LFC Magazine #5 - Brigitte Fontaine Décembre 2017

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LFC #5 NOUVEAU

LE MAG DIGITAL

DÉCEMBRE 2017 TRIPLE COVER

Et aussi Stéphane Plaza, Estelle Lefébure, Reem Kherici, Michou, Grégoire, Armel le Cleac'h, Sébastien Destremau, Kamaleon, Maxime Chattam, Antoon Krings,

100% INDÉPENDANT

222 PAGES D'ENTRETIENS EXCLUSIFS

Jay Asher, Gérard Krawczyk, Katherine Pancol, Alex Vizorek, Véronique Olmi, Tara Mc Donald...

LFC Magazine vous invite chez...

BRIGITTE FONTAINE Chantre et écrivain, pas vaine, tragicomique, le poison de vie, le pouëtpouët qui se la pète qui vous souhaite bon voyage, bonne année et qui vous embrasse, bande de ploucs comme elle, à tire-d’aile et à tire larigot allegro ! LAFRINGALECULTURELLE.FR


ÉDITO

LA FRINGALE CULTURELLE, LE MAGAZINE DIGITAL LFC #5

Rédigé par CHRISTOPHE MANGELLE Salut les Fringants, Voici le numéro 5 qui termine 2017, une année folle de projets avec la naissance de votre nouveau magazine digital culturel, gratuit et indépendant. Et qui vous accompagnera les premiers jours de janvier 2018. Exceptionnellement, trois covers pour un numéro d'exception de 222 pages. Trois invités plus fous que jamais, parce que vous les aimez à la folie sur des arts différents - musique, édition, théâtre, TV et cinéma -il s'agit de Brigitte Fontaine, Stéphane Plaza et Reem Kherici. Vous êtes plus de 60 000 personnes à consulter le magazine depuis son lancement. Même si on peut encore mieux faire, un grand MERCI pour votre fidélité et vos partages sur les réseaux sociaux. .On compte sur vous pour nous faire grandir... Parlez-en autour de vous, nous sommes des indépendants, libres et gratuits. La culture à portée de mains, partagez-la ! Très bonnes fêtes et très bonne reprise... Bonne lecture ! Ciao Les Fringants ! Et rendez-vous vers le 25 janvier pour LFC Magazine #6 avec deux covers !

ET SURTOUT... La reproduction, même partielle, de tous les articles, photos, illustrations, publiés dans LFC Magazine est formellement interdite.

Ceci dit, il est obligatoire de partager le magazine avec votre mère, votre père, votre voisin, votre boulanger, votre femme de ménage, votre amour, votre ennemi, votre patron, votre chat, votre chien, votre psy, votre banquier, votre coiffeur, votre dentiste, votre président, votre grand-mère, votre belle-mère, votre libraire, votre collègue, vos enfants... Tout le monde en utilisant :

BRIGITTE FONTAINE STÉPHANE PLAZA REEM KHERICI


LFC LE MAG

SOMMAIRE EN IMAGES

06 Les Insus 09 Serge Gainsbourg 11 Margaret Atwood 12 Les Jackson

79

83

102

15 Harry Potter 17 Mike Horn 21 Christine Spengler 23 Proust 24 L'Orient-Express 25 Agatha Christie 27 Gérard Krawczyk 29 Michel Blanc 31 Jean Rochefort 33 Jean-Paul Belmondo 35 Laurent Decaux

74

68

38 José Frèches 41 Henriette Walter 43 Carole d'Yvoire 45 Prix Médicis Essai 2017 53 Sophie Nicholls 58 Clara Beaudoux 61 Lara Dearman

97

93

64 David Young 68 Maxime Chattam 74 Katherine Pancol

lfc NUMÉRO CINQ

www.lafringaleculturelle.fr


LFC LE MAG

SOMMAIRE EN IMAGES

79 Véronique Olmi

174

83 Vendée Globe 93 Brigitte Fontaine 97 Stéphane Plaza 102 Michou 107 Alex Vizorek

111

117

111 Estelle Lefébure 117 Reem Kherici 124 Agnès Ledig 126 Kwame Alexander 128 Victor Dixen 132 Anne Plichota/Wolf 135 Jay Jay Burridge 137 Jay Asher 140 Antoon Krings 145 Les gens qui font le buzz

214

208

155 Les 5 pièces du mois 167 Kamaleon 170 Collectif Métissé

137

174 Tara Mc Donald 179 Stupead 182 Scott Bradlee 185 Thaïs 188 MKN

107

191 Naya 194 Grégoire 199 Marlin 204 Kim 208 Liam 211 214 217 221

Alexe The Stentors Peter Cincotti Séries TV du mois

lfc NUMÉRO CINQ

www.lafringaleculturelle.fr

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LFC MAGAZINE

DÉCEMBRE 2017 | #5

15 La sélection

de la rédaction

idées de livres pour s'offrir du bon temps. Chroniques, entretiens...

par Christophe Mangelle, Cédric Adam...

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LES INSUS PAR BARBARA D'ALESSANDRI

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PHOTOS DE BARBARA D'ALESSANDRI

01 LES INSUS - LA TOURNÉE LE LIVRE OFFICIEL PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET CÉDRIC ADAM

Rencontre dans le quartier de Montmartre avec

BA : Devant l'évidence des images, c'est Jean-

Barbara d'Alessandri, la photographe officielle

Louis Aubert qui me l'a donné et je me suis dit

de la tournée des Insus. Elle publie "L'insu des

voilà mon titre !

Insus" aux éditions Sonatine. Entretien.

LFC : Êtes-vous consciente d'avoir eu la chance

LFC : Barbara d'Alessandri, votre actualité en

d'être au plus près de la tournée du groupe ?

libraire, c'est votre nouveau livre qui s'appelle

"L'insu des insus". Comment est né le titre de ce

BA : Oui, bien sûr. Je me disais que j'ai la

beau livre de photos ?

chance d'être partout, dans les coulisses, les


LES INSUS loges et les répétitions. C'était un sentiment particulier, j'avais mon petit badge qui me permettait d'aller où je voulais. On le retrouve d'ailleurs dans les photos du livre. LFC : À quel moment avez-vous su que vous en feriez un livre ? BA : Je l'ai su bien plus tard, c'est-à-dire que j'ai commencé à photographier simplement pour leur faire plaisir et leur faire un joli book. J'avais gardé des billets et des coupures de journaux pour leur faire un objet rare. C'est petit à petit que l'idée du livre est arrivée. LFC : Vous les avez suivis quasiment partout dans un moment particulier, celui de leur grand retour. BA : Exactement, j'ai fait le démarrage avec de toutes petites salles au départ jusqu’au final au Stade de France. D'ailleurs, il n’y a pas de photos du Stade de France, car le bouquin était déjà imprimé à ce moment-là. LFC : Ce n'est pas un manque justement ? BA : Non, je ne pense pas, car on n'avait fait le tour de la question. LFC : Comment avez-vous organisé ce livre de photos ? LFC : Ce travail qui était plus une passion vous a BA : Très simplement en suivant la

quand même demandé beaucoup de temps…

chronologie de ce que j'ai vécu jusqu'à ce qui était au départ leur dernier concert, celui qui

BA : Oui, mais le travail était de beaucoup

fait la quatrième de couverture. On ne savait

photographier tout en restant très discrète. Il

pas à ce moment-là qu'il ferait le Stade de

fallait être très humble, tout en étant invisible

France.

quand j'étais sur scène avec eux. Il faut tirer parti de toutes ces contraintes et c'est ce qui est

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LES INSUS intéressant. Quand on dispose d'une trop grande liberté, la complexité n'est plus là et c'est moins passionnant. LFC : Vous êtes une proche du groupe. LFC : Ensuite, le travail de sélection des photos

Quel est l’avis des quatre membres du

est plus solitaire, juste après l'euphorie des

groupe sur le livre ?

concerts. Qu’en pensez-vous ? BA : Évidemment, ils aiment le livre. C’est très beau, BA : C’est très juste. C’est exactement ce

selon eux. Ils ne sont pas surpris, car ils ont suivi le

sentiment que j'ai ressenti. Une sorte de

projet tout au long de sa conception. Ils sont bien

solitude qui était toujours accompagnée avec

entendu très heureux du résultat final.

leurs chansons qui résonnaient dans ma tête. LFC : Que retenez-vous de ce reportage photo ? LFC : Dans votre livre, le texte est peu présent. Pourquoi avez-vous fait ce choix de privilégier

BA : Je suis photographe depuis très longtemps,

les photos au texte ?

seulement, suivre un groupe en coulisse, c'était quelque chose de tout nouveau pour moi. Je

BA : Je ne voulais pas en rajouter. Par

m'émerveillais pour des choses qui leurs

exemple, quand ils sont en train de se

paraissaient normales. Plus j’avançais dans le travail,

maquiller, je ne voulais pas l’écrire, car on le

et plus je pensais que le livre peut intéresser de

comprend très bien en regardant l’image.

nombreux lecteurs. Je voulais capter des moments

Toute la poésie est là, d'être le témoin de

et des émotions. À partir du moment où on les

scènes rares qui n'ont pas besoin

explique, cela n'existe plus. Honnêtement, je ne sais

d'explications.

pas comment ils font pour tenir ce rythme. On peut dire que ce sont des sportifs pour sauter et chanter

LFC : Les photos du livre sont également en

pendant deux heures non-stop.

grande partie en noir et blanc. Pourquoi ce choix ?

LFC : Ce projet, vous l'aimez. Pourquoi autant ?

BA : J'ai uniquement fait les concerts en

BA : Parce que les gens pensent que les livres de

couleur parce qu'il y avait tellement de

photos sont élitistes. Cela fait parfois peur, mais ce

lumières et de costumes qu'il aurait été

livre est très accessible. On peut être amateur de

dommage de le faire en noir et blanc. Le reste

photo, aimer le groupe ou tout le contraire, et

est en noir et blanc, car il y a plus de poésie et

quand même aimer le livre. J'avais envie que le

c'est une façon de rester intemporel. Cela

groupe aime les images pour qu'ils en gardent un

donne aussi un effet plus rock et plus punk.

souvenir formidable.

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SERGE GAINSBOURG

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02 SERGE GAINSBOURG PAR JEAN-PIERRE PRIOUL ET TONY FRANK INTERVIEW : CHRISTOPHE MANGELLE

Photographe passionné de musique, TONY

JEAN-PIERRE PRIOUL rencontre Serge Gainsbourg

FRANK s'est spécialisé dans le portrait de

en 1980 et ils ne se sont pas quittés jusqu'à sa

chanteurs et comédiens. Après une première

mort. En charge de sa maison, Jean-Pierre Prioul a

commande pour une pochette de disque de

été un ami et témoin privilégié de la vie de

Gainsbourg, les deux hommes sont restés

Gainsbourg. Il connaît toutes les habitudes du

proches et Tony a pu immortaliser beaucoup de

chanteur, a partagé ses craintes et ses envies. Il est

moments de la vie du chanteur.

la véritable mémoire de cette maison.

Entretien inédit avec JEAN-PIERRE PRIOUL et TONY FRANK


TONY FRANK LFC : Comment est née l'idée de ce livre ? TF : Charlotte Gainsbourg avait envie de faire une sorte d’inventaire de la maison en photos. Son père m’ayant donné sa confiance, elle m’a contacté pour ces prises de vues. Ne pouvant dans l’immédiat faire un musée, je lui ai proposé de publier la plupart de ces images pour que le public de Serge visite le lieu. Elle a accepté et nous avons décidé cette collaboration avec l'ami Jean-Pierre Prioul, grand spécialiste de l’hôtel particulier de Serge Gainsbourg, car il y a passé de nombreuses années et il connaissait tous les détails.

JEAN PIERRE PRIOU LFC : Comment est née l'idée de ce livre? JPP : Il y a plusieurs mois avec Tony Frank, nous étions chez Charlotte. Dans la conversation, l'idée est venue d'immortaliser le "5bis". Il était temps d'y penser, car cela faisait vingt-six ans que j'entretenais cet endroit qui, malheureusement au fil du temps, commence à se dégrader. LFC : Pour vous, que représente Serge

LFC : Pour vous, que représente Serge Gainsbourg ?

Gainsbourg?

TF : Un ami qui me manque beaucoup. Nous

JPP : Serge était pour moi un ami de longue

passions beaucoup de temps à parler de peinture et des maîtres hollandais et flamands qui m’ont inspiré pour certains éclairages . Il me parlait aussi de littérature, voire de musique. Et, comme pour beaucoup, il représente aussi la culture française, l’intellect, un esthète, un auteur, un musicien. Un talent immense, peut-on aller jusqu’à … un génie ? LFC : Quels souvenirs gardez-vous de Serge

date. J'ai eu la chance de le rencontrer fin 1979 et de travailler pour lui lors de ses concerts au "Palace". Et jusqu'à ce 2 mars 1991, jour de sa mort, nous étions restés en très bon terme. LFC : Quels souvenirs gardez-vous de Serge Gainsbourg?

Gainsbourg ?

JPP : Je garde de Serge le souvenir d'un

TF : En plus de ce que j’ai dit précédemment, je

souvent dit, même si au fond de moi j'ai

garde aussi le souvenir de quelqu’un qui aimait bien rire (contrairement à ce que pensent beaucoup de gens). Donc beaucoup de « déconnades », de bonnes soirées et de professionnalisme lorsqu’il fallait « faire le job ».

homme hors du commun. Comme je l'ai toujours préféré le personnage de "Gainsbourg" à celui de "Gainsbarre", j'ai pu, tout au long de notre amitié, admirer sa fidélité, son sens de l'humour et sa très grande humanité.

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LFCMAGAZINE DÉCEMBRE #5

La Servante écarlate évoque une dictature imaginaire. Cette série américaine diffusée sur la plateforme de VOD Hulu vient de décrocher cinq Emmy Awards, qui récompense aux EtatsUnis les meilleurs programmes télévisuels. Outre son succès, elle a inspiré de nombreuses militantes féministes, qui revêtent à leur tour le costume de nonne rouge. Les éditions Pavillons Poche chez Robert Laffont propose une nouvelle version du texte avec une couverture cartonnée et un design chic noir et rouge. Très bel objet.

03 Margaret ATWOOD Romans en séries

Captive se déroule dans le Canada du XIXe siècle, et retrace le destin de la criminelle Grace Marks. Autre roman de Margaret Atwood adapté à l'écran est disponible cette fois-ci sur la plateforme Netflix depuis le mois de novembre 2017. Un portrait de femme brimée et d’une époque aussi troublant que La Servante écarlate. À lire en grand format chez Robert Laffont.

Ce nouveau roman C'est

le cœur qui lâche en dernier de Margaret

Atwood est un chefd'œuvre qui a marqué l'année 2017. À savourer. PAGE 11


LES JACKSON

PAGE 12

04 LES JACKSON NOTRE HISTOIRE

PHOTOS EXTRAITES DU TRÈS BEAU LIVRE

LES JACKSON NOTRE HISTOIRE CHEZ E/P/A

PHOTOS : © DAN GOTTESMAN 2017 JACKSONS ENTERTAINMENT,


PAGE 13

LES JACKSON EXT R AIT S

DU

T RÈS

BEAU

L'UNIVERS DES JACKSON EST FIDÈLEMENT REPRODUIT DANS CE LIVRE EUPHORISANT AU GR APHISME HAUT EN COULEUR.

LIVR E

CHEZ

E/P/A


LES JACKSON EXT R AIT S

DU

T RÈS

BEAU

LIVR E

ENFANTS PRODIGES DU RYTHM'N' BLUES, DE LA SOUL, DU FUNK, ET DU ROCK,

PAGE 14

CHEZ

E/P/A


LFCMAGAZINE

DÉCEMBRE 2017 | #5

Une plongée intéractive unqiue et exceptionnelle au cœur des univers de Harry Potter et Les

Pour les amoureux du film : des images inédites et des révélations sur les acteurs et les décors des films.

05 Animaux fantastiques.

La folie Harry Potter et Les Animaux fantastiques De quoi ravir les fans et ceux qui sont curieux.

La version intégrale du tome 3 de la série illustrée par Jim Kay.

Grâce à ce livre magique, le lecteur redécouvre le plus célèbre des sortilèges de défense. Amusant.

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LFCMAGAZINE

DÉCEMBRE 2017 | #5

K a douze ans et elle est une ado pas comme les autres. Fabienne Blanchut - star de la littérature jeunesse propose aux jeunes lecteurs dans Carafouille L'intégrale (Leduc.s éditions) de suivre les aventures de K entre SaleFroussiens, Chups, chat étrange, chauve-souris et grand-mère étonnante. Lecture agréable et drôle !

Becca Fitzpatrick est une romancière que nous avons déjà rencontré lors de son succès international Hush, hush (35 pays). Aujourd'hui, elle marque son grand retour chez PKJ avec Ma vie cachée. Actuellement en librairie.

06

La sélection jeunesse De quoi faire plaisir aux enfants et adolescents.

Livre choc de Robert Domes, reporter qui a dédié cinq de sa vie à son enquête sur le jeune Lossa. Histoire vraie, Lossa est assassiné à l'âge de quatorze ans dans un hôpital psychiatrique par les nazis parce qu'il était tzigane. Poignant.

Alicia et sarah Krose sont deux sœurs. Elles publient Les âmes rouges, l'éveil chez PKJ après s'être autopubliée sur Amazon et Kindle. Créatures assoiffées de sang au programme ! PAGE 16


MIKE HORN PHOT OS

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EXT RAIT ES DE SON BEAU "LIBR E !"(CHÊNE/XO)

CHACUN

CR ÉE LES CONDIT IONS PROPRE LIBERT É!

LIVRE,

DE

SA


MIKE HORN, LIBRE !

07

MIKE HORN, LIBRE ! PHOTOS : DIMITRY SHAROMOV ET SÉBASTIEN DEVENISH

Illustré de photographies inédites, cet ouvrage nous invite, aux côtés de Mike Horn, à repenser notre rapport à la nature, mais aussi à écouter davantage ce besoin de liberté qui est en chacun de nous et qui offre un espace infini à la vie.

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MIKE HORN, LIBRE !

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MIKE HORN, LIBRE !

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ACTUELLEMENT EN LIBRAIRIE


CHRISTINE SPENGLER HOMMAGE

À

MARGUERITE

DUR AS

Christine Spengler est photographe et aussi une correspondante de guerre de renommée internationale. De 1970 à 2003, elle a couvert tous les conflits mondiaux pour les plus grands magazines, Life, Paris Match, Time, Newsweek... Aujourd'hui elle publie un hommage à Marguerite Duras chez le Cherche Midi Éditeur.

08

LFC : Bonjour Christine Spengler, vous nous recevez

LFC : À la page 6, Fanny Ardant prend la parole.

lors de votre séance de dédicace à la librairie des femmes. Pourquoi ce lieu vous tient-il à cœur ?

CS : Mon éditrice avait d'abord pensé à Gérard Depardieu que je ne connaissais

CS : Antoinette Fouque était la première personne à

malheureusement pas encore. Finalement, nous

avoir cru en moi. Elle a édité mon autobiographie de

avons contacté Fanny Ardant, qui est moins

correspondante de guerre qui continue de se vendre

disponible, mais qui a écrit un très beau texte.

aujourd’hui, "Une femme dans la guerre". Je leur suis

Elle est une sorte de marraine.

donc très reconnaissante. De plus, ce lieu est très ravissant.

LFC : Pouvez-vous nous expliquer votre admiration pour Marguerite Duras ?

LFC : Aujourd'hui, on se rencontre pour parler de

votre nouveau livre "Série indochinoise : hommage à

CS : Plus que de l'admiration, c'est une

Marguerite Duras". Avec ce bouquin, que vouliez-

fascination. Même si ce livre est petit, je l’ai écrit

vous proposer aux lecteurs ?

seul, sans être prétentieuse. C'est-à-dire que j'y révèle tous les secrets. Marguerite et moi avions

CS : Un livre de photographies, en choisissant de

un destin tragique et similaire. Nous avions le

faire douze photomontages différents sur la base

même décor. J’ai connu les mêmes douleurs,

d'une même photo, proposé par Jean Mascolo, le fils

l'amour et la mort. Il y a beaucoup de

de Marguerite Duras. Jean Mascolo, dit Outa, m'a dit :

ressemblances dans nos vies. Mais surtout ce qui

"Je suis désespéré, je n'ai qu'une photo de ma mère.

nous lie, c’est la perte à chacune de notre frère

Est-ce que tu accepterais de sublimer cette photo ?"

adoré.

Et je lui ai répondu : "Outa, je n'osais pas te le

demander, mais c'est mon rêve !" Il s'agit de douze

LFC : Sur chaque photomontage, nous voyons

très grandes variations qui sont déjà exposées à la

des fleurs. Pourquoi ?

mairie du VIe arrondissement de Paris et dont le vernissage a eu lieu le 30 novembre 2017. PAGE 21

SC : J'ai une passion pour les fleurs. Je ne peux


CHRISTINE SPENGLER HOMMAGE

À

MARGUERITE

DUR AS

MAR GUER IT E ET MOI AVIONS UN DEST IN T R AGIQUE ET SIMILAIRE. NOUS AVIONS LE MÊME DÉCOR. J’AI CONNU LES MÊMES DOULEURS, L'AMOUR ET LA MOR T . IL Y A BEAUCOUP DE R ESSEMBLANCES DANS NOS VIES. MAIS SUR T OUT CE QUI NOUS LIE, C’EST LA PERT E À CHACUNE DE NOT RE FRÈRE ADORÉ.

vivre sans fleur et sans bougie. D'une façon générale,

LFC : À qui adressez-vous ce livre ?

je m'étais interdite de m'être de la couleur à cause de la guerre et de la mort de mon frère. Ce n'est que

CS : L'idée était de faire une

dix ans après la mort de mon frère que je me suis

déclinaison de ce petit visage

autorisée à m'inspirer du travail de ma mère, qui

indochinois. Ce que j'ai voulu faire,

était une artiste pour faire ressortir toutes les

c'est m'adresser aux nouvelles

couleurs des fleurs.

générations afin qu'elles se souviennent d'elle dans sa

Dans mon travail, il y a toujours l'espoir et la guerre.

splendeur et non pas sur la fin de

Les fleurs entourent toujours mon travail. Elles sont

sa vie beaucoup plus tragique

le symbole de cet espoir. Les ruines d'Hiroshima en

entre l'alcool, la cigarette et la

sont le parfait exemple. Là-bas, les fleurs les plus

maladie.

insolentes et magnifiques y poussent.

LFC : En 2017, Marguerite Duras, selon vous, que représente-t-elle ? SC : Marguerite attire d'abord un public féminin. Moi, ce que je vois, c'est que toutes les conférences sur Marguerite Duras intéressent toujours les femmes. Elle avait défendu les femmes sur le droit à la liberté, à l'amour et à la différence d'âge. C'est aussi pour cette raison que certains hommes l'aimaient moins, car elle représentait une menace au machisme.

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09

L'HERBIER DE MARCEL PROUST DANE

MC

DOWELL

Les centaines de fleurs parsemées dans l'œuvre de Proust sont chargées de sens et de messages que Dane Mc Dowell révèle dans cet ouvrage. Laissezvous entraîner à travers À la recherche du temps perdu, sur un chemin imaginaire, fascinant jardin mental émaillé de métaphores surprenantes. Actuellement en librairie chez Flammarion. Photos extraites du livre.

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10 L'ORIENT EXPRESS LE LIVRE ET LE FILM

Clive Lamming est un historien des chemins de fer reconnu. Il a publié une soixantaine d’ouvrages sur ce sujet, Il a travaillé plusieurs

mois en 2010 comme conseiller technique et historique pour les décors ferroviaires du grand film en 3D de Martin Scorsese, Hugo Cabret. Il vient de terminer le même travail, avec reconstitution précise du train, pour la version de 2017 du film "Le Crime de l'Orient-Express" de Kenneth Branagh, produit par la 20th Century Fox. Le livre "L'Orient-Express" de Clive Lamming (E/P/A) et le film sont actuellement en librairie et en salles.

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AGATHA CHRISTIE PAR

CAROLINE

GUILLOT

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PLACES

T O

VISIT

T HIS

SUMMER


3 QUESTIONS À CAROLINE GUILLOT

11

PAR CHRISTOPHE MANGELLE

LFC : Bonjour Caroline Guillot, comment est

née l’idée de réaliser ce très beau livre sur la reine du crime d'Agatha Christie ?

CG : Après avoir décortiqué les œuvres de Shakespeare et Molière, je cherchais un

auteur dont les écrits avaient également fait le tour du monde et étaient toujours

d'actualité. Agatha Christie est très vite

devenue une évidence. J'avais lu ses polars

durant mon adolescence et en avait gardé un merveilleux souvenir. Les relire après tant d'années a été pour moi un grand plaisir,

comme si je retrouvais des amis d'enfance.

LFC : Selon vous, pourquoi Agatha Christie estelle encore aussi appréciée en 2017 ?

CG : Agatha Christie était prodigieuse dans la description des lieux, des personnages et de

leurs échanges. Son petit fils Mathew Prichard ne se trompe pas en disant qu'elle a écouté

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plus qu'elle n'a parlé". Son génie de l'observation lui a permis de donner un vivant sans pareil à ses romans. Sa plume ciselée mène le lecteur par le bout du nez et il est tout simplement délicieux de mener l'enquête au fil des pages. Car il est possible de trouver le meurtrier : Agatha donne toujours, et l'air de rien, tous les indices. C'est la reine, on ne peut que l'adorer !

LFC : Comment avez-vous imaginé les illustrations qui animent votre livre ?

CG : Si les illustrations pour les fils de l'enquête ont été assez faciles à réaliser, les scènes de crime ont été plus coton ! J'ai travaillé avec beaucoup de plans (parfois même avec de petits jouets) pour que ces illustrations correspondent bien aux textes. Il y a eu également une énorme recherche iconographique, car je tenais à ce que cela colle à la période historique de chaque. Du paquet de cigarettes aux tableaux en passant par le mobilier... aucun détail n'a été mis de côté !


LE

GÉRARD KRAWCZYK

R ÉALISAT EUR

DE

"T AXI"

PUBLIE

SON

PR EMIER

ROMAN

Gérard Krawczyk est cinéaste. Il a notamment réalisé "Je hais les acteurs", nommé aux Césars et prix Michel Audiard, "L’Été en pente douce" avec, entre autres, Jacques Villeret, Pauline Lafont, Jean-Pierre Bacri, et la série des films "Taxi" succès au box office. Rencontre dans les locaux de Radio France avec vue sur la Tour Eiffel pour nous parler de son premier roman "Foudroyé(s)" actuellement en librairie (Cherche Midi Éditeur).

12

LFC : Bonjour Gérard Krawczyk, on profite de

J'avais une entière liberté.

votre passage promotionnel à Paris, chez Radio France, pour parler de votre premier roman,

LFC : Vouliez-vous changer votre fil rouge

"Foudroyé(s)". Dans votre titre, vous faites de

cinématographique et davantage rentrer dans

l'orthographe inclusive. Pour quelles raisons ?

l'introspection ?

GK : Je trouvais que dans mon roman, on retrouve

GK : Chaque type d'histoire à sa propre

plusieurs personnes foudroyées soit par amour ou

caractéristique, c'est-à-dire par exemple pour

par les armes.

le documentaire, vous n'avez pas le contrôle.

Vous devez laisser faire et vous ne pouvez pas

LFC : Alors Gérard Krawczyk, on ne vous connaît pas

jouer comme vous le voulez sur la manière de

du tout dans le monde de l'écriture, mais plus dans

filmer.

celui de la réalisation avec des films comme

notamment "Taxi", "Les héroïnes", etc. Comment

La liberté romanesque offre la possibilité de

avez-vous vécu cette nouvelle expérience ?

jouer sur la temporalité. D'une seconde à

l'autre, on peut être en flash-back, puis revenir

GK : D'abord, cela m'a pris du temps puisque je n'ai

au présent, sans aucun problème. L'écriture ne

pas fait que ça. Durant la même période, j'ai fait mon

subit aucun de ces problèmes, mais en

documentaire sur Marseille. J’ai écrit des scénarios et

propose d'autres aussi compliqués. Ils sont

j'ai participé au tournage de deux épisodes d'une

beaucoup plus littéraires. Il faut faire attention

série TV aux États-Unis. Du coup, je m'y suis mis

au style et à la langue. Cela me fait très peur.

d'une manière un peu en pointillé. Quand vous

Et je pense que je peux encore m'améliorer.

écrivez un scénario, vous pensez toujours à la façon

Pour le roman, il faut employer une écriture

dont vous allez filmer, trouver l'argent pour faire telle

descriptive, contrairement à l'écriture

et telle scène. Pour la réalisation de mon roman,

scénaristique qui est plutôt sèche, car cette

c'était un changement vertigineux et formidable.

description est incarnée par l'image.

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GÉRARD KRAWCZYK Comme au cinéma, le pêché est l'ennui du

fait peur à notre société. Je me suis donc dit que cette

spectateur. J'ai donc essayé avec des outils que je

histoire entre ces deux personnes qui s'aiment, il ne

découvrais de parler d'une chose qui me tient à

faut surtout pas la censurer. Puis, elle n'est pas trash.

cœur. Le changement de société qui a eu lieu en

C'est juste un livre sur la vie.

conséquence des attentats du 13 novembre. J'habite dans un quartier proche de ce qu'il s'est passé. Cet

LFC : La création, c’est votre vie. Est-ce réponse à ces

événement a changé ma vie. Je me suis demandé

événements ?

comment en parler sans être un écrivain, un journaliste, un historien, mais simplement un simple

GK : Je pense que oui. À travers la création, on essaye

citoyen. Je ne revendique pas être une grande

de retrouver l'intensité amoureuse. L'amour est

plume. Ceci dit, j'ai fini par penser qu'à travers une

accessible à tout le monde et c'est dommage que les

histoire d'amour, je pouvais quand même tenter

religions créent une différence entre les hommes et les

d’aborder cela. Je suis un utopiste de l'amour. Je suis

femmes, alors qu'elles prônent la tolérance. Nous

persuadé que seul l’amour pourra nous sauver.

sommes dans des paradoxes qui m'inquiètent, car cette montée religieuse nous fait régresser et c'est ce

LFC : Votre histoire d'amour est charnelle, dans

dont je parle.

l’esprit 50 nuances de Grey - (Rires) - avec des échanges de SMS, plutôt coquins. Vous êtes-vous

LFC : Dans votre livre, il y a un personnage qui s'appelle

censuré ?

Jérôme, qui est très proche de vous. Il est lui aussi scénariste. Vous êtes-vous inspiré de votre expérience

GK : Non, je me suis lâché, car cela fait partie du

personnelle ?

propos. La religion, peu importe laquelle diabolise la sensualité. Nous en avons besoin.Nous avons tous

GK : Oui bien sûr ! Vous savez, je pense que tous les

envie de la même chose, d'aimer, d'être aimé en

auteurs de fictions s'inspirent d'eux-mêmes et des

retour,d'être soigné, d'avoir accès à la connaissance,

événements qui les entourent. Je mélange donc la

d'être utile et la sensualité en fait partie. On a

grande histoire avec les attentats à une histoire

l'impression que la sensualité est bannie et qu'elle

personnelle. Je me suis dit que la fiction pouvait aussi nous permettre de nous interroger. LFC : Au-delà de ce livre, avez-vous envie de continuer le roman ? GK : Oui ! J'ai même déjà une deuxième histoire. Je ne sais pas si cela se fera, mais j'aimerai.

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MICHEL BLANC RACONTÉ PAR ALEXANDRE RAVELEAU PAR CHRISTOPHE MANGELLE PHOTO : HORS COLLECTION

LFC : Bonjour Alexandre, vous publiez " Michel Blanc, sur un malentendu " chez Hors Collection. Comment est née l’idée d’écrire ce livre sur Michel Blanc ? AR : Après avoir eu la chance de recueillir le dernier témoignage de Michel Galabru, j'ai griffonné les noms de plusieurs personnalités du cinéma populaire. Michel Blanc figurait en haut de cette liste. Sa carrière apparaît si riche, à la fois devant et derrière la caméra. Surtout, il reste très discret et mystérieux. Sa parole est rare. Personne n'avait jamais raconté sa trajectoire. Des "Bronzés" jusqu'à son César pour "L'exercice de l État", il a traversé quarante ans de cinéma aux premiers plans, aux côtés du Splendid, Coluche, Depardieu, Blier et tant d'autres. LFC : Pour la rédaction de ce lvre, vous avez rencontré Michel Blanc. C’est la première fois que le comédien accepte un tel projet. Pourquoi ? AR : Avant notre premier entretien, nous nous

autobiographie. Il a pourtant accepté de me

étions parlé au téléphone juste avant Noël

rencontrer et nous avons discuté de musique

2016. Il n'était pas particulièrement intéressé

classique et de piano plutôt que de Jean-Claude

par ma proposition, jugeant que sa carrière ne

Dusse. Pendant plusieurs mois, nous avons ainsi

méritait pas un livre ! De son propre aveu,

échangé sur sa carrière. Il s'est prêté au jeu,

Michel Blanc n'écrira jamais son

évoquant tous de ses films, son enfance et ses PAGE 29


MICHEL BLANC passions. Dans chacun de mes livres, je veux prendre

LFC : Ce livre retrace quarante ans de carrière avec

le temps de comprendre et d'échanger au lieu de

un feuillet de seize pages de photos. Comment

chercher le sensationnalisme ou l'anecdotique. Je

avez-vous sélectionné les photos ?

préfère dire des vérités que les supposer. Michel Blanc aussi. Voilà pourquoi il a accepté de me

AR : Chaque photo a son importance. Elles

répondre.

illustrent des instants-clés de la vie professionnelle de Michel Blanc. Par exemple, "Prospero's book"

LFC : En travaillant sur ce livre, qu’avez-vous appris

n'existe pas en DVD. Il fallait au moins une image

d’étonnant ?

de cette adaptation de Shakespeare par Peter Greenaway ! Le dernier portrait a également toute

AR : J'appartiens à une génération qui a grandi

sa place, avec Michel Blanc sur l'horloge du Quai

devant "Les Bronzés" et la troupe du Splendid. Avec

d'Orsay. Elle fait référence à son enfance, et ces

Michel Blanc, nous avons longuement parlé des

longues heures dans l'arrière-boutique de son

débuts avec Gérard Jugnot, Christian Clavier et

grand-père, horloger. Il y a aussi cette photo avec

13

Thierry Lhermitte, de leur rencontre et des succès,

Françoise Sagan, l'une de ses plus belles

mais aussi de ce moment où leurs chemins se sont

rencontres.

séparés. Sans trop en dévoiler sur le livre, j'ai compris les raisons qui ont poussé Michel Blanc à quitter le

LFC : Nous apprenons qu’au-delà du cinéma,

groupe au tournant des "Bronzés font du ski". Il est

Michel Blanc aime aussi l’écriture et la musique

également revenu sur "Les Bronzés 3", des

classique. Dites-nous en plus !

retrouvailles qui ont sonné le glas de Jean-Claude Dusse, Gigi, Popeye et les autres...

AR : Michel Blanc est un vrai intellectuel, un

passionné, un amoureux du mot. Il a adapté de

très nombreuses oeuvres anglaises, notamment "Summer thing" de Joseph Connolly, devenu

Embrassez qui vous voudrez en 2002. Et s'il a

toujours voulu être comédien, il aurait également pu devenir concertiste s'il avait débuté

suffisamment tôt son apprentissage du piano.

Michel Blanc a réussi à tirer un trait d'union entre le jeu de l'acteur et la musique classique lorsqu'il est devenu récitant sur la création de Sénèque, de son ami Éric Tanguy. L'oeuvre est un véritable concerto pour voix et orchestre !

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JEAN ROCHEFORT RACONTÉ PAR JEAN-PHILIPPE GUERAND PAR CHRISTOPHE MANGELLE PHOTO : PATRICE NORMAND

LFC : Bonjour Jean-Philippe Guerand, vous publiez la première biographie de « Jean Rochefort, prince sans rire » chez Robert Laffont. Plus de 600 pages, combien de temps vous a demandé ce travail de fourmi ?
 JPG : J’ai commencé mes recherches en 2009 et les ai achevées à l'automne 2017, parallèlement à mes activités de journaliste de cinéma au Film Français, à L'Avant-Scène Cinéma, comme rédacteur en chef de l'émission télévisée Cinéma(s) de Serge Moati et de ma contribution à diverses autres publications. Lorsque j'ai appris la mort de Jean Rochefort, j'en étais à la fin de la troisième relecture de mon manuscrit qui faisait à l'origine 1 million 700 000 signes et dont j'ai retranché 300 000 signes, soit tout de même l'équivalent d'un petit livre. Il me restait alors évidemment à compléter le dernier chapitre et à procéder à une ultime

JPG : J'ai interviewé plusieurs réalisateurs qui ont

relecture, de concert avec mon éditrice, alors

compté dans sa carrière : Patrice Leconte, Pierre

même que personne d'autre que moi n'en

Schoendoerffer (disparu entre-temps), Francis

avait jamais lu une ligne jusqu'alors.

Veber, Bertrand Tavernier, Marcel Bluwal, Pascal Thomas, Fabien Onteniente, mais aussi ses

LFC : Vous avez recueilli de nombreux

complices Claudia Cardinale, Michel Galabru et

témoignages. Lesquels ?

Roger Carel, ainsi que la première épouse de PAGE 31


JEAN ROCHEFORT Rochefort, qui n'avait jamais parlé à personne de leurs relations, des camarades de collège et même un vétérinaire de l'INRA qui a pratiqué le premier transfert d'embryon sur l'une de ses juments. LFC : En travaillant sur ce livre, qu’avez-vous appris d’étonnant ?

LFC : Ce livre retrace la vie du comédien couronné de trois César avec un cahier de quatorze pages de photos. Comment avez-vous sélectionné les photos ? JPG : Mon éditrice et moi avons tenté de donner un aperçu visuel fidèle de sa vie et de sa carrière, en puisant à la fois parmi les photos de tournage et des

JPG : J'ai notamment découvert que Jean Rochefort avait dû se battre pour devenir comédien, à la télévision, au théâtre, puis au cinéma, en bravant l'autorité paternelle, puis qu'il s'était pris de passion pour les chevaux et avait même hésité à leur consacrer exclusivement sa vie en renonçant au métier d'acteur. J'ai également constaté qu'il a

documents plus personnels qui soulignent la transformation physique de Rochefort et l'inscrivent dans la réalité de son époque. Nous avons enfin tenu à y inclure des photos de son père, de ses trois épouses, de Nicole Garcia, de ses cinq enfants de trois mères différentes, mais aussi des documents plus intimes, comme cette dédicace qu'il a faite à une petite fille à la fin de sa vie et qui clôt le cahier

14

souvent hésité à franchir le pas pour se consacrer à la réalisation, au point de tenter d'évincer Patrice

Leconte du tournage de son premier film, "Les vécés" étaient fermés de l'intérieur, avant de devenir son interprète fétiche par la suite.

photo.

LFC : Quel souvenir gardez-vous de Jean Rochefort ? JPG : L'image d'un homme qui a su mettre son

espièglerie au service de sa vocation, mais n'a rien fait dans l'ordre. Petit, il se prenait pour un

personnage de dessin animé. Ensuite, au cours de

son apprentissage de comédien, au lieu de lui faire

jouer les jeunes premiers, on lui a confié à peu près tous les rôles de barbons et de vieillards du

répertoire. La quarantaine venant, il s'est laissé

pousser la moustache parce que son postiche du

Misanthrope se décollait et il a trouvé de nouveaux emplois. Jusqu'à devenir un vieillard atypique : le

grand-père indigne et fantasque dont nous avons tous rêvé, en prêtant sa voix à de multiples

personnages de dessins animés. Comme un retour à la case départ.

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JEAN-PAUL BELMONDO RACONTÉ PAR LAURENT BOURDON PAR CHRISTOPHE MANGELLE PHOTO : LAROUSSE

LFC : Bonjour Laurent Bourdon, vous publiez un livre très complet sur l’icône du cinéma français "Définitivement Belmondo" chez Larousse. Plus de 500 pages, combien de temps vous a demandé ce travail de fourmi ? LB : Presque cinq ans ! La carrière de Belmondo est si riche et si diverse qu’il fallait bien ce temps là pour aller chercher, aussi bien à la Bibliothèque Nationale de France (BNF) qu’à la Bibliothèque du Film de la Cinémathèque française (Bifi), les documents d’époque qui témoignent de cette richesse. Mon but n’était pas d’écrire le énième livre sur Bébel, mais de porter sur son parcours un regard rigoureux et, en même temps, très abordable. Le livre est truffé de citations d’époque, toutes sourcées. Et puis, il y a 80 films ou téléfilms à visionner ! LFC : La préface de ce livre est signée Laurent Gerra. Que représente Belmondo pour Gerra ? Pourquoi Laurent Gerra ? LB : C’est très simple, Laurent Gerra est un grand cinéphile – il participe régulièrement à la programmation du Festival Lumière de

Lyon consacré au cinéma de patrimoine –, c’est un grand ami de Belmondo – ils se voient souvent – et, accessoirement, c’est un grand imitateur, de Belmondo notamment ! LFC : Vous proposez au lecteur de revenir sur les débuts du comédien. Quels sont les meilleurs PAGE 33


JEAN-PAUL BELMONDO souvenirs des premiers pas de Jean-Paul Belmondo

LB : Ce qui est certain, c’est que le théâtre a toujours été

au cinéma ?

le « vrai métier » de Jean-Paul Belmondo. Après des tournées plus ou moins professionnelles – avec Guy

LB : Incontestablement son premier film. Il a 26 ans,

Bedos, Michel Galabru ou Annie Girardot – il joua dans

il sort du Conservatoire et on lui propose un rôle

de véritables théâtres, avec Jean Marais, Pierre Brasseur

relativement important dans un film produit par la

ou Pierre Mondy – avec lequel il créa Oscar. Dès le

Coopérative Générale du Cinéma Français, un

fulgurant succès d’À bout de souffle (1960), et malgré

organisme proche de la CGT : les Copains du

celui-ci, il annoncera systématiquement son retour sur

dimanche. De son personnage, riveteur dans une

les planches. Un retour toujours différé pour des raisons

usine d’aviation, émane une gentillesse et une

souvent indépendantes de sa volonté. C’est évidemment

simplicité qui resteront la marque de Belmondo puis

le cinéma qui va durablement le détourner du théâtre.

de Bébel. Il y fait (déjà !) allusion à nez et c’est (déjà !)

Son succès y est immense, ses joies aussi. Revoyez-le

le roi de la cabriole ! Trop engagé politiquement, le

dans Cartouche, Un singe en hiver, l’Homme de Rio,

film ne sortira jamais en salle et ne passera qu’une

Borsalino, le Magnifique, Peur sur la ville...

fois à la télévision, en 1967. Aujourd’hui, il est disponible en DVD. Ne le manquez pas !

LFC : La dernière partie s’appelle « Belmondo etc… ». Que

15 vont apprendre les lecteurs ?

LFC : Ensuite, vous parlez des films et des pièces

LB : Comme un petit Dico Belmondo, cette partie

dans lesquels il a joué, de 1955 à 2009, une longévité

raconte Jean-Paul de A à Z, en dehors de ses films et de

extraordinaire.

ses pièces. Sa famille, ses amours, ses amis, ses

problèmes de santé, sa passion pour la boxe, ses

admirations, ses pitreries au Gala de l’Union... Encore beaucoup d’infos !

6/ En travaillant sur ce livre, qu’avez-vous appris d’étonnant ?

LFC : Avez-vous rencontré Jean-Paul Belmondo ? Lui

avez-vous envoyé un exemplaire de votre livre ? L’a-t-il lu ?

Oui, j’ai rencontré Jean-Paul Belmondo, mais une fois le livre écrit. Je ne voulais pas qu’il me raconte sa sortie du Conservatoire ou sa rencontre avec Godard pour la 468e fois. Avant qu’il ne devienne un livre, je lui ai envoyé le manuscrit. Enfin, une fois le livre imprimé, le premier exemplaire lui fut adressé !

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LFC MAGAZINE

#5

laurent decaux LE SEIGNEUR DE CHARNY ENTRETIEN EXCLUSIF AVEC LE ROMANCIER


LFC MAGAZINE #5

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INTERVIEW

LAURENT DECAUX UNE FORMIDABLE AVENTURE DE CAPE ET D'ÉPÉE PAR CHRISTOPHE MANGELLE PHOTO : CYRIL BRUNEAU

Fils du conteur Alain Decaux, Laurent Decaux fait ses premiers pas dans la fiction avec la parution début septembre 2017 de son premier roman, Le seigneur de Charny, roman actuellement disponible en libraire chez XO Éditions. Entretien passionnant avec le romancier. LFC : Bonjour Laurent Decaux, vous publiez votre premier roman. Pouvez-vous nous parler du seigneur de Charny, votre héros ? LD : C’est un épisode extraordinaire et méconnu de notre Histoire. Tous les passionnés d’Histoire et de religion ont déjà entendu parler du Saint-Suaire de Turin, ce linceul mortuaire qui, d’après l’Église, recueillit le Christ après la crucifixion. Ce qu’on ignore plus généralement, c’est que cette relique, avant d’arriver en Italie, est passée par la France. Je raconte dans mon roman l’histoire de la famille de Charny, qui fut la première à exposer cette relique, dans la

Champagne du 14e siècle. Venus de toute l’Europe, des dizaines de milliers de pèlerins se rendirent alors dans leur petite seigneurie, à quelques dizaines de kilomètres de Troyes, pour prier cette relique de la Passion. Jacques de Charny, mon héros, qui retrouve sa Maison après six années de croisade, va se battre et vivre mille aventures pour faire attester l’authenticité du Suaire, alors contestée par l’évêque de Troyes et le pape d’Avignon.

