Discours de cloture de la conf des Présidents des groupes PS européen

Page 1

Discours de Claude Bartolone Président de l’Assemblée nationale Conférence des présidents des groupes socialistes et sociauxdémocrates des parlements nationaux de l’Union européenne Mardi 13 septembre 2016 Cher Bruno, Chère Pervenche, Mesdames et Messieurs les présidents, Mesdames et Messieurs les parlementaires, mes chers collègues, Chers amis, Le 14 septembre dernier, il y a un an presque jour pour jour, nous avons signé une déclaration commune avec mes homologues, Laura Boldrini, Norbert Lammert et Mars di Bartolomeo. Une déclaration pour réaffirmer notre conviction que l’intégration européenne a besoin d’un nouvel élan. Pour rappeler que plus d’Europe - et non moins d’Europe -, est nécessaire pour relever les défis qui nous attendent, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de nos frontières. Déjà, nous sentions le besoin de rappeler la priorité : répondre aux exigences des citoyens, par des politiques efficaces aux niveaux national et de l’Union européenne, afin de stimuler la croissance et l’emploi, en particulier l’emploi des jeunes. Déjà, nous martelions la nécessité d’élargir le processus d’intégration en cours ; qu’il ne soit pas limité au domaine de la politique économique et financière, au marché intérieur et à la politique agricole. Plus que jamais, nous partageons ici cette conviction que toute matière ayant trait à l’idéal européen devrait être inclue : culture, politique étrangère, social, défense… Et bien sûr, les échanges à ce sujet 1


ont été riches au cours de la conférence que vous avez tenue, il faut renforcer l’Union économique et monétaire avec sa dimension sociale. L’UEM doit être complétée en créant une véritable union financière et fiscale, mais nous devons également renforcer les institutions qui la supervisent et œuvrer pour assurer une responsabilité et une légitimité démocratique authentiques, instaurant ainsi la stabilité et la prospérité auxquelles aspirent les citoyens. L’Union européenne d’aujourd’hui n’a pas tenu les promesses du rêve européen, qui semblait pourtant indestructible, de la déclaration de Schuman à la poignée de main de Verdun entre François Mitterrand et Helmut Köhl. Un rêve qui a fait l’Histoire, de l’ouverture à l’Est à la création d’une monnaie unique. Mais l’Union européenne d’aujourd’hui est désorientée, sans confiance. Elle est confrontée à des défis extraordinaires : la crise des réfugiés la plus grave depuis la Seconde guerre mondiale, un changement climatique irréversible, une croissance qui bégaie, des taux élevés de chômage, des inégalités insupportables qui ne cessent de se creuser, la crise économique et financière, la criminalité et le terrorisme internationaux. Et puis, la perception par les citoyens d’une incapacité à répondre à leurs appels, à leurs attentes, à leurs besoins. L’Union européenne va mal. Le Royaume-Uni, le 23 juin dernier, a rejeté sans appel son lien historique avec le continent. Pour la première fois dans l’histoire européenne, un peuple européen a estimé qu’il serait plus fort, mieux protégé, sans l’Europe qu’avec elle. Quant aux derniers résultats des élections régionales en Allemagne le 4 septembre, ils ont une fois de plus prouvé cette tentation de repli vers des partis europhobes, xénophobes et surfant sur les angoisses, professant des idées profondément dangereuses pour les classes populaires. Depuis longtemps, nous sentons dans la population une grande inquiétude. Nous devons y répondre. La voie choisie par le peuple britannique, si elle est 2


