Discours mairie de Marseille

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Discours de Claude Bartolone Président de l’Assemblée nationale 8ème prix parlementaire franco-allemand Dimanche 5 février 2017 – Mairie de Marseille, 18h Monsieur le Président du Bundestag, cher Norbert, Mesdames et Messieurs les membres du Bureau de l’Assemblée nationale et du Präsidium du Bundestag, Monsieur le Maire de Marseille, Mesdames et Messieurs, Merci infiniment, Monsieur le Maire, pour cette invitation au cœur de ta ville et de ton territoire. Nous sommes ici, mon ami Norbert et moi-même, collègues allemands et français, pour fêter l’amitié entre deux peuples, mais aussi pour fêter l’Europe. L’Europe, ce rêve ancien comme notre civilisation, beau comme nos plus belles aspirations. Je suis particulièrement heureux d’avoir l’occasion, grâce à toi, de montrer Marseille à nos amis du Bundestag. Marseille, voyez-vous, amis et collègues d’Outre-Rhin, n’est pas une ville comme les autres. Marseille est un tourbillon, d’Histoire, de langages, de culture, de couleurs, un contraste permanent, des nuances éclatantes, c’est un concentré glorieux et éternel des possibilités humaines. Tous les Français ont un rapport particulier avec Marseille. Nous savons tous que c’est notre ville la plus antique. Qu’elle a une histoire glorieuse. Que, fondée par des Grecs venus de Phocée qui fuyaient peut-être les avancées perses, vers 600 avant notre ère, elle a été désirée, choyée par tous nos grands Romains jusqu’à être considérée et admirée comme l’Athènes des Gaules. 1


L’histoire de Marseille est dans ses bâtiments, bien sûr. La majesté du port grec, les splendides murailles de Saint-Victor, l’élégante dignité médiévale de Saint-Laurent, l’ultra-modernisme du Mucem. Marcher dans Marseille, c’est se promener dans les siècles, dialoguer avec d’illustres disparus, pourtant si présents, des généraux, des empereurs, des rois, des poètes, des écrivains, des chanteurs, des musiciens. C’est aussi sentir ces foules sublimes de pêcheurs, de marins, de commerçants, d’artisans, qui depuis des millénaires accueillent à Marseille les visiteurs du monde entier et leur donnent, soudainement, le sentiment indéfinissable d’être arrivés dans un des lieux les plus chaleureux du monde. Car façonnée d’histoire, Marseille est aussi construite de rencontres, de voyages, d’exils et de retours. Elle est pour les grands voyageurs un passage presque obligé, et ce n’est pas un hasard si Arthur Rimbaud, l’amoureux du voyage, l’homme aux semelles de vent, vint y prendre son dernier départ. De ces voyages, de ces passages, Marseille n’est pas seulement le symbole, elle en est le port : un lieu ouvert par excellence, lieu d’accueil et de mélanges. D’aucuns diront peut-être que c’est le propre de toutes les villes portuaires, toutes les villes maritimes au pied desquelles s’étend l’immensité du monde. Mais Marseille, c’est autre chose. Tous les Français le savent : Marseille, villeport, ville-monde, est avant tout Marseille ! C’est bien sûr une ville, ses bâtiments, ses monuments, ses calanques. C’est aussi un parler, avec ses expressions, avec surtout cet accent chantant à nul autre pareil, qui n’est pas que l’accent d’une langue, mais la musique d’un langage. C’est une gastronomie, comme toujours en France : chers amis allemands, vous devrez goûter la fameuse bouillabaisse, mais aussi les pieds paquets, l’aïoli, l’anchoïade et la soupe au pistou : « ah, Marseille, la seule ville où l’on mange ! » disait Emile Zola.

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Marseille, c’est tout cela, et c’est surtout une atmosphère, une ambiance, un enthousiasme. Certains d’entre vous peut-être l’ont découvert il y a quelques mois pendant l’Euro de football, au stade Vélodrome, l’antre de la passion marseillaise du football… Et ceux d’entre vous qui aiment le sport connaissent évidemment l’Olympique de Marseille et sa devise : « Droit au but ! ». Ils se souviennent des illustres allemands d’une époque inoubliable, Klaus Allofs, Karlheinz Förster, Rudi Völler, et bien sûr ce gardien de but de génie, Andreas Köpkeo. Ils ont été au cœur de cette grande période marseillaise qui a marqué durablement le football européen. Car Marseille est ville d’Europe autant qu’elle est de France ; mieux, elle est ville de Méditerranée. Arriver à Marseille, c’est aussi se plonger dans l’histoire du mouvement des peuples, qui tout au long de l’histoire s’y sont rencontrés, mélangés, qui y ont fui la guerre, la persécution ou la misère, comme déjà la famille d’Albert Cohen au début du siècle, Juifs Ottomans qui cherchaient ici une vie meilleure. Marseille, mieux qu’un refuge, plus encore qu’une terre d’accueil, a toujours été une terre d’horizon, un lieu où s’invente l’avenir. A l’heure où la Méditerranée, de berceau des civilisations, en devient hélas le tombeau, en engloutissant des milliers de familles qui fuient la guerre et la misère, à l’heure où l’Europe échoue, face à l’accueil des réfugiés, à être digne des principes et valeurs qui la fondèrent, nous devons regarder vers Marseille. Je suis né à Tunis, de l’autre côté de la Méditerranée, que j’avais donc, contrairement à toi cher Jean-Claude qui la regarde vers le sud, l’habitude d’admirer vers le nord.

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Quand nous avons dû quitter notre terre natale, nous prîmes un bateau qui arriva à Marseille. Je me souviens de la côte qui arrivait, de l’arrivée sur le Vieux-Port, de ce taxi qui nous a portés vers la gare Saint-Charles. J’étais enfant, j’avais un peu peur, nous n’avions plus de certitude, un avenir incertain, mais Marseille existait, vivait, Marseille était le visage de l’espoir. Demain matin, c’est sous les auspices de cette cité unique qu’ensemble, nous travaillerons sur les sujets cruciaux de l’avenir. Notre réunion commune du Bureau de l’Assemblée nationale et du Präsidium du Bundestag travaillera sur les suites du référendum britannique sur la sortie du Royaume Uni de l’Union européenne. Puis nous aborderons l’action du couple franco-allemand face à la question des réfugiés. Nous vivons en effet une époque décisive. Je ne suis pas sûr que l’Histoire pardonne si aisément à des volontés politiques qui, dans les circonstances présentes, défailliraient. Les peuples doutent, les jeunesses, pleines de vie, d’enthousiasme et d’envie de construire, ne demandent qu’à s’engager corps et âme pour une société plus prospère, plus solidaire, plus belle. Ils nous montrent la voie ; sachons leur ouvrir le chemin. A ceux qui parlent d’identité en forme de repli, qu’ils viennent voir à Marseille, cette ville ouverte à tous les vents, cette ville de mélanges et de partages, mais à la personnalité si forte, si particulière, si entière, l’exemple éclatant de ce que veut dire la richesse de l’autre, la vigueur qui vient du partage et de la générosité. Qu’ils se souviennent que dans les régions de France, comme d’Allemagne et d’Europe, ces traditions d’accueil et d’hospitalité continuent de vivre et qu’elles ne sont pas de vains mots. Et qu’ils soient, enfin, à la hauteur de l’Histoire, de celle qui nous rassemble, et de celle que nous écrirons encore. Merci Monsieur le Maire, merci à tous. 4


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