SIMON PASIEKA PEINTURES
Rainbow tunnel 2017
Fascinant. Ainsi pourrait-on qualifier l’art de Simon Pasieka, peintre d’origine allemande installé en France depuis de nombreuses années. Car, faussement réalistes, ses grandes toiles figuratives représentent en fait des mondes possibles -mais non réels- animés par des personnages à l’âge indéfini, placés dans des situations qui ne peuvent être. Oniriques et poétiques, elles nous interrogent et bouleversent nos repères pour mieux nous plonger dans cette réalité autre, imaginée par l’artiste. En accueillant ce peintre à la personnalité artistique affirmée, c’est donc à un univers unique et fantastique que s’ouvre la chapelle Saint-Libéral du 19 octobre 2018 au 13 janvier 2019. Intrigante et puissante, cette exposition est aussi le résultat d’un partenariat inédit et fructueux établi entre le Musée Labenche et deux autres structures culturelles corréziennes : l’Abbaye Saint-André-Centre d’Art Contemporain de Meymac, qui assure le commissariat scientifique de la manifestation et présente également des œuvres de ce peintre sur la même période ; et Chamalot-Résidence d’artistes, où Simon Pasieka a été accueilli en résidence durant l’été. Autour de cet artiste reconnu à l’international sont ainsi nés des liens, que nous souhaitons durables, au sein de notre propre département.
Frédéric Soulier Maire de Brive
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Einie 2017
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Retrouver le temps de l’innocence
Simon Pasieka peint un monde à l’opposé de celui dans lequel nous vivons, un antimonde, encore qu’il ne se veuille pas comme tel, seulement différent, en marge, ailleurs. Une nature sauvage mais agreste, de bois, de rochers creusés de cavernes, sillonnée de ruisseaux et parsemée d’étangs. La température est douce, sans grandes variations entre le jour et la nuit. Les saisons sont peu marquées, une ou deux notes d’hiver, quelques touches d’automne. Le reste du temps : un grand été de vacances, où les gens vivent en tee-shirts et souvent nus. Garçons et filles ont une même silhouette longiligne, juste différenciée au niveau du sexe et de la poitrine. Plus que leurs traits, ce sont les postures et ce qu’elles révèlent des variations d’humeur qui distinguent les membres du groupe. Habillés, ils portent les vêtements ordinaires des jeunes de leur âge. Nus, ils ne dissimulent pas, ce qu’on appelait jusqu’au XVIIIème, leur nature. Si leur sexe est découvert, il n’est pas impudique. Quand l’un ou l’autre s’enveloppe dans une couverture de survie, c’est moins à cause du rafraîchissement de l’air ou d’un souffle de vent, que pour abriter un repli intérieur. Sinon, cette couverture qui brille sous le soleil comme de l’or sert à refléter la lumière. Ces jeunes pubères sont les arrière-petits-enfants d’une culture naturiste apparue à la fin du XIXème (qui fait retour), visant à l’épanouissement équilibré du corps et de l’esprit, dans une relation d’altérité positive avec une nature redécouverte au travers de paysages rustiques, de forêts, de montagnes et de bords de mer (les espaces du vide qu’analyse Alain Corbin). Dans cet univers, nulle violence, une émotion retenue. Les visages expriment une attention étonnée. Le moteur est le jeu, animé par une volonté d’insouciance, le plaisir de faire et de se faire plaisir, sans esprit de compétition. Le seul défi est d’entreprendre une action qui rompt avec l’ordinaire. Chacun joue sérieusement à faire semblant, sans se soucier d’une finalité possible, mais sait que le jeu s’arrête dès l’instant où il pense qu’il joue. La mort, lorsqu’elle survient, détonne, comme une anomalie, une incongruité que l’on maquille pour en effacer les traits disgracieux (Malen, 2010). La mort n’a pas sa place dans ce monde qui vit dans l’instant dilaté du présent. Elle n’a plus sa place dans le monde à venir.
Malen 2010
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La sexualité est omniprésente. Elle prend la forme d’une sensualité diffuse, timide dans son expression, mal assurée dans son objet, indirecte, allusive. Simon Pasieka la matérialise souvent par des dialogues muets de part et d’autre d’une vitre (Einie, p. 4) ou un jeu de reflets dans un miroir, tant il est difficile de passer de ces échanges furtifs, de ces bousculades anonymes, à la franche affirmation d’un désir.
