L'étang perpétuel : laboratoire plastique Pamparigouste

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L’EXPÉDITION PAMPARIGOUSTE ET LE TROU DANS LA CARTE Tout commence par une trouvaille et une histoire. La trouvaille, c’est une carte routière Michelin, éditée en 2015, sur laquelle ne figure pas l’étang de Berre. L’histoire c’est celle de Pamparigouste, une légende un peu oubliée d’une île surabondante et pourtant mystérieusement inaccessible, et dont la trace dans nos mémoires contemporaines reste une expression populaire à la lisière de l’insulte : « Va donc t’y faire voir, à Pamparigouste ! » C’est à partir de la combinaison inédite et décalée de ces deux récits, qui n’auront de cesse au fil des années de se transformer dans leurs interprétations et interpénétrations, que le Bureau des guides du GR2013 réunit en 2019 une première équipe d’artistes, de chercheurs et de riverains pour mener une exploration de la lagune. L’étang est alors perçu par cet équipage à la fois comme un milieu à défendre et comme une piste pour recomposer l’imaginaire de la transition écologique en incarnant les ruines d’une certaine modernité. Commence alors un voyage à pied et sur l’eau, une enquête territoriale pour chercher des histoires et tisser des récits en lien avec la résilience de l’étang de Berre. Ces premières aventures collectives créent des rencontres avec des communautés riveraines mais aussi scientifiques d’ici ou de plus loin, notamment avec l’équipe de la goélette Tara qui revient alors d’une longue campagne de prélèvement et d’analyse des plastiques et micro-plastiques contenus dans les océans. QR code : balade sonore de l’expédition Pamparigouste carte : Atlas routier Michelin, 2015



L’ÎLE C’EST L’ÉTANG : LE RÉCIT INVERSÉ Marchant sur les rives, l’artiste Dalila Ladjal du collectif SAFI, partage son impression de toujours être en train d’accoster sur une île. Jean-François Mauffrey, un scientifique du LPED (Laboratoire population environnement développement) associé à l’expédition, répond que, de son point de vue d’écologue, l’écosystème qui a le plus de caractéristiques insulaires, c’est l’étang lui-même ! Eau saumâtre prise en étau entre l’eau douce des rivières et l’eau salée de la mer, il abrite une biodiversité qui lui est spécifique et il est fragile face aux perturbations qu’elles soient anthropiques ou climatiques. Il se comporte alors comme une île dont l’écosystème est si spécifique que toute intervention extérieure risque de le perturber fortement. Pamparigouste devient grande inversion : l’île qu’on cherchait était l’étang lui-même, et là où l’on croyait marcher, on naviguait. Si l’étang devenait l’île, les fées de la légende deviennent alors toutes celles et ceux qui l’habitent, y portent un usage, humains et non humains couvertes de boues rouges. L’équipage change alors de nature et accueille les moules, les sternes, les sédiments, les apprentis navigateurs observateurs, les techniciens Seveso attentifs, les pêcheurs sentinelles, les vacanciers curieux, les zostères persévérantes se composant et se recomposant sans cesse aux fils des voyages. L’expédition se transforme ainsi peu à peu en assemblée et ses marches en traversées… carte : l’étang de Berre comme une île, Adrien Zammit



DES MARCHES COMME FORMES DIPLOMATIQUES Au fil des voyages, des rencontres mais aussi des confinements, les récits de l’étang et de ses habitant·es s’accumulent, parfois en tension ou s’amplifiant les uns des autres, parfois en contradiction. La marche collective va alors apparaître comme un art de la diplomatie, générant un espace de conversation, un espace à la fois neutre et fragile permettant de s’intégrer dans des conversations déjà ouvertes – entre le végétal et le bâti, entre la pierre et le béton, entre l’atmosphère et le sol, entre les habitant·es et les aménageurs, entre la géologie et l’histoire… Quatre traversées furent ainsi organisées entre septembre et octobre 2020. Quatre grandes marches imaginées comme des navigations et tissant les histoires ensemble en formant une polyphonie précaire entre zones incendiées, mistral, pandémie, barrières et épisodes cévenoles. S’agrégeant aux fables de l’expédition initiale, ces centaines de riverain·es, artistes et chercheur·ses marchant ensemble, prenant le temps de se conter et raconter leurs manières de saisir des récits de l’étang, sont devenus les co-auteur·ices d’une épopée qui ne pouvait que se poursuivre… photo : Traversée de Pamparigouste Vitrolles, Grégoire Édouard, 2020



LES ORIGINES DU LABORATOIRE PLASTIQUE En 2019, une rencontre improbable a eu lieu : les membres du Tara, la célèbre goélette qui sillonne les mers traquant les plastiques et microplastiques à l’international, est venue sur la lagune. Il n’y a aucune donnée solide sur la présence de ces polluants. La société ouvrière rassemblée autour du pétrole, aujourd’hui en déprise, fait place à une autre société, celle dont le plastique est le nouveau sol. Le plastique s’est immiscé dans tous nos modes de vie. Et on n’y connaît rien. Le comité d’accueil : 8 vies pour la planète, le Gipreb, l’IECP, Chrome, des jeunes explorateurs des bases de voiles et les artistes du GR2013 et leurs associé·es à la recherche de Pamparigouste. L’équipage décide alors de se recomposer en Laboratoire pour pister ce que ces plastiques disent de nos sociétés. Comment un laboratoire peut aussi être l’occasion d’assembler des communautés de l’étang ? Comment les différentes recherches menées, artistiques, scientifiques, sociologiques, citoyennes, peuvent-elles être plastiques elles-mêmes et s’infléchir les unes les autres ? Comment la recherche elle-même peut-elle permettre aux riverain·es de l’étang de se constituer en société concernée avec les chercheur·euses ? Comment la science participative peut-elle faire émerger de nouvelles questions et de nouvelles manières d’enquêter, plus proches du type de savoirs et de pratiques de recherche dont nous avons besoin pour mieux s’accorder aux exigences de notre époque ? photo : arrivée du Tara sur l’étang de Berre, Grégoire Édouard, 2019



SUR LE CHEMIN DU PLASTIQUE Aujourd’hui, il est bien connu que l’ensemble des océans sont contaminés par les plastiques provenant essentiellement des activités humaines sur les continents. Ce qui bien est moins connu en revanche c’est le chemin que ces plastiques ont emprunté pour traverser ces zones côtières, entre le moment où ils sont rejetés par les fleuves et le moment où ils atteignent l’océan. Suivent-ils simplement les courants marins ? Quelle est la proportion des plastiques qui se retrouvent déposés sur les plages ? Combien d’entre eux ont coulé et se sont accumulés dans les sédiments et ne seront jamais aperçus ? Combien de temps séjourneront-ils ici ? Vont-ils être plus facilement dégradés dans les zones côtières ? Constituer un risque plus important pour les organismes vivants ? En pistant leurs cheminements, peut-être apprendrons nous à observer comment les filières de l’emballage et du déchet pourraient être repensées ? En prenant l’exemple de l’étang de Berre comme un laboratoire naturel, les membres du Bureau des guides du GR2013, de l’IECP, du Gipreb, de l’Inrae et de Chrome ainsi que les artistes du collectif SAFI, Camille Goujon, Maxime Paulet, Camille Fallet et Sylvain Maestraggi, se sont regroupés pour former le Laboratoire plastique de Pamparigouste. Une nouvelle aventure pour tenter de répondre à ces questions. photo : une bouteille à l’étang de Berre, IECP



Le Bureau des guides du GR2013 C’est l’association qui rassemble les marcheurs, artistes, producteurs, architectes, chercheurs et animateurs associés au GR2013. Il propose de multiples manières de marcher à partir du sentier métropolitain et dans l’ensemble de la métropole pour mieux observer, percevoir et connaître ce qui nous environne. Tout au long de l’année, le Bureau des guides fabrique une programmation d’actions sur le sentier et dans les communes qu’il traverse, avec les artistes-marcheurs, les artistes impliqués dans des démarches de paysages et d’écologie, et toujours en co-construction avec celleux qui vivent ou travaillent sur les territoires. En s’associant aux collectivités, aux opérateurs culturels, éducatifs et scientifiques ainsi qu’aux associations locales, il propose des rendez-vous réguliers et des événements spécifiques in situ et à destination de tou·tes. Par le biais de marches, conférences, expositions, performances artistiques et culinaires, il invite à partager des histoires du territoire dans les paysages. Ces rassemblements deviennent ainsi des aventures collectives où l’expérience et le récit nourrissent une culture commune. photo : traversée de Pamparigouste Vitrolles‚ Grégoire Édouard, 2020



L’institut écocitoyen et son Observatoire Citoyen de l’Environnement L’Institut écocitoyen pour la connaissance des pollutions a été créé en 2010 pour répondre aux inquiétudes des habitants du pourtour du golfe de Fos et de l’étang de Berre, exposés aux pollutions de toutes natures. Des attentes auxquelles ni les moyens de suivi de l’environnement, ni les connaissances scientifiques lacunaires n’arrivaient à répondre, car trop simplistes ou pas assez précis. Il aura donc fallu l’indignation et la mobilisation citoyenne pour construire un organisme de recherche autonome, multi-acteurs, et spécialement dédié à la santé environnementale. C’est pourquoi le développement de l’Institut s’est toujours fondé sur la place des citoyens au cœur de son fonctionnement. Cette vocation s’est concrétisée en 2013 par la naissance de l’Observatoire citoyen de l’environnement Voce*, à l’issue de trois ans de travail avec un groupe d’habitants et d’usagers de l’environnement et avec le soutien du programme ministériel Repère. Aujourd’hui, grâce à l’implication des volontaires, leur formation scientifique, leur présence continue sur le territoire, la connaissance de son histoire, l’Observatoire Voce produit des données pertinentes, et assure une interface entre les citoyens et les chercheurs, réunissant ainsi deux mondes généralement très éloignés. Grâce à l’expression de leurs inquiétudes, les volontaires permettent également à l’équipe de l’Institut écocitoyen d’identifier les grandes questions de santé environnementale, encore inexplorées. Voce assure ainsi à l’expertise le lien nécessaire à la réalité d’un territoire, et permet d’élaborer des études en adéquation constante avec les enjeux locaux. *Volontaires de l’Observatoire citoyen de l’environnement

photo : journée collective Laboratoire plastique de Pamparigouste, Marielle Agboton, 2023



G-EAU Christelle Gramaglia est sociologue à l’Inrae au sein de l’UMR G-Eau de Montpellier, un laboratoire qui travaille sur l’eau sous toutes ses formes : celle qui monte et déborde, celle qui fait défaut, celle qui arrose… et malheureusement celle qui est polluée ! C’est à ce titre qu’elle s’intéresse aux déchets plastiques qui dévalent les bassins versants et se retrouvent, par exemple, dans l’étang de Berre. Christelle a embarqué avec l’équipage Pamparigouste pour observer la manière dont les pratiques scientifiques se transforment quand elles tiennent compte des préoccupations citoyennes. Elle aura à cœur d’interviewer, avec ses acolytes, les participants aux collectes de plastiques participatives – mais aussi d’autres personnes qui, de près ou de loin, nous permettront de raconter autrement l’histoire des déchets plastiques de l’étang de Berre ! L’Unité mixte de recherche Gestion de l’eau, acteurs et usages (Inrae-IRD-Cirad-BRGM et AgroParisTech) regroupe 90 chercheurs et ingénieurs de plusieurs disciplines qui s’intéressent à la gestion intégrée des ressources en eau et aux risques environnementaux qui y sont associés (inondation, sécheresse, pollution) avec des approches appliquées et participatives. Rattachée à l’I-site Muse, G-Eau est membre d’Icireward, centre Unesco dédié à l’eau à Montpellier. G-Eau contribue au projet Laboratoire plastique Pamparigouste en menant une enquête sociologique qualitative destinée à comprendre comment sont produits les savoirs sur les plastiques de l’étang de Berre en collaboration avec les riverains et usagers de la lagune. photo : portrait de Christelle Gramaglia, Marielle Agboton, 2023