LFC : Votre roman, est-il inspiré d’une histoire vraie ? LD : Les seigneurs de Charny ont existé et ils exposèrent le suaire à partir de l’année 1357. Même si Jacques de Charny n’a pas existé, son père Geoffroy était l’un des plus grands chevaliers de son temps. Il était porteoriflamme du roi Jean Le Bon, champion de joutes et chef de guerre, qui mourut d’ailleurs en héros à la bataille de Poitiers. Il faut savoir aussi qu’à l’époque de la Peste


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LFC MAGAZINE #5

INTERVIEW

LFC : Vous êtes le fils du grand conteur Alain Decaux. Vous a-t-il donné l’envie d’écrire ?

Noire, les superstitions, les processions religieuses telles que celles des flagellants, les pèlerinages et le recours aux reliques avaient une importance décuplée. Dans ce contexte, sachant que des reliques aussi farfelues que le Saint-Nombril du Christ, le Saint-Foin de la crèche ou le lait sacré de la Vierge étaient vénérées dans les églises, il n’est pas étonnant qu’une relique ayant supposément été en contact avec le Christ ait attiré des foules en Champagne, chez les seigneurs de Charny.

LFC : Comment l’idée est-elle venue d’écrire cette histoire ? LD : Je dois dire que le sujet du Saint-Suaire m’intéressait depuis l’enfance. Dans les années 70 et 80, mon père l’avait traité dans des livres et des émissions de télévision, et s’était passionné pour le sujet. Il croyait dur comme fer à son authenticité. D’ailleurs, en 1988 (j’avais six ans), il avait été profondément ébranlé par l’étude au carbone 14 diligentée par le Vatican, qui avait montré que le Suaire de Turin avait été fabriqué au Moyen âge. Il me parlait souvent de cet objet mystérieux. Il y a cinq ans, comme je cherchais le sujet d’un roman historique, je suis tombé sur un livre racontant l’histoire de cette relique... J’ai alors découvert ces seigneurs du 14e siècle qui s’étaient battus pour rendre visible le suaire aux croyants et l’exposer dans l’église de leur fief. C’était une époque charnière de l’Histoire de France : la guerre de Cent Ans battait son plan, la Peste Noire avait emporté des millions de Français, et l’Église était coupée en deux, avec la papauté de Rome et «l’antipapauté » d’Avignon. . Bref, des personnages extraordinaires, un contexte singulier, un objet mystérieux, je tenais le sujet de mon roman !

LD : Ce que j’ai toujours remarqué chez mon père, c’est le bonheur qu’il prenait à s’enfermer au milieu de ses livres, dans son grand bureau qui contenait plus de 30 000 livres... Je trouve moi-même un grand plaisir à travailler pendant des heures en bibliothèques, à compulser des manuscrits d’époque, et à écrire bien évidemment… Il m’a également transmis son goût pour ces grands romansfeuilletons du XIXe siècle, ceux qui précisément, m’ont donné envie d’écrire du roman historique : Ivanhoé, La Reine Margot, Le Vicomte de Bragelonne, Le Bossu restent mes livres de chevet... LFC : Vous décrivez avec beaucoup de précision le Moyen Âge. Qu’aimez-vous dans cette période ? LD : Contrairement au XIIIe siècle, le siècle de Saint-Louis, des croisades, du gothique flamboyant, le XIVe siècle est celui des grands fléaux : la Peste Noire a emporté six millions de morts en France (un tiers de la population !) et la guerre avec l’Angleterre a saigné la fine fleur de la chevalerie. Toutefois, comme à chaque période sombre, il y a de la part de la population un goût du spectacle et du divertissement, qui s’incarne partout. . Ainsi, la chevalerie, alors en plein déclin puisqu’elle est concurrencée par l’autorité royale et l’émergence de la classe bourgeoise, organise sans doute les plus beaux tournois qu’on n’ait jamais vus. Voulant imiter leurs glorieux aïeux, des barons se lancent dans des croisades, qui se terminent souvent en fiasco. Le petit peuple se passionne pour les Mystères, ces pièces de théâtre qui se jouent en plein air sur les places et les parvisEt puis la religiosité, même, prend une tournure flamboyante, avec les danses macabres et le mouvement des flagellants. Bref, j’aime ce XIVe siècle parce qu’il est l’époque d’une tentative désespérée de sursaut pour la chevalerie, et que le peuple résiste de toutes ses forces au pessimisme ambiant.


LFC MAGAZINE

#5

josé frèches LE PÈRE DAVID, L'IMPÉRATRICE ET LE PANDA ENTRETIEN EXCLUSIF AVEC LE ROMANCIER


LFC MAGAZINE #5

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INTERVIEW

JOSÉ FRÈCHES LE GRAND ROMANCIER DE LA CHINE PAR CHRISTOPHE MANGELLE PHOTO : DAMIEN GRENON

Grand romancier de la Chine ancienne, il a conquis le public avec ses séries romanesques traduites en vingt langues : Le Disque de Jade, L'Impératrice de la Soie, L'Empire des Larmes et Gengis Khan. Entretien avec José Frèches qui nous parle de son nouveau roman Le Père David, L'Impératrice et le Panda actuellement en librairie chez XO Éditions.

LFC : Votre roman arrive à point nommé. Tout le monde parle du panda. Parlez-nous de ce panda. JF : Quand j'ai commencé à écrire, j'ignorais qu'un bébé panda allait naître au zoo de Beauval ; cela fait longtemps que je m'intéresse au père Armand David, ce lazariste français sans lequel le panda aurait disparu de la surface de la planète, comme le Dodo à l'île Maurice, ou le Tigre de Tasmanie, en Australie... LFC : L’aventure du panda nous fait découvrir le père Armand David. Qui est-il ?

JF : Ce père lazariste naquit à Espelette, au Pays basque. Toute sa vie, il fut partagé entre sa vocation de missionnaire et celle de naturaliste. Armand David croyait en Dieu, ce qui ne l'empêchait pas d'être un grand savant. S'il n'avait pas été ordonné prêtre, il aurait pu devenir professeur au Collège de France ou au Museum d'Histoire Naturelle. LFC : Le lecteur oscille entre fiction et réalité historique. Avez-vous fait beaucoup de recherches avant d’écrire ? JF : J'ai beaucoup lu, mais je suis surtout allé sur les traces du père David, au Sichuan, à l'endroit même où il tomba sur une dépouille de panda géant, cet animal dont aucun naturaliste occidental n'avait idée de l'existence... Cette zone, qui correspond au territoire du panda géant, fut l'épicentre du séisme de 2008, cette catastrophe ayant occasionné la mort de près de cent mille personnes... et d'une centaine de pandas géants...


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LFC MAGAZINE #5

INTERVIEW

JOSÉ FRÈCHES MON PROPOS EST DE FAIRE PARTAGER À MES LECTEURS MA PASSION POUR LA CHINE, EN FAISANT EN SORTE DE LES ENTRAINER DANS UNE HISTOIRE À REBONDISSEMENTS, SANS OMETTRE DE LEUR DISTILLER DES INFORMATIONS RELATIVES À LA CIVILISATION ET À L'HISTOIRE DE CET IMMENSE PAYS. LFC : Autre personnage important, l’Impératrice, quel rôle joue-t-elle dans votre histoire ? JF : Cixi fut la dernière impératrice de Chine. Malgré sa grande intelligence, elle ne parvint pas à empêcher l'empire de sombrer. Cette passionnée d'animaux avait fait installer un zoo à l'intérieur des murs de la Cité Interdite. C'est donc à raison que, dans mon roman, l'idée lui prend de faire du panda géant l'animal emblématique de la Chine, mesure que le régime communiste mettra en application au début des années 1970, avec ce qu'on appelle "diplomatie du panda" et qui consiste à mettre à disposition d'un "pays ami de la Chine" un couple de pandas géants.

LFC : Vous parlez avec talent de l’univers de la Chine de la fin du XIXe siècle. Comment avezvous fait ? JF : Mon propos est de faire partager à mes lecteurs ma passion pour la Chine, en faisant en sorte de les entrainer dans une histoire à rebondissements, sans omettre de leur distiller des informations relatives à la civilisation et à l'histoire de cet immense pays.


HENRIETTE WALTER

2O .ON EUSSI

OO.6$ • 0202 REBMETPES

LA MAJESTUEUSE HISTOIRE DU NOM DES ARBRES

L'ENTRETIEN GET THE LATEST SCOOP ON YOUR FAVE CELEBS LFC MAGAZINE #5

- 41 -

DÉCEMBRE 2017


- L'ENTRETIEN Par Christophe Mangelle Photo : Robert Laffont

Henriette Walter est professeur émérite de linguistique, présidente de la Société internationale de linguistique fonctionnelle et membre du Conseil supérieur de la langue française. Elle publie avec Pierre Avenas "La majestueuse histoire du nom des arbres" chez Robert Laffont. Entretien bref et concis. LFC : Dans ce livre, vous

LFC : Comment avez-vous

proposez au lecteur une

travaillé ce livre ? Plus de

promenade inspirante au

576 pages…

pays des arbres. Dites-

HW : Avec Pierre Avenas,

nous en plus.

bien plus compétent que

HW : C'est une promenade inspirante parce qu'elle

moi en la matière, il y a eu une navette constante d'écriture et de réécriture,

permet d'évoquer, en dehors des caractéristiques botaniques de chacun

par voie électronique, des 19 chapitres qui le composent, avec le souci d'être à la fois

d'entre eux, des événements historiques ou géographiques, de rappeler l'existence d'œuvres littéraires ou artistiques, voire scientifiques, de citer des noms de lieux ou de personnes, et même des illustrations héraldiques ou publicitaires, tout cela en rapport avec le nom des arbres.

fidèles aux recherches des spécialistes et attentifs à réduire la gigantesque documentation réunie par lui, à des proportions plus faciles d'accès au lecteur amateur. Nous avons mis six ans à en venir à bout, dans le plaisir de la recherche et de la mise en forme, toujours à améliorer.

Henriette Walter et Pierre Avenas La majestueuse histoire du nom des arbres, Robert Laffont

"CE LIVRE S'ADRESSE AUX AMOUREUX DES ARBRES ET DES MOTS " LFC : À qui adressez-vous ce livre ? HW : Ce livre s'adresse aux amoureux des arbres et des mots qui permettent de mieux les connaître, en particulier grâce à leur expression dans plusieurs langues du monde, et également à la surprise d'y retrouver, dans leur réalité multiforme, non seulement la nature, mais aussi la culture. LFC MAGAZINE #5

- 42 -

DÉCEMBRE 2017


L'ENTRETIEN

CAROLE D'YVOIRE LEONARD ET VIRGINIA WOOLF

LFC MAGAZINE #5

- 43 -

DÉCEMBRE 2017


- L'ENTRETIEN Par Christophe Mangelle Photo : DR,, Le livre de Poche.

Carole d’Yvoire est normalienne, lectrice et traductrice littéraire. Elle a traduit Tim Burton, Quentin Tarantino, Eve Ensler et Adam Ross, entre autres. "Je te dois tout le bonheur de ma vie" (Le livre de Poche) est son premier livre. Elle nous en parle ici ! LFC : Bonjour Carole, vous publiez « Je

LFC : Admirez-vous

te dois tout le bonheur de ma vie » qui

Leonard Woolf et Virginia

paraît directement au Livre de Poche

Stephen ? Ce livre est

dans une magnifique édition

aussi très personnel.

collector. Vos deux personnages sont

Racontez-vous !

très connus : Virginia Stephen et Leonard Woolf, mais peu de choses ont été écrites sur leur rencontre. Comment est née l’idée de ce livre ? CY : Il y a longtemps que je voulais parler du couple de Virginia et Leonard Woolf, qui me fascinait. Elle, une romancière avant-gardiste, féministe, lui, un intellectuel engagé, on les connaît surtout par ces images un peu figées sans très bien savoir ce qui a présidé à leur rencontre qui était loin d’être écrite. Comme on fêtait cette année un

CY : J’admire profondément Virginia et Leonard Woolf. Evidemment, par goût littéraire en ce qui concerne l’œuvre de Virginia Woolf, mais au-delà, j’admire leur courage à l’un et à l’autre pour sortir des sentiers battus, construire une vie à deux, sans modèle, se lancer dans l’aventure de l’édition, participer au renouveau artistique de leur époque. Et s’il y a une touche personnelle dans ce livre, elle est due aux échos que j’ai pu trouver dans la constitution de ce couple par rapport à mon histoire familiale. LFC : Votre ouvrage est extrêmement documenté, comment avez-vous travaillé ?

centenaire particulier, celui de la

CY : Comme je suis passionnée depuis longtemps par

fondation de leur maison d’édition, j’ai eu

ce sujet et par le flamboyant groupe de Bloomsbury

envie de raconter l’histoire des débuts

auquel appartenaient Virginia et Leonard, et que je

mouvementés de ce couple en m’arrêtant

fréquente depuis tout aussi longtemps les

à 1917, et en mettant ainsi en valeur cette

bouquinistes, j’ai construit peu à peu une bibliothèque

création commune que fut la Hogarth

importante d’ouvrages les concernant, l’actualisant au

Press qu’ils inaugurent par un petit

fur et à mesure des parutions. J’ai fait par ailleurs de

recueil inédit de deux nouvelles, la

nombreuses recherches en bibliothèque.

première signée par Leonard, la seconde par Virginia.

LFC MAGAZINE #5

" J’ADMIRE LEUR COURAGE À L’UN ET À L’AUTRE POUR SORTIR DES SENTIERS BATTUS, CONSTRUIRE UNE VIE À DEUX, SANS MODÈLE, SE LANCER DANS L’AVENTURE DE L’ÉDITION, PARTICIPER AU RENOUVEAU ARTISTIQUE DE LEUR ÉPOQUE. " - 44 -

DÉCEMBRE 2017


SHULEM DEEN PRIX MÉDICIS ESSAI 2017

ENTRETIEN EXCLUSIF DE

L'HEUREUX LAURÉAT LFC MAGAZINE

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DÉCEMBRE 2017


SHULEM DEEN PAR LAURENT BETTONI PHOTOS : ANNE ET ARNAUD

Avec Celui qui va vers elle ne revient pas (éditions Globe, traduit de l’américain par Karine Reignier-Guerre), Shulem Deen nous raconte sa plongée volontaire, à l’adolescence, dans l’intégrisme religieux, chez les skver, une communauté juive ultraorthodoxe, suivie de son réveil progressif et douloureux, jusqu’à son bannissement pour hérésie – la faute la plus grave –, à l’âge adulte. Sa prise de conscience et sa liberté retrouvée lui ont coûté très cher, puisque ses anciens compagnons l’ont définitivement privé de ses cinq enfants.

LA CHRONIQUE BIENHEUREUX

Bonheur pour tous obligatoire ! Derrière ce programme alléchant se cache en vérité un ordre auquel il ne fait pas bon désobéir

quand on est un skver. C’est parmi ces fondamentalistes que le jeune Shulem, âgé de 15 ans, décide un beau jour de grandir, de vivre, de s’épanouir. Ses parents, d’anciens hippies, lui ont montré l’exemple en se tournant eux aussi vers la religion, des années auparavant, et en rejoignant d’autres ultras, les satmar. Mais le père de Shulem, à la santé déclinante, est sur le point de mourir, et voilà le garçon en manque de repères. Durant cette

LESSIMPLES D’ESPRIT?

période critique de son existence, il trouve chez les skver un guide spirituel, en la personne de Berish, ainsi que toute l’affection et tout le soutien dont il a besoin. Dans ce cocon protecteur, il passe ses journées à étudier avec ferveur le Talmud et la Torah. Il ne fait que cela. De toute façon, il n’a pas le choix, puisque le moindre divertissement et le moindre contact avec le monde extérieur sont interdits. Pourquoi ? Cette question, Shulem aimerait bien la poser. Mais chez les skver, comme tout le reste, les questions sont interdites. Et on fait comprendre à l’impertinent que toutes les réponses se trouvent dans les textes bibliques. Alors, s’il s’interroge, il n’a qu’à mieux étudier sa religion. Shulem comprend que le bonheur obligatoire, c’est ça : ne jamais poser aucune question, ne jamais penser par soi-même et accepter aveuglément tout ce que le village, le shtetl, vous demande de faire… pour le bien commun. Par exemple, à 18 ans, Shulem doit épouser Gitty, une jeune femme que les autorités religieuses lui ont promise et qu’il HOW DIFFERENT ARE YOU IN REAL LIFE?

LFC MAGAZINE

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DÉCEMBRE 2017


rencontre dix minutes avant les fiançailles. Non seulement il doit l’épouser, mais il doit être heureux à ses côtés et fonder une famille nombreuse. Difficile de s’exécuter, car il découvre rapidement que Gitty et lui n’ont aucun point commun ni aucune affinité. Cela ne les empêchera pas d’avoir cinq enfants ! Mais les premières fissures se sont insinuées dans la foi de Shulem et ne cesseront de s’élargir jusqu’à l’ébranler irréversiblement. Petit à petit, le rebelle fait pénétrer le mal dans son foyer : radio, télé, musique, Internet. Il s’achète même une voiture et crée un blog. C’en est trop pour la communauté, qui le chasse pour hérésie et qui convainc sa femme et ses enfants de le renier.

PRIX MÉDICIS L'INTERVIEW ESSAI 2017 SHULEM DEEN

De cet incroyable parcours de vie, Shulem Deen a tiré un récit autobiographique construit comme un roman et qui se lit comme tel. Ce qui nous donne l’occasion de saluer le remarquable travail de traduction effectué par Karine Reignier-Guerre et d’approfondir le sujet, dans un entretien avec l’auteur. LFC : Vous avez reçu le prix Médicis essai. Or ce livre n’est ni

Enfin, le fait de romancer les événements

un essai ni une autobiographie classique mais ce qu’on appelle

que je relate dans le livre m’a permis de

une non-fiction créative. Qu’est-ce qui vous a incité à

prendre le recul et la distance nécessaires

privilégier cette forme, c’est-à-dire une construction

pour ne pas écrire un témoignage à charge

romanesque, pour relater des faits réels ?

qui ressemblerait à un règlement de comptes. L’impériosité de cette distance est

SD : Clairement, ce livre n’est pas une fiction. Il s’agit bel et bien

devenue de plus en plus flagrante au fil de

d’un récit autobiographique. Cependant, j’ai choisi une forme

l’écriture. Toute la partie concernant ma

romancée, romanesque, afin d’insister sur le caractère subjectif

jeunesse, mon adolescence et mon passé le

de ce que je raconte et de la manière dont je perçois les

plus lointain ne m’a posé aucun problème,

différents protagonistes. Cela me facilite les choses, dans le

j’ai écrit ces pages très aisément. En

cadre de la procédure judiciaire que j’ai intentée pour la garde

revanche, lorsque j’en suis arrivé à mon

de mes enfants.

mariage, mon divorce et la garde de mes enfants, la douleur était encore fraîche et

Par ailleurs, il était très important pour moi de ne pas considérer très vive, et là j’ai eu du mal. J’ai dû réécrire ce livre comme une thérapie ni les lecteurs comme des psys

les scènes à maintes reprises car je n’étais

auprès desquels je m’épancherais. J’ai donc délibérément donné

jamais satisfait. Je ne me trouvais plus aussi

à mes écrits une tournure artistique, stylistique, littéraire.

doux ni aussi bienveillant que dans le début

LFC MAGAZINE

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DÉCEMBRE 2017


du livre. Or je recherchais l’unité de ton, et seul le recul me l’a

LFC : Dans la communauté skver, tout est

apportée.

centré autour du groupe, de la famille, du village. Dans le monde extérieur, vous dites

LFC : Alors que vous étiez adolescent, vous avez choisi

que tout est centré autour de l’individu, de

délibérément d’intégrer la communauté skver, vous expliquez

l’ego. Et aucun des deux systèmes ne

même que vous avez eu comme un enchantement. Qu’est-ce

semble vous satisfaire pleinement. Quelles

qui pousse un jeune homme ou une jeune fille à vouloir

sont les limites de ces deux systèmes, et

appartenir à un groupe parmi les plus radicaux qui soient et à

quel serait pour vous un monde idéal ?

se plier aux règles les plus inflexibles ? Qu’est-ce qui séduit un jeune, dans une telle société de privation totale de liberté ?

SD : J’étais conscient des manques que j’éprouvais chez les skver, et quand j’ai

SD : En vérité, la communauté skver n’est pas plus rigoureuse

rejoint le monde laïc, j’ai été assez naïf pour

qu’une autre communauté ultraorthodoxe, et quand je l’ai

croire que j’entrais dans un monde idéal. Je

rejointe, je n’ai pas eu le sentiment d’entrer dans un groupe

l’imaginais réellement comme une utopie.

moins laxiste que celui des satmar, auquel mes parents

Laissez-moi vous raconter une anecdote

appartenaient. Au contraire, je trouvais les skver plus humains.

amusante, à ce sujet. Une journaliste

Chaque communauté ultraorthodoxe dit des autres qu’elles sont américaine m’a demandé de lui expliquer le plus restrictives, alors qu’elles sont absolument toutes

système des mariages arrangés, dans les

semblables.

communautés ultraorthodoxes. Je lui ai dit que, bien sûr, ce procédé présentait de

Je ne suis pas entré chez les skver pour la manière dont ils

nombreux défauts et rendait les personnes

appliquaient la religion mais pour leur chaleur humaine et la

malheureuses, mais qu’en même temps il

convivialité qu’ils manifestaient dans leurs cérémonies. Mon

permettait à la communauté de continuer à

père était mourant, et j’avais besoin de me sentir aimé, soutenu.

fonctionner. J’ai conclu en disant qu’il y

Les skver m’ont apporté l’amour et le soutien dont j’avais

avait donc des qualités et des défauts,

besoin, à cette période difficile de ma vie.

exactement comme dans le système en place chez les laïcs. Et la journaliste de s’exclamer

AVEC SES VALEURS, LA COMMUNAUTÉ RELIGIEUSE DONNE DU SENS À L’EXISTENCE, ALORS QUE, DANS LE MONDE LAÏC, ON DOIT TROUVER SOI-MÊME LE SENS DE SA PROPRE VIE, CE QUI EST À LA FOIS UNE GRANDE LIBERTÉ ET UN PUISSANT FARDEAU.

: « Mais, enfin, nous n’avons pas de système ! » Elle estimait qu’il existait un système dans les communautés hassidiques et que, dans le monde laïc, chacun était toujours libre de rencontrer le conjoint de son choix. Mais moi je voyais bien, avec mon regard extérieur, qu’il existe aussi, chez les laïcs,


tout un système de codes et de protocoles à respecter quand on

LFC : Dans la mesure où la communauté skver

veut trouver son compagnon ou sa compagne.

vit repliée sur elle-même, on peut supposer qu’elle subvient à tous les besoins de ses

Pour en revenir directement à votre question, les communautés

membres, en matière d’éducation, de

insulaires hassidiques apportent à leurs membres trois éléments

scolarité, de logement, d’emploi, de

fondamentaux que le monde extérieur n’apporte pas.

ressources financières. Qu’en est-il exactement ? Quel est le niveau d’étude des

Tout d’abord des valeurs qui vont permettre de cheminer dans

gens, quelles sont leurs professions, comment

l’existence. On peut les critiquer, mais elles aident les gens à

se logent-ils, comment gagnent-ils de l’argent

s’orienter tout au long de leur vie. Avec ses valeurs, la

?

communauté religieuse donne du sens à l’existence, alors que, dans le monde laïc, on doit trouver soi-même le sens de sa

SD : Les jeunes reçoivent un enseignement

propre vie, ce qui est à la fois une grande liberté et un puissant

parcellaire et ont une faible culture générale,

fardeau. Jean-Paul Sartre le faisait lui-même remarquer,

puisqu’ils étudient seulement les matières

lorsqu’il écrivait, dans L’Être et le néant : « La liberté est un

religieuses. On ne leur enseigne pas les

fardeau. » J’ai ressenti très fortement, dans le monde laïc, qu’on

matières usuelles qu’on enseigne à l’école, et ils

devait se créer soi-même sa propre liberté. Ce n’est pas

ne poursuivent pas d’études supérieures. Cela

toujours évident.

condamne de fait ces communautés à un repli sur soi et à une assez grande misère financière,

Ensuite, la vie très ritualisée, au sein de ces communautés,

dans la mesure où les membres ne peuvent pas

donne une structure solide au quotidien. On n’a pas besoin de se

exercer à l’extérieur des professions hautement

demander « que vais-je faire aujourd’hui ? » car tant de rituels

qualifiées. Donc les gens se contentent de petits

se succèdent, que cela cadre parfaitement l’existence.

boulots mal payés. Mais tout le monde a un boulot, c’est la force du système.

La troisième chose qu’apporte ces communautés, et qu’on ne trouve pas dans le monde laïc, c’est qu’elles vous font sentir que

La communauté étant, dès le départ,

vous appartenez à un groupe de soutien et d’entraide

désavantagée par rapport à l’extérieur, elle

indéfectibles. Elles sont très fortes pour ça. Dans le monde laïc,

fonctionne sur une économie forcément biaisée

il faut se créer soi-même son groupe, sa communauté, son

et reste tributaire des aides publiques et de

réseau. Certains passent leur vie à chercher leur place dans la

l’État américain. Comme dans tout système

société, c’est parfois douloureux et compliqué pour ceux qui ne

économique déséquilibré, il y a des

trouvent jamais cette plénitude qu’on ressent dans une

malversations pour tenter de rétablir

communauté qui vous soutient, à chaque instant, aussi bien

l’équilibre. Pour fonctionner, la communauté a

psychologiquement que sur le plan matériel. Dans une telle

besoin d’attirer le plus d’aides et de subsides

société, vous savez que vous ne tomberez pas, qu’il y aura

possible et n’hésite pas à s’arranger avec la

toujours quelqu’un pour vous aider.

vérité, dans les formulaires qu’elle remplit pour obtenir ces aides.

JE DRESSE LE CONSTAT IRONIQUE D’UN GRAND PARADOXE : CES COMMUNAUTÉS REPLIÉES SUR ELLES-MÊMES NE POURRAIENT PAS SURVIVRE DANS UN AUTRE MONDE QUE CELUI QU’ELLES ONT DÉCIDÉ DE REJETER. LFC MAGAZINE

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LFC : Si l’on comprend bien, la communauté skver dit refuser tout contact avec le monde extérieur, mais elle se sert paradoxalement de ce monde extérieur pour vivre et subvenir à ses besoins ? DÉCEMBRE 2017


SD : Oui, ce qui rend possible l’insularité de ces communautés hassidiques ultraorthodoxes est qu’elles vivent dans un monde moderne, technologiquement très avancé, qui leur permet d’utiliser ses ressources pour fonctionner en vase clos. Je ne les condamne pas, mais je dresse le constat ironique d’un grand paradoxe : ces communautés repliées sur elles-mêmes ne pourraient pas survivre dans un autre monde que celui qu’elles ont décidé de rejeter. Si on les enlevait de New York, de Jérusalem, de La Haye ou de Montréal et qu’on les mettait sur une île déserte, elles seraient bien obligées de cesser de n’étudier que le Talmud ou la Torah et de s’intéresser à la manière dont on construit un pont, dont on soigne les malades, etc., ce qu’elles ne font pas aujourd’hui car les autres le font pour elles.

MON MARIAGE FORCÉ, AVEC DE SURCROÎT L’OBLIGATION AU BONHEUR DANS MON MÉNAGE, A ÉTÉ L’ÉLÉMENT DÉCLENCHEUR, OU EN TOUT CAS LE PLUS MARQUANT, DANS LA PERTE PROGRESSIVE DE MA FOI. LFC : À 18 ans, vous avez subi un mariage arrangé, forcé, et vous expliquez avoir dû « fabriquer » du bonheur avec votre épouse. Pouvez vous développer ce concept ? Comment fabrique-t-on du bonheur avec une femme que l’on n’a pas choisie et avec laquelle on n’a pas spécialement d’atomes crochus ? SD : En vérité, c’est une question qu’on pourrait tous se poser : comment créer du bonheur ? Et si je savais y répondre, cela arrangerait tout le monde [rires]. J’ai ressenti une double injonction, dans le cadre de mon mariage, et c’est ce qui me l’a rendu pesant et qui m’a donné envie d’en sortir. La LFC MAGAZINE #5

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première injonction venait de moi-même : puisque j’étais marié

LFC : Où en êtes-vous, aujourd’hui, dans votre

de toute façon, il valait mieux que cela se déroule dans la joie,

foi, dans votre rapport à Dieu, dans votre

l’affection, le bonheur. La seconde, et pas la moindre, venait des

rapport à la religion d’une manière générale ?

autorités religieuses et de mes proches, qui souhaitaient que ce couple imposé fonctionne, parce qu’il en allait de l’intérêt de la

SD : Je n’ai plus aucune orientation religieuse et

communauté. Donc on me chargeait d’une responsabilité très

je me considère comme athée. En revanche, je

lourde sur quelque chose que je n’avais pas choisi.

reste très profondément attaché à ma judéité. J’ai fait le tri dans certaines fêtes religieuses.

Mon mariage forcé, avec de surcroît l’obligation au bonheur

J’en honore quelques-unes, de temps en temps,

dans mon ménage, a été l’élément déclencheur, ou en tout cas le

sans être en désaccord avec mes convictions

plus marquant, dans la perte progressive de ma foi.

personnelles. J’en suis arrivé à considérer que les religions sont l’expression d’une identité

LFC : À présent, quel est votre rapport aux femmes et à

culturelle. Une fois ce postulat posé, c’est en

l’amour ? Avez-vous refondé une famille ou envisagez-vous de

toute sérénité que je peux participer à certaines

le faire ?

fêtes et à certains événements religieux qui ne sont que l’expression de mon identité juive, et

SD : Je suis un peu comme tous les quarantenaires New-Yorkais

que je me rends parfois à la synagogue. Je

qui m’entourent, je rencontre des femmes, je tombe amoureux,

participe ainsi à un mythe collectif, et

certaines relations durent plus longtemps que d’autres, rien que

j’apprécie ces moments-là.

de très banal. Et puis je crois que j’ai perdu certaines illusions que j’entretenais au sein de la communauté skver, quand

LFC : Pour conclure, qu’aimeriez vous dire

j’imaginais que les relations sentimentales dans le monde

aux plus jeunes sur les mouvements religieux

extérieur étaient plus simples. En fait, je me rends compte que,

qui interdisent tout esprit critique et tout

pour créer une relation amoureuse stable dans le monde laïc, il

questionnement, au profit d’une dévotion

faut dépenser autant d’énergie que pour fabriquer du bonheur

aveugle et inconditionnelle ? Qu’aimeriez-

chez les skver.

vous dire à vos enfants ?

Quant à refonder une famille, la question ne se pose pas. J’ai 43

SD : Répondre à cette question requiert un

ans, je suis père de cinq enfants et, même si cela ne se passe pas

niveau de sagesse que je ne suis pas certain de

avec eux de la manière dont je le souhaiterais, je me sens

posséder [rires].

profondément père. Par ailleurs, je rencontre des femmes de mon âge qui ont souvent des enfants aussi et qui ne m’en

Je considère le fondamentalisme religieux,

réclament pas. Si cela devait arriver, j’en serais ravi, mais je ne

quelle que soit la religion qu’il prône, comme

le recherche pas absolument.

néfaste et dangereux. Je comprends qu’une

IL EST DE LA RESPONSABILITÉ DE LA SOCIÉTÉ DE FAIRE EN SORTE QUE LA JEUNESSE NE SOIT PAS DÉSORIENTÉE ET NE SENTE PAS SA VIE DÉNUÉE DE SENS, CAR C’EST CELA QUI REND LES JEUNES VULNÉRABLES AUX FAUSSES PROMESSES DES FONDAMENTALISTES RELIGIEUX. LFC MAGAZINE #5

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partie de la jeunesse puisse être tentée par l’expérience, dans le but de remplir un certain vide ou de combler un certain manque, mais il est de la responsabilité de la société de faire en sorte que la jeunesse ne soit pas désorientée et ne sente pas sa vie dénuée de sens, car c’est cela qui rend les jeunes vulnérables aux fausses promesses des fondamentalistes religieux.

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ENTRETIEN EXCLUSIF DE

PRIX MÉDICIS ESSAI 2017


SOPHIE NICHOLLS

PREMIER ROMAN. BEST-SELLER AUTOPUBLIÉ AU ROYAUME-UNI, PLUS DE 160 000 EXEMPLAIRES TRADUIT DANS CINQ LANGUES.

L'ENTRETIEN GET THE LATEST SCOOP ON YOUR FAVE CELEBS

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- L'ENTRETIEN Par Christophe Mangelle et Quentin Haessig Photo : Préludes

Sophie Nicholls a suivi des études de littérature et possède un doctorat en Creative Writing de l’université du Sussex. Elle vit en Angleterre, dans le Yorkshire, avec son compagnon et sa fille. Entretien fleuve avec la romancière pour nous parler de son premier roman "Une robe couleur de vent". LFC : Bonjour Sophie Nicholls, vous publiez votre premier roman, "Une robe couleur de vent". Best-seller auto-publié au RoyaumeUni, il s’est vendu à plus de 160 000 exemplaires. Pouvez-vous raconter à nos lecteurs vos débuts dans l’édition ? SN : J’ai toujours écrit. Ce doit être ma façon de donner un sens au monde qui m’entoure. Enfant, je m’échappais déjà dans l’univers des livres. Je me souviens par exemple avoir trouvé le moyen de caler un livre derrière le robinet de la salle de bains pour pouvoir lire en me brossant les dents. Mon amour pour les histoires s’est ensuite rapidement transformé en passion pour les inventer. Je passais des heures à créer de petits livres, à les assembler, à les remplir de mots, d’images et à en infliger la lecture à ma jeune sœur, la pauvre ! Plus tard, je rêvais de terminer un roman mais, d’une façon ou d’une autre, la vie faisait toujours que… Comme beaucoup

Sophie Nicholls Une robe couleur de vent, Préludes

d’aspirants écrivains, j’ai perdu confiance en mes capacités créatives et je n’ai pas vraiment su dégager un espace-temps dédié à ce travail. Mais, vers la trentaine, l’écriture a de nouveau toqué à ma porte. J’ai œuvré en tant que mentor d’écriture au sein d’un groupe de demandeurs d’asile et de réfugiés. Et j’ai exploré comment le fait de raconter son parcours, ses histoires, peut nous aider à comprendre des souffrances qui paraissent, à première vue, des expériences insignifiantes. Inspirée par cette aventure, je suis retournée à l’université pour entreprendre un doctorat sur les liens entre l’écriture et le bienêtre. J’ai établi un modèle d’utilisation de l’écriture dans le développement personnel et la santé.

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"JE N’AURAIS JAMAIS PU IMAGINER QUE LE LIVRE RENCONTRERAIT UN TEL SUCCÈS." DÉCEMBRE 2017


- L'ENTRETIEN Par Christophe Mangelle Photo : Préludes

Et ce n’est qu’à l’approche de la quarantaine, travaillant alors comme thérapeute et enceinte de ma fille, que l’idée d’Une robe couleur de vent a vraiment commencé à se développer dans mon esprit. Il m’était finalement devenu impossible d’ignorer la voix de Fabia. Je devais raconter son histoire. J’ai auto-publié le roman comme une sorte d’expérimentation. J’étais dans l’urgence, sur le point d’avoir un bébé, j’avais besoin de gagner ma vie en prévision de la première année de mon enfant. À l’époque, le format Kindle commençait à décoller et j’adorais l’idée de pouvoir publier rapidement. Je me suis dit : « Voyons ce qu’il va se passer… » Je n’aurais jamais pu imaginer que le livre rencontrerait un tel succès. J’ai eu beaucoup de chance. LFC : Avant d’écrire, que faisiez-vous ? SN : Mon premier emploi, après l’obtention de mon diplôme universitaire, consistait à collecter des fonds pour une organisation internationale réalisant des projets de développement. J’ai ensuite travaillé pour l’agence Reuters : consultante en formation, je concevais des ressources pédagogiques en ligne. Mon doctorat terminé, j’ai suivi une formation de thérapeute et travaillé six ans dans un cabinet. En parallèle, j’enseignais l’écriture dans plusieurs universités. Je n’ai jamais cessé d’écrire pendant tout ce temps. J’écrirai toujours.

"LA POÉSIE, ELLE M’IMPORTE BEAUCOUP. JE SUIS UNE AMOUREUSE DU LANGAGE ET DE SA PUISSANCE. " LFC : Nous avons lu votre roman et notre sentiment est que vous

Quant à la poésie, elle

proposez un texte empreint de tendresse, de nostalgie, de

m’importe beaucoup. Je

poésie, avec du fond. Qu’en pensez-vous ? Définiriez-vous votre

suis une amoureuse du

roman ainsi ?

langage et de sa puissance. J’écris aussi

SN : C’est très gentil de votre part. Je suis tellement enchantée de voir

bien des poèmes que des

comment les lecteurs se sont emparés du livre… C’est toujours un

romans. Et, en effet, je

émerveillement pour moi de pouvoir créer pendant des mois, des

voulais raconter une

années, tout un monde, des personnages auxquels je m’attache et,

histoire « avec du fond »,

une fois ceux-ci « dehors », révélés au monde, que les lecteurs les

comme vous dites, une

aiment autant que moi… C’est un énorme privilège.

histoire qui traite de l’une

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- L'ENTRETIEN Par Christophe Mangelle Photo : Préludes

des questions, selon moi, majeures de notre époque, celle de l’appartenance. Que cela signifie-t-il vraiment ? Appartenir à un pays, une région, une identité, ou simplement à soi, et ce que l’idée de « maison », du « chez-soi », signifie pour chacun d’entre nous. Et, par ailleurs, même si cela peut sembler terriblement cliché, je voulais vraiment écrire un livre sur le pouvoir de la gentillesse, de la bonté humaine, de l’amitié – particulièrement entre les femmes –, pour surmonter tous les défis. Il s’agit, selon moi, d’une réelle « magie quotidienne », pour reprendre le titre original, Everyday Magic. LFC : Le roman est construit autour des tenues, des accessoires, d’un champ lexical de la couture. Exemple : « Pour la première fois, elle avait la vague impression de filer sa propre histoire, de projeter autour d’elle ses propres couleurs. » Vous aimez la mode ? SN : Je pense que, au-delà de la mode – dont les tendances vont et viennent –, j’ai une passion pour les vêtements. J’ai toujours été fascinée par leur fabrication, les tissus, la façon dont les éléments s’assemblent. Le monde de la couture et des vêtements vintage est aussi très riche en métaphores sur la vie elle-même. Créer une robe, coudre, ressemble beaucoup à la fabrication d’une histoire. Trouver la robe idéale, à la bonne taille, dont la coupe semble faite pour soi, c’est un peu comme se trouver la vie qui nous convient parfaitement.

"LE MONDE DE LA COUTURE ET DES VÊTEMENTS VINTAGE EST AUSSI TRÈS RICHE EN MÉTAPHORES SUR LA VIE ELLE-MÊME. " Les vêtements, les chaussures, les accessoires peuvent nous

LFC : Pouvez-vous nous

transformer, nous donner confiance, nous aider à nous sentir mieux

présenter Fabia et Ella ?

avec nous-mêmes. Et, bien sûr, comme les récits, les beaux vêtements se transmettent de génération en génération, tels des bijoux de

SN : J’espère que les

famille.

lecteurs pourront se reconnaître dans les

Je voulais aussi explorer la relation complexe que les femmes

personnages de Fabia et

entretiennent avec leur propre image et la façon dont le corps est

d’Ella. Je voulais faire de

souvent représenté dans les médias. J’aime à penser que Fabia défie

l’évolution de leur relation

et renverse certains de ces diktats. Elle pressent ce dont les clients ont

mère-fille un aspect

besoin. Elle les aide à se retrouver, se réparer.

absolument central du

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- L'ENTRETIEN Par Christophe Mangelle Photo : Préludes

livre. La dynamique mère-fille est fascinante. Et c’est un sujet qui, étrangement, n’est pas traité aussi souvent qu’il pourrait l’être dans ce qu’on appelle la « fiction féminine ». Fabia est flamboyante et audacieuse à bien des égards, tandis qu’Ella est plus calme et n’aspire qu’à s’intégrer. Pourtant, chacune puise des forces de l’autre. J’ai adoré créer ces deux personnages. LFC : Continuez-vous d’écrire ? Quand pourrons-nous de nouveau vous lire ? SN : Oui, et je ne pense pas m’arrêter un jour. L’histoire de Fabia et d’Ella ne se termine pas avec Une robe couleur de vent. Je ne pouvais pas les abandonner. J’ai suivi leur histoire à travers deux autres livres. Je travaille par ailleurs sur un nouveau roman et, même si je progresse pas à pas, c’est très excitant !

"C’EST UN IMMENSE PLAISIR ET UN PRIVILÈGE DE VOIR MES LIVRES TRADUITS ET MES HISTOIRES PARTAGÉES AVEC LES LECTEURS FRANÇAIS. MERCI BEAUCOUP. " LFC : Merci pour l’entretien, on vous laisse le mot de la fin… SN : C’est très gentil à vous et je voudrais simplement vous remercier du fond du cœur. Je me sens tellement chanceuse de pouvoir être lue. C’est un immense plaisir et un privilège de voir mes livres traduits et mes histoires partagées avec les lecteurs français. Merci beaucoup.

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L'ENTRETIEN

CLARA BEAUDOUX MADELEINE PROJECT

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- L'ENTRETIEN Par Christophe Mangelle Photo : DR, extraits du livre Madeleine Project, Le livre de Poche.

Clara Beaudoux est journaliste. Elle travaille à France Info, a réalisé plusieurs documentaires et depuis deux ans, consacre sa vie au Madeleine project. Mais c'est quoi ce Madeleine Project ? Entretien pour mieux comprendre. C'est original, digital et cet ovni littéraire participe à la mémoire. À la rédaction, on aime, donc on vous en parle ! LFC : Bonjour Clara

LFC : Ce livre existe parce

Beaudoux, quel étonnant,

que vous avez décidé de

émouvant et captivant

tweeter cette histoire.

projet. Racontez-nous

Pour quelles raisons ?

comment est né ce très bel objet littéraire ?

Au début j'ai choisi Twitter parce que c'était un outil que je

CB : Merci. Ce projet est

servais lors de reportages pour décrire ce que je voyais lors de

d'abord né sur Twitter, j'ai

manifestations ou de procès. Il m'a semblé que pour dévoiler des

commencé à y raconter en

objets le format, "une image + une légende", était parfait.

connaissais bien. J'étais alors journaliste à France Info et je m'en

novembre 2015 ce que contenait ma cave. Il s'agissait

Je me suis aussi vite rendu compte que cela permettait un

en fait de toutes les affaires

dialogue en direct avec les internautes. Dès les premiers jours, ils

laissées là par la précédente

ont par exemple pu m'aider à retrouver la fonction de certains

occupante de mon

objets. Tout au long du projet les réseaux sociaux m'ont permis de

appartement : Madeleine. Petit

garder contact avec eux, ils m'ont vraiment portée et donné envie

à petit, en ouvrant les boîtes,

de continuer.

j'ai découvert des fragments de la vie de Madeleine, qui mis

J'aimais également l'idée de détourner un peu l'usage de Twitter

bout à bout me permettaient

très instantané et éphémère, pour y raconter quelque chose au

de reconstituer son portrait.

temps long, des choses passées et pleines de poussière. C'est aussi

J'ai ensuite continué mes

un outil qui m'a permis d'utiliser tous les médias (son, image,

recherches en dehors de la

vidéo) toute seule et de manière "légère". Enfin, j'ai l'impression

cave, à la rencontre des gens

que cette accumulation de tweets correspond bien à

ou des lieux qu'elle aimait.

l'accumulation des fragments présents dans la cave.

"CE PROJET EST D'ABORD NÉ SUR TWITTER, J'AI COMMENCÉ À Y RACONTER EN NOVEMBRE 2015 CE QUE CONTENAIT MA CAVE. IL S'AGISSAIT EN FAIT DE TOUTES LES AFFAIRES LAISSÉES LÀ PAR LA PRÉCÉDENTE OCCUPANTE DE MON APPARTEMENT : MADELEINE. " LFC MAGAZINE #5

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"CE PROJET PEUT VRAIMENT RASSEMBLER LES GÉNÉRATIONS, CAR IL A À LA FOIS UNE FORME TRÈS MODERNE, ET UN FOND PLUS HISTORIQUE. "

Clara Beaudoux, Madeleine Project, Le livre de Poche.

