Cahiers orthoptie n°2

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Les Cahiers

n°2 - Mai 2016

UNE NOUVELLE REVUE POUR LES ORTHOPTISTES !

à l’initiative du

Maté Streho Sandrine Ayrault Nathalie Delhay Vivien Vasseur

Supplément aux Cahiers d’Ophtalmologie

Grégory Gasson Farah Gherdaoui Romain Lezé

Avec le soutien institutionnel de *

*La science pour une vie meilleure


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Editorial

Orthoptiste-ophtalmologiste, un tandem performant dans la pratique rétine médicale

La rétine médicale a connu un essor considérable il y a une vingtaine d’années avec l’apparition d’une nouvelle technique d’imagerie, l’OCT (tomographie en cohérence optique). Cette technique non invasive a pris une place considérable non seulement pour le diagnostic des affections maculaires et rétiniennes, mais également pour le suivi de ces pathologies. C’est précisément l’arrivée des nouvelles possibilités thérapeutiques dans la DMLA, les œdèmes maculaires et la maculopathie myopique néovasculaire qui ont radicalement changé nos pratiques, imposant un rythme de suivi sur des séries de patients. Très rapidement, au-delà de la mesure d’acuité visuelle, l’ophtalmologiste a été amené à déléguer des tâches d’imagerie maculaire. À la différence des pays anglo-saxons, notre système de soins n’intègre que très rarement la présence de photographes aux côtés de l’ophtalmologiste pour la prise de clichés couleurs, d’angiographie ou en OCT. Est apparue alors la nécessité de s’entourer d’un personnel soignant compétent. Très rapidement, l’orthoptiste, habitué au travail en collaboration avec l’ophtalmologiste, a trouvé sa place à ses côtés, en cabinet ou en milieu hospitalier. Les avancées diagnostiques et thérapeutiques sont constantes, d’ou la nécessité d’une formation permanente, prodiguée par les ophtalmologistes et maintenant par les jeunes générations d’orthoptistes aguerris à l’imagerie maculaire. Les formations à l’imagerie maculaire destinées aux orthoptistes se sont multipliées ces cinq dernières années. Dernière innovation en date, l’angio-OCT démontre parfaitement la nécessité d’un acte réalisé par un personnel dédié, compétent, ayant passé une courbe d’apprentissage, associé à un ophtalmologiste pour l’analyse et l’interprétation des données. Enfin, le tandem ophtalmologiste-orthoptiste s’applique tout autant à la recherche clinique. De plus en plus de jeunes orthoptistes ont une solide formation aux métiers de la recherche clinique et sont également techniciens en recherche clinique ou attachés de recherche clinique.

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Toujours motivés, avec un comportement médicalisé, les orthoptistes ont vu leur compétence récemment reconnue par un texte de loi sur leur rôle dans le dépistage de la maculopathie diabétique. Nous pouvons, sans grande spéculation, prédire que l’implication de l’orthoptiste ne fera que se développer dans les années à venir. Et le patient ?… L’articulation du travail de l’orthoptiste et de l’ophtalmologiste ne se limite pas à la réalisation d’actes d’imagerie médicale. La réalisation de tests fonctionnels (ERG, micropérimétrie…) est aussi d’un apport considérable, au bénéfice du patient. L’orthoptiste joue également un rôle dans l’éducation du patient, qu’il s’agisse d’information, la prévention primaire, ou du dépistage, la prévention secondaire. Déchargé de certains actes techniques, l’ophtalmologiste a pu réorganiser son activité, lui permettant d’élargir son espace temps consacré à la discussion avec le patient, l’interprétation d’actes diagnostiques et la réalisation d’actes thérapeutiques.

Pr Eric Souied

Chef de service d’ophtalmologie, Hôpital Intercommunal de Créteil, Université Paris-Est. Président de la Fédération France Macula.

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Comité scientifique

Jean-Paul Adenis (Limoges) Tristan Bourcier (Strasbourg) Antoine Brézin (Paris) Béatrice Cochener (Brest) Danielle Denis (Marseille) Philippe Denis (Lyon) Serge Doan (Paris) Pascal Dureau (Paris) Eric Frau (Paris) Alain Gaudric (Paris) Yves Lachkar (Paris) François Malecaze (Toulouse) Pascale Massin (Paris) Christophe Morel (Marseille) Pierre-Jean Pisella (Tours) Eric Souied (Créteil) Ramin Tadayoni (Paris)

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Sommaire

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Les Actualités Cas en images 4 Rétinopathie diabétique proliférante sévère sans baisse de vue Vivien Vasseur

Comité de rédaction

Florent Aptel (Grenoble) Catherine Creuzot-Garcher (Dijon) Pierre Fournié (Toulouse) Aurore Muselier (Dijon) Véronique Pagot-Mathis (Toulouse) Catherine Peyre (Paris) Maté Streho (Paris) Catherine Vignal-Clermont (Paris) Benjamin Wolff (Paris)

Compte rendu de congrès 5 Rétine en pratique Sandrine Ayrault

6 JRO 2016

Directeurs scientifiques

Grégory Gasson

Segment antérieur : Vincent Borderie vincent.borderie@upmc.fr Segment postérieur : Aude Couturier aude.couturier@aphp.fr Rédacteurs en chef

Articles

Segment postérieur : Vincent Gualino Tél. : 05 63 03 03 04 contact@cahiers-ophtalmologie.com Segment antérieur : Thomas Gaujoux Tél. : 01 34 04 21 44 t.gaujoux@cahiers-ophtalmologie.com

