Fanzine 2024 n°1 - Paysage pas sage

Page 1

àjuin
dejanvier

Entre-deux-villes

En-Quéte de terres

Renouer avec la canne

Sunrise

Quel·le marcher·euse étes-vous ?

Index Club de lecture

Courrier des lecteurices

Fanzine composé avec la BBB POPPINS, typographie comprenant des glyphes inclusifs, la COMPAGNON (velvetyne.fr) et la BRINCA.

CONCEPTION GRAPHIQUE alouettesanstete.com newsletter
p. 4 p. 6 p. 16 p. 13 p. 18 p. 20 p. 22 p. 24

our célébrer les 10 ans du GR2013, on avait en 2023 imaginé des petites éditions simples, faites maison et un peu foisonnantes pour partager les chemins de pensées, de rencontres et de lectures qui habitent nos marches.

Le sens qu’on a pu trouver à les concevoir, vos retours quant au plaisir de les lire, nous amènent à poursuivre ces vagabondages en mode Fanzine, au rythme des saisons et de nos pas à pas.

Cette année 2024, on l’a commencée avec le Tarot de l’eau ! Imaginé à partir des recherches et de l’imaginaire du Collectif des Gammares, ce jeu (lui aussi fait maison*) ne donne pas vraiment d’orientation, mais peut accompagner à partir des récits de l’eau nos désorientations.

Jouer pour questionner, apprendre, sentir. Jouer pour se mettre EN QUÊTE... Nous avons choisi de marcher 2024 sur des chemins de quêtes et d’enquêtes. Petit jeu de mot facile pour dire un constat complexe : nous ne trouverons pas de sens à notre quotidienneté si nous ne nous rendons pas sensibles aux relations et aux inter-dépendances dans lesquelles nous habitons.

Comprendre comment ce qui arrive à l’agriculture de Sainte-Marthe ou de Berre-l’Etang est lié à la crise de l’aide alimentaire, qui va avec ce qui pose problème dans la construction d’Euroméditerranée, qui hérite aussi de l’histoire longue du port, qui nous rappelle à l’Étang de Berre, qui nous renvoie au pétrole, aux anguilles, au plastique, aux bouteilles d’eau, au canal, à la société des eaux, au Plan Local d’Urbanisme, aux sols, à l’air...

Pour tout ça, on a besoin d’enquêtes !

Elles peuvent prendre plein de formes, partent toujours de l’observation pour nous emmener dans des rencontres, des lectures, des perceptions, des explorations...

Ces enquêtes ont toujours été au cœur de la pratique des artistes-marcheur·es, et nous allons tenter d’un peu plus les partager : trouver des manières de les rendre plus collectives, d’en faire les liens entre les communautés qui, d’année en année, accompagnent et s’accompagnent de nos marches.

Nous allons aussi prolonger des expériences d’enquêtes qui nous inspirent, comme celle de Douce France qui filme les lycéen·nes de Gonesse à la rencontre de la possible urbanisation des terres agricoles, ou les multiples démarches qui émergent ici et là autour de la recherche de l’eau et des sols.

Et dans nos mirages de l’année encore un peu vague, on perçoit l’horizon d’une EN-QUÊTE PUBLIQUE qui nous réunirait cette automne, alors que l’enquête publique autour du PLUI organisera pour un certain temps l’usage de nos sols métropolitains.

Chiche ?

*Vous pouvez vous le procurer lors d’un Dimanche aux Aygalades à la Cité des arts de la rue, au Frac Sud - Cité de l’art contemporain, ou encore au studio Fotokino.

P
É D I T O

Entre-deux villes

Après dix années d’observation photographique des paysages de la métropole marseillaise depuis le sentier de grande randonnée GR2013, l’exposition Paysages Usagés propose de découvrir cette œuvre collaborative à travers une installation qui met en scène cette ressource documentaire avec les archives du projet. Les récits des « adoptants » des points de vue se mêlent aux interviews d’auteur·es et penseur��s invité·es à commenter les images.

L’IMVT ouvrira ses portes au public pour proposer 4 temps de conversations, afin d’apprendre ensemble à lire l’évolution de nos paysages métropolitains.

Au programme : un vendredi soir de conférence avec des invité·es, suivi d’une balade le lendemain pour découvrir certains points de vues du territoire à partir du regard d’étudiant·es en architecture accompagné·es des conférencier·es et de Nicolas Memain.

Késako ?

4 balades qui se jouent au cours d’une journée d’hiver entre deux villes situées sur le GR2013, le lendemain d’une conférence à l’IMVT avec des chercheur·es- commentateur·es de l’Observatoire Photographique des Paysages.

SAMEDI 10 FÉVRIER

Entre Aubagne et Marseille par la vallée de l’Huveaune

UNE MARCHE DE NAPOLLON

À LA PENNE-SUR-HUVEAUNE.

(+ le 9 février conférence de Paul-Hervé Lavessière, géographe et urbaniste & René Borruey, architecte et historien).

SAMEDI 17 FÉVRIER

Entre Vitrolles et Aix à travers le plateau de l’Arbois,

UNE MARCHE DE AIX-TGV

À LA DURANNE.

(+ le 16 février conférence de Sabine Barles, professeure d’urbanisme et aménagement & Matthieu Duperrex, philosophe et auteur).

4

SAMEDI 24 FÉVRIER

Entre Vitrolles et Martigues en suivant les eaux de la Cadière, UNE MARCHE DE PAS-DES-LANCIERS

À MARIGNANE.

