Discours Tokyo 2ème session

Page 1

Discours de Claude Bartolone Président de l’Assemblée nationale Conférence des Présidents des Parlements des États membres du G7 Session 2 La contribution des Parlements au renforcement de la paix et de la sécurité Tokyo, Chambre des Représentants, 2 septembre 2016

Monsieur le Président de la Chambre des représentants, cher Tadamori Oshima, Madame la Présidente, Messieurs les Présidents, Chers amis, Chers collègues, Ce matin, nous avons réfléchi ensemble afin de répondre aux demandes de justice de nos peuples. Cet après-midi, l’Histoire contemporaine souffle sur notre assemblée. Oui, en effet, nos peuples sont menacés. Oui, en effet, la guerre gronde en de trop nombreux points du monde. Ces guerres qui portent au plus profond de nos cœurs et de nos esprits incertitudes, amalgames et inquiétudes. Oui, en effet, pour les pays européens ici représentés, nous connaissons les souffrances des révoltés devant les drames et les catastrophes qu’entraînent les exodes des victimes de guerre vers une Europe qui tarde, tarde tant à répondre au défi que l’Histoire lui lance. Trop d’esprits pensent que la voix des Parlements, la voix populaire, la voix citoyenne, doit se taire quand les armes menacent. En France, pourtant, nous avons l’expérience historique de la résistance démocratique à cette tentative. En effet, durant la Première guerre mondiale, le Parlement ne cessa pas de siéger et démontra que la démocratie sait faire face aux plus grands drames nationaux. 1/6


Depuis deux ans, la France est menacée, frappée, endeuillée par de lâches attaques. Les institutions démocratiques n’ont pas failli. Au sein de notre Assemblée, les questions de sécurité ne sont plus l’apanage des seules commissions des affaires étrangères et de la défense et sont aussi traitées dans de plus larges cadres. C’est ainsi que le Parlement a été conduit à réviser la législation nationale relative à la lutte contre le terrorisme et celle relative à l’organisation et aux prérogatives des services de renseignement. Le Parlement a joué aussi un rôle important dans la décision d’instaurer l’état d’urgence après les attentats de novembre et dans le respect indéfectible des libertés publiques. Trois commissions d’enquête ont été constituées sur ces enjeux : la première sur le fonctionnement des services de renseignement français et la surveillance des mouvements radicaux armés, une deuxième sur la surveillance des filières et des individus djihadistes et une troisième sur les moyens pour lutter contre le terrorisme. Une mission d’information de trente membres a également été constituée sur les moyens de Daech. Le Parlement a également joué son rôle de contrôle chaque fois que la France a engagé ses forces armées. Il est en effet immédiatement informé dès que le Président de la République prend sa décision et la Constitution prévoit que la prolongation de ces interventions au-delà de quatre mois doit être autorisée par un vote des deux assemblées à l’issue d’un débat. Au-delà de la mise en œuvre de ces dispositions constitutionnelles, le Gouvernement a institué un dialogue permanent avec les responsables parlementaires, notamment autour du Premier ministre sur le suivi de la lutte contre le terrorisme.

2/6


La commission des affaires étrangères de l’Assemblée consacre une part importante de son agenda à des auditions qui permettent à ses membres de se tenir informés de ces sujets et de contrôler l’action du Gouvernement. Dans cet agenda, la crise ukrainienne et les crises du Proche et Moyen Orient occupent une place centrale. Elle conduit aussi des travaux de fond avec des missions d’information. Elle a ainsi publié sous cette législature deux rapports d’information sur la Russie, le deuxième étant plus particulièrement centré sur la crise ukrainienne ; d’autres rapports ont porté sur la stabilité de l’Afrique francophone, la Libye, la situation du Liban…Un groupe de travail sur le Sahel a assuré aussi un suivi de la situation du Mali. L’activité parlementaire est donc soutenue et très riche sur ces sujets. Toutefois, nous pouvons l’améliorer, notamment par de plus féconds et nombreux enrichissements internationaux. La diplomatie parlementaire est encore, pour beaucoup de cadres de nos exécutifs, « une contradiction dans les termes » comme le disait un ancien ministre des affaires étrangères français, Hubert Védrine, qui pourtant fut un immense ministre. Nous tous ici, nous savons que ce n’est plus exact, et que les Parlements sont devenus des acteurs diplomatiques, pour une raison simple : les peuples veulent se parler directement, sans le truchement de leurs administrations. Les peuples, depuis tant de siècles, se méfient toujours de ce qu’on appelait jadis les « cabinets secrets ». Certains progrès ont été faits. Les assemblées parlementaires internationales, les conférences qui intègrent une dimension parlementaire, permettent des rencontres et des échanges d’expérience sur les questions relatives à la paix et à la sécurité. 3/6


