Déplacement en Iran - Allocution devant la communauté francaise

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Discours de Claude Bartolone Président de l’Assemblée nationale devant la communauté française d’Iran Ambassade de France, Téhéran, mardi 6 septembre 2016

Mesdames et Messieurs les parlementaires, Monsieur l’Ambassadeur, Madame, Mesdames et Messieurs, Chers compatriotes, chers amis, C’est pour moi un grand bonheur de me retrouver à Téhéran, au cœur de cet Iran prestigieux. Je remercie M. l’Ambassadeur d’avoir, avec ses services, organisé un tel accueil et de me permettre de vous rencontrer. Je suis heureux d’associer à mes remerciements et à ma joie mes collègues parlementaires qui partagent ma délégation, Marie Récalde, Paul Giacobbi et Philippe Cochet, le président du groupe d’amitié France-Iran, qui bénéficient comme moi des fruits de nos rencontres. Nous sommes en Iran à la rencontre de mon homologue, Ali Larijani, président du Parlement iranien, avec qui nous commençons un nouveau chapitre de l’histoire de notre coopération parlementaire. Ici, le monde change. Ici, nous voyons le monde changer. Vous entendez, mes chers compatriotes, chers amis iraniens, cette musique retentir sur tous les continents jouer une mélodie avec ces mêmes paroles, dans toutes les langues, qui se répètent et se chuchotent partout : l’Iran est de retour dans le concert des Page 1 sur 7


nations. « Concert des nations », cette expression est étrange. Que signifie ce changement ? Que quelque chose a changé entre l’Iran et le monde, entre l’Iran et la France. Bien entendu, la France ne s’est jamais résignée à se vivre, à s’imaginer loin de l’Iran. Admiratrice de son immense culture, de sa civilisation plurimillénaire, adoratrice de son art, de sa poésie, observatrice attentive de son histoire contemporaine, conciliatrice s’il le fallait entre l’Occident et l’Iran, la République française a toujours su que rien de grand, rien de durable ne se ferait, dans cette région intense, passionnante, enivrante, sans l’Iran. Rien ne se fera sans l’Iran, non seulement en matière de géopolitique, en matière de sécurité internationale, mais aussi en matière philosophique, religieuse, culturelle. Les imaginaires, les identités, les espérances populaires du MoyenOrient n’évolueront jamais sans être confrontés à la civilisation et la puissance iraniennes. La France et l’Iran sont amis, s’estiment, s’aiment, et j’espère, entretiendront de plus en plus d’échanges productifs, culturels et sociaux. J’espère, j’en suis même convaincu, que la France et l’Iran seront très vite dans l’avenir des partenaires tellement privilégiés que travailler l’un sans l’autre sera considéré comme une incongruité bien archaïque. Nous sommes deux étoiles de l’avenir. L’accord final de Vienne du 14 juillet 2015 sur le dossier nucléaire a bien entendu changé les choses. L’Assemblée nationale n’avait jamais rompu le constant rapport qu’elle entretenait avec l’Iran. En 2014, notre commission des affaires étrangères s’était rendue en Iran et nous avons reçu à Paris des délégations iraniennes.