(+ le 23 février conférence de Frédérique Mocquet, architecte et chercheuse & Baptiste Lanaspeze, éditeur et auteur).

SAMEDI 2 MARS

Entre Châteauneuf-les-Martigues et Lavera à travers le massif du Rove, UNE MARCHE DU BOLMON

À LA PLAINE DE SAINT-JULIEN.

(+ le 1er mars conférence de Sarah Vanuxem, autrice et chercheuse en droit & Véronique Mure, botaniste et ingénieure en agronomie).

Je te salue, Thuya.

Petit sapin des villes, dans ta chevelure grasse aux petits picots qui piquent l’épaule grêle de l’enfant recherchant son ballon, tu es fier, ô Thuya, de protéger les propriétés. Chien méchant mais... sapin. Et souvent, à la nuit tombée, quand le chien dort dans un filet de bave, que l’arroseur automatique fait des bruits de criquets, alors, grâce à toi, c’est les Vosges dans toute la France. C’est les Vosges en Bretagne, c’est les Vosges en Allemagne, c’est les Vosges en Bosnie-Herzégovine. Toi, CRS végétal qui piétines de ton ombre les mauvaises herbes qui partent en pleurant de ta toxicité en se frottant les yeux.

Tu protèges les petits du vent et du carnage des villes, tu fais croire aux enfants que le monde se finit là.

Tu autorises leurs mères à mettre des maillots de bain avec très peu de tissu. Thuya, tu es infranchissable, tu occultes aux yeux des passants un monde merveilleux où s’étale un gazon extatique, des rocailles sauvages et des rhododendrons de délices, et langoureux.

Tu as choisi ton camp, ou alors, c’est eux qui t’ont planté là, et t’ont forcé à les garder, alors peut-être, tu montres les pics parce que tu as peur peut-être de perdre ton emploi, ou peut-être au fond de toi tu regrettes la douceur des forêts.

Alors bon, ce soir, Thuya, ce matin... Thuya, malgré ta traîtrise, je te regarde dans les yeux et je te dis franchement : salut.

Poème de Jean-Noël Mistral (Chronique sur Radio Nova)

retranscrit et découpé par Nicolas Memain

5

En-Quéte de terres

L’année dernière nous avons marché à la recherche des “terres communes”, entre reliques jardinées ou enfrichées du terroir marseillais, initiatives de solidarités alimentaires, luttes foncières et ré-installations paysannes. Ces marches nous ont confirmé à quel point il était nécessaire de rendre plus complexe (pas compliqué !) notre rapport à la fois à l’alimentation, aux sols, à la subsistance, pour sortir de l’impuissance infernale de nos mondes industriels. Nous embarquons ce printemps dans plusieurs enquêtes pour revisiter nos relations à la terre mais aussi les modèles de production alimentaires dans lesquelles se construisent à la fois nos habitudes et nos alternatives. On ouvre les pistes en multipliant les rencontres, et on partagera tout ça dans la grande En-Quête Publique de cet automne. En-Quête de terres est un chemin d’enquêtes parcouru avec la Cité de l’Agriculture, le tiers-lieu de Tour-Sainte, la ferme de Capri, Terre de partage et d’entraide, le COMAC, le collectif Sols vivants Terres fertiles, l’Après M, l’Atelier paysan, les Jardins de Julien, les paysan·nes de Sainte-Marthe, l’APHM et le MUCEM.

6

ALIMENTERRE (mon cher Watson)

Issue de la rencontre avec des médecin·es et nutritionnistes de l’Hôpital de la Timone, des personnes concernées par les problèmes alimentaires et le MUCEM, Alimenterre est une série de balades-ateliers et un guide de cueillette conçus par le collectif SAFI pour se relier à l’alimentation par la marche.

“Souvent on réduit les problèmes alimentaires à ce qu’on met dans son assiette, mais maintenant on sait que ce n’est pas que ça, qu’il y a du stress, et souvent aussi la tentative de trouver sa place. Oui, ça a à voir avec l’enquête de soi !

Ce projet me touche particulièrement car je suis concernée par cette traversée-là.

À un moment, j’ai découvert comment les plantes pouvaient être mes alliées. Il y a quelques années, je suis tombée sur le collectif SAFI au Parc Urbain des Papillons, qui nous proposait de nous transformer en papillons pour goûter des tisanes. Cette invitation poétique à profiter d’un temps d’observation et de dégustation en conscience m’a marquée. J’ai continué à m’intéresser à la diversité des plantes, à comment elles peuvent devenir mes amies, et m’aider à donner du goût à des gestes.

Par l’identification des plantes, on peut donner du sens à ce qui nous entoure et aussi à soi, en apprenant à les voir autrement que comme des mauvaises herbes. La terre, c’est un lien qui nous sécurise. En ville, on a perdu cette relation qui permet de se sentir quelque part. Marseille était une ville où l’agriculture était très présente il n’y pas si longtemps, avec une production maraîchère bonne pour la santé. Je trouve ça important aussi de se rappeler ça.

On peut s’alimenter avec des choses qui sont belles, qui sont bonnes à manger, mais aussi avec des savoirs, des conversations et en apprenant à regarder autrement. C’est ce que permettent la marche et les artistes. Alors on va inviter des gens à se mettre en mouvement. Les soignant·es vont apporter leur part d’éducation à l’alimentation et avec les artistes, on va amener le plaisir, le goût de connaître, de rencontrer des gens et au final de se sentir bien dans la nature, même celle qui subsiste en ville, ce qu’on a parfois oublié. Se sentir à la maison.”