7 Diplopie et diabète Romain Lezé

9 Diabète et lentilles de contact

Directeur de la publication

Jean-Paul Abadie jp.abadie@cahiers-ophtalmologie.com

Nathalie Delhay

Régie publicité et coordination éditoriale

10 L’angio-OCT dans la rétinopathie diabétique

Corine Ferraro SARL DifuZion GSM : 07 88 11 95 57 c.ferraro@difuzion.fr

Farah Gherdaoui, Sandrine Ayrault

Assistante de direction

Laetitia Hilly : 01 34 04 21 44 l.hilly@cahiers-ophtalmologie.com

Interview

Maquettiste

Cécile Milhau : 06 26 79 16 43 c.milhau@editorial-assistance.fr

12 Rencontre avec le Dr Ali Erginay

Abonnements

Offre sur 1 an (10 numéros par an): France : 55 euros, Étudiants (à titre individuel et sur justificatif): 30 euros, Étranger: 70euros Offre sur 2 ans (20 numéros par an): France : 88 euros, Étudiants (à titre individuel et sur justificatif): 50 euros, Étranger: 112euros Déductible des frais professionnels Règlement à l’ordre d’Editorial Assistance Editorial Assistance, Immeuble ISBA, Allée de la Gare, 95570 Bouffemont Tél. : 01 34 04 21 44 - Fax : 01 34 38 13 99 contact@editorial-assistance.fr

www.cahiers-ophtalmologie.com RCS Pontoise 391 143 179 APE 221E ISSN : 1260-1055 Dépôt légal à parution

Farah Gherdaoui

Pour recevoir les prochains numéros

Les Cahiers Inscrivez-vous et recevez par courrier ou par mail, la 1re revue spécialement conçue par des orthoptistes pour les orthoptistes contact@cahiers-ophtalmologie.com – téléphone : 01 34 04 23 23


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Actualités Imagerie et interprétation automatisée

Binoculus (Orthoptica)

Les logiciels de traitement et d’interprétation automatisée des images rétiniennes devraient constituer demain des outils précieux dans la prise en charge des patients diabétiques. Aux USA, l’algorithme IRIS (Intelligent Retinal Imaging System) a été intégré dans un programme de dépistage de la rétinopathie diabétique incluant 15 015 patients [1]. L’étude portait sur les premiers signes décelables de rétinopathie diabétique (RD). Sa sensibilité a atteint 66 % par rapport à la lecture différée de rétinographies et 75 % par rapport à l’ophtalmoscopie d’un rétinologue. Son taux de faux négatifs est de 2 %.

Binoculus est la première plateforme informatique et numérique dédiée aux orthoptistes. Elle a été conçue et élaborée par des orthoptistes pour les orthoptistes. Binoculus permet une nouvelle prise en charge des patients, plus moderne et ergonomique (centralisation des tests, diminution de l’utilisation de la barre de prismes…) et un meilleur suivi. Il regroupe les principaux tests et examens orthoptiques utilisés au quotidien : - tests d’acuité visuelle angulaires et morphoscopiques (échelle logarithmique), - tests de vision stéréoscopique à contours, - tests de mesure des phories, - tests d’amplitude de fusion, - synoptophore numérique.

En Europe, des applications se développent également (Aphelion, CARA). Elles analysent les rétinographies couleurs et noir et blanc (autofluorescence, infrarouge, angiographie à la fluorescéine). Dans un premier temps, elles réhaussent les images à l’aide de filtres. Elles sont ensuite capables de détecter les micro-anévrysmes, les exsudats et les hémorragies. Elles évaluent le calibre des vaisseaux, l’excavation papillaire et localisent la macula. Elles ne substituent pas à l’interprétation de l’ophtalmologiste mais pourraient permettre un premier tri dans les zones de désert médical. Néanmoins, pour pouvoir déployer ces nouveaux dispositifs, une adaptation de la règlementation, notamment en matière de responsabilité, est nécessaire. Nathalie Delhay

Tous ces tests et examens ont été validés cliniquement au CHRU de Brest. Composé d’un ordinateur dédié, d’un projecteur 3D et de lunettes stéréoscopiques actives, il s’adapte à tous les cabinets et s’utilise aussi bien en vision de loin (4 m) qu’en vision intermédiaire (1 m). Quelques dates à retenir pour la rentrée Il s’utilise au quotidien lors de bilans et de rééducation orthoptiques. L’orthoptiste contrôle les › Eurétina : 8-11 septembre 2016 à Copenhague tests depuis le clavier de l’ordinateur. Ces tests (www.euretina.org). sont projetés sur une surface blanche lisse (un › DMLA en pratique : 16 septembre 2016 à Paris mur suffit) à l’aide du projecteur 3D. Le patient (www.portancecommunication.com). est positionné en face de l’image projetée et est › Imagerie en Ophtalmologie : 30 septembre 2016 à Paris équipé des lunettes stéréoscopiques qui vont (www.vuexplorer.fr). permettre la dissociation des images. Cette tech› ARMD : 1-2 octobre 2016 à Cannes (www.armd-france.org). nologie permet de se rapprocher des conditions › Journées Alsaciennes d’Ophtalmologie (JAO) : de vie réelle des patients. 25-26 novembre 2016 à Strasbourg (www.congres-jao.fr). Cette plateforme est évolutive et de nouveaux tests sont d’ores et déjà en cours de dévelop› Rétina Lyon : 9-10 décembre 2016 (www.retina-lyon.com). pement. › OCT Angiography :16-17 décembre 2016 à Rome Grégory Gasson (www.apmeetings.com).

1. Walton OB, Garoon RB, Weng CY et al. Evaluation of automated teleretinal screening program for diabetic retinopathy. JAMA Ophthalmol. 2016;134(2):204-9.

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Actualités Télémédecine et transfert de données médicales Le transfert de données médicales est soumis à une règlementation spécifique. Les protocoles de coopération ophtalmologiste-orthoptiste avec télémédecine et lecture de clichés à distance doivent intégrer le respect de ces obligations. Deux organisations sont possibles : • Unité de lieu : le cryptage des données n’est pas obligatoire. Cependant, tout ordinateur donnant accès aux dossiers des patients doit être protégé par un identifiant et un mot de passe. • Lieux distants : - logiciel métier commun : bien que largement utilisé, le recours au VPN (Virtual Private Network) n’est pas autorisé (source CNIL). L’éditeur du logiciel doit proposer une technologie conforme à la règlementation ; le professionnel de santé est responsable ;