Floss 2004
Autre permanence, celle de l’eau : étendue calme du lac ou de l’étang, filet qui s’écoule d’une douche rustique, symbole ambivalent de la régénération, du ressourcement ou du désir de retrouver le sein maternel, comme pour ces jeunes allongés à la tombée du jour sur leur radeau ou sur la rive (Floss, 2004 ; Pygmalion, p. 21). Car la surface de l’étang est une frontière poreuse qui ouvre sur le monde du dessous, celui obscur de l’inconscient qu’il faut amener à la lumière pour devenir adulte. Assis sur l’eau, les pieds dans l’eau, au bord de l’eau, les personnages de Simon Pasieka sont confrontés à ce dilemme.
La surface liquide est aussi le plus ancien miroir. Le thème revient sans cesse dans ce travail en rappel de la tentation narcissique. Chez Simon Pasieka, ils sont agencés dans des constructions qui, en désarticulant les plans, rendent cette projection impossible. L’inversion de l’image déjoue l’illusion de se voir. Celui qui se regarde se découvre plus qu’il ne se reconnaît, perturbé par un soupçon d’étrangeté. Les parties droite et gauche d’un visage n’étant pas identiques, l’image-reflet apparaît déformée par rapport à l’idée que s’en fait son modèle. La pratique obsessionnelle des selfies s’explique par ce besoin récurrent de la vérifier. En renvoyant le monde à l’envers, ces miroitements en déstabilisent les assises. L’image flotte insituable sur la toile entre la représentation de sa réalité et celle de son double (Double, 2012). Sur la vitre, le reflet de celui qui regarde se mêle à ce qu’il voit au travers. Miroirs, vitres ou toiles translucides brouillent l’écart entre le centre et sa périphérie, entre le dedans et le dehors. Ce monde n’a pas de place définie, sauf celle d’être ailleurs, à l’écart, dans les lieux oubliés, faits de ruines, de friches, de landes ou de bords de mer. Un espace d’aventure pour des Robinsons suisses ou des enfants en rupture.
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Double 2012
Ces perturbations sont source de questionnement. Les protagonistes de Simon Pasieka les mettent quelquefois à l’épreuve en partageant le corps par une ligne verticale. Prendre conscience qu’elles existent, c’est découvrir que la vie est le résultat d’un déséquilibre et que le monde est dans le mouvement parce qu’il est imparfait. La symétrie reste pourtant l’idéal à atteindre. C’est l’un des mystères qui inconsciemment animent ces personnages, rêvant à l’éternité du temps. Pour l’habiter, ils optent pour une occupation nomade, tendent entre les arbres des toiles légères qui protègent leurs campements, construisent des plateformes dans les branches ou dressent sur le sol des cabanes éphémères faites de bric et de broc, à partir de planches, de structures métalliques, de fenêtres et de portes récupérées, à la manière des libertaires de l’Ouest américain ou des protestataires de Notre-Dame-des-Landes. Les jeunes vivent en bande du même âge. Simon Pasieka a fait le choix de ne représenter que des adolescents ou post-adolescents, précisément parce qu’ils sont en devenir dans un monde à refaire. La période qu’il peint est celle, incertaine, prospective, de l’apprentissage du rapport à la nature, du rapport à l’autre, de l’émotion et de la vie sociale. Simon Pasieka se montre plus rousseauiste que Rousseau dont la visée éducative restait descendante et utilitariste. S’il prône un retour aux sources des valeurs sur lesquelles se fonde toute vie collective, il ne se prononce pas sur les modalités pratiques de ce retour. Il se contente d’en fournir des images. A chacun de trouver les moyens. Enjeu considérable qui explique que, malgré l’ambiance ludique et leur allure nonchalante, ses personnages sont absorbés par ce qu’ils font, voire semblent circonspects. Car leur avenir se joue dans l’immobilité apparente du présent. Fremd (2006) montre un adolescent enveloppé dansunecouverturedesurviesurlaquellesontcollées une multitude de feuilles du test de Rorschach. Tellement le futur reste incertain.
