Recoudre l'Épeule

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Matérialités de la rénovation urbaine et résidentielle / Contre la table rase & avec les ressources locales

RECOUDRE L’ÉPEULE

Approches alternatives et transcalaires pour une ville productive, éducative, récréative et habitée au quartier de l’Épeule à Roubaix

Rapport collectif Projet de Fin d’Études Semestre d’Automne 2021 / 2022

Domaine d’Études Matérialité, Culture et Pensée Constructives Atelier « Méthode(s) de construction collaborative, modulaire et circulaire » Philippe Rizzotti

Lucie Bouloy Antoine Cornouiller Bastien Mouquet Camille Viala



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École Nationale Supérieure d’Architecture et de paysage de Lille Domaine d’Études Matérialité, Culture et Pensée Constructives

RECOUDRE L’ÉPEULE Approches alternatives et transcalaires pour une ville productive, éducative, récréative et habitée au quartier de l’Épeule à Roubaix

RAPPORT COLLECTIF PFE SEMESTRE AUTOMNE 2021/2022


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Préambule

Objectifs pédagogiques : À l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille, en 2021-2022, les trois ateliers de master du semestre d’automne du domaine d’étude Matérialité sont groupés, collaboratifs et cohérents dans leurs approches. Ils sont encadrés par Damien Antoni, Philippe Rizzotti et Didier Debarge, qui coordonne le semestre. Pour rappel, le deuxième cycle conduisant à la délivrance du diplôme d’État d’architecture (DEA) conférant le grade de master doit permettre aux étudiants d’acquérir une pensée critique, la maîtrise des problématiques propres à l’architecture et de se préparer aux différents modes d’exercices et domaines professionnels de l’architecture1. Le domaine Matérialité, culture et pensée constructives est résolument orienté vers les relations qui se tissent entre conception et réalisation, entre savoir et faire. En résumé, que ce soit à l’échelle du détail, du bâtiment ou du quartier, pas de QUOI sans COMMENT2. Il s’agit ici de travailler la problématique des relations entre architecture et matière, des liens qui articulent l’architectural, qui serait de l’ordre du penser, à l’architectonique, qui serait de l’ordre de la réalité matérielle. L’hypothèse sousjacente est que le réel est une condition de la poésie, mais aussi que le fait architectural fait coïncider le manuel et l’intellectuel3. 1 Site internet ENSAP Lille, Formations, architecture, master 2 Didier DEBARGE, Fiche des enseignements du semestre d’automne du domaine Matérialité

3 Site internet ENSAP Lille, Formations, architecture, master, Matérialité, culture et pensée constructive

L’objectif principal de ces trois ateliers groupés est donc de faire prendre conscience de la réalité du cadre de production pour diversifier et étoffer substantiellement la boîte à outils conceptuels de l’étudiant4. 1. Problématiser : Savoir établir des liens entre des constats, des connaissances, des projets en cours pour les mettre en perspective et en dégager les enjeux. 2. Collaborer : Savoir être et savoir travailler dans un cadre collaboratif avec des pairs, des étudiants de Sciences Po et des Compagnons du Devoir. 3. Projeter : Savoir associer une formalisation avec une problématisation et conduire une production architecturale dans un processus dialectique de prospections et de recherche5. Les mots « environnement », « énergie », « écologie », « durabilité », « soutenabilité », « responsabilité » immergent notre quotidien. Plutôt que de se satisfaire de solutions ponctuelles vertueuses, nous orientons la question de la transition écologique vers une approche plus globale qui intègre aussi la réalité productive et sociale. Il s’agit pour les étudiants d’interroger leur projet sous l’angle de leur opérationnalité, au sens de leur vraisemblance tant sociale, politique que programmatique, mais aussi technique, économique, voire logistique. La valeur esthétique des projets sera principalement vue ici au travers de l’expression de leur mode de production. 4 5

Ibid. 2 Ibid. 3


6 Cette approche de la matérialité par les modes opératoires intéressera les trois échelles proposées dans l’atelier, du détail au quartier. François Lacoste et Bernarth Godbille, architectes enseignants du champ Sciences et techniques de l’Architecture et Marc Toutin architecte et associés du bureau d’études Tribu dans le Nord Pas-de-Calais, accompagnent les étudiants sur les questions techniques et environnementales. Le travail des étudiants des trois ateliers de projet est également réalisé en collaboration avec Sciences Po Lille, les Compagnons du Devoir et Zerm, association d’architecture fondée en 2015 par d’anciens étudiants de l’ENSAP Lille. Zerm s’occupe de construction, de réemploi et de réhabilitation, au moyen de chantiers, de recherches et d’un stock de matériaux de réemploi. Depuis octobre 2019 l’association est en résidence au Couvent des Clarisses à Roubaix pour le projet d’urbanisme transitoire « saisons zéro ». L’ancien couvent des Clarisses est un ensemble monastique de 6500 m2 construit par le Baron Béthune à la fin du XIXème siècle dans le quartier de l’Épeule à Roubaix. Inhabité depuis 2008, le bâtiment est inscrit à la liste des monuments historiques en 2010. La Ville de Roubaix qui active une culture du développement durable et du zéro déchet depuis 10 ans souhaite faire du monastère désacralisé un lieu dédié à l’accélération de la transition écologique sur le territoire. En 2019 la ville lance ainsi un appel à projet pour l’occupation transitoire du lieu. Zerm - en collaboration avec l’association Yes We Camp, l’historien Gilles Maury et l’entreprise ICAR - est sélectionné pour assurer la réactivation et l’animation progressive de l’ancien couvent avec le support de la ville qui finance des travaux de mise aux normes et participe à la gouvernance partagée du lieu. Véritable alternative

expérience d’intervention sur le patrimoine, cette

occupation transitoire intitulée Saisons Zéro souhaite expérimenter au quotidien des techniques pratiques, économiques et simples pour répondre aux besoins essentiels du logement, du travail, de la fête et de la cohabitation. Le projet propose aussi, en collaboration avec des partenaires locaux et les habitants, des activités multiples, des événements et une buvette, mais aussi des espaces loués aux associations et entrepreneurs, des hébergements alternatifs et des jardins aménagés6. Cette action-recherche, véritable expérience « in vivo » permet d’ouvrir une réflexion collective et alternative au projet NPNRU en cours de développement dans le quartier de l’Épeule. Le nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU), validé en janvier 2020 par l’ANRU (Agence nationale pour la rénovation urbaine), pose les bases concrètes de la transformation de Roubaix. À l’horizon 2027, les quatre quartiers concernés (Alma, Épeule, Pile et Trois Ponts) verront naître les transformations qui doivent permettre d’améliorer durablement le cadre de vie des Roubaisiens7. La concertation réglementaire s’est déroulée du 1er mars au 16 avril 2021. Des réunions de concertation réglementaires en visio, vers les habitants et vers les Conseils Citoyens, ont été programmées en mars 2021 pour chacun des quatre quartiers. Ces réunions de concertation réglementaire ont eu pour objectif de présenter les quatre projets de rénovation afin de recueillir les questions, avis, remarques et propositions des habitants. Dans ce secteur ouest, la partie sud du quartier prévoit des démolitions de logements locatifs sociaux devenus inadaptés, et qui d’après les concepteurs rendront les espaces verts existants plus lisibles. Une nouvelle place verra le jour, entourée d’une école, d’un centre social et 6 Source : https://saisonszero.fr/a-propos.php: Saisons Zéro est une expérimentation collective 7 Source : https://www.roubaixxl.fr/renover-pour-mieux-vivre-a-roubaix/


7 d’un pôle de services publics. Le couvent des Clarisses s’intégrera à cet ensemble. D’autres interventions importantes sont prévues sur l’habitat ancien dégradé et les commerces situés rue de l’Épeule. Développement des projets: La pédagogie proposée se diversifie au sein de trois ateliers. Les questions opérationnelles liées à l’activité de projet se déclinent dans trois thématiques principales, non exclusives l’une de l’autre. Tous les projets ont pour site de départ le quartier de l’Épeule à Roubaix. Si elles sont développées singulièrement par chacun des trois enseignants, la mixité au sein des ateliers est plus que souhaitée. L’atelier de Didier Debarge a pour thématique les « Lieux de formation non institutionnels au Couvent des Clarisses », qui offrait autrefois un service scolaire privé ouvert à la population du quartier. Ici, il s’agit de développer un projet de réinvestissement des lieux, à concevoir rapidement et avec peu de moyens, dans un cadre alternatif aux formations institutionnelles, pour le soutien scolaire, l’alphabétisation, le partage des savoirs, les échanges intergénérationnels, etc. L’atelier de Damien Antoni a pour thématique les «Lieux de travail au cœur de la reconquête urbaine». Il s’agit de comprendre les filières de travail des villes qui sous-tendent la ville et la nature du travail qui s’y effectue, d’élaborer une méthode d’investigation de terrain et en chambre pour concevoir et développer de manière approfondie une forme architecturale faite pour le travail à horizon 2050, dans un objectif de justice sociale et de sobriété matérielle et énergétique. L’atelier de Philippe Rizzotti appelé « Méthode(s) de construction collaborative, modulaire et circulaire » se concentre sur la conception et la construction de logements. En deuxième année, l’atelier de logement collectif du S4 aborde principalement les notions d’usages et de typologie. Ces notions sont à compléter en questionnant les politiques urbaines et en abordant plus spécifiquement les

dimensions constructive et économique, les enjeux environnementaux et sociétaux liés aux modes opératoires. Pour la troisième année consécutive, le site d’exploration se trouve à Roubaix, dans le contexte particulier d’urbanisme transitoire et de réactivation du couvent des clarisses initié par la Collectif Zerm et l’ENSAPL comme du processus Nouveau Programme National de Renouvellement Urbain (NPRU) de l’Épeule. Le projet s’inscrit par ailleurs dans la dynamique d’expérimentation de logement bascarbone initiée par le domaine d’étude Matérialité et culture constructive sur la transformation des maisons 1930, qui a permis à l’École Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille et ses partenaires de remporter le Solar Décathlon 2019. À partir d’exemple de méthodes de construction collaborative (Mouvement coopératif des Castors, Méthode Segal) d’études de cas (Model Houses d’Henry Robert, Saishogen Jutaku de Makoto Jutaku), Maison Serre de Jourda Perraudin), les étudiants ont pour objectif de développer des solutions constructives en restructuration ou construction neuve à partir d’un diagnostic de terrain précis et problématisé. Des expérimentations en atelier Échelle 1 permettront de vérifier, dans la mesure du possible, les hypothèses constructives des systèmes proposés, pour investir un espace privé ou public en devenir, jusqu’à en modifier le paysage. Ces méthodes et dispositifs techniques doivent permettre de revaloriser la diversité résidentielle du quartier. Sur la base d’exemple d’architectures savantes, les projets cherchent à développer des dispositifs techniques reproductibles (modulaires, évolutifs, réversibles), mais aussi combinables (en plusieurs configurations) pour, le cas échéant, investir la rénovation de l’habitat individuel ou collectif, ancien ou neuf.