Le laboratoire CHROME L’Unité propre de recherche Chrome (UPR7352) de l’Université de Nîmes est un laboratoire de recherche qui a pour but d’évaluer le niveau de risques associé à un environnement perturbé / contaminé pour les populations et écosystèmes. Pour cela, il examine les phénomènes liés à l’émergence et / ou la chronicité de ces risques, et déterminent la façon dont il faut aborder leur prise en charge. Un des axes thématiques de recherche de l’UPR concerne l’étude des risques associés aux « contaminants chroniques et émergents » et dans lequel s’intègre ce travail sur les plastiques en zones côtières. Sylvain Rigaud, membre de Chrome depuis 2014, était présent avec l’ensemble des membres du consortium lors de la venue du Tara en 2019. Il est intégré au sein du volet physico-bio-géo-chimique du Laboratoire plastique de Pamparigouste, et s’est plus particulièrement impliqué sur l’étude des sédiments. Il a encadré le stage de M2 d’Alexios MaragkoudakisVasilakis en 2023 sur l’étude des microplastiques dans les sédiments de l’étang de Berre et participera à son co-encadrement entre septembre 2023 et juin 2024 avec l’Institut écocitoyen pour la connaissance des pollutions, pour caractériser les quantités de microplastiques dans la masse d’eau, les plages et les flux par les différents tributaires. photos : UPR Chrome, université de Nîmes, Sylvain Rigaud



LE Gipreb Le Gipreb (Groupement d’intérêt public pour la réhabilitation de l’étang de Berre) a un statut de syndicat mixte depuis 2011 et regroupe les dix communes riveraines de l’étang de Berre ! Dès sa création, sa vocation a été de coordonner la reconquête de l’étang de Berre et de définir un programme global de réhabilitation. Ses deux missions essentielles sont les études et leur appropriation par les acteurs à travers une démarche de concertation pour améliorer la connaissance du milieu, d’accompagner le développement des usages et d’orienter les actions de réhabilitation. Il accompagne les usages avec par exemple l’aide aux communes pour la gestion des plages ou des ulves échouées, l’aide à la mise en place de sentiers du littoral, la détermination des stocks de palourdes, etc. Il coordonne des projets de réhabilitation comme l’ouverture des bourdigues ou le renforcement des herbiers. Il assure le suivi écologique de l’étang au sein de son observatoire, anime le conseil scientifique de l’étang de Berre. Il mène des actions concertées auprès de différents acteurs, comme une démarche de participation citoyenne pour connaître la perception du territoire par les populations, la mise en place de scénarios de réduction d’apports en nutriments. Il intervient dans les écoles et divers événements pour sensibiliser à l’étang. Il porte enfin l’animation N2000 qui concerne quatre sites autour de l’étang de Berre : la petite Camargue, les salins de Berre, la poudrerie et le Bolmon. C’est un acteur important de la qualité des milieux lagunaires dans la feuille de route étang de Berre signée par le Préfet de région, le Président de la région Sud et la présidente de la Métropole. photo : comptage de palourdes, Gipreb



Magie et plaie du plastique « Pour moi, à l’époque, le plastique c’était l’avenir ! C’était pas un déchet. C’était le matériau qui m’intéressait. Ma prof de chimie me disait, c’est inadmissible de brûler du pétrole, alors que le pétrole pourrait nous faire vivre dans de meilleures conditions si on savait bien l’utiliser. » Ancien employé de l’usine Inéos de Lavéra, membre d’une association environnementaliste. À l’instar d’autres matières « magiques » qui ont accompagné le développement économique après la deuxième guerre mondiale, le plastique fait aujourd’hui l’objet de nombreuses controverses environnementales et sanitaires. C’est à ce titre qu’il intéresse les historiens et les sociologues des sciences et des techniques qui étudient les pollutions. Sous ses formes résiduelles, il a les mêmes caractéristiques que d’autres contaminants : il prolifère, il est visqueux au sens où ne pouvons pas efficacement nous en débarrasser, il nous « colle aux basques », il déborde des frontières que nous voudrions lui fixer et altère nos environnements – contre notre gré. Tous nos efforts pour le contrôler se sont, jusqu’à ce jour, avérés insuffisants. D’autant qu’il peut nuire de manières différentes, au-delà des seuls désagréments paysagers : les sacs et morceaux de plastique peuvent étouffer ou entraver les animaux marins ; certaines de leurs molécules (monomères) qui leur confèrent rigidité ou souplesse peuvent se détacher sous l’effet de l’eau, du soleil ou de nos sucs gastriques – avec des effets endocriniens et cancérogènes ; enfin, des bactéries et autres contaminants présents dans l’environnement sont attirés et adhèrent aux surfaces plastiques inhalées ou ingérées via la consommation de sel, sucre, produits de la mer etc. redoublant ainsi les risques déjà évoqués. À tel point que des chercheurs comme Chelsea Rochman appellent à les classer comme substances toxiques pour que leur production soit mieux contrôlée à la source.


Plastikos, du grec « propre au modelage ». La magie du plastique dont la composition chimique comme les propriétés tirées du pétrole varient, est attribuable à son aptitude à prendre toutes les formes dans des versions rigides ou bien souples en fonction de nos besoins. image : techno-science.net


Les habitants de l’étang qui côtoient les plastiques L’étang de Berre avec ses eaux saumâtres* contient plus de 160 espèces recensées de faune et de flore ! Certaines sont emblématiques comme les herbiers de zostères (végétal marin), qui forment de véritables prairies sous-marines couvrant aujourd’hui 45 hectares contre 7,2 hectares suite à la crise écologique de 2018, ou l’anguille « L’or vert » qui donne lieu aux célèbres anguillades. Sur les rives les palourdes affluent, l’étang proposant un potentiel de pêche équivalent à tout le reste de la France ! En mettant la tête sous l’eau on peut croiser des syngnathes, plus connus sous le nom d’hippocampes. Les daurades, les muges, les loups, entrent et sortent de l’étang au grès des saisons et de leurs cycles de vie, l’étang est pour eux un passage obligatoire ! Cette année Aurelia sp, un cnidaire (méduse) à soucoupe blanche de 20-40 cm de diamètre a trouvé un terrain où se développer abondamment en parallèle des Mnemiopsis leidyi, Cténophores transparents et ovale de 12 cm maximum. Aurelia sp heureusement dans la majorité des cas n’entraînent pas de piqûres chez l’homme, et les Mnemiopsis leidyi sont totalement inoffensifs. Tout ce petit monde évolue au milieu des plastiques, comme ces zostères qui ont intégré une balle de golf dans leurs herbiers ! *Saumâtres : est une eau qui est moins salée que l’eau de mer mais plus que de l’eau douce, caractéristique des lagunes. photo : zostères de l’étang de Berre, Gipreb



DES FOURRURES ET DES POLAIRES Historiquement, les castors étaient omniprésents dans les rivières européennes. Mais ils disparaissent de nombreux pays comme la Grande Bretagne, la Belgique et la Finlande. En France, on estime la population à une cinquantaine d’individus au début du XXe siècle. Ces castors sont très recherchés notamment pour leurs fourrures (leur pelage extrêmement dense, avec une alternance de poils courts et longs, est imperméable) et ils sont perçus comme nuisibles, parce qu’ils perturbent les tentatives d’aménagement du territoire qui nécessitent de drainer les terres et de canaliser l’eau. En 1909, des premiers arrêtés préfectoraux de protection des castors apparaissent dans les Bouches-du-Rhône, pour aboutir à une protection totale en 1968. Aujourd’hui, on estime la population à 15 000 individus. On pourrait mettre cette histoire de sauvetage en parallèle à une autre histoire : celle des fibres synthétiques et ensuite plastiques. Si l’idée de fabriquer des fibres synthétiques apparaît dès le XVIIe siècle, il faudra du temps pour sa mise en œuvre et sa commercialisation de masse. Mais ce sont les fibres issues de la pétrochimie qui ont permis de supplanter les fibres naturelles et de loin ! En 1938, le nylon est commercialisé, il est vite rejoint par les fibres acryliques, le polyester, etc. Jusqu’à la commercialisation en 1970 du Gore-tex, marque de fibres imperméables composées de polytétrafluoroéthylène. Les polaires pensées pour remplacer la laine débarquent aux tournant des années 1980. La capacité de protection des milieux implique la possibilité économique de le faire et le déplacement des pressions exercées sur le milieu. Même si les castors reviennent aujourd’hui, la pétrochimie les condamne à moyen terme, à cause de l’extraction, l’impact des fibres échappées des stations d’épurations, les émissions…



Du Pèlerin au Laboratoire Plastique La série d’objets Pèlerin commence en 2018 avec un premier outil conçu pour récupérer les déchets flottants. Hybridation entre une nasse et une épuisette, sa forme originale évoque le requin pèlerin qui avance la gueule grande ouverte en filtrant l’eau pour se nourrir. L’objet questionne et suscite nombre de discussions qui entraînent la création d’une déclinaison adaptée aux différentes pratiques du nautisme et de la plaisance, toujours dédiés principalement au ramassage spontané des déchets dérivants. Cette évolution oriente progressivement la réflexion vers les processus polluants, donnant un ton davantage scientifique à la démarche, en surveillant les causes au lieu de soigner les conséquences. L’ambition se confirme lorsqu’en 2019 le designer intègre « l’équipage » de l’expédition Pamparigouste qui propose, entre autres, d’observer et d’étudier l’écosystème marin avec un groupement de laboratoires scientifiques. Au début du projet, la rencontre opportune avec la goélette océanographique Tara inspire la création de matériels immersifs et pédagogiques à l’image du protocole scientifique, qui accompagnent les publics vers une lecture plus objective et responsable du site. En 2022, le Laboratoire plastique voit le jour pour 3 ans supplémentaires de recherche, ayant comme objectif la création de plusieurs dispositifs destinés à surveiller la présence de plastiques sur l’étang de Berre. Ce travail de terrain se développe sur les principes fondamentaux du concept Pèlerin : observer, comprendre et transmettre. photo : Maxime Paulet, aïe design, 2018



Biographie d’un protocole citoyen Tout part d’une observation : de plus en plus de plastiques sont retrouvés chaque année sur les plages et les littoraux du monde. En 2014, on estimait à 250 000 tonnes la masse de plastiques flottant sur les océans et le pourtour de l’étang de Berre n’est pas en reste. Les déchets plastiques se dégradent en microplastiques de faible taille, comparable à celle des sédiments ou du plancton. Ils sont alors susceptibles d’être ingérés par les organismes et ainsi intégrés dans la chaîne alimentaire. Leur composition chimique constitue une source secondaire de polluants. De cette observation naît une question : quelle quantité de plastiques se retrouve sur nos littoraux et sous quelle forme ? Pour y répondre de façon rigoureuse, il faut réfléchir à une méthode de mesure efficace qui implique des prélèvements d’échantillons et des analyses en laboratoire. L’étang de Berre est très vaste (155 km2). Pour faire des prélèvements sur tout le pourtour de la lagune, l’Institut écocitoyen pour la connaissance des pollutions (IECP) fait appel aux Volontaires de l’Observatoire citoyen de l’environnement (Voce). Le protocole est ainsi accessible au grand public via une rapide formation et nécessite du matériel abordable en termes de prix et d’utilisation. photo : prélèvement de plastique sur la plage de Monteau, Marielle Agboton, juin 2023