Fremd 2006
Les rituels qu’ils miment : processions de lanternes, danses… (Arpeggio, 2007 ; Lampengang, 2009 ; Reich, 2007 ; Wirbel, 2008) ont une vertu propitiatoire, en même temps qu’ils procurent une illusion de pouvoir sur le monde.
Arpeggio 2007
D’autres éléments récurrents complètent ses compositions, dont on ne peut ignorer les dimensions symboliques.
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Ce que l’on voit du feu, c’est la fumée qui s’élève, symbole de l’imagination qui s’envole depuis le fond de l’âme ou celui du subconscient. Les flammes sont rarement visibles sauf dans le cas des torches. On se protège du Soleil, en se coiffant d’une feuille de papier ou en s’abritant sous un velum multicolore. Mais on en capte l’énergie, en s’aidant de miroirs ou de marionnettes dont la tête-loupe concentre les rayons (Zyklop, 2009), pour allumer une feuille ou un bout de branche (In Arcadia Ego, 2013). La lumière est plutôt celle de lanternes flottantes sur l’étang ou portées au bout d’une pique pour repousser les ténèbres. L’or qui miroite sur les couvertures de survie, malgré l’intérêt persistant pour sa valeur spéculative, n’est plus qu’une valeur refuge. Des jeunes gens, animés d’une passion alchimique, au sommet d’une colline le fondent en précipités noueux, support d’une pratique divinatoire (Gold, 2009).
Gold 2009
Nombrededessinsetdepeinturesmettentenscènedesporteurs de masques. Les cérémonies masquées sont des cosmogonies en acte, aux vertus cathartiques, où le participant se soustrayant à la dégradation du temps, régénère son espace de vie. Elles tracent symboliquement la route vers un âge d’or à reconquérir.
Sur une planète dont on sait à présent les limites, dans une société qui a brouillé ses repères sous l’effet des conflits et des mutations technologiques qui chamboulent les échelles de mesure des espaces et du temps, à présent que la balance progrès /pollution s’est inversée, les modèles anciens d’explications du monde (idéologiques ou religieux) ne font plus consensus en regard de l’impératif de survie. Face à cette vacuité, des besoins de spiritualité, voire de mysticisme, resurgissent accompagnés par la magie, comme moyens par défaut d’explication, d’ajustement et de pouvoir. Le chamanisme inspire ceux qui recherchent l’écoute de la nature. Nos jeunes mimant des gestuelles possessives reproduisent une Terre fragile, dont les continents sont matérialisés par des couvertures de survie (Démiurg, 2009) ou font un globe d’une bulle de savon (Miracle, p. 41). Ils modèlent des homoncules, métaphores de l’homme nouveau, dans un esprit plus ludique que les projets d’homme bionique et d’intelligence artificielle, à partir de l’or ou de la glaise (Homonculus, 2010 ; Figuren, 2009) ou manipulent la fumée qui s’échappe du foyer tel un djinn (Sculpteur, 2013).