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Parallèlement, un nouveau Président de la République, Hassan Rohani, que j’ai eu le plaisir de rencontrer aujourd’hui, a été élu par un peuple iranien dont il est, aujourd’hui, pour le monde, le visage souriant, conquérant, enthousiasmant. La République française n’a jamais voulu, ni dans son Histoire ni dans l’action contemporaine présente, dicter à une partie du monde son droit à se gouverner comme elle l’entend. Le peuple iranien est un peuple fier, indépendant, dynamique. Nous n’avons pas de légitimité à lui faire des leçons. Nous sommes heureux si nous pouvons, lui et nous, ses gouvernants et nous, développer une relation dont la confiance et la franchise annoncent, pour l’avenir, la paix, la prospérité et l’échange. Mais nous sommes la France, pays de la Déclaration des Droits de l’Homme de 1789, pays d’une glorieuse révolution qui, si elle savait qu’on n’exporte pas un régime tout fait, a aussi su proclamer des valeurs qu’elle veut universelles. La République française, partout et toujours, en Iran et ailleurs, s’exprimera et agira pour que les femmes aient droit à l’égalité, pour que la peine de mort soit considérée comme un instrument révolu, pour que les libertés d’expression, d’association, les libertés culturelles, soient respectées. Mes chers compatriotes d’Iran, je ne vous mentirai pas : le monde vous regarde. Le monde vous regarde, parce que le monde regarde l’Iran. Le monde vous regarde, parce que le monde est curieux de savoir, de comprendre comment ce nœud moyen-oriental se dénouera, pour l’apaisement de tous. Mes chers compatriotes, je sais que cette nouvelle donne est pour vous, en premier lieu, une décisive occasion économique. Quel est l’objectif ? Multiplier les contacts, assurer notre présence, écouter les besoins des populations, prévenir leurs modes de consommation. La République sait que vous êtes, en la matière, son avant-garde. Page 3 sur 7


Deux ministres, Mathias Fekl et Stéphane Le Foll, ont inauguré l’année dernière un centre "Business France" à Téhéran, dans l'enceinte de l'ambassade de France. Nombreux d’entre vous y étiez. Les petites et moyennes entreprises ont droit, j’espère, j’en suis sûr, à une veille et une attention particulières. C’est une belle initiative, à l’image de ce que notre diplomatie économique, moderne, innovante, veut pour ses champions. Un centre français des affaires sera également inauguré dans les jours qui viennent. Certains d’entre vous, certains entrepreneurs, certains travailleurs, n’ont pas quitté l’Iran durant les années difficiles, et je voudrais rendre hommage ici à leur ténacité. La concurrence est rude, bien entendu. Mais nous sommes la France. PSA, Renault, Total, Aéroports de Paris, pour parler des très grandes entreprises, sont des marques qui véhiculent bien plus qu’un produit. Le monde entier reconnaît l’excellence de nos procédures, de nos produits, de notre capacité d’invention, nos fulgurances, notre esprit d’aventure. Les Français, l’industrie française, la culture française, incarnent quelque chose de grand en Iran. Bien entendu, les entrepreneurs, travailleurs, entreprises françaises sont les sources de cette réputation, et nous ferons de votre énergie, de votre réputation, de votre intelligence, le facteur premier de distinction de la production française dans cette prodigieuse partie du monde. Il faudra, bien entendu, obtenir un déblocage bancaire qui freine un développement que nous souhaitons tous. Les iraniens l’attendent. Les grandes banques européennes implantées aux Etats-Unis ont peur des sanctions américaines si elles tentent de s’implanter en Iran. L’exemple de la condamnation de la BNP qui fut condamnée en 2014 pour avoir négligé Page 4 sur 7


l’embargo contre l’Iran en est l’exemple représentatif. Je sais qu’actuellement un dialogue se tient entre le Trésor américain et l’OFAC (Office of Foreign Assets Control) pour faire évoluer une situation qui n’est pas satisfaisante. La France doit s’engager, et doit avoir une conversation franche avec les Etats-Unis sur ce sujet. Il faut évoluer. Elle doit également aider au dégel progressif des fonds iraniens à travers le monde, sans lequel, il me semble, il ne peut y avoir de retour de la confiance des investisseurs. Enfin, il faudra aider l’Iran à construire un modèle bancaire qui assure aux yeux de tous les acteurs économiques le respect des normes prudentielles internationales, qui assurera le plein épanouissement d’un partenariat durable entre banques iraniennes et banques étrangères. Je sais que nos représentants au sein du Groupe d'action financière, le GAFI, aident efficacement l’Iran à élaborer les bonnes actions en la matière. Ce que je viens d’évoquer pour l’économie peut l’être pour la culture. En cette matière également, il faut accélérer. Nous accueillons aujourd’hui presque deux mille étudiants iraniens en France. J’espère, je souhaite que nous en accueillions bien davantage à l’avenir. Je sais que notre coopération culturelle, éducative, scientifique, technique, progresse tous les jours. Le service de coopération et d’action culturelle est en première ligne dans ce développement de la coopération des intelligences qui produira de plus en plus de fruits. Nous lui souhaitons bon courage. Le centre de langue française, l’Institut français de recherche en Iran, l’école française de Téhéran veillent au plein épanouissement de ce travail de partenariat et d’échanges dont l’avenir est devant nous. La France a toujours été intriguée, passionnée par l’art iranien et sa culture. La récente disparition à 76 ans, en France, du grand réalisateur Abbas Kiarostami, Page 5 sur 7