Manuela Joguet, chargée des publics du champ social et du handicap au MUCEM

7
Retrouvez la suite du roman photo...

LUNDI 8 AVRIL

L’ÂGE DE FAIRE : À CUEILLIR

Une enquête-atelier au ras du sol pour découvrir le tiers lieu de la TOUR SAINTE avec le collectif SAFI, reconnaître les plantes qui y habitent et écouter les histoires qu’elles nous confient.

L’Atelier Paysan

L’Atelier Paysan accompagne la conception et le colportage des technologies paysannes. Les auteur·es, paysan·nes, syndicalistes et militant·es, sociétaires de la coopérative, font le constat que les alternatives paysannes, aussi incroyablement riches soientelles, s’avèrent totalement inoffensives face au complexe agro-industriel, plus prédateur que jamais. Ils ont mené pendant plusieurs années une enquête approfondie des pratiques du monde agricole qu’ils ont restituée au travers d’un manifeste Reprendre la terre aux machines.

VENDREDI 24 MAI

CONFÉRENCE

ET DISCUSSION avec Jean-Claude Balbot de l’Atelier Paysan suivie d’une

PROJECTION en plein-air du documentaire

Douce France

de Geoffrey Couanon.

dès 18h

JARDINS DE JULIEN

Restauration sur place à prix libre.

SAMEDI 25 MAI

Durant la journée : ATELIER BOTANIQUE

de l’agriculture urbaine

DIMANCHE 26 MAI

«À CUEILLIR» à Tour Sainte et jardin de Julien

10h30 : DISCUSSION avec JC

Bulbot : «Comment les fermes, jardins partagés et centres sociaux peuvent travailler ensemble la question de la subsistance ?» à la Ferme de Capri

10

PAGES

EXTRAITES de «Reprendre la terre aux machines : manifeste pour une autonomie paysanne et alimentaire» de L’ATELIER PAYSAN. Le Seuil, 2021

11
12

Renouer avec la canne

Le 20 janvier 2024, Dalila Ladjal du collectif SAFI donnait une conférence à la médiathèque Jorgi Reboul à Septèmes-les-vallons sur un sujet qu’avec Stéphane Brisset, son complice, ils explorent depuis bien longtemps : la canne de Provence. Artistes, marcheur·es, cueilleur·es, i·els nous proposent, Renouer avec la canne, des ateliers pour retrouver les gestes et usages de la canne, comme une réponse collective aux problématiques de gestion des cannier·es sur les berges de nos rivières. Voici quelques extraits de la conférence avant que vous ne rejoignez l’aventure !

COMMENT AS-TU RENCONTRÉ

LA CANNE DE PROVENCE ?

En marchant le long du ruisseau des Aygalades et en raison de mon intérêt pour le tressage des végétaux, je suis attirée par la possibilité de créer des objets avec les matériaux que je récolte lors de mes balades. Jusque là, je tressais avec la matière première

qui est la plus utilisée pour le tressage : le saule. Je le faisais venir de régions plus humides telles que les Alpes ou la Haute Provence, où il pousse plus abondamment. Je le commandais soit sec et je le trempais moi-même, soit déjà trempé, mais dans tous les cas, son transport en camion et le processus de trempage nécessitaient beaucoup d’efforts. Il me fallait creuser une fosse de la taille de ma plante de 4 voire 5 mètres, pour mettre mes bottes de saule et le faire tremper. je me suis dit : “c’est pas possible qu’ici, la matière première n’ait été que le saule. Toute la manip’ qu’il y a à faire : il y a un truc qui va pas !” Et je me suis mise en quête d’un matériau que je pouvais utiliser à proximité avec plus de légèreté, de liberté.

ET DONC ARUNDO DONAX !

Oui, je dis toujours «la canne, la canne, la canne !» comme s’il n’y en avait qu’une seule. En réalité, il existe différentes espèces, celle que j’utilise et que l’on trouve le long des Aygalades est l’Arundo Donax.

La canne est une plante vivace c’est à dire qu’ une fois qu’elle s’installe quelque part, si elle s’y plaît, elle y reste. Sa meilleure manière d’être dispersée est de se confier à l’action humaine. Et comment nous, humains, allons la disperser cette plante ? Et bien, en fragmentant ses rhizomes ! En travaillant la terre, on va couper un morceau et en la transportant dans l’autre champ à côté, parce qu’il a des racines, ce morceau de rhizome va pouvoir repousser. Il s’agit d’une plante archéophyte, ce qui signifie qu’elle est présente ici depuis avant 1500 après JC. Bien qu’elle ne soit pas originaire de la région méditerranéenne, cette plante est implantée depuis si longtemps qu’elle est désormais intégrée à notre flore archéologique. Elle vient de la vallée de l’Indus, cette région structurée autour du fleuve Indus. Dans cette vallée fertile, diverses civilisations ont prospéré, dont les Harappéens, qui ont été parmi les premières à mettre en place des systèmes d’agriculture très sophistiqués. À cette époque, les tuyaux en plastique n’existaient pas ! Alors, qu’utilisaientils pour mettre en place un système d’irrigation ? Mais bon sang cette plante est creuse !