Le devenir des plastiques : une simple histoire de densité ? Les matières particulaires apportées à la mer par les fleuves sont souvent plus denses que l’eau de mer (densité moyenne de 2.65, contre 1.02 pour l’eau de mer) et vont avoir tendance à sédimenter, c’est à dire à se déposer sur les fonds et constituer le sédiment. Le temps nécessaire pour qu’une particule se dépose et la localisation de ce dépôt va être fonction de la densité, taille des particules et de l’agitation des eaux. Les particules les plus denses et les plus grossières se déposeront à proximité directe de leur zone de rejets. Les moins denses et plus fines prendront plus de temps et se déposeront plus loin, voire au beau milieu des océans ouverts, si des conditions les plus calmes le permettent. La densité des particules de plastique est variable suivant les polymères. Certains polymères présentent des densités supérieures à l’eau de mer, 1.37 pour le polyéthylène téréphtalate (PET) et polychlorure de vinyle (PVC), et auront aussi tendance à s’accumuler dans le sédiment. D’autres, présentent des densités plus faibles que l’eau de mer, par exemple 0.84 pour le polypropylène (PP) et 0.92 pour le polyéthylène (PE), et resteront donc plus naturellement en surface et se déplaceront au grès des courants. Ainsi, il est possible d’imaginer que les plastiques suivront des itinéraires différents et finiront donc dans des zones différentes dépendamment de leur nature chimique initiale. Du PET et PVC dans les sédiments ? Du PE et PP dans la masse d’eau déposés sur les plages ou exportés via le chenal de Caronte dans la mer Méditerranée ? schéma : UPR Chrome, université de Nîmes, Sylvain Rigaud


Densité des principaux polymères de plastique et comparaison avec des solutions connues


L’ASPIRATEUR À ULVES Les ulves, aussi appelées algues vertes ou laitue de mer, sont comestibles. Vous en avez sans doute déjà entendu parler. En Bretagne leur prolifération, due à la présence de nitrates liée à l’agriculture intensive, les rends mortelles et toxiques. En bordure d’étang, elles sont là également, un chien serait mort en jouant sur un amas d’ulves sur le lido du Jaï en 2019. Jean-Claude Burgaud, pêcheur ingénieux, qui a défendu l’étang face à EDF, depuis les années 1990, jusqu’à la mise en place du plan de lissage des rejets de la centrale hydroélectrique de Saint-Chamas, à repris des plans bretons pour imaginer un bateau aspirateur à ulves. Ces algues pourraient (re)devenir une des matières qui habitent notre quotidien. Nous avons souvent croisé des personnes au bord de l’étang qui avaient encore la mémoire de certains usages, alimentaires, comme compost, ou comme rembourrage d’oreiller. Ce qui peut-être intéressant pour remplacer les fibres de polyester ou les engrais pétrochimiques ! plan de Jean-Claude Burgaud, pêcheur de Berre-l’Étang



État de santé de l’étang Il ne faut pas confondre qualité sanitaire et qualité écologique : il n’existe pas de lien entre les deux. Dans l’étang de Berre, la qualité sanitaire est excellente alors qu’au niveau de l’état écologique, il reste encore d’importants efforts ! Une image souvent reprise est celle d’une piscine : la qualité sanitaire y est excellente mais d’un point vue écologique il n’y a pas grand-chose. En tant qu’humain il est tout à fait possible de nager dans l’étang en témoigne une saison balnéaire sur 14 plages avec un contrôle sanitaire de la qualité des eaux assurée par l’Agence Régionale de Santé qui donne des résultats excellents. De même l’Institut français de recherche dédié à la connaissance de l’océan (Ifremer) qui réalise des suivis réguliers des niveaux de contamination chimique (Rocch) ne détecte pas de contamination des eaux. La pollution chimique industrielle des années 1950-1970 a été une réalité mais c’est aujourd’hui un vieux souvenir. Mais pour une palourde, la vie peut être beaucoup plus compliquée : en effet l’apport important d’eau douce via la centrale hydroélectrique de Saint-Chamas peut entraîner, dans certaines conditions de salinité de l’étang et de vent, une stratification des eaux. Cette stratification peut constituer une véritable barrière physique empêchant la diffusion de l’oxygène dans le fond et entraînant des anoxies. Des « malaïgues* » peuvent alors se mettre en place et recouvrir une grande partie de l’étang engendrant une crise écologique comme en 2018. De même, cette eau originaire de la Durance, est chargée en sels nutritifs qui favorise la prolifération d’algues (ulves) ou de phytoplanctons qui formant des blooms se dégradent en accélérant ainsi le déficit en oxygène. * terme occitan signifiant « mauvaise eau » photo : centrale EDF de Saint-Chamas dans l’étang de Berre, Gipreb



TEST DE PERSONNALITÉ Quand l’eau de l’étang et la plage sont remplis d’algues… A Je me baigne quand-même, vraiment pas de quoi s’inquiéter. B Des ulves ! Regardons de plus près à quel stade de décomposition nous en sommes… C   Je commence les plans d’une machine ultra-technologiquesuper-efficace pour ramasser tout ça et monter une filière de récupération et de compostage des algues… D Cette plage sent mauvais, c’est sale, ils pourraient quand même les ramasser ces algues. Quand la turbidité de l’étang est importante, c’est-à-dire que l’eau est trouble… A Je me baigne quand-même, je vois pas le fond mais j’ai connu bien pire. B Aucun souci pour la baignade en soi, les phytoplanctons et les limons ne sont pas un critère de risque pour la qualité sanitaire des eaux. C On y voit pas grand chose alors je vais créer un système d’oxygénation et de renouvellement des eaux. D J’y vois rien, un monstre radioactif va me sauter dessus, je ne rentre même pas un orteil dans l’eau. Bain de minuit dans l’étang, après quelques brasses, l’eau s’illumine… A Wouah ! Un vrai feu d’artifice, c’est incroyable ! Dommage que ces petites noix de mer soient si invasives et coulent les filets des pêcheurs…


B Les magnifiques mnemiopsis leydyi, c’est leurs cils vibratiles, qui s'illuminent la nuit ! On dirait que l’étang est chargé, le bloom zooplanctonique de la saison est arrivé, ça sent l’eutrophisation… C Comment ces créatures peuvent-elles briller ?! Je vais fabriquer une machine qui détectera leur lumière et permettra de les compter afin de comprendre à quel moment elles sont les plus nombreuses dans l’étang. D Je hurle et cours hors de l’eau ! Décidément, les Catalans c’est quand-même bien mieux. Ce matin, le panneau d’affichage du Gipreb pour la qualité des eaux de baignade indique « excellente »… A Ça ne m’étonne pas, c’est quand-même le paradis ici… Peut-être plus pour longtemps, je redoute l’invasion de touristes… B Au moins depuis 2016 oui. Je me souviens de ce moment où les tests de qualité d’eau de baignade ont été plus nombreux, jusqu’à deux par semaine, avec les résultats de l’ARS et du Gipreb qui ont permis de démontrer que le taux d’escheria coli et d’entérocoques, indicateurs de la contamination bactériologique non pathogènes, étaient inférieurs aux seuils demandés ! C C’est quoi leur protocole exactement ? Je vais créer un bateau qui ramasserait les plastiques, parce que qualité excellente oui, mais déchets nombreux… D C’est ça oui ! Et toutes ces usines elles crachent des papillons ?

Le plus de A Tu es un·e habitant·e motivé·e, l’étang de Berre, tu connais ! Le plus de B Tu es un·e biologiste expert.e, membre du Gipreb. Le plus de C Tu es l’ingénieur·e et aime l’étang et les défis ! Le plus de D Tu es un·e Marseillais·e qui s’est perdu·e.


Les sédiments : un livre ouvert sur l’étang Afin de déterminer l’étendue de la contamination actuelle des plastiques dans les sédiments et des sources potentielles, quarante sites d’échantillonnage ont été sélectionnés et répartis sur la totalité de l’étang de Berre, de Vaïne, du Bolmon et du canal du Rove. Sur chaque site, le sédiment de surface est récupéré depuis un bateau avec une benne Van Veen en inox. Cet outil permet de collecter du sédiment sur une surface standardisée de 260 cm2. Le sédiment est ensuite remonté à bord, déposé dans un bac et la partie superficielle (0-2 cm) récoltée avec une spatule métallique. Trois prélèvements sont effectués et les prélèvements regroupés dans un bocal afin d’intégrer l’hétérogénéité spatiale de chaque site. Durant ce travail, une attention particulière est portée pour éviter de contaminer les échantillons avec des particules plastiques qui pourraient venir de nos vêtements et équipements de prélèvement. L’échantillon obtenu est ainsi prêt à être analysé au laboratoire. photos : sédiment collecté à la benne Van Veen et déposé tel un livre ouvert mystérieux que les scientifiques vont tenter de déchiffrer, Gipreb



Les arts plastiques s’exposent, plastiquer ça explose ! Quand on me demande ma profession, je réponds : « Artiste plasticienne ». Alors, souvent on me dit : vous travaillez avec le plastique ? Maintenant je réponds : « Oui ! Je travaille avec le plastique et sur le plastique. Pourquoi je m’intéresse à la pétrochimie et au pétrole ? Peut-être parce que ma grand-mère était pompiste à Orly. C’est ainsi que peu à peu j’ai muté de goujon d’eau douce en petite Styrène née des émanations de pétrole. Lol. » Je collectionne les cartes postales de sites industriels témoignages d’une époque où les centrales nucléaires, les barrages hydrauliques, les raffineries de pétrole étaient un sujet de fierté nationale, représenté sous la forme d’objet touristique que l’on s’envoyait de vacances. À Marseille, j’ai commencé à collectionner les cartes postales de l’étang de Berre. Après trois ans et demi d’expédition Pamparigouste et d’investigation sur le territoire avec le Bureau des guides du GR2013, après avoir travaillé en tant que réalisatrice de film d’animations collectifs dans les cinémas et maisons de quartiers des communes de l’étang, rencontré des collectionneurs de cartes postales et investigué sur internet et dans les archives municipales, je commence à avoir une bonne connaissance du territoire et une collection conséquente d’images et d’histoires qui forment les pièces d’un puzzle documentaire de l’histoire industrielle et pétrochimique du pourtour de l’étang. « La petite Styrène vous fait mille caresses. Bons baisers, affectueuses pensées de nous tous ! 7 juillet 2023, Martigues Lavéra. » Camille Goujon photo : Philippe du Crest



Prolifération et viscosité Avec la fermeture de la décharge d’Entressen, en 2010, le nombre de sacs plastiques qui volaient à travers la plaine de Crau a décru. On en a bien retrouvés dans l’étang du Landre quand il a été curé en 2014, mais leur relative effacement du paysage craven a trop rapidement laissé croire qu’ils avaient disparu. On les retrouve pourtant, quand on les cherche, sous forme de microparticules dans les sédiments des rivières et des étangs comme celui de Berre qui draine un très grand bassin versant (Arc, Cadière et Touloubre), mais reçoit aussi les eaux des stations d’épuration des villes riveraines qui ne sont pas équipées pour traiter les fibres synthétiques. Plastikos, matière ubiquitaire et infrastructure qui, au-delà de nos pratiques de consommation, est à son tour parvenu à modeler nos existences. Qu’il s’agisse de transporter nos aliments, rénover nos portes et fenêtres, nous habiller ou bien nous soigner, le plastique est devenu indispensable, inévitable et jetable à la fois. Des spécialistes ont en effet relevé que la majorité des objets plastiques sont jetés dans le mois qui suit leur acquisition, c’est-à-dire incinérés, enfouis dans une décharge ou bien abandonnés, jusqu’à ce qu’ils se fragmentent et, sous des formes plus petites, se disséminent au grès des éléments, jusqu’à pénétrer les chaînes alimentaires et nos corps, brouillant un peu plus les limites entre extérieurs et extérieurs, soi et le reste. photo : canal centre Crau, association Nacicca, 2014