LFC : À qui adressez-vous ce livre 2.0 ? CB : Ce sont les Éditions du Sous-Sol qui m'ont d'abord proposé d'imprimer ce "tweet documentaire" en livre papier, pour les saisons 1 et 2. Le Livre de Poche publie désormais l'intégrale. Face à la volatilité des traces numériques, j'aime l'idée de garder une trace et une mémoire physique, sur papier, de ce projet. J'aime aussi le côté expérimental de la chose. Et puis bien sûr cela permet de faire découvrir cette histoire à toutes celles et ceux qui ne sont pas sur les réseaux sociaux ! Ce livre s'adresse à tout le monde, je pense que ce projet peut vraiment rassembler les générations, car il a à la fois une forme très moderne, et un fond plus historique.

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lara dearman LA GRIFFE DU DIABLE ENTRETIEN EXCLUSIF


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INTERVIEW

LARA DEARMAN UNE NOUVELLE PLUME PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET QUENTIN HAESSIG PHOTO : DR LA BÊTE NOIRE

Le premier roman de Lara Dearman, La Griffe du diable, se situe au cœur des îles anglonormandes. Un polar avec des serial killers qui vont donner du fil à retordre à Jennifer Dorey . Bientôt adapté en série TV. En attendant, le livre est actuellement en librairie (la Bête Noire) et on en parle tout de suite avec Lara Dearman.

LFC : Bonjour Lara Dearman, vous situez votre roman au cœur des îles anglo-normandes. Pourquoi ce choix de l’île de Guernesey ? Avezvous déjà visité l’île ? LD : Je suis une vraie « Guern », c'est le terme pour un vrai local. Mes parents sont originaires de l'île, tout comme leurs parents et leurs parents avant eux. J’y ai vécu jusqu'à l'âge de vingt ans. C'était un endroit idyllique pour grandir. De beaux paysages entourés de plages et surtout un endroit très sûr, les gens ne ferment pas leurs portes en sortant de chez eux. En tant qu'enfant, j'explorais l'île à vélo, en visitant plusieurs des endroits dont je parle

dans le livre. Comme j’y ai vécu longtemps, j'ai voulu revisiter tout cela dans mon roman, montrer aux lecteurs à quel point l'île est particulière, son paysage, ses habitants et sa riche histoire. LFC : Pouvez-vous s’il vous plait nous présenter votre personnage principal Jennifer Dorey, journaliste ? LD : Jennifer Dorey est une jeune femme qui travaille comme journaliste indépendante à Londres. Elle a une relation compliquée avec la maison qu’elle a sur l’île. À la fois, car elle est toute petite, mais aussi, car elle s’y sent en sécurité. Après la mort de son père, et après avoir subi une agression violente en enquêtant sur une histoire, elle rentre chez elle à Guernesey et décroche un travail au journal local. Lorsque le corps d'une adolescente, Amanda Guille, apparaît sur une plage, Jenny prend les choses en main et se rend rapidement compte qu'il y a plus que la mort d'Amanda. Ce que la police suspecte. Dans ce livre, j'ai essayé de montrer que


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INTERVIEW

J’espère que cela donnera envie aux lecteurs de visiter l'île, même s’ils devront se méfier des ombres qui rôdent... ce que nous présentons au monde extérieur n'est pas toujours le reflet de ce que nous sommes réellement. Jennifer est courageuse malgré ses peurs, forte malgré son anxiété, mais de temps en temps, elle a besoin d'un coup de main, de ses amis, de ses collègues et de sa mère. Elle grandit au fur et à mesure de l’histoire et réalise qu'elle est emportée dans un mystère qui est plus sombre et plus troublant que tout ce qu'elle a connu auparavant. LFC : Et il y a aussi l’inspecteur Mickael qui collabore avec elle à l’enquête. Ditesnous en plus sur lui. LD : L’inspecteur en chef Mickael Gilbert est un officier sur le point de prendre sa retraite. Il a vécu une tragédie dans sa vie : la mort d’une de ses filles et un divorce. Il a sombré dans l'alcoolisme et a évité une crise cardiaque presque fatale. Au moment où nous le rencontrons cependant, il est réformé. Il a trouvé de l’aide auprès de Dieu et du réconfort auprès de ses amis de l’église. Il essaye d'être le meilleur détective possible. Bien que Mickael soit initialement convaincu que la mort d'Amanda soit un accident, il se rapproche rapidement du point de vue de Jenny. Ils décident donc de travailler ensemble pour traquer le tueur. Ils entretiennent une relation père/fille et tous les deux grandissent en s'appuyant sur le soutien et l'amitié de l’un et de l’autre.

LFC : Vous parlez des malédictions de l'île, ses sortilèges… Quelles sont vos sources ? LD : Ma première source c'est mon père. Lorsque j’étais enfant, nous visitions les monuments de l’île : La Table des Pions, les Dolmens préhistoriques qui sont nombreux sur l'île, les bunkers en béton abandonnés après des années d'occupation nazie. Il y aurait une histoire à raconter sur chacun. Les hantises, la sorcellerie et le culte du diable étaient tous répandus à Guernesey selon mon père. Ces histoires sont restées avec moi et beaucoup d'entre elles sont dans mon livre. Mon autre source est le livre qui est mentionné dans le roman : « Guernsey Folklore » d'Edgar MacCulloch. J’ai une édition de ce livre, il est plein de légendes et de folklore. J'ai vérifié plusieurs histoires de mon père pour m'assurer qu’elles étaient bonnes ! LFC : Votre roman est un roman d’atmosphère, il y a beaucoup de mystère. Que pensez-vous de ce ressenti de lecture ? LD : J'espère que le lecteur sera d'abord entraîné dans le mystère de ce livre, mais aussi dans l'atmosphère sombre de l'île. Je pense que pour beaucoup de gens Guernesey est connu comme un paradis fiscal, ou un lieu touristique. Dans ce livre, je voulais montrer un endroit différent, avec son histoire et sa culture unique, un paysage qui abrite à la fois des plages ensoleillées et de sombres secrets. J’espère que cela donnera envie aux lecteurs de visiter l'île, même s’ils devront se méfier des ombres qui rôdent...


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david young STASI BLOCK ENTRETIEN EXCLUSIF


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INTERVIEW

DAVID YOUNG PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET QUENTIN HAESSIG PHOTO : DR

Entretien passionnant avec David Young qui nous parle de ces deux premiers thrillers : Stasi Child et Stasi Block (l'un en version poche chez 10/18 et l'autre en grand format chez Fleuve Éditions). LFC : Bonjour David Young, vous situez votre roman à Berlin en 1975. Pourquoi ce choix ? Expliquez-nous ! DY : L’idée du décor en Allemagne de l'Est m'est venue après qu'un groupe de musique indépendant que j'ai lancé a organisé une tournée en Allemagne en 2008. La plupart des endroits qui nous ont été réservés étaient à l’Est et vous pouviez toujours voir et ressentir l’ambiance de la RDA. J'ai développé l'idée lors d'un cours en écriture créative et sur l'ouverture de mon premier livre, « Stasi Child » (qui se passait à Berlin-Est). Cela a été un vrai exercice de description que j'ai expérimenté dans le

roman. Le deuxième livre, « Stasi Block », est en réalité situé à Halle-Neustadt, une nouvelle ville de la RDA, composée de rangées et de rangées d'immeubles. Cela était censé être une ville socialiste idéale, où la plupart des rues n'avaient pas de noms. Les adresses n'étaient qu'une série de chiffres. Je l'ai traversé en faisant des recherches sur « Stasi Child » et j'ai pensé que ce serait un bon endroit pour mettre en scène un roman policier. Quant à l’année 1975, je voulais placer l’histoire dans une année où la RDA était encore relativement stable et laisser suffisamment de temps pour écrire d'autres romans avant son effondrement. LFC : Karin Müller et son adjoint Werner Tilsner sont tous les deux en couple, et pourtant, au début du livre, ils se réveillent l’un à côté de l’autre dans le même lit. Comment est née cette drôle d’idée dans votre esprit ? DY : C'est en fait le début de "Stasi Child", mon premier roman. Je pense que je les ai d'abord fait s’endormir dans le bureau après une soirée un peu arrosée,


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INTERVIEW

Je pense qu’ils ont du succès auprès des fans de romans d'espionnage, mais je les décris comme des thrillers criminels : ils sont un hybride de policier/historique /aventure avec un peu d'espionnage pour faire bon genre. et puis finalement j'ai décidé que c'était un peu ennuyeux. Tilsner n'apparaît pas réellement au début de « Stasi Block », il n'arrive qu'à mi-chemin. Pourquoi ? Car à la fin de « Stasi Child »... Je ferais mieux de ne pas dire ce que c'est, sinon cela pourrait gâcher la fin du livre, pour ceux qui ne l’ont pas encore lu ! LFC : Pouvez-vous s’il vous plait nous présenter vos deux personnages : Karen et Werner ? DY : Karin Müller est lieutenant dans la division criminelle de la police populaire de la RDA et chef d'une petite escouade dans le centre-est de Berlin. Elle est la seule femme chef d'une équipe et aussi la plus jeune. Au début de « Stasi Block », elle est envoyée à Halle-Neustadt pour mener une enquête sur des bébés jumeaux qui ont disparu de l'hôpital local. Werner Tilsner est son adjoint,

mais Karin soupçonne également qu'il pourrait être un informateur officieux de la Stasi. Karin croit en général au socialisme, bien qu'elle en méprise certaines méthodes. Werner est un opérateur et un farceur. En anglais, nous le décririons comme un type « Jack the Lad » (une sorte de bad boy). Il fait avancer les choses et ne se soucie pas vraiment de la manière. Ils ont une relation amour/haine et sont attirés l'un par l'autre, mais ils savent que cela ne marchera jamais entre eux. LFC : Votre roman est un très bon roman d’espionnage. Êtes-vous d'accord ? Le voyez-vous comme un roman d’espionnage, comme nous ? DY : Il y a de l'espionnage - au sens domestique dans « Stasi Child » et « Stasi Block », mais ce ne sont pas des romans d'espionnage traditionnels comme ceux qui se déroulent pendant la Guerre Froide. Dans les deux livres, la plupart des actions se déroulent en RDA. Je pense donc qu’ils ont du succès auprès des fans de romans d'espionnage, mais je les décris comme des thrillers criminels : ils sont un hybride de policier/historique /aventure avec un peu d'espionnage pour faire bon genre. Je pense que ce sont leurs forces, mais certains peuvent voir cela comme une faiblesse. En Espagne, ils semblent convaincus que je fais partie d'un nouveau genre totalitaire noir.


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INTERVIEW

La série au Royaume-Uni est un peu en avance sur la version française. Ainsi, le troisième livre « A Darker State » sortira en février 2018. LFC : Travaillez-vous déjà sur votre prochain livre ? DY : La série au Royaume-Uni est un peu en avance sur la version française. Ainsi, le troisième livre « A Darker State » sortira en février 2018. Il se situe dans la partie orientale de la RDA, à la frontière avec la Pologne, et parle d'expériences médicales secrètes basées sur des recherches réelles en Allemagne de l'Est. Il y aura un peu plus d'espionnage. Je viens de terminer le premier brouillon du quatrième livre intitulé « The Barn », basé sur un massacre durant la

Deuxième Guerre mondiale. J'en ai extrapolé les conséquences dans un conte de crime estallemand, que j'ai juxtaposé avec un récit à la première personne d'un survivant français du camp de Mittelbau-Dora. Je suis donc sur le point de commencer à faire des recherches sur le cinquième livre situé sur la côte de la mer Baltique dans le cadre de l'événement « Catastrophe Winter » de 1978/1979. Irma de « Stasi Child » va réapparaître, ce sera l'authentique « Stasi Child 2 » ! Et comme si cela ne suffisait pas, j'écris une nouvelle série japonaise avec un détective japonais et une jeune Anglaise travaillant pour un journal de Tokyo.

J'écris une nouvelle série japonaise avec un détective japonais et une jeune Anglaise travaillant pour un journal de Tokyo.


LFC MAGAZINE #5 DÉCEMBRE 2017

M A X I M E C H A T T A M

LE MAÎTRE DU THRILLER FRANÇAIS

7 MILLIONS D'EXEMPLAIRES VENDUS EN FRANCE ET TRADUIT DANS UNE VINGTAINE DE PAYS

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M A X I M E

C H A T T A M

Fort d'un lectorat d'une fidélité indéfectible, Maxime Chattam s’est imposé comme le maître du thriller français avec plus de 7 millions d’exemplaires vendus en France et traduit dans une vingtaine de pays. L’appel du néant est son nouveau roman dans lequel il évoque le terrorisme dans notre pays. Nous vous proposons cet entretien-fleuve avec un romancier qui propose à chaque fois un divertissement efficace conjugué à une réflexion sur notre société. Intelligent et plaisant.

LFC : Maxime Chattam, nous nous rencontrons aujourd’hui pour parler du troisième tome de votre série sur Ludivine Vancker. Confirmez-vous la fin PAR

de la trilogie ?

CHRISTOPHE MANGELLE, CÉDRIC ADAM ET QUENTIN HAESSIG PHOTOS : JEAN-FRANÇOIS ROBERT

MC : C’est vrai que cette série sur Ludivine Vancker a été décrite comme une trilogie, mais pour être précis ce n’en est pas forcément une. C’est plutôt la suite des aventures de Ludivine qui était l’héroïne des romans précédents. Finalement, cela me permet de la faire évoluer ainsi que les autres personnages. C’est une nouvelle histoire policière qui pour moi est un prétexte pour parler d’autres choses. C’est ma marque de fabrique. Mes romans sont une collision entre une idée que j’ai et qui va permettre d’illustrer une réflexion du monde dans lequel nous vivons. LFC : C’est le troisième livre où le lecteur peut renouer avec le personnage de Ludivine. Rassurez-nous, si les lecteurs n’ont pas lu les deux livres précédents, peuvent-ils lire celui-ci ?

UN BON THRILLER, CE N’EST PAS JUSTE DU DIVERTISSEMENT. CERTES, C’EST L’OBJECTIF PREMIER, MAIS SI LE LECTEUR PEUT S’ARRÊTER ET SE QUESTIONNER, C’EST ENCORE MIEUX.


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J’ESSAYE TOUJOURS DE FAIRE EN SORTE QUE MES LIVRES SOIENT UNE FICTION QUI REPOSE SUR DES ÉLÉMENTS DE LA RÉALITÉ MAXIME CHATTAM

MC : Oui, c’est un livre que les lecteurs peuvent lire

LFC : Pourquoi cela vous tient-il à cœur d’aller sur le

indépendamment des autres. Il s’agit d’une enquête

terrain ?

différente. Quand j’écris, j’essaye de penser à cela aussi. Cependant, je ne peux pas faire comme si rien ne s’était

MC : J’essaye toujours de faire en sorte que mes livres

passé, il y a des références et des petits clins d’œil. Je

soient une fiction qui repose sur des éléments de la

m’applique quand même de ne pas trop en dévoiler.

réalité : que ce soit des lieux, des disciplines scientifiques, des procédures d’enquêtes. Tout est vrai

LFC : Vous proposez un livre avec plusieurs lectures. Qu’en

sauf l’histoire en fait. Je me suis rendu compte qu’il y a le

dites-vous ?

livre que l’on s’imagine, mais qui, confronté à la réalité, se densifie, s’intensifie. J’ai travaillé sur l’hypothèse de ce

MC : Oui, toujours. Un bon thriller, ce n’est pas juste du

qui pourrait se passer en France en matière de

divertissement. Certes, c’est l’objectif premier, mais si le

terrorisme. J’avais écrit deux cents pages quand les

lecteur peut s’arrêter et se questionner, c’est encore mieux.

attentats de Charlie Hebdo ont eu lieu. Mon histoire

Lorsque l’on écrit un roman sur le terrorisme, on doit se

était très proche de l’attentat, car elle parlait de prise

demander pourquoi l’auteur a voulu parler de ce thème en

d’otages. Comme tout le monde, j’étais sous le choc. Je

particulier. Il s’agit de se poser les bonnes questions.

n’avais plus envie de réfléchir à ce sujet et j’ai mis beaucoup de temps avant d’y revenir. Cette histoire était

LFC : On vous connaît depuis des années, vous êtes un

devenue trop réelle. J’ai donc envisagé d’autres

expert en criminologie. Dans ce livre, pourquoi avez-vous

hypothèses. J’ai pensé à une salle de concert qui se

choisi le thème du terrorisme ?

faisait attaquer par un groupe de terroristes. Quelques mois plus tard, les attentats au Bataclan ont eu lieu. J’ai

MC : La première fois que j’ai commencé à écrire sur le

jeté le manuscrit. J’ai mis encore plus de temps à

terrorisme, c’était en 2010. J’avais quelque chose en tête,

retrouver un thème sur lequel écrire, j’avais l’impression

avec Al Qaïda et ce qui s’était passé le onze septembre à

d’être maudit. Puis, L’appel du néant a commencé à voir

New York… Je trouvais que c’était quelque chose qui allait

le jour. Je pars d’une hypothèse plausible et je pousse le

au-delà du terrorisme. Cela m’a mené à une réflexion

curseur un petit peu plus loin, à la manière d’une série

persistante et j’ai eu envie d’écrire sur le sujet. En 2011, je

américaine.

suis parti au Liban. Je voulais quelque chose de plus proche de l’Europe, de plus ancré avec le Hezbollah notamment. J’ai

LFC : Comment avez-vous travaillé le thème du

donc commencé à me documenter. J’ai rencontré des gens

terrorisme ? Comment avez-vous réussi à vous mettre

de cette organisation et c’est à ce moment-là que je me suis

dans la tête de ces personnes que vous ne décrivez pas

lancé dans l’écriture de ce livre.

comme des monstres ?


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MC : Ce qui m’intéressait avec le thème du terrorisme, c’était de comprendre l’être humain. Ce sont des gens normaux à la base. Comment un individu bascule-t-il dans l’envie de faire du mal à une autre personne ? Je ne voulais pas faire quelque chose de psychique et tout remettre en question. Je souhaitais montrer les différents rôles. Je m’explique. Il y a l’exécutant sur le terrain, souvent le moins cultivé, et il y a ceux audessus de la pyramide, qui sont raisonnés, intelligents et même parfois brillants intellectuellement. Comment en est-on arrivé là ? Je me suis immergé dans ce monde. LFC : Ce thème vous a tellement intéressé que vous avez décidé d’en faire un livre. Vous auriez très bien pu être concerné sans pour autant en écrire un livre. Qu’en pensez-vous ? MC : Oui, j’aurais pu. En tant que romancier, je suis observateur. C’est mon quotidien, j’observe les gens, la nature. Et parfois, j’ai envie de creuser certains thèmes. En tant qu’écrivain de thriller, mon but est de comprendre le mal. Je mets de côté l’aspect du diable ou de la religion, cela n’est pas ce qui m’intéresse. Le mal existe-t-il ? L’homme porte-t-il en lui les graines du mal ? Qu’est-ce que le mal ? J’essaye d’apporter une définition et un éclairage différent à chaque livre. Et tout cela est lié au terrorisme. LFC : Pouvez-vous nous parler de Ludivine Vancker ? MC : Dans ce livre, Ludivine Vancker a décidé de s’ouvrir, de casser l’armure et de se poser les bonnes questions. Elle n’accepte plus de se comporter comme

MAXIME

elle le faisait auparavant. La souffrance fait partie de la vie et elle doit l’accepter, surtout dans son métier. Le

CHATTAM JE SUIS OBSERVATEUR. C'EST MON QUOTIDIEN. J'OBSERVE LES GENS, LA NATURE.

roman permet de mettre en avant les oppositions qui existent entre deux civilisations différentes.


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LA FIDÉLITÉ DE MES LECTEURS, C’EST QUELQUE CHOSE D’ASSEZ MYSTÉRIEUX. PARFOIS DANS UNE HISTOIRE, IL Y A UNE PART DE MYSTÈRE QUE L’ON NE PEUT PAS EXPLIQUER. JE M’ACCROCHE À CELA. MAXIME CHATTAM

LFC : L’appel du néant, c’est le titre de votre livre. Pouvez-vous nous en dire un petit peu plus ? MC : J’ai mis du temps à le trouver. J’ai longtemps hésité. Clairement, la promesse faite aux terroristes, c’est le néant. La mort, c’est le néant. Quand ils détruisent tout autour d’eux, finalement, c’est le néant qu’ils ont été auparavant. Je crois que c’est un bon titre. Quant au dessin sur la couverture, l’idée était de garder la même thématique que j’avais utilisée sur les livres précédents. Il fallait un dessin mystique et je trouve qu’un crâne symbolise l’humanité. Le premier livre était bleu, le deuxième était rouge et le troisième vert, car c'est la couleur de l'Islam. Je ne veux pas que ce soit pris comme une charge contre l'islam. Je précise que les premières victimes du terrorisme sont des musulmans. Tout est balisé, tout est calibré et je me bats justement contre les amalgames. Je suis content qu’on parle de la couverture, c’est la première fois en un mois que l’on me pose la question, c’est important de le souligner. Je suis très impliqué dans la construction du livre. Les couvertures de mes livres ont un vrai sens. LFC : Pouvez-vous nous parler de l’adaptation de vos livres à l’écran, il n’y en a pas encore eu ? MC : Il n’y en a pas encore eu, car les trois quarts du temps, j’ai dû refuser. J’ai la chance de ne pas avoir besoin seulement d’un chèque. Je préfère dire oui s’il y a une volonté commune de faire quelque chose de pertinent. Les propositions que j’ai eues étaient plus du genre : on te fait un gros chèque et on s’occupe de tout. Pas très rassurant. Tout est une question de confiance, de motivation et de vision artistique. Dans un livre, je suis libre, je fais ce que je veux, mais je suis le plus mal placé pour adapter mon propre livre. Sur mes vingt-trois romans, il y a seulement deux options que j’ai acceptées. Ce n’est pas parce que je n’ai pas envie, mais j’ai besoin d’être séduit. Si je prends l’exemple de Shining de Kubrick, c’est un film formidable et le roman l’est tout autant. Cependant quand vous regardez les deux, ce n’est pas la même version, car Kubrick a su prendre ce qu’il y avait de mieux dans ce livre et a apporté sa vision artistique. Oui, il a fait des trahisons… Mais de belles trahisons ! (rires) LFC : Vos lecteurs vous suivent depuis maintenant très longtemps. Comment expliquez-vous cet engouement ? MC : C’est quelque chose d’assez mystérieux. Parfois dans une histoire, il y a une part de mystère que l’on ne peut pas expliquer. Je m’accroche à cela. Lorsque j’ai écrit L’autre monde, un livre pour la jeunesse, je ne savais pas si cela marcherait et pourtant cela a été un succès. Je ne sais pas comment l’expliquer, mes lecteurs me surprendront toujours.


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L A

P R O M E S S E

T E R R O R I S T E S ,

L A

M O R T ,

F A I T E

C ’ E S T

C ’ E S T

L E

L E

N É A N T .

N É A N T .

L'APPEL DU NÉANT \\ ALBIN MICHEL

MAXIME CHATTAM

A U X


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LFC MAGAZINE #5 DÉCEMBRE 2017

K A T H E R I N E P A N C O L UNE COMÉDIE HUMAINE PÉTILLANTE

UN DES PLUS GRANDS PHÉNOMÈNES D'ÉDITION DES DIX DERNIÈRES ANNÉES EN FRANCE (PLUS DE 6 MILLIONS D'EXEMPLAIRES VENDUS !) ET DANS LE MONDE (ELLE EST TRADUITE DANS 29 PAYS DONT LES ETATS-UNIS).


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K A T H E R I N E

P A N C O L

Katherine Pancol nous fait l'honneur de répondre à nos questions. Elle poursuit sa saga avec la publication de son nouveau roman Trois baisers (Albin Michel) après deux trilogies dont les lectrices et les lecteurs se sont délectés avec gourmandise. Entretien. LFC : Bonjour Katherine Pancol, trois ans après Muchachas, vous proposez en librairie Trois baisers. Nous avons le plaisir de retrouver tous vos personnages. Visiblement, vous n’aviez pas encore tout dit. Pensiez-vous écrire autant de livres en leur compagnie ? KP : Pas du tout ! Quand j'ai terminé Les yeux jaunes des crocodiles, je pensais que les personnages allaient partir comme ils le font toujours à la fin d'un PAR

roman. Ils s'effacent et je les oublie. Et puis ils sont revenus. Sans que je m'en

CHRISTOPHE MANGELLE,

aperçoive. Je me posais sans cesse des questions à leur sujet et me

PHOTOS : SYLVIE LANCRENON

demandais ce qu'ils devenaient… LFC : Vous êtes une des rares romancières qui parvient à fidéliser un lectorat fort autour de vos livres alors que vous proposez beaucoup de personnages : six familles, 43 personnages. Comment faites-vous pour vous y retrouver et parvenir à ne jamais perdre le lecteur ? KP : Les personnages font partie de ma famille. Ils vivent avec moi, grandissent avec moi, espèrent, rient, pleurent avec moi. Ils sont comme mes enfants. Je n'ai pas besoin d'arbre généalogique pour m'y retrouver. Je les connais par cœur. Et donc je dois sans m'en apercevoir contaminer les lecteurs !

LES PERSONNAGES FONT PARTIE DE MA FAMILLE. ILS VIVENT AVEC MOI, GRANDISSENT AVEC MOI, ESPÈRENT, RIENT, PLEURENT AVEC MOI. ILS SONT COMME MES ENFANTS.


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LFC : Vous avez connu votre premier succès en 1979 à l’âge de 25 ans avec Moi d’abord qui s’est vendu à 300 000 exemplaires. Des années, plus tard, ça recommence. Quelle relation entretenez-vous avec le succès ? KP : Je le pose loin de moi, très loin. Je le tiens à distance. Je ne veux pas qu'il me change. Je veux continuer à vivre avec la même curiosité, le même appétit, le même enthousiasme. Le succès, si on n'y prend pas garde, isole, assèche, stérilise. LFC : Pour quelles raisons les lectrices vous sont-elles si fidèles ? KP : Les lectrices et les lecteurs ! (Parce que j'ai des lecteurs aussi. Ils ne viennent pas dans les librairies faire signer leur livre, mais ils m'écrivent des mails). Revenons à votre question… Je raconte des histoires. Je les tiens en haleine. Comme dans les contes des mille et une nuits. Et ils finissent comme moi par être attachés aux personnages. Il n'y a pas de recette, vous savez. LFC : Trois baisers, comme les autres livres, présentent de nombreux personnages dans des lieux différents : le milieu rural dans la petite ville de Saint Chaland, mais aussi

KATHERINE

Paris, New York, Londres, etc. À chaque fois qu’on termine un de vos livres, on se dit qu’il y a toute notre époque dans vos livres.

PANCOL QUAND J'ÉCRIS, JE PHOTOGRAPHIE DE NOTRE ÉPOQUE, DE SUIS UN REPORTER CONTEMPORAINE !

Qu’en pensez-vous ? FAIS UNE NOTRE TEMPS, DE NOTRE SOCIÉTÉ. JE DE LA VIE


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KP : Quand j'écris, je fais une photographie de notre temps, de notre époque, de notre société. Je suis un reporter de la vie contemporaine ! LFC : Faites-vous un travail de recherches, d’enquêtes, pour écrire vos romans ? KP : Je fais un énorme travail d'enquête. Pour Hortense, j'ai assisté à de nombreux défilés de jeunes créateurs, j'ai été conseillée par Jean-Jacques Picart (l'homme qui a lancé Christian Lacroix). Il aide des jeunes à démarrer dans la mode. Il m'a raconté comment cela se passait, m'a donné des adresses de fabricants, des téléphones de jeunes stylistes. J'ai passé du temps avec tous ces gens, je leur ai piqué de nombreux de détails. Idem pour le monde de la ferraille, l'univers de la musique, du Moyen-Âge, etc. LFC : De quoi nourrissez-vous votre imaginaire ? KP : De la vie de tous les jours. De mes voyages. De ce que je vois, de ce que j'entends dans les cafés, les bus, les métros. De ce que je lis dans les journaux. Vous soulevez la réalité et vous trouvez une histoire… Rosselini disait : Les choses sont là, pourquoi les inventer ? LFC : Quel message adressez-vous à vos lectrices ? KP : Aucun ! Proust disait qu'un roman qui exposait des idées ou une théorie était comme un cadeau sur lequel on aurait laissé le prix. Et il avait bien raison !


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P R O U S T Q U I

E X P O S A I T

U N E U N

T H É O R I E

C A D E A U

A U R A I T I L

D I S A I T

Q U ' U N D E S

L A I S S É

A V A I T

I D É E S

É T A I T

S U R

B I E N

R O M A N

C O M M E

L E Q U E L L E

P R I X .

R A I S O N

TROIS BAISERS \\ ALBIN MICHEL

KATHERINE PANCOL

O U

O N E T !


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L'ENTRETIEN

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véronique olmi

PRIX ROMAN FNAC 2017


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INTERVIEW

VÉRONIQUE OLMI PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET CÉDRIC ADAM PHOTOS : ASTRID DI CROLLALANZA

Bakhita a eu des effets positifs sur moi. Elle m'a fait réfléchir sur ma propre vie et notre société. Elle m'a aussi permis de découvrir le monde. Pour moi, on peut la décrire en trois mots : la joie, la gratitude et le pardon. Véronique Olmi est une romancière que nous avons eu la chance de rencontrer plusieurs fois pour parler de ses livres. 2017, c'est son année : prix du roman FNAC avec Bakhita, elle est en tête des ventes de romans depuis quelques mois. Entretien inédit. LFC : Véronique Olmi, votre actualité, c'est votre roman, Bakhita, qui a fait de vous la lauréate du prix du roman Fnac 2017. Pouvez-vous nous en parler ? VO : C'est ma plus belle rentrée littéraire et c'est vrai que c'est un roman un peu à part dans ma bibliographie. D'une part, il s'agit de l'histoire d'une personne qui a existé. Mais surtout la vraie nouveauté pour moi, c'était l'amplitude du roman qui résume les 78 ans de cette femme qui va traverser les continents, les guerres, etc. LFC : Pouvez-vous nous parler de votre rencontre avec Joséphine Bakhita ?

VO : Tout à fait par hasard, elle a eu lieu dans la petite église Saint-Jean-Baptiste de Langeais, en Touraine (37), dont elle est la patronne. C’est comme un coup de foudre. LFC : Vous pouvez nous en dire plus à propos de ce coup de foudre… VO : Il y avait écrit sur des portraits de l'église que Bakhita n'est pas son vrai prénom, car elle-même ne s'en souvenait plus. Il était décrit soixante-dix-huit années de sa vie, mais avec des mots tellement forts comme esclavage, guerre... Je ne comprenais pas comment sans connaître un tel fondement de son identité, on pouvait avoir un parcours hors du commun. En partant à la recherche de Bakhita, je suis partie à la recherche de ce fameux parcours. LFC : En tant que romancière, comment avez-vous travaillé pour mêler la vie de Bakhita à votre roman ? VO : Je me suis imprégnée durant des mois de nombreux récits, de témoignages et de


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romans pour mieux les oublier après. À titre comparatif, c'est un peu quand on sort de l'eau, il ne reste que quelques gouttes. Mais ces goutteslà, elles vont être réelles. Ce que je découvrais m’anéantissait. Mais je voulais traiter uniquement ce qu’elle avait témoigné. Tous les épisodes qui l'accompagnent quand elle est esclave dans les caravanes, j’en ai parlé. Je ne voulais pas la modifier et greffer une partie d’elle. Cette femme est autre chose, il y a l’esclave et à l'intérieur de celui-ci, il y a la part irréductible d'humanité. Ce livre n'est pas un bilan sur l'ensemble de l'esclavage. Il raconte uniquement la vie de Bakhita. LFC : L’écriture de ce roman vous a-t-elle remué ? VO : Bien sûr. Mais je me disais : tu l'écris, elle l'a vécu. Et cela remettait les choses dans leurs justes perspectives. Comme romancière, je dois être dans l'empathie. Mais quand je finissais d'écrire, j'allais rejoindre mes proches et retrouver mon confort. LFC : Après avoir écrit ce livre, que retenez-vous de touchant ?

INTERVIEW

VO : Honnêtement... Ce sont les avis de certaines personnes lors de mes séances de signatures qui m'ont dit : je n'oublierai jamais votre bouquin, c'est celui de ma vie. LFC : En travaillant sur son histoire, à quel moment avez-vous senti qu’il s’agit d’une femme puissante ? VO : Sa force m'échappe et pourtant, elle transparaît dans le livre. Au début de mon récit, je me sentais un peu illégitime. Toi, qui est une blanche européenne, d'où tu parles ? La beauté de la littérature fait qu’elle peut nous inviter à nous interroger. Bakhita a eu des effets positifs sur moi. Elle m'a fait réfléchir sur ma propre vie et notre société. Elle m'a aussi permis de découvrir le monde. Pour moi, on peut la décrire en trois mots : la joie, la gratitude et le pardon. LFC : Ce livre, c'est les combats du monde à travers le regard d’une femme ? VO : Oui et je dirais même d'une femme noire, parce que Bakhita née noire et cela ne pose


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aucun problème jusqu'à son enlèvement à ses 7 ans. Elle devient un objet de beauté exploité, puis elle finit par devenir un objet de terreur, de propagande et enfin d'idolâtrie. C'est-à-dire que ce corps-là ne peut jamais être libre parce qu'il est noir. LFC : Cette année, vous êtes l’heureuse lauréate du prix du roman Fnac, un prix prestigieux. Quelles sont vos impressions ? VO : C’est un grand plaisir ! C'est comme une pierre qui est posée et qui donne un élan au livre. C'est avant tout un prix qui arrive très tôt et qui m’a permis de me rassurer. LFC : Que penseriez-vous d'une adaptation au cinéma ? VO : Il faudrait que ce soit extrêmement bien fait. Il faut parler de toutes les offenses qu'elle a subies, comme les viols qu'elle a vécus et gardés secret par honte afin de paraître vierge auprès de l'église. Le

INTERVIEW

lau cinéma serait où placer la caméra pour montrer ce corps offensé, torturé, tatoué et violé. Je pense qu'il serait très délicat de capturer autant cette souffrance au cinéma. LFC : Vous êtes aussi une femme de théâtre et votre représentation sur une lecture de Bakhita n'a eu lieu qu'une seule fois ? VO : C’est ce que je voulais. Je n'ai pas fait de diffusion ou de pub. Évidemment, j'ai aimé voir la salle complète. Mais j'ai surtout souhaité que cela se fasse une seule fois, et qu'on ne renouvelle pas la lecture sur scène. Pour l’instant, je refuse d'en faire une adaptation théâtrale. Pour le moment, c'est l'instant du livre et je tiens à l'entretenir. Je préfère me laisser porter et je me dis que tout ce qu'il se passe avec Bakhita, c'est tout ce dont je n'étais pas préparée.


VENDÉE GLOBE

LFC MAGAZINE #5 | DÉCEMBRE 2017

ARMEL LE CLÉAC'H ET SÉBASTIEN DESTREMAU RENCONTRE AVEC DEUX SKIPPERS D'EXCEPTION, LE PREMIER ET LE DERNIER (18ÈME SUR 29 CAR 11 ABANDONS).


LFC MAGAZINE #5 / DÉCEMBRE 2017

NOS CHAMPIONS ARMEL LE CLÉAC'H ET SÉBASTIEN DESTREMAU

PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET CÉDRIC ADAM PHOTOS : COLLECTION PERSONNELLE ROBERT LAFFONT ET COLLECTION PERSONNELLE XO ÉDITIONS + GILLES MORELLE

Armel Le Cléac'h remporte le Vendée Globe 2016-2017 le 19 janvier 2017, soit 74 jours, 3 heures, 35 minutes et 46 secondes après son départ, battant ainsi de près de 4 jours le record de François Gabart lors de la précédente édition. Rencontre avec le skipper Place d'Italie.

Sébastien Destremau a participé au Vendée Globe 2016-2017 : sur 29 concurrents, il termine 18e (et dernier classé). Rencontre avec un aventurier hors du commun dans les locaux de XO Éditions.

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ARMEL LE CLÉAC'H LFC : Bonjour Armel Le Cléac'h, nous vous rencontrons aujourd’hui pour votre livre Le prix de la victoire. Peut-on dire que c'est la première fois que vous vous exprimez dans un livre ? ALC : Oui, c'est la première fois. C’est une vraie découverte et aventure de s’investir dans un tel projet. Je suis très heureux d'avoir pris le temps de raconter mon histoire et ce défi, le Vendée Globe. J'étais accompagné par un écrivain, Dominique Lebrun, pour réaliser ce bel exercice. C’est l’instant où je me pose, où je regarde ma vie dans un rétroviseur pour ne rien oublier. Je me suis rendu compte qu'au fur et à mesure des échanges, j’avais beaucoup de souvenirs qui revenaient. C'est très intéressant, car c'est une introspection sur ma vie, mes compétences, mes défis et mes aventures que j'ai vécues durant toutes ses années. J’évoque trois Vendée Globe donc plus de dix ans de vie. Ce sont des moments forts à travers l'écriture et les échanges.

LFC : Comment l’idée d’écrire ce livre s’est-elle mise en place ? ALC : Après mon premier Vendée Globe en 2009, on m'avait déjà proposé de le faire. J'avais refusé. Je trouvais que ce n'était pas forcément le moment. Je n'étais pas vraiment disponible et surtout je pensais que l'histoire n'était pas terminée. En 2012, j'ai de nouveau refusé avec encore cette deuxième place. Mais cette année, c'était le bon moment, après avoir remporté ce Vendée Globe, cette histoire à une fin. À ce moment-là, j’étais en contact avec plusieurs maisons d'édition, dont Robert Laffont où l'on a créé une vraie relation. La rencontre avec Dominique Lebrun était aussi encourageante, car il a

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JE SUIS TRÈS HEUREUX D'AVOIR PRIS LE TEMPS DE RACONTER MON HISTOIRE ET CE DÉFI, LE VENDÉE GLOBE. J'ÉTAIS ACCOMPAGNÉ PAR UN ÉCRIVAIN, DOMINIQUE LEBRUN, POUR RÉALISER CE BEL EXERCICE. ARMEL LE CLÉAC'H

également une notion du monde maritime. La sienne, n'était pas forcément sportive, mais cela était intéressant aussi, car je ne voulais pas traiter uniquement cet aspect, mais également celui de l'aventure. Je voulais donner aux lecteurs les émotions que j'ai vécues en mer et l'importance de mes racines. Le projet est né quelque temps après la compétition. Je voulais prendre mon temps pour l'écrire. Je tenais à ne pas simplement raconter ma victoire, mais tout ce qui m'a permis de parvenir à remporter cet Everest des mers. LFC : Ces dix années, vous les terminez au top avec le record de la course : 74 jours, 3 heures, 35 minutes et 46 secondes. ALC : C'était la cerise sur le gâteau. L'objectif n'était pas là. Il s'agissait seulement d’arriver le premier aux Sables-d'Olonne. Maintenant, c’est super d'avoir amélioré le record de quatre jours. Pour moi, c'était principalement une quête qui s'était mise en place, il y a quelques années. J'ai eu la chance d'avoir vécu déjà deux Vendée Globe auparavant et d'avoir gardé l'envie de faire mieux. L'histoire se termine donc en 2017 à l'arrivée de ce troisième tour du monde. LFC : En mer, il y a une certaine solitude malgré le contact avec votre équipe. Comment avez-vous géré l'arrivée médiatique ? ALC : C'est très compliqué l'arrivée d'un Vendée Globe surtout quand je me suis habitué à être seul pendant deux ou trois mois dans des conditions spartiates et inconfortables. Je me prépare pour ça. Donc tout se passe bien, même s'il y a des moments compliqués.

Quand j’arrive, la transition est très brutale. Entre quelques heures et quelques minutes, je renoue avec la vie que j’ai quittée, avec tous les gens qui sont là pour m’accueillir et me féliciter. Bien sûr, avec la victoire, je suis encore plus sollicité - plus de 300 000 personnes à l'arrivée - par les journalistes et toutes les personnes présentes qui veulent me parler. C'est un peu difficile de réagir, car étrangement j’ai envie d'avoir un peu de temps pour moi, pour retrouver ma femme et mes enfants. LFC : Vous expliquez cela dans le livre. D’ailleurs, vous expliquez à vos enfants quand vous partez et quand vous revenez. Pourquoi ? ALC : Tout à fait, cela fait partie de ma préparation globale. C'est important avant le départ de savoir qu’ils sont eux aussi bien préparés. L’aventure doit être comprise par mes proches afin de les préparer à LFC MAGAZINE #86


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J'AI DÉJÀ VÉCU DES SITUATIONS COMPLIQUÉES QUE JE RACONTE DANS LE LIVRE COMME L'ASSISTANCE PORTÉE À UN AUTRE CONCURRENT PENDANT MON PREMIER VENDÉE GLOBE. TOUS CES ÉVÉNEMENTS FORGENT L'EXPÉRIENCE ET ILS PERMETTENT DE PRENDRE DU RECUL POUR APPRENDRE À MIEUX GÉRER LA COURSE SUIVANTE. ARMEL LE CLÉAC'H

l'éloignement. Il faut leur expliquer plusieurs mois à l'avance que papa va faire le tour du monde, leurs décrire le parcours, et surtout leurs dire qu’on pourra communiquer durant la course et bien évidemment les rassurer sur les quelques petits soucis éventuels. Il ne faut pas le faire à la veille du départ, premièrement je suis pris sur autres choses et ensuite, eux ne le comprendraient pas. Moralement, ça me permet de partir serein avec un équilibre entre ma famille et moi-même. LFC : Le danger existe, y pensez-vous ?

LFC : Dans la quatrième de couverture, il est dit que vous êtes teigneux, d'où votre surnom, le chacal. ALC : Je suis quelqu'un qui ne lâche pas le morceau. C'était le surnom que mes copains m'avaient donné quand j'étais encore étudiant et qu'on naviguait en équipage tous ensemble. J'avais l'habitude de dire : la ligne d'arrivée n'est pas franchie, alors on peut toujours doubler des adversaires. Ce surnom a fini par devenir courant quand ils se sont rendu compte que j'y croyais à fond.

ALC : On sait qu'il y a une prise de risque. On sait qu'on peut se blesser, qu'on peut tomber à l'eau. Malheureusement, des drames se sont déjà déroulés sur le Vendée Globe. Cela fait partie de notre sport d'aventure extrême. Maintenant, on se prépare pour ces péripéties, on a ce qu'il faut pour se soigner, déclencher une détresse. Je n’y pense pas en permanence, mais effectivement le risque existe. J'ai déjà vécu des situations compliquées que je raconte dans le livre comme l'assistance portée à un autre concurrent pendant mon premier Vendée Globe. Tous ces événements forgent l'expérience et ils permettent de prendre du recul pour apprendre à mieux gérer la course suivante.

JE SUIS QUELQU'UN QUI NE LÂCHE PAS LE MORCEAU. ARMEL LE CLÉAC'H

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L'AVENIR S'ANNONCE ENCORE PASSIONNANT ET LES DÉFIS À RÉVÉLER SONT DE TRÈS HAUTS NIVEAUX. ARMEL LE CLÉAC'H

LFC : Cela vous renforce donc à être encore et toujours teigneux. ALC : Oui, exactement ! (sourire) Il faut de la persévérance. La preuve, il m'aura fallu trois Vendée Globe pour le gagner tandis que d'autres concurrents y arrivent du premier coup. C'est aussi cela qui fait que cette histoire est belle. Il y a l'envie, la motivation, la remise en question et la frustration notamment après mon deuxième Vendée Globe où je finis à seulement trois heures du vainqueur. Il faut vaincre cette déception quand on échoue. Pendant trois ans, je me prépare de nouveau à la même course et j’essaye de progresser. Je sais que la dernière fois, je n’ai pas gagné, ce qui m’indique qu’il y a encore des choses à améliorer.

LFC : C’est capitaliser sur son échec pour mieux repartir et cela marche dans toutes les disciplines. Qu’en pensez-vous ? ALC : C'est aussi ce que les gens me témoignent. Comme je le raconte dans le livre, de nombreuses personnes m'écrivent pour me dire que grâce à mon exemple de persévérance, ils ont réussi à se relancer dans leur vie. LFC : Quels sont vos projets ? ALC : J'ai la chance d'avoir une équipe avec qui l'aventure continue. Désormais, il y a le projet de la mise

à l'eau d'un nouveau bateau à Lorient. Il s'agit d'un grand trimaran. Nous allons donc changer de catégorie et passer sur un multicoque. Un géant des mers avec lequel je vais naviguer en solitaire. Il y a aussi la route du Rhum en 2018 qui sera pour moi une grande course, car j'ai déclaré forfait trois ans plus tôt à cause d'une blessure. Pour le coup, une autre histoire est aussi à finir. Après tout cela, il y aura un nouveau tour du monde encore plus rapide prévu en 2019 sur ces grands bateaux. L'avenir s'annonce encore passionnant et les défis à révéler sont de très hauts niveaux.