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Problématique

Îlot Bell

Îlot des Arts

Comment une démarche participative permettrait-elle de conserver la résidence Bell, d’améliorer le cadre de vie des habitatns et de valoriser l’identité du quartier tout en intégrant les objectifs de l’ANRU?

Considérant l’évolution du contexte social, économique et environnemental, comment peuton restructurer les maisons 1930 en maîtrisant la densité, en intensifiant les usages et en intégrant la nouvelle réglementation environnementale?

Ghaidaa Fahd Thomas Goetgheluck Victoria Martinez Darcel Degho Tako

Lucie Bouloy Léonie Desbleds Anaïs Giraud Axelle Waselinck

Régénérer la courée

Îlot du triangle

Comment la valorisation de l’organisation de la courée permet d’elle de favoriser la mixité matérielle et générationnelle?

Comment la requalification de l’îlot du Triangle et du Parc du Brondeloire permet-elle de créer une mixité fonctionnelle et typologique afin de placer les habitants au cœur de nouvelles dynamiques sociales et économiques du quartier à Roubaix?

Bastien Mouquet Camille Viala Emily Augé Benjamin Cuvelier

Antoine Cornouiller Prune Bollengier Lucie Brenne Kevin Lambert


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Enseignants: Didier Debarge (coordinateur) Philippe Rizzotti (professeur référant) Damien Antoni Bernarth Godbille François Lacoste Marc Toutin Étudiants: Emily Augé Prune Bollengier Lucie Bouloy Lucie Brenne Antoine Cornouiller Benjamin Cuvelier Darcel Degho Tako Léonie Desbleds Ghaidaa Fahd Anaïs Giraud Thomas Goetgheluck Kevin Lambert Victoria Martinez Bastien Mouquet Camille Viala Axelle Waselinck


11

Sommaire

Partie 1 Un projet de rénovation urbaine dans la ville: le NPNRU à Roubaix

17

1.1. Du NPNRU en France à la politique de la ville 1.1.1. À l’échelle nationale 1.1.2. À l’échelle de la métropole 1.1.2. À l’échelle de la commune

17

20 1.2. Analyse socio-économique 1.2.1. Âge et composition de la population 1.2.2. Catégories socioprofessionnelles et niveau de formation 1.2.3. Revenus et taux de chômage 1.2.4. Loyers et prix de l’immobilier 1.3. Le NPNRU au quartier de l’Épeule

23

1.3.1. Le projet au 16 Avril 2021 1.3.2. Bilan critique

Partie 2 Le quartier de l’Épeule à Roubaix

31

2.1. Analyse urbaine 32 2.1.1. Les espaces végétalisés 2.1.2. Activités 2.1.3. Les réseaux de transports en commun 2.1.4. Le stationnement automobile 2.1.5. Évolution du bâti 2.2. Les îlots

43

2.3. Le bâti 2.3.1. Typologie 2.3.2. Habitat 1930 2.3.3. Grands collectifs

72

Bibliographie

75

Ce premier chapitre d’analyse est complété par les projets de fin d’études suivants:


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Sommaire chapitre 2 Îlot des Arts

Partie 1 Regard contemporain sous l’archétype de la maison 1930

11

1.1. L’histoire de ce modèle 1.1.1. De 1930... 1.1.2. ... A 2020

11

3.2. Le premier niveau: les espaces 37 de vie en relation avec le coeur de l’îlot 3.2.1. A l’échelle de la maison 3.2.2. A l’échelle de l’îlot

1.2. Un modèle de série au confort thermique absent 1.2.1. La matérialité comme l’identité du modèle en série... 1.2.2. ... Au dépourvu de la qualité thermique 1.2.3. Renforcer l’attractivité du quartier grâce à de nouveaux programmes

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3.3. Le dernier niveau: des 45 aménagements en fonction de l’orientation

Partie 2 Utiliser les énergies renouvelables localement pour lutter contre la pauvreté

21

2.1. L’isolation 2.1.1. Un textile recyclé 2.1.2.L’isolation intérieure

21

2.2.L’apport thermique de confort 2.2.1. Le BioGaz 2.2.2. Les capteurs solaires thermiques

23

2.3. La collecte de l’eau 2.3.1. Les eaux de pluies 2.3.2. Les eaux grises

29

Partie 3 Une nouvelle dynamique de l’îlot par la restructuration de la maison 1930

35

3.1. A RDC: l’intégration de nouveaux 35 usages 3.1.1. A l’échelle de la maison 3.1.2. A l’échelle de l’îlot

Conclusion

49

Bibliographie

51

Annexe

53


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14

Sommaire chapitre 4 Îlot du Triangle

Partie 1 13 Une alternative au NPNRU pour l’îlot du triangle 1.1. État des lieux 1.1.1. Les objectifs du NPNRU 1.1.2. Les problématiques sociales et économiques 1.1.3. Le parc du Brondeloire Delaissé

13

1.2. Les hypothèses de projet 1.2.1. Revaloriser le quartier et les espaces publics 1.2.2. Mettre en valeur le patrimoine et intégration de l’urbanisme transitoire 1.2.3. Renforcer l’attractivité du quartier grâce à de nouveaux programmes

16

Partie 2 Stratégie urbaine, paysagère et architecturale

21

2.1. Composition urbaine 2.1.1. Édifices remarquables 2.1.2. Axes structurants 2.1.3. Gabarits de projet 2.1.4. Programmation urbaine et régénération de l’espace public

21

2.2. Qualification des espaces 25 publics 2.2.1. Nouvelle gestion du stationnement 2.2.2. Place publique 2.2.3. Transformation du parc du Brondeloire dans le prolongement du campus universitaire 2.3. La programmation du projet 29 architecturale 2.3.1. Le Couvent des Clarisses: nouveau pôle culturel et éducatif

2.3.2. Extension de l’école Condorcet et restructuration des équipements sportifs 2.3.3. Valorisation et création d’espaces commerciaux 2.3.4. Intégration de nouvelles formes d’habitat : logements étudiants et auberge de jeunesse Partie 3 Les nouvelles dynamiques

33

3.1. Structures capables 3.1.1. Mise en place des commerces 3.1.2. Créer de l’habitat mixte et diversifié 3.1.3. Mise en place d’une architecture reversible

33

3.2. Place des possibles 3.2.1. Composer l’espace public comme un espace capable 3.2.2. Supperposer les fonctions pour valoriser l’espace public 3.2.3. Proposer des espaces non figés pour permettre l’appropriation

36

3.3. Parc partagé 3.3.1. Retravailler la topographie du parc 3.3.2. Travailler le sol 3.3.3. Favoriser les lieux de rencontre et d’échange

38

Conclusion

45

Bibliographie

47

Annexe

49


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16

98 départements 400 communes 200 intercommunalités 3 millions d’habitants relogés 12 milliards d’euros

Sites impactés

Fig. 1, Les sites impactés à l’échelle de la France Métropolitaine Auteurs : Emily Augé, Benjamin Cuvelier, Bastien Mouquet, Camille Viala


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Un projet de rénovation urbaine dans la ville: le NPNRU à Roubaix L’Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine (ANRU) fut créée en 2003 par le ministre délégué à la ville, de la loi d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, JeanLouis Borloo. La mission de l’ANRU est de transformer les quartiers jugés difficiles en intervenant directement sur l’habitat, afin de les ouvrir à leur territoire pour favoriser la mixité sociale. L’ANRU explique que « les quartiers changent de visage ; des immeubles vétustes sont détruits pour laisser place à une nouvelle offre de logements sociaux de qualité. De nouveaux équipements sont construits (écoles, espaces culturels, centres sportifs…), des commerces de proximité voient le jour. Les espaces urbains sont repensés pour améliorer le cadre de vie des habitants. Enfin, les quartiers sont plus ouverts vers leur agglomération avec davantage de moyens de transport et la création de nouvelles voies de circulation »1. Pour opérer ces changements, l’agence dispose de quatre outils. Premièrement, le Programme National de Rénovation Urbaine (PNRU), deuxièmement, le Nouveau Programme National de Rénovation Urbaine (NPNRU), et le Programme National de Requalification des Quartiers Anciens et Dégradés (PNRQAD), enfin les Programmes d’Investissements d’Avenir (PIA). En 2004, un PNRU fut réalisé sur le quartier de l’Epeule à Roubaix. Cependant les actions menées par l’ANRU n’ont pas réussi à transformer le quartier. C’est pourquoi un nouveau programme fut lancé en 2014. Dans notre domaine d’étude Matérialité, nous nous intéressons particulièrement à ce nouveau programme mis en place 1 Antoine Torre, « Démolir pour séduire : le pari Roubaisien », Trait urbain n°117, Fevrier 2021, pp. 28-31

sur le quartier afin d’en comprendre les raisons et les intentions de rénovation urbaines. 1.1. Du NPNRU en France à la politique de la ville

!

!

!

1.1.1. A l’échelle nationale Le NPNRU s’inscrit dans la continuité du PNRU et doit se terminer en 2030. Le programme concerne 3 millions d’habitants situés dans 98 départements de France Métropolitaine et d’Outre-mer, ce qui correspond à 400 communes et 200 intercommunalités. Au niveau national, le NPNRU vise 450 quartiers, pour lesquels l’ANRU apporte 12 milliards d’euros de financement. L’agence cherche à atteindre 6 objectifs au travers de ce programme : - Augmenter la diversité de l’habitat - Adapter la densité du quartier à son environnement et aux fonctions urbaines visées - Favoriser la mixité fonctionnelle et consolider le potentiel de développement économique - Renforcer l’ouverture du quartier et la mobilité des habitants - Viser l’efficacité énergétique et contribuer à la transition écologique des quartiers - Réaliser des aménagements urbains et des programmes immobiliers de qualité prenant en compte les usages, les enjeux de gestion et de sûreté et anticipant les évolutions et mutations futures Afin d’atteindre ces objectifs, l’ANRU a effectué une étude des quartiers dans lesquels sont concentrées les difficultés sociales, économiques et urbaines. À la suite de ces analyses, elle a mis à disposition 9 carnets de l’innovation, pour permettre aux porteurs de projet de comprendre ces attendus et de réaliser


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LA BOURGOGNE

QUARTIERS ANCIENS

LES VILLAS

Tourcoing

L’ALMA Wattrelos LES BOIS BLANCS

L’ÉPEULE

Roubaix LE PILE Hem

LIONDERIE, TROIS BAUDETS

Mons-en-Baroeul

Lille

CONCORDE

Loos LE NOUVEAU MONS Wattignies LES OLIVEAUX LILLE-SUD

LE BLANC RIEZ

13 communes 6 000 familles relogées 1,88 milliards d’euros

Sites impactés

Fig. 2 Les sites impactés à l’échelle de la MEL Auteurs : Emily Augé, Benjamin Cuvelier, Bastien Mouquet, Camille Viala

des interventions bénéfiques aux quartiers vie des quartiers Politique de la Ville. concernés. Ce document permet également de fixer les ambitions et les moyens à mettre en place pour réduire les inégalités dans la MEL. Ce document appuie les objectifs 1.1.2. A l’échelle de la métropole (MEL) que l’ANRU souhaite accomplir. A l’échelle de la Métropole Européenne de Lille, 13 quartiers sont impactés par le NPNRU. Pour la MEL ainsi que pour l’ANRU, les conditions de réussite des interventions dans le cadre du NPNRU s’opèrent grâce à la participation des habitants, une gestion urbaine de proximité, l’égalité homme/ femme, la citoyenneté, la valorisation de la diversité et l’égalité des chances, la cohésion sociale et enfin un suivi régulier et une évaluation des actions. La MEL est devenue en 2015 responsable du « contrat de ville », un document qui fixe les ambitions relatives au bien-être des habitants pour améliorer leur qualité de

1.1.3.

