LES RÉCITS DE FORESTA Les explorations botaniques
2
samedi 2 mars 2019 La colline aux euphorbes Avec LE COLLECTIF SAFI ET ESPIGAOU
L’histoire du site de foresta Il était une fois au nord de Marseille un site exceptionnel, une colline argileuse au dessus de la mer. Longtemps, on y a cultivé la vigne et prélevé la matière première pour des ateliers de poterie. Au XIXe siècle, la colline a renoncé peu à peu à ses activités agricoles et artisanales pour alimenter les tuileries du bassin de Séon et accueillir des quartiers industrieux et populaires. Le château du Marquis de Foresta surplombait la colline jusqu’à ce que les batteries allemandes du Frioul le bombardent en 1944. L’exploitation de la carrière avait alors cessé et la pinède bastidaire où les familles du quartier venaient pique-niquer le dimanche est devenu un terrain d’aventures entre les ruines. Quelques décennies plus tard, le projet de centre commercial Grand Littoral redessine les pentes et le paysage. L’espace en contrebas devient “la coulée verte”, identifiée dans les plans d’urbanisme comme grand site à vocation sportive ou de loisirs. Mais le temps semble se suspendre pour ces terrains qui, en dépit de ces intentions, sont depuis des années à la limite de l’abandon. L’histoire se remet en marche en 2015 avec l’acquisition de ces terrains par la société Résiliance. Leur rencontre avec le collectif Yes we camp, puis avec la coopérative d’habitants Hôtel du Nord et l’équipe du Bureau des guides du GR2013 crée les conditions pour proposer une utilisation collective et expérimentale de ces 16 hectares à ciel ouvert.
De nombreuses balades et rendez-vous collectifs ont permis peu à peu d’imaginer et de tester l’idée d’un parc, espace de loisirs mais aussi outil pour produire, partager et apprendre à partir des ressources locales et avec ceux qui vivent là.
Il faisait très beau début mars, nous sommes allés herboriser dans un endroit où personne ne va...
Depuis le boulevard d’Hanoï, lieu de rendez-vous de chaque exploration botanique, nous descendons le nouvel escalier des jardiniers, qui est aussi le sentier du Teucrium pseudochamaepitys ou Germandrée faux petit pin. Nous remarquons une floraison très précoce de la fameuse plante protégée nationalement, à coté d’une Euphorbe « réveil matin » Eeuphorbia helioscopia). Ce sera le thème d’une prochaine exploration car ce jour là, nous nous sommes plus particulièrement intéressés aux euphorbes. Il faisait très beau début mars, nous sommes allés herboriser dans un endroit où personne ne va, difficilement accessible, en contrebas des grandes lettres et au dessus de la tuilerie Monnier.
Teucrium pseudochamaepitys et Euphorbia helioscopia
La descente des talus, entre les euphorbes. C’est parti pour l’identification des euphorbes ici présentes...
1ère ligne : Le talus, l’euphorbe, la mauve 2 ème ligne : La boite à herboriser de SAFI, la fiche, la flore
Les Euphorbes (Euphorbia L.), nom féminin, possèdent des inflorescences particulières nommées cyathes, particularité qu’elles partagent seulement avec quelques genres voisins. Ce sont des plantes toxiques, qui possèdent un latex blanc parfois très irritant. Chez les espèces des régions tempérées, l’aspect des plantes fleurissant se modifie beaucoup au fil des jours : les feuilles ont tendance à disparaître à mesure que l’ombelle se développe, la tige rougit, tandis que le fruit, capsule globuleuse à trois loges, émerge très rapidement de l’inflorescence. Le mot euphorbia proviendrait d’euphorbium, le nom donné par le roi Juba de Mauritanie en l’honneur de son médecin grec Euphorbus à la drogue médicinale faite à partir du latex de l’espèce aujourd’hui nommée Euphorbia resinifera. On reconnaît en général les euphorbes à leurs inflorescences vert jaunâtre, ou cyathes, disposées en ombrelles, ne possédant ni sépales ni pétales. Chaque inflorescence contient une fleur femelle à trois styles entourée de fleurs mâles, le tout dans une coupe formée par deux bractées portant quatre ou cinq glandes souvent cornues. Le fruit, pédicellé, est une capsule généralement très arrondie, lisse ou granuleuse.