Portrait VOCE Christian Dupitier. 71 ans. Retraité depuis 9 ans maintenant. Je me suis lancé dans Voce, ça fait 8 ans à peu près. Moi, je suis concerné par l’étang de Berre parce que j’habite au bord de cet étang. Je fais partie de la société nautique de Port-de-Bouc qui est un club de voile. Alors j’emmène sur mon bateau des scientifiques. On fait des prélèvements par sonde mais aussi des prélèvements qu’on appelle surfact, c’est-à-dire qu’on prélève la surface de la mer, on récupère la peau : tout ce qui tombe du ciel et qui vient se poser sur la mer. Certaines particules arrivent à descendre dans l’eau, d’autres restent à la surface et on retrouve des huiles de bronzage, des huiles de moteur, l’anti-adhésif des poêles Tefal. On a fait une campagne sur les congres. Le congre, c’est comme une grosse anguille qui vit au fond de la mer. Il a un gros avantage, c’est qu’il est en fin de chaîne alimentaire : il n’a pas de prédateur et ramasse tout ce qui traîne au fond de l’eau, les carcasses de crabes, les poissons crevés… C’est un stockeur de cochonneries. On les a analysés et on a trouvé des PCB*, du plomb, du mercure : un bon cocktail ! On a aussi fait les microplastiques : des bouchons de bouteilles, des seringues, des briquets qui sont en train de se casser en petits morceaux. Ça fait comme des confettis qu’on trouve dans le sable. L’Institut écocitoyen (IECP), c’est un alerteur, à qui j’apporte mes deux petits bras pour qu’il puisse mettre en place des analyses. Si l’IECP continue son action pendant 10 ou 15 ans, on va avoir les courbes de progression, de diminution, voir ce qui a porté ses fruits. C’est super important de produire de la donnée, ça permet d’apporter un vrai poids à l’argumentation. *PCB : polychlorobiphényles



STATIONS D’ÉPURATIONS Dans de nombreux récits des personnes qui ont lutté pour la réhabilitation de l’étang, l’un des actes forts qui a permis l’amélioration de sa santé a été la mise en conformité ou la création des stations d’épurations le long de ses rives. En 1997, trois des dix communes riveraines sont dotées de stations d’épuration aux normes. L’accroissement de la population n’a pas été suivi d’une augmentation conséquente des capacités de traitement des eaux usées. Comme sur bien trop de territoires, l’urbanisation s’est accompagnée d’une imperméabilisation des sols, ce qui a accentué les problématiques de ruissellement et de pollution liée aux pluies. Aujourd’hui, le système d’épuration s’est considérablement amélioré, et continue à se transformer en même temps que le territoire. Le Gipreb étudie régulièrement les rejets dans le milieu via les stations d’épuration, surtout en ce qui concerne l’azote, le phosphore et le nitrate. Les suivis de la qualité des eaux de baignades montrent que les problématiques de matières fécales ne sont plus un problème. Cependant, les premiers constats réalisées par les recherches de Chrome sur la présence de microplastiques montrent une faille dans ce système d’épuration : les microfibres. Ces fibres sont très peu dégradables, toxiques et assez fines pour pénétrer les organismes que nos machines à laver balancent massivement dans les eaux usées que les stations d’épuration ne sont pas en capacité de filtrer. Pour la suite du laboratoire, il nous paraît important d’enquêter sur l’élaboration des stations, leurs modes de fonctionnements, leurs gestions et l’histoire de nos modes d’aménager le territoire qu’elles encapsulent. photo : station d’épuration / lavoir contagieux, Saint-Chamas, Google Earth



ÉCOUTER L’ÉTANG En octobre 2022, les étudiants de l’École Supérieure d’Art d’Aix-en-Provence ont rejoint pour quelques jours l’équipage en se posant la question du son des paysages. C’est à cette occasion que Peter Sinclair leur enseignant a proposé l’installation temporaire d’un « micro ouvert » sur la balise du Gipreb et relié à la plate-forme numérique Locus Sonus. Si longtemps le son a été un sens peu étudié dans ses dynamiques sociales et cognitives, il est aujourd’hui au cœur de nombreux champs de recherches. Du côté des fonds marins, l’écoute sonore fait aujourd’hui également partie des pratiques de nombreux chercheurs intéressés par la communication animale mais aussi par les impacts invisibles des humains sur les milieux sous-marins. Les pionniers des recherches sonores ont souvent été des artistes, des musiciens, des preneurs de son passionnés par cette dimension du monde et de nos sens. Les micros ouverts offrent la possibilité aux internautes d'écouter en direct les sons provenant de centaines de micros disposés tout autour du monde par les différents participants au projet et représentés sur une carte interactive. L'utilisation des sons captés par les microphones du projet « Locustream » est libre et gratuite. Tout utilisateur peut ainsi librement diffuser le son, y compris publiquement, voire l'enregistrer, l'adapter, l'intégrer à une œuvre, etc., sans aucune restriction. Le micro ouvert de l'étang fut ainsi une manière originale d’observer et de ressentir l’étang en y habitant quelques mois, grâce à nos oreilles…


écouter la soundmap : locusonus.org/soundmap


Quand parler de pollution sur l’étang ? Spontanément on peut penser à la pollution chimique et bactériologique, mais les résultats des suivis montrent que l’étang est en bon état. Rien à chercher de ce côté là ! Parfois, des observateurs nous appellent pour nous signaler une « pollution » parce que des végétaux se sont échoués sur les rives. Ces végétaux sont majoritairement des ulves (algues) qui sont arrachées par les courants et viennent s’échouer, elles ne sont pas dangereuses en elle-même, c’est leur dégradation lors de grande accumulation qui relargue du H2S*. Parfois il s’agit de zostères (plantes marines) formant des banquettes jouant un rôle structurant pour la plage. Parfois, on nous signale une « pollution » parce que les eaux sont verdâtres-jaunâtres en fin d’été / début d’automne et la transparence diminue. Il s’agit en vérité de phytoplanctons (des micros végétaux qui se déplacent au grès des courants) qui lorsque les conditions de température et d’apports en nutriments sont réunies se développent en « bloom » pour le plus grand bonheur des anchois, des moules, coques et palourdes de l’étang. De même, on mentionne parfois le terme de « pollution » quand on parle des apports massifs d’eau douce de la centrale hydroélectrique de Saint-Chamas qui viennent déséquilibrer l'étang mais qui sont des eaux extraites de la Durance. Ces observateurs ont-il raison en parlant de pollution ? Un élément de réponse avec le petit Larousse : « Pollution : Dégradation de l’environnement par des substances (naturelles, chimiques), des déchets ou des nuisances diverses (sonores, lumineuses, thermiques, biologiques, etc.). » *hydrogène sulfuré, gaz incolore, composant naturel du pétrole, à odeur caractéristique d’œufs pourris

photo : algues échouées au bord de l'étang, Gipreb



LE RESSENTISCAPHE Le Ressentiscaphe est une base flottante d’observation sensible. Une drôle d’embarcation pour mesurer, avec nos perceptions corporelles, la vie à l’œuvre à la surface et dans les profondeurs de l’étang de Berre. En 2019 le collectif d’artistes SAFI s’embarque avec le Bureau des guides dans l’expédition Pamparigouste. Il imagine alors une plateforme, comme une île, pour habiter l’étang mais aussi comme un récif, un espace pour accueillir la faune et la flore sous-marine et les observer. En 2020, les périodes de confinement signent un revirement, l’île devient embarcation et trois voyages successifs permettent de faire le tour de l’étang. Ces navigations ouvrent alors la voie à de multiples formes d’enquêtes, des marches collectives, des performances culinaires et des expositions. Après trois années d’immersion, les artistes-cueilleurs devenu·es navigateurs et navigatrices envisagent leur embarcation comme une manière de marcher sur l’eau. Le Ressentiscaphe s’est transformé en jardin sous-marin et SAFI augmentent nos relations en développant des outils de communication inter-espèces et un cahier de jeux pour mieux percevoir la vie de l’étang. photo : le Ressentiscaphe, Julie de Muer, 2020



L’ÉTANG DONNÉ DE 8 VIES POUR LA PLANÈTE 8 vies pour la planète est une association née de la passion d’habitants-riverains pour l’étang de Berre et du goût de certains d’entre eux pour expérimenter des formes d’innovation à même de nous mettre en relation active avec notre environnement. Les actions se déroulent tout autour de l’étang avec comme points d’ancrages un fablab situé à Saint-Chamas pour accueillir les bricoleurs et un Batolab pour embarquer les navigateurs. L’inventivité y est toujours de la partie au travers la création de jeux pour se saisir des questions de pollutions (jeu de plateau, escape game…), le réemploi et le recyclage pour détourner les objets en nous invitant à réfléchir à nos modes de consommation, le ramassage de déchets combiné à des ateliers ludiques pour collectivement se motiver à comprendre et prendre soin des milieux. Mais au-delà de ces manières fantaisistes de se sensibiliser à l’environnement, 8 vies porte aussi une démarche expérimentale articulant gestion, sciences et implication citoyenne avec par exemple le projet ZoRRO, qui invite les habitants à contribuer à la réimplantation des herbiers marins de zostères, ou encore le développement de sondes et de capteurs pour mesurer la qualité de l’air ou de l’eau de l’étang, apprendre à observer et comprendre des indicateurs comme la turbidité, l’oxygène ou la salinité. C’est sur ces expérimentations autour de la perception de la vie sous-marine, des récifs et des manières de mesurer que les conversations se sont tissées avec les artistes de l’expédition Pamparigouste puis les scientifiques du Laboratoire plastique. photo : jeu des 7 erreurs, 8 vies pour la planète



RENOUER AVEC LA CANNE L’arrivée du plastique est une révolution. À plusieurs niveaux. Il compose aujourd’hui presque tous nos objets du quotidien. Ces objets sortent des fabriques industrielles. Un des corollaires de cette révolution est la raréfaction des pratiques artisanales. Qui fabriquent les objets de nos quotidiens et quels sont les savoir-faire qui les accompagnent ? Dans la longue histoire de la vannerie, la fabrication des paniers en canne, en osier, en saules, en ronces, en rotin aussi avec la globalisation, était de grande importance dans le transport des vivres. Aujourd’hui, sacs plastiques, cabas, fibres synthétiques, qui fait encore ou achète encore son panier chez un artisan ? En Provence, les gestes de tressage de la canne ont presque disparu, alors que la canisse fait partie du folklore local. Le collectif d’artistes-marcheurs-cueilleurs SAFI invente, en complicité avec le Bureau des guides et le collectif des Gammares, un petit programme de recherche collective sur les cannes de Provence. La disparition des usages a entraîné la disparition des gestes. La disparition des gestes a transformé la canne en plante envahissante. Renouer avec les gestes, renouer avec la plante, renouer avec les usages et repeupler nos quotidiens d’objets un peu moins plastifiés. Au bord de l’étang, au marais de la tête noire avec l’association Nosta Mar, les bouquets de cannes perçues souvent comme des envahissantes deviennent une ressource… photo : workshop « Renouer avec la canne », collectif SAFI au marais de la Tête noire , Alice Durot, 2023



Carottes sédimentaires Une carotte de sédiment est une remontée dans le temps. La longueur de l’historique qu’elle permet d’obtenir dépend de sa longueur et de la vitesse de sédimentation. Dans le centre de l’étang de Berre, cette vitesse est estimée à environ de 5 mm par an. Cela signifie qu’une carotte d’une longueur de 50 cm permet de remonter sur l’historique du dernier siècle. Les carottes découpées en tranche de 1 cm permettent ainsi d’obtenir des informations sur des périodes de deux ans environ. Les carottes prélevées et découpées lors de la journée collective (1 dans l’étang de Berre et 1 dans l’étang du Bolmon) a permis d’observer des alternances de couches sédimentaires de couleur différentes et avec des abondances variables de coquilles, traduisant l’histoire mouvementée de l’étang de Berre au cours des dernières décennies. L’analyse de chacune de ces tranches au laboratoire permettra de reconstituer l’historique des apports en plastiques dans l’étang de Berre et d’évaluer la capacité de piégeage des plastiques dans les sédiments. Il sera intéressant de mettre en relation ces résultats avec une enquête socio-historique sur l’utilisation des plastiques sur les bassins versants et l’émergence du rapport des populations vis-à-vis de cette pollution. photos : prélèvement d’une carotte de sédiment, étang du Bolmon, UMR Chrome, université de Nîmes, Sylvain Rigaud, mai 2023



Les moules à la martigaise La Martigaise était une association de mytiliculteurs, de ventes directes de coquillage et de restauration au bord de l’eau dans la calanque de Ponteau aux Renaïres, dans le golfe de Fos. Les naissains de moules étaient captés dans l’étang de Berre et la production avait lieu au pied des quatres grandes cheminées rouge et blanche de l’usine thermique EDF. La Martigaise a été contrainte de rentrer ses couverts et de rendre les clefs suite au passage du fioul au gaz pour la combustion et les changements en termes de risques technologiques. Renée nous a partagé cette recette et cette histoire lors d’un précédent volet de l’expédition vers Pamparigouste. Elles nous rappellent la violence des conflits historiques entre le monde de la pêche et le développement des mondes industriels autour de l’étang et du golfe de Fos. La culture maritime qui marque cet étang jusque dans sa cuisine a déjà été impactée par le monde de la production, cet impact sera-t-il doublé par la pollution plastique qui en découle ?