13
© Brune De Bollardière

QUELS USAGES

EN PROVENCE ?

Depuis les temps anciens jusqu’aux années soixante, la canne a été utilisée de manière constante et polyvalente. Elle servait à fabriquer des nasses à poissons, des emballages, des paniers de cueillette, et était largement employée en agriculture pour la fabrication de tuteurs. Un autre usage extrêmement important était celui lié à la musique.

Cependant, l’usage de la canne a commencé à décliner dans les années 40 et 50 avec l’avènement du plastique. Avec l’arrivée des tuyaux en plastique, leur fabrication devenait tellement aisée ! Tout à coup, les cannes étaient remplacées presque partout. Les gens les rangeaient par taille et grandeur dans des magasins, déjà coupés, évitant ainsi le besoin de se pencher pour en chercher dans la rivière. Cette transition vers le plastique a entraîné une quasi-disparition des gestes liés à l’utilisation de la canne. Pour nous, méditerranéen·nes, le cannier représente un patrimoine et une ressource extraordinaire que nous aurions tout intérêt à préserver. Par cet oubli, va faire que le cannier n’est plus utilisé mais continue à pousser...

ET À UN MOMENT IL VA Y AVOIR DES PROBLÈMES

D’INVASION…

Il va y avoir trop de canne, on va dire : “Oh là là, il y a vraiment beaucoup de canne, beaucoup trop même.» À tel point que l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature) s’inquiète et la classe comme une plante envahissante à l’échelle mondiale. Aux États-Unis en particulier, où les rivières urbaines en regorgent, cette classification a une influence significative sur notre perception de la canne.

Les problèmes causés par la canne sur les berges sont nombreux. Par exemple, lorsque le sol est humide, le poids des cannes sèches agit comme un levier, entraînant l’érosion complète de la rive où elles étaient accrochées.

Il y a des agences qui ont tenté d’imaginer des manières dont on pourrait se débarrasser des canniers.

Généralement, la technique utilisée implique un système de broyage et de bâchage. Il faut souvent arracher les plantes et niveler un peu la terre pour permettre le passage du broyeur, qui est souvent lourd et large. Ce dernier soulève la terre sur une profondeur d’environ 30 cm pour atteindre les rhizomes. On dirait un rhinocéros la machine ! Ensuite, il est nécessaire de recouvrir la zone de bâches opaques pour empêcher la repousse des rhizomes pendant environ 11 mois.

ALORS QU’EN FAIT…

Tout ce système racinaire a au départ un énorme avantage : si on ne laisse pas la canne faire levier, si on la prélève régulièrement, elle va soutenir les berges et ce rhizome va faire comme un tissage, une armature. On s’est dit c’est trop bête, c’est violent ces machines qui arrivent sur les berges. On a certes éliminé la canne mais on a tout éliminé : tout ce qu’il y avait dans le sol, la vie, les champignons, tout ce qui pouvait fabriquer une rive vivante.

Peut-être qu’il y a une alternative ?

La canne c’est plutôt pas mal quand on l’utilise, c’est plutôt joli de voir une nasse, une sculpture, une canisse. Et si on réapprenait à faire des choses comme ça ?

WORKSHOPS

Renouer avec la canne

4 & 5 mars 2024

AYGALADES

14 & 15 juin 2024

HUVEAUNE

Ce workshop s’inscrit dans le cadre des actions portées par le collectif de Gammares qui réunit des associations et acteurs actifs le long du ruisseau des Aygalades à Septèmes-les-Vallons et à Marseille. Il fait partie des actions soutenues par l’EPAGE HuCa et a également vocation à tisser des liens entre communautés riveraines des fleuves côtiers Aygalades et Huveaune.

14
15 © Stéphane Brisset

Sunrise

«N

ous occupons des sols variés, des territoires disparates, et portons des mémoires spécifiques, mais tous ensemble, nous contemplons le même lever de soleil.»

«Cette expérience de désorientation vise à ressentir et partager d’autres récits urbains. Elle débutera par une veillée, une première mise en commun de goûts, de sons et de récits. Après quelques heures de sommeil en mode bivouac, la marche commencera dans la nuit qui ne sera jamais complètement noire, et nous rencontrerons rapidement le massif.

C’est alors que débutera l’ascension, une immersion dans le nocturne avec nos corps. Au sommet, deux ciels étincellent, celui des étoiles et celui de la ville. La musique pourra alors émerger, tendue vers l’aurore, avec des variations dans la lente recomposition du paysage. Éveillés par un concert attentif à nos perceptions, nous écouterons le soleil se lever sur Marseille. Cette expérience est une invitation à contempler et revisiter, à travers ce geste simple, nos liens avec ce qui constitue notre espace de vie, et qui demeure.»

SAMEDI 18 MAI DE 18H

À DIMANCHE 12H

UN BIVOUAC-CONCERT

Avec Juri Caneiro et Sanvad Trio, le collectif SAFI, les associations Rives et cultures et Chantecler et la communauté du GRAIN de la Vallée. En partenariat avec la ville de la Penne-sur-Huveaune, le GRAIN de la Vallée et avec le Sunrise Project développé en Toscane par les organisations italiennes La Fattoria di Germagnano et CasermArcheologica. Dans le cadre de la Biennale des écritures du réel.

Quel·le marcheur·euse

étes-vous ?