A

l’échelle

de

la

commune

(Roubaix) Roubaix étant la troisième municipalité la plus peuplée de la MEL, elle est donc perçue comme une grande mosaïque qui témoigne des disparités et des inégalités persistantes. Cependant cette image de la ville va à l’encontre des actions de la MEL qui souhaite mettre en place une politique équitable de développement et d’aménagement du territoire. En revanche l’ANRU relève plusieurs contraintes telles qu’une forte densité,


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Alma Gare

Pile Épeule Trois ponts

4 quartiers 560 familles relogées 180 millions d’euros

Sites impactés

Fig.3, Les sites impactés à l’échelle de Roubaix Auteurs : Emily Augé, Benjamin Cuvelier, Bastien Mouquet, Camille Viala

une discontinuité du tissu urbain, des habitations dégradées, une pauvreté des espaces verts, des commerces en difficulté ainsi que des problèmes d’insécurité et de propreté. C’est pourquoi 4 des quartiers de Roubaix sont concernés par le NPNRU : l’Alma, l’Epeule, les Trois-Ponts et enfin le Pile. Ces derniers constituent chacun un secteur d’action à l’exception des quartiers des Trois-Ponts et du Pile qui sont mis en communs. Dans le cadre du programme de rénovation urbaine, l’ANRU fournit 180 millions d’euros à la ville de Roubaix pour sa rénovation urbaine, ce qui correspond à 45% de l’enveloppe totale des aides allouées à la ville chaque année. Le NPNRU au quartier de l’Epeule consiste à réaliser 50 constructions de logements

neufs, la restructuration ou la création de 3 équipements publics et également la réhabilitation de 245 logements dont 200 au sein de l’ensemble Bell. Cependant il implique aussi la démolition de 350 logements comprenant 90 habitats privés et 260 logements locatifs sociaux du groupe Bell. Il est essentiel de rappeler que le principal objectif de l’ANRU est de diversifier la population dans ces quartiers et de favoriser la mixité sociale. Ce qui consiste à essayer d’installer durablement les classes moyennes et supérieures dans ces territoires où la majorité de la population qui y réside appartient à la classe populaire. Pour atteindre cet objectif, l’ANRU prône la dédensification et la gentrification du quartier. Cela permet de créer des espaces jugés plus agréables


20 mais aussi d’augmenter la valeur foncière des terrains du quartier. Cependant, cette valorisation des parcelles provoque le départ des populations les plus pauvres. De plus, il est important de savoir que l’adhérence au NPNRU empêche de reconstruire du logement social. De nos jours, cela crée des problèmes de logements dans le quartier de l’Alma qui a bénéficié du PNRU. Les investisseurs qui ont toujours l’habitude de garantir leurs investissements avec une part de logement social ne veulent pas prendre le risque de construire dans un quartier où le logement social est interdit. La destruction des logements engendre une phase de relogement qui a déjà été engagée dans certains quartiers. La totalité des destructions des logements du quartier de l’Epeule provoque 595 relogements de familles. Selon Catherine Dautieu, l’ancienne directrice de l’aménagement de la ville de Roubaix, l’ANRU souhaite mobiliser tous les bailleurs sociaux de la MEL pour «réinterroger la manière de faire pour être un acteur du rééquilibrage du peuplement»1. Les habitants des quartiers concernés par les interventions seront répartis dans toute la MEL après leurs délogements. Catherine Dautieu continue son interview avec l’exemple du quartier des Trois Ponts où la mairie souhaite proposer « un beau produit avec une offre locative destinée aux employés »2. Le terme employé est ici utilisé en opposition au terme de chômeur, qui représente un tiers de la population de Roubaix « trois fois plus que la moyenne nationale »3 (2018). Ce point de vue peut être remis en question au travers l’étude du livre La ville vue d’en bas du Collectif Rosa Bonheur dont la dernière phrase « Regarder la ville et le quotidien populaire d’en bas (...) c’est voir que celles et ceux dont ont dit qu’ils ne font rien ne sont, en 1 Antoine Torre, « Démolir pour séduire : le pari Roubaisien », Trait urbain n°117, Fevrier 2021, pp. 28-31 2 Ibid 3 Ibid

fait, ni plus ni moins que des travailleuses et des travailleurs »4. 1.2. Analyse socio-économique Dans un premier temps, nous avons réalisé une étude socio-économique de Roubaix et du quartier de l’Épeule. Dans un second temps, nous compléterons ces recherches par la réalisation de cartes et documents graphiques relatifs au quartier. 1.2.1.

Âge

et

composition

de

la

population L’analyse de la population du quartier de l’Épeule à Roubaix est une étape indispensable à la compréhension des modes de vie et des situations économiques et sociales. Nous avons recueilli un éventail de données établies par l’INSEE5 en 2018 dans le but de réaliser des comparatifs avec les territoires englobés par Roubaix. Ainsi, les données présentées concernent les villes de Roubaix et de Lille dans une logique d’intégrer le quartier de l’Épeule Nord dans son territoire proche. Concernant la croissance démographique, nous remarquons une forte croissance démographique en 2018 (+5,2%), soit presque 9 fois plus que Roubaix et 50 fois plus que la moyenne nationale. Ces chiffres supposent donc une nécessité de logement, de travail, et d’activité à prévoir, ce qui représentent un potentiel très dynamique pour le quartier. Fig. 3, Population par tranche d'âge à Roubaix en 2018 Auteurs : Antoine.C, Prune.B, Lucie.Br, Kevin.L

26% 0-14

23% 15-29

19% 30-44

10% 6% 16% 60-74 75+ 45-59 AGE

4 Collectif Rosa Bonheur, La ville vue Ménage d’en bas : travail et production de l’espace populaire, Paris : Éditions Amsterdam, 2019 5 Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques. www.insee.fr

Diplome


21 De plus, les chiffres traitant précédemment de la densité de population sur la ville de Roubaix, se sont avérés extrêmement bas concernant le nombre d’habitants par km2. Pour le quartier de l’Épeule Nord notamment, nous avons pu observer que de nombreuses parcelles sont inutilisées, possédant pourtant un potentiel constructible, ce qui caractérise un enjeu pour le quartier et son dynamisme.

AGE Fig. 4, Composition des ménages à Roubaix Auteurs : Antoine.C, Prune.B, Lucie.Br, Kevin.L 31% Couple + enfant

14% 19% 18% 18% Ménage Couple Homme Femme Monoseul seule parentale sans enfant

Lorsque l’on examine la Diplome population par tranche d’âge à Roubaix en 2018, nous remarquons, au-delà d’une mixité importante, que près de la moitié de la population a moins de 30 ans. Ces données s’inscrivent dans les chiffresSalari traitant de la croissance démographique de la ville H/F(+5,2%). (+0,6%) ainsi que celle du quartier Ces deux facteurs sous-entendent aussi une proportion importante d’enfants et d’adolescents, ce qui induit une nécessité H/F d’action dans le secteur de l’éducation. Dans le quartier de l’Épeule, cela nous permet de mieux comprendre la volonté de l’ANRU d’agrandir l’école primaire Condorcet. Cela s’explique Foyer également par la composition des familles, puisque fiscaux presque la moitié des ménages ont un

1.2.2. Catégories socio-professionnelles et niveau de formation

AGE

Selon les données concernant les catégories socio-professionnelles, nous nous apercevons que le quartier de l’Épeule Nord se distingue des données Ménage nationales et de la ville, notamment par sa faible proportion de retraités ainsi que son nombre élevé d’ouvriers et d’employés. Or, nous savons qu’un ouvrier ou un employé peut gagner jusqu’à deux fois Diplome moins qu’un cadre, qu’une profession intermédiaire ou qu’un chef d’entreprise.

Fig. 5, Parité Homme-Femme Salari à Roubaix en 2018 H/F Kevin.L Auteurs : Antoine.C, Prune.B, Lucie.Br,

49% Homme

51% Femme

H/F

Âge moyen (an)

31

33

Si l’on zoom à l’échelle du quartier étudié, nous voyons que ces chiffres peuvent s’expliquer par le niveau d’étude de ces Foyer habitants. En effet, 67% de la population fiscaux ne détient aucun diplôme, contre seulement 5% dans l’enseignement supérieur. Ces chiffres traduisent le manque d’accessibilité aux Décomposition études pour la population du quartier de l’Épeule. revenus Pourtant, les universités sont présentes à Roubaix. On les compte au nombre de 23. Les disparités en matière de diplôme AGE demeurent, en effet, assezpropriétaire marquées selon le niveau d’étude des parents. Certes, l’accès à l’enseignement supérieur s’est progressivement ouvert à tous mais il est avéré que les individus ont plus de Décomposition Lille France chance d’être diplômés si l’un Ménage de leur deux Ancienneté 34 42 revenus parents au moins l’est aussi.

Composition des familles (Hab/ ménages)

2.6

2.6

1.9

2.2

Croissance démographique (%)

5.2

0.6

0.1

0.3

enfant. Epeule Nord

Roubaix

propriétaire

d'eménagement

Fig. 6, Population de 15 ans ou plus étant non Diplome salarié selon le genre à Roubaix en 2018 Auteurs : Antoine.C, Prune.B, Lucie.Br, Kevin.L

Enfin, nous observons que 51% des ménages de la population de Roubaix 68.9% vivent sans enfant, hors nous savons Ancienneté Homme que ce type de ménage est deux fois d'eménagement plus touché par le chômage et, plus généralement, la précarité.

