Rézo nº3

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Tendances

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HUMEUR : In mojito veritas ou la petite pensée distillée

The Chill Out VIP Lounge selon Monsieur Lou Vous l’adorerez ou le détesterez. En tout cas, il ne vous laissera pas indifférents. Monsieur Lou nous raconte cette fois les aventures du VIP lounge du Premier, un bar branché à Barcelone. A consommer sans modération.

A

Qui est Mr Lou ?

Quadragénaire, il paraît tout droit sorti de la série Californication : il déride, titille, bouscule les codes établis. Avec son regard d’oiseau de nuit, Monsieur Lou distille sa pensée au fil des numéros, à travers des tranches de vie. Son egotrip se libère de toute cosmétique sociétale pour ne garder que la pensée brute sur le temps qui passe, trépasse et nous surpasse. Il boit la vie en jaune au r y thme frénétique de s allées et venues, des rires et de ses angoisses mais surtout de ses clients, des passants, des voisins, des on-dits, vacillant entre le léger, le doux-amer et l’anisé.

Bar Premier

Calle Provença 236, 08008 Barcelona Tél. 93 532 16 50

60 • Rézo • Mars/Avril 2011

la question d’un homme à une femme ou vice et versa : “Veux-tu boire un verre avec moi ce soir ?” Avez-vous déjà entendu dire ou vous-même répondu : “Non merci je n’ai pas soif !” Que se cache-t-il derrière ce café ou cet apéro en ville ? Ou encore, derrière ce dernier verre à la maison… “Chez toi ? Chez moi ?” Quoique cette dernière option devient de plus en plus rare grâce à la crise de l’immobilier et la fulgurante ascension du mode de vie multi-joueurs appelé aussi la “colloc”... A 35 ans. D’où l’énorme succès rencontré par les bars, comme le mien, qui proposent, comme sur nos bonnes vieilles autoroutes, des “aires de repos”, appelées de manière assez snobish : The Chill Out VIP Lounge, essentiellement composées, ne nous leurrons pas, de trois matelas posés à même le sol et baignées de musique “ambient”. Et pourtant, au moment de poser votre fessier sur ces matelas blancs, si possible accompagné d’une jolie pépé, vous devenez le roi du monde, le Baron Tonic, le Lion de Cléopâtre. Votre regard change, vous dominez le monde, vautré à 10 cm du sol. Enfin… C’est ce que vous pensez ! J’en ai encore l’œil humide ! J’en rigole encore… Hier, mercredi vers 21h, l’apéro bat son plein, ça sent bon la profession libérale en goguette, la menthe fraîche des mojitos, le cuir pleine fleur, lipstick forever. La cool attitude. Quand tout d’un coup une grosse Mercedes noire s’arrête devant ma porte et en descendent deux minots gominés accompagnés de deux gazelles peroxydées qui avaient tout l’air déjà bien entamées. Ils entrent sans saluer, tout en croisant de notre part une salve de “Hola, hello, bonjour, Halo, oh tonton !” Rien. Mes baskets vertes commencent à rougir. Chez moi, c’est bonjour, tous les jours. Là-dessus je me rends compte que ce sont deux Français qui sont venus au congrès GSM et qui, loin de leurs tendres épouses, ont décidé apparemment à l’unisson de tester la connection “Oui-Fille” à la sauce barcelonaise. Et les garçons ! C’est pas parce qu’on a soif qu’on doit sauter sur la première gourde ! “- 10 contre 1 qu’ils vont au VIP Lounge me dit mon bar tender. - Tu rigoles je parie pas ! Clear enough ! Par contre 15 contre 1 qu’un des deux se mange la poutre du plafond… - Cuidado a la cabeza !!! - Comment ? Dis l’un d’eux. - Non rien…”

Et Vlaaaaan !… Bobo discret, cheveux numéros 12, 145 et 456 en vrac, mais grand stoïcisme car un VIP ne sent pas la douleur de la même manière que les humains. Voilà donc nos deux Newbiz et leurs escortes affalés sur nos beaux canapés, toutes jupes relevées pour le plus grand plaisir des quelques têtes en l’air, eux-mêmes pas très discrets. (Notre Chill Out VIP Lounge est une mezzanine qui domine le reste du Bar). “- Psssssit, Champagne ! - Diogo… Je rêve ou ils viennent de me siffler là ? - No, no sueñas no, hahahahaha ! - Pardon vous-voulez ? Réponds-je en basket rouge vive. - Champaña, el mejoooooj !… - Bien sûr, con placej !” - Diogo, sors-moi s’il-te-plaît le Dom Pérignon. - Ok boss !” Personne ne s’intéresse à tout ce manège bien évidemment, car il faudrait être un affûté contemplateur. Le comptoir ressemble plus à l’école des fans qu’à un cours de philosophie Ouzbek en braille, et Dieu que c’est beau des adultes heureux comme des enfants ! Diogo revient de la réserve l’air tout goguenard et monte le Champagne bien frappé à ces messieurs-dames, toujours affalés les uns sous les autres. Je note néanmoins depuis mon fameux tabouret qu’une des jeunes femmes n’a plus l’œil très vif ni même l’écaille vraiment brillante, on dirait un poisson du lundi. Mon barman redescend, ça trinque, ça crâne, ça colin-maillard à tour de bras, ça enfile des perles, ça visio-confére du decolleté et finit par attirer l’attention du reste de la clientèle. Quand tout à coup, avec la dignité d’une quadruple médaillée d’or des métiers de bouche, la grande blonde écarte sa mèche décolorée et dépose une magnifique gerbe sur la pompe du soldat inconnu, “sur ses frères et ses sœurs, oh. ooooh, ce serait le bonheur !…” Les Jimmy Choo sont belles et sauves mais pas les Weston ni le veston de tonton. Public ovation pour Dom Pérignon. J’en rigole encore.


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