Le mot «marcher», d’origine francique, issu de «marka» signifiant frontière, symbolise le déplacement d’un lieu à un autre en faisant une série de pas à une allure modérée. En cette année 2024, marquée par les Jeux Olympiques, il y a la course à Paris et la course aux paris. Les préparatifs des infrastructures et des équipements soulèvent des questions sur notre relation à la ville et aux corps. En adoptant la posture du marcheur·e urbain, on ressent souvent le désir que la ville ralentisse. La marche peut être sportive, mais elle doit également demeurer contemplative. Nous, les marcheur·euses, apprécions la lenteur. Certain·es parleront de mobilité douce, pour nous, c’est plutôt une mobilité aigre-douce. En marchant en ville, nous choisissons la durabilité : moins de pollution, moins de dépendance aux énergies fossiles et aux véhicules motorisés. Mais nous rencontrons aussi des limites, notamment avec la priorité accordée aux modes de transport mentionnés précédemment. Alors à quoi ressembleraient les Jeux Olympiques de la marche urbaine ? Des épreuves telles que le saut de barbelés, le lancé de poèmes, la course de désorientation, le 4 fois sans maîtres, l’altérophilie (porter des inconnus), le trampo-ligne de tram ? Enfilez vos chaussures et découvrez quel type de marcheur vous êtes !

18

Avant de partir, vous enfilez :

1-6. Des chaussures de randonnée. J’adore marcher en forêt, à la campagne ou à la montagne.

4. Des chaussures adhérentes. J’adore escalader des bâtiments abandonnés.

5. Des baskets. Mes balades ne sont pas contraignantes mais je me pare à d’éventuels détours imprévus.

2-3. Qu’importe, je marche en ville.

Vous préférez marcher : 1-2. Seul·e.

3-4. Avec des ami·es.

5-6. Avec votre groupe.

Pour vous, la marche est l’occasion :

2. De rêver en léchant les vitrines des grands magasins

1. De se laisser envahir par le sublime des paysages grandioses

4. De ressentir l’adrénaline d’une pratique risquée et illégale

6. De faire communauté grâce à la bonne ambiance d’un groupe sportif soudé

3. D’une aventure ludique et festive

5. De relier différentes communautés et composantes territoriales entre elles

Pendant la balade, vous vous perdez dans vos pensées et butez sur un grillage :

1-6-Tant pis ! je fais marche arrière et retrouve le sentier.

3-4-Super ! j’adore transgresser la propriété privée, vous sautez par-dessus le grillage.

5-2-Mince ! un paysage singulier et attirant s’étale au-delà du grillage, je regarde s’il y a un trou dans le grillage.

Vous faites une pause et prenez le temps de regarder autour de vous :

2. Je scrute la foule foisonnante depuis l’avenue d’une grande ville.

4. J’observe une ruine depuis le toit instable d’une usine abandonnée.

1-6. Je contemple la nature depuis une table panoramique ou depuis la crête d’une montagne.

5. J’invente une histoire sur le détail d’une infrastructure remarquable.

3. Je me laisse imbiber par les contrastes des ambiances d’un quartier.

Finalement, vous rentrez à la tombée de la lueur, vous êtes content·e si :

1. J’ai découvert de nouveaux endroits splendides

6. J’ai profité d’un bon moment convivial

4. Je me suis surpassé·e

3. J’ai vécu une belle aventure

2. J’ai réussi à me perdre

5. Je comprends mieux le territoire

Quel est votre adage ambulant ?

1-« J’ai la nostalgie d’une de ces vieilles routes sinueuses et inhabitées qui mènent hors des villes... une route qui conduise aux confins de la terre... où l’esprit est libre »

2-« Flâner est une science : c’est la gastronomie de l’oeil »

6-« La marche c’est d’abord et avant tout quelque chose d’utilitaire quelque chose que nous savons tous faire à partir de l’âge d’un an, c’est dommage d’oublier ce mode de transport, ce mode de déplacement qui est le premier mode de déplacement chez les Français »

3-« La formule pour renverser le monde, nous ne l’avons pas cherchée dans les livres, mais en errant »

5-« La marche collective comme palabre ça commence très simplement, c’est partir marcher et se raconter des histoires. Et de proche en proche, dans le temps long du processus, se réinventent (ou se redécouvrent) de potentiels communs territoriaux. »

4. « Ne rien prendre à part des photos, ne rien laisser à part des traces de pas, ne rien tuer à part le temps.”

19
ThoreauDavidHenri BalzacdeHonoré/ DebordGuy/ClartéMarianne Ninjalicious/DevilletAntoineMuer,deJulie Chapman][Jeff

Vous étes un·e promeneur·euse ! Romantique dans l’âme, vous poursuivez comme Henri David Thoreau avant vous l’appel des paysages grandioses et la béatitude qu’offre la nature.

Vous étes un·e flaneur·euse !

Tel Baudelaire ou Balzac, vous battez le pavé des grandes villes sans but aucun si ce n’est de dévorer par vos yeux le paysage urbain mouvant.

Vous étes situationniste ! Pour sortir des schémas classiques de déplacement et de cartographie, vous dérivez à la recherche d’aventures et de contrastes urbains.

Vous étes un·e urbexeur·euse !

Les vestiges du passé vous attirent inéluctablement dans des lieux abandonnés ; usines, métros, toits, chantiers, sous-sols, monuments sont vos terrains

Vous étes un·e artiste marcheur·euse ! Votre art n’est pas confiné aux musées, il est constitué des paysages, des gens, des rencontres. C’est une beauté en situation qu’il faut vivre collectivement.