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SÉBASTIEN DESTREMAU LFC : Sébastien Destremau, nous nous rencontrons pour parler de votre aventure au Vendée Globe où vous avez passé, comme vous le dites sur votre couverture, cent vingt-quatre jours en enfer… SD : Je l’ai titré de cette manière parce que le Vendée Globe est un enfer à vivre, c’est un parcours du combattant. Être au départ de cette course est déjà une victoire. Pour une personne comme moi qui n’était pas du tout navigateur sur de si grandes distances, cela peut très vite devenir compliqué de traverser les océans, de vivre l’isolement ou la solitude. Je précise bien que ce n’est pas l’enfer de participer au Vendée Globe, bien au contraire, c’est une grande fierté. LFC : Avez-vous réalisé un rêve ?

LFC : La première personne à qui vous dîtes que vous allez faire le Vendée Globe, c’est votre maman. Racontez-nous… SD : (Rires) - À la base, je n’avais même pas de bateau ! C’est assez typique dans ma manière d’agir. Je décide de faire quelque chose avec une date précise, la date du départ du Vendée Globe en novembre 2016. Puis une fois que j’ai décidé d’être au départ, je m’investis à cent pour cent dans le projet.

SD : C’est une vraie chance, un privilège et c’est pour cela aussi que c’était important de partager cette expérience de manière positive malgré les difficultés, malgré tout ce qui m’est arrivé. J’ai beaucoup utilisé la dérision. Cela était plus facile à supporter. Quand vous faites rêver les gens, autant les faire rêver en grand.

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LFC MAGAZINE #5 / DÉCEMBRE 2017

JE SUIS TRÈS FIER D’AVOIR TERMINÉ CETTE COURSE. HABITUELLEMENT, LA MOITIÉ DES SKIPPERS ABANDONNE. C’EST UNE COURSE EXCEPTIONNELLE. DANS L’HISTOIRE, 88 SKIPPERS ONT TERMINÉ LE VENDÉE GLOBE SUR 170 PARTICIPANTS. CETTE ANNÉE, LE QUOTA A ÉTÉ EXCEPTIONNEL AVEC DIX-HUIT ARRIVANTS. SÉBASTIEN DESTREMAU

LFC : Comment cette idée est-elle venue dans votre tête ? SD : Je n’ai jamais eu le rêve de faire le Vendée Globe. Je ne suis pas un marin solitaire. Je suis un régatier professionnel. Si l’on compare avec l’athlétisme, je vais plutôt être un coureur de cent mètres ou de deux cents mètres. Le Vendée Globe, je le vivais en tant que spectateur, car ce sont des aventures incroyables, de très belles histoires. Des histoires de mer, des histoires d’hommes. Jamais je n’ai pensé que c’était quelque chose qui était pour moi. Ce n’était pas mon métier. Mon métier, c’est de faire des courses de trois heures sur des espaces beaucoup plus petits. Ce projet est parti d’un déclic, d’une émotion comme vous pouvez en avoir lorsque vous décidez de construire une maison ou de faire un tour du monde en camping-car.

LFC : La préparation n’était pas une mince affaire, comme vous nous le racontez dans le livre. Au fur et à mesure des préparatifs, prenez-vous conscience de l’enjeu de votre challenge ? SD : Je n’ai jamais vraiment douté. C’est sûr que parfois nous avions l’impression de tourner en rond, d’avoir des doutes, mais dans ces cas-là, c’est la famille qui vous soutient et qui vous permet de surmonter ces épreuves. Sur la fin de la préparation, nous avons cassé le mât, deux mois avant le départ. C’était vraiment compliqué. Mais je savais que l’on était capable de surmonter n’importe quelle épreuve pour faire ce tour du monde. LFC : Vous avez réussi cette première étape de préparation et vous avez également réussi à finir ce Vendée Globe. Vous êtes le dix-huitième et dernier skipper à avoir franchi la ligne d’arrivée.

SD : Je suis très fier d’avoir terminé cette course. Habituellement, la moitié des skippers abandonne. C’est une course exceptionnelle. Dans l’histoire, 88 skippers ont terminé le Vendée Globe sur 170 participants. Cette année, le quota a été exceptionnel avec dix-huit arrivants. C’est la difficulté qui m’intéressait. Je ne suis pas un navigateur solitaire, mais c’est cela qui m’a passionné, le fait d’aller au bout de moi-même. LFC : Cette aventure, que vous a-t-elle procuré humainement ? SD : On ne revient pas indemne d’une épreuve pareille. Maintenant, j’ai une certaine distance avec les difficultés que je peux avoir au quotidien. On se déleste de tous les petits problèmes qui nous empoisonnent la vie. Pendant quatre mois, vous êtes dans la survie. Il faut se débrouiller avec ce que l’on a. Il faut vaincre sa peur de la solitude, sa peur de l’océan. LFC MAGAZINE #5 / 90


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C’EST FABULEUX DE SE RETROUVER CONFRONTÉ À SOI-MÊME. SÉBASTIEN DESTREMAU

LFC : Il faut avoir une capacité d’adaptation très forte. SD : Complètement. J’espère que certaines personnes vont pouvoir retrouver tout cela dans mon livre. C’est toute la beauté du Vendée Globe. Vous ne pouvez pas vous arrêter. Personne ne peut vous aider durant cette course. Vous êtes confronté à des dizaines et des dizaines de problèmes que vous allez devoir résoudre tout seul. Je ne suis pas mécanicien, et pourtant j’ai réparé mon moteur pendant cent jours en le démarrant de façon très archaïque. C’est fabuleux de se retrouver confronté à soi-même.

LFC : Vous avez vécu une aventure incroyable avec cette course. Vous avez cinquante-deux ans. Quel sera votre prochain challenge ?

J’AI POUR PROJET DE FAIRE LA PROCHAINE ÉDITION DU VENDÉE GLOBE, ET PAR LA SUITE, J’AI D’AUTRES ENVIES, JE N’EN DIS PAS PLUS POUR LE MOMENT ! SÉBASTIEN DESTREMAU

SD : Ce que j’ai découvert avec cette course, c’est la capacité à raconter des histoires et à faire vivre à des dizaines de milliers de personnes un rêve que vous vivez. J’ai voulu leur donner de la joie, de la bonne humeur et je crois que la prochaine aventure, ce sera de raconter une autre histoire. J’ai pour projet de faire la prochaine édition du Vendée Globe, et par la suite, j’ai d’autres envies, je n’en dis pas plus pour le moment ! LFC MAGAZINE #5 / 91


NOUVEAU // LFC MAGAZINE #1 #2 #3 #4 ET #5

VOTRE RENDEZ-VOUS CULTUREL 100% gratuit, indépendant et généreux, Mensuel et uniquement digital, Des entretiens exclusifs dans une maquette fashion, Une double cover avec des artistes prestigieux, Des livres, de la musique, du spectacle, des séries TV et un invité média.

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BRIGITTE FONTAINE

UN ENTRETIEN INÉDIT CHEZ ELLE

DÉCEMBRE 2017

LFC MAGAZINE #5

PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET QUENTIN HAESSIG PHOTOS : ROBIN, CLAUDE GASSIAN ET DESSIN DE ENKI BILAL


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Brigitte Fontaine est chanteuse, comédienne, écrivaine, dramaturge et parolière. Décembre 2017, nous avons eu l'honneur d'être reçu chez elle, à Paris, au cœur de l'Île Saint-Louis. Escaliers escarpés, quelques marches plus tard, nous sommes accueillis avec le sourire et une liberté de parole saisissante. Avec Brigitte Fontaine, l'entretien devient un voyage dans l'imaginaire, un au revoir à Johnny Hallyday avec ses punchlines savoureuses, et un échange sur son nouveau roman L'Onyx Rose. Entretien inédit, avec en bonus une franchise sans filtre. LFC : Brigitte Fontaine, nous vous remercions de nous recevoir pour la toute première fois chez vous. Pour quelles raisons avez-vous appelé votre roman l’onyx rose ? BF : L’onyx rose est une chimère qui date de l’Antiquité. L’onyx rose n’existe pas réellement, c’est du quartz rose. Mais depuis la période des Égyptiens, ils appellent cela de cette manière. C’est un roman d’aventures ordinaires et extraordinaires, dans le Très-Haut et le Très-Bas. LFC : Dans cette histoire, il y a un personnage principal : Ignatio. Pouvez-vous nous le présenter ? BF : C’est un ancien torero et perceur de coffre-fort. C’est un personnage qui s’est imposé à moi. Il s’est présenté très poliment en me disant : viens avec moi, je vais t’en faire voir de toutes les couleurs. Cette histoire est comme une succession de Polaroïds à travers tous les temps et tous les univers. Tout se succède à la vitesse de la lumière. J’ai guidé mon personnage vers cette palette de couleurs et j’ai placé dans ce livre toutes mes cellules grises, comme dit Hercule Poirot.

LFC : Dans votre livre, qui est Betzabé ? Je la présente comme une mendiante. Elle fait partie des aventures d’Ignatio. Elle a des grands cheveux dont elle se sert d’ailleurs pour éviter qu’une vache encorne son mari, ce qui serait une honte pour un grand torero. LFC : Il y a beaucoup de livres en librairie. Pour quelles raisons les lecteurs devraientils lire votre nouveau roman ? BF : Car c’est de la vraie littérature écrite par une auteur sans « e ». Ce n’est pas mon cul sur la commode ou ma vie sexuelle. (rires)


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On dirait qu’il n’y a jamais eu auparavant de femmes créatrices. Or, il y en a depuis la nuit des temps. Mais cela est plus ou moins enterré. LFC : Êtes-vous féministe ? BF : Fuck les féministes ! C’est quelque chose qui a été beaucoup trop traîné dans la boue et je trouve cela ridicule. Elles veulent même décrocher les tableaux désormais. Je n’en parlerai,

LFC : Nous pensons que vous êtes une poète magnifique. Que pensezvous de ce compliment ? BF : Vous avez raison. Absolument. Peut-être que vous allez me dire que je suis prétentieuse, mais je vous répondrai que je ne suis pas modeste. J’ai dit par le passé et je me cite. Je fais tout avec une certaine imperfection, c’est ce qui me permet de rester modeste. La modestie est une qualité merveilleuse. Vous avez remarqué ? LFC : Tout est possible lorsqu'on s’autorise l’imperfection ? BF : Je ne me l’autorise pas. Elle s’impose à moi. Avec fermeté et autorité. Je l’accueille avec enthousiasme. LFC : Vous avez répondu à une de nos questions en disant auteur sans « e ». Dites-nous pourquoi ? BF : On dirait que ces prétendues féministes nous imposent de dire écrivaine ou auteur avec un « e ».

QUE DIEU ACCUEILLE JOHNNY, J’ESPÈRE QU’IL FERA UNE BONNE TRAVERSÉE. SA DISPARITION, C’EST LE DÉBUT DE LA FIN DES VIEUX BRISCARDS. CEPENDANT, JE N’AI PAS DU TOUT L’INTENTION DE SUIVRE SES TRACES. BRIGITTE FONTAINE


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mais depuis toujours je suis solidaire avec toutes les femmes. À part Madame Thatcher et la famille Le Pen. Je crois que c’est à cause du pouvoir : Power is a piece of shit ! (Le pouvoir, c'est de la merde!) LFC : Nous aimerions parler de musique avec vous. Vous avez placé des morceaux dans plusieurs albums qui sont sortis récemment notamment celui de Johnny Hallyday… BF : Que Dieu accueille Johnny, j’espère qu’il fera une bonne traversée. Sa disparition, c’est le début de la fin des vieux briscards. Cependant, je n’ai pas du tout l’intention de suivre ses traces. LFC : La mort vous fait-elle peur ? BF : Quand je vois tout le monde qui meurt, je me dis que cela se fait, donc pourquoi pas moi. Nous en sommes capables. Cependant parfois j’ai des doutes. Qui vivra verra. Qui mourra verra. LFC : Avez-vous d’autres projets musicaux en ce moment ? BF : Oui j’en ai beaucoup, mais en ce moment les disques sont très difficiles à faire sortir. Il faut sans cesse des autorisations qui traînent encore et encore. J’ai un prochain album qui verra le jour au mois de février 2018. Ce sera une longue chanson ininterrompue. LFC : Qu’avez vous encore envie de faire dans votre vie qui est déjà bien remplie ? BF : J’ai un autre livre qui se déroule dans ma tête, à mon insu. Il est terminé, je n’ai plus qu’à l’écrire. Quant à la scène, peutêtre en que je serai aux Bouffes du Nord au mois de mars. J’ai hâte de retrouver mon public.


L'INVITÉ MÉDIA

STÉPHANE PLAZA

UN ENTRETIEN INÉDIT À PARIS AVEC UN MEC SYMPA

DÉCEMBRE 2017

LFC MAGAZINE #5

PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET QUENTIN HAESSIG PHOTOS : M6, MARIANNE ROSENSTIEHL, BENJAMIN DECOIN ET JULIEN KNAUB


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Stéphane Plaza... Gaffeur, vendeur, animateur, acteur, heureux, voilà ce qu'on pense de lui quand on cite son nom. Animateur star de M6 avec Maison à vendre et autres émissions, dès qu'on parle de Stéphane Plaza, les sourires se dessinent sur les visages, accompagné d'un j'aime bien ce mec, il est sympa. Une bande dessinée en rayon Stéphane Plaza chez M6 Éditions (à lire, à offrir, à partager…), prétexte formidable pour vouloir vérifier par nousmêmes. Comprendre pourquoi tout le monde l'aime. La réponse est dans ce très bel entretien qu'on partage avec vous. Un indice : il est en cover de ce numéro parce qu'après notre rencontre, nous sommes sortis le sourire greffé à notre trombine en se disant : j'aime bien ce mec, il est sympa ! LFC : Stéphane Plaza, nous nous rencontrons pour parler de vos actualités qui sont nombreuses et variées. Vous faites beaucoup de choses ! SP : J’essaye de faire des choses et de les faire bien. C’est vrai que j’en fais plusieurs, mais en général, je compartimente bien mon esprit pour ne pas m’éparpiller. J’ai une grande curiosité et surtout je fais tout à fond. Mon ennemi serait de ne pas terminer les choses et de ne pas avoir cette satisfaction. LFC : Comment expliquez-vous cette envie d’être sur plusieurs tableaux ? SP : La vie est plutôt jolie, plutôt belle. Il faut essayer de positiver même lorsque l’on a des coups de blues. J’essaye de vivre le moment présent à fond à travers ma curiosité, ma soif de découvrir de nouveaux horizons. LFC : Tout ce que vous faites sont le fruit de rencontres... SP : Oui, tout à fait. Au fil des rencontres, au fil des mots et puis aussi lorsque l’on se souvient de l’enfance. On m’a souvent dit que j’avais une tête de « cartoon » avec des yeux bien ronds, que j’étais quelqu’un d’un peu lunaire. Et comme hélas, j’ai un croisement entre Pierre Richard et Mr. Bean, on a décidé de passer à l’acte avec ce nouveau projet de BD sur la vie

immobilière, sur la vie de Stéphane Plaza. Les décoratrices sont dedans, les clients également, car il y a de la vie dans une agence. Il y a des gens qui viennent pour divorcer, pour se marier, pour boire un verre… C’était le lieu idéal pour raconter des histoires, car aujourd’hui nous avons tous besoin d’un appartement. LFC : Parlons-en de cette BD. Ce sont des planches avec des histoires courtes vous mettant en scène. Ce doit être un sentiment étrange de se voir dans une BD… SP : Oui, c’est un sentiment bizarre quand on vous dessine et qu’ensuite, vous êtes au téléphone avec le dessinateur. Et que vous lui demandez de vous faire des yeux un peu plus gros. On se prend rapidement au jeu surtout lorsque l’on est entouré de bonnes personnes. J’ai eu en plus la chance de choisir un dessinateur, ainsi qu’un scénariste. Tout le monde est allé dans le même sens. Il y a toujours un fil rouge de réalisme dans cette BD. Tout ce que je raconte est vrai, que ce soit sur la télé ou hors télé. LFC : Réaliser une bande dessinée, c’est un travail d’équipe… SP : Oui c’est déjà un travail à trois avec l’illustrateur, le scénariste et moi-même. Et aussi un travail de groupe avec le métier de l’agence immobilière, du réseau… Les histoires croustillantes que j’ai vécues ou


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celles dont je me suis inspirées sont toutes racontées avec de l’humour, de la double vasque et du net vendeur ! Nous avons beaucoup retravaillé les pages. Nous avons même failli repousser la sortie, tellement il y avait du contenu. LFC : C’est un terrain de jeux dans lequel vous devez vous sentir plus libre qu’à la télévision. Qu’en pensez-vous ? SP : Au départ, je n’étais pas libre. C’est moi-même qui ai pris la liberté d’aller un peu plus loin, de pousser un peu plus le curseur. À la télévision, il est vrai que les codes sont en train de changer, je crois qu’il faut les respecter et passer à autre chose. La BD c’est un terrain de jeux sympa, ludique, charmant, bien coloré… Je m’y sens bien.

JE ME SUIS POSÉ LA QUESTION SI J’ALLAIS DÉDICACER LA BD À MA MAMAN ET FINALEMENT NON, CAR J’ESPÈRE QUE DE LÀ-HAUT, ELLE VOIT CE QUE JE FAIS. ET QU’ELLE SOURIT. STÉPHANE PLAZA

LFC : Au-delà de cette BD, nous avons lu dans une interview que vous venez de tourner dans votre premier film ? SP : Vous avez bien lu. En effet, le film est en cours de montage et devrait sortir en octobre 2018. C’était une expérience très intéressante, j’avais pris trois mois où je ne faisais que cela pour être impliqué à fond dans le projet. C’est un film comique de Didier Van Cauwelaert qui est quelqu’un de vraiment génial. C’est vrai que la rencontre


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paraît assez étonnante sur le papier, mais la sauce a tout de suite pris, c’est un ovni. LFC : Cette expérience arrive après des années de théâtre. C’est une trajectoire plutôt logique… SP : C’est vrai que le théâtre est mon premier amour, j’en ai fait pendant sept ans. Je suis revenu depuis trois ans sur les planches en tant que professionnel avec Arthur Jugnot et Arnaud Gidouin. Nous avons joué cinq cents fois, cela a vraiment bien fonctionné et par la suite j’ai eu cette proposition de film. Donc oui, tout arrive avec une certaine continuité. Le projet m’intéressait beaucoup, car il cassait mon image. Ce n’était pas l’agent immobilier. C’est quelqu’un de plus sombre. LFC : Nous nous sommes rencontré l’an passé pour la sortie du livre Net vendeur et vous nous aviez dit à la fin de l’interview que vous dédicaciez ce livre à votre maman, cela nous avait beaucoup touché. SP : Oui je l’ai dédicacé à ma maman, car c’est le moment où elle est partie. C’était vraiment symbolique. Après je me suis posé la question si j’allais lui dédicacer la BD et finalement non, car j’espère que de làhaut, elle voit ce que je fais. Et qu’elle sourit.


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LFC : Autre chose a retenu notre attention, dans une interview que vous aviez donnée à la télévision dans l’émission Le Tube sur Canal + où vous disiez que vous pensiez mourir jeune. Avez-vous toujours ce sentiment ? SP : Ce n’est pas forcément moi qui le disais, mais à vrai dire une voyante, qui ne devait pas être très bonne. Elle m’a dit que j’allais peut-être partir à quarante-neuf ans. Pensait-elle que j’allais vraiment partir ou alors n’était-ce qu’un changement de métier ? Je préfère être optimiste et l’interpréter de cette façon, sinon je ne vais plus sortir de chez moi ! De plus, j’ai déjà eu neuf accidents sur la partie inférieure de mon corps et c’est à ce moment-là que j’ai réalisé qu’il fallait croquer la vie, profiter du présent et vivre les moments forts. C’est ce qu’il y a de plus important dans la vie. LFC : Un dernier mot pour finir cette interview… SP : Profitez de la vie, chaque jour, chaque instant… Stéphane Plaza, la bande dessinée, M6 Éditions / Jungle


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M I C H O U LA VIE EN BLEUE

FIGURE EMBLÉMATIQUE DES NUITS PARISIENNES, MICHOU A FONDÉ SON CABARET, CHEZ MICHOU, EN 1956 À MONTMARTRE. ALAIN DELON, JEAN-PAUL BELMONDO, JEAN-CLAUDE BRIALY, JOHNNY HALLYDAY,..ET MÊME LES SCHTROUMPFS ONT CÔTOYÉ LES ANONYMES ET LES TOURISTES.


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M I C H O U

Figure emblématique des nuits parisiennes, Michou a fondé son cabaret, Chez Michou, en 1956 à Montmartre. Aujourd'hui, l'établissement bénéficie d'une grande réputation : touristes, anonymes et célébrités se côtoient pour le plaisir de la fête. Rencontre avec le Prince bleu de Montmartre... dans un café parisien à Montmartre. LFC : Bonjour Michou, vous publiez Prince bleu de Montmartre. Pourquoi avez-vous voulu écrire ce livre ?

PAR CHRISTOPHE MANGELLE

M : Je racontais à un ami toutes mes aventures et nous avons trouvé cela très drôle. La réflexion de faire un livre est venue plus tard, mais je peux

ET CÉDRIC ADAM

vous assurer que je suis heureux que ce livre sorte. Au début, je pensais qu'il

PHOTOS : MICHOU

ne s'adresserait qu'aux copains. Je ne croyais pas qu'il pouvait aussi émouvoir un autre public. C’est exceptionnel. Il est important de dire que ce livre, je l'ai écrit avec mon cœur. Quelle joie ! Michou, Prince bleu de Montmartre, c'est la classe ! LFC : Vous parlez de vos débuts, de votre famille, de votre enfance. Pourquoi avez-vous voulu évoquer ces passages de votre vie ? M : Le plus important pour moi, c’était de parler d'un personnage qui a beaucoup compté dans ma vie. Il s'agit de ma bien-aimée grand-mère. C'était un sentiment particulier de raconter mon histoire et quelques anecdotes de mon enfance.

IL EST IMPORTANT DE DIRE QUE CE LIVRE, JE L'AI ÉCRIT AVEC MON CŒUR. QUELLE JOIE ! MICHOU, PRINCE BLEU DE MONTMARTRE, C'EST LA CLASSE !


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LFC Magazine #5

LFC : Votre histoire est assez incroyable. Vous êtes un jeune amiénois sans argent quand vous rejoignez la capitale en quête d'aventure… M : C’est cela. Je viens d'Amiens et je suis arrivé à Paris sans connaître une seule rue de la ville. J'avais souvent l'habitude d'aller à Lille avec un ami jusqu'au jour où pour changer, il m'a emmené à Paris. C'est à partir de ce jour-là que mon destin a commencé. LFC : Votre vie a même basculé vers le succès avec le cabaret. Racontez-nous ! M : Le cabaret, c'est un petit miracle ! J'ai rencontré une dame dans mon village qui m’a dit : vous savez, j'ai un petit bar à Montmartre, vous devriez venir me voir. J'avoue ne m'y être jamais rendu, mais je l'ai recroisée quelques années plus tard et cette fois-ci, la pauvre, elle était très malade. Elle me parle de nouveau de son bar. Elle m’explique qu’elle est la gérante. Et qu'elle ne s'est plus quoi en faire. Après en avoir discuté avec un ami, celui-ci me conseille de prendre le relai. Il me propose même de m'avancer 2 500 francs, une somme énorme pour l'époque. Un sacré coup de pouce, puisque je n'avais pas un sou devant moi. La suite est tout aussi cocasse, car pour Mardi gras, nous avions décidé avec quelques copains d’organiser une soirée déguisée. Nous avons fait un petit show de vingt minutes et il s'est avéré qu'un monsieur que je ne connaissais pas est venu me voir. Sans le savoir, il s'agissait d'un grand journaliste, chroniqueur mondain, qui n'est pas moins

MICHOU TOUT LE MONDE PEUT VENIR CHEZ MOI, QUE CE SOIT LA CRÉMIÈRE DU COIN JUSQU'À LA PLUS GRANDE CÉLÉBRITÉ.

qu'Edgar Schneider. Deux jours plus tard, il titre Paris se travestit. Ce sont les débuts du cabaret.


LFC : Progressivement, le cabaret s’est fait une très belle

LFC : Parlons du bleu, c'est votre

réputation. Vous êtes devenu l'un des lieux les plus

couleur préférée. Pourquoi le bleu ?

visités à Montmartre. Avez-vous une explication au sujet de ce succès ?

M : Je vais vous le dire. Mais cela doit rester entre nous, j'ai flirté avec

M : D'abord, je ne m'attendais pas à cette réussite. En

un Schtroumpf. (Rires)

revanche, je pense savoir pourquoi cela a si bien marché. Je pense que c’est parce qu’il n'y avait aucune violence, ni

LFC : Ce livre est préfacé par Anny

vulgarité dans ce que je proposais.

Duperey. Pour quelles raisons ?

LFC : Votre grande force, c’est de réunir les célébrités

M : Anny était heureuse de faire

avec les anonymes.

cette préface et de me rendre un petit hommage. Quand je l'ai lu,

M : Absolument. Tout le monde peut venir chez moi, que

j'étais à la limite de pleurer. Elle

ce soit la crémière du coin jusqu'à la plus grande célébrité.

soutient d'ailleurs la cause qui me

Je vous invite même à venir simplement voir l'entrée de

tient à cœur. J'ai demandé au

mon cabaret. J'ai la chance d'avoir un petit musée avec

Cherche Midi Éditeur que tous les

des photos de Jean-Paul Belmondo, Johnny Hallyday qui

droits soient reversés à l'association

vient de nous quitter, Jean-Claude Brialy, etc. Toutes ses

les p’tits poulbots de Montmartre.

rencontres, ce sont les plus grands souvenirs de ma vie.

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LFC Magazine #5


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LFC Magazine #5

P O U R Q U O I J E C E L A

V A I S D O I T J ' A I

V O U S

L E L E

R E S T E R F L I R T É

B L E U D I R E .

M A I S

E N T R E

A V E C

S C H T R O U M P F .

?

N O U S ,

U N

( R I R E S )

PRINCE BLEU DE MONTMARTRE // CHERCHE MIDI ÉDITEUR

MICHOU


L'HUMOUR BELGE EN

LFC MAGAZINE #5 DÉCEMBRE 2017

LIBRAIRIE

A L E X V I Z O R E K FRANCE INTER, C8 AUX CÔTÉS DE THIERRY ARDISSON DANS SALUT LES TERRIENS, LES INROCKS, ALEX VIZOREK L'INCONTOURNABLE !


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LFC Magazine #5

A L E X

V I Z O R E K

Alex Vizorek coprésente sur France Inter Par Jupiter avec Charline Vanhoenacker, fait un billet hebdomadaire dans la matinale et apparaît sur C8 aux côtés de Thierry Ardisson dans Salut les Terriens. Rencontre avec un humoriste qui a le vent en poupe !

LFC : Alex Vizorek, c’est un plaisir d’avoir accepté l’invitation de La Fringale Culturelle. AV : Le plaisir est pour moi. N’est-ce pas l’un des plus beaux titres de magazine qui existe ? (Rires) J’aime beaucoup, c’est très bien choisi. PAR

LFC : Merci pour ce joli compliment ! Nous nous rencontrons aujourd’hui

CHRISTOPHE MANGELLE,

pour parler de votre livre, un recueil de vos meilleures chroniques sur

ET QUENTIN HAESSIG

France Inter.

PHOTOS : MATHIEU BUYSE AV : Ce sont les chroniques du matin face aux politiques, aux gens de la société civile qui viennent répondre à l’époque à Patrick Cohen, et désormais à Nicolas Demorand. Cette pastille humour arrive juste après l’interview, à 8h55. Si la rencontre s’est bien passée, tout le monde est détendu et je peux me permettre quelques blagues décalées. S’il y a eu quelques tensions comme avec Marine Le Pen, il faut un petit peu plus poser la voix et assurer son récit. LFC : On aimerait entrer dans les coulisses de vos chroniques afin de voir jusqu’où vous vous permettez d’aller. Ou non. AV : Il n’y a pas de censure, seulement de l’autocensure. J’ai des techniques d’écriture qui me sont propres. Si j’ai une vanne un peu méchante, je ne vais

SI VOUS PRENEZ LA SEMAINE D’UN CHRONIQUEUR, IL Y A UN JOUR OÙ C’EST TRÈS BON, UN AUTRE OÙ CE N’EST PAS ASSEZ BON ET TROIS AUTRES JOURS OÙ L’ON FAIT BIEN NOTRE MÉTIER. SI L’ON EST DANS CETTE RYTHMIQUE-LÀ, JE PENSE QUE C’EST HONNÊTE.


À LA RADIO, VOUS FAITES UNE SORTE DE CAMBRIOLAGE INTELLECTUEL CHEZ LES GENS, VOUS DEVEZ ÊTRE PLUS PRUDENT. IL EST IMPORTANT DE S’ADAPTER À SON PUBLIC. ALEX VIZOREK

pas la mettre tout de suite. Pour prendre une expression très

exemple, lorsque Macron vient, il est ministre de

élégante, il faut un peu vaseliner sa blague (rires). C’est un peu

l’Économie. C’est quelque chose qui est encore frais dans

comme dans la vie quotidienne. Quand vous vous adressez à

la tête des gens.

quelqu’un, vous savez un peu comment aborder les choses en fonction de l’humour de la personne ou non. Cependant, le

LFC : L’échappée belge, c’est le titre du livre, illustré par

texte est écrit et il y a un moment où nous ne pouvons plus le

Kroll et Vadot. Pourquoi avoir fait ce choix ?

changer, peu importe l’invité en face. C’est un peu du rodéo ! AV : Ce sont deux stars de la caricature en Belgique, les LFC : Avez-vous retouché les chroniques qui sont dans le

plus pertinents. Je trouve que les illustrations amènent

livre ?

une plus-value au livre. Je voulais de l’inédit et surtout un plaisir de lecture. Mais je vais être honnête avec vous, moi,

AV : Oui un peu. Certaines techniques de radio ne

j’aime lire des livres aux toilettes. Et dans ce livre, il y a des

fonctionnent pas à l’écrit. Quelques mots sont répétés

dessins, des brèves, des chroniques, il s’adapte

plusieurs fois afin que l’auditeur qui arrive puisse récupérer le

parfaitement, quel que soit le besoin.

train en marche. Certains sont là pour cogner comme et puis ou et alors. À l’oral, vous pouvez rythmer votre voix, c’est un

LFC : Philosopher avec Florian Philippot, quel souvenir !

plus. Le petit moins, c’est que parfois une expression ou une trouvaille littéraire est perdue. C’est l’occasion de la

AV : Merveilleux souvenir. C’est difficile d’avoir souvent

retrouver dans le livre.

ces gens. J’ai eu Florian Philippot, Marine Le Pen. À un moment donné, leur dire tout le temps la même chose, ça

LFC : Comment avez-vous sélectionné vos meilleures

ne va pas. Florian Philippot est arrivé le jour du BAC de

chroniques ?

philosophie. Je n’avais pas envie de parler de lui. Alors j’ai essayé de passer par le côté philosophique de la chose.

AV : Tout d’abord, il faut savoir que les dernières chroniques

C’est cela qui est chouette dans ce travail. C’est que

datent de septembre 2017. Je voulais qu’il y ait quand même

l’auditeur se demande toujours par quel morceau je vais

un écho avec l’actualité. Le corps du livre, c’est la

attaquer la montagne. J’essaye de ne pas aller directement

présidentielle, avec le moment où Fillon est honnête, puis

à l’idée A, celle que tout le monde pourrait deviner, mais

lorsqu’il ne l’est plus, tout en sachant que lorsqu’il était

plutôt sur une idée plus littéraire, plus fantasque.

honnête, peut être qu’il ne l’était pas, mais on ne le savait pas (rires). Certaines chroniques étaient très justes à un moment

LFC : Votre travail demande beaucoup de réflexion et de

de l’actualité, mais l’étaient moins par la suite. Autre

créativité. Qu’en pensez-vous ?


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LFC Magazine #5

AV : L’idée, c’est d’être à chaque fois suffisamment bon. Si vous prenez la semaine d’un chroniqueur, il y a un jour où c’est très bon, un autre où ce n’est pas assez bon et trois autres jours où l’on fait bien notre métier. Si l’on est dans cette rythmique-là, je pense que c’est honnête. LFC : Vous faites rire, mais vous faites aussi réfléchir les auditeurs… AV : C’est ce que veut l’auditeur de France Inter. Je le crois. Il veut plus que la vanne un peu moqueuse et je dois dire que cela m’arrange bien, car je me dois d’être au courant de l’actualité politique ou culturelle. LFC : Votre spectacle Alex Vizorek est une œuvre d’art est à l’affiche depuis longtemps à Paris. Avez-vous plus de liberté sur scène qu’à la radio ? AV : Oui bien sûr. Lorsque vous dites quelque chose d’un peu borderline à trois cent cinquante personnes, après une heure de spectacle, cela passe mieux. Ils ont payé pour venir vous voir, vous les emmenez dans votre univers. À la radio, vous faites une sorte de cambriolage intellectuel chez les gens, vous devez être plus prudent. Il est important de s’adapter à son public. LFC : Alex Vizorek, pourquoi faites-vous de la télévision ? Auparavant, C à vous, maintenant Salut les terriens. Vous avez toujours la fringale ? AV : (Rires) - Ce que je n’aime pas à la télévision, c’est le côté massif de la préparation. Il y a l’habillage, la préparation, les répétitions, le maquillage… Pour seulement dix minutes. Cela prend cinq heures pour faire votre chronique. Contrairement à la radio, si j’ai envie de faire un sketch dans un hélicoptère qui se termine dans un sous-marin, je peux le faire grâce aux bruitages en quelques minutes. Pourquoi j’aime la télévision ? Car vous rentrez chez les gens qui ne vous connaissent pas. Vous pouvez en quelque sorte apporter la bonne parole. Je ne suis pas prêcheur ou quoi que ce soit, mais l’idée que je puisse amener les gens à mon travail me plait beaucoup. Le téléspectateur est infidèle contrairement à l’auditeur. Personne ne vous

ALEX

dira un jour : alors moi je suis France 3, tout le temps. Ce n’est pas la popularité qui m’intéresse, mais plutôt d’aller conquérir les gens. Par exemple, je préfère que l’on m’entende moi plutôt qu’Eric Zemmour. Si vous sortez de

VIZOREK JE PRÉFÈRE QUE L'ON M'ENTENDE MOI PLUTÔT QU'ÉRIC ZEMMOUR !

dix minutes avec moi, vous aurez moins envie de trouver que le monde est dégueulasse.


Estelle Lefébure Entretien d'exception pour vivre mieux 7102 erbmecéD | 5# enizagaM CFL

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Nutrition // Éducation // Méditation // Yoga


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LFC Magazine #5

De top model à coach au top ! par Christophe Mangelle et Quentin Haessig, photos par Karel Balas / Flammarion

Souvenez-vous, Cindy Crawford, Naomi Campbell, Kate Moss, Claudia Schiffer… L’heure glorieuse des tops models. Estelle Lefébure, mannequin mythique des années 90 est aujourd’hui en tête de gondole en librairie pour sa méthode ORAHE. De la beauté physique à la beauté intérieure, le pas est franchi. Franc succès en librairie, La méthode Estelle Lefébure et Ma méthode anti-âge, les deux premiers tomes se sont écoulés à des dizaines de milliers d’exemplaires. Aujourd’hui, le troisième livre est consacré aux bien-être pour les enfants. À offrir à toutes les mamans !


Ce que je voulais, c’était faire du bien aux autres. Ces livres sont à la portée de tous. LFC : Nous vous remercions d’avoir accepté notre invitation. Nous nous rencontrons pour le troisième livre de votre série ORAHE. Cette foisci, vous parlez du bien-être pour les enfants. Pour rappel, le premier livre était La méthode Estelle Lefébure et le deuxième La méthode antiâge. Prévoyez-vous d’écrire d’autres livres ? EL : Vous savez… Il y a tellement de choses à dire et tellement de choses à partager. Comme je dis toujours, nous n’avons qu’une seule vie pour apprendre. Donc je vous le confirme, ce n’est pas le dernier volume.

LFC: Nous sommes très heureux de l’apprendre. En lisant votre livre, nous avons eu l’impression que vous avez tiré un fil et qu’au fur et à mesure, d’autres idées vous sont venues. EL : Lorsque j’ai commencé à écrire ce livre, je me suis rendu compte qu’il y avait de nombreuses choses à raconter. Je me suis énormément documentée, j’ai rencontré beaucoup de personnes et je me suis dit que je ne pouvais pas garder tout cela pour moi. Cela me faisait du bien. Mais ce que je voulais, c’était faire du bien aux autres. Ces livres sont à la portée de tous.

LFC : Nous allons nous concentrer sur ORAHE, le bien-être pour les enfants. Vous parlez nutrition, éducation, méditation et yoga. Vous l’avez divisé en quatre chapitres. Pourquoi avez-vous décidé de le construire de cette manière ? EL : Ce livre se devait d’être ludique et facile à lire. Il y a beaucoup de livres sur le bien-être. Par moment, ce n’est pas toujours facile de trouver le bon. Dans chaque chapitre, il y a une partie nutrition. C’est quelque chose de très important

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LFC Magazine #5


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LFC Magazine #5

Ce que j’essaye de dire, c’est qu’on ne peut pas être des parents parfaits. Nous n’avons pas non plus des enfants parfaits. C’est très important de le dire. Nous n’en ferons pas des enfants parfaits. Nous essayons juste de faire de notre mieux.

Illustration extraite du livre disponible en librairie chez Flammarion

pour notre santé et celle de nos enfants. Pour la

EL : Ce que j’essaye de dire, c’est qu’on ne peut

partie éducation, je me suis fait aider par une

pas être des parents parfaits. Nous n’avons pas

éducatrice qui s’appelle Marie-Robert et que

non plus des enfants parfaits. C’est très important

j’aime beaucoup. Elle a une vision de l’éducation

de le dire. Nous n’en ferons pas des enfants

qui est très ouverte. La partie méditation/yoga,

parfaits. Nous essayons juste de faire de notre

c’est quelque chose qui peut surprendre. Mais

mieux. L’important est d’essayer de gagner leur

vous savez, depuis tout petit, on peut commencer

confiance à travers la communication. Tout cela

le yoga. Vous pouvez même commencer à méditer

s’apprend. Il n’y a pas d’école, on apprend sur le

avec votre enfant sur vous. Vous pouvez lui

tas et c’est très compliqué. Être parent c’est un

apprendre à gérer ses émotions, son stress, sa

métier.

colère.

LFC : Votre livre, nous l’avons feuilleté un petit peu comme un magazine et nous avons trouvé des citations sur la sagesse qui peuvent servir aux parents lors de l’éducation de leurs enfants.

LFC : L’adolescence est la période la plus difficile dans une vie. Êtes-vous d’accord ? EL : On dit toujours petits enfants, petits soucis, grands enfants, grands soucis. Cette phrase, on la


Estelle Lefébure Les gens ont besoin de sincérité aujourd’hui

connaît bien. C’est une partie difficile, surtout pour l’enfant qui est en transition avec l’âge adulte. Il y a beaucoup de changements dans son

LFC : Des photos, des recettes, des illustrations sont proposées dans le livre. Comment avez-vous travaillé la structure de cet ouvrage ?

corps et dans sa tête. Il a envie de donner son point de vue, il souhaite s’affirmer, être plus

EL : Le squelette de ce livre, nous l’avons fait avec

important dans les décisions. Forcément en tant

Guillaume, mon éditeur. J’avais énormément d’idées.

que parent, ce n’est pas si facile. Mais justement,

La question de départ était de savoir comment nous

j’en parle dans ce livre, car j’ai deux grandes filles

allions diviser ce livre. Dès le début, mon éditeur a

et j’ai vécu ces moments-là. Ce que j’essaie de

été clair en me disant qu’il y aurait cent quatre-vingts

montrer, c’est qu’il y a des choses à faire et à ne

pages, pas une de plus. Je me suis dit que cela allait

pas faire, il ne faut jamais couper la

être difficile, avec toutes les idées en réserve. Le

communication.

premier livre que j’ai fait, c’est la base de tout. Pour le deuxième, je me suis un peu plus concentrée sur la

LFC : En vous attendant pour cette interview, nous avons pu parler avec Guillaume, votre éditeur, qui nous a expliqué que ce livre était une aventure humaine. Il y a beaucoup de photos personnelles et cela donne une touche très authentique.

médecine chinoise, qui est quelque chose que j’aime beaucoup, dont nous avons beaucoup à apprendre. Puis dans ce troisième volume, enfin, j’ai voulu parler des enfants. Les trois livres forment un tout.

LFC : Étiez-vous soucieuse de la véracité de vos propos ?

EL : C’était très important pour moi de donner cette touche authentique et cela me fait très

EL : Bien sûr, le sujet des enfants est délicat. Je le dis

plaisir que vous le souligniez. C’est ma vie, je

bien dans mon livre, je ne suis ni pédiatre, ni

partage ce que je pense être le mieux. Les photos

médecin, mais j’ai de l’expérience en tant que

ont été faites en Normandie, c’est ma région et

parent. J’apprends beaucoup auprès des

mes racines. C’est nécessaire que l’on dise la

professionnels et je m’appuie sur de vrais

vérité dans un livre, les gens ont besoin de

témoignages.

sincérité aujourd’hui.

LFC : Ce livre est un très bel objet. Les bords sont ronds, le papier est très agréable au toucher. C’est comme un carnet…

LFC : Votre livre est passionnant, il fait du bien. Vous nous dites des évidences, vous proposez aux lecteurs des éléments de réponses qu’ils ont en eux, qu’ils ne prennent pas le temps de formuler. Vous le faites pour eux ?

EL : Oui exactement. Il y a un côté un peu

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novateur, je trouve que la rondeur donne un côté

EL : Absolument. Je dis des choses évidentes.

agréable. De plus, le livre s’abîme moins. Au début

Effectivement, c’est simplement du bon sens. Ce sont

de ce projet, nous voulions un livre qui s’emporte

des choses auxquelles nous ne pensons pas, des

en vacances, que vous gardez chez vous, que vous

concepts qui ne sont pas si compliqués, mais dont on

transportez dans votre sac. Il fallait que ce soit

ne se souvient pas quelques fois. De temps en temps,

pratique.

cela fait du bien de se les rappeler.

LFC Magazine #5


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LFC Magazine #5

Les trois livres d'ORAHE d'Estelle LefĂŠbure sont en actuellement en librairie chez Flammarion.


REEMDIVA KHERICI DÉCEMBRE 2017

INTERVIEW

LFC MAGAZINE #5

as she talks about her makeup remedies

PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET CÉDRIC ADAM PHOTOS : LAROUSSE


REEM KHERICI ET DIVA LFC : Bonjour Reem Kherici. Nous allons parler de votre livre consacré à Diva. De qui s’agit-il ? RK : C'est la personne chez qui j'habite. Il s'agit de mon chat qui m'a laissé l'honneur de le photographier et d'égayer mes journées. L'idée est venue en lui créant un compte Instagram et j'ai vu que je n'étais pas la seule folle à faire cela. Nous sommes nombreux à être complément dingue des chats. Après le film Paris à tout prix, mon éditrice m'a proposé de faire un bouquin en me disant de revenir vers elle quand j'aurai une idée. Quelque temps plus tard, je l'appelle et je lui dis : "ça y est, je sais,

Paris. Début décembre 2017. Nous avons rendez-vous avec la comédienne et la réalisatrice Reem Kherici à qui l'on doit les excellentes comédies "Jour J" et "Paris à tout prix". Nous avons parler de "Diva", personnage principal de son livre actuellement en librairie et qui endossera prochainement le rôle principal de son prochain film. Entretien. on va faire un livre sur mon chat". Sa réaction est l’incompréhension. Je lui explique que je souhaite faire la tête que tu fais quand qui exprime plusieurs situations de la vie. Ainsi, j'ai commencé à poster des photos de la tête que faisait mon chat en mettant une légende. Je me suis dit que ça ferait un très bel objet d'avoir un livre avec plusieurs photos en reliant les choses que j'aime le plus, c'est-à-dire la réalisation, la mise en scène et bien sûr mon chat.