- messageries sécurisées réservées aux professionnels de santé (Apicrypt, MS Santé…) : elles utilisent des algorithmes de cryptage. La capacité de stockage et la taille des pièces jointes sont limitées ; - réseaux dédiés (CARéDIAB, OPHDIAT…) réunissant orthoptistes et ophtalmologistes sur une même plateforme. Ils garantissent anonymat et sécurisation des transferts. Les examens d’imagerie sont des données de santé personnelles parmi les plus protégées par la loi. Le contrôle de leur utilisation et de leur transmission est du ressort de la CNIL. Tout envoi par mail standard, SMS ou via les services de stockage et de partage de copies en ligne non agréés « santé » est illégal. Le risque maximal encouru est de cinq ans de prison et 300 000 euros d’amende. Nathalie Delhay

EyeRefract (Luneau Visionix) L’EyeRefract ou VX 160 est un système de réfraction automatisé. Il est basé sur l’utilisation de la technologie du front d’onde (wavefront) développée par Visionix permettant l’analyse des systèmes optiques. Cette technologie permet la mesure d’un système optique (verre, œil) sur une multitude de points (le front d’onde) alors que les technologies classiques mesurent un point unique ou quelques points. Visionix a miniaturisé cette technologie, permettant son intégration dans un grand nombre d’équipements. De plus, grâce à un coût maîtrisé, cette technologie est plus accessible, offrant des fonctionnalités très particulières et une précision de mesure exceptionnelle.

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Le phoroptère intégré se compose d’un double Shack-Hartmann qui va analyser la déformation du front d’onde (ou phase) de l’œil étudié en neutralisant l’accommodation. Il utilise pour cela une fixation binoculaire en vision de loin. Il analyse les aberrations de hauts ordres. Le système permet d’établir avec une très grande précision une véritable réfraction objective qui s’affranchit de l’accommodation, une réfraction subjective et également

Congrès de déterminer l’acuité visuelle en projetant différents optotypes intégrés. Il réduit nettement le caractère opérateur-dépendant de ce test, mais ne s’en affranchit toutefois volontairement pas totalement : le professionnel de santé reste maître de son examen. Ce système présente également l’avantage d’avoir un faible encombrement et de nécessiter une pièce quasiment sans restrictions de configuration et de dimensions. Ce nouvel appareillage est donc certainement promis à un bel avenir à moyen terme dans les cabinets d’ophtalmologie, la détermination de la réfraction constituant l’examen de base en ophtalmologie.

Grégory Gasson

Les Cahiers

Pour ceux qui souhaitent se perfectionner en rétine, l’Association de rétine méditérranéenne et de développement (ARMD), vous propose un congrès avec de nombreux

orateurs régionaux et nationaux. Des tarifs spéciaux pour les orthoptistes nous permettent un accès total au congrès. La cofondatrice, Isabelle Aknin, propose également une session rien que pour nous. L’année dernière, le thème abordé était les rétinophotographies dans le diabète. Venez découvrir le programme entier du congrès qui aura lieu à Cannes les 1er et 2 octobre 2016 sur le site internet de l’ARMD (www.armd-france.org).

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Cas en images

Rétinopathie diabétique proliférante sévère sans baisse de vue Vivien Vasseur

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onsieur M., patient diabétique de type 2, est adressé dans le cadre de son suivi. Il n’a pas consulté d’ophtalmologiste depuis trois ans. Outre son diabète mal équilibré, il est aussi suivi pour une hypertension artérielle. À l’interrogatoire, le patient ne se plaint pas de baisse de la vue. Nous trouvons une acuité visuelle corrigée à 9/10 P2 et réalisons une rétinographie ainsi qu’un OCT maculaire.

(figure 3). Au vu de ces résultats, le patient est dirigé de suite en angiographie. L’angiographie montre une rétinopathie diabétique proliférante sévère (figure 4).

Sur la rétinographie non mydriatique, nous retrouvons des nodules cotonneux ainsi que des hémorragies dans les différents cadrans rétiniens (figure 1). L’OCT maculaire est d’un profil normal (figure 2). Nous décidons de réaliser un OCT-angiographie sur lequel nous constatons une ischémie maculaire majeure

Figure 2. OCT B-scan. Profil maculaire sans particularité, pas d’œdème maculaire diabétique ni d’exsudats.

Figure 1. Rétinophotographie couleur non mydriatique. Présence de nodules cotonneux et d’hémorragies.

Orthoptiste. Fondation ophtalmologique Adolphe de Rothschild, Paris – Centre ophtalmologique Maison Rouge, Strasbourg.

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Figure 3. OCT-A. Zones d’ischémies au niveau du plexus superficiel (flèches). Augmentation de la zone avasculaire centrale (étoile).

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Compte rendu de congrès

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Actualités

Rétine en pratique (Paris, 25 mars 2016)

Pourquoi l’acuité visuelle des patients atteints d’œdème maculaire chronique revient-elle rarement à la normale ?

(D’après une intervention du Dr Aude Couturier, Hôpital Lariboisière)

Figure 4. Angiographie. Rétinopathie diabétique proliférante sévère.

Le patient bénéficiera par la suite d’une panphotocoagulation périphérique. À l’heure où le travail de l’orthoptiste est de plus en plus axé sur la préconsultation et le dépistage, ce cas illustre bien l’utilisation des différents moyens d’exploration actuellement accessibles aux orthoptistes. Ici l’apport de l’OCT-A a permis de mettre en évidence une atteinte ischémique majeure, ceci permettant par la suite une prise en charge optimale chez ce patient. Pour en savoir plus Bradley PD, Sim DA, Keane PA et al. The evaluation of diabetic macular ischemia using optical coherence tomography angiography. Invest Ophthalmol Vis Sci. 2016;57(2):626-31. Takase N, Nozaki M, Kato A et al. Enlargement of foveal avascular zone in diabetic eyes evaluated by en face optical coherence tomography angiography. Retina. 2015;35(11):2377-83. Couturier A, Mané V, Bonnin S et al. Capillary plexus anomalies in diabetic retinopathy on optical coherence tomography angiography. Retina. 2015;35(11):2384-91. Hwang TS, Jia Y, Gao SS et al. Optical coherence tomography angiography features of diabetic retinopathy. Retina. 2015;35(11):2371-6.