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Sculpteur 2013
Simon Pasieka parsème ses tableaux de symboles. En plus de ceux déjà analysés, on trouve des coupoles, des pentagones, pentacles et étoiles entre savoir, mystique, initiation ou référence au nombre d’or, suggérant un monde codé qu’il faut réapprendre à déchiffrer. Les allusions mystiques ou spiritualistes sont nombreuses. Des mains façonnent l’argile. Des titres se référent à l’Evangile : Adoration (p. 17), Miracle (p. 41), Vitrail (p. 28), Trinité (p. 16)… Grave (p. 49) représente une divinité celte, sculptée en creux dans un bloc de granit poli, dont l’image est révélée par la couleur comme on le fait en Scandinavie pour rendre visibles des runes. Une coulée de glace au niveau de son bas-ventre pourrait faire croire qu’elle est androgyne. Une figure de la totalité originelle qui questionne aujourd’hui la théorie des genres. Adoration (p. 17) résume la manière dont Simon Pasieka met en scène les mécanismes de l’illusion qui nous dirige. Un homme se prosterne face contre terre devant un autel de pierre sur lequel est posé un miroir qui lui renvoie le visage d’une femme dont l’ombre projetée sur le sol signale la présence. Ce n’est pas devant elle qu’il s’incline, mais devant son reflet. Plusieurs autres dessins ou tableaux sont construits autour d’une vitre placée dans un espace intérieur ou dans un pan de nature. Ils mêlent les reflets de la personne et de l’espace hors-champ, au devant de la scène, avec ce qu’elle découvre au travers. Ainsi du Grand verre (p. 22), écho malicieux à l’œuvre de Marcel Duchamp. L’ombre est le reflet d’une forme projetée sur une surface non réfléchissante. Symboliquement c’est sa part inconsciente ou cachée. Le travail sur l’ombre ou sur le reflet partiellement absorbés par le support est récurrent dans l’œuvre de Simon Pasieka. Sa part obscure peut-être, son sacrifice au mystère qui, faute de savoir, persiste. Ainsi de ses portraits de facture symboliste, entre reflet et ombre, tels des apparitions, flottants sur un fond de nature qui les absorbe partiellement, aussi ténus dans l’espace que le serait un arc-en-ciel. Né sur les bords du Rhin, près de la frontière hollandaise, dans une famille catholique, Simon Pasieka étudie les beaux-arts en Basse-Saxe, en pays protestant. Sa culture artistique mêle ainsi deux traditions, mais le peintre a subi principalement celle de l’Allemagne du Nord. Il y a dans sa peinture une économie, une rigueur nordique qu’assouplissent des rondeurs catholiques. Enfant, il fréquente une école Steiner-Waldorf dont le projet éducatif est de doter les élèves de la sérénité et des forces nécessaires à la réalisation d’un projet de vie qui remplace l’ambition personnelle et la compétition, par l’amour, la liberté, la confiance en l’autre. Les adolescents, dans sa peinture, semblent en appliquer le programme : celui du refus de la contrainte et du droit à l’expérimentation comme moyen d’épanouissement personnel.
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Simon Pasieka met en images une philosophie, ou plus modestement un rapport au monde, moins édénique qu’hédoniste. Il ne croit pas à l’existence possible d’un paradis mais il est sensible à une forme de spiritualité naturelle, poétique, qui transcende sa vision d’une crise de la civilisation occidentale. Il est convaincu que le rapport à notre environnement commande notre manière de sentir et de penser et qu’il y a urgence à imaginer d’autres manières de vivre. Sa peinture est, on l’a vu, allégorique, porteuse d’une utopie. L’eau, le feu, la lumière, le miroir prennent leur pleine signification lorsqu’on y ajoute leurs dimensions symboliques. Cette peinture n’est cependant pas symboliste au sens historique du terme. Elle ne vise pas à dévoiler des mondes cachés. Elle ne cultive pas le mystère. Elle ne se nourrit pas d’inquiétude. Chaque tableau joue sa petite musique. Simon Pasieka privilégie le langage de l’image parce qu’il le croit doté d’une force de conviction supérieure, à cause de son impact émotionnel et de sa puissance imaginative. Comme beaucoup d’artistes de cette génération issue du post-modernisme, Simon Pasieka ne s’enferme pas dans une théorie picturale. Il poursuit sa démarche sans s’interdire des vagabondages dans l’histoire de l’art. On trouve dans sa peinture des références au romantisme allemand, son ambiance nostalgique, sa nature sombre et ses brumes, à Balthus, son érotisme latent et ses constructions basculées de l’espace, à Otto Dix et la Nouvelle Objectivité pour ses compositions désarticulées en miroir et sa critique de la société, au mouvement Fluxus pour son état d’esprit non conformiste, sa poésie minimaliste du presque rien et sa volonté d’abolir les frontières entre l’art et la vie. Certains dessins ou peintures convoquent Uccello, Piero della Francesca, Watteau ou Poussin. Simon Pasieka ne nie pas son goût pour la peinture du XVIIIème, l’esthétique romantique ou plus largement celle du XIXème, qu’il apprécie d’abord pour la symbolique de son écart avec celle d’aujourd’hui. Il prise leurs palettes et leurs factures désuètes, de même qu’il adore celles des vitraux dont on retrouve l’allusion dans ces bâches plastiques qui filtrent ses tableaux d’une transparence colorée.