Vous étes un·e randonneur·euse de la FFRP !

Vous avalez les distances avec votre groupe et avez déjà parcouru plusieurs GR. Les sentiers n’ont plus de secrets pour vous et constituent votre richesse partagée.

20
1. 2. 3.
4. 5. 6.

Index

L’INDEXreprésente le deuxième doigt de la main, celui qui guide et oriente, mais aussi celui qui donne la parole en public.

Dans nos balades nos guides connaissent la route (et tant d’autres choses), mais ce sont aussi les marcheur·euses, avec leurs récits et leurs anecdotes, qui enrichissent les explorations et notre répertoire de connaissances.

À l’échelle de la métropole et de la bio-région, les marches explorent une diversité de sujets, allant des trames de continuité écologique aux enjeux de l’eau, en passant par la vie animale et végétale en milieu urbain, les particularités des sols, les décisions d’aménagement urbain, et ses histoires. Initiée par une poignée d’artistes marcheurs, la création du GR2013, ce chemin de 365 km représente «une œuvre d’art en soi, équivalant à la réalisation de 1000 tableaux » (Baptiste Lanaspeze).

Après une décennie d’existence, de nouveaux artistes (photographes, sociologues, paysagistes, artistes, historien·es ou urbanistes..) ajoutent leur touche en ouvrant de nouvelles voies d’exploration et de réflexion qui laissent autant de place au corps qu’à l’esprit, à la connaissance sensible. «C’est dans cette complexité qu’on pourra peut-être un jour comprendre le territoire pour mieux penser son devenir ». Antoine Devillet, un guide exceptionnel. À l’École des Guides, les maîtres mots sont : bienveillance, retours constructifs et échange de connaissances. Vous nous suivez ?

21/01 2024

QUAND ARRIVE LE PRINTEMPS

Christophe Galatry

Une balade est une fusion de sensations et de connaissances, mêlant émerveillement pour l’imprévu et attention aux traces du passé. En laissant nos sens vagabonder et en observant chaque détail, des indices historiques aux changements climatiques, nous traverserons les époques, des temps gallo-romains à l’ère pétro-anthropocène, explorant vestiges et témoignages historiques. En compagnie de Christophe Galatry, photographe et marcheur, qui anime l’association par ce passage infranchi depuis 2009 en exploration de la ZIF autour du Golfe de Fos

27/01 2024

SUR LES TRACES DES OBJETS QUI SE VENDENT

SUR LES TROTTOIRS DEPUIS 200 ANS

Louise Gras

Une balade dans l’arrière-zone portuaire de Marseille révèle l’histoire du commerce de rue, des ruelles de la porte d’Aix à la place de Strasbourg. À travers les vestiges, souvenirs et archives, nous retraçons un écosystème marchand séculaire, tout en questionnant sa place dans l’évolution urbaine.

Louise Gras, doctorante en sciences politiques au labo art-dev à l’université Paul Valéry, travaille dans le cadre de sa thèse sur l’histoire du marché aux puces de Marseille, et sur la façon dont l’Etat et la municipalité gouvernent des espaces commerçants populaires.

22

EN VOISINAGE

Raphaël Caillens 09/03 2024

Biotope urbain et convivialités : d’un milieu sécrété par les habitants à un milieu programmé et façonné par la techno-structure. Une traversée des métamorphoses urbaines engendrées par Euroméditerranée, serpentant entre les chantiers et gratte-ciels comme des interstices et vestiges urbains.

Jardinier poète et artiste marcheur, habitant de la Cabucelle Marseille 15ème depuis 1999, Raphaël Caillens est un témoin à ce titre de la transformation urbaine du secteur d’Euroméditerranée et de ses marges.

ÉCLAIRS VERTS DANS LE BITUME

Anjelika Solé 13/04 2024

Explorez les mystères des plantes sauvages des rues, nichées dans les brèches urbaines du quartier Vauban. Des jeux et exercices écologiques vous attendent pour semer des idées vertes. Terminez par une ascension sur la colline de Notre-Dame. Préparez vos baskets !

Après son master en biologie, Anjelika Solé part étudier les singes dans une forêt indienne puis les dauphins et les tortues marines en Mer Rouge en Egypte. Désormais médiatrice scientifique au Muséum de Marseille, elle anime de multiples sorties découverte de la biodiversité urbaine.

LA PROFONDEUR DU TEMPS

Elsa et Caspar Noyons 20/04 2024

LE SAUVAGE EN VILLE

Yoann Thubin 16/03 2024

Partez à la découverte du quartier pour explorer ses habitants souvent méconnus : mousses, lichens, plantes, oiseaux, insectes, etc. La vie sauvage s’invite de plus en plus en ville, un aspect essentiel à prendre en compte dans le développement urbain. Venez ouvrir l’œil pour le découvrir ! Photographe/vidéaste, naturaliste et médiateur scientifique, Yoann Thubin travaille depuis plusieurs années à faire découvrir les sciences et les milieux naturels à travers l’image, l’immersion, l’échange et les arts visuels.

Une exploration à travers les époques géologiques, reliant l’histoire climatique de notre planète à notre quotidien autour de l’étang de Berre. Sur 4,9 km, découvrez les 490 millions d’années depuis l’émergence de la vie jusqu’aux extinctions massives. Le paysage côtier révèle l’impact des cyanobactéries et du plancton, formant des réserves de carbone transformées en divers produits modernes. Cette marche entre passé et futur nous invite à réfléchir sur notre environnement. Quels secrets nous réserve le prochain kilomètre ?