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On a pu constater à différentes reprises que l’épaisseur des œdèmes maculaires (OM), mesurée par OCT, n’avait pas toujours de lien direct avec l’acuité visuelle des patients. La formation de l’OM est directement liée à la rupture de la barrière hémato-rétinienne, au dysfonctionnement des cellules de Müller ainsi qu’à leur nécrose. Après traitement par injections intravitréennes (IVT), il est fréquent d’observer des interruptions cellulaires au niveau de la zone ellipsoïde (couche ISOS) ainsi que des interruptions dans les couches externes de la rétine. On observe également des pertes de cellules ganglionnaires qui expliquent la mauvaise récupération fonctionnelle des patients. L’angio-OCT nous montre une densité capillaire réduite après traitement au niveau des plexus superficiel et profond : ceci nous indique une mauvaise reperfusion après traitement même si les logettes d’œdè me ont disparu. On observe parfois une quasi-inexistence du plexus profond après traitement, laissant uni-

Les Cahiers

quement voir le plexus superficiel en miroir. La question qui se pose alors est de savoir s’il faut traiter les OM plus précocément. Si le traitement est mis en place alors que l’acuité visuelle est inférieure à 5/10, la récupération visuelle risque d’être faible ; en revanche, si l’acuité visuelle de départ est supérieure à 5/10, on observera probablement un gain d’acuité après IVT, en particulier dans les cas d’OM secondaires à une occlusion veineuse rétinienne datant de moins de trois mois. Mais, faut-il traiter précocement des patients peu gênés les exposant à un risque d’endophtalmie ? En résumé, l’OM secondaire à une rupture de la barrière hémato-rétinienne est associé à une perte neurogliale qui provoque des modifications de la rétine externe et une atrophie des cellules ganglionnaires. Il est donc utile de traiter les OM plus tôt par IVT sans augmenter inutilement les risques pour les patients. Il faut surtout éviter d’attendre que les dégâts sur la rétine soient définitifs et irréversibles. Sandrine Ayrault

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Actualités

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Compte rendu de congrès

JRO 2016 (Paris, 10-12 mars 2016)

La vasculopathie polypoïdale (VPCI) en angio-OCT (OCT-A)

Angio-OCT (OCT-A) : quelle place pour le suivi des patients présentant une membrane néovasculaire ?

D’après une communication du Dr Mayer Srour (Créteil)

D’après une communication du Dr Pauline Butori (Créteil)

La VPCI a été décrite pour la première fois en 1982 par Yannuzzi à la Macula Society, puis reprise à l’AAO Meeting par Kleiner en 1984. L’avènement de l’ICG puis du SD-OCT a constitué un tournant dans la compréhension de la physiopathologie. Qu’en est-il en OCT-A ? En superposant les images ICG et OCT-A, on constate dans la plupart des cas qu’on ne retrouve pas de signal en OCT-A : le polype est hypo-intense, on ne retrouve pas de flux en son sein. En revanche, on individualise bien le réseau choroïdien normal et le vaisseau pré-épithélial associé. Ceci a été montré dans un article publié par Freund dans Retina en novembre 2015. Dans quelques cas, on retrouve cependant un autre aspect : le réseau choroïdien normal est toujours individualisé, mais on retrouve cette fois-ci en OCTA en lieu et place du polype une zone hypodense avec la présence à l’intérieur de cette zone d’une petite lésion arrondie signalant un flux. Dans d’autres cas encore, sur certains patients, on individualise nettement en OCT-A l’image caractéristique du polype comme une lésion arrondie superposable à l’image ICG. Il y a donc certainement encore des apprentissages et des évo-

L’OCT-A permet d’analyser les effets des anti-VEGF sur les membranes néovasculaires. En prenant l’exemple d’un néovaisseau de type II, l’OCT-A permet d’individualiser un réseau vasculaire à flux élévé tout à fait superposable à la lésion observée en angiographie à la fluorescéine. Huit jours après traitement, on observe un phénomène de fragmentation vasculaire, avec réduction de l’aire lésionnelle et de la densité de flux. Ceci a été décrit par Lumbroso et al. et on note le maximum de réduction vasculaire entre une et deux semaines post-traitement. Mais la lésion régresse dès J1. À un mois, on note un rebond néovasculaire avec augmentation de la taille de la lésion, par reperfusion des canaux préexistants. Richard Spaide explique ces variations morphologiques par un colapsus des capillaires périphériques néoformés qui va entraîner une augmentation de la résistance vasculaire et donc une augmentation du flux dans les vaisseaux persistants et donc une dilatation vasculaire : c’est le phénomène d’artériogenèse, qui est non VEGF-dépendant.

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Les Cahiers

lutions à faire sur la segmentation et la compréhension des images en OCT-A. Chez ces patients, les images en « Volume Rendering 3D » permettent de bien individualiser le branching network et la lésion arrondie correspondant au polype. La discussion sur la raison de l’apparition de cette lésion le plus souvent hypointense donne lieu à plusieurs hypothèses : le flux serait-il inférieur au seuil de détection des appareils actuels ? Se situe-t-il à la périphérie du polype, empêchant ainsi son observation ? Le signal est-il atténué par le polype luimême ? La segmentation est-elle correcte ? Le polype est-il en voie de thrombose (spontanée ou thérapeutique) ? Enfin, est émise l’hypothèse d’un flux « turbulent » (par opposition au flux linéaire du branching network) qui ne serait pas détecté par les machines actuelles. L’OCT-A permet en effet de bien individualiser le branching network. Les polypes, qui apparaissent le plus souvent sous forme de lésions hypointenses, sont probablement en rapport avec un flux sanguin spécifique. Les futures améliorations de l’OCT-A permettront sans doute d’individualiser différents aspects de cette pathologie.

L’angiogenèse est la reprise de la genèse capillaire à partir des vaisseaux préexistants, consécutive à la décroissance des anti-VEGF à la fin du mois post-injection, et à l’augmentation concomitante des VEGF. D’après Spaide, si un néovaisseau est répondeur, il présentera forcément un rebond néovasculaire avec angiogenèse. Il y a donc un remodelage vasculaire majeur qui va s’amplifier au cours du traitement et qui peut être finement observé en OCT-A. Ce remodelage vasculaire est donc cyclique. L’effet thérapeutique va entraîner une artériogenèse qui va se suivre d’un rebond néovasculaire et d’une angiogenèse. Ce rebond est-il un signe précoce d’activité précédant l’exsudation ? La question reste en suspens. L’OCT-A permet maintenant de visualiser précisément ces mécanismes d’une consultation à l’autre et donc de mieux évaluer les forces et faiblesses des traitements actuels.