31.1% Salari Femme

H/F H/F


22 Enfin, dans ces deux derniers graphiques, nous voyons qu’un tiers de la population de 15 ans ou plus étant non salariée est composée de femmes à l’échelle de Roubaix. Tandis que la parité homme/ femme de la ville ne justifie pas de telles disparités. Même si ces données ne ciblent pas notre quartier d’étude, cela pourrait expliquer l’omniprésence masculine AGE au sein de l’espace public, que nous avons pu observer, ainsi que les fractures sociales et économiques qui en découlent.

ces deux territoires, l’écart de revenu est considérable. Le quartier de l’Epeule enregistre des revenus 13 fois inférieurs à ceux de la commune de Châtenay-enFrance. Ce quartier fait donc face AGEà une précarité vraiment alarmante, il est alors indispensable d’agir dans l’intérêt des habitants afin de leur offrir un lieu de vie qualitatif et valorisant.

Ménage

Fig. 7, Niveaux de diplôme des habitants du Ménage quartier de l’Epeule Auteurs : Antoine.C, Prune.B, Lucie.Br, Kevin.L

Taux de chômage France

5% 11% 17% Diplome Bac SupéCAP rieur ou BEP

67% Sans diplôme

9.4% 8%

Roubaix

30%

Epeule

30%

Ménage Salari H/F

1.2.3. Revenus et taux de chômage Nous remarquons que le taux de chômage Salari est très élevé pour la ville de Roubaix et H/Ftrois fois le quartier de l’Épeule, 30%, soit plus que la moyenne nationale (9,4%). L’une des explications possibles H/F à ce taux important de chômage pourrait être liée avec un passé industriel riche, notamment dans le domaine du textile. Malheureusement, la plupart des usines concernées, implantées dansFoyer ce quartier, ont disparu de nos jours, la ville ayant fiscaux subi un déclin industriel énorme dans les années 70-80. Depuis 1968, 30% des emplois ont disparu.

AGE Diplome

Lille

Diplome

Fig. 8, Foyers fiscaux par niveau de revenu à H/F Roubaix en 2018 Auteurs : Antoine.C, Prune.B, Lucie.Br, Kevin.L

Salari15,3% 21.5% 16.6% Foyer € - 15 000 € 30 000 - 10 000 H/F € et + à 15 000 € à 20 000 €

46.6% - 10 000 €

fiscaux

H/F Décomposition revenus

Décomposition

Fig. 9, Revenus des ménages en France en Par ailleurs, le salaire moyen des habitants revenus Foyer 2018 du quartier de l’Epeule est deux fois propriétaire Auteurs : Antoine.C, Prune.B, Lucie.Br, Kevin.L moins élevé que la moyenne française. fiscaux Cet écart est encore plus extrême si l’on compare les revenus des habitants du propriétaire quartier avec ceux des résidents de la 64% 23.3% 10.6% 3.1% Pen- Patrimoine Décomposition commune de Châtenay-en-France dans Revenu Prestations sions d'activité sociales Ancienneté le Val d’Oise, considérée comme la ville la retraites revenus plus riche de France. Bien que le nombre d'eménagement d’habitant diffère énormément entre Ancienneté

d'eménagement Agriculture

Artisant, Cadre, profesCommercant sion sup.

Profession intermédiaire

Employé

Ouvrier

France

1%

4%

11%

17%

19%

15%

Roubaix

0%

4%

7%

14%

24%

25%

Epeule

0%

2%

6%

14%

26%

26%

propriétaire Retraité

33% 30% 22% Ancienneté d'eménagement


23 1.2.4. Loyers et prix de l’immobilier

1.3. Le NPNRU au quartier de l’Epeule

Selon les données des agences immobilières et de l’INSEE, l’écart du prix au m2 des logements au sein de la ville de Roubaix, est l’un des plusAGE grands par rapport aux villes limitrophes.

1.3.1. Le projet au 16 Avril 2021

AGEun écart En effet, la ville de Croix enregistre d’environ 800€, tandis que pour la ville de Ménage Tourcoing, il est de 500€ et pour la ville de Wasquehal seulement de 300€. Ménage Cependant il s’agit de moyennes, car dans les faits, la fourchette de prix pour Roubaix Diplome s’étend de 1000€/m2 à 2800€/m2, ce qui est largement inférieur à celui de Croix qui s’étend de 1500€/m2 à 4700€/m2. Diplome

En croisant les données relatives à Salari l’ancienneté des ménages, la parité de locataires et de propriétaires,H/F ainsi que la forte présence de logements sociaux.

Salari nous H/F H/Fpouvons

Sur Epeule Nord (64%), aisément considérer que l’accès à la propriété pour les habitants du quartier n’est pas chose facile. Ce à quoi s’ajoute le montantH/F des revenus qui ne permet probablement pas d’obtenir Foyer un prêt immobilier, les habitants restent donc locataires au sein de leurfiscaux logement.

En ce qui concerne le quartier de l’Epeule, le NPNRU doit répondre à 4 enjeux : - Agir en profondeur sur l’habitat et le peuplement - Redonner une attractivité à la rue de l’Épeule - Prolonger le parc du Brondeloire dans le quartier - Ouvrir le quartier au reste de la ville. Un autre des objectifs est de prolonger le parc Brondeloire dans le quartier. Pour atteindre cet objectif, la mairie a chargé l’Atelier 9-81 de la réalisation d’un travail sur les déplacements des habitants qui permet de « séquencer la rue avec des espaces publics animés ». L’ANRU présente le quartier sous deux angles : ses atouts et ses contraintes. Elle met en avant la proximité des transports et du centre-ville, les terrains mutables, l’artère commerciale que constitue la rue de l’Epeule, un patrimoine architectural de qualité, la présence d’entreprises et de commerces, un partenariat d’insertion emploi ainsi qu’un tissu associatif riche et engagé.

Foyer Fig. 10, Propriétaires et Locataires à l’Epeule fiscaux 1.3.2. Bilan critique Décomposition Nord en 2018 Auteurs : Antoine.C, Prune.B, Lucie.Br, Kevin.L revenus

Le collectif Rosa Bonheur critique le NPNRU

Décomposition de l’ANRU. Selon eux « Ces éléments [du 20% NPNRU] dessinent un espace en tension revenus Locataires propriétaire

80% propriétaires

où les objectifs des politiques urbaines et des investisseurs immobiliers s’opposent à ceux des habitants et des travailleurs. Fig. 11, Ancienneté d’emménagement des propriétaire Henri Coing et Henri Lefebvre ont conféré ménages en 2018 à la rénovation urbaine procédant Auteurs : Antoine.C, Prune.B, Lucie.Br, Kevin.L Ancienneté par démolition-reconstruction le sens historique d’un processus visant à changer d'eménagement 23% 22.5% 19.5% 15.9% 12.6% 9.8% la population d’un espace. Aujourd’hui, 30 20- force est de constater qu’un faisceau de Ancienneté 2-4 ans 10-19 ans 5-9 ans - 2 ans ans + 29 ans politiques publiques, locales et nationales d'eménagement répond à des objectifs similaires et cherche à transformer la fonction sociale Epeule Nord Roubaix Saint Etienne Paris de l’habitat et des équipements publics »1. Prix loc. appart.

11 €

12.3 €

29 €

10.1€

Prix loc. maison

8€

10.6 €

25.4 €

9.7 €

1

Ibid, Rosa Bonheur, La ville vue d’en


24 Outre le fait que l’analyse de La ville vue d’en bas et le NPNRU soient diamétralement opposés, les programmes de l’ANRU se concentrent uniquement sur la grande échelle et se préoccupent trop peu de l’échelle de l’habitat. Ainsi le rappelle Catherine Dautieu « l’objectif n’est pas la création de logement » mais plutôt« d’améliorer le cadre de vie, l’espace public et les cheminements piétons ». En plus de la destruction, le NPNRU propose aussi la « requalification » de logements qui s’arrête seulement au travail de la façade afin de participer à la conservation du patrimoine. Selon les mots de Philippe Louguet, architecte et spécialiste de la ville de Roubaix, les destructions réalisées qui n’ont pas été suivies de reconstructions dans le but de dédensifier un quartier « laissent la ville en jachère ». Alors, « ne peut-on craindre qu’à travers la rénovation urbaine, le traitement massif de secteurs importants accentue les contrastes entre les populations, plutôt que de renforcer la mixité ? ». Il laisserait entendre que des opérations fines de conservation du patrimoine centrées sur les habitants seraient plus favorables qu’un renouvellement urbain de masse. Néanmoins lors d’une interview menée dans le quartier de l’Epeule le 06 Octobre 2021 lorsque nous voulions recueillir l’avis des habitants sur le NPNRU, les gens n’étaient pas au courant du programme de rénovation urbaine alors même que la démolition de leurs maisons était prévue. La première personne interviewée compare la courée Blasin au paradis. Elle est locataire d’une maison définie comme logement social. Handicapée, elle met en avant les points forts de son habitat : la tranquillité du lieu, le réseau d’entraide entre les voisins et un logement en rez-de-chaussé qui donne sur une terrasse privative. Elle trouve que ce n’est pas utile de détruire des logements qui fonctionnent alors qu’il en manque énormément dans le quartier. bas. Travail et production de l’espace populaire, Op.Cit, p.90

Une autre habitante de la courée va insister sur la notion de patrimoine et d’habitat typique de la ville de Roubaix. De son point de vue, la destruction des maisons de courées efface l’histoire de Roubaix. En plus des qualités citées précédemment, elle met également en avant la proximité de la gare de Roubaix et des réseaux de transport de la MEL, la présence de nombreux commerces ainsi que l’animation du quartier. Concernant les commerces du quartier, les personnes interrogées savaient qu’il y avait un projet de rénovation et de destruction de certains bâtiments, mais ils n’ont pas d’information sur les conséquences de tels changements. Cependant, elles étaient d’accord avec la destruction des deux tours de l’ensemble Bell. Dans le cadre de l’action de l’ANRU à Roubaix les habitants ne semblent pas être au courant des projets qui sont mis en place dans leurs quartiers. Pourtant la MEL, la ville de Roubaix ainsi que les acteurs de l’ANRU ont organisé trois réunions dites de concertation depuis le 26 février 2017 afin de recevoir l’avis des habitants. Lors de la dernière réunion qui a eu lieu en ligne le 25 mars 2021, on ne compte la présence que de 67 habitants de la ville alors que la réunion concernait les actions réalisées sur l’ensemble de la ville de Roubaix. Malgré la faible présence d’habitants, ceux qui étaient présents ont pu exprimer leurs avis. Les habitants souhaitent réhabiliter les différentes courées car ils considèrent qu’elles constituent un élément remarquable du patrimoine de la ville. En revanche, les élus les considèrent insalubres et justifient que la conservation du patrimoine est effectuée par la réhabilitation du site de l’usine Roussel ainsi que par la rénovation des façades donnant sur la rue de l’Epeule. On observe également la demande de création d’un axe de mobilité douce en parallèle de la rue de l’Epeule ainsi que la création


25 de nombreux équipements tels que une garderie, une salle de motricité, une ludothèque et une maison médicale. Mais surtout, les habitants demandent une plus grande transparence et une meilleure communication du projet qui est pourtant jugé correcte par l’ANRU. De plus, le conseil citoyen de Roubaix a fait parvenir un communiqué de ses différentes demandes et propositions en réponse au projet de l’ANRU. Le conseil citoyen évoque des propositions similaires telles que la limitation des démolitions lorsque la réhabilitation est possible particulièrement concernant les courées. Mais également la création d’un nouveau supermarché de proximité afin de remplacer le triangle qui est jugé important pour la vie sociale du quartier. Ils souhaitent également garantir le retour au quartier pour les habitants délogés qui le souhaitent. Le conseil soulève également la question de l’entretien des nouveaux espaces verts qui seront créés dans le cadre du NPNRU car ceux existant sont jugés comme mal entretenus.


