliser un espace avec des murs et un toit n’est pas suffisant pour habiter.


Promouvoir des valeurs éthiques Dans la quête du bien- être et de la santé parfaite, l’espace d’accompagnement vers un retour au quotidien devrait être le lieu où l’on bénéficierait des outils nécessaires pour acquérir une bonne santé à travers nos habitudes quotidiennes. C’est là que l’aspect sensoriel au travers des ambiances et des atmosphères rentre en jeu. L’architecte Peter Zumthor, à travers les Thermes de Vals vient questionner ce rapport entre le soin/santé et l’espace au travers de deux notions : atmosphère et ambiance. Selon lui, « L’atmosphère est un rapport immédiat à l’environnement, c’est un rapport émotionnel et non intellectuel » 25. C’est une dimension esthétique où l’architecture et l’histoire du lieu sont deux entités qui ne font qu’un, en s’apportant l’un à l’autre. L’emplacement et l’environnement qui entoure l’espace doivent alors être pris en compte pour créer une ambiance propre à un lieu. « L’atmosphère et l’a mbiance dans une architecture c’est faire ressentir quelque chose aux visiteurs, une émotion spécifique. I l faut être à la recherche d’u ne émotion et faire d’u ne visite, une recherche de soi-même »25. C’est-à-dire offrir une image forte qui donnera une ambiance appropriée à l’espace. On peut traduire cela par une expérience qui fait appel à nos sens et qui crée des émotions. Ainsi, le designer joue avec les lumières, les couleurs, les matières, les sons, les résonances, le rapport avec le corps pour créer certaines sensations.

▲ Thermes de Vals, Suisse, Peter Zumthor, 1996

25. Vidéo “Peter Zumthor - Therme in Vals” sur www.y outube.com

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U N E QU ESTION D’H OSPITALITÉ

Qu’est-ce que l’hospitalité ? Étymologiquement le mot “hospitalité” vient du latin hospitalitas, qui était un système de cantonnement des troupes romaines. Quand une troupe arrivait dans un lieu, elle réquisitionnait une grande propriété, souvent une partie d’une propriété impériale, et à leur départ le propriétaire récupérait tout son bien. L’hospitalité c’est donc cette action de recevoir et d’héberger chez soi quelqu’un, par charité, cordialité, générosité, bienveillance ou amitié. Ainsi, notre maison devient hospitalière, accueillante. C’est de ce principe qu’est né l’hospice du MoyenÂge par rapport aux chambres qui se trouvaient dans les Hôtel-Dieu permettant de loger les plus démunis. L’hôpital est alors l’espace par excellence qui depuis toujours reçoit et accueille toutes personnes. On peut alors constater que l’hospitalité n’est pas seulement une pure valeur née de l’individu mais un lieu. Ainsi, cette dernière, présente auparavant au sein de l’hôpital mais également ailleurs, ne réside pas dans celui qui accueille mais dans la capacité de l’espace à accueillir afin de faire exister l’hospitalité. En renouant avec le sens de l’hospitalité, l’architecture viendrait reconsidérer l’homme dans son intégrité physique, psychique et spirituelle : comme les trois piliers de la promesse de guérison. Comment le designer peut-il offrir les moyens de recréer de l’hospitalité dans ses espaces contrôlés, techniques et déshumanisants ? ▲ Maison Louis Carré, Yvelines en France, 1960, Alvar Aalto

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Un geste de bienveillance « Rendons l’a rchitecture palpable, sensible, pour le moins compréhensible, lisible à défaut de la rendre mesurable. L’a rchitecture ce sont les vil les, les paysages, la mise en lumière du patrimoine, les espaces publics, c’est plus qu’u n geste, ce sont des «monuments» à vivre, un oxymore qui met en rapport l’éternité et la vie, le ciel et la terre, le monde céleste et les abysses, l’i ntérieur et l’extérieur.» 26

A quoi bon construire des maisons si le geste de créer, de vivre ne se prolonge à l’intérieur? On remarque qu’après les deux guerres mondiales, l’architecture et les architectes se dirigent vers la technologie, la préfabrication, le monumentalisme, et la standardisation confisquant la pensée architecturale. À l’inverse de ses collègues, l’architecte Alvar Aalto cherche à se préoccuper d’une dimension plus emphatique. Il choisi d’humaniser son architecture pour « donner soin au petit homme ordinaire » en prenant en compte l’usager, ses émotions, ses réactions à chaque espace, à chaque atmosphère. L’entrée de la célèbre Maison Louis Carré construit par Alvar Aalto, est composé d’une voute élaborée en forme de grande vague, en bois et d’une hauteur généreuse de 5

mètres. Ce simple geste architectural offre l’impression d’être accueilli par quelqu’un, elle rassure et en même temps invite à la conversation. De plus, les mobiliers et dispositifs architecturaux de cette maison sont adaptés et fabriqués à la mesure et aux besoins de ses occupants, et non selon un modèle parfait. Les habitants, mesurant 1m50 environ, étaient bien loin du 1m83 défini par le Modulor. Ainsi, les proportions, les gestes architecturaux, les matériaux, les textures voire les détails participent au confort, à l’ergonomie, à l’approche de leur vision de la maison parfaite, et par conséquent au bien-être des usagers. Le geste architectural permet-il d’offrir plus de douceur, de compréhension, de compassion ? Ainsi, comment un geste peut-il accueillir et mettre en avant la vision d’une santé parfaite ?

26. Article sur Chroniques d’a rchitecture, «Vers une disparition programmée de l’a rchitecture ?», Alain Sarfati, architecte et urbaniste, 6 février 2018

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CONCLUSION

L’influence décisive que peut avoir l’architecture sur notre corps et notre psychologie nous pousse à nous questionner sur le réel impact de l’architecture et de notre environnement sur notre comportement et nos états psychologiques et mentaux, et donc aussi sur notre état général de santé. Ainsi, l’architecture et le lieu pourraient accompagner la thérapie, grâce au bien-être dans ses diverses temporalités. Ainsi, le design, en étant complémentaire des soins exécutés par les soignants, pourrait apporter des indices permettant de percevoir et sentir le retour à la vie quotidienne mais également le retour à la “normal”. Ainsi, il permettra aux patients de prendre conscience d’un chemin de reconstruction et, à la manière d’un médicament, impacter l’état mental du malade pour le soigner, l’accompagner, l’accueillir et lui faire prendre conscience de son avancer. Ainsi, en activant le mouvement, en reformant l’esprit hospitalier pour amener de l’hospitalité, en créant une ouverture spatiale pour dynamiser, en amenant le patient à se mouvoir et à avancer, en créant un lien avec l’extérieur, cela pourrait offrir aux malades la volonté de

se guérir. Au travers de stratégies actives et passives qui pourraient être intégrées aux espaces de soins cela conduira le patient à s’engager physiquement et mentalement dans sa reconstruction, à être actif et statique quand il le sent et décide qu’il le faut. Comment le design d’espace peut-il permettre de passer de l’échelle démesurée du médical à celle de l’homme cherchant à retrouver la santé ? Ainsi, je pense qu’il est temps pour moi d’enfiler la blouse du “designer-soignant” pour tenter d’apporter plus de bienveillance et d’humanité au sein de ce centre de soins.

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03 UNE INFIRMITÉ SPATIALE


30 ELAITAPS ÉTIMRIFNI ENU


D’une enveloppe paysagère singulière à un mal-être intérieur Localisé au cœur de cette future dynamique de soin, le centre de rééducation de la Croix-Rouge se doit d’être en bonne santé. Il alors temps de passer au stéthoscope le centre de soins pour connaître et comprendre son infirmité et répondre à cette question : « Qu’est-ce qui la rend malade ? ».