Grégory Gasson Orthoptiste et Office Manager. Centre ophtalmologique Thiers, Bordeaux. n° 2 • Mai 2016


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Mise au point

Diplopie et diabète Romain Lezé

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a complication oculaire la plus connue chez le diabétique est la rétinopathie diabétique, mais d’autres complications doivent être également recherchées.

Le diabète est une maladie générale chronique dont le diagnostic est posé après dosage glycémique. Elle a pour caractéristique d’évoluer de manière silencieuse souvent pendant de nombreuses années. Le problème étant que si elle n’est pas régulée, l’hyperglycémie détériore progressivement un grand nombre d’organes (yeux, reins, artères, nerfs…). La complication oculaire la plus connue dans cette population est la rétinopathie diabétique, mais d’autres pathologies causées par le diabète doivent être également recherchées par l’ophtalmologiste (figure 1). Il n’est donc pas rare de retrouver comme signe fonctionnel une diplopie chez un patient diabétique. La première étape est d’interroger notre patient notamment sur ses antécédents généraux et ophtalmologiques puis sur les caractères de sa diplopie [1] : - date d’apparition (récente ou ancienne), - mode d’apparition brutal (en faveur d’un mécanisme

vasculaire ?) ou progressif (mécanisme compressif ?), - caractère permanent, intermittent ou transitoire, - horizontale, verticale, oblique ou torsionnelle. Diplopie monoculaire D’origine oculaire (à l’exception d’une atteinte occipitale ou psychogène), elle doit être recherchée avant d’envisager tout bilan orthoptique. À l’occlusion d’un œil, si la diplopie persiste, des éléments tels qu’un problème de surface cornéenne, une réfraction instable [2], une cataracte ou encore une membrane épirétinienne (MER) sont à suspecter. Diplopie binoculaire Devant toute diplopie binoculaire, une paralysie oculomotrice (POM) doit être recherchée. Pour cela, et après contrôle de la réfraction, une étude fine de la motilité oculaire doit être réalisée. Tout bilan orthoptique commence dès la salle d’attente par l’analyse de l’attitude de tête (exemple : un patient

Orgelet

Iridopathie : ≥ transillumination

Rubéose irienne

Rétinopathie diabétique

Cataracte sénile accélérée ≥

Orthoptiste. Centre d’exploration de la vision, Rueil. Centre Explore Vision, Paris. Fondation Rothschild, Paris.

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Papillopathie

sensibilité cornéenne

Réfraction instable

POM

Figure 1. Les complications oculaires liées au diabète.

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Mise au point tournant la tête du côté droit peut présenter une atteinte du droit latéral droit). À l’examen sous écran, la mesure de l’angle en position primaire (en vision de près et de loin) permet de quantifier la déviation. L’étude de la motilité oculaire en versions et en ductions donne beaucoup d’informations sur les hypo-actions et hyperactions musculaires, tout comme l’examen coordimétrique qui est un bon examen quantitatif et très reproductible, donc important pour le suivi (figure 2).

accommodatifs (fréquents chez les diabétiques [2]), les hétérophories décompensées ou une insuffisance de convergence et/ou divergence peuvent en être responsables. On retrouve diverses étiologies dans les POM, certaines étant des urgences vitales (rupture d’anévrysme, maladie de Horton…). Une prise en charge multidisciplinaire est donc indispensable. Le pourcentage des POM d’origine vasculaire augmente avec l’âge. Le diabète peut toucher toutes les paires crâniennes et multiplie par 6 le risque d’être atteint d’une POM microvasculaire et par 8 s’il est associé à une hypertension artérielle [3]. Dans la majorité des cas, ces patients présentent une amélioration de leurs symptômes entre 4 et 12 semaines. Notre rôle est de trouver un moyen pour palier cette diplopie. On doit donc proposer aux patients la pose d’un cache si pas de lunettes, d’un Filmomatt® sur la face postérieure du verre de l’œil atteint ou, si possible, une prismation à l’aide d’un Press-on® en expliquant bien au patient : - qu’il peut y avoir des ajustements de puissances, - que l’opticien doit lui vendre (ou prêter) un Press-on® et non intégrer directement un prisme (plus onéreux). En cas de III complet, on doit penser à confier un cache ou un morceau de Filmomatt® au patient. À distance, si une déviation résiduelle est constatée, une prise en charge prismatique et/ou chirurgicale pourra soulager le patient.

Figure 2. Coordimètre d’un patient diabétique ayant présenté un VI ischémique droit avec récupération partielle à l’examen de suivi.

Enfin, si un doute persiste sur une parésie, le test au verre rouge réalisé en vision de loin peut également révéler une petite limitation passée inaperçue avec les autres examens. Si la diplopie n’est pas liée à une POM ou à un syndrome de restriction, d’autres éléments tels que les troubles

Conclusion L’interrogatoire oriente sur le caractère mono/binoculaire, le bilan orthoptique recherche le caractère paralytique ou non de la diplopie binoculaire. Si une POM est constatée, une prise en charge avec avis neuro-ophtalmologique est nécessaire. Le traitement prismatique et/ou chirurgical est à mettre en place au stade séquellaire de la maladie, mais même en phase aiguë une solution pour supprimer la diplopie doit être proposée.

Remerciements à Nathalie Pilmis et Elisabeth Muller Feuga pour avoir collaboré à cet article.

Bibliographie 1. Audren F, Vignal-Clermont C. Diplopie. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Neurologie, 17-016-A-50,2007. 2. Clenet MF. Déséquilibre binoculaire et diabète. Revue franco-

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phone d’orthoptie 2012;4(1):18-21. 3. Jacobson DM, McCanna TD, Layde PM. Risk factors for ischemic ocular motor nerve palsies. Arch Ophthalmol. 1994;112(7):961-6.

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Mise au point

Diabète et lentilles de contact Nathalie Delhay

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n France, on estime à 3 millions le nombre de patients diabétiques, 3 millions également le nombre de porteurs de lentilles de contact. Quid de leur compatibilité ?