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LFC : Vous avez donc passé votre temps à photographier votre chat… RK : Oui, il fallait que ce soit un bouquin joli à regarder. Prendre de belles photos, de meilleures qualités que celles que je postais sur Instagram était nécessaire. J'ai donc organisé des séances photos pour Diva, jusqu’à même préparer un shooting à New York. Le livre est un mélange entre mes aventures et les siennes. L’inspiration de la blague vient parfois après la


REEM KHERICI prise, parfois avant avec une mise en scène. Cela dépend. LFC : Nous allons être impolis. Quel est l'âge de Diva ? RK : Diva ne communique pas sur son âge car c'est une vedette. On ne demande pas l'âge à une femme et encore moins à une star. LFC : Il est assez rare d'avoir un livre cartonné, l'idée c'était d'avoir un beau livre ? RK : Tout à fait, je voulais faire un livreobjet. J'adore ça, j'en ai beaucoup à la maison. Ce sont des petits bouquins qui sont faciles à ouvrir et à laisser dans un coin de la table. Au-delà du cadeau de Noël, je trouve que cela peut être très sympa à offrir quand on prend l'apéro avec des amis. Il permet de passer un bon moment surtout si on a un proche fou des chats. On peut lui offrir ce cadeau et lui montrer qu'il n'y a pas qu'elle ou lui comme célibataire en couple avec son chat. (Rires)

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LFC : Comme vous, beaucoup de personnes sont accros à leur(s) chat(s). Comment expliquez-vous cela ? RK : Je pense que c’est lié à notre société. Nous avons tous des vies compliquées avec des hauts et des bas. Avoir une petite boule de poils près de nous, nous rassure, nous fait du bien, toutes générations confondues. Depuis mes sept ans, j'ai toujours eu un chat. Maintenant, c'est impossible d'imaginer ma vie sans un chat. Je pense qu'avec mon expérience de "crazy cat lady", j'arrive bien à imaginer comment elle se sent. Cela a permis de créer une vraie complicité entre nous. LFC : Ils ont aussi leurs propres caractères… RK : Exactement, ils sont passionnants, car ils sont insaisissables. C'est eux qui décident si nous devons les caresser, les laisser tranquilles... Ce côté le chat et la souris où nous devons aller les chercher nous plaît. Ils ont un côté mystérieux et une grâce folle qu'on adore. LFC : Justement, qu’avez-vous à dire à ceux qui n'aiment pas les chats ? RK : Je les comprends. Les chats peuvent être


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REEM KHERICI effrayants et imprévisibles avec leurs gestes très rapides. Il ne faut pas se forcer à aimer. C'est comme un plat. Quand on n’aime pas, on ne le mange pas. Il existe toutes sortes de chats, les craintifs qui ressentent la peur avec qui ça ne marchent pas et d'autres qui peuvent être de vraies peluches. Je tiens à préciser que les personnes qui n'aiment pas les chats, mais qui sont sensibles à l'humour peuvent apprécier mon bouquin. LFC : Nous avons entendu parler d’un film sur Diva. Confirmez-vous ? RK : Elle m'impose d'écrire, car elle en a marre de me voir tout le temps. Elle a donc refusé Paris à tout prix pour laisser sa place à une doublure. Diva est dans le film, mais ce n'est pas elle, car le rôle n'était pas assez grand. Je suis donc en pleine écriture de son film, c'est très dur et très long, car je n'ai pas le droit à l'erreur. Comme Ted ou Paddington, tout doit être storyboarder, il n'y a pas la place à la moindre improvisation. Le scénario et tous les découpages doivent être béton. C'est un travail de titan, en ajoutant à cela qu'il faut absolument une histoire qui tient la route.

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LFC : Avec Paris à tout prix et Jour J, ce sont deux comédies grand public. Cette fois-ci, avec le film Diva, vous relevez le challenge de toucher les familles ? RK : C'est parfaitement cela. Tout l'enjeu est de trouver le ton du film. Si je faisais un long métrage comme Ted, cela ne s'adresserait pas à toute la famille, et puis, ça ne me ressemble pas. En choisissant de parler à l'ensemble de la famille, il y a plusieurs lectures à proposer dans une même histoire pour que les enfants et les parents puissent y trouver un sens. LFC : De film en film, vous avancez. Nous avons le sentiment que vous relevez des défis à chaque fois. Qu’en pensez-vous ? RK : J'essaie ! Je pense surtout que je le fais de manière inconsciente et je vous remercie du compliment. J'espère pouvoir relever ce challenge et construire une œuvre honnête, proche de ce que je suis. Dans Paris à tous prix, c'est le fait d'accepter le pouvoir d’être le plus fort qui est mis en avant. C'est un peu ce que je suis. Jour J, c’est un sujet un peu similaire, mais avec une femme plus âgée et expérimentée. Quoiqu'il arrive, les personnages sont conçus par moi et me ressemblent.


DÉCEMBRE 2017

|

LFC MAGAZINE #5

young . sélection familiale

EXCLUSIF L'INTERVIEW

Jay Asher, auteur de la série Netflix 13 reasons why

+ LES ENTRETIENS DE VICTOR DIXEN, AGNÈS LEDIG, FRÉDÉRIC PILLOT, JAY JAY BURRIDGE, ANNE PLICHOTA ET CENDRINE WOLF, KWAME ALEXANDER


Jay Asher à Paris

p.128 Victor Dixen

p.132 Anne Plichota Cendrine Wolf

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ET AUSSI...KWAME ALEXANDER P.126, JAY JAY BURRIDGE P.135, ANTOON KRINGS P.141

Agnès Ledig Frédéric Pillot

lfc magazine #5

L'auteur de la série événement Netflix "13 reasons why" rencontre la rédaction de LFC Magazine à l'Hôtel de l'Abbaye, rue cassette pour parler cassettes, et... p.137

p.124


Agnès Ledig s'adresse aux petits bouts avec Frédéric Pillot, illustrateur Par Christophe Mangelle // Photos : Agnès C, Albin Michel

Agnès Ledig est ici chez elle. Aujourd'hui, elle nous parle de son premier livre jeunesse qui s'adresse aux enfants, dès quatre ans, avec comme compagnon Frédéric Pillot. Entretien.

LFC : Vos personnages sont un arbre et un nuage, dites-nous en plus !

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A : Le texte est né d'une de mes nombreuses promenades dans la nature. Ce jour-là, mon petit arbre préféré sur mon parcours,

lfc magazine #5

LFC : Comment vous êtes-vous rencontrés ? Frédéric : Au fin fond de la jungle Amazonienne, Agnès était retenue prisonnière d'une bande de méchants braconniers qu'elle harcelait depuis des mois. Je lui ai dit que j'étais illustrateur et pour me remercier de l'avoir délivrée, elle m'a promis un texte avec un nuage ! Agnès : En fait, c'est notre éditrice, Lucette Savier, chez Albin Michel jeunesse, qui, après avoir reçu le texte, l'a proposé à Frédéric. Elle a donc été le trait d'union entre nous. Je connaissais les albums de Frédéric et il savait que j'écrivais des romans, car nous ne nous connaissions pas personnellement avant ce projet. La rencontre a été immédiate et évidente et nous avons instantanément eu envie de travailler ensemble.


FRÉDÉRIC PILLOT ILLUSTRATEUR

LFC : Que voulez-vous dire aux enfants Agnès avec votre texte ? A : J'avais envie de raconter qu'on peut être très

différent, qu'on peut vivre des choses totalement opposées, et cependant se rencontrer, se faire du bien réciproquement et construire une amitié solide et enrichissante. Le petit arbre symbolise l'enracinement, le côté ancré dans la vie, et le petit nuage plutôt la légèreté et le voyage. Quelle jolie façon de se compléter quand on vient d'origines si différentes et qu'on appartient pourtant au même horizon...

LFC : Que voulez-vous dire aux enfants Frédéric avec vos dessins ? F : Avec mes dessins je veux montrer, faire voir les images qui me viennent en lisant, que l'enfant ai envie de rester un peu ... jusqu'à le lire ... pour vérifier ;)

Le texte est né d'une de mes nombreuses promenades dans la nature. (Agnès Ledig)

lfc magazine #5

au sommet d'une petite colline, se détachait sur un profond ciel bleu où seul un nuage se trouvait, juste audessus du pommier. La petite fille que je laisse toujours vivre en moi y a vu un dialogue entre eux deux. L'histoire était née.

Le petit arbre qui voulait être un nuage. (Albin Michel)

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LFC : À qui adressez-vous ce joli livre ? A : Ce livre s'adresse aux enfants à partir de 4 ans et jusqu'à un âge assez avancé, puisque la structure en alexandrin peut être intéressante pour les enfants plus grands. Et puis aux adultes aussi, surtout ceux qui ont su garder leur âme d'enfant. Il nous est très doux d'imaginer que cet album parlera à la fois aux enfants mais aussi aux adultes qui vont leur raconter l'histoire, et leur permettre ainsi un petit moment d'échange agréable et poétique. F : Je dessine surtout les images que j'aurai pu aimer voir quand j'étais petit, je m'adresse un peu à l'enfant que j'étais ... en fait un peu à tout le monde ! Le petit arbre qui voulait devenir un nuage, Agnès Ledig et Frédéric Pillot, Albin Michel

Kwame Alexander à mi-chemin entre le slam et le vers libre Par Christophe Mangelle et Quentin Haessig Photos : Portia Wiggins Portraiture

Poète et éducateur, Kwame Alexander rencontre un franc succès aux États-Unis. Fervent défenseur de la poésie, il vient partager son livre Frères en France. LFC : Bonjour Kwame Alexander, nous nous rencontrons pour la sortie de votre livre Frères. Ce livre s’adresse-t-il à la jeunesse ?

KA : Je crois que le succès de ce livre est aussi dû au pouvoir de la poésie. C’est quelque chose d’universel, presque démocratique. Les mots sont larges, précis et évocateurs. C’est pour cela que ce livre a touché un public très varié.

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LFC : Vous avez choisi de

KA : La poésie est la langue de l’amour, pas forcément de l’amour au sens général, mais également de l’amour familial. C’est la première langue à laquelle nous avons accès lorsque l’on est jeune. C’est ce que j’essaye de retranscrire dans mon écriture. Pendant la première partie de notre vie, nous sommes très proches de la poésie, sans nous en rendre compte, et puis en grandissant nous nous en faisons quelque chose de distancié. On nous en éloigne en nous expliquant que c’est quelque chose de trop compliqué. Inconsciemment,

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KA : Je ne dirais pas forcément que c’est un livre pour les enfants. C’est un livre à propos des enfants mais qui peut avoir un écho auprès de plusieurs générations. Des adultes, des enseignants, des enfants… C’est un livre à propos de jeunes adultes.

LFC : Aux États-Unis, votre livre a très bien marché et cela se justifie par la réponse que vous venez de nous donner.

raconter cette histoire en utilisant un texte très ambitieux en vers libre. Pourquoi avez-vous fait ce choix ?


nous la dépersonnalisons, en nous en faisant une montagne. Pour ma part, je n’ai jamais vraiment perdu ce lien avec la poésie, c’est très évocateur pour moi et cela me permet de donner ma perception du monde, ma perception de la vie et ma perception des autres. Lorsque j’avais vingt-quatre ans, je prenais le bus pour aller travailler. Un jour, j’ai vu une femme très belle sauf que je ne savais pas comment lui dire. J’ai commencé à lui écrire un poème par jour pendant un an. Puis, au bout d’un an, j’ai posé mon genou à terre et je lui ai lu un dernier poème. Cette femme m’a épousé ! LFC : Pouvez-vous nous parler de cette métaphore que vous utilisez entre la vie et le sport ? KA : La métaphore du sport est la meilleure métaphore qui existe en littérature. Quand on souhaite enseigner à nos enfants d’être de meilleurs adultes, à s’aimer les uns les autres, la métaphore du sport est la plus adaptée. En prenant l’exemple du sport, on peut inculquer beaucoup de valeur à nos enfants. LFC : Avez-vous une relation particulière avec les enfants ? Ils doivent être fous de vous ! KA : Je suis également fou d’eux, j’ai un métier fantastique. J’ai la chance d’être ici aujourd’hui pour les rencontrer au Salon de Montreuil. Je suis très impatient de les rencontrer. LFC : Vous avez eu de nombreuses récompenses pour ce livre. Cela vous a-t-il fait plaisir ? Cela vous a-t-il procuré de la pression ?

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KA : À vrai dire, les deux. Ma carrière a complètement changé après la réception de ces prix. Pendant vingt ans, je n’ai pas forcément eu de succès en tant qu’auteur. J’aimais simplement ce que je faisais. Aujourd’hui, je suis content, car je suis devenu un auteur à temps plein. Ma femme est contente et surtout je suis heureux que ces prix aient donné un écho international au livre. Le fait qu’il puisse être lu par des enfants dans le monde entier est quelque chose d’extraordinaire pour un auteur. Bien sûr, il y a également de la pression, car je me dois de faire pareil voire mieux pour le prochain livre. Mais j’aime la pression et j’en ai besoin. Cela me donne envie de me

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surpasser. LFC : Pour terminer cet entretien, pouvez-vous nous donner trois raisons de lire votre livre ? KA : Premièrement, il faut que vous lisiez ce livre, car il est divertissant et intéressant. Deuxièmement, je crois que dans ce monde, nous cherchons tous une source d’inspiration. Nous sommes constamment dans le drame quotidien, dans le tragique ou le négatif. Nous avons besoin de cette dose d’inspiration et j’ai le sentiment d’avoir mis cela dans mon livre. Et pour finir, la fin du livre est spectaculaire et je pense que vous n’en reviendrez pas. Frères, Kwame Alexander, Albin Michel

Victor Dixen, le genie young adult Par Christophe Mangelle et Quentin Haessig // Photos : E. Clocksbriggs

En 2010, Victor Dixen reçoit le Grand Prix de l'Imaginaire jeunesse pour le premier tome de sa tétralogie Le Cas Jack Spark. Il récidive en 2014 avec un nouvel opus, Animale, la malédiction de Boucle d'Or. Aujourd'hui, il nous parle de Phobos, quatre tomes et un prequel. Rencontre dans les locaux de sa maison d'édition, Robert Laffont / Collection R.

LFC : Pouvez-vous nous pitcher votre série Phobos en quelques phrases ? VD : Phobos, c’est l’histoire de la conquête martienne. C’est

LFC : Saviez-vous dès le départ que vous alliez écrire quatre bouquins et

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VD : je pense que c’était important de sortir ce prequel maintenant afin que les lecteurs connaissent le passé de mes personnages

avant de les quitter. C’était le bon moment pour le sortir. Je l’ai rédigé de telle manière que l’on puisse le lire à n’importe quel moment. Entre le troisième et le quatrième, mais également avant le deuxième… Bref, peu importe, je laisse le choix à mes lecteurs.

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LFC : Bonjour Victor Dixen, nous nous rencontrons pour parler de l’ensemble de la série Phobos. Cinq livres : quatre tomes et un prequel. Aujourd’hui, c’est la sortie du dernier tome, le dénouement de la série. Pourquoi avez-vous choisi de sortir le prequel juste avant ce dernier tome ?

un thème qui me fascine depuis longtemps et qui semble aujourd’hui réalisable. La NASA promet d’envoyer des gens sur Mars en 2030. Cependant, la technologie actuelle permet d’aller sur Mars, mais de ne pas en revenir. Une fois sur Mars, on ne peut plus s’extraire du trou gravitationnel. Donc pour l’instant, c’est un voyage en aller simple. D’un point de vue romanesque, cela m’a vraiment fasciné. J’ai couplé cette conquête de Mars avec la société d’image dans laquelle nous vivons en ce moment avec les écrans, les réseaux sociaux et la téléréalité.


un prequel ? VD : Tout dépend des histoires que je souhaite raconter. Pour la série Animale par exemple, j’avais moins planifié les choses. L’histoire était plus basée sur une ambiance inspirée d’un rêve que j’avais fait. Pour Phobos, c’était plus un questionnement, une interrogation que j’avais sur ce thème. J’ai planifié à l’avance. Je connaissais mon axe narratif, je savais où je voulais atterrir. Cependant, cela a pris une ampleur tellement importante que j’ai été obligé de resserrer un peu. LFC : Ce projet nous fait beaucoup penser aux séries TV et au gros succès de Hunger Games. Ces succès vous ont-ils inspiré pour écrire ce livre ? VD : J’aime la respiration de la série. Contrairement aux films, la série permet de creuser certains axes de l’histoire. Il y a des thèmes qui sont importants à explorer en tant qu’auteur. J’aime jouer avec les personnages, les faire disparaître puis les faire réapparaître dans les tomes suivants. L’attente entre les tomes d’une série fait partie de la série. L’imagination du lecteur continue de travailler, il y a quelque chose qui se passe et c’est ce qui me stimule en tant qu’auteur. Je pense que cela correspond bien à notre époque où l’on est sans cesse happé par des notifications avec les réseaux sociaux… Le temps n’a jamais été aussi morcelé que dans notre société actuelle. Cependant à travers la série, on retrouve un temps plus long, on retrouve des univers, des personnages qui vont nous accompagner au fil des mois. LFC : Aimeriez-vous que cette série devienne un film ou une série TV ?

LFC : Avez-vous déjà pensé à des acteurs pour incarner vos personnages ?

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VD : Il se trouve qu’il y a déjà une option audiovisuelle qui a été prise par un producteur, c’est déjà un premier pas. C’est quelque chose qui prend beaucoup de temps. Je croise les doigts pour que cela se fasse. L’avantage c’est que j’avais déjà écrit ce roman comme un script. Je l’ai découpé en séquences, car c’est un livre très imagé.

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VD : Personnellement, non. Cependant, les lecteurs débordent d’idées. C’est vraiment la magie des réseaux sociaux. Les internautes font des propositions de casting et proposent même des bandesannonces qui sont diffusées sur YouTube. Le film pourrait ressembler à cela. LFC : À qui adressez-vous vos livres ? VD : Mes livres s’adressent à un public de quatorze, quinze ans. Cependant, je remarque que beaucoup d’autres personnes s’y intéressent. C’est une littérature très décloisonnée, un peu à l’image des livres d’Harry Potter que l’on a pu voir entre les mains de toutes les générations. J’ai pu constater cela au Salon du livre de Montreuil. J’ai vu beaucoup d’adolescents et d’adultes tenir mon livre entre leurs mains. Il n’y a plus de limites. Ce que les lecteurs viennent chercher dans le Young Adult, c’est un peu plus d’imaginaire, de liberté. La littérature jeunesse est la grande héritière des romans d’aventures du passé comme ceux d’Alexandre Dumas ou de Jules Verne. LFC : Phobos, c’est une grande partie de votre vie. Qu’en pensez-vous ? VD : Le premier livre a été publié il y a deux ans et demi. Mais avec toutes les recherches scientifiques que j’ai faites, je dirais que cela fait un petit peu plus de quatre ans. Quatre ans de ma vie où j’ai l’impression d’avoir vécu sur Mars. LFC : Aviez-vous l’impression d’être déconnecté de la Terre ?

LFC : Quels sont vos projets pour la suite ? VD : Mes tiroirs sont remplis de projets. Des synopsis, des débuts d’histoire… Je me suis engagé sur une nouvelle aventure, mais j’aime rester secret. J’aime garder le suspense, mais sachez que quelque chose va bientôt venir…

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VD : Le gros avantage de l’écriture, c’est de se laisser emporter dans l’imaginaire. On apprend énormément de choses. C’est très enrichissant et j’ai vraiment eu l’impression de voyager dans le futur. Ce sont des choses que je n’aurais pas connu si je n’avais pas écrit ces livres.

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L’attente entre les tomes d’une série fait partie de la série. L’imagination du lecteur continue de travailler, il y a quelque chose qui se passe et c’est ce qui me stimule en tant qu’auteur. Je pense que cela correspond bien à notre époque où l’on est sans cesse happé par des notifications avec les réseaux sociaux… Le temps n’a jamais été aussi morcelé que dans notre société actuelle. Cependant à travers la série, on retrouve un temps plus long, on retrouve des univers, des personnages qui vont nous accompagner au fil des mois. Phobos, les 4 tomes et le prequel, Victor Dixen, Robert Laffont / Collection R

victor dixen


Anne Plichota et Cendrine Wolf, le duo choc que les jeunes aiment lire

Par Christophe Mangelle // Photos : Damien Grenon

Fort du succès des séries Oksa Pollock, Susan Hopper et Tugdual

Les 5/5, tome 1 : en équilibre, Anne Plichota et Cendrine Wolf, XO Éditions

vendues à 600 000 exemplaires et traduites dans 27 langues, Anne Plichota et Cendrine Wolf reviennent en librairie avec une nouvelle série : Les 5/5. Entretien avec deux romancières qui allient divertissement et réflexion. Passionnant. LFC : Nous vous avons découvert avec la série Oksa Pollock, Susan Hopper et Tugdual vendues à 600 000 exemplaires et traduites dans 27 langues. Comment expliquez-vous ce succès ?

LFC : Vous proposez aujourd’hui un nouveau roman d’aventures pour ados. Pouvez-vous nous parler de l’univers des 5/5 ?

LFC : Vos cinq héros, qui sontils ? AP et CW : Les 5/5 existent, ce sont des garçons et des filles que nous connaissons tous, que nous côtoyons, nos propres enfants, leurs camarades, nos familles, nos voisins. Parmi les membres de la petite bande, on trouve John, 12 ans, garçon né dans un corps de fille, choyé par sa famille, mais confronté à l’incompréhension, voire l’hostilité d’autrui. Far, elle, a 16 ans. C’est une jeune fille surdouée déchirée entre deux cultures, celle de ses parents épiciers qui ont fui

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AP et CW : Nous avions le désir d’un univers très urbain, inscrit dans le réel et le quotidien, tout en conservant les ingrédients qui nous ont toujours été chers : la fraternité, la justice, l’identité, la relation aux Autres. Comme dans nos précédents romans, c’est dans l’aventure et le suspense que les héros se révèlent. Réunis par un philanthrope en révolte face à l’injustice, ces cinq adolescents aux profils et milieux différents vont se lancer dans des opérations à la Robin des Bois contre ceux

qu’ils appellent les bandits cyniques, les spéculateurs sans scrupule et autres hommes politiques corrompus. Au-delà de l’action, ils vont apprendre à se connaître et à s’affirmer pour ce qu’ils veulent être, pour ce qu’ils sont.

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AP et CW : Ce serait aux lecteurs de le dire ! Mais d’après notre expérience, la littérature fantastique semble correspondre à un véritable besoin, d’autant plus quand elle inclut des personnages attachants et humains (et donc imparfaits) sur lesquels on peut se projeter facilement (pouvoirs surnaturels en moins !), des thèmes universels tels que la quête d’identité, les sentiments (qu’ils soient fraternels, filiaux, amicaux, amoureux...), ainsi qu’un équilibre entre aventure, psychologie et émotions. Une saga pleine de rebondissements peut revêtir une certaine sensibilité, et c'est

certainement le meilleur atout de nos séries.


l’Afghanistan, et celle de son pays, la France. Far ne manque de rien, sauf de liberté. Les jumeaux Merlin et Titus, 17 ans, sont déscolarisés, travaillent dans un supermarché et sont adeptes de Parkour – ou « art du déplacement », popularisé par les Yamakasi. Leur mère, infirmière, est leur seule famille, la précarité fait partie de leur quotidien. Quant à Tom, 13 ans, acrobate, solitaire et rebelle, il ne connaît pas le manque, si ce n’est celui de l’estime de son père. Chacun d’eux cherche à trouver sa place dans un monde qui prône la différence, mais la tolère parfois difficilement. Unis par leur soif de justice et leur goût pour les sports de rue, ils ont tous quelque chose à prouver, une blessure à soigner, une lutte à mener.

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AP et CW : La féminité chez les jeunes filles d’aujourd’hui est un sujet qui nous tient profondément à cœur, notamment au travers de ce discours paradoxal qui encourage à être soi-même dans une société qui n’en laisse pas toujours la possibilité – mettez des jupes, des talons, du rouge à lèvres, soyez fières d’être fille, d’être femme, mais ne vous plaignez pas si on vous considère comme des objets, si on vous insulte... Nous avons également voulu aborder un autre sujet, finalement très proche de cette volonté de s’affirmer : l'identité de genre chez l’enfant. C’est une question complexe, pas toujours bien comprise et admise, qui

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LFC : Dans ce livre, vous abordez des problématiques liées à l’adolescence comme la féminité ou encore l’identité de genre chez l’enfant. Pour quelles raisons ?


Il y a des choses qui nous touchent, nous heurtent, nous scandalisent plus personnellement et l’écriture devient alors une façon de les dénoncer et d’encourager nos jeunes lecteurs à rester curieux, concernés et indignés. anne plichota et cendrine wolf requiert une attention particulière. Nous avons souhaité l’aborder sans tomber dans le mélo psychologique ou le militantisme, sans juger ou chercher à expliquer, juste montrer que cela existe et que ce n’est pas une calamité. Et d’un point de vue plus personnel, cette problématique correspond à des expériences que nous avons vécues l’une et l’autre : un corset orthopédique et une éducation plutôt autoritaire ont parsemé mon adolescence de contraintes (Anne) ; quant à Cendrine, elle s’est longtemps sentie garçon, avant de se résigner et de s’adapter à être et vivre femme.

LFC : Selon vous, quel rôle l’écrivain doit-il endosser pour la jeunesse dans nos sociétés ? AP et CW : Il paraît évident que l’on transmet, consciemment ou inconsciemment, des principes personnels, des éléments du passé et du présent que l’on partage alors sous forme d’histoire fictive. Mais 100% de fiction, ça n’existe pas. Nous écrivons selon ce que nous sommes, du plus doux au plus rugueux. La passion de raconter des histoires reste la même, l’élan et le foisonnement de l’imaginaire demeurent les carburants essentiels. Mais à cela, peut s’ajouter la volonté d’aborder des faits réels, comme par exemple, dans ce roman les abus de pouvoir, le cynisme de notre monde, la brutalité sociale. Les actualités nous fournissent des exemples tous les jours ! Il y a des choses qui nous touchent, nous heurtent, nous scandalisent plus personnellement et l’écriture devient alors une façon de les dénoncer et d’encourager nos jeunes lecteurs à rester curieux, concernés et indignés.


Jay Jay Burridge, une fascinante aventure, entre Indiana Jones et Jurassic Park Par Christophe Mangelle et Quentin Haessig Photos : Mel Moss et Collection particulière

Supersaurs, les raptors de paradis, Jay Jay Burridge, Robert Laffont / R Jeunesse

Jay Jay Burridge est sculpteur, diplômé en arts plastiques de la faculté Central Saint Martin de Londres. Mais pas que... À l'été 2010, il est revenu vers ses premières amours : les dinosaures, installant huit sculptures de supersaurs à Beverly Hills, à Los Angeles... Rencontre avec un auteur qui va faire rêver vos enfants ! LFC : Bonjour Jay Jay Burridge, nous nous rencontrons pour parler de votre livre Supersaurs. Vous êtes de passage à Paris pour le salon du livre de Montreuil. Êtesvous heureux d’y participer ?

LFC : Nous allons parler du livre et de votre personnage Béa Kingsley dont les parents explorateurs ont disparu alors qu’elle n’était qu’une enfant. Sa grand-mère l’emmène ensuite dans des îles reculées d’Indonésie où elle est loin de LFC : En lisant votre s’imaginer ce qui va lui biographie au début du livre, arriver… nous avons remarqué que vous êtes quelqu’un de très JJB : Pour ceux qui connaissent occupé et de très créatif. un peu mon univers, ils savent à

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LFC : Supersaurs, c’est le titre de votre livre. Un monde où les dinosaures auraient survécu et évolué en… Supersaurs ! Cette passion pour les dinosaures, d’où vient-elle ?

JJB : J’ai fait beaucoup de choses dans ma vie. Du design pour de grandes marques comme Adidas, Nike ou Levi's. J’ai lancé ma propre marque de casquette. J’ai également fait de la sculpture. J’ai ouvert une chaîne de restaurant avec mon ami Jamie Oliver… Bref, tous ces projets ont été animés par ma curiosité. J’ai aimé faire des choses différentes dans ma carrière et ce n’est pas fini. Le monde est une source d’inspiration.

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JJB : Je suis très heureux d’être à Paris. Ce n’est pas la première fois que je viens, ma femme a travaillé longtemps pour une entreprise à côté de Montmartre. Je la suivais, j’étais le petit copain qui écrivait des histoires sans savoir où cela allait le mener. Mais je suis très content qu’aujourd’hui cela se concrétise, je me sens très chanceux.

JJB : C’est une grande question. Je crois que cette passion a toujours été en moi. Depuis mon plus jeune âge, j’aime les dinosaures. Je suis également passionné par l’univers d’Indiana Jones, de Star Wars… Je suis sûr que vous trouverez toutes ces influences dans le livre. J’aime faire découvrir ces classiques à mes enfants. C’est aussi grâce à cela que j’ai toujours une âme juvénile. La première chose que j’ai commencé à dessiner lorsque mes parents m’emmenaient au Musée d’Histoires naturelles de Londres, ce sont des dinosaures. Depuis cette passion n’a jamais cessé de m’animer.


quoi elle va s’attendre. Mais pour ceux qui ne connaissent pas, il y a une île d’Indonésie où habitent de somptueux raptors de paradis. S’en suivent des aventures qui ressemblent à celles de Tarzan ou de Mowgli dans Le livre de la jungle. LFC : Ce livre, s’adresse-t-il uniquement aux enfants ? JJB : Non justement. Ce que je souhaite, c’est que les enfants apprennent des histoires par le prisme de leurs parents. Les classiques dont je vous ai parlé tout à l’heure sont des références qui parlent à toutes les générations et surtout qui se transmettent. LFC : Avec ce livre, vous proposez une application pour lire le livre en réalité augmentée, nous avons été bluffés (vous pouvez voir la vidéo sur nos réseaux sociaux). Pouvez-vous nous en parler ? JJB : C’est une application gratuite que vous pouvez trouver sur toutes les plateformes de téléchargement comme l’AppStore ou Android. Le fait de proposer une application avec le livre permet de garder les enfants en éveil. Je veux montrer que les livres et les nouvelles technologies peuvent aller ensemble. LFC : C’est une manière de leur donner envie de lire ? JJB : Oui exactement. La nouvelle génération a dû mal avec la lecture. Il faut leur donner envie de lire. Il n’y a rien de mal à utiliser un téléphone de nos jours, seulement il faut l’utiliser à bon escient. C’est une forme d’éducation. LFC : Quels sont vos projets à venir ?

LFC : Un dernier mot pour les lecteurs français… JJB : J’espère que vous prendrez autant de plaisir avec ce livre/application que j’en ai pris à le concevoir.

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JJB : Supersaurs est la première partie d’une série. Je suis actuellement sur l’écriture d’une autre série du même genre. Les personnages ressemblent un peu à ceux de Supersaurs et vivent dans un monde imaginaire où je place des lieux qui existent vraiment comme les pyramides. Je travaille également sur une exposition. J’ai beaucoup de projets. C’est un monde incroyable dans lequel j’adorerais vivre.

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Exclusivité LFC Magazine.

Jay Asher, l'auteur de la série phénomène Netflix, 13 reasons why. 13 reasons why, Jay JAsher, Albin Michel

Par Christophe Mangelle et Quentin Haessig Photos : Sonya Sones

Jay Asher parle de l'adolescence, du suicide, du harcèlement, de thèmes sensibles avec une justesse édifiante. Rencontre à l'Hôtel de l'abbaye, 10 rue cassette (ce lieu était fait pour cet entretien) avec l'auteur à qui l'on doit l'excellente série 13 reasons why, diffusée en exclusivité sur Netflix. Entretien inédit. LFC : Bonjour Jay Asher. Nous sommes ravis de vous rencontrer durant votre passage à Paris pour le salon du livre de Montreuil. Vous venez aujourd’hui pour nous parler du livre 13 reasons why, franc succès dans le monde entier et de votre nouveau roman What Light. Première question, quel est votre sentiment d’être en France aujourd’hui ?

LFC : À quel moment avezvous décidé d’écrire sur le harcèlement, sur le suicide ? Comment est née l’idée d’écrire ce livre ? JA : Il y a neuf ans, une amie a tenté de se suicider et elle n’a pas réussi à trouver de l’aide pour en parler autour d’elle. C’est à partir de cette histoire que j’ai pu commencer à écrire ce livre. Le fait qu’elle n’est rien pu lire à cette époque m’avait beaucoup marqué. LFC : Ce livre s’adresse aux

JA : En effet, j’ai écrit ce livre spécialement pour les jeunes de cet âge-là, même si j’adore que mon livre soit lu par des adultes. LFC : Vous avez choisi de parler de thèmes difficiles pour les adolescents et vous avez réussi à les toucher. Pouvez-vous nous dire si c’était l’idée de départ ? JA : Je sais que ce sont des sujets difficiles, mais je voulais que les adolescents soient touchés par ce livre. Il devait être authentique et honnête. Je ne m’attendais pas à ce que ce livre ait autant de succès. Je suis très heureux qu’aujourd’hui des gens puissent s’identifier à cette histoire. Avec le recul, à propos du succès, je ne pense pas que ce livre aurait aussi bien marché si des démarches fortes en matière de

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LFC : Le livre 13 reasons why est une aventure extraordinaire. Ce livre, a-t-il

JA : Oui complètement. Je ne m’attendais pas à ce que le livre ait autant de succès. C’est grâce à ce livre si aujourd’hui je peux être un auteur à temps plein. Lorsque je l’ai terminé, je pensais avoir seulement une poignée de lecteurs.

jeunes de quatorze, quinze ans. Vous confirmez ?

lfc magazine #5

JA : Lorsqu’on m’a proposé de venir à Paris, je n’ai pas hésité une seule seconde. De plus, c’est la première fois que je viens ici. C’est pour cela qu’hier soir, dès que mon avion a atterri et que je suis arrivé à l’hôtel, je suis ressorti tout de suite pour aller marcher dans les rues enneigées de Paris.

changé votre vie ?


prévention avaient eu lieu auprès des jeunes dans le monde entier. LFC : Ce livre est aujourd’hui une série que l’on peut regarder sur Netflix. Quelle a été votre réaction lorsqu’on vous a proposé d’adapter votre livre ? JA : J’étais très excité par le projet. Nous avions déjà pensé à une adaptation, mais plutôt en film. Il y avait un scénario écrit, mais c’était dur de retranscrire toutes les émotions à travers un long métrage. Puis

lorsqu’ils ont proposé une adaptation en série, j’ai tout de suite adhéré. C’était la manière la plus naturelle de le faire. LFC : Ce qui marche dans ce que vous avez proposé avec ce livre, c’est l’idée des cassettes.

LFC : Petit clin d’œil à votre roman, nous nous rencontrons à l’Hôtel de l’Abbaye à paris, rue Cassette…

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JA : C’est ce que j’ai appris il y a quelques heures, mais je n’avais même pas fait le rapprochement avec les cassettes du livre ! (Rires).

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JA : J’ai utilisé ces cassettes dans le but d’être moderne à l’époque, car ce livre a été écrit il y a plus de dix ans. À l’époque, il y avait un côté mystérieux, on ne savait pas trop comment cela fonctionnait. Construire l’intrigue autour de cet objet était un bon moyen de sensibiliser les gens.


Il y a neuf ans, une amie a tenté de se suicider et elle n’a pas réussi à trouver de l’aide pour en parler autour d’elle. C’est à partir de cette histoire que j’ai pu commencer à écrire ce livre. Le fait qu’elle n’est rien pu lire à cette époque m’avait beaucoup marqué. jay asher

LFC : Quel a été votre degré d’implication dans la série ?

JA : Je ne peux rien dire du tout sauf que je suis très excité par ce nouveau projet.

JA : Je me suis investi beaucoup moins que prévu, mais j’ai participé. Je leur faisais vraiment confiance. À chaque fois qu’il me donnait les différentes versions des scénarios, je les lisais et je voyais que tout allait bien. C’est pour cela qu’à un moment donné, je leur ai dit d’arrêter de me les donner (rires). Ils avaient parfaitement compris où je voulais en venir avec l’histoire.

LFC : Nous allons maintenant parler de votre nouveau roman What light. Comment est née l’idée de l’écrire ?

LFC : Quel est votre avis sur cette première saison ? JA : Je suis un des seuls auteurs qui n’a aucune plainte à faire à propos de cette première saison. Cela a été une expérience magique, j’ai été traité de la plus belle des manières. LFC : Nous avons bien conscience que vous ne pourrez pas nous en dire beaucoup, mais on vous pose quand même la question. Qu’en est-il de la deuxième saison ?

JA : Cette idée m’est venue bien avant l’écriture de 13 reasons why. Je l’avais dans ma tête depuis un certain temps. J’ai commencé à écrire ce livre à la suite d’un article que j’avais lu, qui racontait l’histoire d’une famille vivant dans une ferme de l’Oregon et qui cultivait des arbres de Noël. Ils se déplaçaient ensuite en Californie pour les vendre. LFC : Pouvez-vous nous présenter les deux personnages principaux de cette histoire ? JA : Sierra est une jeune fille de dix-sept ans dont la famille se rend chaque année en Californie pour vendre les sapins qu'ils ont fait pousser dans leur plantation. Pendant un mois, elle change complètement de vie, car elle se déplace et c’est à ce moment-là qu’elle va rencontrer Caleb dont elle va tomber amoureuse. LFC : C’est la période parfaite pour lire ce livre ?


Je ne peux rien dire du tout sur la saison 2 de 13 reasons why sur Netflix sauf que je suis très excité par ce nouveau projet.

What Light, Jay JAsher, Michel Lafon

jay asher JA : Oui et ce qui est amusant, c’est que le livre est sorti l’année dernière aux États-Unis et que les gens en ont fait une sorte de tradition en le lisant chaque année. Cela me fait grand plaisir en tant qu’auteur. LFC : Vous êtes vraiment gâté par vos lecteurs… JA : J’ai les meilleurs lecteurs de la planète. À chaque fois que je me déplace, il m’offre des cookies, du chocolat chaud, des cadeaux… Si je commence à prendre du poids, c’est à cause d’eux ! (rires) LFC : Ce qui marche très bien dans vos romans, ce sont les émotions. Vous savez très bien les retranscrire. JA : Merci pour cette remarque. Vous savez, ma femme est toujours surprise lorsqu’elle lit mes

livres. Elle a dû mal à s’imaginer que c’est moi qui les écrit (rires). Je pense que c’est un moyen pour moi de m’exprimer d’une autre manière. LFC : Pour conclure l’entretien, avez-vous un message personnel à adresser aux lecteurs français ? JA : J’aime les conversations entre les adolescents et les adultes à propos de mon livre. C’est une manière de faire avancer les choses. Ce que je souhaite plus que tout, c’est que les personnes qui sont dans des situations compliquées, comme celles de mes personnages, doivent en parler autour d’elles. Pour finir, je tiens à remercier tous les lecteurs français qui me soutiennent.


Exclusivité LFC Magazine.

Antoon Krings, l'auteur de "Drôles de petites bêtes", actuellement au ciné Par Christophe Mangelle et Quentin Haessig Photos : Manuel Braun

Antoon Krings a vendu 18 millions d'exemplaires de Drôles de petites

Drôles de petites bêtes, Antoon Krings, Gallimard

bêtes aujourd'hui à l'affiche au cinéma et toujours dans les rayons de vos librairies. Petits et grands sont invités à passer un moment délicieux en leur compagnie. Rencontre avec Antoon Krings chez lui, à Paris. Entretien inédit. LFC : Antoon Krings, nous nous rencontrons chez vous pour parler de plusieurs de vos actualités. Des livres et aussi le film Drôles de petites bêtes actuellement en salles. Comment est née cette aventure ?

LFC : Vos livres s’adressentils uniquement à un jeune public ? AK : Plusieurs niveaux de lecture coexistent évidemment. Mes premiers lecteurs ne savent pas lire, c’est pour cela que les livres sont illustrés d’images, c’est ce qui les guide. De manière générale, je dirais que mes

LFC : Vos livres se sont vendus à dix-huit millions d’exemplaires… AK : C’est impressionnant. C’est une grande réussite. Je n’ai pas de secret. Malheureusement, je ne peux pas vous donner la recette. Je crois que j’ai trouvé un langage pour parler aux enfants, une forme de sincérité. Les gens peuvent s’identifier aux animaux, éprouver de l’amour pour eux, de la compassion, partager leurs joies, leurs peines. Je tiens beaucoup au côté affectif dans le livre. Je pense souvent à la lecture du soir qui est une sorte de cérémonie, un lien qui unit les enfants et leurs parents. LFC : Tous vos livres se retrouvent aux côtés de nombreux autres livres pour

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LFC : Ces drôles de petites

AK : J’ai été inspiré tout d’abord par les jardins de mon enfance. Ils étaient pour moi des terrains de jeux formidables, des théâtres d’aventures, des chasses au trésor. Pour créer les animaux, je me suis inspiré de leur mode de vie, de leur comportement pour définir leur caractère. Voilà comment les choses sont nées.

livres s’adressent à un public de deux à huit ans. Et bien sûr, ils s’adressent aussi aux adultes.

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AK : Tout a commencé avec les livres que j’ai créés il y a maintenant vingt ans. J’ai toujours été intéressé par les collections. Le fait de créer un univers avec ses propres personnages, quelque chose qui est propre à soi. Cette collection est le fruit de plusieurs années de recherches. J’ai réussi à créer cet univers composé d’insectes, mais aussi de petits mammifères et d’oiseaux. Une sorte de mini-société, une communauté au sein d’un jardin imaginaire.

bêtes, comment sont-elles nées ?


enfants, en librairie. Quel est votre sentiment ? AK : Oui en effet. Je n’aimerais pas être à la place des parents qui choisissent des livres pour leurs enfants tellement il y a de choix (rires). Mais cela prouve aussi qu’il y a une création artistique conséquente en France. C’est l’un des pays où la littérature jeunesse a une grande richesse, une place importante, une diversité et surtout beaucoup de grands talents.

LFC : Il y a les livres et désormais le film qui est en salles actuellement. Que pouvez-vous nous dire sur ce nouveau challenge ? AK : J’en ai toujours rêvé : adapter mon univers au cinéma. Je le désirais tellement que je suis à l’initiative du choix du producteur. Pas n’importe qui, Aton Soumache (Le Petit Prince, Le Petit Nicolas…). C’est tellement magique de voir votre univers s’animer devant vos yeux. J’avais l’impression d’être Geppetto qui découvre tout son travail. J’aime profondément l’animation et en plus, ce film a été l’occasion de revisiter mon univers sous un autre angle à travers l’œil de la caméra. De plus, la technologie de la 3D offre des possibilités infinies. LFC : Trois cents personnes mobilisées sur ce tournage. C’est un vrai travail d’équipe… AK : C’est curieux, car mon travail au quotidien est très solitaire. Se retrouver à partager son univers avec tout ce monde, c’était assez intimidant. Mais ma présence était nécessaire et fondamentale, car je pouvais accompagner les équipes, les guider. Je savais jusqu’où l’on pouvait pousser les personnages. J’avais une certaine vision de mon univers. L’équipe était formidable, j’ai découvert de vrais talents. On oublie un peu trop que tous ces animateurs, ces designers, ces graphistes sont de vrais artistes.

AK : Oui, Kev Adams et Virginie Efira. Lorsque j’ai été à l’enregistrement des voix, j’ai rencontré Kev Adams qui m’a dit avoir grandi avec mes livres. Il avait ce souvenir en tête. Il s’est investi à fond dans le projet.

lfc magazine #5

LFC : En coulisses, il y a toutes ces personnes, mais il y a également les voix…

142


Lorsque j’ai été à l’enregistrement des voix, j’ai rencontré Kev Adams qui m’a dit avoir grandi avec mes livres. Il avait ce souvenir en tête. Il s’est investi à fond dans le projet. Et cela me touche vraiment.

antoon krings

Et cela me touche vraiment. Quand je rencontre mes lecteurs et qu’ils me disent qu’ils ont gardé ces livres précieusement et qu’ils les offrent aujourd’hui à leurs enfants, je me dis que j’ai réussi quelque chose. LFC : Vous parlez de cette envie de longévité. Mais cela va se produire aussi grâce au film, car vous allez toucher des gens qui ne connaissent pas votre univers. AK : C’est l’un des enjeux avec le producteur : en faire un film populaire. Je n’ai pas de mépris avec le mot populaire. Il faut toucher le plus de monde possible. Élargir le public pour ne pas que les gens pensent que ce film s’adresse uniquement aux enfants. Tout le monde doit y prendre du plaisir. LFC : Avez-vous conscience que les dessins animés ont pris une place encore plus importante aujourd’hui ?

AK : Oui, que ce soit au cinéma ou dans les librairies d’ailleurs. Il y en a de plus en plus. Un long-métrage d’animation sort chaque semaine. Le dessin animé, c’est le fruit de cinq ans de réflexion et de travail pour rester seulement un mois à l’affiche. Mais je crois que les films ont une autre vie par la suite, j’en suis conscient. LFC : Nous avons réalisé cet entretien avant la sortie du film. Avez-vous le trac ? AK : Je suis quelqu’un de très angoissé par nature. J’ai envie que le film marche. Je me sens responsable par rapport à toutes les équipes, par rapport aux éditeurs, par rapport aux producteurs. Je les ai entraînés dans cette histoire et je ne veux pas échouer. J’en suis très fier. Évidemment, ce n’est jamais gagné d’avance. Mais dans la vie, il faut prendre des risques.


Je suis quelqu’un de très angoissé par nature. J’ai envie que le film marche. Je me sens responsable par rapport à toutes les équipes, par rapport aux éditeurs, par rapport aux producteurs. Je les ai entraînés dans cette histoire et je ne veux pas échouer. J’en suis très fier. Évidemment, ce n’est jamais gagné d’avance. Mais dans la vie, il faut prendre des risques. antoon krings

De nombreux livres en librairie chez Gallimard Jeunesse.


