MICROPOLITIQUE DES GROUPES David VERCAUTEREN

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96 prétexte qu’il manque un peu d’énergie, que diable ! Un peu de courage voyons, tout cela ne nous promet-il pas de la joie, de la puissance ? Au fil des semaines, les réunions de coordination du jeudi se dépeuplent… On ne comprend pas très bien… Et puis un jour, l’un d’entre nous, qui s’était engagé dans plusieurs des dix projets, nous annonce qu’il n’en peut plus, qu’il arrête, que la « machine » lui bouffe trop de temps et d’énergie… On peut alors invoquer toute une série de bonnes et mauvaises raisons pour s’expliquer le départ de cette personne : une rencontre amoureuse, une instabilité de caractère innée, une incapacité à tenir ses engagements dans le temps… Bref, on psychologise : le problème est affaire de tempérament personnel et n’a pas grand chose à voir avec le groupe en tant que tel… Si on prend les choses sous un autre angle, on peut se demander : dans ce processus, qu’est-ce qui aurait permis d’éviter d’en arriver là ? On le sent, la question n’a plus rien à voir ici avec une question de force ou de défaillance attribuable à une personne en tant que telle, mais avec une question pragmatique qui interpelle le groupe sur son mode de fonctionnement. À quoi faut-il nous rendre sensibles ? Que devons-nous prendre en compte, par exemple, lorsque nous décidons de nous lancer dans un projet collectif, pour éviter que celui-ci ne devienne une machine qui demande toujours plus et plus de temps, d’énergie, de dévouement et finalement de sacrifice ? Qu’est-ce qui va nous forcer à nous rendre sensibles à ces signes, à ce dont nous avons besoin, compte tenu du fait qu’à « l’état naturel », nous ne disposons pas de cette sensibilité ? C’est à ces questions très concrètes que répond la création des rôles dans un groupe. La fonction des rôles sera de se concentrer sur un aspect de la vie du groupe qui, sinon, passe à la trappe. Par le rôle qu’elle tient, une personne peut ainsi forcer le groupe à ralentir, à ne pas oublier l’aspect de la lenteur dans un processus collectif. Et, dans la petite histoire qui précède, il nous aurait été fort utile qu’une personne endossât le rôle qui aurait fait exister pour le groupe des questions telles que : nous avions décidé hier d’arrêter, et aujourd’hui nous voilà avec tous ces projets… Sommes-nous sûrs de disposer de suffisamment d’énergie pour les faire tenir ? Le fait qu’il faille, certes gentiment, « pousser » certains à prendre en charge un projet là où personne ne se propose spontanément de le faire ne nous indique-t-il pas l’inverse [5] ?

PRINCESSES,

SERPENTS ET FACILITATEURS

Si, comme nous l’indiquions plus haut, nous ne débarquons pas vierges dans un groupe, il n’en demeure pas moins que nous sommes chacun affectés de manière singulière par le milieu dans lequel nous évoluons et par ses caractéristiques. Bref, nous avons affaire à Pierre, Aline, Jeanne, des êtres qui ont réagi de manière singulière aux divers milieux qui les ont construits, en contractant des habitudes propres. Untel, brillant orateur, ne ratera jamais le bon moment pour intervenir dans une assemblée ou une réunion ; untel, timide et taiseux, persuadé que ce qu’il a à dire n’en vaut pas la peine, a des sueurs froides à l’idée de prendre la parole en public ; une telle, fonceuse et énergique, ne cessera de critiquer le groupe parce qu’il est toujours trop lent, trop prudent, etc. Starhawk dresse ainsi une série de portraits éthologiques de « rôles implicites » que l’on retrouve peu ou prou dans la plupart des groupes [6]. Mettre en place des rôles dans un groupe peut nous aider à transformer cet état de fait.


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Les Grâces

2min
page 131

Serpents

5min
pages 133-135

Dragons

1min
page 132

NOTIONS

2min
page 129

Souci de soi

2min
page 109

Transformer

3min
page 110

Lier

7min
pages 112-114

Théories (effets des

10min
pages 121-124

Savoir et technique de soi

3min
page 111

Le double discours

6min
pages 117-118

« Cela fait signe de quoi, toute cette histoire… »

4min
pages 119-120

« Rencontre culturelle »

2min
page 116

Silence

6min
pages 106-108

Échapper

4min
pages 104-105

2. La réunion

6min
pages 91-93

Ça ru-moralise

7min
pages 102-103

Princesses, serpents et facilitateurs

10min
pages 96-98

Dix et plus

3min
page 95

Memento

3min
pages 99-100

Les notions communes

6min
pages 87-89

Les rencontres

3min
page 86

Deux semaines de tournée et sept représentations furent prévues

3min
pages 83-84

Programmer

2min
page 82

Repère 4 : quels critères ?

4min
pages 80-81

Repères

3min
page 71

Repère 1 : Situation

3min
page 77

Un regard

7min
pages 72-74

Pouvoir

3min
page 69

La création d’une culture de soi

6min
pages 60-62

La capture de l’affect

6min
pages 58-59

« C’est un front secondaire ! »

3min
page 57

Mémoire

3min
page 46

Une histoire n’est pas l’autre

2min
page 53

Fantômes

5min
pages 51-52

D’une prise à l’autre

5min
pages 54-55

Les absents ont toujours tort

3min
page 45

Aion

2min
page 41

Préparer et expérimenter

3min
page 37

Un signe d’une mauvaise volonté

3min
page 36

1. « Évaluation contrôle »

2min
page 34

2. « Évaluation signe »

3min
page 35

Du jeu

2min
page 32

Passage : la « mue »

3min
page 31

Évaluer

3min
page 33

Question de rapports

2min
page 28

Deux cas de figures illustrent cette approche

3min
page 30

3. La bascule

7min
pages 25-27

Une étrange schizophrénie

7min
pages 13-14

Un vent du sud

6min
pages 11-12

Artifices

9min
pages 18-20

L’option choisie

7min
pages 15-17

A. La charpente

3min
page 22

Savoir royal, savoir nomade

3min
page 8

Qui est (dé)possédé ? Qui est séparé ?

3min
page 7

Cheminement

7min
pages 9-10
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MICROPOLITIQUE DES GROUPES David VERCAUTEREN by Bruno TISON - Issuu