26 Le périmètre du NPNRU (2021) et du PNRU (2004) La première action du PNRU en 2004 à Roubaix n’a pas su répondre à ses objectifs décrits en introduction. En effet, le premier périmètre avait une stratégie globale à l’échelle du quartier de l’Épeule. Le nouveau périmètre du NPNRU se concentre quant à lui autour de la rue de l’épaule et du parc Brondeloire. Nous retrouvons certains îlots, dont nos îlots de projets, sur ces deux périmètres. Ces derniers posent des problématiques selon les enjeux de l’ANRU.

Périmètre du NPNRU (2021) Périmètre du PNRU (2004) Couvent des Clarisses

0

50

100


27

N


28 Le projet du NPNRU au quartier de l’Epeule Pour mener à bien le projet paysager le NPNRU prévoit de nombreuses transformations au sein du quartier. La démolition de 350 logements, la réhabilition de 245 logements et 50 constructions neuves sont donc envisagées. Il prévoit la création ou la restructuration de 3 équipements publics comprenant notament le centre social le Nautilus et le Couvent des Clarisses. Enfin, une grande diversité d’espaces végétalisés est implantée le long de la voie ferrée : potagers, espaces en friche, aires de jeux, terrains sportifs et aménagements en bordures. Cette bande de densité végétale forme un tampon sonore et visuel entre la voie ferrée et les espaces habités. Les jardins familiaux végétalisés sont concentrés à certains endroits, alors qu’à d’autres, ils sont totalement absents. En effet, là où la densité du bâti est importante, les toits végétalisés sont privilégiés.

Arbre Espaces verts prévus Constructions Démolitions Constructions et Démolitions Requalifications Périmètre du NPNRU Couvent des Clarisses

0

50

100


29

N



31

Le quartier de l’Épeule à Roubaix

Dans cette seconde partie nous nous intéresserons à l’analyse urbaine du quartier de l’Epeule. Dans un premier temps nous avons réalisé plusieurs cartes visant à comprendre la composition et l’organisation des différents espaces et usages présent. Ensuite, nous avons analysé les îlots concernés par le projet de renouvellement urbain afin de comprendre leur organisation propre. Enfin nous nous sommes intéréssés au diverses façade qui composent le quartier.


32 2.1. Analyse urbaine 2.1.1. Les espaces végétalisés Une grande diversité d’espaces végétalisés prend place autour de la voie ferrée avec les potagers, les espaces en friches, les aires de jeux, les terrains sportifs et les aménagements en bordures. Cette bande de densité végétale forme un tampon sonore et visuel entre la voie ferrée et les espaces habités. Les jardins familiaux végétalisés sont concentrés à certains endroits, alors qu’à d’autres, ils sont totalement absents, du fait que la densité de bâti est élevée en vue des extensions présentes dans les parcellaires. Les toits végétalisés prennent place dans ces endroits. Dans le paysage urbain, le parc ne ressors pas. Il devient caché par le bâti et l’on ne distingue pas à vue d’œil la grande surface qu’il représente, soit d’environ 4 hectares.

Friches Parcs Jardin privés Potagers Couvent des Clarisses

0

50

100


33

N


34 2.1.2. Activités

!

La rue de l’Épeule constitue une colonne vertébrale commerciale du quartier, avec ses petits commerces alimentaires, ses restaurants et ses cafés. Les terrasses longent le long de la route, entre petite placette et aménagement simple avec des tables et des chaises. Cette rue devient partiellement piétonne par jour de marché. Cet axe commercial se dissout pour se concentrer sur une plus grande surface commerciale qu’est le Triangle, qui constitue également une centralité dans le quartier. Des entreprises de construction sont également réparties de part et d’autre du parc de la Brondeloire, avec des entreprises à plus grande surface en dehors du quartier, de l’autre côté de la voie ferrée. Quant aux associations bénévoles, humanitaires d’entraide et d’actions sociales, elles sont relativement présentes et diversifiées (alimentaires, préventives, éducatives, etc...). On retrouve par exemple l’association de gestion du centre social du quartier, l’association des amis du monastère du Couvent des Clarisses, l’association Chor&us: une association de musique, danse et théâtre et l’association d’art « La plus petite galerie du monde ».

Entreprises Commerces Équipements sportifs Associations Couvent des Clarisses

0

50

100


35

N


36 2.1.3. Les réseaux de transports en commun Nous remarquons que le quartier dispose d’un réseau de transports en commun assez développé. En effet, bien qu’il n’y ait pas d’arrêts de métro directement à l’intérieur du quartier, il y a tout de même quatre stations qui sont à moins de 10 minutes de marche. De plus, la gare de Roubaix se situe également à moins d’un kilomètre du couvent et permet de relier la gare de Lille Flandres en 15 minutes grâce au TER.

100m

Stations de vélos en libre service Ligne de train Lignes de bus Arrêts de bus Couvent des Clarisses Station de métro

0

50

100


37

15

0m

45 0m

100m

0m

13

N


38 2.1.4. Le stationnement automobile La voiture est fortement présente dans le paysage de Roubaix et à l’Épeule. Cette carte des voiries et parkings illustre bien la forte présence de l’automobile dans le quartier, qui est d’ailleurs l’un des principaux domaines d’activités exercés par les habitants. Le collectif Rosa Bonheur dans son livre “La ville vue d’en bas” explique comment le travail de subsistance, et notamment ici, celui concernant les garages et la réparation de voitures occupe une place importante dans une ville comme Roubaix. Cela génère une économie dans le quartier pour les habitants. La voiture, et le travail de subsistance qui l’entoure, est aussi un moyen de communication sociale. Nous l’avons vu, Roubaix est desservie par les transports en commun depuis les grandes villes périphériques, mais pouvoir se déplacer dans la ville ou dans les villes périphériques grâce à la voiture, reste pour les habitants de Roubaix, le moyen de transport le plus pratique. Cette analyse nous permet alors, pour le projet, de prendre en compte la reconsidération de la place de l’automobile, dans le but de réduire l’omniprésence de cette dernière, remettant l’habitant au cœur de son quartier, et non pas sa voiture. Si la voiture occupe une place importante au quartier, la question du stationnement est donc elle aussi très présente. Dans certaines zones telles que la résidence Bell et le parking du Triangle. Un parking sur un îlot entre les rues Heilmann et de Turenne propose 136 places de stationnement. Le dimanche, ce parking est occupé par le marché. Le stationnement devient encore plus dense ce jour, la place de la voiture se répand le long des rues et la rue de l’Épeule devient piétonne. Stationnement Emplacement du marché Couvent des Clarisses

0

50

100


39

N


40 2.1.5. Evolution du bâti Lorsque l’on observe l’évolution du bâti du quartier de l’Epeule, on remarque une forte présence de constructions datant des années 1930. La destruction des usines laissera place à la construction de grands ensembles collectifs dans les années 1970 tel que l’ensemble BELL. Depuis peu de nouvelles constructions sont apparues dans le quartier. Cela mène à la formation d’un paysage urbain dense et riche en termes de bâti. Les juxtapositions entre les époques apparaissent et chaque îlot est différent.

2010 2000 1990 1970 1950 1930 et antérieur

0

50

100


41

N


Fig. 12, Arrière cour d’une maison du quartier, Photographie , Anaïs Giraud


43 2.2. Îlots Le quartier de l’Épeule Nord dispose de plusieurs îlots. Certains sont essentiellement composés de maisons individuelles, d’autres de logements collectifs, certains sont mixtes et peuvent intégrer des commerces ou des services. La diversité de ces îlots fabrique le tissu urbain dense du quartier de l’Epeule. On remarque une hétérogénéité dans la composition de ces îlots. Sur l’ensemble du quartier de l’Epeule Nord, on recense 8 îlots composés essentiellement d’habitat individuel avec pour la plupart, des maisons dites 1930. On remarque une emprise au sol assez forte de l’ensemble de ces îlots, il n’y a très peu de place pour les sol perméables. Ces chiffres présentés, montrent que ces îlots s’ils étaient essentiellement composés d’habitations, comme à l’époque du développement du quartier, auraient une emprise au sol et une densité bâti moindre contrairement à aujourd’hui où il n’y a très peu de sol poreux et beaucoup de densité bâtie à cause des extensions. L’espace est comprimé, dense. Ces îlots aux compositions différentes sont les traces des opérations de tabula rasa effectués pour la construction l’ensemble de logement Bell, alors que l’ancien îlot devait être totalement démoli pour laisser place aux barres de logements. Les habitations de la rue de Cugnot ont été épargnés afin de conserver une rue déjà viabilisée ou en raison d’un coût trop élevé de l’opération. Cet îlot mixte est atypique dans le quartier et dans sa composition, puisque son cœur d’îlot est à la fois composé de jardins privés et d’une aire de stationnement dédiées aux logements collectifs marquants un contraste.