respectable, ne doit pas dissuader les autres peuples européens de choisir la leur, celle de l’évolution de l’Union. Nous devons conjurer les peurs. Malgré ses immenses atouts et facultés d’action, l’Union est devenue un condensé des injonctions contradictoires du capitalisme néolibéral. Toutes les insuffisances de nos volontés ont été traduites par le discours et les leitmotive que les institutions européennes se sont choisis. La Commission et la Banque centrale européenne, en privilégiant la lutte acharnée contre l’inflation à l’emploi, en privilégiant la concurrence à l’intervention de l’Etat, ont condamné l’Europe à une guerre économique intestine et au dumping. L’Union européenne a cassé du service public. Elle s’est offerte comme terrain de jeu sans limite aux apprentis sorciers de la finance et des fusions-acquisitions. Elle a abandonné les peuples pour se mettre au service des élites mondialisées qui la façonne, prêtes à brader les biens communs au nom de la doxa économique et de leur propre prospérité financière. Le tribut à payer est lourd, il est funeste, c’est celui de l’agonie du rêve qui a fondé l’idée européenne. Une désaffection croissante, l’intolérance envers les migrants, le ressentiment à l’égard des institutions nationales et européennes, l’inexorable et douloureux effritement de la cohésion sociale. Le changement d’Europe ne se fera pas avec les mêmes habitudes, avec les mêmes pensées ni avec les mêmes personnalités. Les peuples doivent reprendre Bruxelles aux enfants de Thatcher et de Barroso qui ont détruit avec méthode, ont éreinté avec habileté, ont harcelé avec rigueur, faisant le lit d’une aversion et d’une incompréhension toujours plus tenaces. L’Union européenne dispose de ressources créatives, de milliers de fonctionnaires zélés, de politiques souvent utiles. Elle régule par son droit et finance par ses fonds des programmes et des projets qui changent la vie quotidienne : protection des consommateurs, programmes d’intégration sociale, de soutien à l’emploi, de lutte contre les discriminations, soutien des agricultures, construction de routes, création 3


de laboratoires de recherche, préservation de nos espaces et parcs naturels, terrestres comme marins. Mais elle a perdu son chemin. Femmes et hommes de gauche, à nous de convaincre que la seule solution à l’agressivité réactionnaire et aux effets pervers de la mondialisation, c’est une Union européenne forte. Nous devons, sur notre beau continent, être protégés avec la même efficacité face aux risques de l’existence, face au chômage, face la concurrence déloyale, contre le dumping social, face à la vulnérabilité liée à la vieillesse ou à la solitude. Femmes et hommes de gauche, unis, nous devons, aux côtés des peuples, redonner à l’Union sa mission révolutionnaire de nivellement par le haut des standards de santé, de transports et d’éducation entre les pays membres. Il faut affirmer notre mission auprès des victimes de guerre et des réfugiés, que nous ne pouvons plus laisser mourir dans le cimetière qu’est devenue la Méditerranée. Enfin, à la dérégulation, aux barrières sociales et aux austérités, instruments de la souffrance des peuples européens, au nom desquels leur dignité a été sacrifiée, nous devons bâtir une Europe des biens communs, fondée sur de grands investissements et contre la brutalité induite par des critères budgétaires aussi obsessionnels qu’inutiles. Et parmi les « lanceurs d’alerte » à ce sujet, votre serviteur soulignait l’absurdité de cette obsession maladive des 3% dès 2012, un peu trop tôt peut-être… Mais qu’importe. Ce combat, nous devrons le mener ensemble, et mieux vaut tard que jamais ! En s’affranchissant de cela, l’Union européenne pourra sortir de sa « malédiction technocratique » pour être digne de l’idéal philosophique et de solidarité qu’elle n’aurait jamais dû perdre de vue. Pour réinventer ce rêve, un rôle élargi des

4


parlements nationaux dans la prise de décision de l’Union européenne s’avère nécessaire. Le 14 septembre 2015 nous avons signé une déclaration commune où nous appelions à un sursaut européen pour que l’Union européenne s’engage dans davantage d’intégration. Quinze présidents de Parlement dans quinze pays ont, à notre suite, signé ce texte. Nous avons défendu notre vision de l’Europe partout où nous pouvions le faire et nous continuerons à le faire sans relâche. Nous nous accorderons sur l’essentiel ; nous nous appuierons sur la volonté de nos concitoyens, sur les aspirations de nos jeunesses, sur le souffle des conquêtes qui restent à mener : l’Union européenne doit rester unie, forte, et projetée dans l’avenir. Je vous remercie.

5


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.