Caspar et Elsa, d’Amsterdam, ont étudié l’architecture et l’art. Caspar crée des maquettes, des dessins et des installations exprimant des concepts scientifiques à travers un langage poétique. Elsa, quant à elle, observe l’évolution lente de son environnement et conçoit des jeux d’exploration pour encourager différents points de vue. Ils vivent et travaillent désormais à Marseille.

23

LA RÉVOLUTION D’UN SEUL BRIN DE PAILLE

Au cours des 40 dernières années, Masanobu Fukuoka a témoigné avec indignation de la dégénérescence de la terre et de la société japonaise. Déterminé à ne pas abandonner l’agriculture traditionnelle, il mit au point une méthode d’agriculture sauvage demandant moins de travail et causant moins de dégâts à la nature qu’aucune autre méthode tout en maintenant les mêmes rendements à l’hectare que les paysan·nes voisin·es. Dans cet ouvrage, il décrit la méthode elle-même et pourquoi il croit qu’elle offre un modèle pratique et stable de société basée sur la simplicité et la permanence.

Masanobu Fukuoka fait preuve d’une compréhension profonde des interactions entre l’agriculture et les autres aspects de la culture. Il sent que l’agriculture sauvage a son origine dans la santé spirituelle de l’individu. Il considère que la guérison de la Terre et la purification de l’esprit humain sont la même chose et propose une manière de vivre et de cultiver où ce processus puisse se réaliser.

RÉVEILLER LES ESPRITS DE LA TERRE

Des pratiques chamaniques aux rites totémiques, des revendications pour les droits à la terre aux efforts visant à s’incarner en tant que territoire pour faire face à l’accélération des politiques destructrices des habitats, les Warlpiri et leurs voisin·es du désert central australien considèrent que les esprits de la terre, de l’eau et de l’air expriment leur colère lorsque les humains transgressent certaines lois d’équilibre, qui revêtent une dimension à la fois sociale, environnementale et cosmologique pour ces gardiens et gardiennes de sites sacrés. Cette sagesse ancestrale trouve écho et actualisation dans de nombreuses situations à travers le globe. Barbara Glowczewski nous transporte de l’Australie à la France, de la Montagne limousine à la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, en passant par la Guyane et la Polynésie Française, en relatant les diverses stratégies déployées pour «résister au désastre». Elle met en lumière la créativité des luttes contemporaines qui émergent contre une relation prédatrice à la terre devenue hégémonique.

LA SAGESSE DES LIANES

En créole, « lyann » désigne ce qui permet de faire cercle, de faire corps ensemble, mais aussi d’encercler les dominant·es par une fine trame de conjurations continuelles : depuis les fuites et les sabotages jusqu’à l’insurrection générale, en passant par les pratiques de contre-plantation du « jardin nègre ». Dénètem Touam Bona rend ici hommage à la sagesse des luttes pionnières « indigènes » contre la marchandisation intégrale du vivant dont l’anthropocène n’est que l’ultime avatar.

24 E l
CollectifSAFI RaphaëlCaille n s
saNoyons
COUP DE
DECOUP COUP DE
Club lecture

BUNKER ARCHEOLOGIE

Les blockhaus du Mur de l’Atlantique, témoins du danger d’une époque révolue où l’Europe se barricadait de toutes parts, illustrent encore aujourd’hui l’illusion des remparts, dans une période où les murs et les fortifications reviennent hanter l’horizon de l’Histoire. Ce premier ouvrage de l’urbaniste, architecte et philosophe Paul Virilio (1932-2018) jouit désormais d’une grande renommée auprès des passionnés d’architecture et de photographie. Enfant de Nantes ayant vécu les tourments de la Seconde Guerre mondiale, Paul Virilio propose le fruit d’une recherche itinérante de plusieurs années le long de la côte atlantique française. Mêlant une approche philosophique à des traits architecturaux où prédomine le minéral, il explore le dénuement du Mur de l’Atlantique.

CABAS ET CONTAINERS

AMarseille, au sein même de l’économie locale portuaire, au milieu des friches industrielles héritées du XIXème siècle et des chantiers de grands projets urbains, une place marchande transnationale orchestrée par de petits entrepreneurs d’origine étrangère s’est durablement installée. Depuis sa formation au moment de la décolonisation jusqu’à sa forme récente dans un espace européen en redéfinition, cette place marchande recomposée au gré des réglementations politiques et économiques connecte les Nord riches et productifs aux Sud pauvres et consommateurs. Tout d’abord établie dans le cœur historique de la cité, elle rayonne, aujourd’hui, sur d’autres marchés dans la ville et, par-delà la Méditerranée, sur d’autres places marchandes. De Marseille à Istanbul, de Tunis à Oran et Dakar ou Abidjan, la ville prend place dans un monde international d’échanges. Ce dispositif commercial est le résultat d’initiatives individuelles lancées au sein des groupes migrants établis dans la ville. Les travaux réunis dans cet ouvrage abordent ces activités bien mal nommées informelles.