maître du cinéma iranien, Palme d'or à Cannes en 1997, le prouve encore une fois. La relève du cinéma iranien aimé par la France est assurée avec la grande popularité du cinéma d’Asghar Farhadi dont le film La Séparation a ému des millions de spectateurs. Mais cette fascination est une longue histoire, qui puise ses racines dans les épopées les plus fondamentales. Les écoliers français ne se remettent pas toujours du rêve d’Alexandre le Grand, qui débarque en Perse comme un conquérant, celui qui réussira à transformer les vieilles victoires de Marathon et de Salamine en rouleau compresseur grec vers les palais mythiques de Suse, de Persépolis et d’Ecbatane. Alexandre fut peut-être vaincu par sa conquête, puisqu’il voulut, cet esprit fulgurant, fonder un rêve universel sur l’accord, l’harmonie des civilisations occidentales et orientales. S’il y a en effet des contrées qui l’inspirent, ce sont bien celles-là. Il nous reste de ce rêve les sculptures du Gandhara, si orientales par les courbes des poses, si occidentales par l’expression des visages. Alexandre croyait trouver des barbares, il y trouva une des plus glorieuses civilisations de l’histoire, la civilisation des Achéménides, enfant du grand Cyrus, du grand Darius, dont l’Iran d’aujourd’hui porte l’héritage si fructueux. C’est en Iran qu’on se plaît à rêver, en regardant ce ciel, ce qu’aurait été le monde si Alexandre n’était pas mort à 33 ans, mais à 70. Aurions-nous réussi à prendre chez chacun la part la plus universelle pour atteindre une grande harmonie ? Eh bien, je fais le pari de la réalité. Alexandre est mort jeune, et nous sommes tous différents. Nous sommes tous issus de croyances, de religions, de traditions, de milieux, d’habitudes différentes. C’est de ces différences qu’il faut puiser la richesse de nos rencontres, de nos compagnonnages, de nos

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productions communes. C’est de ces différences que naissent les grands éclats de l’Histoire, les grands moments de la rencontre des peuples. C’est de l’exaltation face à la différence entre le poète et l’objet de son extase que fut fondée la poésie persane médiévale, chantée en ces villes, et qui compte parmi les prouesses littéraires mondiales. Soyons ainsi heureux de nos différences. Soyons heureux de cet âge qui s’ouvre entre nous. Dans cette région compliquée, nous ne nierons pas la rivalité avec l’Arabie saoudite, le lien compliqué avec les monarchies du Golfe, les enjeux de la reconstruction de l’Irak, l’issue de l’apocalyptique conflit syrien. Non, ne nions rien. Mais ouvrons nos cœurs, nos esprits et nos yeux sur un avenir qui est déjà là, tourbillonnant, chantant, impatient, qui crie par la voix de nos jeunesses de Téhéran, d’Ispahan et de France qu’aussi méandreuse fut l’Histoire des aînés, chaque conscience qui s’éveille et qui respire l’air de la Terre a droit au bonheur, à la protection, à la bienveillance, à la paix et à l’amour. Faisons confiance en nos jeunesses, qui attendent tant de nous. Faisons confiance en nous-mêmes, en notre désir de sourire encore et toujours au monde qui vient puisque c’est le nôtre et que nous savons qu’au fond, il est si beau. Vive le peuple iranien ! Vive le peuple français ! Vive la République ! Vive la France !

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