Marché Bell

Morphologie et densité des îlots

Marquisat Indisutrie

Îlot de l’Abreuvoir Superficie de l'îlot: 15 000 m2 Densité : - avec extensions : 1.3 - sans extensions : 0.75

Îlot Marquisat Superficie de l'îlot: 3 500 m2 Densité : - avec extensions : 1.9 - sans extensions :1.5

Année du bâti: 1930 Art Roussel 44.0%

29.1%

26.9% Abreuvoir Condoset Triangle Watt Marché

1930

Ogiers

50.7%

40.3%Marquisat 9.0% Bell Art Indisutrie Triangle

Îlot Condorcet Superficie de l'îlot: 5 300 m2 Densité : - avec extensions : 1.55 - sans extensions : 1.28

Abreuvoir Roussel Ogiers

1930

Watt

48.8%

Condoset 22.2% 29.0% Bell Triangle

Marché Indisutrie Ogiers

Îlot de l'industrie Superficie de l'îlot: 9 700 m2 Densité : - avec extensions : 1.34 - sans extensions : 1

Marquisat Roussel Bell

1930 50.7%

Art Condoset 40.3%Indisutrie 9.0%

Abreuvoir Marché Roussel

Îlot des Arts Superficie de l'îlot: 4 300 m2 Densité : - avec extensions : 1.79 - sans extensions : 1.3

46.3%

39.7%

Art 9.0% Marché

Abreuvoir Marquisat

Îlot du Triangle Superficie de l'îlot: 11 700 m2 Densité : - avec extensions : 0.47 - sans extensions : 0.44

Watt Marquisat Condoset

"#$%

"#$% 42.0%

Watt Art

21.0% 37.0% Abreuvoir Triangle

Watt Ogiers


Ogiers Indisutrie

45

Bell Roussel Triangle

Îlot du Marché Superficie de l'îlot: 5 600 m2 Densité : - avec extensions : 0.4 - sans extensions : 0.03

Îlot Roussel Superficie de l'îlot: 25 900 m2 Densité : - avec extensions : 0.85 - sans extensions : 0.7

1930 9.0%

Indisutrie Condoset

10.5% 80.5%

Roussel Marché

Ogiers

Bell Condoset Marquisat Indisutrie

1930

Marché Art

26.9%

37.5%

35.6% Roussel Marquisat Abreuvoir Condoset Art Watt Marché

Îlot Watt Superficie de l'îlot: 12 250 m2 Densité : - avec extensions : 1.2 - sans extensions : 1.15

1930

Abreuvoir Marquisat

56.2%

5.1% Watt38.7% Art Triangle

Îlot Bell Superficie de l'îlot: 16 200 m2 Densité : - avec extensions : 1.73 - sans extensions : 1.73

1970 24.6% 75.4%

Abreuvoir Ogiers

Watt Bell

Indisutrie

Îlot des Ogiers Superficie de l'îlot: 10 300 m2 Densité : - avec extensions : 1.67 - sans extensions : 1.57

1970 60.0%

Roussel Triangle

Condoset 23.0% 17.0% Ogiers

Marché Bell

Marquisat Indisutrie

Bâti d'origine

Art Roussel

Extensions Surface libre

Abreuvoir Condoset

Watt


Indisutrie

46 Îlot de l’AbreuvoirRoussel Superficie de l'îlot: 15 000 m2 Bâti d'origine: 4 400 m2 Condoset Bâti et extensions: 11 000 m2 Année du bâti: 1930 Marché

Emprise au sol : - avec extensions : 0.65 - sans extensions :Marquisat 0.37 Densité : - avec extensions : 1.3 - sans extensions : Art 0.75 44.0%

29.1%

26.9% Abreuvoir

Bâti d'origine Extensions

Watt

Surface libre

L’îlot de l’Abreuvoir se situe entre les rues du Vivier et de l’Epeule. Il se compose essentiellement de maisons 1930 et de ses extensions, de logements collectifs et d’une entreprise. De plus, on y retrouve des commerces donnant sur la rue de l’Epeule. On remarque que l’emprise au sol est occupée par maisons 1930 et de ses extensions laissant peu de jardins individuels, d’espaces libres.

0

1000

3000


47

0

10

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30

40

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N


Ogiers

48 Îlot du Marquisat Bell Superficie de l'îlot: 3 500 m2 Bâti d'origine: 1 800Indisutrie m2 Bâti et extensions: 1 800 m2 Année du bâti: 1930 Roussel

Emprise au sol : - avec extensions : 0.9 - sans extensions : Condoset 0.5 Densité : - avec extensions : 1.9 - sans extensions :1.5 Marché 50.7%

40.3%Marquisat 9.0% Bâti d'origine Extensions

Art

Surface libre Abreuvoir

L’îlot du Marquisat se situe entre les rues du Marquisat et deWatt Turenne. Il se compose essentiellement de maisons 1930 et de ses extensions. De plus, on y retrouve des commerces donnant sur la rue de l’Epeule. On remarque que l’emprise au sol est fortement occupée par maisons 1930 et de ses extensions laissant peu de jardins individuels, d’espaces libres ou d’espaces publics.

0

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3000


49

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N


50 Îlot de Condorcet Triangle Superficie de l'îlot: 5 300 m2 Bâti d'origine: 2 400 m2 Ogiers Bâti et extensions: 2 370 m2 Année du bâti: 19 Bell

Emprise au sol : - avec extensions : 0.7 - sans extensions : 0.4 Indisutrie Densité : - avec extensions : 1.55 - sans extensions : 1.28 Roussel

48.8%

22.2% 29.0% Condoset Bâti d'origine Extensions

Marché

Surface libre Marquisat

L’îlot de Condorcet se situe entre les rues Brézin et Heilmann. Il se compose Art essentiellement de maisons 1930 et de ses extensions. De plus, on y retrouve des commerces donnant sur la rue de l’Epeule. Abreuvoir

On remarque que l’emprise au sol est fortement occupée par maisons 1930 et de ses extensions Watt laissant peu de jardins individuels, d’espaces libres ou d’espaces publics.

0

1000

3000


51

0

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30

40

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N


52 Îlot de l‘Industrie Superficie de l'îlot: 9 700 m2 Bâti d'origine: 3 000 m2 Bâti et extensions: 7 000 m2 Année du bâti: 1930 Emprise au sol : Triangle - avec extensions : 0.72 - sans extensions : 0.36 Ogiers Densité : - avec extensions : 1.34 - sans extensions : 1 Bell

50.7%

40.3%Indisutrie 9.0% Bâti d'origine

Roussel

Extensions Surface libre

Condoset

L’îlot de l’Industrie se situe entre les rues Marché de l’Industrie et Brézin. Il se compose de maisons 1930 et de ses extensions ainsi que des maisons de courées. De plus, on Marquisat donnant sur la y retrouve des commerces rue de l’Epeule. On remarque queArtl’emprise au sol est fortement occupée par maisons de courées, de maisons 1930 et de ses Abreuvoir extensions laissant peu de jardins individuels, d’espaces libres ou d’espaces publics. Watt

0

1000

3000


53

0

10

20

30

40

50

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N


Bell

54 Îlot des Arts

Indisutrie

Superficie de l'îlot: 4 300 m2 Bâti d'origine: 2 000 m2 Bâti et extensions: Roussel 3 700 m2 Année du bâti: 1930 Emprise au sol : Condoset - avec extensions : 0.72 - sans extensions : 0.46 Marché Densité : - avec extensions : 1.79 - sans extensions : 1.3 Marquisat

46.3%

39.7% Art 9.0% Bâti d'origine Extensions

Abreuvoir

Surface libre Watt

L’îlot des Arts se situe entre les rues des Arts et du Marquisat. Il se compose essentiellement de maisons 1930 et de ses extensions. De plus, on y retrouve des commerces donnant sur la rue de l’Epeule. On remarque que l’emprise au sol est fortement occupée par maisons 1930 et de ses extensions laissant peu de jardins individuels, d’espaces libres ou d’espaces publics.

0

1000

3000


55

0

10

20

30

40

50

100

N


56 Îlot du Triangle Superficie de l'îlot: 11 700 m2 Bâti d'origine: 3 100 m2 Bâti et extensions: 4 100 m2 Année du bâti: 1930 Emprise au sol : - avec extensions : 0.3 - sans extensions : 0.28 Densité : - avec extensions : 0.47 - sans extensions : 0.44

42.0%

Triangle 21.0% 37.0%

Bâti d'origine Extensions

Ogiers

Surface libre Bell

L’îlot du Triangle se situe entre les Indisutrie rues Brézin et Epeule. Il se compose essentiellement de maisons 1930 avec extensions et d’un supermarché. Roussel

On remarque que l’emprise au sol est faible par rapport au îlot grâce à la présence principalement deCondoset logement collectif sur cet îlot. Cependant, il fait partie des îlots parmis lesquels la densité de population et d’habitation estMarché la plus forte. Marquisat

Art

Abreuvoir

Watt

0

1000

3000


57

0

10

20

30

40

50

100

N


Triangle

58 Îlot du Marché

Ogiers

Superficie de l'îlot: 5 600 m2 Bâti d'origine: 600 m2 Bâti et extensions: Bell 600 m2 Année du bâti: 1930 Emprise au sol : Indisutrie - avec extensions : 0.2 - sans extensions : 0.1 Densité : Roussel - avec extensions : 0.4 - sans extensions : 0.03 Condoset

9.0% 10.5% 80.5%

Marché

Bâti d'origine Extensions

Marquisat

Surface libre Art

L’îlot du Marché se situe entre les rues de Turenne et Heilmann. Il se compose de Abreuvoir maisons 1930 et de ses extensions ainsi qu’un parking. De plus, on y retrouve des commerces donnant sur la rue de l’Epeule. Watt On remarque que l’emprise au sol est très faible car principalement occupée par des places de parking. Il possède donc un statut particulier parmi les autres îlots, ayant alors une faible densité de bâti car très peu construit.

0

1000

3000


59

0

10

20

30

40

50

100

N


60

Îlot Roussel Superficie de l'îlot: 25 900 m2 Bâti d'origine: 12 000 m2 Triangle Bâti et extensions: 20 800 m2 Année du bâti: 1930 Ogiers

Emprise au sol : - avec extensions : 0.4 - sans extensions : 0.3 Bell Densité : - avec extensions : 0.85 - sans extensions : 0.7

Indisutrie

26.9%

37.5%

35.6% Roussel

Bâti d'origine Condoset Extensions Surface libre

Marché

L’îlot de Roussel se situe entre les rues Marquisat des Arts et de l’Industrie. Il se compose essentiellement de maisons de courées et d’une entreprise. De plus, on y retrouve des Art commerces donnant sur la rue de l’Epeule. On remarque que l’emprise au sol est Abreuvoir fortement occupée l’entreprise Roussel. Watt

0

1000

3000


61

0

10

20

30

40

50

100

N


Roussel

62

Îlot Watt

Condoset

Superficie de l'îlot: 12 250 m2 Bâti d'origine: 2 530 m2 Marché Bâti et extensions: 6 100 m2 Année du bâti: 1930 Emprise au sol : Marquisat - avec extensions : 0.6 - sans extensions : 0.55 Art Densité : - avec extensions : 1.2 - sans extensions : 1.15 Abreuvoir

56.2%

5.1% Watt38.7%

Bâti d'origine Extensions Surface libre

L’îlot du Watt se situe entre les rues Newcommen et Epeule. Il se compose essentiellement de maisons 1930 avec extensions de logements collectifs récent. fortement occupé par maisons 1930 et de ses extensions ainsi que les logements collectifs laissant peu de jardins individuels, d’espaces libres ou d’espaces publics.