LES GENS

LFC MAGAZINE • #5

DÉCEMBRE 2017

QUI FONT LE BUZZ

SUR LA ROUTE DES PASSIONNÉS AVEC SIMON PINEL, DAVID SMADJA, ISABELLE BOURDIAL ET MARIE VINDY

145

LFC Magazine #5


ÉDITEUR PAR MURIEL LEROY

SIMON PINEL

Photo : DR

Simon Pinel est éditeur chez Critic.

LFC : Vous êtes chez les Éditions Critic. Pourriez-vous nous présenter

Entretien.

SP : Bien sûr. Les Éditions Critic ont été fondées en 2009 par Éric Marcelin

votre maison d’édition et votre ligne éditoriale ?

et moi-même, comme un projet parallèle à la librairie. Nous sommes basés à Rennes et spécialisés dans les littératures de l'Imaginaire – science-fiction, fantasy et fantastique – ainsi que le thriller. Nous publions une douzaine de romans par an ; uniquement des auteurs français. LFC : Après cette rentrée littéraire que nous proposez-vous ? 146 | LFC Magazine #5


BLOGGEUR

LES GENS QUI FONT LE BUZZ PAR MURIEL LEROY

Simon Pinel, Critic SP : Je pourrais vous parler de nos derniers titres sur

LFC : L’obsession de trouver le bon texte,

des pages et des pages. Aussi, vais-je me concentrer sur

le bon auteur c’est palpitant et en même

nos thrillers. Tout d’abord, Les Enfants de Chango où une

temps est ce que ça rend pas un peu fou ?

jeune femme, Amalia, tente de retrouver sa fille, enlevée par une mystérieuse organisation. On suit aussi,

Ce qui rend fou, en fait, c’est surtout le

Frank, un tueur à gages, qui débarque sur l'Île pour

temps consacré à la lecture de nouveaux

accomplir son dernier contrat, quand il ne cherche pas à

manuscrits. Malgré notre petite taille, on

faire taire ses démons dans un verre d’alcool.

en reçoit environ 5 par jour ! Parfois, on a

Christophe Sémont, dont c’est le troisième roman chez

envie d’arrêter les frais et de suspendre

nous, signe ici un polar mené tambour battant – comme

les soumissions. Et puis, on déniche une

toujours chez lui ! – et nous plonge dans l’histoire de

petite perle, et on se rappelle soudain

Cuba, mais aussi ses mythes et croyances ; un pays pris

pour quelle raison on fait ce métier.

entre modernité et tradition. Lisez Christophe Sémont ! LFC : Pour conclure notre entretien, Ce mois-ci sort un thriller fantastique de Clément

donnez-nous trois raisons de lire vos

Bouhélier. Pour faire court, Passé déterré, c’est un peu

livres.

comme si De beaux Lendemains de Russell Banks rencontrait Stephen King. Dans la campagne qui

SP : Seulement trois ! :-) Plus

entoure le petit village de Vernay, un car scolaire

sérieusement, nos livres pourraient vous

conduit par un conducteur saoul s'écrase dans le fossé.

plaire pour les trois raisons suivantes :

Sept enfants sont tués dans l'accident. Six ans plus tard,

1) Nous publions des livres

les familles peinent toujours à faire leur deuil.

divertissants, qui n’hésitent par dans leur

Lorsqu'une série de meurtres violents secoue le village,

construction ou leur rythme à s’inspirer

on découvre que ce n'est pas la première fois qu'une

d’autres médias : films, séries télé, jeux

telle tragédie a lieu ; l'Histoire se répète... Derrière une

vidéo, etc.

enquête en huis clos se cache un roman bouleversant

2) Nous essayons de réaliser de jolis

sur le pardon, le remords et la culpabilité.

livres, que vous aurez envie de faire figurer en bonne place dans votre

LFC : Selon vous c’est quoi un bon éditeur ?

bibliothèque : couvertures, livres imprimés en France.

SP : Trouver des textes, c’est facile. Un bon éditeur, c’est

3) Nous défendons la littérature de

quelqu’un qui défend ses livres et leurs auteurs sur la

genre, et mieux, la littérature française de

durée.

genre.

LFC MAGAZINE #5 | 147


AUTEUR On croit en son talent ! Et vous ?

PAR MURIEL LEROY

MARIE VINDY

CONTRE LA VIOLENCE FAITE AUX FEMMES

SANDRINE ROY

LFC Magazine vous présente Marie Vindy Attention talent ! Faites connaissance, indispensable à lire. Entretien.

LFC : Marie VINDY, Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ? MV : Depuis vingt ans, mon activité principale, professionnelle et en tant qu’auteure, est d’écrire. Avant cela, j’ai fait beaucoup de petits boulots, gardienne de musée, animatrice ou prof, navigué dans de nombreux milieux, puis j’ai écrit un manuscrit - un roman noir - et plusieurs, avant qu’un premier soit édité. Aujourd’hui, je suis chroniqueuse judiciaire pour un quotidien, pigiste à l’occasion ou scénariste en herbe, j’anime des ateliers d’écriture… et j’écris des romans et des nouvelles. LFC : Votre profession, votre engagement contre la violence faite aux

148 | LFC Magazine #5

femmes influent-ils sur vos romans, pourquoi ?


AUTEUR

LES GENS QUI FONT LE BUZZ PAR MURIEL LEROY

Marie Vindy MV : Professions et engagement, oui. Depuis que je suis correspondante

roman Justice soit-elle,

justice pour Le Bien Public (quotidien de la Côte d’Or), le sujet de mes

l’avocate Déborah Lange.

romans, et probablement mon écriture, ont changé. Et cette proximité

Chaque roman a ensuite ses

avec les acteurs de la justice et de la police, ces heures passées dans les

héros et héroïnes propres,

salles d’audience, à écouter des procès, à écouter des prévenus et des

comme Laurine dans le

victimes, des avocats et des magistrats, le plus souvent en

dernier.

correctionnelle et lors des comparutions immédiates, écrire sur ces affaires, cela m’a quelque peu transformée en ethnologue de la part

LFC : Actuellement avez-vous

sombre de la société ! L’extraordinaire ne m’intéresse plus en tant que

d’autres projets ? Travaillez-

tel. C’est le quotidien de la violence, de ceux qui la produisent et ceux, et

vous sur un prochain roman ?

surtout celles, qui la subissent, qui est au coeur de mes romans, cette violence que je connais aussi par ma fonction de présidente de

MV : Plusieurs… Un livre

Solidarité femmes 21, une association qui prend en charge les femmes

bientôt achevé coécrit avec

victimes de violences intra familiales, c’est-à-dire le plus souvent

une jeune femme, le récit de

conjugales.

sa vie et qui est, bien sûr, et en lien avec mes thématiques. Et

Toutes mes activités ne me ramènent finalement qu’à une seule chose :

un roman tout neuf pour

qu’est-ce que je vais en dire? Quelles histoires dont je suis la

l’année prochaine.

rapporteuse vais-je m’approprier? À vrai dire, beaucoup traversent mes

On vous laisse le mot de la

livres.

fin…

LFC : Nous pouvons d’ailleurs retrouver dans chacun d’eux vos mêmes

J’ai du mal à quitter Déborah

enquêteurs. Pourquoi ce choix ? Cela doit avoir un sens ?

Lange, avocate au service des familles de victimes… J’ai

MV : Oui, puisque tous les romans (ou presque) se déroulent dans la

l’impression qu’à travers elle,

même région, la Bourgogne, autour de Dijon. Ma région, ses faits divers

j’ai encore beaucoup de

et ses crimes… mon quotidien en quelque sorte ! Suivant les romans, on

choses à dire. Alors, elle risque

retrouve les mêmes enquêteurs - ceux qui, de toute façon, et quelques

d’être au rendez-vous de mon

soient leurs fonctions, cherchent : policiers (Simon Carrière), gendarmes

livre à venir !

(Francis Humbert, Félicité), expert psy (Marie-Shan Li), journaliste (Noëlle Rondot), avocate (Déborah Lange)… Parfois, ils sont les personnages principaux, parfois secondaires, cela dépend des romans. J’aime bien cette idée de construire d’abord les histoires et ensuite les personnages récurrents qui leurs correspondent : les gendarmes à la campagne, les policiers en ville, la journaliste ici et là, et dans le dernier.

LFC Magazine #5 | 149


BLOGUEUR PAR MURIEL LEROY

DAVID SMADJA PHOTO : DR

C'est Contagieux, c'est le blog miroir de La Fringale Culturelle. C'est différent et complémentaire, mais cela part de la même idée : celle de vous régaler, de vous contaminer. Rencontre avec le talentueux David Smadja qui interviendra prochzainement dans LFC Magazine

LFC : David SMADJA , vous êtes un blogueur très actif sur les réseaux sociaux, d’où vous est venu le nom de votre blog ? DS : Le nom C’est Contagieux est venu d’une idée simple : quand on a une passion, on aime la partager. Que ce soit par le bouche-à-oreille avec ses amis ou sur les réseaux sociaux avec sa communauté. Quelque chose à la fois de moderne et d’anodin. De transcendant et de quotidien. C’est fascinant ce que la littérature ou le cinéma peuvent déclencher comme partage, comme besoin de s’épancher et de communiquer dessus. Chacun y met une telle part d’émotions, de soi. Les réseaux sociaux participent à cette idée de contagion puisqu’aujourd’hui tout y est « viral ». Et de la viralité à la contagion, il n’y a qu’un pas. 150 | LFC Magazine #5


BLOGUEUR

LES GENS QUI FONT LE BUZZ PAR MURIEL LEROY PHOTO : DR

David Smadja, C'est Contagieux Le blog que j’ai conçu comme un webzine fait la part belle aux littératures

dynamique. À suivre...

dites de genre (Polar, Thriller, fantastique, un peu de Fantasy et une touche de littérature blanche car je ne m’exclus rien), au cinéma et aux comics

Et puis last but not least, je vais collaborer très

américains (même si faute de temps, je n’ai pas encore assez développé cette

régulièrement à LFC Magazine, en 2018. Mais

partie à mon goût).

chut, c’est une surprise !

Pour résumer, je suis un geek fasciné par la contre-culture américaine

LFC : Quel est votre top film des trois derniers

auquel j’ajoute un zeste d’insolence à la française.

mois ?

LFC : Que vous apporte cette expérience ?

DS : Indubitablement le film de la rentrée est ÇA l’adaptation du roman de Stephen King par Andy

DS : Beaucoup de jolies rencontres. Que ce soit des auteurs ou des lecteurs,

Muschietti. Il mêle tout simplement plusieurs

le blog est avant tout une formidable aventure humaine. Je me suis enrichi

genres que j’affectionne particulièrement : le

de tout ce que les gens me donnent comme amour et que je tente de leur

fantastique, l’horreur et la comédie humaine. Un

rendre du mieux que je peux. Tu peux regarder le monde et être

film très sensoriel en fait. Les gamins y sont

incroyablement pessimiste sur ce qui t’entoure ou tu peux t’apercevoir qu’il

exceptionnels te renvoyant en écho ta propre

est peuplé de personnes exceptionnelles qui sont toutes uniques. Dans

enfance si tu es un gamin des 80’ sans exclure les

chacun des cas, ça en dira long sur toi.

nouvelles générations qui vont s’identifier aux jeunes acteurs. Je suis heureux de voir enfin une

LFC : Avez–vous d’autres projets en cours ?

adaptation réussie du King. C’est loin devant les autres mon écrivain préféré qui est et restera

DS : Oui beaucoup de projets sous le coude pour 2018 :

comme le Faulkner de la littérature fantastique.

Un salon du livre. Je fais partie de l’Association Lire C’est Libre qui organise

King a su si bien raconter son époque qu’on

beaucoup d’événements littéraires dont le point d’orgue est le salon du livre

devrait l’enseigner dans les écoles.

organisé en partenariat avec la mairie du 7ème arrondissement de Paris. La quatrième édition se déroulera le samedi 27 janvier 2018 avec une

En ce qui concerne le cinéma français, à mon

quarantaine d’auteurs. C’est un salon généraliste où toutes les sensibilités

sens,la pépite de l’année est Au revoir là-haut,

sont conviées. J’en profite vous vous dire qu’on vous y attend nombreux.

l’adaptation du roman de Pierre Lemaitre par le prodigieux Albert Dupontel. Dupontel prouve

L’animation de tables rondes d’auteurs. J’y ai goûté en 2017 et j’ai pris mon

qu’on peut faire un blockbuster à la française

pied. Les retours des interviewés ayant été très positifs, je vais en faire

sans copier les américains avec la touche

d’autres en 2018.

d’humanisme et d’émotions en plus. Son film est à la fois baroque et punk, violent et poétique,

La vidéo. Je réfléchis depuis des années au meilleur moyen d’introduire de la

avant-gardiste et visionnaire. Un déluge de

vidéo sur le blog en me demandant comment apporter du neuf versus

sensations.

l’existant (le booktubing). Je suis en train de plancher sur un format court et LFC Magazine #5 | 151


LFC : Quel serait votre top livre des trois derniers mois ?

BLOGUEUR PAR MURIEL LEROY

DS : Islanova de Jérôme Camut et Nathalie Hug, et Entre deux Mondes d’Olivier Norek.

PHOTO : DR

Deux romans à la fois très proches et très différents. Néanmoins les deux s’inspirent de l’actualité récente et socio-politique pour nous délivrer de purs joyaux d’humanité proposant ce que le Polar a toujours su faire de mieux, à savoir décrypter le monde et les individus qui la composent. Entre Alexandre Dumas et Emile Zola. Pas moins. Mais avant tout ce sont deux formidables histoires, deux récits poignants, de vraies odyssées aux confins de notre société en mutation. Entre deux Mondes va provoquer des torrents d’émotions chez le lecteur qui y posera sa barque tandis que Islanova est un roman-choral qui va te perdre dans un tourbillon de rebondissements et de situations explosives. Deux romans qu’on ne peut lâcher tant chacun te prend à la gorge dès l’intro. Vous pouvez mettre les deux sous le sapin de Noël. Promis, vous n’aurez pas les boules ! LFC : Quelles sont les raisons de lire votre blog ? DS : La première des raisons, c’est d’avoir envie de passer un bon moment et de s’amuser. Je considère que contrairement à ce que l’on peut lire ou entendre, lire un livre c’est fun, lire un livre c’est moderne, lire un livre c’est s’ouvrir au monde et l’embrasser. Je prends un soin particulier à rédiger les accroches de mes articles comme des punchlines, d’être décalé dans mes chroniques comme dans mes comptes-rendus de salons du Livre, de jouer la distorsion car c’est ce que je suis. Souvent d’ailleurs pour donner vie et incarner le roman dont je fais la chronique, au lieu de simplement publier la couverture, elles sont mises en scène. Je trouve que ça ajoute du dynamisme et une identité propre au contenu. La deuxième raison, c’est d’être curieux et de se laisse guider. Je propose beaucoup de formats inédits comme le making of du roman Islanova en collaboration avec les auteurs et Yvan Fauth par exemple ou la rubrique des films Cultagieux, des chroniques de films écrites par des auteurs de polar. La troisième raison est que tu vas y trouver de la connivence et de la chaleur. S’inscrire sur C’est Contagieux, c’est l’assurance d’appartenir à une communauté de passionné(e)s où tout le monde peut s’exprimer. Ce webzine est fait par un passionné pour les passionné(e)s. Pour résumer, je suis le pote chez qui tu viens dîner et à qui tu demandes : tu pourrais me prêter un bon bouquin ou me conseiller un bon film ? Si quand je le revois, il me dit j’ai adoré, c’est que le job est fait. 152 | LFC Magazine #5


SALON POLAR PAR MURIEL LEROY

ISABELLE BOURDIAL PHOTO : VINCENT ALEMANY

Isabelle Bourdial organise le premier salon du livre consacré au polar dans la ville d'Osny : Osny Polar... Les festivités durent trois semaines (du 6 au 31 janvier 2018) avec de nombreuses animations dont elle nous évoque, et avec comme invitée d'honneur : Sandrine Colette... Idéal pour se lancer ! Entretien.

LFC : Journaliste scientifique, vous avez publié votre premier roman policier l’an dernier. Comment êtes-vous passée du journalisme à l’écriture d’un polar ? IB : Quand je travaillais dans un magazine scientifique, j’étais fascinée par les neurosciences. Lire dans les pensées, découvrir ce que ressent une personne, débusquer ses mensonges… la science s’y intéresse et obtient des résultats assez spectaculaires. Du coup, j’ai eu envie d’imaginer comment des policiers pourraient exploiter ces techniques et ces outils dans leurs enquêtes. Et les problèmes d’éthique qui en découleraient. C’est comme ça qu’est né Chasseurs d’esprit. Pour la petite histoire, entretemps une loi qui autorise l’utilisation de l’imagerie cérébrale à des fins judiciaires a été votée. Ce que j’ai imaginé est en train de devenir réalité. 153 | LFC Magazine #5


SALON POLAR

LES GENS QUI FONT LE BUZZ PAR MURIEL LEROY PHOTO : DR

Isabelle Bourdial, Polar' Osny LFC : Et comment en êtes-vous venue à lancer un festival de la littérature policière ? IB : Après la parution de mon roman, j’ai animé un apéro polar à la médiathèque d’Osny, la MéMO. J’ai pris un tel plaisir à échanger avec les participants, ils avaient eux-mêmes tellement d’enthousiasme pour le polar, qu’avec l’équipe de la médiathèque nous avons eu envie d’organiser un évènement de plus grande ampleur. Au début, il était question d’un salon et puis au fil de nos discussions et de nos envies, le salon est devenu festival. Aujourd’hui, Polar’Osny c’est 3 semaines de festivités, du 6 au 31 janvier. LFC : Trois semaines, c’est long. Il faut tenir la distance… LFC : Avez-vous eu du mal à persuader les IB : Oui, mais on a prévu beaucoup de choses. On est parti sur le

auteurs de venir ? Osny n’est pas une ville

thème de l’ADN du polar, en sélectionnant 5 éléments constitutifs.

connue et pour l’instant Polar’Osny, ça ne

D’abord un retour aux sources : les affaires criminelles, le travail

dit pas grand-chose aux gens !

des enquêteurs. On l’illustre par une belle expo réalisée par l’institut de recherche criminelle de la gendarmerie. Ensuite

IB : On a eu beaucoup d’aides et de soutien

l’ambiance, la mise en condition, essentielle pour un polar. On

amical. Des auteurs, et pas des moindres,

propose un Cluedo grandeur nature un soir au Château de Grouchy.

nous ont fait confiance. Sans hésiter,

Puis vient la phase d’écriture : des ateliers d’écriture vont être mis

Sandrine Collette a accepté de s’engager à

en place dans les écoles. La romancière Danielle Thiery animera

nos côtés. On n’en revient toujours pas !

une master class au lycée d’Osny. Ensuite arrive le livre. Plus qu’un

Sandrine Roy, Jean-Michel Lecocq, Guillaume

support, un vecteur ! Pour lui rendre hommage, on a créé le prix

Richez… traversent toute la France pour

Osny & Clyde qui récompense la plus belle couverture de polar.

participer. Deux amies blogueuses m’ont

Douze titres sortis en 2017 sélectionnés par des blogueurs et élus

aidées par leurs conseils et leurs contacts :

par les festivaliers. Viennent enfin la lecture, le partage, la critique.

Lolo, de Polars, thrillers et littérature, qui est

Et là place au salon du 20 janvier : 24 auteurs en dédicaces, une

devenue une véritable ambassadrice de

interview de Sandrine Collette, notre invitée d’honneur, une

Polar’Osny, et Jessica Blet, de Livres Addict.

conférence de Bob Garcia sur l’histoire de la littérature policière…

Sans oublier mon éditeur, Jean-Charles

Les blogueurs seront mis à l’honneur : une table ronde et une

Lajouanie, qui m’a donné des conseils que je

exposition leur sont consacrées.

n’oublierai pas. LFC Magazine #5 | 154


DÉCEMBRE 2017 | LFC MAGAZINE #5 >>>>>>>>>>>>

SPECTACLE LES 5 PIÈCES DU MOIS À VOIR !


PAR NATHALIE GENDREAU // PRESTAPLUME PHOTO : NATHALIE GENDREAU

Hans Peter Miller (Tom Novembre), chef d’orchestre de renommée internationale, est dans sa loge, le concert vient de s’achever. Il est las, il n’a qu’une hâte : rejoindre sa femme pour dîner. Seulement, on toque à sa porte. Léon Dinkel (Christophe Malavoy) a toute l’apparence d’un admirateur. En connaisseur, il félicite le maestro qui se gorge de fierté. Mais il ne se résout pas à prendre congé, malgré l’agacement à peine voilé de Miller. On dirait qu’il

FAUSSE NOTE AVEC CHRISTOPHE MALAVOY ET TOM NOVEMBRE. veut autre chose. Une photographie dédicacée ? Pourquoi pas ! Mais ce n’est pas suffisant. Léon Dinkel attend une vérité que Miller a enfouie sous les décombres du passé. Peu à peu, la morgue du maître Miller face à un Monsieur Dinkel étrangement insistant se raidit, se trouble, se défend, se renie, puis se flagelle. L’insignifiance de Monsieur Dinkel face à un Miller étrangement amnésique s’ébroue, se libère, occupe l’espace-temps et irradie d’une douleur inconsolable. L’un entraîne l’autre dans son histoire, dans ses douleurs, dans ses incompréhensions, l’un frappant l’autre à coups de mots fulgurants et douloureux. L’un arguant le droit à la vérité, l’autre à l’oubli. C’était il y a longtemps, ils étaient jeunes et ils aimaient leur père.

156 | LFC MAGAZINE #5

Quand une note de musique emprisonne une vie dans la mémoire meurtrie, l’écho de ce passé libéré ressurgit au présent sur un air de requiem. C’est la gravité et la beauté, en communion, qui battent le rythme au théâtre Michel. « Fausse Note » est une pièce écrite de façon magistrale. Didier Caron nous avait habitués aux comédies, il nous livre ici un drame qui se déroule presque à notre insu tant l’écriture captive et l’interprétation saisit. Les deux solistes que sont Christophe Malavoy et Tom Novembre jouent leur partition comme si leur vie en dépendait. Leur jeu, intrigant et trouble, réveille la mémoire collective sur un passé à fleur de peau. L’émotion prend au col, serre fort et ne relâche sa pression que pour permettre de battre des mains tout aussi fort, comme pour rompre un charme bien trop intense et suspendu dans les méandres de l’Histoire.


Fausse note Distribution Avec : Christophe Malavoy et Tom Novembre. Créateurs Auteur : Didier Caron Mise en scène : Didier Caron et Christophe Luthringer. Assistante de mise en scène : Isabelle Brannens. Scénographie : Marius Strasser. Costumes : Christine Chauvey Lumières : Florent Barnaud. Son : Franck Gervais. ID Production et Didier Caron. Du jeudi au samedi à 21 heures, à 16h30 le samedi et à 16 heures le dimanche, jusqu'au 14 janvier 2018. Relâche le 10 novembre 2017. Au Théâtre Michel, 38 rue des Mathurins, Paris 75008. Durée : 1h20.

157 | LFC MAGAZINE #5

Léon Dinkel promet une soirée inoubliable à Hans Peter Miller, la soirée est en effet inoubliable. Christophe Malavoy compose un personnage émouvant. Il le fait avancer dans la pièce à pas hésitants mais résolus, la voix timbrée et énigmatique, sans se départir d’un humour piquant et drôle. Par son jeu ambigu, il intrigue et suspend son histoire qu’il livre à dose homéopathique. Tom Novembre campe un Miller à la suffisance bafouée et à l’honneur hautain, rendus par une stature impérieuse et fragile. Ce jeu s’apparente à un combat que se livrent deux boxeurs dont l’enjeu est la réhabilitation de la mémoire. En digne thriller haletant, le scénario trace une ligne mélodique hypnotique qui mène le spectateur à la baguette. La mise en scène à double entrée de Didier Caron et Christophe Luthringer contribue au basculement des rapports de force. Quand une porte, symbole de liberté, se change en potence, la dramaturgie s’éclaire du passé, et la victime change de main… La pièce « Fausse Note » est une histoire de transmission, qui soupèse le poids du passé et cherche la paix intérieure. Entre résilience et absolution laïque, sur le ring du théâtre Michel, c’est un combat merveilleux entre deux géants qui donnent tout et laissent K.O.


PAR NATHALIE GENDREAU // PRESTAPLUME PHOTOS : NATHALIE GENDREAU

9 MOIS DE BONHEUR ! Sont-ils prêts à être parents ? Comment l’annoncer à leur famille respective, sans attirer leurs foudres ? Un mariage mixte ne serait pas bienvenu, alors un enfant ! Puis d’autres soucis surgissent l’un après l’autre, au gré des sautes d’humeur sauvages de l’une et de l’égoïsme primaire et attendrissant de l’un. Entre la visite chez le gynécologue et un match du PSG, il n’y a pas d’hésitation pour Oumar… C’est le match, même si c’est une rediffusion. Ces neuf mois de grossesse sont donc un

158 | LFC MAGAZINE #5

9 mois de bonheur est un bonheur qui dure. Après l'Apollo Théâtre, il s'installe désormais au Comedy Club tous les vendredis et samedis soirs, pour une heure trente tendre et tonitruante. C’est un accouchement de pure intensité et de belles surprises. Les deux parents sont des comédiens incroyablement lumineux et sympathiques. Lola Zidi et Oumar Diaw éblouissent par leur énergie comique et par moult autres talents scéniques. Leur jeu funambule évolue, avec grâce, justesse et jubilation, provocant un rire sans fin. Le texte d’Oumar Diaw et Fonzie Meatoug, valorisé par une mise en scène minimaliste et virevoltante de Noom Diawara, revisite le lieu commun des neuf mois de grossesse pour en tricoter une nouvelle version. Une maille à l’endroit, une maille à l’envers et un petit ton inédit donnent au point mousse de la comédie une élégance « déjantément » neuve… Sabrina apprend, le test à la main, sa grossesse. Après quatre ans de vie commune avec Oumar, leur histoire à deux va prendre une troisième dimension. Sauf que cette grossesse n’est pas attendue ! Sabrina est partagée entre l’excitation et la crainte. Comment va réagir Oumar ?


L’enthousiasme réunit les deux comédiens dans une même bulle de talents, l’un faisant briller l’autre par le jeu, le chant et la danse. Une heure de pure folie joyeuse qui transmet la bonne humeur. Au-delà de la joie partagée, cette comédie révèle deux jeunes artistes qui méritaient plus que neuf mois de bonheur ! C'est chose faite, avec une prolongation jusqu'à fin décembre ! 9 mois de bonheur Auteurs : Oumar Diaw, Fonzie Meatoug Metteur en scène : Noom Diawara Avec Oumar Diaw, Lola Zidi Comedy Club 42, boulevard Bonne Nouvelle, Paris Xe Séances tous les vendredis à 20 heures et les samedis à 21 heures, jusqu'au 30 décembre 2017. Durée : 1 h 30.

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long apprentissage de la maturité, pour l'un comme pour l'autre, qui se fait dans la douleur, les disputes et les réconciliations… L’amour tiendra-t-il bon ? L’humour, lui, est de la partie, et sans discontinuer. Les bons mots et les situations cocasses s'enchaînent à un rythme soutenu, faisant de cette comédie une réussite flagrante et percutante. Ces neuf mois sont ramassés en une heure électrique où la joie d’être parent combat avec force les peurs qui, elles, ne prennent pas une ride d’une génération à l’autre. Les réparties saillantes et savoureuses se partagent entre Lola et Oumar, tour à tour cruels et tendres l’un envers l’autre. La ayette des sentiments est attisée par un feu dévorant, emportant l’adhésion d’un public complice qui joue sa partition, instinctivement partisane. Comment ne pas succomber au charme de ces deux comédiens et à leur jeu d’une intensité irrésistible ? Qu'il est agréable de se laisser bercer par la petite musique de ce texte ciselé sous l'apparence brute ! Les mots se la jouent irrémédiablement d'jeuns décomplexés, limés au rap et aux accents neufs. Lola Zidi, à l’allure frêle et sauvageonne, impose par un regard vif, une gestuelle invraisemblable et une vivacité sémillante. Oumar Diaw, à l’allure d’un dur écervelé au cœur chamallow, frappe par une présence tantôt ronde, tantôt carrée, dégainant sans retenue des sourires enjôleurs à la Omar Sy.


PAR NATHALIE GENDREAU // PRESTAPLUME PHOTOS : NATHALIE GENDREAU

L'exercice exige un regard aiguisé et critique sur la société en général, et l'actualité en particulier. Les Goguettes en trio (mais à quatre) sont fous de goguettes. Ils en rêvent, les écrivent, les interprètent et les font évoluer pour rattraper l'actualité qui ne cesse de se réinventer, un scandale chassant l'autre. Leur esprit choisit l'angle d'en rire, ne laissant rien passer, l'intelligence le disputant à la pertinence. Les voix sont belles, diablement lumineuses. Les paroles sonnent juste, elles se calquent à la réalité de notre société à travers le prisme d'un humour aussi follement corrosif que scandaleusement divertissant. La mise en scène de Yéshé Henneguelle s'inscrit dans ce délire comique, en forçant la gestuelle et alternant le rythme, tantôt échevelé, tantôt chaloupé. Il y a de la séduction dans ce burlesque-là qui captive et écrase toute pensée. Le temps ne bat plus qu'au sourire du bel esprit. Et ça fait un bien fou !

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Au théâtre de Trévise, le groupe de chansonniers Les Goguettes en trio (mais à quatre) vous embarque dans un détournement immédiat des plus grands tubes français pour épingler l'actualité et surtout ceux qui la font. "Merci Macron" est la dernière version de la rentrée 2017 ! Les si spirituels Stan, Aurélien Merle, Valentin Vander et la merveilleuse pianiste Clémence Monnier éclipsent le temps dans leurs habits de scène rouges et noirs. Ils ont le geste passionné, l'œil frétillant de malice et la complicité volubile. Ces quatre mousquetaires, prêts à en découdre sous la bannière fédératrice de l'humour, ont affûté leur tranchant à l'actualité, si généreuse en scandales politiques et en attentats aux bonnes mœurs. Sur ce terreau fertile et inépuisable, ces fines lames du verbe touchent juste et bien, jusqu'à mort (de rire) s'en suive. Une goguette est une parodie de chansons connues qui commente l'actualité. Qui dit parodie, dit jeux de mots, calembours, décalage de sens et jeu scénique burlesque.

LES GOGUETTES EN TRIO (MAIS A QUATRE) : MERCI MACRON !", LES MOUSQUETAIRES DU VERBE HEUREUX


Les Goguettes Distribution De et avec Stan, Aurélien Merle, Clémence Monnier et Valentin Vander. Mise en scène : Yéshé Henneguelle Contrepied Productions Tous les mardis à 19h45 jusqu'au 5 décembre 2017, puis du 27 février au 29 mai 2018 - relâches les 27 mars et 24 avril 2018. Au Théâtre Trévise, 14, rue de Trévise, Paris 75009. Durée : 1h15.

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Ces fins bretteurs du Verbe sont passionnés de goguettes depuis fort longtemps, mais ils n'ont uni leurs talents littéraires et musicaux qu'en 2013 ! L'art de la goguette va comme un gant à leur impertinence acérée, percutante et cocasse. Dans leur revue de presse musicale, ils embrochent à tout-va et avec un sens du comique imparable au long d'une vingtaine de chansons, à force de rappels ! Citons-en quelques-unes pour attiser le plaisir ! "Il est mort le PS", sous l'air de la fameuse chanson de Nicoletta (Il est mort le soleil), ou alors "Chirac s'use" tirée de l'air de "Syracuse" (chanté par Henri Salvador), ou encore "Moralisez-moi" emprunté à "Déshabillez-moi" (chanté par Juliette Greco). Un petit dernier, pour la route ? "Je suis de droite", en parlant de François Hollande, emprunté à l'air "Je suis malade" (chanté par Serge Lama). Quelle imagination et quelle virtuosité pour porter l'estocade à la réalité qui ne prête pas souvent à se réjouir ! Bref, à la fin de l'envoi, on meurt... de rire !


PAR NATHALIE GENDREAU // PRESTAPLUME PHOTOS :

MANON LEPOMME, NON JE N'IRAI PAS CHEZ LE PSY ! Une boule d'énergie surgit sur la scène du Point Virgule. Elle rougeoie, pétille et claironne en même temps. Elle s'appelle Manon Lepomme, elle est belge et refuse d'aller chez le psy. Pourquoi y irait-elle d'ailleurs ? Le rire ne permet-il pas de tout surmonter, même les galères qui accostent toujours au même port ? Manon Lepomme a le rire bien ancré en elle, et c'est tant mieux, car elle a essuyé bien des tempêtes lorsqu'elle était professeure. Ça vous prépare à toutes les avaries l'Éducation nationale ! Abandonnant la salle de classe, Manon Lepomme a choisi un terrain de jeu plus ludique : la scène ! Bien lui en a pris. Elle se donne à mille pour cent et, visiblement, c'est l'éclate totale pour elle. "Non, je n'irai pas chez le psy !" est un one-woman-show survitaminé, qui redonne la pêche et l'envie de dévorer du merveilleux !

C'est que Manon Lepomme tourne littéralement autour, se défendant même d'en croquer l'idée et de s'en enivrer les papilles. Alors, elle parle ! Elle nous raconte ses trois ans de prof d’anglais, son chéri Benoît et sa radinerie, l’Alzheimer de ses chers grands-parents, et cette vie qu'elle s'imagine autre avec un inconnu croisé dans le bus. Manon soupire de dépit sous les ponts de Venise et d'amour fantasmé dans un bus bondé. Les reproches adressés à l'autre lui reviennent en boomerang, entre traits d'humour et d'esprit. Tout est décalage et enthousiasme, force et douceur. C'est l'éclate totale aussi pour ceux qui reçoivent ses confidences. La scène est vraiment son élément de prédilection.

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Manon Lepomme est un tantinet tête en l'air. Toute à sa joie de partir au Off d'Avignon cet été 2017 pour jouer son spectacle un mois, elle glisse sur son paillasson et décroche la palme de la malchance ! Qu'à cela ne tienne, Manon ira jouer en fauteuil roulant. Bonne pioche ! C'est un triomphe, la salle ne désemplit pas. On croit même le plâtre factice et on la trouve merveilleuse ! On ne peut mieux le dire, puisque le spectacle tourne autour d'un merveilleux. Vous savez, ce gâteau irrésistible au cœur de meringue et nappé de chocolat !


MANON LEPOMME NON, JE N'IRAI PAS CHEZ LE PSY ! Manon Lepomme Non, je n'irai pas chez le psy ! Auteur : Manon Lepomme et Marc Andreini Avec Manon Lepomme Mise en scène : Mathieu Debaty Adone et Croc et la Pomme Production Tous les dimanches et lundis de décembre 2017, ainsi que les 2, 3, 7, 8 et 9 janvier 2018, à 21h15 au Point Virgule, 7 rue Sainte-Croix de la Bretonnerie, Paris 75004. Puis dans toute la France (Lille, Nantes et Aix-en-Provence) jusqu'au 15 avril 2018. Direction : Jean-Marc Dumontet Durée : 1h10.

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Manon Lepomme rayonne et attendrit, son jeu est naturel et spontané. L'humour de l'esprit et gestuel forme un duo irrésistible qui ouvre grand les portes de la bonne humeur. Son one-woman-show, rodé au Off d'Avignon, s'émaille aussi d'improvisations qui créent un dialogue, et donc une complicité, avec le public qui l'interpelle sans façon, comme on le ferait avec une amie. Sa voix, parfois déraisonnablement perchée, connaît toutes les nuances du burlesque. Mais elle en use à dose homéopathique, car l'espace intimiste du Point Virgule incite à la retenue vocale. Lorsque Manon Lepomme sera moins à l'étroit scénique, je n'ose imaginer l'ampleur de son jeu. Si, plutôt, je l'imagine. Et j'ai hâte de la revoir dans une salle à sa taille de stentor, et en pleine possession de ses moyens physiques. Ce sera merveilleux


PAR NATHALIE GENDREAU // PRESTAPLUME PHOTOS : NATHALIE GENDREAU La nouvelle comédie d'Emmanuelle Hamet "La croisière, ça use !" est un voyage au long court chahuté de rires et de surprises. Un skipper de pacotille doit convoyer un voilier de Tanger à Ibiza. C'est ainsi que deux marins d'eau douce et deux passagères aux personnalités bien tranchées se retrouvent sur le Hakuna Matata, en pleine tempête, sans eau, sans vivres et sans radio. Bâtie sur un scénario basique, la pièce prend toute sa valeur avec les réparties qui claquent aux vents contraires. La mer démontée fait chavirer le scénario dans l'enchaînement des catastrophes. Les passagers, chacun arrimé à son objectif de départ, vont traverser la tempête dans un déferlement de situations loufoques et irrésistibles, jusqu'au point de rupture. Une croisière, ça use forcément à ce rythme de tous les diables. Sous une mise en scène énergique et synchrone de Luq Hamett (également Directeur du théâtre), Éric Massot, Marie-Aline Thomassin, Émilie Marié, Lionel Laget souquent ferme et bien, sans perdre le nord. Cette pêche d'enfer tient du miracle. Alors, plus d'hésitation, embarquement immédiat au théâtre Edgar !

Dans un beau décor de cabine de bateau (Claude Pierson), Antoine (Eric Massot) se frotte les mains. Le temps du voyage de Tanger à Ibiza, il est le maître du Hakuna Matata, un voilier qui a besoin d'une sérieuse révision. Pour agrémenter la traversée, il a passé une annonce non équivoque pour recruter des coéquipières de préférence belles et non farouches. Alors qu'il découvre l'état de délabrement du bateau, la première coéquipière ayant répondu à l'annonce dégringole les escaliers avec fracas, des chaussures de ski aux pieds. C'est Alex (Lionel Laget), un homme, au grand désappointement d'Antoine. Alex est en fait un truand maladroit et complexé, qui est chargé de trouver le chargement de drogue censé être planqué sur le plaisancier. Puis arrive la plantureuse Joanna (Marie-Aline Thomassin), un adjudant-chef qui vient de déserter l'armée de l'Air en raison d'un chagrin d'amour. Antoine ne goûte

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LA CROISIERE, CA USE !


Inspirée de "La Croisière s'amuse", série culte dans les années 80, "La croisière, ça use" tient toutes ses promesses. L'auteure Emmanuelle Hamet se lâche avec ses personnages et les situations granguignolesques qu'elle leur impose. Aucun des quatre comédiens n'est épargné. Et c'est tant mieux. On retrouve le tandem d'amis Éric Massot et Lionel Laget qui ont joué récemment avec Tex dans le drôlissime "Monsieur Nounou". Leur jeu est un trésor de nuances, où le burlesque le dispute à la naïveté, l'une aussi touchante que l'autre, l'autre aussi désopilante que l'une. Lionel Laget est particulièrement époustouflant de vitalité cascadeuse. Il dévale les escaliers, tombe dans des bras inhospitaliers, se cogne partout et hurle à la manière d'un Gérard Jugnot son infinie tristesse d'être un truand non pris

LA CROISIERE, CA USE ! au sérieux. Marie Aline Thomassin est furieusement crédible en force de la nature, prête à en découdre, qui se révèle au fil des avaries du bateau un cœur qui ne demande qu'à être pris à l'abordage. Quant à Émilie Marié qui incarne une jolie tête de linotte, elle est remarquable de vivacité printanière et de pétulance de jeu. Ses réparties ponctuées d'un hashtag et d'un smiley hilarants donnent à cette pièce, déjà bien charpentée, une tonalité de cartoons à laquelle il est impossible de résister. Mais qui le voudrait ? On craque pour cette comédie qui, à mesure que se profile la menace du truand et du gros grain, surfe sur une risée de plaisir et d'agrément. La croisière, ça use ! Distribution Avec Éric Massot, Marie-Aline Thomassin, Émilie Marié et Lionel Laget. Créateurs Auteur : Emmanuelle Hamet Mise en scène : Luq Hamett Musique : Christian Germain Décors : Claude Pierson Construction : Les Ateliers Décors Du mardi au samedi à 21 heures, et par alternance à 19 heures. Une matinée un dimanche sur deux à 17h30, jusqu'au 4 février 2018. Au Théâtre Edgar, 58 Boulevard Edgar Quinet, Paris 75014.

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guère sa virile féminité ni son féminisme exacerbé, et espère en la quatrième passagère qui ne tarde pas à débouler, la démarche chaloupée, moulée dans une émoustillante robe rose bonbon. Mélanie (Émilie Marié) est une sublime caricature de la jeunesse hyper connectée baignant dans son monde de télé-réalité syncopé de hashtags et de smileys. Son rêve est de participer à l'émission "La maison des secrets", qui consiste à taire son secret le plus longtemps possible, secret qu'elle dévoile aussitôt par étourderie.


DÉCEMBRE 2017 | LFC MAGAZINE #5 >>>>>>>>>>>>

MUSIQUE GREGOIRE, L'ENTRETIEN INEDIT + LES ENTRETIENS DE KAMALEON, COLLECTIF METISSE, TARA MAC DONALD, MKN, THAIS, SCOTT BRADLEE, STUPEAD, NAYA, MARLIN, KIM, ALEXE, LIAM, PETER CINCOTTI ET THE STENTORS.


KAMALEON LA NOUVELLE VOIX LATINO

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DÉJÀ 3 HITS ! MAS, QUIERO SEXO ET NO, NO, NO.


PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET QUENTIN HAESSIG PHOTOS : FRANCK TEMPESTI

LE MORCEAU "MAS" EST NE DANS MA VOITURE, DANS LE FROID. J’AIME COMPOSER ET CHANTONNER DES MELODIES LORSQUE JE SUIS EN VOITURE. LFC : Bonjour Kamaleon, nous nous rencontrons pour parler du succès de votre titre MAS que vous avez écrit et qui est sorti cet été. Comment est né ce projet ? K : Ce morceau est né dans ma voiture, dans le froid. J’aime composer et chantonner des mélodies lorsque je suis en voiture. J’ai donc pris mon iPhone et j’ai enregistré avec le dictaphone une mélodie que j’avais en tête.C’est de cette façon qu’est né le titre MAS. En rentrant chez moi, j’ai réécouté la mélodie, elle m’a plu. LFC : Il y a également un clip avec cette chanson, avez-vous été surpris par le buzz ? K : Oui, il y a eu quasiment six millions de vues et cela ne s’arrête pas. Nous avons pris énormément de plaisir à le

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Kamaleon commence à faire danser la France... Chanteur, auteur et compositeur, Kamaleon devient la nouvelle voix latino. Premier trimestre 2017, il est propulsé en tête des charts avec son hit MAS entendu sur toutes les radios. S'enchaîne Quiero sexo en duo avec Matt Houston qui fait partie des hits de l'été 2017. Printemps, été, Kamaleon fait un sans faute et inonde les ondes. Alors pour se réchauffer cet hiver, il nous propose son nouveau single No, no, no, déjà diffusé sur les chaînes musicales. Rencontre avec Kamaleon sur les derniers jours d'automne en banlieue parisienne.


toujours été une évidence pour moi de vouloir faire ce métier.

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LFC : Quelles sont vos collaborations antérieures ?

tourner du côté de Miami. Tous les ingrédients étaient réunis pour que l’on passe un bon moment. LFC : Votre musique est faite pour nous faire rêver et danser. Qu’en pensez-vous ? K : Exactement. Pour oublier tous les problèmes du quotidien, s’évader, se sentir bien. Je pense qu’il faudrait également que ce soit remboursé par la sécurité sociale (rires). LFC : Vous êtes français et pourtant vous chantez en espagnol. Pourquoi avez-vous fait ce choix ? K : Je suis d’origine espagnole, je suis arrivé en France à l’âge de cinq ans. J’ai donc fait un petit bout de vie ici, mais également en Espagne. J’ai également beaucoup de famille aux Canaries, où je vais souvent. Je garde le contact avec mes racines, c’est important. LFC : Ce titre a-t-il traversé les frontières ? K : Il a beaucoup été joué en Italie et en Espagne. Beaucoup d’amis m’ont dit l’avoir entendu tout l’été dans les boîtes de nuit. Après, il y a aussi des pays comme la Corée du Sud, Israël, le Portugal et il y en a sûrement que j’oublie. C’est vraiment génial d’être entendu dans le monde entier. LFC : Que faisiez-vous avant de connaître le succès avec ce titre ? K : Je chantais beaucoup. J'ai d'ailleurs commencé à chanter à l'âge de trois ans et demi lorsque j'étais en Espagne. C'est une passion qui est déjà là, c'était très instinctif et elle s'est présentée naturellement. Cela a

K : Il y a eu énormément de projets. J’avais formé un groupe à l’époque. Nous faisions un genre de french touch où je chantais en anglais. Je crois que l’on pouvait déjà reconnaître ma patte avec les mélodies. Une bonne chanson, c’est une bonne mélodie, l’arrangement c’est seulement de l’habillage. LFC : Lorsque l’on entend un de vos titres, on l’a automatiquement dans la tête… C’est voulu ? K : Oui. Je mets un point d’honneur à cela, je suis très exigeant avec moi-même, je veux faire des chansons de qualité. LFC : Il y a également un autre titre Quiero Sexo, qui a connu un gros succès aussi cet été. K : Il a été diffusé sur beaucoup de radios qui me suivent maintenant depuis plusieurs années. Ce sont des chansons qui ont été composées à la même période, mais de manière assez différente. Cette fois-ci, j’étais chez moi. Je jouais de la guitare. Je ne suis ni guitariste ni pianiste. Mais je sais faire quelques accords pour créer une mélodie, et c’est comme ça que j’ai trouvé cette mélodie. Je l’ai développé et j’ai écrit un texte qui allait avec la chanson, quelque chose de très caliente. LFC : Ce titre est en duo avec Matt Houston. Parlez-nous de cette rencontre. K : Nous cherchions quelqu’un pour chanter en français avec moi. Et Matt est quelqu’un que je respecte beaucoup. C’est un grand compositeur, un grand chanteur. Cela m’a vraiment fait plaisir lorsqu’il a accepté. LFC : Votre carrière a également décollé grâce à internet. En avez-vous conscience ? K : Il y a un contact de proximité fort avec les réseaux sociaux. Depuis le mois de mars, je fais des tournées dans les clubs. Chaque week-end, c’est complet. J’aime rencontrer mon public, voir qui sont les gens qui écoutent ma musique. LFC : La première fois que nous avons entendu votre morceau à la radio, on ne savait pas qui chantait et nous nous sommes dit que c’était un chanteur d’Amérique latine. Et finalement non, c’était quelqu’un de chez nous. C’était vous ! K : Au départ, tout le monde pensait que j’étais espagnol, sudaméricain ou que je venais des États-Unis. Le projet Kamaleon date d’il y a déjà cinq ans. Mes titres ont toujours été bien classés dans le classement des clubs. D’ailleurs, je remercie tous les DJs qui ont passé mes chansons. Je suis également très bien entouré. C’est pour cela que ce projet fonctionne. Cela fait longtemps je chante en espagnol, je trouve que cette musique prend tout son sens en reggaeton. Je ne me sens pas de chanter cette chanson en français.