Tout le monde faisait les moules à la marinière, au roquefort, moi je trouvais pas ça terrible, j’appelais pas ça cuisiner… J’ai décidé de faire une sauce à moi, la Martiguaise, qui cuit quand même 2 heures. Une cuisson très longue, et plus ça cuit et plus c’est bon. • Ail • Persil • Oignons coupés finement mais très fins fins fins On les fait revenir avec de l’huile d’olive et du beurre… Une fois que c’est bien revenu on met une bonne cuillère de farine pour faire le roux. On remue bien, on mouille avec le vin blanc, jusqu’à satiété, bien comme il faut. • On rajoute le citron • Le spigol et le safran • Le thym et le laurier Et on laisse cuire pendant 2 h. Les moules tu les fais à part. Tu les fais cuire dans une marmite sans eau, vous le savez, j’espère, on ne met pas d’eau dans les moules, hein ! Elles s’ouvrent dans leur propre jus. Une fois que la moule est ouverte et bien cuite, tu jettes entièrement l’eau des moules et quand tu sers, tu prends une louche et tu mouilles avec ta sauce dessus les moules. Tu peux l’accompagner de frites ou de riz, voilà.


Collecte citoyenne de plastiques Les sciences participatives sont l’occasion pour les citoyens, spécialistes ou amateurs de participer à des programmes scientifiques en collectant des observations sur la base du volontariat. Toute démarche scientifique nécessite l’élaboration d’un protocole, un document listant le matériel nécessaire et les étapes à suivre. Cette “standardisation” de la méthode fait répéter les mêmes étapes et permet ainsi de limiter les biais liés à l’expérimentateur. Les résultats des expériences et des prélèvements issus du même protocole peuvent être comparés. Les protocoles citoyens sont simplifiés (moins longs ou moins exigeants) pour être accessibles à tous. C’est dans ce but que l’Observatoire citoyen de l’environnement propose ce protocole citoyen pour la collecte de macro(taille > 2,5 cm), méso- (taille comprise entre 2,5 cm et 4 mm) déchets et microplastiques (tailles < 4 mm) sur le littoral, dans le but d’estimer les niveaux de contamination aux plastiques des plages de l’étang de Berre. Ce protocole consiste à délimiter 1 (pour une petite plage < 50 m), 2 (plage entre 50 et 250 m) ou 3 (> 250 m) zones de 20 m de long sur 2 m de large, réparties de façon régulière. Les déchets visibles à l’œil nu sont ramassés, pesés, triés par couleurs et par types (verre, plastique, métal, etc.). Le protocole est répété sur 2 ou 3 hauteurs de la plage en fonction de sa largeur. Au centre des bandes de 20 x 2 m une zone de 25 cm2 est ensuite définie à l’aide d’un quadrat. Le sable contenu sur les 5 premiers centimètres de profondeur dans le quadrat est tamisé (tamis de 4 mm). La fraction tamisée est placée dans des bocaux en verre et sera analysée en laboratoire pour l’étude des microplastiques et la fraction retenue par le tamis est placée dans un bocal en verre puis sera analysée pour l’étude des mésoplastiques. schéma : IECP


Zones de prélèvement des plastiques sur une plage


Le rapport à l’étang d’une base nautique Le Cercle nautique de Rognac est une association créée en 2006, située sur les rives de l’étang de Berre. Les deux moniteurs Bastien Adillon et Jérémy Ciccullo nous racontent : « On ouvre 9 mois par an de mars à novembre. On donne des cours de voile pour tous et on propose tout un panel d’activités nautiques. On a tous les élèves de CM2 de la ville de Rognac. On a aussi les cours d’handivoile, les centres aérés, les familles de salariés des usines de l’énergie, Airbus, Eiffage, mais aussi avec les clients du restaurant voisin, les familles de pompiers et de gendarmes, on participe au téléthon… Quand on va sur l’eau, dans le cadre d’une activité sportive, ça crée une relation avec l’étang, on regarde la qualité, la température de l’eau, la météo, c’est important. Et grâce à nos pratiques sur l’étang, on est en lien avec toutes ces structures voisines et ces publics variés. On est aussi en contact avec les autres bases nautiques de l’étang, comme Martigues et Vitrolles. Lors des séances, comme on est limité en temps, on focalise sur la voile. Mais les questions d’écologies viennent spontanément. L’étang de Berre a mauvaise réputation en termes de pollutions. On voit les citernes depuis la base, ça interroge forcément. C’est surtout les adultes que ça préoccupe. Pour les jeunes, ils ont encore beaucoup à apprendre et à prendre conscience. On rappelle de ne pas jeter les déchets dans l’étang, de les ramasser. On se relie autant qu'on peut à des initiatives comme le Gipreb, l'association Nosta Mar ou le designer Maxime Paulet. » photo : cours de voile, Cercle nautique de Rognac, 2023



RESSENTIR l’ÉTANG Le cahier d’exploration sensible de l’étang Berre imaginé par le collectif SAFI invite à plonger dans l’aventure du Ressentiscaphe et de Pamparigouste en utilisant nos sens pour entrer en contact avec celles et ceux qui peuplent les eaux et les rives. Par exemple, des drapeaux font apparaître des personnages et des histoires écologiques de l’étang et une série d’outils à immerger posent des questions, parfois absurdes, qui tentent d’inventer de nouvelles formes de communication avec les espèces sous-marines. Le cahier comprend également des récits qui racontent les voyages et les rencontres avec les « diplomates » de l’étang, et propose des jeux d’observation et de perception à faire sur la plage mais aussi dans l’eau, en mode baignade ! document : extrait du cahier Ressentir l'étang — explorer l’étang de Berre avec le Ressentiscaphe, collectif SAFI, 2023



Traitement des échantillons de sédiment Le sédiment est un mélange complexe composé des particules minérales et des composés organiques au milieu duquel peuvent se dissimuler des particules de plastiques. Plusieurs étapes sont nécessaires pour pouvoir les extraire afin de les observer. La première consiste déjà à tamiser le sédiment sur un tamis de 4 mm pour retirer la fraction la plus grossière, par exemple des coquilles, et de 63 µm pour en retirer la fraction la plus fine, les limons et argiles. Ensuite, la fraction de sédiment obtenue est mise en suspension dans une solution de chlorure de zinc de densité 1.6 afin de séparer la fraction la moins dense contenant la matière organique et les plastiques, de la fraction la plus dense contenant l’essentiel des particules minérales. La fraction contenant les plastiques est ensuite mise dans une solution d’eau oxygénée et d’acide afin de dégrader la matière organique. Le matériel ainsi récupéré, contenant les plastiques, est déposé sur un filtre pour être analysé. schéma : UMR Chrome, université de Nîmes, Sylvain Rigaud et Alexis Maragkoudakis-Vassilakis


Protocole de traitements des échantillons de sédiments pour l’analyse des plastiques


La face cachée de l’iceberg plastique La collecte effectuée au printemps 2022 sur une plage d’Istres, témoigne de cette histoire de dépendances : un florilège d’objets est retrouvé par les scientifiques et les bénévoles, pour beaucoup de jeunes étudiantes en sciences politiques venues se former auprès de l’association Wings of the ocean aux problèmes d’environnement inextricablement écologiques et sociaux. À côté des morceaux de filets de pêche, des bouteilles et des emballages habituels, sont aussi ramassés des tongs, des cotons-tiges, des bouchons, des applicateurs de tampons, des jouets cassés et des perles ou larmes de sirènes… Le plus grand nombre était toutefois constitués par des fragments plus petits dont la forme initiale n’était plus reconnaissable, ni même immédiatement visibles à moins de scruter le sable. Cette miniaturisation progressive produit un effet supplémentaire d’éclipse, un effacement partiel qui contribue à rendre plus invisibles encore les problèmes croissants posés par le plastique, quand bien même des efforts ont été fait pour réduire les rejets. Prise de conscience comme le relevait un plaisancier optimiste ou débordement ? Sans doute les deux… Max Liboiron, qui mène de recherches historiques sur le plastique, explique qu’en quelques années, les scientifiques sont passés d’une description en termes de « continent » pour décrire le volume des plastiques s’accumulant en certains endroits des océans (échelle macroscopique) à des représentations beaucoup plus foisonnantes et intrusives à la fois, par exemple, de smogs de plastiques (échelle microscopique). Cela a d’ailleurs eu des effets immédiats sur les priorités : au premières expéditions scientifiques et militantes vers les Caraïbes ou les Pôles pour étudier des « anomalies », ont succédé des interventions de proximité comme celle que nous menons à Berre avec Wings of the ocean. photo : Christelle Gramaglia



Analyse des plastiques Les filtres sur lesquels les échantillons de plastique sont collectés sont observés à la loupe binoculaire avec des grossissements (x 10-30). Chaque particule de plastique observée est comptabilisée et le type (fibre, fragment, mousse, film), la couleur et la taille sont relevés. Lorsqu’il y a un doute sur la nature plastique d’une particule (cas des plastiques de couleur transparente ou sombre), le « test de l’aiguille » est réalisé. Il consiste à approcher de la particule une aiguille chauffée à blanc. Si la particule fond ou se plie, il s’agit d’un plastique. Si la particule brûle, se carbonise ou ne réagit pas, la particule est d’une autre nature. Durant cette étape, tous les plastiques d’une taille supérieure à 1 mm sont récupérés pour l’identification de la nature du polymère par spectrométrie infrarouge à transformée de Fourier. Cet outil permet de mesurer la quantité d’un rayonnement infrarouge absorbé par l’échantillon, information qui varie selon la nature des polymères. Ce résultat est comparé avec ceux obtenus pour 380 plastiques de nature connue et la nature la plus probable du polymère en est déduite. photos : particules de plastiques retrouvés dans les sédiments de l’étang de Berre, UMR Chrome, université de Nîmes, Sylvain Rigaud et Alexis Maragkoudakis-Vassilakis



Trucs et astuces de scientifiques L’utilisation et la configuration des outils de scientifiques peuvent être modifiées avec quelques notions de bricolage… Chacun de nous peut construire son propre filet manta avec une maille variable, les tamis à l’aide d’un bout de tuyau et d’un filet en plastique (nylon) et les quadrats peuvent être réalisés en cordes et tubes plastiques. Après les prélèvements, le passage au laboratoire doit suivre quelques caractéristiques pour éviter les biais du scientifique. Pour étudier la pollution en particules plastiques de taille inférieure à 4 mm, les scientifiques doivent éviter toute source de contamination extérieure à l’échantillon étudié. Les tamis ne peuvent donc plus être en plastique, ils doivent être en aluminium inox et les instruments utilisés doivent être commandés chez les industries. Les vêtements ou blouses portés par les scientifiques seront en 100 % coton et de couleur rose pour pouvoir quantifier le taux de contamination en fibres. La couleur rose étant très rare dans l’environnement naturel marin, si on retrouve des fibres plastiques de cette couleur, on saura que la source provient de l'expérimentateur. Ensuite, pour rincer les échantillons, on utilisera une pissette en Teflon (un plastique très résistant) pour limiter les possibilités de contamination de l’échantillon par ce contenant. Enfin, tous les échantillons seront couverts par des couvercles en liège ou par du papier aluminium pour éviter le pollen, les débris de feuille, les plastiques existants dans l’atmosphère… C’est grâce à ces méthodes que les scientifiques peuvent assurer un maximum de fiabilité, de précision et de certitude sur leurs résultats. photo : quadrat, Marielle Agboton, 2023