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UN EMPLACEMENT STRATÉGIQUE Un espace bien desservi

LIGNES DE TRAM 2 ET 3

LA LOIRE

NANTES REZÉ

GARE ROUTIÈRE PIRMIL LA

CLINIQUE DU CONFLUENT

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VR

E


Un passé remis à jour Proche des transports en commun comme la station de tram Pirmil et la gare Pont-Rousseau, la clinique du Confluent est située à la frontière entre Rezé et Nantes. Ce bâtiment médical est venu redessiner et requestionner l’entrée de la ville de Rezé tout en profitant de sa géolocalisation pour toucher un large public. Vers 1929, cette zone était un site industriel intercommunal (abattoir de Talensac) qui profitait de ce point stratégique afin de faire valoir son marché. L’abattoir intercommunal de Pont-Rousseau a par la suite été annexé à la ville de Nantes, puis déplacé et détruit en1975. C’est en 2003 que le groupe Confluent a décidé de racheter le site pour profiter de cet espace stratégique et de cette proximité avec la ville de Nantes, Rezé, ses alentours et sa nature. Cela semble fonctionner. Depuis le centre n’a cessé d’évoluer. Aujourd’hui, le site rassemble une clinique, une radiothérapie, des blocs opératoires, des hébergements, une maison médicale, un centre de conférences et de consultation ainsi qu’un centre de Soins de Suite et de Rééducation.

▲ Photographie d’archives - Pont du Pont-Rousseau - 1940

▲ Photographie aérienne - Pont du Pont-Rousseau - 2017

QU’EST-CE QU’ILS EN PENSENT ?

'' ''

Ronan Dubois, Directeur du Confluent

'' Gérard Allard, Maire de Rezé

'' LA CLINIQUE DU CONFLUENT

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UN PAYSAGE MÉDICAL Au sein d’une clinique Les cliniques de Saint-Damien, Saint-Henri et SaintPaul, anciennement réparties sur les territoires de Nantes et Rezé, se sont regroupées sous l’appellation «Nouvelles Cliniques Nantaises ». Au côté du Centre Catherine-de- Sienne, elles s’installent sur un terrain situé en jalon entre Nantes et Rezé, au confluent de la Loire et de la Sèvre. Ce pôle santé permet de réunir sur un seul espace une diversité de lieux médicaux afin d’offrir une plateforme réunissant divers services et partageant une nouvelle et une même image « architecturale ». Le terrain de plus de quatre hectares a permis de nombreux développements. En effet, dès le début des premières constructions en 2003, il était déjà prévu de greffer d‘autres services aux projets afin d’agrandir les services de la Clinique. La première évolution abrite le centre de Soins de Suites et de Réadaptation de la Croix-Rouge Française sur 5 niveaux. La seconde évolution, regroupe les consultations complémentaires des Nouvelles Cliniques Nantaises, un centre d’hémodialyse, une salle de conférences et les bureaux de l’administration.

▲ Paysage de la clinique du Confluent

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CENTRE DE SOINS DE SUITE ET DE RÉADAPTATION 2008

MAISON MÉDICALE

(CONSULTATION, PHARMACIE) 2003

NOUVELLES CLINIQUES NANTAISES (AMBULATOIRE IMAGERIE MÉDICALE) 2003

CENTRE CATHERINE DE SIENNE (RADIOTHÉRAPIE) 2003

LABORATOIRE D’ANALYSES MÉDICALES

(CENTRE D’HÉMODIALYSE, SALLE DE CONFÉRENCE ET BUREAUX D’ADMINISTRATION) 2009

HÔTEL ET RÉSIDENCES SENIORS (LOGEMENTS) 2019

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▲ Hall d’entrée d’une partie de la Clinique (Hall 4)

▲ Espace d’attente pour la chirurgie ambulatoire

▲ Salle de restauration d’une partie de la clinique

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Un intérieur novateur L’agence d’architecture AIA Life Designer, maître d’œuvre de l’Hôpital Privé du Confluent, entretient une maintenance régulière avec la clinique. Réalisée il y a plus de dix ans, l’agence profite de ce partenariat pour innover en terme d’espace et de services médicaux. Cela profite également à la clinique qui s’offre un nom dans le domaine du soin Nantais. Dernièrement, en 2016, l’agence d’architecture est intervenu dans une partie des Nouvelles Cliniques Nantaises en transformant le secteur de la chirurgie ambulatoire. Nommé «Cocoon’s care», ce projet récent est un nouvel espace qui a pris forme à travers les recherches menées au sein de l’atelier Santé de l’agence AIA. Il change radicalement les codes hospitaliers par le biais de nouveaux matériaux, revêtements et décors. Tel un cocon, le projet se dessine tout en courbe pour abriter le patient de passage et pour faciliter la prise en charge rapide. Sous une ambiance de thalassothérapie, le centre adopte une toute nouvelle dimension . En effet, « le concept architectural inédit privilégie le confort des patients et des soignants » comme l’explique Ronan Dubois, directeur général du Groupe Confluent. Pour ce faire, le projet est basé sur une réinterprétation de l’univers architectural hospitalier qui a mûri autour d’un travail de 2 années associant l’équipe de la clinique et le cabinet d’architecture AIA.

Ce partenariat participe à l’innovation et à l’amélioration permanente de l’espace, de la prise en charge et du soin en général. Il modifie ainsi le rapport qu’un patient entretient avec l’espace médical. Au sein de ce service, on s’y sent bien, confortable et engage le patient dans son processus de soins. Et comment va le centre de Soins de Suite et de Rééducation au sein de ce système hospitalier ? Subit-il également des transformations et des rénovations récurrentes où à l’inverse est-il délaissé ?

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Le centre de soin de suite Le Centre de Soins de Suite et de Réadaptation – Le Confluent de la Croix-Rouge française est situé à l’arrière du groupement hospitalier des « Nouvelles Cliniques Nantaises ». L’établissement prend en charge les patients adultes afin d’assurer une activité médicale de soins et de réadaptation, dans la continuité des prises en charge médicales des services hospitaliers de court séjour de la région nantaise. Il a pour objectif « d’assurer la limitation des handicaps physiques, la restauration physique et psychologique, l’éducation du patient et de son entourage, la poursuite et le suivi des soins et du traitement, l’évaluation des conditions médicales, sociales et/ou socio-professionnelles, d’optimiser des retours à domicile et de proposer une alternative à l’hospitalisation complète ». (d’après le site internet de la Croix-Rouge). Le Centre de Soins de Suite et de Réadaptation du Confluent comprend 52 lits d’hospitalisation complète pour les prises en charge spécialisées des affections locomotrices et neurologiques. Parallèlement le centre propose 30 places consacrées à des prises en charge en hôpital de jour pour la rééducation d’affections locomotrices et neurologiques.

Maître d’Ouvrage S.C.I du Confluent Architecte Mandataire Architectes Ingénieurs Associés Architecte AIA Atelier de la Rize Ingénierie CERA Ingénierie Surface 9 000 m2 Livraison 2008

En plus des soins apportés, l’équipe soignante s’entoure de bénévoles et d’associations : - Les bénévoles de la Croix-Rouge française interviennent un jeudi sur deux au sein de l’établissement dans le cadre d’une action associative, collective : écoute, lecture, promenade, … - Les bénévoles de la « bibliothèque pour tous » sont présents tous les lundis à 16h. Ils passent dans les chambres pour demander d’emprunter des livres ou des magazines. 2 ergothérapeutes 1 assistante social

1 neuropsychologue

1 ergonome

1 responsable de soin infirmier

5 masseurs kinésithérapeutes

1 infirmier

2 médecin rééducateurs

▲ Entrée principale du centre de Soin de Suite

D’autres services sont à la disposition du patient, comme une esthéticienne, une pédicure/podologue, un coiffeur qui proposent des soins sur rendez-vous.