Le diabète n’est pas une contre-indication au port de lentilles de contact. En revanche, ces patients appellent à la vigilance. Dans un article paru en 2012, O’Donnell et Efron passent en revue la littérature scientifique et listent les modifications lacrymales et cornéennes associées à cette pathologie [1]. Le choix d’une lentille (géométrie, matériau) doit toujours avoir pour objectif principal le respect de la santé visuelle du patient. Film lacrymal Des anomalies du film de larmes sont associées au diabète. • Quantité : les études suggèrent que ces patients se plaignent plus fréquemment de sécheresse oculaire [2,3]. La sécrétion lacrymale serait statistiquement inférieure chez les patients diabétiques comparée à celle des sujets sains. Cette diminution serait en lien avec une baisse de la sensibilité cornéenne [4]. • Composition : Gasset et al. [5] notent une corrélation entre le taux de glucose sanguin et la concentration de glucose dans les larmes. S’appuyant sur ce lien, Google développe actuellement une lentille capable d’évaluer la glycémie, en temps réel. Du film lacrymal, une analyse qualitative (tearscope, inclusions, étalement) ET quantitative (hauteur et régularité de la rivière) sont essentielles dans les choix du type de lentilles (LRPG, souples) et du matériau (hydrophilie, agents mouillants, traitement de surface). Conjonctives Les études notent à la fois une dilatation et une tortuosité accrue des vaisseaux conjonctivaux des patients diabétiques mais également une diminution de la densité des capillaires traduisant une ischémie conjonctivale [6,7]. Une lentille souple, en contact avec la conjonctive, devra offrir une perméabilité à l’oxygène optimale et limiter toute indentation.

Orthoptiste. Centre d’ophtalmologie du Mené-Ténénio, Vannes.

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Cornée La cornée est un des tissus les plus innervés du corps humain. Chez le diabétique, on constate une diminution de la sensibilité cornéenne corrélée à la sévérité des kératites [8]. En outre, le rôle de barrière protectrice de l’épithélium est affaibli et les risques de kératite, d’ulcère et d’infection sont majorés. Il est donc essentiel que la lentille de contact respecte l’intégrité de l’épithélium cornéen et que le Dk soit conforme aux normes de port. Le port permanent doit être abandonné. L’adaptation et la surveillance du patient diabétique porteur de lentilles de contact nécessitent une attention accrue. Il est indispensable que l’éducation du patient ait été faite et que les complications et les règles scrupuleuses de renouvellement et d’entretien des lentilles aient été clairement exposées. Cette activité est chronophage et la collaboration ophtalmologiste-orthoptiste est une solution pour conserver une prise en charge médicalisée de la contactologie.

Bibliographie 1. O’Donnell C, Efron N. Diabetes and contact lens wear. Clin Exp Optom. 2012;95(3):328-37. 2. Ramos-Remus C, Suarez-Almazor M, Russell AS. Low tear production in patients with diabetes mellitus is not due to Sjögren’s syndrome. Clin Exp Rheumatol. 1994;12(4):375-80. 3. Seifart U, Strempel I. The dry eye and diabetes mellitus. Ophthalmologe. 1994;91(2):235-9. 4. Dogru M, Katakami C, Inoue M. Tear function and ocular surface changes in non insulin-dependent diabetes mellitus. Ophthalmology. 2000;108(3):586-92. 5. Gasset AR, Braverman LE, Fleming MC et al. Tear glucose detection of hyperglycemia. Am J Ophthalmol. 1968;65(3):414-9. 6. Owen CG, Newsom RS, Rudnicka AR et al. Diabetes and the tortuosity of vessels of the bulbar conjunctiva. Ophthalmology. 2008; 115:e27-32. 7. Worthen DM, Fenton BM, Rosen P, Zweifach B. Morphometry of diabetic conjunctival blood vessels. Ophthalmology. 1981;88(7):655-7. 8. Schultz RO, Van Horn DL, Peters MA et al. Diabetic keratopathy. Trans Am Ophthalmol Soc. 1981;79:180-99.

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Analyse d’article

L’angio-OCT dans la rétinopathie diabétique Farah Gherdaoui 1, Sandrine Ayrault 2

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ette étude pilote prospective a été réalisée au centre médical universitaire d’Asahikawa au Japon et publiée dans l’American Journal of Ophthalmology. Son but était de montrer l’apport de l’angio-OCT dans le dépistage de la rétinopathie diabétique. Elle a montré la capacité de l’angio-OCT à visualiser les changements vasculaires, particulièrement les microanévrysmes, les zones de non-perfusion et les néovascularisations rétiniennes. Ishibazawa A, Nagaoka T, Takahashi A et al. Optical coherence tomography angiography in diabectic retinopathy: a prospective pilot study. Am J Ophthalmol. 2015;160(1):35-44.

La rétinopathie diabétique, première cause de cécité avant 50 ans dans les pays industrialisés, touche une population active et le nombre de patients atteints ne cesse d’augmenter. C’est pourquoi les médecins étudient de nouvelles méthodes pour étudier et dépister cette pathologie. Jusqu’à présent, l’angiographie en fluorescence (FAF), l’OCT et l’examen clinique du fond d’œil permettaient de détecter les lésions vasculaires telles que les AMIRs (anomalie microvasculaire intrarétinienne), les microanévrysmes, les hémorragies, les veines en chapelets ainsi que les zones de non-perfusion et la néovascularisation rétinienne. L’angiographie à la fluorescéine, bien qu’étant l’examen de référence pour l’exploration du plexus vasculaire rétinien, peut provoquer des effets secondaires tels que nausées, allergies cutanées ou, plus gravement, chocs anaphylactiques. L’apport de l’angioOCT permet d’analyser la rétine dans toute sa profondeur tant au niveau du plexus superficiel qu’au niveau du plexus profond. Dans cette étude, l’équipe médicale met en avant la capacité de l’angio-OCT à visualiser les changements vasculaires dans la rétinopathie diabétique particulièrement les microanévrysmes, les zones de non-perfusion et les néovascularisations rétiniennes.