Écomusée des futurs Le marais de la tête noire, un petit bout de zone humide calée entre LyondellBasell (ancienne Shell Berre), la départementale et, un peu plus loin, la zone aéroportuaire s’est vu déblayé, nettoyé, bichonné par un collectif d’habitant·es particulièrement déterminé·es : l’association Nosta Mar. Nosta Mar a décidé de prendre soin de ce petit bout de bordure d’étang : recréer des observatoires ornithologiques, des cheminements, raconter l’histoire d’un port antique oublié, tresser les caniers, organiser des ramassages de déchets. En un mot : retrouver des gestes qui nous font entrer en relation intime avec l’étang. Un petit écomusée de plein air s’invente au bord de ce bout d’étang qu’on appelle parfois étang de Vaine. L’association en nous faisant sentir ce que l’étang a été, elle nous laisse rêver d’autres trajectoires que l’étang aurait pu prendre. Elle nous aide à sentir ce qu’il pourrait devenir et y participe activement. photo : Nosta Mar



Outils de bilan de santé écologique Tout comme un corps a différents membres, l’étang a différents compartiments : sédiments, faune, flore, eau. Le Gipreb assure un suivi régulier écologique de ces compartiments, c’est une manière de prendre soin de lui, de l’écouter et de voir son évolution. Tout comme des docteurs, les scientifiques s’équipent de matériel spécifique à chaque type de suivi réalisé. À l’aide de bouteilles Niskin, à bord du bateau, ils viennent prélever une fois par mois de l’eau en 10 points de l’étang en surface et au fond pour suivre les concentrations en nutriments, en chlorophylle, en matières en suspension, etc. Sur ces dix mêmes points, la sonde permet de faire des profils verticaux de salinité, oxygène, température. Dans l’étang de Berre la salinité moyenne varie entre 15 et 30 et la température entre 3° C et 28° C selon la période de l’année et la profondeur. À l’aide d’une benne, les agents du Gipreb prélèvent des sédiments au fond de l’étang et grâce au tamis, ils peuvent récupérer et identifier les petits animaux enfouis dans le sédiment (la macrofaune benthique). Les peuplements sont dominés par des espèces opportunistes comme Arcuatula (moule), Nereis (petit vers) et les palourdes. Les palourdes sont comptées tous les ans afin d’ajuster les quotas de pêche à la ressource, pour éviter d’avoir à compter toutes les palourdes de l’étang, le Gipreb utilise un quadrat d’une taille connue posé aléatoirement sur le fond et dans lequel toutes les palourdes sont comptées et mesurées. D’autres compartiments sont suivis comme les macrophytes (tous végétaux aquatiques), les poissons, etc. photo : outils de prélèvements et de mesures de l'étang, Gipreb, 2022



La Bâche En décembre 2021, un peu après Noël, une colonne de fumée jaunâtre, visible depuis la Nerthe, s’élève dans le ciel au-dessus de la rive nord l’étang. Un incendie s’est déclaré à Saint-Chamas dans une entreprise de recyclage de déchets. Ce feu qui dégage un taux élevé de particules fines durera plusieurs semaines. Le site n’est pas équipé pour répondre aux incendies et les pompiers devront construire un bassin de rétention pour éviter que les eaux d’arrosage ne polluent la nappe phréatique et la rivière qui est toute proche. La presse révélera bientôt que l’entreprise fait partie d’un réseau de décharges privées qui exploite la surabondance des déchets en jouant avec la réglementation en vigueur – sur le modèle de la Camorra napolitaine. À Saint-Chamas, c’est 30 000 m3 de déchets qui ont été déposés au lieu des 1 000 autorisés. Parmi les pollutions que subit l’étang de Berre, les décharges sauvages semblent un avatar négligeable du grand risque industriel. Pourtant, on les rencontre partout, dans les plis du territoire. Producteur de plastique par ses complexes pétrochimiques, l’étang de Berre est aussi le havre où il entame son impérissable agonie. photo : « Saint-Chamas, site de l’incendie du 26 décembre 2021 », enquête photographique sur le territoire de l’étang de Berre, Camille Fallet et Sylvain Maestraggi 2023



Concentration en plastiques des sédiments de surface Les résultats des analyses des sédiments de surface ont permis de montrer que la totalité des échantillons prélevés contenaient des particules de plastiques avec une moyenne de 225 ± 123 particules/kg de sédiment sec. Ces concentrations sont similaires à celles rencontrées dans d’autres environnements côtiers méditerranéens tels que la lagune de Venise, la rade de Marseille ou le plateau continental au large de Barcelone. Les contaminations les plus faibles (< 150 particules/kg de sédiment sec) ont été essentiellement observées à proximité des rivages et plus particulièrement le long de la rive nord du grand étang, entre la centrale hydroélectrique et l’anse des Merveilles et dans les zones sableuses le long de la rive est du grand étang et sur la plage du Jaï. Les sites les plus contaminés (> 300 particules/kg de sédiment sec) sont observés dans le canal du Rove, le centre de l’étang du Bolmon, l’ouest de l’étang de Vaïne et les zones entre 6 et 8 m de profondeur au nord du grand étang. Ces résultats indiquent que le principal facteur contrôlant les zones d’accumulation des plastiques dans les sédiments de l’étang de Berre sont les conditions hydrodynamiques, qui limitent le dépôt et l’accumulation dans les zones soumises aux forts courants et aux effets des vagues, tandis que dans les zones hydrodynamiquement calmes, le dépôt et accumulation des plastiques sont favorisés. L’utilisation d’un modèle reproduisant la circulation des masses d’eau et les vitesses de sédimentations des plastiques dans la colonne d’eau permettra d’affiner notre compréhension sur cette distribution. carte : UMR Chrome, université de Nîmes, Sylvain Rigaud et Alexis Maragkoudakis-Vassilakis


Distribution spatiale des concentrations de plastiques (en particules / kg de sédiment sec) dans les sédiments de surface


Wings of the ocean Cette association française fondée en 2018 a pour objectif de dépolluer des littoraux et lutter contre les déchets sauvages sur l’ensemble des plages de l’étang de Berre (et sur l’ensemble du territoire). Leur protocole consiste à ramasser l’ensemble des déchets rencontrés sur le littoral. Une fois les déchets recueillis, ils sont étalés sur une bâche et triés (phase de caractérisation) selon plusieurs critères. Cette caractérisation permet d’obtenir de précieuses informations (quantitatives et qualitatives) sur cette pollution. Elle permet également d’identifier les origines économiques et géographiques ainsi que les flux de ces déchets. Sur le long terme cette caractérisation pourrait permettre la mise en place de mesures ciblées pour réduire ces pollutions que ce soit au niveau local, national ou international. « Les actions de Wings of the ocean dans la région de l’étang de Berre ont débuté en 2020, lorsque nous sommes arrivés par hasard à La Méde. Notre premier chantier a pris place sur l’île des Trois Frères, située à Châteauneuf-les-Martigues. Cette île était et est encore malheureusement envahie par des déchets de toutes sortes, venant de toutes directions. C’est à ce moment que nous avons pris la décision de lancer une mission sur l’étang. Notre équipe, composée en moyenne de douze bénévoles, s’engage sur une mission de six mois. Nous apprenons à collaborer, à réfléchir sur notre mode de consommation et à adopter le temps de la mission un mode de vie responsable. Être bénévole chez Wings, c’est s’investir intensément pour une cause vitale, devenir plus conscient de l’environnement, et contribuer à une solution concrète. Mais, par-dessus tout, c’est une expérience sociale qui nous enseigne l’art de cohabiter, de porter attention à notre entourage, et à nous-mêmes. » photo : Wings of the ocean



Sciences participatives, citoyennes et situées De très nombreuses expérimentations mobilisant des citoyens pour réaliser des suivis de biodiversité, des observations et des mesures de la pollution ont été conduites de par le monde. Dans certains cas, ce sont les citoyens eux-mêmes qui, confrontés à un problème, ont pris les devants pour déployer leurs propres méthodes et outils de surveillance environnementale, souvent épaulés par des scientifiques sensibles à leur cause. Ces expérimentations participatives, si elles sont parfois motivées par un retrait regrettable de l’État, augurent de changements positifs à la fois pour les sciences et la démocratie. Pour les chercheurs, c’est le moyen de démultiplier leurs efforts de collecte dans un contexte difficile de crise écologique et de baisse des financements de la recherche publique. Pour les citoyens, c’est l’occasion de s’impliquer dans la production des connaissances de manière à peser sur les directions qui lui sont données, dans un sens qui corresponde mieux à leurs attentes et besoins. On peut en outre espérer qu'ainsi, chercheurs et citoyens apprennent à se connaître, nouent des relations de confiance et parviennent à croiser leurs savoirs. Nous visons cette perspective avec le Laboratoire plastique de Pamparigouste, pour tenter de déjouer une malédiction qui pèse depuis l’époque moderne sur le sens commun. Si les sciences modernes se sont construites sur l’idée d’une rupture nécessaire avec le sens commun, nous pensons qu’il faut, au contraire, le réactiver. Non pas pour s’en remettre entièrement à lui, mais pour permettre aux acteurs sociaux concernés, en particulier ceux qui ne sont pas habituellement reconnus comme des spécialistes, de faire valoir leurs points de vue et leurs interrogations.


Comment vous, riverains et usagers de l’étang de Berre, estimez-vous son état de santé ?

Seriez-vous prêts à partager avec nous vos observations sur les plastiques qui le souillent ? Quels sont-ils ? Leurs volumes et caractéristiques ont-ils changé au fil du temps selon vous ?

Voudriez-vous prendre part à nos expérimentations de suivi scientifique et citoyen ? Comment pensez-vous qu’il faudrait aborder le problème pour espérer pouvoir l’enrayer ?