Drei Spiele 1995
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Sa production se partage entre, d’une part, des compositions (visages, cavernes,étangs,nocturnes…)«germaniques» de couleurs sombres, où les bruns et les verts dominent, où les couleurs claires sont assourdies et, d’autre part, des tableaux clairs, ensoleillés, ponctués de couleurs vives, aux perspectives basculées, aux jeux de transparences, aux influences et
citations multiples, principalement issues de la Nouvelle Objectivité. Un tableau de 1995, intitulé Drei Spiele, construit sur la subversion de la perspective, des jeux de miroirs et des personnages saisis dans des postures exagérées, entre Otto Dix et Balthus, préfigure son dispositif. L’espace est restitué le plus souvent selon les règles de la perspective. Parfois la scène est construite en contreplongée, ce qui permet une focalisation sur l’espace intérieur, selon une perspective tronquée rapprochant les plans et renforçant l’impact visuel et l’intensité de la scène. Le dessin posé sur la toile sert de base au tableau, parfois un croquis le précède. Les figures sont peu individualisées, quasi génériques. Le tracé, le modelé des corps, les mouvements ont la majesté sculpturale des compositions de Piero della Francesca. Pas d’émotion visible, aucun sourire et encore moins de rire n’animent les visages absorbés dans un repli intérieur. Les cérémonies dégagent une énergie silencieuse. Les rencontres sont prudentes, attentives et circonspectes. Les arbres et la végétation sont traités d’une manière qui rappelle le réalisme recomposé des paysages du XVIIIème et de la première moitié du XIXème. Le monde d’aujourd’hui est un monde d’entre-deux : entre le dernier conflit et la catastrophe à venir, possiblement définitive, entre la fin d’une société industrielle et l’affirmation du nouveau monde numérique. L’œuvre de Simon Pasieka, dans le droit fil des courants artistiques que nous avons cités (romantisme, symbolisme, Nouvelle Objectivité, Fluxus), s’inscrit en réaction à cette société qui doute, dont le modèle s’épuise. Elle suggère un décentrement pour questionner les temps d’avant, non pas sur le mode régressif de l’âge d’or, mais dans le but de mettre à plat nos valeurs pour en retrouver les fondements. Elle nous incite à nous interroger sur le qu’est-ce que vivre et le comment vivre. Questions auxquelles peu savent répondre. NO (2008) illustre cette incompréhension par la posture d’un jeune homme nu, tel une figure sainte, qui se détourne de ceux qui le regardent, mais ne veulent pas l’entendre. Ses tableaux sont des images modèles, à la manière de ce qu’ont été le vitrail ou, sur le plan littéraire, l’exemplum. La dernière peinture, produite cet été 2018 (Source, p. 44-45), résume sa cosmogonie ou sa cosmosophie. Un dôme à facettes (quasiment une sphère) occupe presque tout l’espace de nature sur lequel il est posé. Les vitres qui le recouvrent reflètent les visages de personnages hors-champ (au centre celui de l’artiste) qui regardent par une ouverture sur le devant une jeune femme nue, debout dans un trou d’eau et de boue, qui se penche et, accomplissant le geste de se laver, se couvre les jambes d’une pellicule d’argile. A l’opposé de la Suzanne de la Bible, elle renouvelle, sous cette voute céleste et cavernicole, la relation première de la femme avec la terre mère.
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Un portrait (rare dans son œuvre) et un dessin apportent des éclairages complémentaires sur l’artiste. Le portrait, celui d’Evariste Gallois, figure météorique, génie absolu des mathématiques, romantique, anticonformiste et révolutionnaire, mort en duel à vingt ans pour l’amour d’une femme, mais aussi concepteur de la théorie des groupes et de leur relation avec la symétrie dans les sciences de la nature, rappelle son intérêt pour la science. Le dessin de 2003, Smon, autoportrait sur fond nocturne, le montre la tête recouverte d’un casque de scaphandre, bulle transparente, pareille à celle qui coiffe Tintin dans les albums Objectif Lune et On a marché sur la Lune.