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"MAS" A BEAUCOUP ETE JOUE EN ITALIE ET EN ESPAGNE. BEAUCOUP D’AMIS M’ONT DIT L’AVOIR ENTENDU TOUT L’ETE DANS LES BOÎTES DE NUIT. APRES, IL Y A AUSSI DES PAYS COMME LA COREE DU SUD, ISRAEL, LE PORTUGAL ET IL Y EN A SUREMENT QUE J’OUBLIE. C’EST VRAIMENT GENIAL D’ETRE ENTENDU DANS LE MONDE ENTIER.


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COLLECTIF METISSE, L'ESCADRON DE LA MUSIQUE FIESTA


PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET QUENTIN HAESSIG PHOTOS : UNIVERSAL

BIEN QUE NOUS AIMONS BEAUCOUP ECRIRE NOS CHANSONS, C’ETAIT UNE PARENTHESE VRAIMENT SYMPATHIQUE. (NADIA) LFC : Bonjour le Collectif Métissé ! Nous nous rencontrons pour la sortie d’un deuxième album de reprises après celui sorti cet été. Celui-ci sort pendant les fêtes. Saviez-vous que vous alliez sortir deux albums ? Saint-Ange : Non pas du tout. Après discussion avec l’équipe de la maison de disques, qui était très contente du premier album, ils nous ont proposé d’en sortir un second cet hiver. Ce n’est pas du tout dans nos habitudes. Les albums sortent plutôt l’été, mais cela tombait plutôt bien, car il y a des chansons que nous n’avions pas mises sur l’album précédent par choix. Cela nous a permis de les inclure sur celui-ci. LFC : Les années quatre-vingt sont une période riche. Avezvous rencontré des difficultés pour choisir les titres ?

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Collectif Métissé, vous connaissez tous ! Fort d'une vingtaine de singles dont les cartons Laisse-toi allez bébé, Debout pour danser, Laisse tomber tes problèmes, Z Dance, Mariana, Hey Baby, Rendez-vous au soleil, Ohé Ohé et autres, le groupe affiche un total de plus de 500 000 exemplaires de singles vendus avec également plus de 370 000 albums vendus (trois sont certifiés disque d'or). Rencontre avec Claude, Saint-Ange, Nadia et Yannick dans une humeur chaleureuse pour parler des années quatre-vingt !


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Nadia : Cela a été la problématique de cet album. Il y a énormément de chansons, mais nous savons que nous pourrons toujours en mettre dans un volume trois (rires). Bien que nous aimons beaucoup écrire nos chansons, c’était une parenthèse vraiment sympathique. LFC : Nous vous avons découvert avec vos propres titres. Comment est née la formation de votre groupe ? Claude : La formation du groupe est née autour de la chanson Laisse toi aller bébé. C’est notre premier tube. Je l’avais écrit pour moi, car je faisais une carrière solo. Et avec le temps, cette chanson je l’ai trouvé un peu nu. Pourquoi ne pas appeler Yannick et les autres pour qu’ils posent leurs voix ? Une fois fini, le projet sonnait vraiment bien et ce n’était plus la chanson d’un seul artiste. Lorsque j’ai envoyé le titre à la maison de disques, ils m’ont dit que la chanson était bien. Ils m’ont demandé comment s’appelait mon groupe. C’était parti pour une belle aventure. LFC : Étiez-vous déjà amis auparavant ? Yannick : Oui, on se croisait de temps en temps. SaintAnge avait une carrière solo. Nadia collaborait déjà avec moi. Nous avions des centres d’intérêt en commun. LFC : Cela fait un moment que l’on vous entend sur les radios, sur Internet. Vous avez déjà presque dix ans de carrière. Avez-vous vu le temps passer ?

Saint Ange : Quand on regarde en arrière, nous avons l’impression que tout est passé très vite, ce qui est logique puisque nous avons enchaîné les albums, les clips. Nous nous comparons avec d’autres artistes qui ont démarré en même temps que nous pour avoir un point de repère. Mais très franchement, nous n’avons pas vu le temps passer. LFC : Le public est également très présent, il vous suit sur chaque projet. Comment expliquez-vous cette fidélité ? Nadia : Je pense que nous sommes authentiques. Nous avons un langage vrai. Quand nous leur parlons ou quand nous leur sourions, nous sommes honnêtes et positifs. Je crois que les gens ont besoin de cela, aujourd’hui. Nous sommes une sorte de repère. La chanson Laisse tomber tes problèmes est une chanson intemporelle. LFC : Pour l’album de l’été dernier, le premier titre était un titre de Jean-Jacques Goldman. Sur cet album, vous avez décidé de partir sur un genre différent avec Reggae Night. Saint-Ange : Jean-Jacques Goldman est vraiment l’artiste qui a marqué les années 80. C’est un artiste, interprète et compositeur incroyable. C’était une façon de lui rendre un hommage, car c’est un artiste que nous aimons beaucoup au sein du collectif. Pour Reggae Night, nous pensions que c’était une chanson qui correspondait parfaitement avec notre mentalité. LFC : Comment avez-vous travaillé ces titres ? Claude : Nous avons une grosse équipe : que ce soit nous, les musiciens, mais également le studio… Nous avons de nombreuses personnes qui travaillent avec nous. Nous avons principalement donné des idées : ce que nous ressentions, ce que nous avions envie de faire, et après les chansons étaient là. Contrairement au premier album, nous avons gardé tous les titres sur ce second. Nous étions sûrs de nos choix. Il ne fallait surtout pas dénaturer les chansons. LFC : Sur chaque chanson du Collectif Métissé, il existe une couleur. Qu’en pensez-vous ? Yannick : Oui, il ne s’agit pas simplement de reprendre le morceau. Le but était de proposer une couleur à chaque titre. Nous avons mis tous les bons ingrédients pour arriver à ce résultat dont nous sommes très fiers.

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OUI, NOUS AURONS DIX ANS DE CARRIERE EN 2019. NOUS ALLONS SORTIR LE NEUVIEME ALBUM ET ENSUITE LE DIXIEME ALBUM. NOUS FETERONS NOS DIX ANS TOUS ENSEMBLE A L’OLYMPIA.

Claude : Oui, nous aurons dix ans de carrière en 2019. Nous allons sortir le neuvième album et ensuite le dixième album. Nous fêterons nos dix ans tous ensemble à l’Olympia.


JEAN-JACQUES GOLDMAN EST VRAIMENT L’ARTISTE QUI A MARQUE LES ANNEES 80. C’EST UN ARTISTE, INTERPRETE ET COMPOSITEUR INCROYABLE. C’ETAIT UNE FACON DE LUI RENDRE UN HOMMAGE, CAR C’EST UN ARTISTE QUE NOUS AIMONS BEAUCOUP AU SEIN DU COLLECTIF. LFC : Vous accompagnez ces chansons à chaque fois de clips vidéos qui donnent envie de danser tous ensemble… Saint-Ange : Oui, c’est important. Quand nous sommes tous ensemble, nous avons toujours envie de danser. Et puis, c’est toujours un plaisir de tourner des clips. D’ailleurs, le prochain titre Sweet Dreams sera tourné dans une fête foraine avec des familles et des enfants. LFC : Vous parlez de famille, de parents et d’enfants. Ils vous suivent fidèlement depuis des années…

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NOUS SOMMES UN GROUPE INTERGENERATIONNEL. LORS DES CONCERTS, IL Y A DES ENFANTS, DES GRANDS-PARENTS, DES PARENTS ET C’EST CELA QUI EST MAGIQUE.

Yannick : Nous sommes un groupe intergénérationnel. Lors des concerts, il y a des enfants, des grands-parents, des parents et c’est cela qui est magique. Il y a aussi les chorégraphies qui sont reprises par tous et cela nous fait très plaisir. Je pense que pour durer nous avons la bonne idée.

Claude : Nous avons déjà de magnifiques souvenirs de cette scène mythique l’Olympia en 2014 et 2016. En 2019, ce sera pour les dix ans du collectif et ce sera vraiment quelque chose de spécial. Nous y pensons, de nombreuses idées en réserve. Évidemment, il faudra qu’il y ait un petit plus par rapport aux années précédentes. Nous nous devons de proposer une nouveauté pour perdurer.

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LFC : Comment vous préparez-vous à votre prochain challenge, l’Olympia ?


UNE VIREE ELECTRO-CHIC SEXY AVEC TARA MC DONALD

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POP STAR BRITISH


JE PARLAIS A ARMAND VAN HELDEN L’AUTRE JOUR, ET IL ME DISAIT QUE LA VERSION QUE NOUS AVONS ENREGISTREE ENSEMBLE EST DEVENUE UN CLASSIQUE DANCE. PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET QUENTIN HAESSIG PHOTOS : ALEX CORDOVA ET BORIS JEANSON-BETEILLE

L'ENTRETIEN DE TARA MC DONALD EN 5 DATES ! 2006 TMD : C’était une grande année pour moi. Le single My my my venait tout juste de sortir, j’avais seulement dix-huit ans. Je ne m’attendais pas à ce qu’il soit aussi bien reçu. Je n’ai pas écrit cette chanson, mais à chaque fois que je l’interprète, c’est comme si c’était la première fois que je le faisais. Je parlais à Armand Van Helden l’autre jour, et il me disait que la version que nous avons enregistrée ensemble est devenue un classique dance. De plus, douze ans après, le single est encore dans les tops de la BBC. À chaque fois que je l’entends aujourd’hui, que ce soit à la radio ou lorsque je rentre dans un magasin, je suis toujours aussi surprise, cela me rappelle de très bons souvenirs.

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Novembre 2017, journée pluvieuse à Paris dans un quartier populaire. Tara Mc Donald est notre rayon de soleil. Lumineuse, chaleureuse et sexy, elle nous reçoit pour nous parler de son nouveau single Taxxxi dans un hôtel cosy. Habituée aux sommets des charts internationaux (plus de de 10 singles au compteur des tops 10) où l'on déjà escortée les Guetta, Axwell, Van Helden, Clapton et autres Brian Ferry, elle annonce un EP en février 2018.


Quand je repense à ma carrière, quelle aventure ! Je crois que je devrais écrire un livre. Pour la plupart des gens, c’est difficile à comprendre, mais lorsque vous êtes une artiste, vous devez bien vous entourer. Lorsque j’ai commencé ma carrière, ma famille n’était pas dans ce milieu et je n’avais pas de manager. Je devais travailler le plus possible, faire cent projets pour qu’au moins un fonctionne. Un jour, David Guetta m’a approché pour que l’on travaille ensemble sur le titre Delirium. Je n’avais toujours pas d’équipe autour de moi, je ne savais pas comment atteindre l’échelon supérieur et comment me vendre. C’est en 2010 que la situation s’est débloquée, j’ai rencontré mon futur manager à Paris lors d’une séance photo. Il m’a expliqué qu’il pouvait me signer dans un label et qu’il croyait très fort en moi. C’est ce dont j’avais besoin. Plus tard, j’ai signé mon premier projet chez Universal. La chose amusante dans tout cela, c’est qu’avec mon manager, nous avons payé tous les frais de mixage, d’édition et de promotion radio. J’avais gagné beaucoup d’argent avec mes tournées, je me suis dit que c’était une bonne façon de le dépenser. C’était un risque, mais cela a payé.

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2010


2015

177 | LFC MAGAZINE #5

C’est l’année de ma collaboration avec Snoop Dogg notamment. J’aime faire des projets avec d’autres artistes, comme David Guetta ou Juan Magan, qui viennent d’univers complètement différents. Au début de ma carrière, je pensais que je devais uniquement me cantonner à la dance music. Mais en collaborant avec de tels artistes, j’ai vécu des choses inoubliables. Vous savez, j’ai envie de tout faire dans ma carrière, j’ai envie de rencontrer des gens, de voyager, de faire des projets ambitieux. J’aime toutes les cultures et c’est ce qui me définit le mieux. Lorsque vous faites tout le temps la même chose, c’est moins excitant. Pour ma collaboration avec Juan Magan, cela a été une expérience géniale, je n’avais jamais fait de musique latino, j’ai passé un mois à Mexico et j’en garde de très bons souvenirs. Ma vie est faite de nombreuses rencontres et je crois que cela se répercute sur ma musique.


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2017 C’est l’année de la sortie de mon titre Taxxxi. Vous vous demandez surement pourquoi il y a trois « x », il faut aller voir le clip pour mieux comprendre. C’est un titre assez sexuel qui parle d’une rencontre entre une femme et un chauffeur de taxi. Le titre est puissant, parle de liberté sexuelle et surtout de vivre le moment présent. J’ai eu la chance de tourner ce clip à Paris. C’était assez délicat de jouer dedans et d’embrasser le chauffeur de taxi, mais maintenant, ce sont mes scènes favorites du clip. J’aimerais à l’avenir pouvoir diriger mes propres clips, comme l’a parfaitement fait mon réalisateur. Je sais raconter des histoires à travers mes textes, mais j’aimerais pouvoir le faire aussi dans mes vidéos.

2018

178 | LFC MAGAZINE #5

Mon premier EP va sortir au début de l’année et un album suivra juste avant l’été. J’ai à l’heure actuelle assez de titres pour faire un album, mais je veux vraiment choisir les meilleures. J’ai beaucoup de mal à prendre du recul sur mon travail, mais d’après ce que me dit mon entourage, ce sont des chansons qui parlent de liberté, de pop culture et de ma vision de la vie. Je crois qu’il y a un peu d’innocence dans ce projet, j’aime prendre le meilleur de chaque situation. Il y a de l’optimisme partout. L’EP sera composé de sept titres, j’ai vraiment hâte de le proposer pour que mes fans découvrent une facette différente de ma démarche artistique.


179 | LFC MAGAZINE #5

STUPEAD, LE NOUVEAU PRODIGE ELECTRO HOUSE MADE IN FRANCE


C'ETAIT INATTENDU ! HUIT MILLIONS DE STREAMS, C'EST VRAIMENT ENORME. J'ESPERE QUE MON PROCHAIN FERA PAREIL, VOIRE ENCORE PLUS.

Fin novembre 2017, dans les locaux de Sony Music, nous avons rencontré le nouveau petit prodige français de la tropical house : Stupead. Du haut de ses vingt ans, le Rennais représente cette nouvelle génération de producteurs électro house made in France emmenée par Kungs ou Petit Biscuit. Rencontre avec ce talent qui cumule huit millions de streams avec son single Alright, playlisté par Martin Garrix. Il nous présente son nouveau morceau The One, nous parle de son clip avec Emma et de son futur EP pour 2018.

180 | LFC MAGAZINE #5

PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET CEDRIC ADAM PHOTOS PROMOS FOURNIES PAR PRODUCTION.


LFC : The One est le nouveau single que l’on peut découvrir à l’écran avec un nouveau clip. Que pouvez-vous nous dire sur ce morceau ?

LFC : Bonjour Stupead, nous vous avons découvert avec Alright. Pouvez-vous nous confier vos impressions sur ce premier single ? S : C'était inattendu ! Huit millions de streams, c'est vraiment énorme. J'espère que mon prochain fera pareil, voire encore plus. LFC : Comment définirez-vous votre musique ? C’est de l'électro avec une touche bien particulière, qui vous ressemble… S : Oui, en effet. Le but est de créer une touche acoustique puisque j'ai une formation musicale très classique. Je suis batteur de formation. J’ai commencé tout petit avant de jouer de la guitare dans des groupes de rock plusieurs fois. J'ai toujours voulu faire de l'électronique et mettre de la musique acoustique par le biais la guitare. LFC : Êtes-vous allé à l’école pour apprendre la batterie ? S : Exactement, quand j'ai commencé la batterie à l’âge de cinq ans, je suis tout de suite allé à l'école de musique. Peu de temps après, j'ai voulu faire de la guitare, mais comme mes parents ne voulaient pas que j'arrête la batterie, j'ai fait les deux en même temps dans la même école. Concernant la partie électronique, je me suis formé tout seul jusqu'à relier les deux univers.

S : C'est une collaboration avec Emma, que je connais depuis longtemps. C'est vraiment un duo sympa. Cela ne s'est pas fait en envoyant une démo à un chanteur. Pour ce morceau, nous avons vraiment fait les choses tous les deux, alliant ses idées aux miennes. Je suis très content que le son sorte enfin puisque nous y avons travaillé longtemps ! J'en suis très heureux également, car c'est la première étape de ce qui est prévu ensuite. C'est le début de ce que je vais proposer par la suite… Je souhaite que les gens puissent déjà s'identifier à mon style. LFC : Quand sera disponible votre EP ? S : Il n'y a pas encore de date précise, mais je peux vous dire que ce sera pour début 2018. LFC : Nous avons eu la chance de voir le clip de The One. Pourriez-vous nous en parler ? S : Nous avons souhaité avec Emma raconter une histoire d'amour qui ne se passe pas très bien. Ce sont des paroles communes, mais on ne voulait pas tomber dans un scénario cliché. De plus, j’ai surtout eu l'envie de faire de beaux visuels. Grâce aux idées du réalisateur, nous avons décidé de faire danser un homme et une femme dans un endroit magnifique. LFC : Et si nous ne nous trompons pas, le spectateur peut vous voir à la fin. C’était un clin d'œil ? S : Bien vu ! C'est exactement ça ! Je ne voulais pas être mis en avant sur le clip et si cela n'avait tenu que de moi, je ne serais pas dedans. On m'a fait comprendre que c'était mieux, alors j’ai fini par accepter. LFC : Vous faites partie de toute une génération de DJ en vogue en ce moment. Cela vous met-il une pression supplémentaire ? S : Non. Pas vraiment. Car ces gars-là sont tous plus ou moins de mon âge. Nous nous connaissons tous plus ou moins. Du coup, nous sommes plus proches qu'en concurrences. LFC : Auriez-vous un message à ceux qui vous écoutent ? S : Oui, je suis vraiment impatient de sortir le EP. Pour moi, un artiste ce n'est pas qu'un morceau à succès. Cela s’entend quand on écoute ce que j'ai fait avant et ce qui arrive prochainement. À très vite pour le EP !

181 | LFC MAGAZINE #5

NOUS AVONS SOUHAITE AVEC EMMA RACONTER UNE HISTOIRE D'AMOUR QUI NE SE PASSE PAS TRES BIEN. CE SONT DES PAROLES COMMUNES, MAIS ON NE VOULAIT PAS TOMBER DANS UN SCENARIO CLICHE.

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182 | LFC MAGAZINE #5

SCOTT BRADLEE'S POSTMODERN JUKEBOX LES HITS DU 21E SIECLE FACON VINTAGE


PAR QUENTIN HAESSIG PHOTOS PROMOS FOURNIES PAR PRODUCTION.

AUJOURD’HUI, JE SUIS A PARIS POUR PROMOUVOIR LE DISQUE. ET JE SUIS TRES HEUREUX QUE MA FAMILLE DE MUSICIENS SE SOIT AGRANDIE AU FIL DES ANNEES. LFC : Bonjour Scott Bradlee. On se rencontre pour parler de l’album The Essentials disponible en France depuis le 24 octobre 2017. Vous avez commencé ce projet depuis maintenant huit ans. Vous attendiez-vous à un tel succès ? SB : Je ne savais pas du tout dans quoi je me lançais. L’aventure a commencé à New York où j’étais pianiste, je n’avais pas une grande capacité de travail. Un jour, j’ai décidé de me filmer en reprenant à ma manière des titres populaires. Je les ai ensuite postés sur internet et c’est devenu viral. Ma carrière a pris un virage encore plus grand lorsque nous avons commencé à faire une tournée mondiale en 2014. Aujourd’hui, je suis à Paris pour promouvoir deux dates à l’Olympia. Et je suis surtout très heureux que ma famille de musiciens se soit agrandie au fil des années.

183 | LFC MAGAZINE #5

Dirigé par le pianiste et arrangeur Scott Bradlee, le Postmodern Jukebox est un collectif en perpétuelle évolution avec 70 musiciens en alternance ! En tête des classements iTunes comme du Billboard américain, le collectif a donné des centaines de concert à travers le monde. Décembre 2017, deux soirs à l'Olympia pour y chanter Seven Nation Army (The White stripes) ainsi que We can't stop de Miley Circus façon doo-wop ou encore Creep de Radiohead en une ballade soul lumineuse. Rencontre avec Scott Bradlee.


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LFC : Vous souvenez-vous de la première chanson que vous avez reprise ? SB : Oui, je m’en souviens très bien. C’est une chanson qui avait déjà de nombreuses vues au compteur : « Thrift shop » de Macklemore et Ryan Lewis. Nous en avons fait une version hot jazz des années trente. Et c’est amusant car en France certaines personnes pensaient que le mot « baguette » figurait dans les paroles de la chanson ! (rires) LFC : L’album The Essentials regroupe dix-sept titres d’artistes de différents genres musicaux. Avez-vous eu des retours de la part de ces artistes ? SB : En effet, nous avons eu beaucoup de réactions. Des artistes comme Beyoncé, Gwen Stefani, Adam Levine ou Céline Dion ont adoré la version de leur chanson. J’étais ravi d’avoir un retour aussi positif de leur part. LFC : Cet album est-il une façon de nous faire aimer des titres que l’on n’aurait pas forcément écoutés en premier lieu ? SB : Oui c’est une manière de montrer une version différente de chaque titre. Une version à laquelle vous pourrez vous identifier. Quand vous donnez des sonorités swing, motown ou hot jazz à des chansons, cela rend les titres plus attractifs. LFC : Vouliez-vous faire cela lorsque vous avez commencé votre carrière ?

LFC : Ce collectif est composé aujourd’hui de soixante-dix musiciens. C’est impressionnant ! SB : Oui, c’est à peu près cela. Je peux choisir tel ou tel artiste pour tel ou tel titre. Chacun a un univers différent qu’il s’est créé avec le temps. Je choisis par rapport aux voix ou aux instruments. C’est un véritable luxe de pouvoir travailler de cette façon, c’est très productif. Tout le monde a fait un travail remarquable sur cet album. LFC : Comment avez-vous choisi ces dix-sept titres qui composent l’album ? SB : Je choisis des chansons que les gens aiment. J’aime qu’ils soient surpris lorsqu’ils écoutent ma version. Je suis quelqu’un de très éclectique, ce qui signifie qu’il y en a vraiment pour tous les goûts. Lorsque j’étais jeune, j’écoutais beaucoup de jazz de la Nouvelle-Orléans. Ensuite, j’ai commencé à écouter du hip-hop au lycée grâce à mes amis, je trouvais que ces deux genres avaient un lien. J’ai donc construit ma bibliothèque musicale de cette façon. Quand vous regardez un artiste comme Bruno Mars qui fait du R&B, vous voyez qu’il a été fortement influencé par des artistes de la Motown. LFC : Vous allez encore plus loin en reprenant par exemple le thème de Game of Thrones SB : (rires) - Je n’ai pas de limites ! Dès que j’ai commencé ma carrière, je n’ai pas voulu appartenir à un seul genre. Je souhaitais faire des choses qui me plaisaient. Pour « Game of thrones », je savais que c’était une chanson que tout le monde connaissait. Et je me suis dit que si nous la proposions en version pop/jazz, cela aurait du sens. Et c’est ce que nous avons fait. Récemment, nous avons poussé le curseur encore plus loin avec une chanson japonaise datant des années vingt. Les gens étaient vraiment surpris.

184 | LFC MAGAZINE #5

JE CHOISIS DES CHANSONS QUE LES GENS AIMENT. J’AIME QU’ILS SOIENT SURPRIS LORSQU’ILS ECOUTENT MA VERSION.

SB : Pas du tout. J’étais simplement un pianiste en recherche de travail. J’avais juste un appartement et je devais payer mon loyer. Il fallait donc que je trouve quelque chose à faire. Au début, j’ai commencé à jouer des titres au piano. Puis, au fur et à mesure, mes amis m’ont rejoint. Une communauté a commencé à se former, avec des musiciens, des chanteurs, des chanteuses… Nous avons commencé à nous déguiser pour les concerts et à un moment donné, j’ai compris que nous avions notre propre mouvement.


185 | LFC MAGAZINE #5

THAIS LA NOUVELLE VOIX FRANCAISE DE LA POP URBAINE


PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET CEDRIC ADAM PHOTOS : HEYLS INDUSTRY

JE CHANTE DEPUIS TOUTE PETITE. J’AI COMMENCE SEULE DANS MA CHAMBRE EN REPRENANT LES CHANSONS DE LARA FABIAN ET DE CELINE DION. LFC : Bonjour Thaïs, depuis quand faites-vous de la musique ? T : Je chante depuis toute petite. J’ai commencé seule dans ma chambre en reprenant les chansons de Lara Fabian et de Céline Dion. J’étais attentive aussi à tous les concours de chant qui existent. Une fois arrivée au collège et au lycée, j’ai participé aux spectacles de l'école. LFC : Quand avez-vous pris conscience de ce don professionnel ? T : Dès que j'étais petite. J’en rêvais à cette époque-là, mais j'y croyais fermement ! En grandissant, j’ai compris que même sans cours de chant, j’étais capable de reprendre leurs chansons.

186 | LFC MAGAZINE #5

THAÏS, C'EST LA NOUVELLE VOIX FRANÇAISE DE LA POP URBAINE ! NOVEMBRE 2017, NOUS AVONS RENCONTRÉ DANS UN CAFÉ PARISIEN LA JEUNE CHANTEUSE D'ORIGINE FRANCO-MALGACHE, PASSIONNÉE DE CHANT DEPUIS SON ENFANCE. APRÈS LE SINGLE DE SON SINGLE J'AI DU MAL QUI S'EST HISSÉ AU TOP DES CLASSEMENTS, THAÏS PROPOSE SON NOUVEAU TITRE ESMERALDA, UN MORCEAU AUX SONORITÉS CARIBÉENNES DONT LE CLIP CARTONNE SUR LE WEB. RENCONTRE !


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JE SUIS EN PLEINE PREPARATION D'UN EP DANS LE STYLE MOOMBAHTON, C’EST-A-DIRE UN MELANGE ENTRE LE REGGAETON, LA POP ET LA HOUSE MUSIC. C’EST UN GENRE TRES REMUANT, FRAIS QUE J'AIMERAIS APPORTER A LA MUSIQUE FRANCAISE. LFC : Quels sont vos chanteurs ou les comédies musicales qui vous ont influencée ?

LFC : Vos débuts se font au sein du groupe No-Vice. Racontez-nous ! T : C'est exact. Durant mon année de Terminale, un label cherchait des artistes pour former un groupe. Un ami m'avait recommandé. Je leur ai donc envoyé une vidéo. Ils m'ont tout de suite retenue et c'est comme ça que tout a commencé. Le groupe était composé de deux rappeurs et d’une chanteuse : moi. On a commencé à se faire connaitre un peu sur l’Île de La Réunion. Ensuite, forte de cette première expérience, j'ai voulu continuer ma carrière de mon côté, en solo. LFC : Juin 2017, vous sortez votre premier single, J'ai du mal, qui culmine plus de 500 000 vues sur YouTube. Quelles sont vos impressions ? T : C'est un premier single qui m'a plu dès que je l’ai entendu. C’est un morceau qui parle d'amour de manière triste, et pourtant la musique bouge bien. Je suis très satisfaite du contraste entre le texte et le son.

LFC : Pouvez-vous nous parler de ce premier clip en solo ? T : J’ai déjà tourné un clip avec le groupe No-Vice, mais celui-ci, c’est mon premier en solo. C'était une expérience stressante. J’appréhendais les attentes du public. Et cela fut de nouveau le cas pour le deuxième clip, Esmeralda. Et j’ai le sentiment que cela sera comme ça éternellement, même si j'étais déjà un peu plus rassurée. LFC : Esmeralda, c'est votre deuxième clip, qui cette fois a dépassé le million de vues sur YouTube. Parlez-nous de ce nouveau single. T : J'ai tout d'abord entendu le morceau que l'on m'a proposé en studio et elle m'a tout de suite fait penser à Esmeralda avec un mélange latino et pop. J'ai voulu raconter l'histoire d'Esmeralda avec une version un peu plus moderne que j’aime bien. C'est un morceau féministe. Il parle de la femme, celle qui a des ambitions et qui veut réaliser beaucoup de choses. LFC : Quels sont vos projets ? T : Je suis en pleine préparation d'un EP dans le style moombahton, c’est-à-dire un mélange entre le reggaeton, la pop et la house music. C’est un genre très remuant, frais que j'aimerais apporter à la musique française.

187 | LFC MAGAZINE #5

T : Sans hésitation, High School Musical ! C’était le film de mon enfance. Il m'a vraiment donné l'envie d’aller vers le chant. Et cela m’a beaucoup aidé pour l’anglais. Mes autres sources d'inspiration sont les femmes à grande voix comme Céline Dion ou Rihanna.


188 | LFC MAGAZINE #5

MKN LA RELEVE DU RAP MARSEILLAIS


PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET CEDRIC ADAM PHOTOS : SONY MUSIC / JIVE EPIC

MKN : Je raconte la vie d'un jeune, son quotidien. Depuis deux ans que je fais de la musique, j'essaie de faire rêver les gens de mon âge. Dans mon entourage, je connais un footballeur professionnel. Le voir réussir sa carrière m'a donné l'envie de faire quelque chose de ma vie. Alors un jour, chez moi, j'ai écrit mon premier texte. Bien sûr, ce n'était pas le meilleur. Ensuite, je suis parti dans un studio d'enregistrement et depuis je n'ai pas lâché. LFC : La musique, c’est un coup de cœur. Mais pour cela, il faut avoir une voix… MKN : Pas forcément. Même si je suis des cours de chants depuis peu. J’essaie de m'adapter avec la voix que j'ai et pour le moment cela se passe plutôt bien. LFC : Vous vous êtes fait remarquer avec un premier titre, Je ne veux que toi qui a fait le buzz avec un peu plus de 7 millions de vues. C'était quelque chose d'insensé ? MKN : Complètement, les chiffres sont allés bien plus loin que ce que je pouvais imaginer. Ce son avec des rythmes un peu love entre un homme et une femme, je l'ai enregistré

DANS MON ENTOURAGE, JE CONNAIS UN FOOTBALLEUR PROFESSIONNEL. LE VOIR REUSSIR SA CARRIERE M'A DONNE L'ENVIE DE FAIRE QUELQUE CHOSE DE MA VIE. ALORS UN JOUR, CHEZ MOI, J'AI ECRIT MON PREMIER TEXTE. en studio en seulement quinze minutes. Et je me suis retrouvé à faire un clip, deux semaines plus tard. C'est une histoire qui fait rêver. LFC : Ce texte que vous avez écrit, inspiration de votre vie ou pure imagination ? MKN : C'est de l'imagination et de l'observation. Je n'ai pas vécu cette histoire, mais j'analyse beaucoup le monde dans lequel je vis ainsi que la vie des gens. À ce moment-là, j'étais seul. Je n'avais pas de manager et de maison de disques. J’ai fait cela avec mon argent. J'avais 17 ans et je suis allé enregistrer le morceau moi-même, j'ai tourné le clip seul en imaginant son scénario. J’ai même choisi la fille qui joue dedans. J'ai tout fait moi-même de A à Z jusqu'à le sortir sur ma chaîne YouTube et en arriver là. LFC : À quel moment un professionnel s'est-il intéressé à

189 | LFC MAGAZINE #5

LFC : Vous êtes d'Aix-en-Provence et de passage à Paris pour nous parler de votre aventure musicale. Vous faites du rap, comment cette passion a-t-elle commencé ?


LFC : Que pouvez-vous nous dire sur le morceau Santa Monica ?

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MKN : C'est une musique où je répète que je suis à la plage à Santa Monica. Un morceau que j'ai travaillé avec le beatmaker Marseillais,l’Adjoint qui a déjà collaboré avec quelques grands noms du rap français comme Fianso, Soprano, RedK et YL. Dès que j'ai entendu ce titre, j'ai tout de suite pensé à Los Angeles et cette plage ultra-célèbre de Santa Monica. On a ensuite proposé cette idée à Sony qui a accepté et c'était parti.

vous ? MKN : C'est arrivé vers les 500 000 vues. C'était une période où je ne comprenais pas ce qu'il était en train de se passer. J'ai reçu des messages à foison, mais je suis toujours avec l'équipe de mes débuts. LFC : Cette année, vous passez un palier professionnel. Nous nous voyons aujourd’hui dans les locaux de Sony Music. Quelles sont vos impressions ? MKN : NKM : Quand je vois où j'en étais il y a un an, je ressens beaucoup de satisfaction. J'ai vu le catalogue des artistes qui sont passés par ici, c’est très valorisant. Je suis très heureux de me dire qu'il y a une place pour moi. LFC : Aujourd'hui, nous nous rencontrons le jour de la sortie du clip de Santa Monica. Pouvez-vous nous en dire plus ? MKN : Nous sommes allés à Los Angeles pour tourner le clip. Évidemment, ça change de Marseille. C'était la première fois que j'y allais et je savais que ça allait être bien, mais je ne pensais pas autant. Je suis fan du jeu vidéo GTA (Grand Theft Auto) et voir les décors du jeu en vrai, c'était un truc de malade. Partir là-bas avec toute mon équipe pour le tournage d'un clip, c'était quelque chose d'énorme. Aujourd'hui, le clip est sorti sur ma chaïne YouTube et sur toutes les plateformes de téléchargements légales.

MKN : Anthony, c'est quelqu'un avec qui je suis très proche et qui est un exemple pour moi. Depuis petit, je suis toutes ses destinations sauf sa dernière en Chine où je ne suis pas encore allé. On se parle beaucoup par messages et il me donne beaucoup de conseils pour continuer dans la musique. LFC : Un album est prévu pour mars 2018. Pouvez-vous nous le confirmer ? MKN : Je vous le confirme même si cela va dépendre de l'accueil des clips. Mais si tout va bien, ce sera à cette période. LFC : Quels thèmes souhaitez-vous aborder dans ce disque ? MKN : L’album est quasiment bouclé. J'ai passé beaucoup de temps et de nombreuses nuits blanches en studio pour tous les titres. J'avais même commencé l'album l'année dernière, avant d'être chez Sony tout en passant le BAC. Je rentrais des cours pour aller directement en studio toute la nuit, et le matin, j'allais en cours avec un manque de sommeil sévère. Je me suis vraiment investi pour cet album et j'aimerais que les gens le ressentent. Gérer une double vie avec à la fois la musique et les cours, c'était vraiment une période très difficile. J'ai arrêté les cours depuis. J’ai décidé de prendre une année sabbatique pour me consacrer à fond à la musique. On verra bien si ça marche ou pas. je me suis dis que je prenais une année pour voir si ça prend ou non et je verrais par la suite. LFC : Avez-vous envie de featurings ? Si oui, avec qui ? MKN : Comme je suis Franco-sénégalais, j'aimerais vraiment partager un morceau avec Youssou N'Dour, même si nous sommes dans deux univers totalement différents. C'est un grand artiste que ma famille écoute. Ce serait une grande fierté pour moi. Et je peux vous dire que cela devrait se faire.

190 | LFC MAGAZINE #5

COMME JE SUIS FRANCOSENEGALAIS, J'AIMERAIS VRAIMENT PARTAGER UN MORCEAU AVEC YOUSSOU N'DOUR,

LFC : Comme vous le disiez avant, vous avez un ami dans le football à qui vous avez voulu rendre hommage. Il s'agit d'Anthony Modeste, l'ancien buteur du FC Cologne.


NAYA LA FILLE SUR LA LUNE

191 | LFC MAGAZINE #5

DÉCOUVERTE DANS L'ÉMISSION THE VOICE KIDS


Naya va enchanter votre hiver avec sa pop poétique aux sonorités folk. Great Ocean Road et Girl On the Moon, sont deux morceaux extraits de Blossom, son premier EP de cinq titres mélancoliques et accrocheurs. Rencontre avec une voix douce et affirmée qu'on écoutera longtemps...

PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET CEDRIC ADAM PHOTOS PROMOS SONY MUSIC

N : Exactement, il est sorti en juin dernier. Il s'appelle Blossom, ce qui veut dire éclosion, en anglais. Ce sont mes premiers pas en tant qu'artiste. Le choix de ces cinq titres était simple, car il s'agit juste de mes cinq premières compositions. Il était important de montrer mes débuts. J'ai écrit tous mes textes moi-même. Très jeune, j'ai découvert The Beatles qui sont une grande source d'inspiration. J'admire leur manière d'écrire et leur sens mélodique. Grâce à leurs œuvres dont je me suis inspirée, j'ai commencé à écrire mes chansons dès l'âge de onze ans. Elle s'appelle The Big Apple et c’est une chanson sur New York. LFC : Vous êtes allée à New York et depuis c'est un coup de cœur. Comment est né cet amour pour cette ville ? N : Toute jeune, mes parents parlaient beaucoup de New York à la maison. Ils y étaient déjà allés avant qu'on y aille tous ensemble. Ce voyage familial s'est finalement transformé en tournage de clip vidéo, car mon père m'a suivie partout dans la ville. J’ai adoré la ville, Manhattan, Brooklyn. Il y avait une ambiance particulière dont je suis devenue fan. En revanche, c'est la seule que je n'ai pas mise dans le disque, car j'étais vraiment toute jeune. Cette musique n'était pas assez mûre.

J'AI ECRIT TOUS MES TEXTES MOIMEME. TRES JEUNE, J'AI DECOUVERT THE BEATLES QUI SONT UNE GRANDE SOURCE D'INSPIRATION. LFC : Vous êtes très jeune et pourtant, on ressent déjà chez vous une forme de maturité. N : Merci beaucoup ! C'est vrai que je travaille énormément le fond. Forcément, en grandissant, j'ai évolué ma manière de composer et mes influences musicales. J'écoutais beaucoup de pop-folk à l'âge de douze ans et aujourd'hui beaucoup d'électro, ce qui peut se ressentir sur les dernières chansons. LFC : Que retenez-vous de votre passage dans l’émission The Voice Kids ? N : J’ai quatorze ans lorsque l’émission est diffusée à la télévision. J’en garde un très bon souvenir, c’est une expérience positive. J'ai pu faire mes premières apparitions à la télévision. J’ai découvert les coulisses. J'ai même eu la

192 | LFC MAGAZINE #5

LFC : Bonjour Naya, vous faites vos débuts avec un EP de cinq titres. Pouvez-vous nous en parler ?


J'AI SURTOUT ENVIE DE PARTAGER MA MUSIQUE AVEC LE PLUS GRAND NOMBRE DE PERSONNES ET DE CONNAITRE L’APPRECIATION DU PUBLIC AU SUJET DE MON TRAVAIL.

Ce qui fait un beau final. Quand je sors de scène, je me sens mieux.

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LFC : Avec qui vous étiez-vous fâchée ? N : Avec une amie proche. C’est une relation amicale qui a mal tourné. Nous étions en désaccord. LFC : La chanson Jukebox parle de musique… N : Exactement, elle raconte ma passion. Elle parle de Nick Drake, Bob Dylan, The Beatles et Jake Bugg.

LFC : Aujourd'hui, que souhaitez-vous ?

LFC : Eh bien, c’est la crème de la crème qui passe dans vos oreilles…

N : J'ai surtout envie de partager ma musique avec le plus grand nombre de personnes et de connaître l’appréciation du public au sujet de mon travail. J’aime la scène, j’en ai fait beaucoup, avec des reprises bien sûr. Je trouve que les concerts sont ultra-importants pour se développer. J'ai chanté quelques premières parties géniales comme Amir, Mademoiselle K... J'adore ressentir l’énergie du public. J'aime chanter lors des premières parties, car les gens ne nous connaissent pas et ils nous découvrent en live. Ce que je trouve sympa.

N : Oui, en effet. (Rire) J'ai été très influencée par mon entourage familial, évidemment. Mes parents sont musiciens et c'est particulièrement parti de ça. Jamais ils ne m'ont forcée, tout est parti de moi. Je leur avais demandé de m'inscrire au conservatoire et à des cours de musique parce que j'adore ça. J'ai étudié pendant cinq ans au Conservatoire, où j'ai commencé le piano à six ans. Il y a aussi eu la batterie, la guitare et enfin le chant.

LFC : Pouvez-vous nous parler du morceau Girl on the moon ? N : Cette musique est un conte que j'ai écrit à l’âge de quinze ans. Elle raconte l'histoire d'une fille qui part vivre sur la lune, car elle ne trouve plus sa place sur Terre. C'est une personne onirique et mystérieuse qui nous rassure. Un ami imaginaire qui nous accompagne. L'idée m'est venue en voiture quand on rentrait d'un concert, sur l'autoroute, on voyait une grande lune rousse. J'ai eu l'impression de ne l'avoir jamais vu d'aussi prêt, et l'inspiration est partie de là. LFC : Pouvez-vous nous parler du morceau Great Ocean road ? N : C'est le single qui parle de la côte Atlantique, lieu d'où je viens, près de Libourne. Depuis toute petite, j'aime me promener au Cap Ferret. C'était important pour moi d'avoir une chanson qui raconte d'où je viens. LFC : On va se faire plaisir, on va parler de chaque titre, c’est au tour de : Ghost by your side. Que pouvez-vous nous dire ? N : Ce morceau est spécial. D’ailleurs, en concert, je la chante à la fin. Elle parle d'une amitié qui s’est mal achevée. C’est une sorte de vengeance. Quand je la chante, je me sens comme agacée et je donne tout à chaque fois.

LFC : On termine avec le dernier morceau, It doesn't scare me… N : Ça ne fait pas peur. Rien ne me fait peur justement. Un peu comme dans Girls on the moon, c'est une chanson imagée. Je dis que le monstre sous mon lit ne me fait pas peur. LFC : Vous chantez en anglais, aimeriez-vous chanter en français ? N : Oui bien sûr, seulement l'anglais est très spontané pour moi. Pourtant, je suis en terminale littéraire, donc le français, ça me parle. Pour le moment, ce n'est pas encore assez naturel. Je préfère prendre mon temps et voir ce que ça donne dans quelques mois. Plutôt que de me précipiter et d’écrire des textes qui ne me correspondent pas. LFC : Cependant, le fait de chanter en anglais facilite l'exportation, aimeriez-vous que votre musique voyage au-delà de nos frontières ? N : Carrément ! Je suis fan de groupe anglo-saxon et américain, donc oui ! D'ailleurs, avant l'été, j'ai joué au Glass and Bury Festival, qui est l’un des plus grands festivals d'arts et de musique au monde. Voir mon nom dans cette liste, c'était un sentiment très fort, car j'en rêvais depuis toute petite. C'était mon premier concert à l'étranger et c'était un moment extraordinaire.

193 | LFC MAGAZINE #5

chance d’être finaliste de cette émission. C’était incroyable de vivre cela.


DÉJÀ PLUS DE 2 MILLIONS D'ALBUMS VENDUS

194 | LFC MAGAZINE #5

GREGOIRE LE CHANTEUR QUI BUZZ...


PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET QUENTIN HAESSIG PHOTOS : FLORENT DRILLON

JE PENSE QUE LE TITRE DU DISQUE "A ECOUTER D'URGENCE" EST EFFICACE ET DONNE ENVIE D’ECOUTER L’ALBUM.

