Carnet d'Art n°01 - Corps ultime

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Emmanuel Moreaux

En petite ou en grande formation ? Ca dépend : si vous êtes 15 ou 20 sur scène, il se dégage une sorte d’énergie terrible, épuisante à terme, mais il y a moins de solos. Ne faut-il être un peu égocentrique pour faire ce métier ? Oh, c’est un peu comme dans la société : en orchestre, il y a des politesses, des rôles… On se parle, on se répond en musique. Mais en même temps, il faut parfois savoir s’imposer. Dans une formation, c’est un peu comme dans une entreprise. Une question indiscrète peut-être, vous avez accompagné d’éminents artistes : Aznavour, Kaas, Noah, Obispo… Avec qui avez-vous préféré jouer ? J’hésite… Vous avez cité des artistes très connus dans le domaine de la variété, mais j’ai aussi joué avec des jazzmen, sans doute moins célèbres, mais géniaux quand même ; je pense au cubain Ernesto Tito Puentes, 85 ans, sa trompette et son Big Band : c’est lui qui a apporté la salsa en France. C’est un leader, il a une façon exceptionnelle de diriger ; il sait faire passer tant de choses. Mais, d’autres ont des qualités : je me souviens de la préparation du concert du Stade de France avec Yannick Noah. D’abord, on a répété 15 jours en Belgique dans un décor qui reconstituait la scène du stade et, juste avant le concert, il nous a amené, tous, musiciens et techniciens au stade, vide, ouvert rien que pour nous et on s’est retrouvé là au milieu, en silence… Il menait son équipe, il 46 Carnet d’Art

nous coachait, il voulait nous donner les clefs pour la réussite. Ce fut une très belle expérience. Y a-t-il une œuvre que vous aimeriez spécialement interpréter ? Quand j’écoute des disques, des vinyles, ce sont souvent des morceaux anciens, avec un son propre qu’on ne refera plus avec le numérique qui est plus froid, je ne voudrais donc pas faire moins bien que l’original… Vous préférez jouer de la musique écrite ou improvisée? Les deux ; c’est d’ailleurs un des principes du jazz : on passe de thèmes écrits aux improvisations et vice-versa.

On se parle, on se répond en musique.

Il y a un aspect important et sympathique dans votre attitude : vous donnez régulièrement une chance à des jeunes ; peut-on dire que vous aimez transmettre et comment le faites-vous ? Oui, tout à fait, c’est une partie de ma personnalité, je donne des cours dans différentes écoles, j’ai aussi participé à la création de l’école de musique DEVA à Aix-les-Bains et j’assure des « Master Classes » à l’occasion de certains concerts ou festivals. Pour moi, ce qui est important c’est de pouvoir motiver les gens ; je m’inspire de l’enseignement que j’ai reçu. Je crois qu’il faut l’appliquer à de nombreux domaines : donner les clefs du développement. Enfin, vous produisez le Festival de Jazz d’Aix-les-Bains… Ah oui, le retour aux racines… 2012 a été une bonne année et pour 2013… (Silence) Il y aura des surprises, des activités plus variées, mais chut, je garde ces belles surprises pour cet été. Beaucoup de gens aiment le saxophone, pourquoi, selon vous ?

Lorsque vous êtes en répétitions, vous notez des changements dans votre comportement ? Tout dépend de mon positionnement : si je suis leader, je dois diriger, donner des indications et des consignes claires ; si je suis musicien de pupitre, je dois suivre les indications du chef d’orchestre.

Il a un coté fantasmagorique, on peut dire qu’il y a un rapport charnel, presque sexuel avec cet instrument. On peut le rapprocher du violoncelle pour lequel les gens ressentent la même attirance ; ils ont la même tessiture et tous deux sont des instruments « sensuels ».


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