0

1000

3000


63

0

10

20

30

40

50

100

N


64 Îlot Bell Superficie de l'îlot: 16 200 m2 Bâti d'origine: 12 000 m2 Bâti et extensions: 12 000 m2 Année du bâti: 1970 Emprise au sol : - avec extensions : 0.25 - sans extensions : 0.25 Triangle Densité : - avec extensions : 1.73 - sans extensions : 1.73 Ogiers

24.6% 75.4%

Bell

Bâti d'origine Extensions

Indisutrie

Surface libre Roussel

L’îlot Bell se situe entre les rues Henri Carette et Bell. Il se compose essentiellement de logements sociaux.Condoset On remarque que l’emprise au sol est Marché est faible par rapport au îlot grâce à la présence principalement de logement collectif sur cet îlot. Cependant, il fait partie des îlots parmis lesquels la densité Marquisat de population et d’habitation est la plus forte. Art

Abreuvoir

Watt

0

1000

3000


65

0

10

20

30

40

50

100

N


66 Îlot des Ogiers Superficie de l'îlot: 10 300 m2 Bâti d'origine: 2 800 m2 Bâti et extensions: 4 000 m2 Année du bâti: 1970 Emprise au sol : - avec extensions : 0.38 - sans extensions : 0.28 Densité : - avec extensions : 1.67 - sans extensions : 1.57

Triangle

60.0%

23.0% 17.0% Ogiers Bâti d'origine

Bell

Extensions Surface libre

Indisutrie

L’îlot des Ogiers se situe entre les rues Wasquehal Roussel et Ogiers. Il se compose essentiellement de logements sociaux et de maisons 1930 avec extensions Condoset

On remarque que l’emprise au sol est fortement occupé par maisons 1930 et de ses extensions Marché individuels, d’espaces laissant peu de jardins libres ou d’espaces publics. Marquisat

Art

Abreuvoir

Watt

0

1000

3000


67

0

10

20

30

40

50

100

N


68 Les typologies de maisons

Emprise au sol (avec extension) Densité (avec extension)

14.75 14.75

14

14

14.75 14.75

14 14

9.50

9.50

Maison de maitre 78 rue du Grand Chemin Début XXè siècle

9.50 9.50

0,5

14.75

20

20

Maison bourgeoise 78 rue du Grand Chemin Début XIXè siècle

20 20

1

0,4

1,2

14

14.75

14

14

9.50

20

440m2

9.50

9.50

20

20

Emprise Construction initiale Extension Jardin 0 1

2

3

4

5

930m2


69

12 13

9.5 12 16

13

Le Phnom Penh 5.35 9.5

Le Phnom Penh

16

4

6.30

Maison ouvrière 16 rue des Ogiers 1930

Maison avec commerce 78 rue de l’Epeule 1950

0,3/(0,8) 0,6/(1,1)

0,5/(1) 1,5/(2)

60m2

110m2

4

6.30

5

8.20

5.35

Maison de courée 95 rue de l’Epeule Entre 1900 et 1970 8.20

1

45m2

2

Maison semi-bourgeoise 183 rue des Arts 1950 5

0,4/(0,85)

1,2/(1,7)

50m2


70

Grand ensemble Bell Impasse du Couvent 1970 0,25

0 1

2

3

4

5

1,73


71


72 2.3. Bâti 2.3.1. Typologie Sur le quartier de l’Épeule, on trouve une majorité d’îlots de maisons individuelles. On trouve également des îlots collectifs de grands ensembles. Enfin, on constate que le logement semi-collectif est le moins commun, mais qu’il est surtout groupé autour de la rue de l’Epeule. Mis à part l’usage résidentiel, ce quartier compte de nombreux bâtiments publics mais concentrés sur la même zone et laissant d’autres groupement de maisons à usage résidentiel uniquement. Chaque groupe travaille dans une continuité d’îlots longeant la rue de l’Épeule avec des typologies différentes. Un premier groupe travaille sur les résidences Bell, un deuxième sur l’îlot du supermarché, un troisième sur les maisons de courées, et un quatrième sur les maisons 1930. 2.3.2. Habitat 1930 Sur le quartier de l’Epeule, la majorité des maisons sont caractérisées comme de l’habitat 1930. Les maisons dites 1930, sont l’habitat caractéristique du croissant Nord Européen. Cette forme d’habitat a permis, lors de l’essor industriel, de loger des ouvriers travaillant dans les usines. A Roubaix, ces maisons sont bâties à proximité des usines textiles, aujourd’hui disparues, pour permettre aux ouvriers d’habiter proche de leur lieu de travail. Les maisons 1930 se répartissent sur des parcelles étroites et en longueur, où chacune dispose de la même composition intérieure et extérieure. En effet, chaque maison est basée sur un même plan, ce qui varie ce sont les largeurs de la construction, qui s’adapte à la parcelle donnée. En termes de matérialité, la maison 1930 a été pensée avec des matériaux standard afin de rationaliser les constructions. On

y retrouve de la brique pour les murs et du bois pour la structure de la charpente et des planchers. Cette structure permet une construction rapide et peu chère. Aujourd’hui, on retrouve une totale liberté dans l’aménagement de l’intérieur de part ce choix de la structure. En ce qui concerne l’aménagement de l’époque, les pièces étaient étroites. De plus, les pièces d’eau ne sont pas pensées à l’intérieur de la maison. C’est pourquoi, on retrouve des extensions qui se sont développées à l’arrière de la maison, en réduisant le jardin. Gérard, un habitant d’une maison 1930 depuis 1970, au 46 rue du Marquisat, nous raconte comment il a adapté sa maison à ses besoins: « c’était construit de manière archaïque. On a donc fait des améliorations. On a abattu quelques murs, avant c’était que des petites pièces. Alors on a changé la cuisine, on a bougé l’escalier de place, histoire d’avoir un peu plus de liberté dans la maison », « J’ai fait une cuisine et une salle de bain dans les extensions ». Les habitants profitent alors de cette possibilité de modification pour adapter l’intérieur de leur maison. Cependant, au fil du temps, la maison 1930, se dégrade par le manque d’entretien et de conception, ce qui la rend de moins en moins habitable. En effet, on remarque que l’isolation se fait rare et donc l’inconfort thermique s’intensifie, puis, l’humidité s’est fortement installée. Ces inconvénients font devenir la maison 1930 une passoire thermique. Les habitants consomment alors excessivement en énergie pour pouvoir se chauffer. La multiplication de ces habitats 1930 sur le croissant Nord Européen, a permis à des milliers d’ouvriers de se loger à moindre coûts. Cependant, ces maisons sont aujourd’hui trop coûteuse énergétiquement et sont contraires à nos ambitions environnementales. Le développement de notre contexte environnemental et social fait que ces maisons 1930, ne sont plus adaptées à nos besoins et objectifs.


73 Roubaix est aussi réputée pour posséder en ses terres les maisons de courées, habitat ouvrier typique des Hauts de France. On en trouve également à Lille et Tourcoing. L’habitat des courées à été construit avec les mêmes matériaux que la maison 1930, c’est une réplique plus simple, moins chère mais avec moins de qualités spatiales. En effet, la maison de courée ne se trouve pas en périphérie de l’îlot comme la maison 1930 mais est située en son cœur. Cela est due à la volonté d’optimiser le plus d’espace possible et d’être le plus rentable. Seulement, l’insalubrité à pris au fur et à mesure les qualités sociales qu’offrait ce logement en bande. Destiné aux ouvriers, cet habitat accueil, proche des usines, permettait aux ouvriers d’être logé avec leur famille, mais permettait aux patrons de garder la main d’œuvre à proximité. Les courées ont aujourd’hui pour la plupart disparues. Les multiples rénovations urbaines, et les politiques de la ville ont conclu que l’habitat était devenu insalubre. Leur nombre à été divisé par 10, on est passé de 2 000 maisons à environ 200 encore présentes aujourd’hui. Le NPRNU à l’Épeule souhaite d’ailleurs déconstruire 5 courées: les courées Heuls, Blasin, Lepers, Senelar et Govaere. Cela représente 67 maisons démolies. Afin de procéder à leur démolition, les maisons de courées détruites seront rachetées par l’Établissement Public Foncier Nord-Pas-de-Calais. Il s’agit d’une manière, “d’améliorer l’attractivité résidentielle du quartier” sous prétexte que les maisons de courées “sont des habitations qui ont déjà fait l’objet de trois réhabilitations depuis trente ans, sans résultat et sans qu’on réussisse à les sauver” selon les mots de Catherine Dautieu, ancienne directrice de l’aménagement de la ville de Roubaix.

2.3.3. Grands collectifs Une mutation conséquente du quartier a été effectuée en 1970 dans un esprit de tabula rasa. Après le développement de l’habitat ouvrier et les maisons 1930, les nouvelles formes d’habitat on fait surface avec la création des HLM proposant une nouvelle forme d’habiter collectivement à moindre coût. Il s’agit d’une importante opération de résorption de l’habitat qui concerne les îlots Bell. Les locaux utilisés à des fins d’habitations dans ces zones sont déclarés impropres pour des raisons d’hygiène, de sécurité et de salubrité. L’opération de résorption concerne un périmètre en forme de rectangle constitué par la rue de la limite, la rue de Wasquehal, la rue des ogiers, la rue de l’Epeule. Le projet a entraîné la démolition de 58 habitations rue Bell et la construction de 117 logements PLR pour l’îlot Faidherbe II, ainsi que la démolition de 80 habitations pour la construction de 92 HLMO. L’architecte chargé du dossier est Omer Lecroart. Dans le projet de l’ANRU deux barres de logements sur quatre du groupe Bell sont aujourd’hui destinées à être rasées afin de dédensifier le quartier.



75

Bibliographie

Site internet: - Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques. www.insee.fr Livres: - Antoine Torre, « Démolir pour séduire : le pari Roubaisien », Trait urbain n°117, Fevrier 2021, pp. 28-31 - Collectif Rosa Bonheur, La ville vue d’en bas : travail et production de l’espace populaire, Paris : Éditions Amsterdam, 2019



Enseignants : Didier Debarge / d-debarge@lille.archi.fr Philippe Rizzotti / p-rizzotti@lille.archi.fr Damien Antoni / d-antoni@lille.archi.fr Bernarth Godbille / b-godbille@lille.archi.fr François Lacoste / f-lacoste@lille.archi.fr Marc Toutin / m.toutin@lille.archi.fr Étudiants : Emily Augé / e-auge@lille.archi.fr Prune Bollengier / p-bollengier@lille.archi.fr Lucie Bouloy / bouloylucie@gmail.com Lucie Brenne / lucie.brenne@gmail.com Antoine Cornouiller / cornouillerantoine@gmail.com Benjamin Cuvelier / bcuvelier723@laposte.fr Darcel Degho Tako / takodarcel@gmail.com Léonie Desbleds / l-desbleds@lille.archi.fr Ghaidaa Fahd / ghaidaasalah@gmail.com Anaïs Giraud / aamgiraud@gmail.com Thomas Goetgheluck / thomas.goetgheluck2@gmail.com Kevin Lambert / k-lambert@lille.archi.fr Victoria Martinez / veugenia@icloud.com Bastien Mouquet / bastienmouquet@icloud.com Camille Viala / vialacamille17@gmail.com Axelle Waselinck / axelle.wsl@gmail.com


78


Chapitre 2

L’îlot des Arts

Lucie Bouloy En collaboration avec :

Léonie Desbleds (Master 1) Anaïs Giraud (Master 2) Axelle Waselinck (Master 1)

79



81

Remerciements

Je tiens, tout d’abord, à remercier Philippe Rizzotti, qui m’a apporté toutes les clés nécessaires à la réalisation de ce projet de fin d’études, ainsi que Didier Debarge, Damien Antoni, François Lacoste, Bernarth Godbille et Marc Toutin pour leur suivi et leurs conseils tout au long de ce semestre. Je remercie également mes camarades et amies Axelle Waselinck, Léonie Desbleds et Anaïs Giraud pour leur travail soutenu et leur implication. Ce travail en groupe a été pour moi plus que bénéfique et s’est déroulée dans la bonne humeur et dans la joie de vivre. Merci à mon ami Thibaud Parmentier, à mon père et mes amis pour leur patience et leurs corrections minutieuses et essentielles. Je tiens à remercier l’ensemble des étudiants de l’atelier Rizzotti et Matérialité pour leur écoute ainsi que les étudiants de sciences-po. Enfin, je remercie tout particulièrement ma tante Sylvie qui m’a épaulé et soutenue durant ce long chemin.


