LES RÉCITS DE FORESTA Restons Branchés !
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lundi 29 OCTOBRE 2018 ou comment commencer à marcher par la racine… Avec le 1000 pattes
L’histoire du site de foresta Il était une fois au nord de Marseille un site exceptionnel, une colline argileuse au dessus de la mer. Longtemps, on y a cultivé la vigne et prélevé la matière première pour des ateliers de poterie. Au XIXe siècle, la colline a renoncé peu à peu à ses activités agricoles et artisanales pour alimenter les tuileries du bassin de Séon et accueillir des quartiers industrieux et populaires. Le château du Marquis de Foresta surplombait la colline jusqu’à ce que les batteries allemandes du Frioul le bombardent en 1944. L’exploitation de la carrière avait alors cessé et la pinède bastidaire où les familles du quartier venaient pique-niquer le dimanche est devenu un terrain d’aventures entre les ruines. Quelques décennies plus tard, le projet de centre commercial Grand Littoral redessine les pentes et le paysage. L’espace en contrebas devient “la coulée verte”, identifiée dans les plans d’urbanisme comme grand site à vocation sportive ou de loisirs. Mais le temps semble se suspendre pour ces terrains qui, en dépit de ces intentions, sont depuis des années à la limite de l’abandon. L’histoire se remet en marche en 2015 avec l’acquisition de ces terrains par la société Résiliance. Leur rencontre avec le collectif Yes we camp, puis avec la coopérative d’habitants Hôtel du Nord et l’équipe du Bureau des guides du GR2013 crée les conditions pour proposer une utilisation collective et expérimentale de ces 16 hectares à ciel ouvert.
De nombreuses balades et rendez-vous collectifs ont permis peu à peu d’imaginer et de tester l’idée d’un parc, espace de loisirs mais aussi outil pour produire, partager et apprendre à partir des ressources locales et avec ceux qui vivent là.
Un premier petit groupe s’est retrouvé à Foresta, non pas sous un arbre...
Un premier petit groupe s’est retrouvé à Foresta, non pas sous un arbre, mais sous une ombrière en cannes de Provence, fabriquée collectivement avec le collectif SAFI il y a quelques semaines pour apporter de l’ombre là où les arbres ne sont pas… Nous avons le temps d’un pique-nique pour définir un peu plus précisément ce qu’on voudrait chercher en prenant l’arbre pour guide. Quelles sont nos questions, envies, intuitions, qui se cachent derrière l’arbre qu’aujourd’hui nous interpellons ?
Envahisseur, opportuniste, lanceur d’alerte ? Vincent se lance et nous raconte ses interrogations autour de l’Ailante. Dans son quartier du côté de l’Estaque, cet arbre, originaire de Chine et importé en occident lors de l’engouement pour les « chinoiseries » ornementales, est communément regardé comme un « invasif ». L’Ailante semble pousser partout et à grande vitesse. Alors entre la valeur qu’on a pu y donner par le passé (il a été largement utilisé comme arbre d’ornement tant dans les jardins que dans les espaces publics) et son possible statut de plante invasive à combattre aujourd’hui, que penser?… Ce cas de l’Ailante devient encore plus passionnant quand Dalila nous explique que l’Ailante fait partie de ces arbres qui aiment les terrains remués, appauvris voire dégradés. Plus qu’une invasive on pourrait dire que c’est une « opportuniste », elle sait très bien profiter du goût de l’humain des villes à décaisser, remblayer, déplacer les terres et les laisser devenir les coulisses de la construction. Par sa multiplication, on pourrait même considérer qu’elle « donne l’alerte », qu’elle nous interpelle sur la manière dont nous gérons la terre sur laquelle nous habitons. Dans le jardin de Vincent, le bosquet d’ailante est devenu un sujet important, à contenir mais aussi transformer. Outre l’ombre qu’elle apporte à cette colline aride, l’Ailante permet à la compagne de Vincent de réaliser des sortes de totems avec les rejets et branches d’Ailantes qui chaque année se développent rapidement. À aller voir! Foresta étant tout à fait caractéristique de ces terres urbaines dégradées, s’intéresser à l’ailante et à ce type d’arbres, dans toutes les ambiguïtés et tensions qu’il révèle, nous semble motivant. D’autant plus que la Canne, qui est à l’origine de l’ombre qui nous abrite, fait également partie de ces espèces à la fois considérées comme invasives mais développant des stratégies pour trouver les ressources des lieux (par exemple l’eau), et elle-même devenir une ressource sur ces terres dégradées par les hommes.
Nous décidons ainsi cette année de mener une sorte d’enquête autour de l’Ailante et de la Canne (où, pourquoi et comment elles habitent, leurs usages et leurs histoires, comment elles peuvent devenir de la ressource et des histoires à partager).
De foresta à forêt : petite histoire d’un territoire prohibé À partir de cette première histoire, il nous apparaît évident qu’il est nécessaire de prolonger cette question de la « survie » sur des terrains aussi difficiles que les terrains remués et transformés de Foresta. Mais avant ça, revenons au nom « Foresta ». Ce n’est pas que le nom d’une famille noble provençale et de son château, d’une zone d’opération militaire, d’un creux industriel, d’un terrain d’aventures. C’est aussi dans l’histoire du mot le terme pour désigner un terrain interdit, mis au ban, sur lequel on ordonne de ne pas habiter ni cultiver, dans l’intérêt de la chasse seigneuriale. Apparait ainsi le verbe Forestare, « mettre au ban ». Et comme la chasse aime les animaux qui aiment les bois, Forestare a donné Forêt ! Redonner de l’usage collectif à un terrain qui s’appelle Foresta ? Une fois qu’on connait cette étymologie et l’histoire des lieux, là encore, ça motive !
