Discours du G7 - Tokyo - Session 1

Page 1

Discours de Claude Bartolone Président de l’Assemblée nationale Conférence des Présidents des Parlements des États membres du G7 Session 1 - Parlements et intégration sociale Tokyo, Chambre des Représentants, 2 septembre 2016 Monsieur le Président de la Chambre des représentants, cher Tadamori Oshima, Madame la Présidente, Messieurs les Présidents, Chers amis, Chers collègues, Je remercie très sincèrement notre collègue Tadamori Oshima de ce merveilleux accueil, ici au Japon, dans ce pays qui fascine tant mes compatriotes depuis si longtemps. En tant que présidents de chambres souveraines, nous portons la voix des peuples, nous sommes ses humbles mandataires. Il n’y a pas de questions plus décisives pour eux que celle qui nous occupe ce matin. L’intégration sociale est indissociable du rêve révolutionnaire français qui, en 1789, conduisit mon peuple à exalter des valeurs d’intégration, de cohésion sociale qu’il a liées à une certaine idée de l’égalité. Toujours en 1789, il en a tiré une Déclaration des Droits de l’Homme, qui n’est pas enseignée qu’en France, et qui se voulait universelle. Toujours en 1789, il a fondé l’institution parlementaire, parce qu’il croyait profondément que les représentants du peuple, en étant mandatés sur le respect de ces valeurs, ne sauraient le trahir.

1/5


Dans nos temps troublés, nous, parlementaires, nous n’oublions pas les promesses de notre fondation. Nous ne l’oublions pas, alors que la France est visée par des attentats terroristes dont la brutalité et la sauvagerie veulent provoquer la désunion et les divisions dans notre pays. C’est pourquoi quelques jours après les attaques lancées contre le journal Charlie Hebdo et le magasin Hyper Cacher en janvier 2015, notre Président de la République s’est tourné vers le Parlement en s’adressant aux Présidents du Sénat et de l’Assemblée nationale pour leur confier une mission de réflexion sur « toutes les formes d’engagement et sur le renforcement de l’appartenance républicaine ». J’ai pour ma part décidé de répondre à cette demande en créant à l’Assemblée

nationale

une

mission

ad

hoc

chargée

d’élaborer

des

recommandations concrètes. En avril 2015, à l’occasion de la remise de notre rapport intitulé « Libérer l’engagement des Français et refonder le lien civique La République par tous et pour tous », je me suis exprimé ainsi : « L’enjeu est très simple : nous avons là une occasion historique de redonner un sens aux principes républicains pour chacun de nos concitoyens. C’est-à-dire leur donner de la chair, une traduction concrète et quotidienne. Mais nous devons alors, de façon concomitante, prendre toutes les mesures qui permettront que chacun ait le sentiment que la République est présente partout, qu’il n’y a pas d’exclu de la table de la République. Les ségrégations et les exclusions subies nourrissent les ségrégations et les exclusions choisies. Il faut sortir d’une logique de chance car une place dans la société, ce ne peut pas être une question de chance ou de malchance. Il faut retrouver les mots et les voies de l’égalité réelle car ce sont les principes de la République qui, seuls, peuvent garantir à chacun la possibilité d’exprimer et de développer sa liberté et de la tourner vers la fraternité ».

2/5


Permettez-moi donc de revenir sur ces deux objectifs (la traduction concrète de nos valeurs républicaines et la lutte contre toute forme de discrimination), priorités de notre législature. Notre devise républicaine Liberté, Egalité, Fraternité n’est pas une abstraction, elle est une promesse dont chaque élu doit assurer sa part de réalisation. C’est tous les jours que la République doit convaincre. Depuis 2012, notre Parlement a pris à bras le corps les défis du logement, de l’école, de l’accès à l’emploi. Le Parlement devait y instaurer davantage d’égalité réelle. Des catégories entières de la population, les jeunes, les femmes, les handicapés, les immigrés, se sentent délaissées, négligées, oubliées, quelquefois trahies. L’intégration sociale, c’est répondre à ce sentiment d’abandon. Nos lois depuis quatre ans, la loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, de l’accessibilité des infrastructures et des lieux publics aux personnes handicapées ou de la refondation de l’école, reposent sur le principe de solidarité et sur son corollaire, celui de l’engagement et de la participation. L’intégration sociale sans solidarité est une chimère. Mais l’institution démocratique qu’est le Parlement doit y ajouter l’impératif de participation sans lequel la démocratie n’est qu’un mot. C’est pourquoi notre loi relative à la politique de la ville prévoit d’associer les habitants concernés sous la forme de conseils de quartiers, la loi sur la refondation de l’école fait une place à la relation parents et enseignants, et la loi sur l’accessibilité des handicapés aux lieux publics s’accompagne d’un volet qui assure l’accès au service civique des jeunes en situation de handicap. En effet, nos démocraties modernes ont dépassé les anciennes charités qui maintenaient le bénéficiaire des transferts dans une position de quémandeur, de soumission. Agir pour l’intégration sociale, c’est agir pour que chaque citoyen soit souverain, quelles que soient sa fortune, ses souffrances, ses dépendances ou ses origines. 3/5