▲ Le corps professionnel soignant

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โ ฒ Photographie de la faรงade nord - ouest

FACADES NORD - 1/200

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FACADES NORD - 1/200


Une architecture normée Le centre de rééducation suit les normes strictes d’hygiènes de l’architecture médicale. Cependant la forme concave du bâtiment participe à la mise en relation de l’architecture et du cadre paysager qui l’englobe. La façade est composée de nombreuses surfaces vitrées ce qui permet d’intégrer au mieux l’architecture dans son milieu. Malgré le contraste d’échelle concernant la clinique et le centre de soins, ce dernier entretient une certaine harmonie avec la superficie du terrain. À l’inverse, la matérialité du bâtiment crée le lien avec la clinique. Le centre entretient un rapport direct et une continuité avec la clinique en reprenant le gabarit et la finition des façades du bâtiment des Nouvelles Cliniques Nantaises. Le rez-de-chaussée et le premier étage du bâtiment d’accueil du centre de soins développent une large ouverture sur la confluence Loire/Sèvre, par de larges bandes vitrées que viennent souligner les parties massives en béton lasuré. Or le bâtiment est souligné par de multiples trames anguleuses qui viennent parfois rigidifier la structure. L’architecture, tout comme la clinique, est construite sur le principe du système des poteaux-poutres. ▲ Photographie de la clinique du Confluent

▲ Esquisses des volumes du centre de soins

Elévation de la façade nord

Plan modifié à partir des fichiers de l’agence AIA

1/200ème

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FACADES OUEST - 1/200

FACADES NORD - 1/200

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Elévation de la façade ouest

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Elévation de la façade est

1/200ème

Plan modifié à partir des fichiers de l’agence AIA

Plan modifié à partir des fichiers de l’agence AIA

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COUPE PAYSAGE - 1/400

UN LIEU EN RETRAIT Un terrain en contradiction

ESPACES COMMUNS AVEC LA CLINIQUE

CLINIQUE CONFLUENT 1

CENTRE DE SOIN DE SUITE 2

D’UN CÔTÉ ...

Un complexe médical Le centre fait partie du centre hospitalier, répète sa matérialité et ses formes. Il est également relié directement à la clinique comme s’il fait partie intégrante de cet espace ou qu’il se fondait dans le décor. D’ailleurs, il disparaît et s’éteint à travers la masse architecturale. 1

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Au dos, se trouve la clinique du Confluent, dont le rythme de vie se distingue complètement de l’autre côté. La masse architecturale prend le dessus sur le paysage végétal et souligne un caractère plus dit de l’urgence que de la promenade. Les acteurs du site sont là dans le but de se faire soigner ou de voir un proche plutôt que de se promener ou de rejoindre un autre axe.

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Le bâtiment regroupant les hébergements se dessine en longueur. Les espaces communs et le plateau technique (balnéothérapie, kinésithérapie, ergothérapie) offrent un panorama vers l’extérieur, qui profite aux patients tout au long de leur rééducation.

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Une barrière végétale vient séparer l’axe routier de l’espace vert, et créer une sensation de barrière entre les patients du centre et les autres passants.

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Insertion du centre dans son paysage

Plan modifié à partir des fichiers de l’agence AIA

ET DE RÉÉDUCATION

VOIRIE

TERRAIN VERT

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ESPACE BOISÉE PROTÉGÉ 5

1/400ème

NORD

LA LOIRE 6

DE L’AUTRE CÔTÉ ...

Un espace naturel en retrait Situé dos à la clinique et face à la Loire et à la ville de Nantes, le lieu se fait discret. On y accède en longeant les bords de Loire et en franchissant une barrière d’accès situés de chaque côté du chemin routier. Sa distance avec la ville permet de créer un sentiment de «retrait à la ville». Cet espace paysagé offre au site hospitalité une ouverture vers l’ailleurs, une bulle d’oxygène qui incite à se touner vers le paysage de la ville.

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Entre le centre et l’espace boisé protégé se trouve un grand terrain vert occupé par quelques petits mobiliers urbains qui invitent à la pause et à la lenteur.

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De chaque côté de la rive se trouvent divers chemins et sentiers qui longent la totalité de la Loire. Ce sont généralement sur ces parcours que l’on croisent de nombreux coureurs, cyclistes et promeneurs. Ces espaces boisés sont protégés par le PLU.

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Tourné vers l’île de Nantes, le centre profite d’un large point de vue panoramique sur la Loire et la ville de Nantes, invitant ainsi les usagers à se perdre sur les abords de la rive.

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NORD

Un espace qui invite à ralentir PASSAGE ACTIF : Lorsque l’on va à la clinique on sait généralement où l’on va. On se dirige alors directement vers le bâtiment et le service qui nous intéresse. On emprunte une voie routière qui est directement rattachée à la place du Général Sarrail qui vient dessiner et distribuer l’entrée de la ville.

▲ Photographie du terrain vert

PASSAGE PASSIF : Pour accéder au centre de Soins de Suite de la clinique du Confluent on emprunte un axe routier, peu fréquenté par les véhicules, mais qui est bordé par la Loire et la nature. On profite alors de l’espace vert pour prendre le temps de ralentir et de profiter du panorama sur la ville.

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Un panorama sur la ville

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Cette prise de distance, à travers la Loire et le terrain vert, offre au bâtiment un large panorama sur la Loire et la rive Nantaise. Il en profite davantage par sa forme concave. Ainsi, le bâtiment entretient une relation particulière avec le terrain qu’il borde. Cependant, par le manque de structures et d’espaces aménagés, les utilisateurs du lieu sont rarement amenés à sortir et à profiter de cet espace. Par conséquent, il devient un espace de passage, voire d’arrêt pour manger ou profiter des points de vues panoramiques qu’il offre. Sans l’espace vert, le bâtiment n’aurait pas le même charme. Il lui apporte un recul, une distance vis-à-vis de notre vie quotidienne. Mais tourné vers la ville, il offre également un point de vue, un objectif et un horizon vers une nouvelle vie. L’espace vert, quand à lui, apporte un apaisement et une source d’évasion.

▲ Photographie du centre de soin, son entrée et son parvis

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â–˛ Photographie vue de la terrasse de la salle de restauration

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â–˛ Photographie vue de la terrasse de la salle de restauration

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«COMME À L’HÔPITAL» Une unité de soins morne et triste R+3, R+4, R+5 - 28 chambres : 17,5 m2 / 21,5 m2 / 28,3 m2 - Une infirmerie : 46,5 m2 - Une salle de bain : 19 m2 - Un espace de soins : 22 m2 - 2 buanderies : 15,5 m2 / 19 m2

R+2 - 22 chambres : 20,6 m2 - Une infirmerie : 42,2 m2 - 2 espace de soins : 20,6 m2 - 2 salles de pause pour les aidessoignants : 34,5 m2 / 14,4 m2 - Une salle de restauration : 77,7 m2 - Une terrasse : 12 m2

R+1 - Plateau technique : 400 m2 - 7 box de soins : de 8 à 26 m2 - 2 Sanitaires : 10,5 m2 - 2 vestiaires : 17,5 m2 - 2 chambres de repos : 18 m2 - 17 box de court séjours : 10 m2 / 12 m2 - Une réserve : 15 m2 - Un poste de soin : 19 m2 - Un espace d’attente enfant : 12 m2 - 5 buanderies / réserves : 4,3 m2 / 9,5 m2

▲ Photographie prise sur la rive face au centre (Loire)

RDC - Un hall d’accueil : 15 m2 - Un espace d’attente : 24,8 m2 - 5 bureaux : de 16 m2 à 33,4 m2 - Une salle de réunion : 39 m2 - 4 salles de consultations : 21 m2 - Balnéothérapie : 244 m2 - 2 vestiaires : 10,5 m2 et 15,5 m2 - Un vestiaire pour le personnel : 10,7 m2 - Sanitaires : 10,5 m2

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▲ Illustration du hall et de la borne d’accueil

▲ Illustration de l’espace d’attente pour les consultations

▲ Balnéothérapie Photographie par AIA Architecte

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PLAN DU REZ-DE-CHAUSSÉE

Plan modifié à partir des fichiers de l’agence AIA

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Des espaces délaissés et rudimentaires en terme d’hospitalité et d’accueil Le rez-de-chaussée regroupe tous les espaces administratifs ainsi que l’accueil et quelques espaces de soins. Le mobilier offre une atmosphère médicale et administrative. Lorsque l’on rentre, le public tombe sur un espace vide avec seulement un comptoir sans personne. Sur sa gauche se trouve l’espace d’attente pour les consultations et sur sa droite les bureaux de l’administration réservés au personnel d’encadrement. Un peu plus loin, à travers le couloir, se trouve la balnéothérapie. À proximité se trouvent les sanitaires et les vestiaires. Cet espace offre une odeur de chlore dans tout le rez-de-chaussée et du hall d’entrée, on y voit passer quelques personnes en peignoirs car les vestiaires se trouvent de l’autre côté du couloir.