CULTURES BUISSONNIERES

Depuis une dizaine d’années, la question de « la nature en ville » a fait son chemin chez les aménageur·es, les écologues, les acteur·es culturels... Cet atlas rassemble des démarches convergentes, issues de ces différents mondes, pour proposer de nouvelles façons de voir et de faire la ville. Par la richesse et la complexité de ses relations avec la nature, Marseille constitue un laboratoire privilégié pour étudier cette nouvelle donne dans les relations entre monde urbain et monde naturel. Par-delà ses espaces naturels souvent célébrés – littoral, collines, calanques, Marseille recèle, à l’intérieur même du tissu urbain, une quantité d’espaces naturels publics ou privés, mais aussi des friches, interstices, qui permettent à de nombreuses plantes et animaux de vivre parmi nous.

ChristopheGa l ta r y L ouiseGras YoanThubin
COUP DE DECOUP COUP DE

Courrier des lecteur·ices

VOICI MA RECETTE DU COUP DE FOUDRE 2024 :

- Commencez par mener 1 enquête minutieuse.

- Payer symboliquement 1 droit de passage.

- Ensuite suivre la 1ere cascade.

- Faire attention à ne pas gêner les sangliers.

- Emporter avec soi de l’eau potable ET quelques cailloux.

- Suivre ensuite 1 canal où la pêche est interdite.

- Arrivé à des ruines, regarder s’il ne reste pas l’âme d’1 paysan tracée dans la mémoire de la terre.

- Se laisser porter par quelques légendes.

- Découvrir l’ancien moulin tout prés.

- Pénétrer lentement dans le moulin et se laisser frapper voluptueusement par 1 coup de foudre.

- Faire jaillir alors de nos entrailles

1 chant séculaire.

- et se laisser emmener par le rituel de ce lieu.

- Prendre un peu d’argile et se dessiner 1 symbole sur le visage.

- Pour le chemin du retour, traverser 1 pinède en ramenant ses déchets.

- Revenir au point de départ en gardant en tête et en cœur ce protocole du coup de foudre !

Violette Magallon

Du ripisylve vers l’oppidum

Sous les ulves, le soleil se levait comme des sourcils soulèvent progressivement un front, amenant dans la plaine des tonalités montantes de la nuit. Une pluie circulaire et émincée arrosait l’oppidum. Quelques pierres non loin de là roulaient de façon quasiment imperceptible vers ce dernier pour recueillir un peu de cette rosée matinale.

Il y avait du ripisylve dans l’air ce matin là. Ce vent survenait parfois après le dernier quartier de lune. Il se faufilait entre les folioles ailées du pistachier lentisque.

Ce dernier sentait ses racines chatouillées par les pierres calcaires trans-humantes non loin de lui.

Ce matin-là, au bout de ses racines récentes, une nouvelle sensation. Un jus épais infiltrait le sol. L’odeur forte qui en émanait lui était inconnue. Le pistachier n’avait pas la capacité de voir les couleurs mais ses racines étaient très sensibles. Elles sentaient un voile de nuit qui l’enveloppait par le sous-sol. Un voile chaud, comme près d’un feu. Ce fluide venait compléter ce qu’il puisait habituellement dans la terre. Il ne savait pas s’il devait essayer de le contourner en faisant tourner ses racines ou s’il devait les orienter directement dans cette source nouvelle. Dans le doute il décida d’attendre un peu pour sentir.

Quelques minutes passèrent. Il s’écouta respirer. Ses expirations lui semblèrent plus longues que d’habitude. Le ciel s’étirait, il inspirait. Le clair du matin montait dans les airs, en vapeur au-dessus de son inflorescence cylindrique.

Puis ses feuilles se mirent à frémir. Il sentit tout se précipiter en lui. Le liquide semblait monter dans sa sève jusqu’à elles. Ses fruits mûrissait au fil de ses pulsations, la sève tournant plus vite en lui, sous son écorce. Il se sentait activé. Sa résine perlait.

Sa gomme s’épaississait. Quelques larmes. Elles tombèrent dans la nouvelle micro mare concentrique dans le creux de ses racines. Elles venaient se mélanger sans se confondre. Il se senti comme protégé par cette nouvelle alliance et laissa cette sensation se propager et remonter le long de son tronc, encore et à nouveau. Son veinage était bien vivant.

Peu à peu, ses fruits avaient une teneur différente, un aspect qui avait visiblement changé - peut-être pas dans leur noyaux mais dans leur enveloppe. Cette transformation semblait éloigner les Sultanes. Elles avaient arrêter de mâcher ses grains pour rendre leur souffle plus agréable, le matin à jeun. On ne lui préleva plus ses boules de mastic pour en faire du pain ou les mettre au four. Les hommes ne vinrent plus couper son bois pour fumer leurs fromages. On arrêta de cueillir ses fruits, de les porter à ébullition, de les placer dans un sac de jute qu’un être venait

piétiner pour en extraire le jus. On arrêta de diluer son suc dans le thé ou de l’étaler sur le dos de certains êtres humains. On arrêta de l’utiliser pour éclairer les maisons. Tout cela s’arrêta. Son feuillage persistant se développait et grandissait. De temps en temps, quelques une de ses larmes tombaient à la surface de la mare dans le sol drainé. Sa gomme tendait vers le bas, en stalagtite, pour la caresser dans le creux de son tronc. Frémissant de tous ses pores, il décida de rester - ainsi et ici - pour de se tenir au plus près de ce fluide présent dans ses racines, de s’accorder à lui : ensemble, sentir les rosées, accueillir les nuits tombantes, entendre les pierres roulantes.

Delphine Wibaux

27
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.