LFC : Bonjour Gregoire, nous nous rencontrons pour la seconde fois pour la sortie de votre album À écouter d’urgence, un album composé de dix titres. Ce titre, était-il une évidence ? G : Pas forcément. L’objectif premier, c’était de ne pas choisir un titre qui correspondait à une chanson. Je ne voulais pas en mettre une en avant plus qu’une autre. Et je voulais proposer quelque chose qui attirait l’œil, quelque chose d’original. J’avais même pensé au tampon recommandé de La Poste. Aujourd’hui, tout va tellement vite. Je pense que ce titre est efficace et donne envie d’écouter l’album. LFC : Sortir un disque, c’est une démarche artistique, mais aussi une démarche marketing. Qu’en dites-vous ?

195 | LFC MAGAZINE #5

Grégoire, auteur, compositeur et chanteur révélé grâce à internet avec sa chanson Toi + Moi compte déjà cinq albums produits en seulement sept ans avec plus de 2 millions d'exemplaires vendus. Aujourd'hui, il revient avec dix nouvelles compositions dans cet album À écouter d'urgence aux sonorités chanson pop électro. Depuis plus de quinze jours, la chanson Mes enfants est partagée toutes les minutes sur Facebook. C'est encore une fois Internet qui pousse Grégoire sur le devant de la scène. Rencontre avec un artiste généreux qui nous parle du web, de musique et d'envie de concerts.


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JE PENSE QUE CETTE CHANSON ME SURVIVRA ET C’EST UNE CHANCE. CETTE CHANSON M’A OUVERT LA PORTE VERS DE NOMBREUX HORIZONS. POUR QU’UNE CHANSON DEVIENNE INTEMPORELLE, IL FAUT QU’IL Y AIT DES CONCOURS DE CIRCONSTANCES ET JE CROIS QUE LES GENS AVAIENT BESOIN DE CELA, A CE MOMENT PRECIS. C’EST INEXPLICABLE, MAIS J’EN SUIS TRES CONTENT.

violemment. À cet instant, cela m’a dérangé. Ils se sont acharnés en parlant de ma coupe de cheveux, ma chemise… Certains étaient très drôles, je dois l’avouer. Je dois aussi reconnaître que certaines personnes ont de l’esprit. Quand on n’aime pas, je préfère qu’on le fasse remarquer avec humour, c’est mieux. Pour conclure, les conséquences de cet épisode sur internet ont été plutôt positives sur différents fronts. Ayant répondu avec une pointe d’amusement, les médias ont parlé de cette histoire. Sans ma réponse, ils n’en auraient pas parlé autant. J’ai obtenu beaucoup plus d’abonnés sur Twitter ce jour-là, car j’étais en Top Tweet. Beaucoup se sont rendu compte que j’étais un peu plus que la chanson Toi + Moi. Tout cela m’a plutôt fait sourire.

G : Effectivement et je m’en amuse. Le marketing est quelque chose sur lequel je n’avais pas travaillé depuis longtemps. J’étais plutôt dans l’anti-marketing, au naturel. Aujourd’hui avec Internet, il existe tellement de choix que la communication est essentielle pour transmettre son travail.

G : C’est ce que j’ai toujours fait à part justement Poésies de notre enfance. J’ai toujours été auteur, compositeur, interprète et arrangeur. Ma carrière, je la vois comme une évolution à chaque fois. Je veux qu’à chaque album, il y ait une progression et que chaque chanson soit différente. Je n’aime pas la monotonie. Tous les gens que j’admire ont toujours fait cela. Que ce soit les Beatles, David Bowie ou même Jean-Jacques Goldman. J’espère évidemment qu’on reconnaît ma patte. L’idée première est de toujours se renouveler.

G : Je pense que cette chanson me survivra et c’est une chance. Cette chanson m’a ouvert la porte vers de nombreux horizons. Pour qu’une chanson devienne intemporelle, il faut qu’il y ait des concours de circonstances et je crois que les gens avaient besoin de cela, à ce moment précis. C’est inexplicable, mais j’en suis très content. LFC : Vous êtes né grâce à Internet, grâce aux internautes, c’est donc positif. Mais à l’inverse, Internet peut parfois se montrer plus méchant… (Grégoire a été moqué suite à sa prestation à la Gare de Lyon où il reprenait un titre du groupe Oasis). G : Oui c’est vrai, mais cela dépend. Je trouve que Twitter est différent de Facebook. Et que Facebook peut aussi être différent de YouTube ou d’Instagram. Ce dont vous me parlez, c’est un événement qui a été repris par Twitter, mais qui a été peu relayé par Facebook dans ce cas précis. C’est Brain Magazine qui a commencé à relayer l’information sur sa Page Pute. Cela a été repris par les Inrocks. Bref, il y avait un côté assez bon enfant, cour de récréation. Les tweetos, quant à eux, ont réagi

LFC : Pouvez-nous nous évoquer le morceau C'est quand ? G : Je crois que j’ai écrit ce titre, car je suis entouré d’adolescents qui me disent tout le temps : c'est quand que tu viens ? C'est quand que tu passes ? C’est une question que l’on se pose toujours. Je crois qu’à force de se poser la question, à un moment donné, cette envie de changement naît. LFC : Si tu m’emmènes est le second single de votre opus… G : C’est un titre qui est sorti avant l’été, nous étions toujours sur le thème de la liberté. À chaque fois, je pars d’un postulat personnel et j’essaie d’en faire une chanson qui parle à tout le monde. Il s’agit d’une idée récurrente de vouloir changer sa vie et de ne pas la subir. La personne avec qui nous avons envie de vivre vous permet à un moment donné de votre vie d’être vous-même. LFC : Une lettre est le troisième single de l’album…

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LFC : Cela fait déjà huit ans que le public vous connaît, que le titre Toi + Moi est sorti. C’est une chanson intemporelle. Quel est votre avis ?

LFC : Pouvez-vous nous parler de votre nouvel album qui propose des nouvelles chansons 100% originales contrairement au précédent Poésies de notre enfance ?


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LES GENS PRENNENT L’INITIATIVE DE PARTAGER. J’AI ECRIT CETTE CHANSON POUR DIRE DES CHOSES A MES ENFANTS ET JE SUIS CONTENT QUE CELA AIT EU UN EFFET BOULE DE NEIGE AUPRES DE NOMBREUX PARENTS. G : C’est un hommage à la personne que j’étais lorsque j’avais dix-sept ans et qui était trop timide pour avouer ses sentiments. Je n’ai jamais su jouer un jeu en amour. Au lycée, cela ne fonctionne pas trop, mais après je crois que si. Je pense que ce sont les romantiques qui gagnent à la fin. Je voulais rendre hommage à ces gens qui ont des sentiments très purs, très ressentis et qui ne parlent pas forcément. Ce ne sont pas ceux qui parlent le plus fort qui ont le plus de choses à exprimer. LFC : Et ce quatrième single, la surprise de l’album, le morceau Mes enfants… un buzz incroyable depuis quelques jours sur les réseaux sociaux ! G : Ce single a en effet été plébiscité par les internautes. Nous avions choisi le titre Une lettre. Nous avions tourné le clip. Et de mon côté, j’avais l’envie de faire le clip de la chanson Mes enfants. Je l’ai posté comme cadeau sur les réseaux sociaux quelques jours après la sortie de l’album (24 novembre). Une fois qu’il a été mis en ligne, un partage toutes les quarante-cinq secondes, ce qui est hallucinant. Et aujourd’hui, les partages sont encore croissants. Je ne parle pas des vues, seulement des partages. Cela signifie que les gens prennent l’initiative de partager. J’ai écrit cette chanson pour dire des choses à mes enfants et je suis content que cela ait eu un effet boule de neige auprès de nombreux parents.

G : Nous sommes en train de mettre cela en place. J’accélère le rythme de tout ce que je fais. Tous les jours,

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LFC : Allez-vous prochainement être sur scène ? Des concerts sont-ils prévus ?


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je produis quelque chose, car je n’aime pas faire de grandes pauses. Avant, les artistes sortaient un album tous les ans. C’est ce que je me suis fixé comme objectif. Je préfère faire dix concerts par an, tous les ans, plutôt qu’une grande tournée de soixante dates. J’aimerais faire des concerts exceptionnels dans des lieux exceptionnels. LFC : Grégoire, pour terminer, la pochette de votre disque est bleue. Pourquoi ? C’est un clin d’œil à Michou ?

C’EST UNE POCHETTE UNIVERSELLE, DE MANIERE INCONSCIENTE. JE CROIS QUE CELA CORRESPOND BIEN A LA MUSIQUE QUE JE FAIS.

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G : Non, pas du tout. (Rires) Même si c’est quelqu’un que j’apprécie beaucoup. Un journaliste m’a dit un jour qu’il y avait le côté garçon et le côté fille avec le bleu et le rose. C’est une pochette universelle, de manière inconsciente. Je crois que cela correspond bien à la musique que je fais.


MARLIN L'ENCHANTEUR DE L'ELECTRO-POP FRANCAISE

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NOUVEL ESPOIR


J’AI TOUJOURS EU UN LIEN TRES FORT AVEC LA CHANSON PLUTOT QU'AVEC LA PLAYSTATION. LFC : Bonjour Marlin, vous venez de sortir à seulement vingt et un ans votre premier EP. Pouvez-vous nous en parler ? M : J'ai toujours beaucoup aimé la musique. Depuis mes seize ans, je me suis énormément investi dans l'idée de devenir DJ producteur. J'ai fait quelques morceaux, mais j'ai encore beaucoup de choses à prouver. LFC : Vous avez commencé la musique très tôt avec le piano avant de vous orienter vers le jazz. Considérez-vous votre parcours comme atypique?

PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET CEDRIC ADAM PHOTOS : QUENTIN CURTAT

M : Un peu, c'est vrai. J’ai commencé très tôt le Conservatoire avec le piano. Peu de temps après,

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Paris 11ème, café bruyant, vivant, nous rencontrons le talentueux Marlin pour son EP Nights, tout frais, tout neuf. Ce nouvel espoir de la scène électro-pop va vous faire danser sur 54321, un morceau qu'on écoute en boucle à la rédaction. Pas étonnant, alors qu'il est au lycée, qu'il gagne un concours de remixes de Sébastien Tellier. Un jeune talent à suivre de près...


j'ai débuté la batterie dans une école de musique, et enfin la guitare avec mon père. J'ai grandi dans un milieu musical où on m'a laissé la chance de pouvoir faire ce que je voulais. Mes parents sont eux aussi de grands fans de musiques. J’ai toujours eu un lien très fort avec la chanson plutôt qu'avec la PlayStation. (Rire) LFC : Pouvez-vous nous dire ce qu’écoutaient vos parents comme musique ? M : Sans dire que mes parents sont vieux, bien sûr, ils sont quand même plus âgés que la plupart des gens de mon âge. Ils ont donc des goûts proches des années 70 et 80 sans oublier Pink Floyd ou encore Bernard Lavilliers pour citer aussi un artiste français. Sans avoir rien fait de particulier, je pense qu'inconsciemment ils m'ont donné le goût du funk et du rock. J’aime aussi la musique contemporaine et j'essaie de m'imprégner de ses différentes époques.

M : J'ai toujours été très sérieux au cours de solfège. À côté, j'avais des activités musicales personnelles comme mon groupe de rock avant de me mettre à l'électro. Cette idée de création m'a toujours plus attirée que d'apprendre les bases, même si elles me sont utiles. Je pense qu'on peut

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LFC : Ce bagage musical, vous a-t-il donné l'envie de créer ?


aussi apprendre sur le tas. Enfant, j’étais persuadé du contraire. Puis au fur et à mesure, j’ai compris que certaines personnes sans aucune formation n'étaient pas forcément plus mauvaises. Les deux clés en musique, c'est tout simplement la pratique et la passion. LFC : Aujourd'hui, nous nous rencontrons pour parler de votre EP, Night, composé de six morceaux, dont votre titre 54321. Pouvez-vous nous faire part de vos impressions ?

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M : 54321, c'est le morceau le plus single, le plus efficace. Ce son est house et futuriste. C’est aussi le premier morceau où j'ai décidé de chanter dessus. Maintenant qu’on peut l’écouter, je suis content du résultat. 54321, c'est un décompte pour bouger, un morceau qui incite à faire la fête. J'essaie de faire des musiques qui peuvent accrocher l'oreille facilement et je tente à côté aussi de faire des musiques plus riches. Notamment, le fait d'avoir fait du jazz m'a donné le goût des jolies harmonies que j'aime faire ressortir tout en gardant l'esprit pop.


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LFC : Tous les titres de l'EP sont en anglais. Pourquoi chantez-vous en anglais ? M : Je suis français, j'ai appris l'anglais à l'école et sur internet principalement. J'aime vraiment parler cette langue et je trouve cela plus simple à écrire. On dit souvent qu'on peut dire n'importe quoi en anglais et que ça passe toujours. Je ne dis pas n'importe quoi, mais parfois cela est vrai. Et de nombreuses chansons en anglais passent souvent mieux que dans une autre langue. LFC : Que pouvez-vous nous dire du clip 54321 ? M : C'est un clip que j'ai tourné avec une équipe de jeunes réalisateurs parisiens très doués, Panamæra. D'ailleurs, il y a un deuxième clip qui arrive, ce sera celui de Be good avec Jared Samuel, un rappeur américain qui sera encore plus spectaculaire que le précédent avec beaucoup d'effets spéciaux. LFC : Avez-vous rencontré Jared Samuel ? M : Il n'y a pas vraiment eu de rencontre. Tout s'est passé par internet. Il m'avait simplement envoyé un message, il y a quelques années. Celui-ci me disait après l'un de mes remix de Rihanna : Mec, je n'écoute pas du tout ce genre de musique, mais j'ai adoré. Progressivement, on s'est envoyé quelques sons et on a fini par faire ce morceau ensemble. On s'est finalement rencontré seulement au moment du tournage du clip. Dans notre monde actuel, c'est plus un phénomène étonnant. Maintenant, beaucoup de collaborations se font de cette manière.

M : Oui, j'aimerais avoir la participation de certains chanteurs pour y mettre leurs voix. Je voudrais aussi obtenir la collaboration d'autres compositeurs pour enrichir mes futurs projets. Dans les artistes très haut placés, ce serait fou de collaborer avec Tame Impala, Travis Scott ou Daft Punk ! Affaire à suivre !

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LFC : Avez-vous envie de featuring ?


KIM DANDY GEEK ET OVNI MUSICAL

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ATTENTION GÉNIE


PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET CEDRIC ADAM PHOTOS : MICHELLE BLADES

MA MANIERE DE FONCTIONNER RESSEMBLE BEAUCOUP, MODESTEMENT, A CELLE DES ANNEES SOIXANTE. LFC Magazine : Bonjour Kim, nous nous rencontrons pour la première fois au bout de trente-deux albums, il était temps ! Kim : Bah oui, qu’est-ce que vous foutiez ? (rires) LFC : Trente-deux albums, et pourtant, vous n’avez pas quatre-vingts ans. Pourquoi avez-vous été si productif ? K : Oui c’est vrai, mais je ne l’ai pas fait exprès. Mes chansons sont très simples avec très peu d’accord. Ma manière de fonctionner ressemble beaucoup, modestement, à celle des années soixante. James Brown sortait quatre à cinq albums par an. Barry White sortait à une période

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Kim fait de la musique parce qu'il aime ça. La trentaine fringante et déjà trente-deux albums à son actif. Humour, élégance, bienveillance font de cet artiste un iconoclaste qui ne cherche pas à séduire mais à partager son nouvel album Blues de Geek Manifesto. Rencontre avec un ovni musical qui vous donnera envie de l'écouter et de le voir sur scène.


dix albums par an. Je suis quelqu’un d’assez rapide en matière d’enregistrement. LFC : Nous aimons beaucoup le nom de votre nouveau projet Blues de Geek, Manifesto. K : C’est en fait le spleen de quelqu’un - un peu geek - et cela fait référence à la musique blues, qui est une musique de confessions, de secrets, d’états d’âme. LFC : Il y a un côté tout est possible dans la culture geek, le fait de découvrir des choses dans sa chambre. Qu’en pensez-vous ? K : J’affectionne beaucoup cette culture. La culture Internet est pleine de liberté et les choses nous arrivent de façon arbitraire. LFC : Le terme liberté correspond bien à votre musique. On sent que vous n’avez aucune limite artistiquement. K : Vous avez raison et je suis content que vous le ressentiez de cette manière. La musique pop est un genre que j’aime beaucoup. C’est un terrain de jeu sur lequel j’aime m’amuser. Ce genre comporte tout un tas de règles. Mais tant que j’arrive à jouer des choses qui paraissent libres, alors tant mieux. Pour les concerts, je fais énormément d’improvisation, il n’y a pas de set list, c’est très vivant.

K : Pas forcément. C’est surtout lorsque j’ai une idée. Sinon, j’ai d’excellents réalisateurs autour de moi. Je me suis beaucoup inspiré de Peter Gabriel pour mon dernier clip, mais pas avec les mêmes moyens (rires). J’aime aussi utiliser le stop motion en ce moment. LFC : Les réseaux sociaux sont importants pour vous aujourd’hui…

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LFC : Nous sommes dans une société d’image et vous ne laissez rien au hasard. Vous vous occupez aussi de la partie artistique…


LFC : Les réseaux sociaux sont importants pour vous aujourd’hui…

sur terre lorsque l’on collabore avec un autre artiste solo.

K : C’est un outil que j’utilise beaucoup, car je n’ai pas la possibilité de parler souvent aux gens. De donner des indices ou des pistes sur mes projets. C’est très intéressant lorsqu’on le fait sur ses réseaux sociaux. Depuis dix ans, cela m’a vraiment facilité les choses. Et il faut rappeler qu’aujourd’hui, il y a encore des artistes, dans certains pays, qui n’ont pas accès aux réseaux sociaux. De plus, il est très rare que je sois dans la lumière et c’est compliqué pour moi de demander un attaché de presse à un label, d’où l’utilisation des réseaux sociaux. J’ai de la chance aujourd’hui avec le label dans lequel je suis, je peux discuter avec vous, mais ce n’est pas garanti pour le prochain album.

LFC : Pouvez-vous nous dire quelques mots sur la scène ? C’est quelque chose qui prend beaucoup de place dans votre quotidien.

K : Oui. Parce que j’aime beaucoup et parce que c’est la possibilité que l’on a quand on est un artiste solo. En solo, lorsque l’on fait venir des artistes vers nous, je trouve que l’on perd en légèreté. Quand j’enregistre avec Yuksek, je suis toujours très impressionné. C’est bien de prendre des risques et cela nous remet les pieds

LFC : Nous avons lu que vous avez joué dans de nombreux endroits. Pouvez-vous nous donner quelques exemples ? K : J’ai joué dans des boîtes de nuit, dans des petites et grandes salles, des bars, des clubs libertins, des écuries, des stades de rugby où l’acoustique est effrayante. J’aime toutes ces expériences qui sont très enrichissantes.

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LFC : En plus de tout ce que vous faites tout seul, vous collaborez également avec d’autres artistes ?

K : Je vis de la musique avec la scène, ce n’est pas le nombre de disques que je vends qui me permet de me nourrir. J’aimerais bien, mais ce n’est pas le cas. Je joue plus de cent cinquante fois par an. La scène, c’est mon métier, c’est quelque chose que j’adore. C’est le fait d’être confronté à de nouvelles situations tout le temps. Par exemple, l’autre jour, j’étais à Châteauroux et j’ai chanté plus de chansons des albums précédents. Et pas les nouvelles. Je crois que je suis plus à l’aise dans les petites salles. Il faut laisser le dernier mot au public.


LIAM POP LOVE ELECTRO

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TALENT


LFC : Bonjour Liam, nous nous rencontrons aujourd'hui pour plusieurs raisons. Votre premier succès I feel, comment est-il né ? L : Tout a commencé sur internet. J’ai d'abord posté des vidéos sur Facebook. Ensuite, j’ai enregistré quelques titres avec un producteur afin de me faire repérer par une maison de disque. C'est I feel qui se détachait le plus entre tous mes morceaux. LFC : Comment est venu cet amour pour la musique ? L : Ce qui n’est pas commun, c'est que cet amour de la musique vient pour ma passion du cinéma. J'ai commencé à chanter des morceaux que j'entendais. Ma mère m'encourage régulièrement en me disant : lance-toi. J'ai pris quelques cours de chant pour me perfectionner. LFC : Es-tu issu d'une famille musicale ? L : Non, pas du tout ! Ma mère adore la musique, mais elle n'a rien à voir avec ce milieu. Internet a joué un grand rôle pour tenter de se faire connaître. Pour l'anecdote, j'avais même envoyé une vidéo à The Voice à la fin du lycée. Ils m'ont répondu, mais comme du côté du producteur cela a commencé à prendre, je n'ai pas donné suite à l'émission. Je pense que participer à The Voice, c'est bien, car cela offre une grande visibilité. Ceci dit, chacun son chemin. Je ne

PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET CEDRIC ADAM PHOTOS : PROMOS FOURNIES PAR SLAY AGENCY

J'AI DU MAL A M'EN RENDRE COMPTE, MAIS JE SUIS EN TRAIN DE REELLEMENT VIVRE MON REVE. regrette rien, car je chante aujourd’hui. LFC : Pourquoi avez-vous fait le choix de chanter en anglais et en français ? L : Je parle anglais depuis petit et je trouve que les deux se marient bien. LFC : Que pouvez-vous nous dire concernant le clip ? L : C'était mon premier et c'était impressionnant ! Je me suis fait chouchouter, maquiller et une équipe te conseille sur tout... J'ai découvert un nouveau monde. J'ai du mal à m'en rendre compte, mais je suis en train de réellement vivre mon rêve. Je découvre cet univers, et je trouve cela très intéressant. rencontrer des artistes et entendre sa musique à la radio, c'est impressionnant.

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Amoureux de cinéma, c'est finalement dans la musique que Liam fait feu de tout bois, et ça marche ! Avec son single I feel, à mi-chemin entre pop et électro, oscillant entre deux langues : le français et l'anglais, Liam sillonne le chemin du succès en se plaçant en forte rotation sur les ondes. Le temps d'un second single, le chanteur s'est offert une escapade à New York. De retour, il nous offre un clip où il nous relate son little love. Rencontre en matinée dans un hôtel cosy à Paris.


même dans les clips. (Rires) C'est une rupture avec une fille que je n'arrive pas à admettre, et c'était plutôt sympa à1 9 faire.

J'AIMERAIS PRINCIPALEMENT REUSSIR DANS LA CHANSON, MAIS SI DES OPPORTUNITES DANS LE CINEMA S’OFFRENT A MOI, POURQUOI PAS.

LFC : Peut-on dire que c'est de la pop-dance ? L : Oui, on peut le dire. C’est exactement ça. Ce qui me différencie, un peu c'est que j'essaye de chanter justement en anglais et français. LFC : Un projet d'album pour 2018 ?

L : (Rires) - Oui, ils sont nombreux, mais je pense que c'est légitime, car je fais mes débuts. LFC : Quelles sont vos influences ? L : J’aime certains artistes comme Shawn Mendes, Justin Bieber, Bruno Mars et Ed Sheeran. Concernant les artistes français, la diversité est peut-être encore plus vaste, j'écoute aussi bien du Maître Gims que du Vianney. LFC : Gad Elmaleh a retweeté I feel en disant qu'il aimait bien le morceau et en allant plus loin dans nos recherches, on peut dire que vous avez un lien encore plus important avec lui. Lequel ? L : Je l'ai vu il y a environ dix ans, j’étais un gamin. Lui et moi, nous connaissons quelqu'un en commun qui lui a fait écouter le titre sans lui dire que cela venait de moi. J'ai apprécié le fait que ce soit caché. Car quand on connaît la personne, on est toujours influencé. Il a vraiment aimé, et il lui a demandé : c'est qui, c'est qui ? En voyant ma photo, il ne m'avait pas reconnu, car j'ai vraiment changé par rapport à avant. Mais quand il l'a su, il en a tout de suite parlé sur Twitter, et franchement, ça m'a fait très plaisir. LFC : Little love, c'est votre deuxième single. Cette fois-ci, vous sentez-vous plus serein ? L : Un peu, seulement la pression est toujours là. Nous sommes partis tourner à New York. C'était un souvenir assez énorme. Le clip parle d'une fille qui me jette. Elle me jette toujours de toute façon,

L : Oui, et il est même très bien avancé. J’essaye de perfectionner encore quelques trucs, mais il devrait paraître au printemps 2018. LFC : Concernant la scène, vous participez au NRJ Tour. Quelles sont vos impressions ? L : La première scène est impressionnante, mais ensuite, je suis en manque ! Je ne pensais pas avoir ce sentiment. Quand j’ai fini de chanter, j’ai simplement eu envie de recommencer le lendemain. C'est intimidant, mais les gens viennent pour te voir et il faut vivre ce moment à fond pour les divertir au maximum. Si j'ai la chance un jour de réaliser mes propres scènes, je souhaiterais proposer au public de la mélancolie et du bonheur pour qu'ils se disent en rentrant chez eux : Wahou, c'était génial ! LFC : Vous êtes très actif sur les réseaux sociaux… L : Oui, c'est très important. Les réseaux sociaux, c'est le moyen de communication avec les personnes de ma génération. Dans la mesure du possible, je réponds à tout le monde. LFC : Comme vous êtes passionné de cinéma. Aimeriezvous jouer dans des films ? L : Ah oui ! J'adorais même, je pense que la musique et le cinéma vont ensemble. Quand je vois par exemple Nekfeu qui a fait un film, je me dis que ce n’est pas impossible. J'aimerais principalement réussir dans la chanson, mais si des opportunités dans le cinéma s’offrent à moi, pourquoi pas. LFC : Vous avez dix-neuf ans. D’où vient cette maturité ? L : Je pense que c'est ma mère qui m'a appris à relativiser. Elle m'a toujours poussé à croire en mes rêves et ne pas tenir compte des mauvaises critiques. Je suis sensible à la critique, mais seulement à la critique constructive, car je sais bien que je ne plairais jamais à tout le monde.

210 | LFC MAGAZINE #5

LFC : Ce qui est amusant, c’est de voir de nombreuses personnes autour de vous qui connaissent la chanson, mais qui ne savent pas que vous êtes le chanteur…


ALEXE POP PLANANTE

211 | LFC MAGAZINE #5

TALENT


LFC : Bonjour Alexe, nous nous rencontrons aujourd'hui parce que vous arrivez avec des projets plein les cartons. Un premier single qui s'appelle Mirage, comment ce titre est-il né ? A : Il est né, il y a deux ans. À ce moment, je vivais quelques incertitudes. Je ne vous le cache pas. Cette chanson était écrite pour un garçon dont je ne n'arrivais pas à savoir si notre relation était un mirage ou réelle. J'ai eu beaucoup de moments de doutes, mais écrire mes chansons est libérateur pour moi. LFC : Écrivez-vous vous-même toutes vos chansons ? A : Je les coécris toutes, avec la collaboration d'auteur. Je crois que c'est bien d'avoir plusieurs têtes, plutôt qu'une. Le fait de travailler avec d'autres personnes permet d'obtenir différentes perspectives intéressantes. LFC : On dit de vous que vous faites de la pop planante, ce terme vous plaît-il ? A : J'adore ! Je dirais même une pop planante et envoûtante. Quand j'ai commencé à entrer en studio, je voulais marier plusieurs éléments que j'aime en musique. Je suis fan de l'ensemble des instruments à cordes, je trouve que ce sont ceux qui chantent le plus et on les entend souvent dans l'album. Allier la pop américaine à la chanson francophone était aussi un vrai défi que je tenais à réaliser afin de faire une pop planante et enveloppante.

PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET CEDRIC ADAM PHOTOS : PROMOS FOURNIES PAR RISE UP

ALLIER LA POP AMERICAINE A LA CHANSON FRANCOPHONE ETAIT AUSSI UN VRAI DEFI QUE JE TENAIS A REALISER AFIN DE FAIRE UNE POP PLANANTE ET ENVELOPPANTE. LFC : Dans vos chansons, vous avez aussi un rapport très fort avec la nature… A : Exactement, je viens d'une petite région. À dix ans, j'ai déménagé dans une toute petite ville d'à peine 16 000 habitants. Et avant cela, je vivais dans un village de moins de 700 personnes. J'ai donc toujours été entouré de beaucoup de verdure. J'adore la ville également, car elle nourrit ma vie. Seulement, à un certain moment, elle m'étouffe et je dois revenir au source. LFC : Vous semblez être attachée à la langue française dans vos chansons. Pourquoi ? A : Premièrement, c'est ma langue maternelle et quand j'étais petite, on m'endormait en me chantant

212 | LFC MAGAZINE #5

Décembre 2017, journée fraîche dans un Paris agité par les préoccupations de fin d'année. Jour de sortie au Grand Rex de Star Wars. Contre la guerre, pour les étolies, on en rencontre une, d'étoile, venue du froid Canadien : Alexe. Elle nous présente son premier single Mirage, de la pop planante comme elle aime nous le dire, très agréable à l'oreille. Rencontre.


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EN ANGLAIS, ON PEUT DIRE PLEIN DE CHOSES EN UN MOT TANDIS QU'EN FRANCAIS, C'EST L'INVERSE, IL FAUT UTILISER DES DIZAINES DE MOTS POUR DIRE UNE SEULE CHOSE. du Felix Leclerc, du Jacques Brel, etc. J'écoute beaucoup de pop américaine, mais j'ai toujours voulu retranscrire cela en français. C'est une langue difficile, mais la beauté est dans sa complexité. Il faut souvent creuser plus loin qu'en anglais pour que le chant soit fluide. Je reconnais parfois être bloquée, mais il faut toujours continuer, car il y a tellement de belles choses à dire en français. En anglais, on peut dire plein de choses en un mot tandis qu'en français, c'est l'inverse, il faut utiliser des dizaines de mots pour dire une seule chose.

A : Je l'ai adoré. Nous étions dans un endroit magnifique du Québec que je ne connaissais pas. Nous sommes partis à Kamouraska qui est réputé pour avoir l'un des plus beaux couché de soleil du monde. Nous avons tourné durant plusieurs jours entre levé et couché de soleil. LFC : Vos chansons évoluent-elles en même temps que vous ? A : Oui, car je pense que ma musique évolue avec moi. C'est sur que mes chansons sont très successives. On sent que j'évolue progressivement. Quand on compare avec mes débuts, on se rend bien compte que je n'étais pas encore complément confiante et assumée. J'ai souvent eu de la difficulté à me m'être en avant, mais j'ai fini par pleinement assumer ma passion depuis que j'ai compris que je ne pouvais pas plaire à tout le monde. LFC : Alexe vous êtes perfectionniste. Voyez-vous cela comme une qualité ou un défaut ?

A : Je le suis parfois trop même. (Rire) Cela peutêtre un défaut mais comme je le disais tantôt, j'ai appris à m'accepter. Il faut apprendre à lâcher prise et à faire confiance à la vie comme me le disait ma mère. Je parle beaucoup de mes parents, car ils m'ont toujours soutenu et inculqué de faire les choses avec le cœur, ainsi la vie me le rendra. LFC : Quels sont vos prochains projets ? A : Un EP qui arrive en janvier 2018. On travaille aussi pour l'organisation d'une date parisienne prévue probablement pour mars-avril. Elle sera annoncée avec précision en janvier 2018 après avoir passé les fêtes et les bons petits plats. (Rires) LFC : Avez-vous parfois l'impression de vivre un rêve ? A : Bien sûr, j'ai la chance de pouvoir défendre et vivre de ma musique. Pendant longtemps, j'ai eu plusieurs petits jobs pour joindre les deux bouts comme tout le monde. On peut gagner beaucoup avec la musique, mais au début, c'est de l'air et ce n'est pas gagné d'avance.

213 | LFC MAGAZINE #5

LFC : Qu'avez-vous pensé de votre clip Mirage ?


THE STENTORS CHANTENT NOEL !

214 | LFC MAGAZINE #5

TALENT


PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET CEDRIC ADAM PHOTOS : UNIVERSAL

NOUS AVONS FAIT LE CHOIX DE PROPOSER DES CHANSONS CLASSIQUES DE NOEL QUE TOUT LE MONDE CONNAIT INTERPRETEES PAR DES CHANTEURS D'OPERA. LFC : Bonjour Les Stentors, vous avez fait vos débuts en 2012, depuis votre actualité en 2017 est assez riche avec votre nouvel album Les Stentors chantent Noël et un précédent CD quelques mois plus tôt Ma patrie. Entre temps, vous avez eu un petit laps de temps plus discret, pourquoi ? Vianney Guyonnet : Alors pourquoi pas ! Il faut du temps pour tout. C'était tellement de travail d’enchaîner trois albums. Nous n’arrêtions pas entre les concerts, les retours en studio et ainsi de suite. Nous étions très content de cette période. Ceci dit, avoir pris un peu de temps nous a fait du bien à chacun. Il y avait beaucoup de choses que nous voulions reprendre et nous avons pris le temps nécessaire de réflexion et de création artistique. LFC : Aujourd'hui, votre actualité est liée à l'air du temps et vous proposez un album pour Noël.

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18 décembre 2017, Paris, Universal Music, nous avons rendez-vous avec les quatre chanteurs du groupe The Stentors, qui ont cartonné en 2012 avec plus de 350 000 exemplaires vendus de leur premier album Voyages en France. Aujourd'hui, il propose un album dans lequel ils reprennent les chansons de Noël de Tino Rossi à Mariah Carey. Entretien.


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Pourquoi ? Mowgli Laps : C'est un album que nous avions déjà enregistré en grande partie, il y a six ans. Nous avions fait des maquettes très abouties et nous n’avions jamais eu suffisamment de temps pour faire un album de Noël. Effectivement, avoir pris plus de temps à faire Ma patrie, nous a permis d'être dans les meilleures conditions pour le préparer et le sortir. VG : Nous avons fait le choix de proposer des chansons classiques de Noël que tout le monde connaît interprétées par des chanteurs d'opéra. Il n'y avait aucune version dans ce style. Certains d'entre nous sont de jeunes papas, donc il y avait un côté magique et innocent dans notre démarche artistique. LFC : L'album de Noël, nous pouvons le partager en famille… Christian Ashe : Noël est le moment de retrouvailles familiales donc évidemment qu'écouter un album de Noël s'offre à toute la famille. Il pourrait très bien être le petit cadeau déposé au coin du sapin le 24 décembre. ML : Mais oui, surtout que dans cet album, nous avons essayé de parcourir une grande variété de chansons différentes. En commençant par le Petit papa Noël de Tino Rossi que nous ne pouvions pas louper jusqu'à un duo avec Natacha St-Pier, All I want for Christmas, qui est vraiment le grand standard de chant de Noël américain. LFC : Des concerts sont-ils prévus ? Mathieu Sempéré : Oui, bien sûr, car on chante

surtout pour être sur scène. Nous chantons ces titres dans les églises et les cathédrales de France, par exemple, l'église de la Madeleine. Nous avons réalisé une tournée de Noël avec une quinzaine de dates et nous reprendrons peut-être cela l'an prochain, parce que les fêtes reviennent chaque année. LFC : Effectivement, Noël revient tous les ans, mais en même temps, il y a une fenêtre assez courte pour faire partager cet album… VG : Nous en sommes conscients, mais il y a aussi le plaisir de l'écouter chaque année. Noël, c'est une fête de tradition, avec des petites coutumes familiales qu'on a plaisir à faire perdurer sans exclure l’idée d’écouter son petit disque de chants de Noël. L'idée, c'est que ce disque puisse participer à ces traditions. LFC : Certaines chansons sont-elles plus dures à reprendre ? VG : Oh oui ! L’Ave Maria de Schubert qui n'est pas forcément évident. Le faire à quatre avec des arrangements qui modifient la structure et la nature, ce n'était pas gagné d'avance, mais nous aimons le résultat. ML : Il y a aussi les chansons américaines comme le All I want for Christmas. Heureusement que Natacha S-Pier nous a donné un petit coup de main pour le swing et pour mieux l'interpréter. C'était les principaux défis à révéler. LFC : Pour 2018, quels sont vos projets ? MS : Qu'on puisse continue ensemble. Vous voulez bien ? (Rires) ML : Non plus sérieusement, nous allons reprendre notre tournée de l'album Ma patrie. Ce sera un spectacle avec un orchestre plus moderne et plus rock. MS : C'est une tournée best-of dans laquelle nous avons gardé tous les titres qui nous plaisent et que nous avons envie de chanter.

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NOUS ALLONS REPRENDRE NOTRE TOURNEE DE L'ALBUM "MA PATRIE". CE SERA UN SPECTACLE AVEC UN ORCHESTRE PLUS MODERNE ET PLUS ROCK.


PETER CINCOTTI LE PIANISTECHANTEUR AU TALENT SENSATIONNEL

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TALENT


LFC : Bonjour Peter, vous venez tout juste d’atterrir à Paris, comment allez-vous ? P : Je suis un peu jetlagé pour tout vous dire. Nous avons fait un show à Londres hier soir. C’était incroyable. La salle était complète. Cela faisait longtemps que je n’avais pas joué à cet endroit. Et c’est pareil ce soir au New Morning à Paris. Cette salle a une symbolique très forte pour moi. LFC : Quelle était votre dernière date en France ?

PAR QUENTIN HAESSIG PHOTOS : POBY, CHRIS SERIALE ET VICTORIA STEVENS

LA FRANCE EST UN PAYS AVEC QUI J’AI UNE RELATION PARTICULIERE. PC : Il me semble que c’était à l’Olympia, il y a quelques années. Nous avions également fait une date sur la péniche Flow. Je suis très heureux de revenir au New Morning, car c'est la première salle où nous avons joué il y a dix ans. C'était une manière de boucler la boucle. LFC : Vous jouez dans des salles avec des capacités très différentes. Que préférez-vous ? PC : Cela dépend. C'est vrai que c'est différent au niveau de l'énergie, mais j'aime les deux, car à chaque fois le spectacle est unique. LFC : La première fois que vous êtes venu en France, c’était en 2002. Quelle relation entretenez-vous avec le public français ? PC : La France est un pays avec qui j’ai une relation particulière. Chaque album que j’ai sorti a été différent, mais le public français m’a toujours soutenu, depuis le début de ma carrière. C’est assez rare de

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Lundi 4 décembre 2017 au New Morning, 18h, entre deux répétitions, Peter Cincotti nous accorde trente minutes d'entretien. Peter Cincotti a collaboré avec David Guetta sur le tube Love is gone, et il a aussi joué avec Sting et Annie Lennox en 2015. Aujourd'hui, il nous parle de son nouvel et sublime album Long Way From Home.


garder une fidélité comme celle-ci, surtout avec un artiste étranger. J’ai fait des collaborations avec des artistes très connus sur la scène française, peut-être que cela a joué également dans notre relation. LFC : Justement, parlez-nous de votre rencontre avec David Guetta. PC : Nous nous sommes rencontrés sur le plateau de l’émission Taratata. Nous avons chacun fait notre chanson et je crois que nous aimions tous les deux le travail de l’autre. Nous avons échangé nos numéros et nous avons pris contact quelques mois plus tard pour collaborer. Et cela a donné Love is gone, un succès international. LFC : Aimez-vous les collaborations avec des artistes qui n’appartiennent pas à votre univers ? PC : Ce sont les collaborations les plus excitantes. Vous créez quelque chose de nouveau, de différent et d’original. Je ne veux pas faire ce que l’on attend précisément de moi. C’est beaucoup moins excitant. LFC : Votre cinquième album est sorti le 13 octobre 2017, quels sont les premiers avis que vous recevez ? PC : Les critiques sont géniales. Je ne m’attendais pas à en avoir autant. Je ne fais pas ce métier pour les critiques, mais quand vous avez les critiques jazz et les critiques pop qui sont derrière vous, cela fait plaisir. Je crois que c’est à cause du piano. Cela touche les gens au plus profond d’eux. C’est quelque chose d’universel.

PC : Oui, c’est une manière de voir les choses. Chacun l’interprètera à sa façon. La maison est un concept autour duquel tout le monde peut s’identifier. Cela dépend de ce que l’on vit, avec quelles personnes nous nous trouvons. Sur cet album, nous avons expérimenté le fait que la maison est une personne à laquelle vous pouvez vous identifier physiquement. Il y a aussi la notion de l’enfance. Vous ne pouvez jamais revenir à l’époque où vous viviez chez vos parents.

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LFC : Nous aimons beaucoup le titre de votre album Long way from home. Est-ce une façon de prendre du recul et de regarder le chemin que vous avez parcouru depuis le début de votre carrière ?


LFC : En parlant d’enfance, est-ce que vous vous imaginiez un jour arriver à vivre de la musique ? PC : C’était l’un de mes rêves, c’est sûr. Mais j’ai simplement fait les choses dans l’ordre. À vrai dire, je ne pensais pas, j’agissais. Si vous ne ressentez pas la joie de faire les choses que vous aimez alors vous ne pouvez pas réaliser vos rêves. LFC : Sur cet album, c’est la première fois que vous faites tout. Vous produisez, vous écrivez… Quelle est la différence avec vos albums précédents ? Qu’est-ce qui a changé ? PC : J’ai fait un peu de ménage autour de moi. J’avais auparavant passé dix ans dans un label avec toute une équipe. J’ai construit mon propre studio dans le New Jersey. J’ai eu le privilège de faire un disque que j’avais envie de faire. J’ai pu mettre tout en œuvre pour y arriver. J’avais appris des meilleurs compositeurs au fur et à mesure de ma carrière. J’ai passé énormément de temps à tout apprendre, en testant de nouvelles choses d’un point de vue technique. Ma vision était particulièrement claire. LFC : Combien de temps cet album vous a-t-il demandé ? PC : Cela a été beaucoup plus long que les précédents albums, quasiment deux ans. Je voulais être sûr d’avoir le bon matériel, d’avoir les bons instruments pour faire le meilleur album possible. Techniquement, ce devait être parfait.

PC : C’est en ce moment notre première tournée mondiale depuis la sortie de l’album. Nous allons beaucoup tourner dans les prochains mois. Toutes les dates sont sur mon site. Je travaille sur d’autres collaborations avec différents artistes et également deux comédies musicales à New York… Bref, je suis très occupé.

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LFC : Quels sont vos projets désormais ?


LA SÉLECTION SÉRIE/DOC DE LFC MAGAZINE

VOTRE PLATEAU TV DÉCEMBRE 2017

PAR QUENTIN HAESSIG

NETFLIX

FOX

AMERICAN CRIME STORY

BLACK MIRROR

près avoir reconstitué magistralement le procès

A

médiatique du tristement célèbre O.J. Simpson, la FOX a L a série plus vraie que nature

décidé cette fois-ci de s’intéresser au styliste Gianni

revient dès le 29 septembre en

Versace à travers le parcours de son tueur Andrew

intégralité sur Netflix. Est-ce que le génie

Cunanan dans l'Amérique homophobe des années

et la folie de son scénariste Charlie

quatre-vingt-dix. Une série que l’on attend avec

Brooker parviendront à nous mettre mal

impatience après le succès critique de la première saison.

à l’aise ? Probablement.

American Crime Story, saison 2 disponible le 17 janvier 2018 sur la FOX puis sur Canal+.

Netflix a dévoilé cinq teasers des six épisodes qui composent cette quatrième saison. Aux manettes des épisodes, pas n’importe qui puisque l’on retrouvera Jodie Foster (House of Cards), Toby Haynes (Sherlock), John Hillcoat (La Route), Tim Van Patten (Game of Thrones), David Slade (30 Days of Night), Colm McCarthy (Peaky Blinders)… Comme pour les saisons précédentes, les six épisodes sont indépendants les

LE FILM ÉVÉNEMENT

uns des autres et se penchent sur les effets pervers de la technologie sur notre société. Si vous souhaitez passer de bonnes fêtes, attendez peut-être le mois de janvier pour visionner ces nouveaux épisodes !

NETFLIX

BRIGHT D ans un monde contemporain alternatif,

de Joel Edgerton, Noomi Rapace et Edgar Ramirez. Une belle manière de terminer l’année pour la plate-forme de Los Gatos qui a dépassé cette année les cent millions d’abonnés dans le monde.

humains, orcs, elfes et fées coexistent depuis le Black Mirror, saison 4, disponible en intégralité sur Netflix le 29 décembre 2017.

début des temps. Défiant les genres, Bright est

Après l’échec de Suicide Squad, le réalisateur

un film d'action qui suit deux policiers issus de

David Ayer s’est donc rapproché de la télévision

milieux différents, Ward et Jakoby. Confrontés

pour mieux rebondir. Un casting prestigieux, un

aux ténèbres lors d'une patrouille nocturne de

budget de plus de cent millions de dollars, une

routine, ils voient leur avenir et leur monde se

campagne de pub XXL… Est-ce que cela suffira ?

métamorphoser à jamais. On suppose que oui puisque Netflix est déjà C’est le pitch du tout nouveau blockbuster de

intéressé par une suite avec David Ayer aux

Netflix avec au casting Will Smith accompagné manettes et toujours Will Smith dans le premier rôle. Un film parfait pour les fêtes !

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Bright, disponible dès le 22 décembre 2017 sur Netflix.


LFC LE MAG :

RENDEZ-VOUS LA TROISIÈME SEMAINE DE JANVIER 2018 POUR LFC #6 Cela semble impossible jusqu'à ce qu'on le fasse. NELSON MANDELA


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