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▲ Salle de kinésithérapie Photographie par AIA Architecte

▲ Couloirs des chambres et de la salle de repos

▲ Espace d’attente proche des espaces de consultations

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PLAN DU R+1

Plan modifié à partir des fichiers de l’agence AIA

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Des plateaux techniques spatiaux et baignés de lumière Au premier étage on retrouve diverses polarités. D’un côté se trouve le plateau technique de kinésithérapie ainsi que les espaces complémentaires : vestiaires, sanitaires, salles de soins, bureaux. De l’autre côté se trouvent les espaces adéquates pour les courts séjours, c’est-à-dire les espaces de repos et les chambres. Le plateau technique, tout comme celui du rez-dechaussée, est spatial et baigné de lumière naturelle. Cependant, les deux entités sont séparées par un seuil opposant le soin et les seuls espaces personnels que sont les chambres. La limite entre les espaces collectifs et personnels est alors brutale. Le mobilier est toujours rudimentaire et très technique. Les espaces de repos ressemblent plus à des zones de consultation. Il y a un manque certains de vie dans ces espaces technicisés.

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NORD


▲ Illustration des salons dans les espaces annexes des cages d’ascenseurs

▲ Espace de restauration

▲ Chambres Photographie par AIA Architecte

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PLAN DU R+2

Plan modifié à partir des fichiers de l’agence AIA

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Des espaces en attentes de redéfinition Au deuxième étage se trouve la dernière partie commune, celle de la restauration, dans une petite salle au dessus du plateau technique. Par la suite ce sont des chambres de long séjour qui prennent place au sein du bâtiment reliant la clinique. L’espace de restauration est minime. Il sert également d’espace pour faire des jeux de société. On remarque également que les cages d’ascenseurs offrent un grand panorama sur la ville et sont constituées de petit mobilier administratif et médical.

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NORD


▲ Salon situé vers les ascenceurs

▲ Couloirs des chambres

▲ Salon visiteurs au troisième étage

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PLAN DU R+2

Plan modifié à partir des fichiers de l’agence AIA

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Des espaces négligés Les derniers étages répètent les mêmes schémas d’aménagement. On y trouve les chambres et des espaces de soins et des salles d’eau. On retrouve le même mobilier que dans les autres espaces. Cependant, on y croise rarement quelqu’un et lorsque l’on traverse le couloir on se sent comme à l’hôpital : les patients sont allongés dans leurs lits à attendre que les heures passent et il y a une petite musique de fond comme dans les salles d’attentes du médecin. Ces espaces sont complètement délaissés et invivables au détriment du patient.

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Un oubli ? Le centre contient deux entités bien distinctes : les espaces de rééducation et les espaces de repos représentés par les chambres. Cela dit, en dehors des séances de soins, les patients et leurs proches ne peuvent s’isoler que dans les chambres, par conséquent ils ne sortent pas. Ils ne sont jamais amenés à se rencontrer et à se côtoyer. Leur vie est guidée, et contrairement à ce que l’on pourrait penser d’un centre de soins et de rééducation, ils n’ont pas le contrôle de leurs activités et occupations. De plus, le bâtiment est divisé en deux parties ce qui sépare les deux entités. Ainsi, le passage d‘une activité à l’autre est marqué par des seuils visibles, qui endurcissent l’architecture d’intérieur. Cependant, ne serait-ce pas ce problème de transition, entre les deux entités, qui permettrais d’adoucir le passage d’un état à un autre mais également de créer des rencontres ? En faisant partie de la clinique et restant un centre de soins, le bâtiment n’en aurait-il pas oublié son humanité ?

Une échelle démesurée L’espace architectural ne prend pas en compte le besoin des usagers, ni leur possible retour à leur quotidien. Ils sont rééduqués, de la même manière que l’on répare un objet cassé comme si il suffisait de lui poser un simple pansement pour le faire tenir. L’objet est alors toujours marqué et brisé par ce traumatisme, ce choc. L’espace ne devrait donc pas seulement être médical mais principalement un chemin, une traversée qui reconstruit et accompagne un corps d’un espace à un autre. Il devrait être un espace transitoire, un entre-deux dont l’objectif serait de guérir le patient de sa douleur intérieure que le médical ne peu soigner. L’architecture d’intérieur pourrait justement être le support de la reconstruction personnelle des patients. Ainsi, actuellement, le centre ne serait-il pas inapproprié pour sa fonction ? Ne serait-il pas démesuré face à son ambition d’accompagnement et de transition ? Comment espérer que le patient puisse trouver sa place ?

▲ Photographie de la façade nord de l’établissement

Plus déshumanisant que la clinique elle-même Lorsqu’on observe l’architecture et son environnement on peut penser que l’espace est lumineux et ouvert sur l’extérieur. Or, l’intérieur est conditionné et normé selon les codes d’hygiène des bâtiments de santé. Les espaces mis à disposition conduisent les patients à se comporter comme dans un hôpital. Cependant, comme nous avons pu le voir précédemment, la clinique est en perpétuelle évolution et offre des espaces qualitatifs. À côté de cela, le centre de soins à l’air abandonné et laissé pour contre. En effet, ne serait-il pas plus inhospitalier et déshumanisant que la clinique elle-même ? Ne serait-ce pas contradictoire pour un espace de pots-hospitalisation qui est censé réadapter l’homme à son quotidien ?

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04 RÉÉDUCATION DU CENTRE DE SOIN


40 NIOS ED ERTNEC UD NOITACUDÉÉR


Un centre pour réapprendre à vivre

Le centre de Soins de Suite et de Rééducation doit se réadapter aux besoins qu’ont les patients aujourd’hui. Il doit s’offrir une nouvelle image et insérer de nouveaux services afin de répondre aux attentes des patients et de les encourager vers leur reconstruction personnelle. Comment lui offrir une nouvelle identité ? Comment travailler cette notion de traversée ? Comment apporter de nouvelles fonctions ? Comment les lier et fluidifier le parcours ? Quelle forme pourrait-il prendre ? Comment pourrions-nous améliorer le bien-être des usagers dans l’établissement ?

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Le projet ne sera pas ... □ Le projet ne sera pas un hôpital, □ Ni un espace médical comme les autres, □ Ni blanc, aseptisé et high-tech. □ Le projet ne sera pas uniquement un centre de rééducation, □ Ni un ephad pour fauteuils roulants, □ Ni une tanière pour se cacher.

□ Le projet ne sera pas inhumain, □ Ni déshumanisant, □ Ni apathique. □ Le projet ne sera pas réservé aux techniciens de l’hôpital, □ Ni la contrainte d’un système médical, □ Ni la marginalisation des hommes «infirmes».

□ Le projet ne sera pas un frein dans la vie, □ Ni un centre «handicapant», □ Ni le reflet du mal-être des usagés.