Récif inversé Au fil des années, le dessous du Ressentiscaphe est devenu un véritable récif inversé ! À partir de l’hypothèse d’inviter les moules et plus généralement les espèces à s’accrocher à la vie de l’étang, les artistes du collectif SAFI ont imaginé des objets à immerger à partir de la plateforme. Ces objets se proposent d’augmenter nos capacités de rencontre avec les perceptions sensibles des non humains qui habitent l’étang. Chaque objet porte ainsi une question adressée aux espèces qui vivent dans la lagune. Par exemple : Avez-vous peur du noir ? L’objet présente de multiples possibilités pour qu’une moule puisse s’y accrocher, avec diverses formes, des matières… L’une de ces possibilités est l’intérieur d’un tube. Au bout de 3 ans aucune moule ne s’est installée dans le tube (dans lequel il fait noir), ce qui nous raconte qu’une moule choisit l’endroit où elle va s’installer, et que peut-être elle a un peu peur du noir… D’autres objets, à découvrir dans le Cahier de baignade et de jeux de Pamparigouste demandent aux moules à quel étage elles aiment habiter, ou encore si elles apprécient les chansons d’amour… photo : Teddy Seguin



Quels plastiques dans les sédiments de l’étang de Berre ? Les plastiques retrouvés en majorité dans les sédiments sont d’une taille inférieure à 1 mm et sont donc des fragments issus de la dégradation de matériaux plastiques initiaux. Ils sont essentiellement sous forme de fibres (64 %) ou fragments (31 %) et de couleur bleue (36 %), rouge (22 %) ou incolore (20 %). Les plus grosses particules (> 1 mm) trouvées montrent que les polymères qui dominent sont le polyéthylène tétraphtalate (PET), les polyamides (PA, PPD-T) et le polyéthylène (PE). La présence dominante de fibres, indique que les apports principaux en microplastiques sont les eaux usées contenant les eaux de lavages de nos vêtements / textiles synthétiques et / ou des apports internes tels que de l’altération des cordages (filets de pêche, bouts d’amarrage…). La caractérisation de la nature et flux d’apports en plastiques par les différents tributaires de l’étang de Berre permettra de supporter l’une ou l’autre des hypothèses. graphique : UMR Chrome, université de Nîmes, Sylvain Rigaud et Alexis Maragkoudakis-Vassilakis


Caractéristiques des plastiques observés dans les sédiments de surface de l’étang de Berre


Un protocole pour les usagers de l’étang Inspirée des « filets manta » utilisés par les laboratoires pour récolter à la traîne des échantillons de surface, cette balise a la particularité de s’ancrer à un point fixe sans être tractée ; elle s’oriente et se gonfle en utilisant le courant naturel, un peu comme une manche à air… mais à eau ! Immergée à proximité du Cercle nautique de Rognac en pleine période estivale foisonnante d’activités, elle filtre en continu ce qui se déplace à la surface. Et chaque semaine les jeunes participants au stage de voile partent récolter le butin. Si le premier objectif de la balise est de traquer la présence de microplastiques à la dérive, elle permet simultanément d’observer la vie aquatique qui suit le même chemin. Et puisque les polymères semblent relativement rares, la surveillance écologique devient une découverte fascinante de la biodiversité présente dans l’étang. L’anxiété laisse alors place à la curiosité et c’est étonnant de voir à quel point le « protocole » rend l’expérience captivante. Les yeux s’écarquillent autour de cette pêche un peu spéciale et les questions fusent : Pourquoi c’est là ? Pourquoi ça flotte ? Pourquoi ça bouge ? Est-ce qu’on peut toucher ? Comment ça s’appelle ? Comme une envie de tout connaître, on s’intéresse ! Quant aux plastiques collectés, une observation minutieuse peut les identifier mais s’ils devaient être présents en abondance, les scientifiques du Laboratoire plastique prendront le relais de l’analyse pour tenter d’en déterminer l’origine. photo : Maxime Paulet, aïe design, 2023



BAUME CANOUILLE Entre le quartier de L’Agneau à Vitrolles et Rognac se trouve une série d’anses creusées dans la falaise, séparée du littoral par l’autoroute et la voie ferrée. L’une d’elles, « Baume Canouille », est la propriété du grand-oncle de Sylvain. Il y a construit un modeste cabanon maçonné qui semble soutenir l’immense tablier de la falaise, à l’extrémité du plateau de l’Arbois. D’ici on domine l’étang, à quelques 80 mètres au-dessus de la rive, dans un arc de cercle rocheux au centre duquel repose, à l’horizon, la pointe de Berre et ses bacs à pétrole. Ses bords broussailleux se sont ensauvagés. C’était autrefois un champ d’oliviers, à travers lequel la famille grimpait jusqu’au cabanon. Les blocs de rocher blanc, détachés de la falaise, comme fendus à l’épée, valurent au paysage le surnom de « Roncevaux ». Aujourd’hui, il faut descendre par un chemin discret, entretenu par un club d’escalade. Une baume, en langue celtique, c’est une grotte, et l’on raconte qu’autrefois les bergers se servaient d’une petite canne taillée, une « canouille », pour capter les sources. Sous le tablier rocheux, à l’abri dernière un rideau de figuiers, on découvre effectivement une source, jaillie des profondeurs de la terre, qui s’écoule dans une petite citerne. photo : « Baume Canouille », enquête photographique sur le territoire de l’étang de Berre, Camille Fallet et Sylvain Maestraggi, 2023



Historique des apports en plastiques L’étude de la carotte de 44 cm de longueur prélevée dans le centre de l’étang de Berre montre la présence de plastiques sur la totalité de l’archive. Les concentrations sont minimales en profondeur (qui correspondraient aux années 1950) et augmentent progressivement jusqu’à 100 particules/kg vers 10-14 cm (vers 1990). Une brusque augmentation, jusqu’à 500 particules/kg, est observée sur la tranche 8-10 cm (vers 2000) et une diminution progressive jusqu’à 200 particules/kg en surface (2023). Dans les couches >10 cm les plastiques sont dominés par des fragments de couleur bleue, incolore ou rouge. En surface, une augmentation de la teneur en fibres incolores est observée. Ces observations indiquent que la contamination de l’étang de Berre en plastique a fortement augmentée autour des années 1990-2000 et probablement en lien avec l’apparition d’une nouvelle source. Parmi les principales hypothèses pour en expliquer la cause, nous pouvons citer: l’augmentation de l’usage des fibres synthétiques pour les textiles et leur rejets dans les eaux usées (vêtements) ou pour les matériaux nautiques (cordages) et/ou la reprise de l’activité de pêche suite à sa ré-autorisation en 1994. Une possible modification de l’hydrodynamisme et des conditions de dépôts peuvent aussi être en cause, mais à ce jour aucun élément ne nous permet de supporter cette hypothèse. La datation précise des couches de sédiments nous permettra d’affiner ces hypothèses. graphique : UMR Chrome, université de Nîmes, Sylvain Rigaud et Alexis Maragkoudakis-Vassilakis


Concentration en plastiques (particules/kg DW) 0

0

200

400

600

2020

Profondeur (cm)

10 20 30

Dates approximatives

2010

40

2000 1990 1980 1970 1960 1960 1950

Concentrations en plastiques dans la carotte de sédiment prélevée au centre de l’étang de Berre. Les dates reportées sont approximatives (± 10 ans)


BONs BAISERS « Je vous écris cette carte pour vous montrer qu'il y a de quoi se perdre là-dedans. Tout va très bien. Tony » La France touristique. La Mède en Provence, vue aérienne de l’usine. extraits des collections et recherches de l’artiste Camille Goujon autour des représentations et modes de vie en territoire pétrochimique



Dépollution et caractérisation de déchets Il faut bien prendre en compte qu’une session de dépollution de l’association Wings of the ocean dure autant de temps que la caractérisation des déchets ramassés. Protocole de dépollution : dans un premier temps, nous procédons à la délimitation d’une zone en amont, afin d’effectuer la dépollution dans un périmètre spécifique. Cette démarche nous permet de comparer les résultats à chaque visite sur le site. Nous nous équipons de sacs et de gants, et pour faciliter la phase de caractérisation après la collecte, nous utilisons deux types de sacs distincts. Un sac en toile de jute est réservé aux déchets volumineux, tandis qu’un sac bleu est destiné aux déchets indicateurs tels que les mégots, les briquets, les capsules, les bouchons, etc. Protocole de caractérisation : il existe plusieurs méthodes de caractérisation, classées en types 1, 2, 3 et 4. Les types 1 et 2 sont particulièrement adaptés aux actions de sensibilisation auprès des enfants. Pour maintenir une cohérence avec les directives de l’association MerTerre avec qui nous travaillons, nous utilisons principalement la caractérisation de type 3 lors de chaque collecte. La caractérisation de type 4 se concentre davantage sur l’identification des microplastiques et représente l’approche la plus avancée en termes de comptage et de tri des déchets. Généralement, un tamis est utilisé pour cette dernière méthode. Une fois les 36 catégories de la caractérisation de type 3 disposées sur une bâche, nous entamons la phase de tri. Une fois le tri achevé, nous procédons à la pesée de chaque catégorie, au comptage des déchets indicateurs, ainsi qu’à la mesure du volume en litres. Une fois toutes ces données enregistrées, nous complétons un formulaire pour MerTerre. photo : tri de bouchons par Wings of the ocean, Marielle Agboton, juin 2023



Sur mon île « En réalité, les habitants de Pamparigouste n’avaient que très peu de contacts avec les populations du littoral, et l'on ne connaissait d’eux que des légendes ou des récits fabuleux. Il était même quasi impossible de les rencontrer , encore moins de visiter leur domaine. Les marins de toute la Méditerranée, qui venaient de temps chercher refuge dans cette terre d’élection, avaient remarqué qu’au plus fort des tempêtes la baie de Pamparigouste jouissait toujours d’un calme parfait. Malheureusement tous leurs efforts pour pénétrer ce havre privilégié, pour toucher ce port béni des dieux, se révélaient tout à fait vain. » Alphonse Allais, Le Fabuleux voyage de Pamparigouste dans Contes et légendes de Provence. De jeunes lycéens décident d’explorer l’étang en se mettant dans la peau d’insulaires. En immersion sur les rives à Saint-Chamas en compagnie de l’artiste Hélène Dattler, leur imagination et leur approche des éléments du paysage font naître des formes étranges et fantasmatiques à la hauteur de la légende de Pamparigouste. À travers le regard ethnographique du photographe Grégoire Édouard, on parvient à approcher cette tribu de jeunes du lycée agricole des Calanques. Au plus près des éléments du vivant, faisant la part belle aux paysages, les images relatent une vie collective dans un hors-lieu construit autour de la lagune et de rêves adolescents. photo et texte : extrait de Sur mon île – portrait photographique d’une mystérieuse tribu, de Hélène Dattler et Grégoire Édouard ; « Et si l’étang était vraiment une île ? », écrit par Manon & Manon


L’étang se montre à la fois Sauvage, magnifique, plein de vivant Mais aussi domestiqué, pollué, Plein de plastiques. Les êtres de l’étang sont Sans visage réellement Ils se protègent toujours mutuellement… L’un et l’autre surveillent leurs arrières Continuellement, sans jamais Quitter leur île


Bilan de masse des plastiques dans les sédiments Les travaux réalisés ont permis de déterminer qu’entre 600 et 1000 milliards de particules de microplastiques sont aujourd’hui stockés dans les 2 premiers centimètres de surface des sédiments de l’étang de Berre, ce qui correspondrait à une masse de 1100-2000 tonnes de plastiques. Chaque année, ce sont 8-15 millions de particules de microplastiques qui se déposent dans les sédiments et correspondant à 16-27 tonnes / an qui ne seraient donc pas exportés vers la mer Méditerranée. Ces premières informations seront prochainement complétées par les flux apportés par les fleuves et les exports vers la Méditerranée et permettront d’affiner ce bilan de masse. graphique : UMR Chrome, université de Nîmes, Sylvain Rigaud et Alexis Maragkoudakis-Vassilakis


Bilan de masse des microplastiques dans l’étang de Berre


Un œil sur l’étang Dans l’esprit collectif, l’étang de Berre est le synonyme d’un paysage industriel condamné par son histoire. Pourtant, en sillonnant sa côte de rencontre en rencontre, on constate que les activités nautiques sont au cœur de la culture des riverains et que les stigmates d’un passé insensé s’enfouissent progressivement dans les sédiments depuis les années 1970. Cette réalité évoque une certaine ironie : et si la « bonne santé » retrouvée de la lagune était due à sa mauvaise réputation ? Ce constat change la problématique initiale de la mission qui devient : comment préserver un écosystème précieux et fragile, épargné – pour l’instant – par une fréquentation extérieure souvent prolifique en pollutions plastiques ? C’est un virage encourageant pour la démarche du projet. Au lieu de se confronter à une fatalité, il s’agit plutôt d’accompagner une convalescence en gardant un regard attentif et responsable, pour permettre aux futures générations de continuer à nager, naviguer, glisser ou pêcher encore longtemps dans ces eaux. Cette perspective a abouti à la conception d’une balise d’observation nommée « Un Œil sur l’étang », mise à l’eau pendant l’été 2023 avec la collaboration de la base nautique de Rognac. Flottante et autonome, elle permet de récolter régulièrement un échantillon de ce qui dérive à sa surface, que ce soit polymères ou biodiversité, elle ouvre ainsi un dialogue sur la composition générale et la contamination factuelle de l’eau par les microplastiques. photo : Maxime Paulet, aïe design, 2023