Le monde actuel est plus fortement et plus rapidement bouleversé par la révolution numérique qu’il ne le fut au XIXème par la révolution industrielle. L’humanité consomme chaque année plus que ce que la planète a produit. La Terre, atteinte par cette démesure, se réchauffe en même temps qu’elle s’appauvrit. Dans ce monde-ci, Simon Pasieka se fait certainement à l’idée d’être un extraterrestre, au moins à l’impression d’être ailleurs. Il comble l’écart au moyen de la poésie malicieuse, savante et délicatement empathique de sa peinture. Dans un ciel où le soir on ne voit plus la Lune, il nous la restitue multiple, dans une procession de torches et de lanternes.
Jean-Paul Blanchet
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Wood 2018 13
14
14
Zirkel 2015
15
15
TrinitĂŠ 2016
16
Adoration 2016
17
Cover 2017
18
Doppelbogen 2016
19
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Pygmalion 2015 21
Grand verre 2015 22
Rouge 2015 23
Polygon 2017
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Lac 2017
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Abend 2017
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Taufe 2017
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Vitrail 2017
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Blitzweg 2017
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Tempest 2018 31
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Schlaf (Diptyque) 2012 33
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Pferd 2013 35
Visage 2017
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Nebel 2014 37
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Trio 2016 39
Perluce 2016
40
Miracle 2017 41
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September 2017 43
44
44
Source 2018 45
2ème de couverture
Rainbow tunnel 2017 - huile sur toile - 30 x 60 cm 3ème de couverture
Un-nu tunnel 2017 - huile sur toile - 30 x 60 cm
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p. 4
Einie 2017 - huile sur toile - 22 x 33 cm
Dans le texte
p. 13
Wood 2018 - huile sur toile - 220 x 200 cm
p. 5
Malen 2010 - huile et tempera sur toile - 220 x 200 cm
p. 14-15
Zirkel 2015 - encre de Chine sur papier - 144 x 160 cm
p. 6
Floss 2004 - acrylique et huile sur coton - 180 x 270 cm
p. 16
Trinité 2016 - huile sur toile - 130 x 130 cm
p. 6
Double 2012 - encre de Chine sur papier - 98,8 x 122 cm
p. 17
Adoration 2016 - huile sur toile - 146 x 114 cm
p. 7
Fremd 2006 - encre de Chine sur papier - 121 x 99 cm
p. 18
Cover 2017 - huile sur toile - 35 x 35 cm
p. 7
Arpeggio 2007 - acrylique et huile sur coton - 180 x 300 cm
p. 19
Doppelbogen 2016 - huile sur toile - 146 x 114 cm
p. 8
Gold 2009 - huile sur toile - 180 x 270 cm
p. 21
Pygmalion 2015 - huile sur toile - 240 x 200 cm
p. 8
Sculpteur 2013 - huile sur toile - 162 x 130 cm
p. 22
Grand verre 2015 - huile sur toile - 240 x 200 cm
p. 10
Drei Spiele 1995 - huile sur toile - 175 x 190 cm
p. 23
Rouge 2015 - huile sur toile - 240 x 200 cm
p. 24
Polygon 2017 - gouache sur papier - 86 x 66 cm
p. 25
Lac 2017 - gouache sur papier - 86 x 66 cm
p. 26
Abend 2017 - gouache sur papier, 86 x 66 cm
p. 27
Taufe 2017 - gouache sur papier, 86 x 66 cm
p. 28
Vitrail 2017 - gouache sur papier - 86 x 66 cm
p. 29
Blitzweg 2017 - gouache sur papier - 86 x 66 cm
p. 31
Tempest 2018 - huile sur toile - 220 x 160 cm
p. 32-33
Schlaf (Diptyque) 2012 - huile sur toile - 2 x 270 x 180 cm
p. 35
Pferd 2013 - huile sur toile - 220 x 200 cm
p. 36
Visage 2017 - huile sur toile - 65 x 50 cm
p. 37
Nebel 2014 - huile sur toile - 240 x 200 cm
p. 39
Trio 2016 - huile sur toile - 260 x 200 cm
p. 40
Perluce 2016 - huile sur toile - 146 x 114 cm
p. 41
Miracle 2017 - huile sur toile - 220 x 200 cm
p. 43
September 2017 - huile sur toile - 220 x 200 cm
p. 44-45
Source 2018 - huile sur toile - 200 x 250 cm
p. 47
Ombre 2018 - huile sur toile - 116 x 81 cm
p. 49
Grave 2016 - huile sur toile - 240 x 200 cm
Ombre 2018
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Simon Pasieka Né en 1967 à Clèves, Basse-Rhénanie, Allemagne. Vit et travaille à Paris.