Habiter sur les ruines Mais si la notion de « territoire mis au ban » résonne bien avec notre situation locale, force est de constater qu’il n’y a pas, presque plus, de forêt à Foresta. Y en a-t-il eu un jour ? Et comment se débrouillent les rescapés pour vivre là malgré les bouleversements urbains, ou les nouveaux venus qui ont choisi malgré les embruns salés, malgré le vent, malgré le manque d’eau et la terre appauvrie de s’installer là ? Ces arbres spécialistes de la survie nous questionnent et nous avons envie d’aller les rencontrer. Nous décidons donc qu’un volet des explorations sera consacré à les inventorier, comprendre leurs stratégies et écouter ces arbres qui sont là, témoins d’un autre temps ou au contraire agiles pour survivre en conditions particulièrement difficiles.
Au pied de mon arbre (puis-je vivre heureux ?) Et nous dans tout ça ? Quelles sont nos relations plus intimes avec un, deux, dix arbres ? Quelles sont nos histoires d’arbres ? Il y a celles qui s’imbriquent intimement dans notre vie et notre mémoire, comme ces quelques arbres du boulevard Henri Barnier qui quand on écoute Dominique finissent par raconter toute l’histoire de sa maison. Ou la petite oliveraie où va se ressourcer près de chez elle Isabelle. Mais il y aussi ces arbres qui portent des légendes, des luttes, des mémoires plus collectives dont ils peuvent devenir un témoin, un complice. Ils se trouvent à côté de chez nous ou un peu plus loin, ils nous relient. Parfois nos histoires d’arbres deviennent aussi un sujet de conversation au quotidien. Comment on les taille chez soi ou dans l’espace public, comment avec eux ou parfois contre eux on marque son territoire, comment ils fixent des usages mais aussi des frontières dans un quartier ? En écoutant les histoires d’arbres de Stéphanie au centre-ville (notre pique-nique a eu lieu quelques jours après les premiers arrachages d’arbres sur la Plaine) et celles de Sylviane à Saint Henri, nous réalisons comment les arbres d’un quartier deviennent à la fois un sujet qui engage du commun mais également du conflit. Nous décidons alors de nous montrer ces arbres singuliers, d’écrire et de se raconter nos histoires intimes avec eux, et aussi de partir sur les traces de Sylviane pour explorer plus en détail une partie de Saint Henri, où l’entretien des arbres au quotidien est une conversation active entre voisins. Et puis on finit en se rappelant la puissance poétique et imaginaire des arbres. On se souvient alors qu’Alice au Pays des merveilles y bascule en tombant dans un arbre, que même les botanistes et scientifiques comme Francis Hallé font appel à la poésie pour nommer ce qu’on peut s’apprendre, et que la dimension affective que l’arbre déclenche chez l’homme en fera un excellent guide de balades à plusieurs voix !
LES RÉCITS DE FORESTA Les Récits du 1000 pattes
Les explorations botaniques
Animé par la coopérative d’habitants Hôtel du Nord, le 1000 pattes est un groupe ouvert de voisins (proches ou lointains) qui partent régulièrement en voyage tout à côté de chez eux… Nous explorons et enquêtons dans nos quartiers pour rencontrer, apprendre, agir. Nous créons ainsi des balades à partager au moment des Journées Européennes du Patrimoine puis toute l’année. On vient quand on veut, quand on peut, et même quand on ne vient jamais on peut suivre à distance nos aventures grâce à ces petits récits que l’on reçoit par mel, un peu à l’ancienne, entre correspondance et carnet de voyage.
Les explorations botaniques sont des balades qui invitent à faire ensemble l’inventaire de la flore de Foresta. Guidées par les artistes-cueilleurs du collectif SAFI et les botanistes de l’association Espigaou, par ailleurs habitants de cette partie du territoire, elles permettent d’observer pour se constituer peu à peu une connaissance commune et partager ce que nous raconte le monde végétal des lieux où nous vivons. Les explorations botaniques sont une proposition du collectif SAFI et d’Espigaou dans le cadre de Foresta, un projet porté par Yes We Camp en collaboration avec Hôtel du Nord.
Les conversations marchées
Les conversations marchées sont des invitations lancées par le collectif SAFI et le Bureau des guides du GR2013 à des scientifiques, écologues, botanistes, naturalistes… pour marcher ensemble et éclairer notre regard sur Foresta. Ils nous donnent à voir et à comprendre ce qui constitue nos paysages de proximité, les enjeux qui les traversent et en quoi ils participent d’un écosystème. Les conversations marchées font partie du programme européen Nature 4 Citylife.
LES RÉCITS DE FORESTA Par de multiples marches d’exploration, nous prenons le temps de collectivement observer Foresta. Au travers ses sols, ses arbres, ses paysages, ce site a beaucoup à nous apprendre sur la biodiversité en ville mais aussi sur l’histoire industrielle et sociale de Marseille. En collectant et racontant ses multiples histoires nous espérons contribuer à prendre soin de ces lieux et à les vivre en commun.
www.hoteldunord.coop www.gr2013.fr parcforesta.org