DU PLASTIQUE EN QUANTITÉ Lors de la mise en application du protocole citoyen de sciences participatives créé par l’Observatoire citoyen de l’environnement sur la plage de Monteau, 4 zones (transects) ont été tracées sur l’ensemble de la plage (Transect Sud, Sud Centre, Nord Centre et Nord). L’ensemble des déchets collectés sur ces 4 transects ce qui représente 80 m de littoral pour la recherche des macrodéchets (> 2,5 cm) ont été pesés puis caractérisés en fonction de leur couleur et de leur matière. Par comparaison, la portion observée avec le protocole de l’association Wings of the ocean (Woto) est de 150 m. Au total 1,80 kg dont 36 % de plastiques ont été ramassés avec le protocole citoyen et 22,8 kg dont 21 % de plastique avec le protocole Woto. L’écart de résultats entre ces deux protocoles est directement lié au fait que l’association Woto récupère l’ensemble des déchets présents sur le littoral tandis que le protocole citoyen vise les déchets de plus petite taille sur une bande plus restreinte. Une différence dans la proportion de plastique en fonction des zones de prélèvements est observée, la zone « Transect Sud » la plus accessible du parking est donc potentiellement la plus fréquentée est également celle présentant la plus grande proportion de plastique avec 4 g de plastique ramassé par m2 contre 2,8 g/m2 pour le Transect Sud Centre, 1,1 g/m2 pour le Transect Nord centre, 1,8 g/m2 pour le Transect Nord le plus éloigné du parking. photo : ramassage et mise en œuvre du protocole citoyen, Marielle Agboton, juin 2023



La Berdoulette ou l'art d'accommoder les rejets de la mer « La Berdoulette est une œuvre-objet, un souvenir maritime qui se matérialise de façon soit figurative, soit abstraite, soit plate, soit volumineuse, et avec pour unique condition d’être composée principalement d’éléments provenant de la mer et/ou de ses abords. Cela peut être des coquillages, des bois flottés, des galets bien sûr, mais aussi un bout de rame, l’élastique d’un tuba, de la canne de Provence, une bouteille en plastique poli par le sel ou bien un bâtonnet de glace oublié sur la plage par une famille distraite. Très vite, nous nous sommes rendus compte que malgré la condition restrictive, cela peut être beaucoup de choses très différentes, assemblées les unes aux autres. » Jérôme Rigaut Depuis les apports théoriques amenés par Michel de Certeau dans L’invention du quotidien, les « arts de faire » sont associés aux « pratiques ordinaires » de l’usager. Cet auteur les définit comme « une manière de penser investie dans une manière d’agir, et un art de combiner indissociable d’un art d’utiliser ». Les Pas Perdus prolongent cette vision par le geste poétique comme relation essentielle à l’existence. Artistes et occasionnels de l’art* sont tous aux prises avec les arts de faire (le bricolage, le réemploi, la morphogénèse d’un matériau, l’ergonomie d’un objet…). Ensemble, ils inventent le quotidien grâce aux ruses et idées subtiles, tactiques de résistance par lesquelles ils retournent les objets et les codes, se réapproprient l’espace et l’usage à leur façon. *Les occasionnels de l’art sont des personnes de provenance très diverses qui

utilisent ici leur rapport inventif et sensible à leur quotidien et qui font œuvre commune avec Les Pas Perdus pendant un temps. Ils sont considérés à ce titre comme coauteurs.

photo : Berdoulette no7, école de voile de Martigues, groupuscule Les Pas Perdus (Nicolas Barthélemy, Guy-André Lagesse, Jérôme Rigaut) et des habitants de Martigues, entre autres du quartier Notre-Dame des Marins, juillet 2022.



Trajectoire historique de l’étang par le prisme du plastique Dans les années 1930, l’essor de l’industrie de raffinage inclut l’étang de Berre dans une logique productiviste nationale (installation de la première raffinerie en 1929 Shell à Berre l’étang), l’étang devient ainsi un des principaux lieux de production de plastique. Ces industries transforment le paysage de certaines rives, on ne voit pas ce plastique et pourtant il est bien présent ! En 1957, en raison de pollutions chimiques croissantes, la contamination de la matière vivante entraîne l’arrêt de la pêche professionnelle, cette pêche qui en 1900 mobilise pourtant 250 pêcheurs sur l’étang. Aujourd’hui lorsqu’on regarde l’étang, il est courant d’y voir du plastique pour le plus grand bonheur des usagers : planche de kite et planches à voile, bateaux, paddle, tubas, bouée, bateaux, filets de pêcheurs alors qu’au loin les industries pétrochimiques des rives sont en reconversion. En quelques décennies le plastique a changé de forme, traduisant un changement tangible sur l’étang de Berre : la pêche a été rouverte en 1994, 14 plages sont ouvertes à la baignade, la pêche à pied est florissante, de nombreuses activités nautiques se déploient. Signe que les temps ont vraiment changé : l’étang devient même un producteur de bio-plastique car les ulves (algue verte marine), qui s’échouent souvent sur les plages ont été ciblées pour être transformées en bioplastiques par une industrie ! photo : kitesurfers sur l’étang de Berre, Gipreb



L’Appelant Au cours de nos explorations nous rencontrons, toujours à contretemps, les traces laissées par les chasseurs. Postes à feu des collines, cabanes de chasse au bord de l’étang sont fermés, leurs abords désertés, et nous nous en approchons avec le sentiment d’enfreindre un territoire où l’on pourrait nous surprendre. Autour des postes à feu, parfois des panneaux suspendus aux arbres avertissent du danger. Les alentours des cabanes de chasse donnent le sentiment d’avoir été jardinés à la hâte : clous plantés dans les arbres, branches sciées d’un seul trait, brise-lames de pneus et de planches. L’espace est délimité, il semble prêt à fonctionner, mais est-il encore fréquenté ou bien abandonné ? Difficile de faire la distinction entre le vestige et l’usage. Parmi le vocabulaire paysager de la chasse, il y a les mangeoires. Chaque commune a son style. Dans la Nerthe, ce sont les tonneaux de plastique bleu, les plaques ondulées posées sur des pieds de table, maintenues par des pierres. Au bord de l’étang, les canards en plastique et les cages à chanteuse, que l’on appelle aussi les « appelants », sont les signes d’une présence invisible à la lisière des grands sites industriels. photo : « Cage à chanteuse », enquête photographique sur le territoire de l’étang de Berre, Camille Fallet et Sylvain Maestraggi, 2023



Fabrique ton propre plastique La fabrication d’objets en galalithe (litt. « pierre de lait », du grec ancien gála, « lait », et líthos, « pierre ») a été mise au point en 1893 par le scientifique français Auguste Trillat, qui trouve le moyen d’insolubiliser la caséine (protéine du lait) en y rajoutant du formol qui garantit donc sa conservation. Cette première matière plastique de synthèse a été largement utilisée au début du XXe siècle dans la fabrication de boutons, bijoux, stylos, fume-cigarettes, matériel électrique… et a fourni un substitut meilleur marché à l’ivoire pour les claviers de piano et d’harmonium. Au XXe siècle, les matières plastiques issues du pétrole ont remplacé de nombreux matériaux. Il reste cependant quelques boutonniers et créateurs de bijoux qui utilisent encore la galalithe pour ses qualités : biodégradable, anallergique, antistatique mais surtout sa grande possibilité d’être teinte. Pas impossible qu’elle refasse son apparition ! photo : boutons blancs de la Force aérienne royale australienne pré-1953 en galalithe blanche, Wikipédia


Pour fabriquer la galalithe : 1/2 l de lait écrémé, 50 ml de vinaigre blanc (de pomme, d’alcool), un filtre à café, une passoire, un torchon de cuisine et du colorant alimentaire (facultatif) 1. Faire chauffer le lait (avec le colorant) dans une casserole. À l’ébullition, ajouter le vinaigre. Le lait caille, il se sépare en matière solide et liquide. 2. Verser le lait caillé dans un filtre à café soutenu par une passoire pour que le liquide s’écoule. 3. Laisser le lait caillé s’égoutter, le transférer dans un torchon, presser un peu et laisser sécher quelques heures. 4. Mettre en forme la pâte obtenue, qui doit sécher encore au moins deux jours. Finir de dessécher la galalithe au four à basse température (max 80° C).


H12, L’île Jaune au Centre de l’étang En 2021, le Gipreb s’est doté d’une balise au centre de l’étang de Berre. Solidement fixée sur 8 mètres de fond, avec sa structure en acier l’île jaune H12 est née. Elle est destinée à soutenir des sondes du Gipreb à différentes profondeurs qui mesurent en continue des paramètres tels que l’oxygène, la salinité, etc. Rapidement, à la recherche de nouveaux lieux, les oiseaux algues et coquillages l’adoptent, les poissons s’y cachent, la vie s’installe ! Un petit robot précurseur a élu domicile, installé par l’Observatoire de Villefranche-sur-Mer (projet Hypernet). Il a pour but de corriger les effets atmosphériques des données satellitaires et ainsi de déterminer les concentrations en chlorophylle et matière en suspension dans l’eau. H12 fait aussi la pluie et le beau temps avec sa station météo qui retransmet en direct les données. Une oreille attentive installée par Peter Sinclair (Locus Stream) nous retransmet la vie de cette île et des flots qui l’entourent grâce à son microphone ultra perfectionné et nous apporte la confirmation que cette île est bien vivante ! photo : balise H12 dans l’étang de Berre, Gipreb



La Créature de l’Étang de Berre, alias CEB À l’automne 2023, une apparition mystérieuse dans l’étang de Berre fait parler les médias et la rumeur se propage à très grande vitesse… « La rumeur lancée fin septembre à propos d’un cousin provençal de l’écossais Nessie était en fait une opération de sensibilisation à la pollution qui menace l’étendue d’eau. Et bien que le canular soit éventé, la “bête” continue de nager. » Le Monde, 14 octobre 2023. C’est la première étape d’une fable écologique en trois actes portée par Karwan autour de la création d’un « monstre » résultant de la mutation de la biodiversité de l’étang. Durant l’hiver 2024, l’aventure doit se poursuivre avec l’écriture d’un polar : les collégiens de quatre classes du pourtour de l’étang forment un collectif d’écrivains avec l’auteure Sophie Rigal-Goulard pour travailler à partir de cette rumeur et écrire une nouvelle finalisée par l’auteure. Enfin, en mai-juin 2024, la nouvelle paraîtra en feuilletons dans La Provence mais il faudra venir chercher le dernier chapitre et la fin de l’histoire sur la plage de la Romaniquette (Istres) et, alors, participer à l’épilogue théâtral final : une occasion de pêcher Ceb ? À l’origine de cette fable écologique, Karwan lance un appel à imaginaire : Et vous, quel serait votre monstre du Loch Berre ? Participez à ce récit territorial collectif en partageant vos histoires et images à : contact@karwan.fr. À vous de jouer ! photo : Vincent Beaume



Crédits Le Laboratoire plastique de Pamparigouste est porté par le Bureau des guides du GR2013, l’Institut écocitoyen pour la connaissance des pollutions, l’Inrae-Montpellier, le laboratoire Chrome de l’Université de Nîmes et le Gipreb, en partenariat avec les communes, les associations et les bases nautiques riveraines. Ce carnet a été élaboré avec les artistes du Collectif SAFI, Maxime Paulet, Sylvain Maestraggi et Camille Fallet, Camille Goujon, Hélène Dattler, Grégoire Édouard, Les Pas Perdus, les associations 8 vies pour la planète, Nostamar, Wings of the ocean, Karwan et la base nautique de Rognac. La Laboratoire plastique de Pamparigouste est une recherche-action soutenue par la Fondation de France dans le cadre du programme « Les futurs des mondes du littoral et de la mer 2022 » et par le Ministère de la Culture. maquette du carnet et identité visuelle de l’expédition Pamparigouste : Adrien Zammit typographies : Estaque (Formes Vives), Baskerville Classico et Akzidenz Grotesk



Une exploration poétique et scientifique de l’étang de Berre ­2023 — 2025


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