Elwin

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Elwin

le lutin qui ne savait jamais ce qu'il voulait

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Il était une fois un jeune lutin des forêts. Il vivait dans la grande forêt du Nord et habitait avec sa famille dans un grand sapin qui avait vu bien des hivers passer.

Elwin, c’était son prénom donné par les fées à sa naissance, était habile de ses mains, aimait rencontrer ses amis, appréciait de jouer. Il savait faire plein de choses. Seulement, voilà, il était toujours hésitant : il ne savait jamais ce qu’il voulait faire, il n’arrivait jamais à se décider. Quand son papa lui demandait s’il voulait de la compote de pommes de pin ou du crumble de noisettes en dessert, Elwin ne savait pas se décider. Il avait besoin de réfléchir. Quand sa maman lui demandait s’il voulait aller se baigner dans la rivière ou aller jouer dans les branches du vieux chêne, Elwin ne savait pas se décider. Il avait besoin de réfléchir. Quand il devait s’habiller le matin et choisir entre son bonnet rouge à pompon et son bonnet vert à flocons, Elwin ne savait pas se décider. Il avait besoin de réfléchir. Ce n’était pas simple pour lui. Et encore moins pour son entourage, qui ne supportait pas toujours d’attendre qu’il prenne sa décision. Parfois les adultes se fâchaient. Souvent, ses amis boudaient et l’abandonnaient en disant « reviens me voir quand tu seras décidé ».



Ce jour-là, alors que son amie Malowé lui avait proposé d’aller au grand marché de saison déguster un cocktail de neige fraîche à l’étoile concassée, Elwin n’avait pas su se décider et son amie était partie sans lui.

Cela le rendit triste. Il avait bien conscience des réactions que son indécision générait dans son entourage. Il aurait tant aimé changer les choses. Tout à ses pensées, Elwin erra au hasard des chemins de la forêt, et marcha longtemps, jusqu’à arriver à cette grande maison, la maison du vieux monsieur. æElwin la connaissait bien, car tout le monde en parlait dans la forêt. Toutes celles et ceux qui avaient pu y passer ou y vivre racontaient la joie et la bonne humeur qui y régnaient. Ils encensaient la convivialité et l’hospitalité des lieux. C’était la première fois qu’il s’aventurait aussi loin de chez lui, seul qui plus est. Pour autant, il n’était pas inquiet quand il poussa la grande porte d’entrée, non, …il était intrigué. Il arriva dans un hall lumineux, décoré d’un tapis moelleux pour l’accueillir et, de part et d’autre d’un grand escalier, se tenaient une multitude de portes colorées. Il y avait de la vie ici. De la lumière provenait de multiples globes suspendus au plafond. Des bruits résonnaient dans toute la maison, des chants, des rires. Mais... personne en vue. C’était étrange. Que faire ? Avancer ou rentrer chez soi ?



Elwin fut attiré par la première porte à sa droite, la bleue, la plus proche de lui. Un rai de lumière se dessinait sous la porte et des ombres mouvantes indiquaient qu’il y avait beaucoup de mouvement à l’intérieur de la pièce.

Il s’approcha de la porte, intrigué par l’agitation, posa sa main sur la poignée, hésita et finalement osa la pousser délicatement, ne sachant pas s’il se ferait remarquer. Un bonhomme sautillant sur des chaussures à ressort tourna la tête vers lui et le rejoignit en trois bonds. « Ah te voilà ! Tu dois être Elwin. Nous t’attendions ! Sois le bienvenu. Je m’appelle Joulupukki. » Il avait une longue barbe blanche de laquelle sortaient des étincelles ou des éclairs par intermittence. La pièce était un bric-à-brac d’objets en tout genre. Elwin prit peur quand une flammèche sortie de la barbe atterrit juste à côté de lui. Il recula, trébucha sur ce qui ressemblait à un patin à roulettes et tomba en arrière, atterrissant dans le couloir. La porte se referma devant lui.



Il venait de se dire qu’il valait mieux rentrer chez lui quand il entendit une mélodie entraînante.

Elle venait de la porte à côté, la rouge. Il savait que ce qu’il s’apprêtait à faire n’était

pas judicieux compte tenu de sa mésaventure à l’instant, mais il était attiré, comme aimanté. Il fit donc un pas vers la porte, qui s’ouvrit toute seule tout doucement. Un homme jouait d’un étrange instrument de musique composé de longs tuyaux garnis de trous. Il soufflait dans une embouchure et ses doigts pianotaient des touches multicolores. Le tout générait une mélopée entêtante. L’homme s’arrêta de souffler quelques instants, le temps de dire : « Ah te voilà ! Tu dois être Elwin. Nous t’attendions ! Sois le bienvenu. Je m’appelle Julenissen. » Il avait une longue barbe blanche, dont les extrémités paraissaient vivantes : elles s’entortillaient sur tout ce qu’elles trouvaient, au rythme de la musique. La pièce était remplie d’instruments de musique ou d’objets qui servaient très certainement à fabriquer des sons originaux. Elwin s’avança vers l’homme, intrigué qu’à nouveau il soit attendu. Il marcha alors par mégarde sur un objet tout mou, qui actionna un levier relié à de multiples cymbales qui s’actionnèrent en rythme et firent retentir un vacarme assourdissant. Il quitta la pièce en courant tout en se bouchant les oreilles. C’en était trop pour lui ! Cette dernière mésaventure eut raison de son indécision : il décida de rentrer chez lui et de quitter ce lieu et toutes ces surprises.