Méthode L’étude a été menée sur une période de trois mois, du 27 août 2014 au 24 novembre 2014, sur 25 patients (47 yeux) répartis entre 17 hommes et 8 femmes atteints de rétinopathie diabétique à différents stades. L’âge des patients était compris entre 32 et 78 ans avec un âge moyen de 61 ans. L’équipe a recensé 11 yeux au stade de rétinopathie

1. Orthoptiste. Service du Pr Souied, Centre hospitalier intercommunal de Créteil. 2. Orthoptiste. Centre d’Imagerie et de Laser, Paris.

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diabétique non proliférante (RDNP) minime, 13 yeux au stade RDNP modérée, 11 yeux au stade de RDNP sévère et 11 yeux au stade de rétinopathie diabétique proliférante (RDP). Trois yeux ont été exclus de l’étude en raison d’importants troubles des milieux, tels que cataractes ou hémorragies intravitréennes, rendant l’examen OCT-A impossible. Pour chaque patient, une mesure de l’acuité visuelle avec une correction optimale a été réalisée, de même qu’un examen du fond d’œil, une FAF, un OCT et un OCT-angio de type Optovue. La méthode d’acquisition était la même pour tous les patients, comprenant une capture centrée sur la fovéa de 3 x 3 mm et 6 x 6 mm dans les zones d’intérêt ainsi qu’une image centrée sur la tête du nerf optique. Les microanévrysmes étaient définis en FAF par la présence de points hyperfluorescents en temps précoce qui diffusent en temps tardif. Les capillaires se terminant par « une forme sacculaire » étaient considérés comme des microanévrysmes. L’étude a cherché à savoir comment les microanévrysmes détectés par la FAF pouvaient être identifiés par l’OCT-A avec un regard sur la mesure quantitative. En ce qui concerne l’analyse des zones de non-perfusion, les auteurs ont tracé une frontière entre les zones ne présentant pas ou très peu de capillaires et les aires dans lesquelles les capillaires à forte densité étaient visualisés. Le calcul des aires était fait en mm2 sur l’OCT-A. L’OCT-A a permis également d’identifier la présence de flux dans la néovascularisation.

Résultats Évaluation des microanévrysmes (figure 1) Sur 42 yeux, les microanévrysmes ont été identifiés en OCT-A comme de petites zones de dilatations focales ou des capillaires fusiformes localisés à la fois au niveau du plexus vasculaire superficiel et du plexus profond. Par

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Analyse d’article ailleurs, certains points hyperfluorescents en FAF ne sont pas clairement visualisés sur l’OCT-A. À l’inverse, quelques capillaires bien marqués à l’OCT-A ressemblent à des microanévrysmes en apparence mais ne sont pas détectés en FAF. Aucun microanévrysme n’a pu être observé en OCT-A au niveau de la rétine externe.

de non-perfusion autour de la macula a pu être réalisée sur 7 yeux. Il en résulte que les zones de non-perfusion au niveau du plexus superficiel sont significativement plus larges que celles du plexus profond. Visualisation des zones de néovascularisation et leur évaluation quantitative (figure 3) Une analyse en OCT-A de la structure des néovaisseaux rétiniens a été faite sur 5 yeux de patients atteints de RDP. Chez ces patients qui ont bénéficié d’IVT d’antiVEGF, on a pu observer en OCT-A quatre semaines après traitement une diminution du flux sanguin au sein des néovaisseaux. Cependant, huit semaines post-IVT, on a observé de nouveau une augmentation du flux sanguin au sein des néovaisseaux qui sont de nouveau actifs.

Figure 1. A. Cliché d’une FAF. Nous visualisons la présence d’une zone arrondie hyperfluorescente pouvant correspondre à des microanévrismes (flèches rouge et blanche). B. Cliché d’un OCT-A au niveau du plexus superficiel. On note la présence d’une lésion punctiforme signant l’aspect d’un microanévrisme (flèche rouge). Le deuxième est retrouvé sous forme d’une lésion fusiforme (zone blanche). C. Cliché d’un OCT-A au niveau du plexus profond. Nous retrouvons les deux lésions sur ce cliché.

Visualisation et quantification des zones de rétine non perfusée (figure 2) Les zones de non-perfusion rétinienne ont été visualisées en FAF comme des zones hypofluorescentes de part et d’autre des gros vaisseaux rétiniens ; elles représentent des occlusions de capillaires intrarétiniens. En OCT-A, des capillaires résiduels et irréguliers sont également clairement observés au pourtour des zones de non-perfusion. Dans certains cas, les auteurs ont observé sur les bords des aires de non-perfusion des vaisseaux dilatés tortueux (AMIRs). Une quantification des zones

Figure 2. A. Cliché d’un OCT-A au niveau du plexus superficiel. On note la présence de capillaires résiduels et irréguliers au pourtour des zones de non-perfusion. B. Cliché d’un OCT-A au niveau du plexus capillaire profond. Tout comme les auteurs, on observe sur ce cliché que les zones de non-perfusion au niveau du plexus superficiel sont significativement plus larges que celles du plexus profond.

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Figure 3. Clichés pris en FAF au temps précoce (A) et tardif (B) chez un patient atteint d’une rétinopathie diabétique proliférante. C. Cliché d’un OCT-A. Segmentation placée au niveau de la lésion prérétinienne. Très belle visualisation du néovaisseau prérétinien. D. Belle image en reconstruction 3D à partir de l’angio-OCT lorsque l’on place la segmentation au niveau du voile néovasculaire.

Conclusion Cette étude a montré que l’OCT-A est capable de visualiser clairement les microanévrysmes et les zones de non-perfusion au sein des différents plexus vasculaires rétiniens. Cette nouvelle technique d’imagerie apporte également des informations quantitatives sur les néovaisseaux. L’OCT-A est aujourd’hui un nouveau moyen, utile cliniquement, pour évaluer les effets thérapeutiques dans la rétinopathie diabétique. Cependant, ce nouveau mode d’imagerie présente tout de même des limites car dans certains cas la baisse de flux sanguin au niveau des néovaisseaux indique une baisse d’activité de la maladie sans pour autant nous donner une certitude sur la disparition totale des néovaisseaux.