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▲ Image pour l’événement

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DES RENCONTRES INSPIRANTES Le hackathon « Réinventons le poste de soin » Depuis quelques années maintenant, l’agence d’innovation par le design Sensipode, l’agence d’architecture AIA Life Designer, l’agence d’aménagement et de mobiliers Ouest Bureau ainsi que deux internes en santé publique mènent ensemble un projet de recherche sur les espaces de travail dans les établissements de santé. Leur objectif est d'améliorer l’efficacité et le bien-être du personnel de soin dans les établissements de santé. Pour cela, ils ont mené une étude des usages sur le terrain accompagnés par des professionnels de santé. Puis en fonction des informations collectées ils ont formulé des premières idées. Suite à cela, ils ont organisé un hackathon auquel j’ai eu l’occasion de participer le 24 avril 2018. Cet événement a permis de rassembler étudiants en design et informatique, professionnels de santé ainsi qu’étudiants en médecine afin de réfléchir sur le bien-être dans les centres de soins au travers de différentes interfaces de soins : le NIDCAP (un programme de soins destiné aux nouveau-nés prématurés), la sécurité et la confidentialité. À partir de là, des équipes mixtes étaient formées pour travailler sur une des notions en interprétant différents rôles dont le professionnel de santé, le patient et l’accompagnant. Cette rencontre a permis de révéler des pistes de réflexion concernant la qualité de vie et de travail au sein des centres de soins. Pour favoriser le bien-être global, il est important que l’usager alterne différentes postures : Concentration - Collaboration - Apprentissage - Socialisation - Régénération.

▲ L’équipe Sensipode qui a organisé l’événement

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▲ Photographies prises durant l’événement

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▲ L’invitation à l’événement

▲ Élément de synthèse sortie de la rencontre : « Qu’est-ce que le bien-être ? »

▲ Élément de recherche sortie de la rencontre sur la question des espaces d’échanges

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UN ÉCOSYSTÈME EN ATTENTE DE SOINS Vers une nouvelle prise en charge Dans cet univers normé, les usagers ne peuvent prendre possession de l’espace. Une fois à l’intérieur, ils ne se sentent pas à l’aise. La technique prend toute la place, délaissant l’humanité et la bienveillance. Les usagers se trouvent étouffés par autant de technique jusqu’à devenir passif face à leur rééducation. Ils se laissent manipuler, réparer et soigner par les médecins et les aides-soignants en oubliant qu’ils ont un rôle à jouer dans leur rééducation à travers leur volonté. Cependant, comme on a pu le constater, le bien-être des soignants et la prise en charge des patients sont des préoccupations actuelles qui questionnent divers secteurs et corps de métier : architectes, designers, soignants, digitales, étudiants, patients, créateurs. En effet, ceux que l’on pourrait penser au cœur de toutes les préoccupations du système de santé ont longtemps été placés en marge des réflexions stratégiques. Cependant, on cherche de plus en plus à prendre en considération l’homme dans son parcours de santé à travers de nombreux projets comme celui du futur CHU et son quartier de création. Ces préoccupations viennent requestionner les nombreux établissements de soins déjà construits qui ne prennent pas en compte le bien-être des patients et des soignants et qui seront par la suite en décalages et en encore plus en détresses qu’ils ne sont aujourd’hui. On se met à l’écoute des soignants et des patients. Ainsi, la relation se transforme et devient une relation de co-construction où le médecin doit maintenant faire adhérer le patient à son projet de soins, le rassurer. Par conséquent, l’espace doit créer un cadre propice à l’échange et à la confiance entre le soignant et le patient. Il se doit d’être plus attentif, plus empathique afin de l’intégrer au cœur du projet de reconstruction. C’est un patient bien informé et acteur de sa santé, que l’on va pouvoir aider à se prendre en charge pour l’amener à une situation de bien-être. Par conséquent, c’est à travers cette lancée, je souhaite continuer mes recherches et l’élaboration du projet.

▲ Acteurs et partenaires du projet

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Qui sont-ils ?

LES PATIENTS

De l’hôpital et de la ville Séjournant dans le centre de soins, ils sont les acteurs principaux au cœur de la réflexion du projet. Le bâtiment doit être repensé en fonction de leurs besoins et de leurs envies afin de les faire avancer dans leur rééducation, leur retour à la santé et au quotidien. Ils peuvent tout aussi bien sortir de l’hôpital comme arrivé de la ville et pour cela il faut peut-être penser à une éventuelle rencontre, un espace de partage ou bien des trajectoires de soins différentes

LES ACCOMPAGNANTS

Proches, familles, amis, ... Ils sont primordiaux au bien-être et à la reconstruction du patient, il faut alors penser à les intégrer dans la conception du projet. Actuellement, très peu d’espace sont pensés pour eux ce qui fait qu’ils restent rarement dans le centre auprès du patient. Offrir des espaces pour les accompagnants permettra d’améliorer l’état psychologique des patients et l’ambiance générale au sein de l’établissement.

LE PERSONNEL

Soignants, secrétaires, ... Ils travaillent continuellement dans le centre et pratiquent quotidiennement l’espace. Contrairement aux patients qui ne sont que de passage, le personnel sont ceux qui font véritablement vivre le lieu quotidiennement. Ils souffrent également des problèmes soulignés auparavant et devraient travailler dans un espace plus humain afin de faciliter leur métier et de leur offrir un espace à vivre et non plus à subir.

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Que pensent-ils du centre de rééducation ?

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Mr Asaïs, patient au centre de soin du Confluent, 28 ans

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Mme Fonteneau, patiente au centre de soin du Confluent, 43 ans

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▲ Photographie de l’intérieur de l’établissement - couloir niveau 3

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Mme Vincent, patient au centre de soin du Confluent, 42 ans

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VERS UN CHEMIN DE RECONSTRUCTION pour reprendre gôut à la vie Le centre de Soins de Suite et de Rééducation est un espace intermédiaire se situant entre la Clinique du Confluent et la ville de Nantes. C’est également une structure annexe à la Clinique dans le sens où elle prend le relais suite aux lourdes ou longues hospitalisations qui ne peuvent soigner la souffrance interne du patient. Cette dernière étape de guérison permettra au patient de rentrer chez lui en ayant retrouvé un maximum de ses réflexes, habitudes et capacités qu’il aurait perdu durant cette première période de soin. Actuellement le Centre de Soins de Suite et de Rééducation de la Croix-Rouge souffre de son aspect technique qui ne laisse pas de place aux espaces de vie. Le patient pâtit et peine à avancer dans sa reconstruction personnelle. Comment le rendre actif au sein de ce secteur médicalisé ? Comment lui offrir les outils pour lui donner l’envie et le courage d’avancer ? Comment offrir une nouvelle image au centre de rééducation ? Le centre devrait permettre d’accompagner les patients vers le retour au quotidien. C’est d’ailleurs ce qui devrait apparaître au sein de cet établissement. Pour cela, il faut voir le centre comme un chemin, un parcours, un espace de transition ou bien encore un espace entre-deux qui offrirait aux usagers les moyens et les supports permettant la reconstruction. Cette impression pourrait être renforcée par une transformation et une mutation de l’espace permettant de connecter ces deux interfaces divergentes : hospitalisation et hospitalité. Pour cela, l’espace devra divulguer divers indices permettant à l’homme de ressentir son avancée. Le centre deviendra alors un réel espace entre-deux répondant aux besoins premiers en permettant la progression dans sa reconstruction. Cet espace de transition fournirait des occasions et des lieux où l’homme pourrait se poser et se reconnaître. L’architecture sera un appui et un soutien, telle une béquille, permettant à l’homme de mieux évoluer psychologiquement grâce à de nombreuses expériences sensorielles et de perceptions de l’espace. Ainsi, grâce à une relecture des espaces et des liens, cela permettra une recomposition forte du centre de soins qui deviendra un espace intermédiaire, entre le lieu médicalisé, le lieu de repos et la vie quotidienne, où se rencontreront les personnes sortantes de l’hôpital et ceux qui viennent de la ville. Il offrira alors un aménagement bienveillant, près du corps et des individus pour adoucir le parcours entre l’hôpital et la ville.

Two verandas, Gus Wüsteman Maison en Suisse, 2012

Située sur une pente donnant sur le lac de Zurich, la maison est conçue en pierre et béton afin de créer une atmosphère authentique et des espaces à fort caractère. La maison est composée de deux volumes, le plus bas comporte la piscine et le pavil lon, et l’espace habité se situe au-dessus. Avec les différents niveaux, l’espace regorge de seuils, de limites et de frontières exploitées sous toutes ses coutumes : fail les, interstices, marches, ouvertures sans ossatures, etc. La connexion entre les deux bâtiments ainsi que l’environnement se fait de manière fluide grâce aux matériaux choisis assemblés par de légers interstices effaçant les seuils. Les deux volumes sont également reliés par une promenade en béton où il est possible d’o bserver et de profiter de la vue sur le parc et le lac.