Plus récemment, le projet de loi relatif à l’égalité et la citoyenneté, que l’Assemblée nationale vient d’adopter au début de l’été, réaffirme cette nécessité de l’engagement républicain et renforce la lutte contre toute forme de discrimination. La participation à la réserve civique est élargie, notamment aux étrangers. La loi prévoit la reconnaissance par les universités des compétences acquises dans le cadre d’un engagement citoyen. Le but de ces mesures est de déclarer la guerre aux sentiments d’exclusion ou d’injustice et de réprimer plus durement les infractions à caractère raciste ou discriminatoire,

en

augmentation

ces

derniers

temps,

qui

pourront

s’accompagner au besoin d’un stage de citoyenneté. Je n’entreprendrai pas de vous présenter ici plus en détail ces différentes dispositions que nous avons votées depuis 2012 ou que nous sommes encore en train de discuter. Je souhaiterais en revanche vous dire quelques mots sur le travail non législatif mais qui me semble tout aussi important que l’Assemblée nationale entreprend sous des formes diverses sur le thème de l’intégration sociale. Assurer l’intégration sociale, c’est bien sûr voter des lois qui l’exige, la favorise. Mais c’est aussi contrôler que c’est bien fait, que les lois fonctionnent, que le tissu social respire mieux, que les souffrances reculent, que les citoyens négligés ne le sont plus. J’y suis très attaché. Nous avons ainsi effectué des travaux de contrôle et d’évaluation des politiques publiques. La première mission concernait la mobilité sociale des jeunes pour évaluer les mesures destinées à aider les jeunes en situation d’exclusion sociale après avoir abandonné le système scolaire. La seconde mission s’assurait de l’effectivité du principe de mixité sociale dans le secteur de l’éducation nationale.

4/5


Notre assemblée a également créé des missions d’information. Je souhaiterais, sur ce point, insister sur une question sensible et d’actualité, celle de l’immigration, car nous avons travaillé, à mon initiative, sur la situation d’une catégorie bien spécifique de la société française, celle des immigrés âgés. Ce sujet n’avait fait jusqu’alors l’objet d’aucun travail parlementaire. Or, ces travailleurs immigrés ont immensément enrichi la France. Ils ont participé à l’essor de son économie française, ils lui ont apporté une richesse culturelle. Il était urgent, face aux multiples difficultés rencontrées par ces personnes immigrées, désormais âgées, d’améliorer leurs conditions d’existence. J’ai donc pris l’initiative, en 2012, de proposer la création d’une mission d’information sur les immigrés âgés. Le rapport remis en juillet 2013 présentait 80 mesures à mettre en œuvre par le Gouvernement. Il a fait l’objet en juillet 2016 d’un travail d’évaluation et de suivi présenté à notre

commission des affaires

sociales. Pour conclure, affirmons ensemble que l’avenir est à notre portée si nous écoutons les murmures, les voix, les cris d’exigence des peuples que nous représentons. Ils savent tous que les défis de fragmentation sociale abondent, que de sombres puissances veulent fissurer nos nations et nos communautés. Les attaques sanguinaires qui ont visé la France renforceront encore le besoin d’engagement de la jeunesse et la volonté du législateur d’intégrer et de rassembler encore davantage autour de nos valeurs communes toutes les composantes de la société française. Cette exigence fonda jadis les révoltes populaires contre les tyrannies. Elle créa le parlementarisme. Elle alimentera encore et toujours l’épopée de la liberté et de l’égalité sans laquelle il n’y a pas de politique digne, pas d’effort récompensé, pas de pensée féconde, pas d’humanisme réel. Nous tissons encore un peu plus ce matin la grande toile éternelle de la lutte pour le bonheur des peuples. Je vous remercie. 5/5


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.