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Interview

Le réseau de dépistage de la rétinopathie diabétique Ophdiat Dr Ali Erginay, interview réalisé par Farah Gherdaoui

L

e Dr Ali Erginay, praticien hospitalier plein temps à l’AP-HP, est l’un des pionniers du réseau de dépistage de la rétinopathie diabétique (RD) Ophdiat, le Pr Massin en ayant été la fondatrice. De nombreuses sociétés savantes ou organismes tels que l’American Academy of Ophthalmology (AAO) ou la Haute Autorité de santé (HAS), recommandent un dépistage annuel du fond d’œil (FO) chez les patients diabétiques. Cependant, la moitié des patients diabétiques ne bénéficient pas d’un dépistage de leur FO. La RD, première cause de cécité dans les pays industrialisés et qui touche actuellement 900 000 personnes en France, est devenue un problème de santé publique majeur. Le nombre de patients diabétiques ne cesse d’augmenter en France alors que celui des ophtalmologistes, à l’inverse, diminue. À l’image de certains pays de l’Europe du Nord et afin de répondre à ce besoin, le Pr Massin et le Dr Ali Erginay ont organisé un réseau de télémédecine : Ophdiat, né en 2004.

Le réseau Ophdiat : un réseau au-delà des frontières Pourriez-vous nous décrire le réseau Ophdiat en pratique ?

DR ALI ERGINAY. Le réseau Ophdiat, c’est 37 sites de dépistage en France et dans le monde, dont un en Amérique du Sud (Guyane) et à l’Ile de la Réunion, et un centre de lecture situé à l’hôpital Lariboisière. Au sein des centres de dépistage, les orthoptistes et infirmières réalisent à l’aide de caméra non mydriatique des clichés des FO des patients diabétiques. Chaque patient, adressé par son médecin traitant, bénéficie de deux clichés par œil : un centré sur la macula et l’autre sur le nerf optique. Ces images ainsi que les données cliniques telles que l’Hba1c et la TA, essentielles à l’interprétation du diagnostic, et les données administratives sont envoyées via une messagerie sécurisée au centre de lecture.

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Par qui et comment sont analysés ces clichés ?

Les images stockées dans un serveur de l’AP-HP sont traitées dans un délai de moins de 48 heures par des ophtalmologistes vacataires de l’hôpital. Il y a 7 médecins lecteurs à Lariboisière qui interprètent 1 400 images par mois, ce qui représente 50 patients par vacation (3,5 heures). Un compte rendu avec le diagnostic et la conduite à tenir est envoyé en PDF au centre dépisteur. Selon vous, qu’est-ce qui garantit la fiabilité de l’analyse ? Chaque cliché est relu par un deuxième ophtalmologiste. S’il existe une discordance entre la première et la deuxième interprétation, un troisième lecteur interviendra. Cependant, ce cas de figure reste rare : par exemple, une concordance des interprétations a été de 95 % en 2015.

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Interview Existe-t-il des critères spécifiques pour minimiser le taux d’images non interprétables ?

La prise des images doit se faire sous certaines conditions définies par l’HAS. En effet, les deux photos couleurs de chaque œil doivent être de 45 degrés. Pour la transmission, le taux de compression des images doit être inférieur à 10:1 Jpeg et une résolution supérieure à deux millions de pixels est requise. Il existe aussi des directives pour assurer une certaine qualité à la lecture des images : la taille de l’écran doit être supérieure à 19 pouces et la lecture se faire dans un environnement avec une luminosité adaptée. Pour ce type de réseau, une procédure d’assurance-qualité doit être mise en place pour contrôler régulièrement le pourcentage de photographies non interprétables et des formations de rattrapage pour les opérateurs. Quels sont les projets d’avenir pour Ophdiat ?

À moyen terme, nous espérons devenir un réseau régional. Le nombre de vacations dédié à l’interprétation des clichés devrait tripler pour répondre à la demande grâce à la participation des ophtalmologistes en libéral aux lectures.

En parallèle, nous travaillons sur le développement d’une caméra non mydriatique portable qui a pour fonction d’augmenter le nombre de patients dépistés dans les zones rurales ce qui permettra d’améliorer le dépistage de la RD. Pour finir, selon vous quelle est la place de l’orthoptiste dans ce type de réseau ?

« Tandem », voici le premier mot qui me vient à l’esprit… Au cours de ces dix dernières années, le métier d’orthoptie a énormément évolué avec l’avènement des techniques d’imagerie. Aujourd’hui, les orthoptistes sont devenus indispensables au sein de la consultation d’ophtalmologie. Depuis février 2014, ils peuvent participer activement au dépistage de la RD en réalisant de façon autonome les clichés des patients qui seront analysés a posteriori. La délégation de tâches, qui avait toute son importance avec le développement de l’imagerie, prend d’autant plus son sens avec le dépistage de la RD par télémédecine.

ont collaboré à ce numéro

Nous remercions également, pour leurs conseils avisés, les rédacteurs en chef des Cahiers d’Ophtalmologie

Maté Streho Ophtalmologiste. Responsable du .com Centre Explore Vision, Paris. Centre d'Exploration de la Vision, Rueil-Malmaison. Hôpital Lariboisière, Paris.

Vincent Gualino Ophtalmologiste. Clinique Honoré Cave, Montauban.

Sandrine Ayrault Orthoptiste. Centre d’Imagerie et de Laser, Paris. Nathalie Delhay Orthoptiste. Centre d’ophtalmologie du Mené-Ténénio, Vannes. Grégory Gasson Orthoptiste et Office Manager. Centre ophtalmologique Thiers, Bordeaux. Farah Gherdaoui Orthoptiste. Service du Pr Souied, Centre hospitalier intercommunal de Créteil.

Thomas Gaujoux Ophtalmologiste. Nîmes.

Romain Lezé Orthoptiste. Centre d’exploration de la vision, Rueil-Malmaison. Centre Explore Vision, Paris. Fondation Rothschild, Paris. Vivien Vasseur Orthoptiste. Fondation ophtalmologique Adolphe de Rothschild, Paris. Centre ophtalmologique Maison Rouge, Strasbourg.

Avec le soutien institutionnel de *

Les Cahiers une nouvelle revue pour les orthoptistes à l’initiative du Sandrine Ayrault, Nathalie Delhay, Grégory Gasson, Farah Gherdaoui, Romain Lezé, Vivien Vasseur

*La science pour une vie meilleure

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