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SE SOIGNER

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plateaux techniques salles de soins / consultation espace de co-construction

ATTENDRE Attractif

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RÉCUPÉRER salons et salle à manger chambres extérieur

ÊTRE ACCUEILLI Formel / informel Informations

D’un espace à un autre Certains espaces techniques tels que la balnéothérapie, la salle de kinésithérapie et d’ergothérapie profitent d’un espace adéquat en terme de surface et de luminosité, qu’ils ne pourraient trouver ailleurs. Pour cela ils resteront à leurs emplacements existants. L’objectif sera alors d’intégrer le quotidien, de travailler les seuils pour adoucir le passage d’un espace à un autre, de rendre habitable et vivant le centre de soins. L’établissement devra accueillir et répondre aux besoins qu’ont les patients durant leur passage dans le centre. Pour cela, il faut interroger les échelles pour pouvoir mieux accueillir l’homme, pour habiter l’espace et pour leur offrir l’envie d’avancer dans leur reconstruction.

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Espaces

Fonctions

Surfaces

Équipements

Qualités spatiales

ARRIVER

Entrer Traverser S’acclimater

5 m2

Façade Portes Un aménagement extérieur / intérieur

Transition entre l’espace extérieur jusqu’à l’intérieur Passage du quotidien au milieu médical Symbiose avec les environs Attrayant Vitrine

Guider / orienter Accueillir Informer / se renseigner Échanger Travailler

Environs 50m2

Réception / borne d’accueil Affichages Mobilier de salon / hôtel / maison Bureaux Signalétique

Lumineux Rassurant Zone tampon Chaleureux

Mobilier : assises, tables Buvette, distributeurs Bibliothèque Lumière

Confortable Dynamique Apaisant Cocoon / abris

Entrée Sas Façade

ÊTRE ACCUEILLI Accueil / Hall Formel et informel (diverses postures) Bureaux administratifs

ATTENDRE Espaces d’attentes Couloirs

SE SOIGNER Espaces de soins : - Plateaux techniques - Salles de consultations - Vestiaires / douches / sanitaires - Bureaux de discussion et réflexion

RÉCUPÉRER Espaces de pauses : - Restauration - Extérieur - Salon - Chambres / salles de repos

REPARTIR Sortie Bureaux

Se doit d’être facilement accessible par les ambulanciers, les fauteuils et les accompagnants.

Accueillir le personnel administratif (une 7 postes) et les autres usagers : flux / pauses

Patienter Se poser Se détendre

Passage pour recevoir un flux de deux fauteuils : 1,60 m

Prendre soin de son corps Rééduquer / Progresser Manier le corps / Gestuel Accueillir le corps Co-construire son parcours

Environs 1 000 m2

Mobilier et équipement technique et médical Rangements Distributeurs

Fonctionnel /Structurer / Organiser Dynamique ≠ repos En rupture avec l’espace médical Un espace entre-deux avant?

Prendre soin de soi Faire une pause dans le soin Se rencontrer / échanger Désirer se reconstruire Réapprendre les gestes et les habitudes du quotidien

Environs 500 m2 sans compter les boxes et les chambres

Atmosphère / mobilier familier Équipement de cuisine Aménagement extérieur

Confortable Convivial Chaleureux Dynamique ≠repos Porosité entre l’intérieur et l’extérieur

Sortir Rassurer Traverser Se renseigner

Environs 15 m2

Portes Un aménagement intérieur / extérieur Bureaux, chaises

Transition entre l’espace extérieur jusqu’à l’intérieur Passage du milieu médical au quotidien Informel

Passage pour recevoir un flux de deux fauteuils et un mobilier d’assises: 2 m

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FAVORISER L’ACCOMPAGNEMENT pour une meilleure reconstruction de soi Aujourd’hui, les patients qui séjournent dans le centre sont seulement accompagnés par le corps médical afin d’effectuer les différents soins quotidiens. Cependant, en dehors de ces temps, ils restent dans leur chambre, seul, à attendre que l’on vienne les chercher pour effectuer une séance de rééducation ou qu’un membre de la famille vienne leur rendre visite. Durant ces temps de solitude, les patients ont tendance à ressentir le manque d’un accompagnement permanent. L’objectif serait alors que le design d’espace puisse combler ce manque en accompagnant le patient à travers sa rééducation tout comme le fait le corps médical. Ainsi, le centre deviendrait un support et un appui pour le patient pour lui permettre d’avancer psychologiquement en même temps que les soins qui lui sont apportés. Pour cela, la circulation sera repensée comme un parcours, une traversée dans lequel l’établissement accueillera des services répondant aux différentes étapes psychologiques que vivent les patients. Les usagers seront amenés à vivre et à se mouvoir dans l’espace afin d’habiter le centre et non le subir. Pour accompagner les usagers dans cette traversée, un travail sur différentes « polarités » servira à conjuguer l’intérieur et l’extérieur afin de fluidifier le parcours : ouvert /fermé, individu/collectivité, masse/espace, action/repos. Ainsi, cela viendra requestionner la circulation, les entrées et les sorties afin de faciliter le passage de l’hospitalisation au retour au quotidien.

Mega Foodwal k Landscape, Landscape Col laboration Thailand, 2018

Mega Food Wal k est une rue intérieure où le groupe de paysagiste a associé une promenade paysagère à un centre commercial. Ce passage offre un amphithéâtre au cœur de la verdure et une promenade en bois expérimentale qui permet aux visiteurs de pénétrer dans l’espace commercial à travers une atmosphère particulière. Le mélange entre l’a rchitecture et l’espace vert s’entrecroisent afin d’a doucir la frontière de l’entrée et accompagner le visiteur dans sa traversée.

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TECHNIQUE

FAMILIER

RELI ER les deux espaces intermédiaires pour travail ler un espace central, celui du centre de soin de suite, comme un lien entre ces deux espaces. Créer un espace autre permettant de passer d’u n espace à un autre.

TECHNIQUE

FAMILIER

FUSION N ER l’espace technique et familier au sein du bâtiment, à travers des frontières, des seuils, des interfaces. Questionner la circulation, les entrées et les sorties.

TECHNIQUE FAMILIER

I NSÉRER l’aspect familial dans l’espace technique par le biais de petites interventions pour fluidifier l’i ntérieur et l’extérieur, le technique et le familier. Cela permettra d’étendre, de prolonger, d’i nterpel ler, d’attirer et de rendre la traversée plus attrayante.

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SOIGNER L’ACCUEIL ET L’HOSPITALITÉ en repensant les entrées et la prise en charge Actuellement, l’accueil se fait à travers un comptoir et un espace d’attente où règne une atmosphère médicale : un petit espace blanc, des chaises alignées, une petite table rassemblant des prospectus d’information santé, des affiches sur la santé, un fond musical et une odeur de cabinets médicaux aseptisé. L’entrée principale au sein de l’architecture est située en recul dans un creux, petite et sombre repoussant les usagers à entrer dans le bâtiment. Étant le premier espace à traverser, l’accueil renvoie l’image et l’atmosphère d’un établissement. Pour cela il se doit d’être ouvert, accueillant et confortable afin de faciliter l’entrée et l’immersion dans le bâtiment. Le centre ne doit pas seulement accueillir les patients mais également les soignants, les ambulanciers et les familles. Cet espace agrandi pourrait alors devenir une zone dans laquelle tous les usagers pourraient se rencontrer, se croiser et socialiser. Dans l’objectif de créer une traversée, le projet consistera à ouvrir le bâtiment vers l’extérieur en travaillant les entrées, les espaces d’accueils et les différentes frontières présentes afin d’adoucir le passage entre les espaces et de valoriser les valeurs du centre. L’accueil pourrait alors devenir un axe majeur dans la construction de soi.