Nous avons cherché dans les flores (livres) pour déterminer le nom exact de l’euphorbe la plus présente en cet endroit. Elle s’appelle Euphorbia graminifolia, une euphorbe à feuilles fines, avec une tige rouge à la floraison et presque plus de feuilles. La plus commune dans les jardins est aussi là, Euphorbia helioscopia ou euphorbe réveil-matin. L’euphorbe fait partie de la même famille que l’Hévéa avec lequel on produit le latex à caoutchouc, qui pousse principalement en Amazonie. « En 1935 dans le Minnesota, Carl Pfaender un ouvrier agricole s’enthousiasme pour le potentiel laticifère de l’euphorbe esula, qui produit un caoutchouc d’aussi bonne qualité que ceux importés. L’euphorbe est, à cette époque, considérée au Etats-Unis comme une plante toxique et invasive, à éradiquer. Carl Pfaender se lance tout de même dans la fabrication du caoutchouc. En 1941, sous la pression de ses voisins il est obligé de verser lui-même des pesticides sur plusieurs hectares de plantes dont il s’est occupé au titre de culture de latex d’avenir. C’est la fin de son aventure avec le caoutchouc d’euphorbe. En 1942, pour contribuer à l’effort de guerre, des botanistes explorent la possibilité de produire du caoutchouc sur le sol américain. Ross A Gorter, chef de la division de biochimie à l’université du Minnesota, suggère que la mauvaise herbe devienne une culture permanente dans les terres marginales et en régénération du nord du Minnesota et du Dakota du Nord. Les scientifiques prédisent un rendement de 170 à 220 kilos de caoutchouc à l’hectare, ce qui est considéré comme un bon rendement. Trois jours plus tard, Le Minneapolis Morning Tribune mélange les données et annonce un chiffre de 150 à 198 « tonnes », à la place de kilo à l’hectare. Des centaines de fermiers proposent leurs terres pour travailler et transformer l’euphorbe. Lorsque l’on découvre la modeste réalité du rendement, toute cette affaire s’avère aussitôt d’un embarras insurmontable et signe la fin de la ruée vers l’euphorbe à caoutchouc. » (Extrait de Guayule et autres plantes à Caoutchouc de la saga d’hier à l’industrie de demain, de Mark R. Finlay ) Nous avons également trouvé la Mauve, qu’on ne présente plus, et le poireau des vignes.
1ère ligne : Poireau des vignes – Allium ampeloprasum, Euphorbia graminifolia 2 ème ligne : Pipterium milliaceum, Euphorbia graminifolia
Plantes identifiées sur la parcelle : Allium ampeloprasum le poireau sauvage, Euphorbia graminifolia (tenuifolia), Euphorbia helioscopia euphorbe réveil-matin, Malva sylvestris la mauve, Mercurialis annua la mercuriale, Betta maritima la blette sauvage, Pipterium milliaceum une grande graminée, Phragmites australis le roseau commun, Verbascum sinuatum la molène à feuilles sinueuses, Scabiosa arvensis la scabieuse, Diplotaxis erucoides la roquette blanche, Sonchus oleraceus le laiteron maraîcher.
LES RÉCITS DE FORESTA Les Récits du 1000 pattes
Les explorations botaniques
Animé par la coopérative d’habitants Hôtel du Nord, le 1000 pattes est un groupe ouvert de voisins (proches ou lointains) qui partent régulièrement en voyage tout à côté de chez eux… Nous explorons et enquêtons dans nos quartiers pour rencontrer, apprendre, agir. Nous créons ainsi des balades à partager au moment des Journées Européennes du Patrimoine puis toute l’année. On vient quand on veut, quand on peut, et même quand on ne vient jamais on peut suivre à distance nos aventures grâce à ces petits récits que l’on reçoit par mel, un peu à l’ancienne, entre correspondance et carnet de voyage.
Les explorations botaniques sont des balades qui invitent à faire ensemble l’inventaire de la flore de Foresta. Guidées par les artistes-cueilleurs du collectif SAFI et les botanistes de l’association Espigaou, par ailleurs habitants de cette partie du territoire, elles permettent d’observer pour se constituer peu à peu une connaissance commune et partager ce que nous raconte le monde végétal des lieux où nous vivons. Les explorations botaniques sont une proposition du collectif SAFI et d’Espigaou dans le cadre de Foresta, un projet porté par Yes We Camp en collaboration avec Hôtel du Nord.
Les conversations marchées
Les conversations marchées sont des invitations lancées par le collectif SAFI et le Bureau des guides du GR2013 à des scientifiques, écologues, botanistes, naturalistes… pour marcher ensemble et éclairer notre regard sur Foresta. Ils nous donnent à voir et à comprendre ce qui constitue nos paysages de proximité, les enjeux qui les traversent et en quoi ils participent d’un écosystème. Les conversations marchées font partie du programme européen Nature 4 Citylife.
LES RÉCITS DE FORESTA Par de multiples marches d’exploration, nous prenons le temps de collectivement observer Foresta. Au travers ses sols, ses arbres, ses paysages, ce site a beaucoup à nous apprendre sur la biodiversité en ville mais aussi sur l’histoire industrielle et sociale de Marseille. En collectant et racontant ses multiples histoires nous espérons contribuer à prendre soin de ces lieux et à les vivre en commun.
www.hoteldunord.coop www.gr2013.fr parcforesta.org