Par ailleurs, les commissions permanentes ont chacune des traditions de rencontres avec leurs homologues. La commission des affaires étrangères, par exemple, se réunit en moyenne une fois par an avec la commission du Bundestag cher Norbert. Sa présidente, à deux reprises, s’est rendue à Kiev avec ses homologues allemand et polonais pour encourager les autorités ukrainiennes à appliquer les accords de Minsk. Elle s’est efforcée aussi de maintenir une relation suivie avec la Douma russe. Il est clair cependant que ces initiatives heureuses sont trop rares alors qu’elles pourraient permettre, si elles étaient plus fréquentes, de construire, et même aux yeux des peuples, une analyse commune au sein des parlements de l’Union européenne sur les questions de la paix et de la sécurité. Un dialogue interparlementaire aurait sans doute été utile avant le vote par l’Assemblée nationale de la résolution demandant la levée des sanctions contre la Russie. Il serait aussi très utile en soutien aux initiatives françaises en vue de relancer le processus de paix entre Israéliens et Palestiniens. Elles auraient aussi contribué au dialogue dans les situations de crise : par exemple, ne serait-il pas utile que le format Normandie, qui s’est révélé si utile pour le traitement de la crise ukrainienne, ait aussi une dimension parlementaire ? En matière de défense, le premier rôle revient bien entendu aux exécutifs ; mais le Parlement est actif avec ses partenaires européens afin de développer une vision commune des enjeux de paix et de sécurité. Les actions en questions, bien entendu, sont très associées à l’Union européenne. En effet, dans le cadre de la politique de défense et de sécurité commune (PSDC) sont désormais instituées des rencontres interparlementaires semestrielles, dans le cadre de la présidence tournante de l’Union. 4/6


Ce cadre permet d’échanger notamment sur les opérations en cours menées par l’Union, dont on rappellera qu’elles n’ont jamais été aussi nombreuses, importantes, méritantes. Le dialogue bilatéral tend à s’institutionnaliser lui aussi, tout particulièrement avec les deux principaux partenaires militaires que sont le Royaume-Uni et l’Allemagne. Ainsi, la fameuse pensée de Benjamin Franklin, je cite, « ceux qui sont prêts à abandonner une liberté fondamentale, pour obtenir temporairement un peu de sécurité, ne méritent ni la liberté ni la sécurité », est un beau et profond hommage à l’exigence des peuples démocratiques du monde sur les tentations toujours présentes, quelquefois compréhensibles, des exécutifs de se réserver les missions publiques de paix et de sécurité. Nos ministres veulent incarner l’efficacité, la promptitude, ils veulent être à la fois des foudres et des remparts. Quand on a vu les ravages et les horreurs d’une attaque, qui oserait ne pas les comprendre ?

Mais, non seulement au nom de la liberté, mais aussi de l’efficacité, de la paix et de la prospérité à long terme, nous savons, nous les voix populaires, que nos peuples sont adultes, responsables, généreux et puissants, et qu’il n’y a pas de sécurité durable si le secret et l’autorité ne laissent place à la démocratie et à la cohésion. Les ennemis de la paix n’agissent pas sans certaines visées précises, notamment, hélas, la volonté de semer l’effroi pour récolter la soumission, les replis et les faiblesses. Je connais nos peuples, et je sais que nos ennemis ne jouiront d’aucune victoire.

5/6


Les Parlements travailleront toujours davantage pour renforcer, améliorer et assurer la sécurité de leurs populations parce qu’ils demeureront toujours, avec les peuples, les premiers soutiens de la paix et de la liberté. Merci.

6/6


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.