Centre médical Porreres, MACA Estudio Espagne, 2011

La réglementation urbaine restrictive a régi la forme architecturale du projet en exigeant la construction de trois étages pour héberger le programme fonctionnel du centre dans la petite section disponible de la parcel le. Pour cela, les architectes ont simplifié la totalité du bâtiment et jouer sur des cubes de couleurs extrudés dans architecture pour dynamiser l’aspect visuel du bâtiment et signifier les entrées. Cette forme où la porte est en profondeur et où le cube sort de l’a rchitecture incite le visiteur à la traversée.

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CON N ECTER l’i ntérieur avec l’extérieur pour fluidifier l’entrée dans le centre de soins afin d’a doucir et de faire disparaître les seuils existants à l’entrée.

REQU ESTION N ER la façade dans l’o bjectif de la rendre plus accueil lante, d’i nterpel ler et de lui offrir une nouvel le identité. Cela permettra aux usagers de s’a cclimater rapidement avec l’espace intérieur.

REPENSER les seuils et les frontières pour amener à créer et à induire la notion de parcours. Cela pourrait également amener à penser l’entrée non pas comme une seule frontière mais comme diverses seuils à franchir pouvant adoucir l’entrée dans le bâtiment.

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SANTÉ

SANTÉ

SANTÉ

SANTÉ

SANTÉ

SANTÉ

ADAPTER LE SOIN À LA ”SANTÉ” pour une nouvelle image et identité du centre Aujourd’hui, le centre offre l’image d’une ambiance médicale froide, inhabitable et inhospitalière. Le patient arrive dans un espace où le soin est prôné et semble similaire à celui qui se trouve dans les hôpitaux. Mais dans un espace annexe, ne devrions-nous pas promouvoir de bons réflexes et gestes à adopter pour acquérir un corps plus sain ? En plus de sa fonction d’accueil, le projet pourrait également montrer le bon chemin pour obtenir une vie plus saine. Pour cela, l’espace pourrait amener et guider le patient à appliquer et reproduire les gestes du quotidien. Cette idée pourrait permettre de requestionner l’identité du centre à travers une matérialité mais également par l’ajout de nouveaux espaces complémentaires aux soins : cuisine, jardin ou bien un espace de sport. Cependant, ce n’est pas la communication dans l’espace qui viendra promouvoir la santé mais plutôt l’atmosphère créée. Pour cela, l’architecture doit inciter le geste et la curiosité. Ainsi, à la manière de Peter zumthor, l’espace architectural prendra vie pour créer des émotions et des sensations particulières, et différentes selon les espaces, dans l’esprit des usagers. Dans cet espace chaque personne pourra se reconstruire dans un environnement dans lequel il se sent bien. Ainsi, en étant actif et acteur de sa rééducation, il cherchera à s’accepter lui-même grâce aux outils de soutien qu’apportera l’espace : douceur, tranquillité, fourmillement, rencontre, déplacement, ... Le projet ne sera pas de promouvoir une idéologie de santé parfaite mais plutôt d’apporter un bien-être psychologique et spatial aux usagers et de faire naître des gestes et des mouvements permettant l’avancement et la prise en main de sa rééducation, à travers des actions quotidiennes et importantes pour retrouver l’estime personnelle.

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Thermes de Vals, Peter Zumthor Suisse, 1996

Peter Zumthor a souhaiter retranscrire une atmosphère particulière en retranscrivant l’a mbiance de la montagne par la pierre et l’eau. I l a cherché à constituer l’i mpression d’être à l’i ntérieur de la montagne. Cet espace est conçu de manière à inviter les visiteurs à la détendre et à la découverte des bienfaits ancestraux de la baignade. Les jeux de lumière et d’o mbre, d’espaces ouverts et fermés créent une expérience sensuel le et réparatrice. La circulation est soigneusement pensée afin de conduire les baigneurs vers certains points prédéterminés tout en leur permettant d’explorer d’a utres domaines. Tout est contrôlé et maîtrisé afin de créer cette émotion architecturale.


AFFI RM ER une nouvel le identité du bâtiment pour mettre en place de nouveaux services et répondre au besoin d’a ccompagnement. Cela permettra de repenser le travail des frontières et des seuils.

TRANSM ETTRE un message pour les patients comme les passants. I l rayonnera à travers la promotion de la santé et l’i mpact qu’i l aura sur les usagers.

RESSENTI R des ambiances et des atmosphères en faisant marcher un maximum de sens au sein du bâtiment. Cela impactera le patient dans son parcours de reconstruction personnel le

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DES ESPACES VECTEURS DE VOLONTÉ pour des moments actifs et/ou passifs Aujourd’hui, le centre de rééducation est seulement axé sur le soin : Kinésithérapie, balnéothérapie, psychologie, physiothérapie, etc. Outre ces moments de soin, le patient ne sait que faire dans l’espace. Il finit alors par aller s’allonger dans sa chambre et attendre. Or, sans une recherche de passage et de traversée, cela implique le mouvement du corps dans l’espace. Pour cela, il faut réanimer la structure par le biais d’espaces de soin psychologique et non plus seulement physique. Afin de permettre un retour à la santé , les usagers doivent être stimulés par des espaces familiers de tous, qui font appel aux sens et aux habitudes pour réactiver ces gestes et aptitudes de la vie quotidienne. L’objectif serait de faire en sorte que les usagers s’approprient l’espace en étant amené à se déplacer, à contempler ou bien à percevoir ce dernier. Cela pourrait se faire à travers un salon, une cuisine, une bibliothèque ou bien une salle de repos dont l’atmosphère nous distance de celle du soin. L’espace serait alors habitable et habité par les usagers. Il permettrait de rendre le corps du patient actif dans sa reconstruction et sa rééducation. Séjourner dans le centre ne serait plus une souffrance mais deviendrait un plaisir. L’ambiance et l’atmosphère spatiale impacteront la pensée et la réflexion des usagers.

Treehouse Module, Dymitr Malcew Modular cubbies , 2014

Dymitr Malcew a développé une structure modulaire offrant des environnements de travail variés, une flexibilité maximale. Pensé pour des lieux de travail, l’a rchitecte constate que ces espaces sont de plus en plus ouverts. Ainsi, il crée des espaces où les discussions silencieuses, les appels téléphoniques, les pauses ou le travail informel peuvent être effectués au sein d’u n open space. Cela amène un confort psychologique au sein de ces espaces de travail ouverts et où les usagers trouvent un manque d’i ntimité et de confidentialité.

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CROISER à un moment précis l’espace technique et l’espace familier afin de céder la place à l’u n ou à l’a utre.

CON FRONTER les deux espaces l’u n à l’a utre tout au long de la traversée. I ls pourraient prendre la forme de pôles, de sous-espaces, d’espaces adjacents ou contradictoires.

RASSEM BLER les deux entités hétérogènes autour d’u n espace autre, qui serait le liant entre le technique et le familier

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UNE EXTENSION DU CENTRE pour de nouveaux soins En souhaitant ajouter des espaces supplémentaires au centre de rééducation, il faut alors penser à l’agrandissement ou l’ouverture de cet espace restreint. Insérer de nouvelles fonctions permettra alors de repenser l’espace existant avec celles qui s’y grefferont. Une nouvelle entité viendra s’implanter dans cet environnement. Cela pourrait être pensé comme une greffe, une béquille, une corps extérieur relié par des sutures. Par son grand terrain vert environnant, ces nouvelles fonctions pourraient prendre vie aux abords de l’architecture. Cet agrandissement pourrait offrir plus d’espaces afin d’y greffer de nouveaux services mais également l’occasion de repenser l’architecture et son intérieur déjà présent. Il pourrait lui apporter une nouvelle identité et une nouvelle force. Actuellement, l’accueil et l’identité du bâtiment restent inexpressifs et inhospitaliers. La création d’une extension pourrait alors être le moyen de repenser ces fonctions primordiales à la naissance d’un nouvel environnement et système de vie au sein de ce centre. Cela pourrait être pensé comme une interface entre l’extérieur et l’intérieur afin d’adoucir les seuils existants enfermant. Ce nouvel entre-deux pourrait alors prendre place au niveau de l’entrée afin de repenser l’accueil pour inviter les usagers à entrer, offrir une nouvelle image et apporter des services complémentaires aux soins plus proches de l’espace quotidien. Il pourrait également prendre place au sein de du terrain paysagé extérieur, gravitonnant autour de l’architecture afin de créer du mouvement et de nouveaux déplacements. Il pourrait aussi être pensé comme une enveloppe architecturale offrant une nouvelle identité du bâtiment mais également en apportant des services aux divers étages (nouvelles circulations autour du bâtiment par le biais de terrasses, ouvertures, etc). Ce nouvel élément viendra requestionner les limites et les seuils présents dans le bâtiment afin de créer une connexion avec le bâtiment existant. Ce sera l’occasion de pouvoir travailler une nouvelle traversée et porosité avec des nouvelles fonctions.