Alors qu’il se dirigeait vers la grande porte d’entrée, il s’aperçut que de la fumée sortait sous la porte jaune, juste à côté. Un incendie ! Il fallait faire quelque chose ! Elwin n’eut pas le temps d’appeler à l’aide : la porte jaune s’ouvrit soudainement. Un

homme en sortit avec une fiole à la main, il toussait et agitait son autre main pour essayer de dégager la fumée autour de lui. La porte se referma derrière lui. Une fois qu’il eut repris sa respiration, il remarqua Elwin et s’adressa à lui : « Ah te voilà ! Tu dois être Elwin. Nous t’attendions ! Sois le bienvenu. Je m’appelle Julemanden. » L’homme avait une longue barbe blanche. Non, pas si blanche que ça à y regarder de plus près : elle était parcellée de tâches multicolores et ses extrémités étaient roussies. Il poursuivit : « Ma formule chimique a encore raté. Au moins cette fois ça n’a pas explosé. Attends-moi deux secondes, je vais éteindre le feu sous la marmite » et sans attendre de réponse, il prit une grande inspiration et entra dans la pièce enfumée. Elwin était curieux, certes, mais pas au point de risquer sa vie et resta donc dans le couloir.



La porte orange située trois pas plus loin s’ouvrit et laissa apparaître un vieux

monsieur, hilare, qui essaya de prendre un air sérieux pour demander : « Qu’est-ce que c’est encore que ce capharnaüm ?! ».

Il remarqua que son interlocuteur n’était pas celui qu’il pensait être et continua : « Bonjour ! Tu dois être Elwin. Nous t’attendions ! Sois le bienvenu. Je m’appelle Léon ». L’homme avait une longue barbe blanche, très longue, vraiment très longue, bien plus longue que les précédents hommes à barbe blanche qu’Elwin avait rencontrés. Et il semblait vieux, très vieux, vraiment très vieux, bien plus vieux que le plus vieux chêne de la forêt. Il était souriant et les traits plissés sur son visage montraient bien qu’il devait passer ton temps à sourire ou à rire. Elwin bégaya : « Bon bonjour… Euh… Les les autres aussi m’ont dit qu’ils m’attendaient… Mais euh, comment ça vous m’attendiez ? Comment saviez-vous que je venais ? » Léon lui répondit avec une voix douce : « Ah ! Vois-tu, je sais beaucoup de choses sur beaucoup de monde. C’est le privilège de mon âge et de ma fonction. Viens par ici, tu comprendras. » Elwin répondit, plus pour lui-même que pour son interlocuteur : « Ce n’est pas très raisonnable. Vu les trois olibrius que je viens de rencontrer, que va-t-il m’arriver encore maintenant ? Je ne sais pas trop, j’hésite... ». Léon dit alors seulement : « Je m’en doute, je m’en doute. ça ne me dérange pas, prends ton temps. », tourna les talons et retourna dans la pièce à la porte orange. Elwin qui était au final plus curieux qu’indécis le suivit alors et ce qu’il découvrit l’émerveilla.



Cette pièce était une salle gigantesque et majestueuse, illuminée et vivante, dans

laquelle tout un monde s’agitait comme dans une ruche. Elwin venait d’entrer dans l’atelier de Léon, le fameux atelier des jouets. Des centaines de lutins s’activaient à travers la salle, certains à des établis pour fabriquer des milliers de jouets, d’autres pour transporter les emballages et les déposer sur des tapis roulants qui les convoyaient à l’extrémité. Léon contemplait tout ce petit monde et, sans vérifier si Elwin l’avait suivi, il dit : « Vois-tu, j’ai un établi qui vient de se libérer et je cherche un lutin talentueux comme toi pour reprendre la suite. J’ai entendu dire que tu es très habile de tes mains. » Elwin bafouilla : « Ah… Oh… oui, mais… je ne sais pas... » Léon rétorqua, cette fois de manière un peu abrupte il est vrai : « Taratata ! Essaie et tu verras bien » et il s’avança jusqu’à l’établi vacant. Il ne laissa pas le temps à Elwin de répondre et enchaîna : « Essaie, essaie… Je suis sûr que tu sauras faire. Et s’il te manque des idées, va voir l’un de mes fils. Tu as déjà fait connaissance avec Joulupukki, Julenissen et Julemanden. Des idées, ils en trouvent toutes les deux minutes. » Elwin objecta : « Tout le monde dit que je ne sais pas choisir. Comment est-ce que je pourrais bien faire ? » Léon l’interrompit : « Si tu ne sais pas choisir, alors fais tout ce qu’il te passe par la tête. 25 fois tu essaieras, 25 fois tu recommenceras, 25 fois ce sera différent et il y aura toujours un enfant qui sera content de ce que tu auras fabriqué .» C’est ainsi qu’Elwin commença à travailler pour le Père Léon et qu’il apprit à apprivoiser son indécision. Depuis, il réalise de merveilleux jouets. Il a toujours plein d’idées et quand il lui arrive encore de ne pas savoir laquelle suivre pour continuer, au lieu de trancher, il les applique toutes. Et cela donne ainsi de jolies surprises aux enfants qui ouvrent leurs cadeaux le 25 décembre.



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