Expositions : 2018 2017 2016 2015 2014 2013 2012 2011 2010 2009-10 2009 2008 2007
Zwiegespräch bei Mondschein, Centre d’art contemporain Gera (Duo avec Wieland Payer) Simon Pasieka, peintures, Chapelle Saint-Libéral, Brive Peintures, A cent mètres du centre du monde (Duo avec Nazanin Pouyandeh), Perpignan Fenestration sauvage, le Pavillon, Département arts plastiques du CRD de Pantin Paintings, Museum Haus Kasuya, Yokosuka Je suis bosquet, lac et glaise, Galerie municipale Julio Gonzalez, Arcueil Simon Pasieka, Frissiras Museum, Athènes Draussen im Freien, Städtisches Museum Engen A l'air libre, la lune en parachute, centre d'art contemporain, Epinal Utopoly, Galerie Klaus Gerrit Friese, Stuttgart Drawings, Museum Haus Kasuya, Yokosuka 17ème rencontre d’art contemporain, Villa Saint-Cyr, Bourg-la-Reine Idylles apocalyptiques, Galerie Eric Mircher, Paris Fortunas Hütte, Galerie Klaus Gerrit Friese, Stuttgart Green horn, Galerie im Taxispalais, Innsbruck Green horn, Kunsthalle Göppingen Green horn, Städtische Galerie Delmenhorst 8, Galerie Anita Beckers, Frankfurt am Main Christina Doll, Skulptur, Simon Pasieka, Bilder und Zeichnungen, Kunsthalle Lingen Gelandet, Arp Museum Bahnhof Rolandseck, Remagen Gelandet, Forum Kunst Rottweil
Collections publiques : Centre George Pompidou, Paris Baden-Württembergische Landesbank, Stuttgart Deutsche Bank, Frankfurt am Main Musée Frieder Burda, Baden-Baden Frissiras Museum, Athènes Germanisches Nationalmuseum, Nuremberg Sammlung Hurrle, Durbach Kunsthalle Göppingen Land Niedersachsen, Hanovre Staatliche Museen Preußischer Kulturbesitz, Kupferstichkabinett, Berlin Sammlung Oehmen, Hilden & Kunstsaele, Berlin
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Grave 2016 49
Remerciements Réalisée avec le concours de l’État (ministère de la culture et de la communication - direction régionale des affaires culturelles Nouvelle-Aquitaine), cette manifestation n’aurait pu se faire sans l’aide précieuse du peintre, de l’Abbaye Saint-André-Centre d’Art contemporain de Meymac et de Chamalot-Résidence d’artistes. Qu’ils reçoivent tous nos plus vifs remerciements.
Le Centre d’Art contemporain de Meymac reçoit le soutien moral et financier du Ministère de la Culture-DRAC Nouvelle-Aquitaine, de la Région Nouvelle-Aquitaine, du Conseil Départemental de la Corrèze, de la Commune de Meymac et de Haute-Corrèze Communauté. Chamalot-Résidence d’artistes reçoit le soutien moral et financier du Ministère de la Culture-DRAC Nouvelle-Aquitaine, de la Région Nouvelle-Aquitaine, du Conseil Départemental de la Corrèze, de la Communauté de communes de Ventadour et de la Commune de Moustier-Ventadour.
Copyright : © Œuvres et clichés Simon Pasieka Commissariat scientifique de l’exposition : Jean-Paul Blanchet, président de l’association Abbaye Saint-André-Centre d’Art contemporain de Meymac Graphisme du catalogue (sauf couverture) : Studio Christophe Charles Imprimeur : SAS Evoluprint, Fenouillet Charte graphique du Musée Labenche (et couverture) : Studio BICOM Catalogue édité par la Ville de Brive en 2018 ISBN / 978-2-9551239-7-3 / EAN 9782955123973
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Un-nu tunnel 2017
Prix : 8€