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Lacaton & Vassal

Maison à Floirac, France, 1993

Lacaton et Vassal cherchent à ajouter des espaces supplémentaires aux bâtiments sans pour autant les dénaturers. Dans cet exemple, ils ont recouvert l’a rchitecture d’u ne grande ossature reprenant la forme architecturale de base pour l’a mplifier et l’a grandir. Cette nouvel le peau offre une nouvel le identité à l’a rchitecture déjà présente sans pour autant l’effacer. El le crée des espaces supplémentaires dans un environnement qui se situe entre l’i ntérieur et l’extérieur. El le amène un nouvel espace, entre-deux permettant de nouvel les actions : terrasse, cour, jardin couvert.


EXTRU DER des espaces du centre sous la forme de petites plateforme supplémentaires qui gravil lonnent autour du centre. Le soin pourrait sortir pour laisser place à l’h ospitalité. Cela pourrait offrir de nouvel les destinations et de nouveaux croisements

ALLONGER l’espace existant pour créer une continuité et agrandir l’espace. Offrir une nouvel le entrée et une nouvel le image.

ÉTI RER le centre pour agrandir l’espace aux travers d’u ne nouvel le enveloppe architecturale permettant de créer un espace entre-deux et de questionner ce nouvel espace intermédiaire.

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ANNEXES


BIBLIOGRAPHIES

WEBOGRAPHIE

Livres

Cairninfo

BERNHARD Thomas, Le froid, une mise en quarantaine, Paris : L’imaginaire, Gallimard, 2012

LIARTE Aurélien, BROCQ Hélène, Les corps à l’épreuve de la maladie grave, 2004, https://www.cairn.info/revue-jusqu-a-la-mort-accompagner-la-vie-2014-3-page-35. htm

Ouvrages lus et vus entièrement sont en verts

ARENDT Hannah, Condition de l’homme moderne, Paris : Calmann-Lévy, 1961, Chapitre « Domaine public, domaine privé », p. 89-91

BOUCHAIN Patrick, Construire autrement, comment faire ? Collection Actes Sud - Série l’impensé - 2006 FABIANI Jean-Noël, La fabuleuse histoire de l’hôpital du moyen âge à nos jours, Paris : Pocket, 2018 FOUCAULT Michel, Le corps utopique, les hétérotopies, Clamecy : Lignes, 2010 FOUCAULT Michel, Naissance de la Clinique, Paris : PUF , 2007 (texte original datant de 1963) JOLLIEN Alexandre, Eloge de la faiblesse, Allemagne : Marabout, 2012 LE BRETON David, Anthropologie de la douleur, Paris : édition Métailié, 1995, Collection Traversées REY Olivier, Une question de taille, Paris : Les essais, Stock, 2014

LE CORRE Françoise, Le corps souffrant : que devient la personne ?, 2004, https://www.cairn.info/revue-laennec-2004-2-page-30.htm

FLAHAULT François, Spinoza au XXIe siècle, 2008-2009, https://www.cairn.info/revue-l-homme-et-la-societe-2008-4-page-251.htm ANSERMET François, Les inventions de la cliniques, 2004, https://www.cairn.info/revue-vacarme-2004-4-page-102.htm ANGELINO Lucia, L’a priori du corps chez Merleau-Ponty, 2008, https://www.cairn.info/revue-internationale-de-philosophie-2008-2-page-167.htm JORDAN Bertrand, L’enfant programmé par ses gènes ? 2001, https://www.cairn.info/revue-lettre-de-l-enfance-et-de-l-adolescence-2001-1page-11.htm ANTONIOLI Manola, Design et écosophie, 2013, https://www.cairn.info/revue-multitudes-2013-2-page-171.htm?contenu=resume

Autres textes en ligne https://journals.openedition.org/leportique/271

Revues

Archiscopie n°14 Thème santé, avril 2018, l’Architecture au coeur des Maggie’s Center, page 15 PÈNE Sophie et ZENASNI Franck, Science du Design 06, Novembre 2017

Journaux hebdomadaires Le Un, Croyez-vous votre médecin ?, Paris : n°224, Mercredi 7 novembre 2018

Encyclopédies

CHEVALIER Jean, GHEERBRANT Alain, Dictionnaire des symboles, Paris : Bouquins,1997 MARZANO Michela, Dictionnaire du corps, Quadrige, Dico poche, 2007 RUSS Jacqueline, Dictionnaire de philosophie, Tours : Bordas, 2011

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https://fr.wikisource.org/wiki/Critique_du_jugement/Analytique_du_beau Kant Emmanuel, Critique du jugement esthétique, Premier livre : Analytique du beau, §1, 1790 Sarfati Alain, article «Vers une disparition programmée de l’architecture ?», Chroniques d’architecture, architecte et urbaniste, 6 février 2018

Sites internet de designers https://www.artisigner.fr

http://www.mathieulehanneur.fr


FILMOGRAPHIE Films

Grand Corps Malade et IDIR Mehdi, Patients, Mandarin production, 2016

DISCOGRAPHIE Grand Corps Malade, Espoir adapté, 2018 Grand Corps Malade, Sixième sens, 2006

JULLIAND Anne-Dauphine, Et les mistrals Gagnants, Nour films, 2017

Vidéos

LES THERMES DE PIERRE, par Peter Zumthor [part 1], documentaire sur les thermes de Vals https://www.youtube.com/watch?v=u92POqeEnNY JOLLIEN Alexandre, La souffrance source de lumière, 2017, https://www.youtube.com/watch?v=hc-x7f-_0Ak

Conférences

BOUCHAIN Patrick et MULLIER Frédérique, Les conversations de l’atelier électrique n°9, L’éloge de la différence,[DVD], 2010 Conférence de PAQUOT Thierry, Vous avez dit habiter ? Ou quelques images, https://vimeo.com/244642364 ALLÉTRU Axel, Le pouvoir du mental pour une vie sans rancune, Conférence, TEDxParcMontsouris, https://www.youtube.com/ watch?v=TCxuVZT8FPA

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REMERCIEMENT Je tiens tout d’abord à remercier l’ensemble de l’équipe pédagogique du DSAA pour leur aide et leur soutient. De même, merci à Mr Saint-Dizier Bruno et Mr Milteau Jérome, architectes chez AIA Life Designers ainsi que participants à la conception du centre de soin du Confluent, de m’avoir accompagnés dans mes démarches et d’avoir pris le temps d’échanger avec moi. Je remercie également toutes personnes cités dans mon mémoire de recherche, de m’avoir accordé du temps, d’avoir partagés leur expériences et leur impressions vis à vis de ma recherche. Je remercie aussi mes relecteurs pour le temps qu’ils m’ont accordé. Enfin, je tient à remercier mes camarades de classe pour leur soutient, leur aide ainsi que leur bonne humeur qu’ils ont su apporter tout au long de l’élaboration de ce mémoire de recherche professionnel.

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NORMAND Célia Mémoire de recherche professionnel DSAA DESIGN mention ESPACE Session 2019


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