82

Fig. 1, Une matinée pluvieuse à la brasserie rue de l’Epeule, Photographie , Anaïs Giraud


83

Introduction

Ce projet se base sur la réhabilitation de l’habitat 1930 au sein du quartier de l’Epeule à Roubaix et plus particulièrement sur l’îlot situé le long de la rue des Arts, comme nous pouvons le voir sur le plan masse ci-dessous. Nous avons travaillé en groupe de 4, Axelle et Léonie en master 1, Anaïs en master 2 et moi-même, tout au long du semestre. Nous nous sommes focalisées sur un îlot composé essentiellement de maisons 1930 pour établir le projet. L’îlot des arts dispose, en moyenne, de 150 habitants répartis sur les 50 constructions visibles sur le plan masse. Nous avons observé dans le cahier introductif, que l’îlot des Arts est très dense avec une emprise au sol importante, cela est notamment dû aux nombreuses extensions. Sur cet ensemble bâti, nous comptons 46 maisons de type 1930. Un ancien local EDF, un immeuble collectif, des garages, des commerces et une maison bourgeoise font aussi partie de cet îlot. Cette prédominance de l’habitat 1930 ainsi que les autres types de bâti forment le paysage de l’îlot des Arts. L’îlot des arts nous sert de support pour développer les stratégies de restructuration de la maison 1930 et la reconquête de la cohésion sociale à l’échelle du quartier. C’est à partir de ce mémoire, que nous allons comprendre par l’analyse de l’évolution du contexte social, économique et environnemental, comment la maison 1930 est en capacité de s’adapter à un contexte en constante évolution. A partir de l’îlot, nous allons développer des stratégies attentives aux besoins des habitants, tout en apportant un confort thermique, un habitat modulable ainsi qu’une cohésion sociale entre voisins. Ce projet à l’échelle de l’îlot, a pour objectif de s’étendre sur l’ensemble du quartier et pourquoi pas, par la suite, à l’échelle de la ville. En effet, nous souhaitons traverser

les échelles pour que le projet puisse s’adapter à l’avenir à d’autres îlots. Le scénario que nous développons s’étend jusqu’en 2050 pour que le projet évolue et s’adapte au contexte et aux contraintes à venir. Ce mémoire a pour but d’apporter une réponse à la problématique suivante: Considérant l’évolution du contexte social, économique et environnemental, comment peut-on restructurer les maisons 1930 en maîtrisant la densité, en intensifiant les usages et en intégrant la nouvelle réglementation environnementale ? A travers ce mémoire, nous allons dans un premier temps, explorer l’histoire et l’architecture des maisons 1930 du quartier de l’Epeule. Afin de comprendre, comment ces maisons sont aujourd’hui vécues par les habitants et comment celles-ci s’intègrent au quartier. Dans une seconde partie, nous allons montrer comment nous souhaitons lutter contre la précarité par la mise en place d’un système de réseaux renouvelables. Enfin, dans une troisième partie, l’intensification des usages à l’intérieur de la maison 1930, nous permet de créer de l’attractivité et de maîtriser la densité au cœur de l’îlot. La restructuration des maisons offre la possibilité de développer une activité au rez-de-chaussée, et donc un revenu supplémentaire pour les propriétaires. Pour finir, nous allons conclure sur un plan masse qui exprime des stratégies réplicables à l’échelle du quartier.


84 Îlot des Arts

Îlot des Arts Îlots sujets à projet Bâtiments remarquables

0

50

100


85

N

Fig. 2, Le quartier de l’Epeule, Plan masse, Lucie Bouloy



87

Sommaire

Partie 1 Regard contemporain sous l’archétype de la maison 1930

11

1.1. L’histoire de ce modèle 1.1.1. De 1930... 1.1.2. ... A 2020

11

3.2. Le premier niveau: les espaces 37 de vie en relation avec le coeur de l’îlot 3.2.1. A l’échelle de la maison 3.2.2. A l’échelle de l’îlot

1.2. Un modèle de série au confort thermique absent 1.2.1. La matérialité comme l’identité du modèle en série... 1.2.2. ... Au dépourvu de la qualité thermique 1.2.3. Renforcer l’attractivité du quartier grâce à de nouveaux programmes

16

3.3. Le dernier niveau: des 45 aménagements en fonction de l’orientation

Partie 2 Utiliser les énergies renouvelables localement pour lutter contre la pauvreté

21

2.1. L’isolation 2.1.1. Un textile recyclé 2.1.2.L’isolation intérieure

21

2.2.L’apport thermique de confort 2.2.1. Le BioGaz 2.2.2. Les capteurs solaires thermiques

23

2.3. La collecte de l’eau 2.3.1. Les eaux de pluies 2.3.2. Les eaux grises

29

Partie 3 Une nouvelle dynamique de l’îlot par la restructuration de la maison 1930

35

3.1. A RDC: l’intégration de nouveaux 35 usages 3.1.1. A l’échelle de la maison 3.1.2. A l’échelle de l’îlot

Conclusion

49

Bibliographie

51

Annexe

53


88

R+2

R+1

RDC N

0

1

2

3

4

Fig. 3, La maison 1930 historique, Plan reproduit à partir des documents d’Habiter 2030, Lucie Bouloy


89

Regard contemporain sous l’archétype de la maison 1930 1.1. L’histoire de ce modèle Les maisons ouvrières forment le paysage du croissant nord Européen, elles ont permis notamment à des ouvriers d’accéder à la propriété. Ce modèle architectural est fortement présent dans le quartier de l’Epeule et a évolué au fil du temps, en fonction des besoins. Le projet Habiter 2030 répondant au concours Solar Decathlon, réalisé et gagné par des étudiants de l’ENSAPL en 2019, s’oriente sur l’analyse et la restructuration de l’habitat 1930. Tout au long de ce semestre, nous nous sommes alors basées sur ce travail pour enrichir nos informations. 1.1.1. De 1930… C’est pendant l’ère industrielle, à la fin du XIXe siècle, que le besoin de logement ouvrier se fait sentir. C’est entre 1850 et 1950 que les maisons dites 1930 se construisent dans le nord de l’Europe1. Ces habitations ont été conçues pour être solides, flexibles et avoir un espace privé tout en étant en relation avec ses voisins par la mitoyenneté. Nous savons que 25% des habitations sur le territoire européen sont des maisons 19302. Ce chiffre montre que ce type d’habitation rayonne à l’échelle internationale. Il est intéressant d’analyser les plans et coupes d’origine en figure n°3 pour comprendre la diversité de ce modèle dans d’autres pays. Les plans et la coupe réalisés par l’équipe d’Habiter 2030, sont l’exemple type d’une maison 1930. La maison représentée ici dispose de dimensions moyennes: une largeur de 4,50 mètres à l’entraxe des murs mitoyens, une longueur de 8 mètres pour l’habitation et d’un jardin de 8 mètres de long. Ces dimensions expriment une trame de 4 mètres par 4 mètres pour la maison.

1

Solar Decathlon, Habiter 2030: project drawings,ENSAPL, Lille, 2019 2 Ibid, p.8

Cette logique permet de placer tous types d’usages. La réutilisation de cette trame de 4×4 pourrait être intéressante dans la réhabilitation de la maison. En terme d’épaisseur de murs et de structure, les murs de façades font chacun 33 centimètres, car ceux-ci sont composés de deux rangées de briques. 0.3 3

2 0.2

0.1 1 0.2 2

1 0.1

Fig. 4, Les briques, Axonométrie, Lucie Bouloy

Les murs pignons sont eux différents: un mur mitoyen sur 2 fait 33 centimètres. La mitoyenneté crée une trame structurelle commune entre chaque maison. C’est ainsi qu’un pignon sur deux est structurel, le deuxième est lui plus fin (22 centimètres, une épaisseur de brique). Ces épaisseurs de murs révèlent la stratégie structurelle rendue possible par la mitoyenneté.

Mur de 33cm Mur de 22cm Fig. 5, Le principe constructif, Axonométrie, Lucie Bouloy


90

R+2

R+1

RDC N

0

1

2

3

4

Fig.6, La maison 1930 actuelle, Plans et coupe reproduit à partir des documents d’Habiter 2030, Lucie Bouloy


91 C’est ainsi qu’une maison 1930 ne fonctionne pas seule, mais c’est un ensemble de maisons qui se soutiennent mutuellement (figure n°5). Les caractéristiques décrites sont alors des atouts à prendre en compte dans la conception du projet de réhabilitation. Réutiliser les atouts de la maison historique permet de réemployer une logique qui fonctionne. L’organisation intérieure d’origine ne comprend pas de pièces d’eau (cuisine ou salle de bain). A l’époque ces pièces n’étaient pas destinées pour l’intérieur de la maison. Ces maisons, conçues pour des ouvriers, ont été pensées dans une logique d’économie restreinte. A l’inverse, les maisons bourgeoises, que l’on peut retrouver à Roubaix et sur l’ensemble de la métropole, étaient pourvues de toutes les aménités nécessaires, pourtant construites à la même époque. L’emploi de matériaux pas chers et produits en série permettait à l’époque, de répondre à l’accès à la propriété de manière économique. Ces matériaux n’ont pas été choisis par hasard. En effet, la brique comme le bois sont des matériaux locaux. Aujourd’hui, la notion de circuitcourt tente de revenir à ce modèle. L’utilisation de matériaux provenant de la région permet de pérenniser nos entreprises et de valoriser un certain savoir-faire. Ici, nous allons tenter de revenir à l’ essentiel de la construction en employant la matière locale. Lorsque l’on observe le plan des étages, on remarque que chaque pièce dispose d’une cheminée. La maison n’étant pas isolée, la cheminée est alors le principal système de chauffage en hiver. La maison 1930 répond à cette époque à une forte demande de logements par un système sériel. On se rend compte aujourd’hui que ce modèle ne répond plus aussi efficacement aux enjeux contemporains. Ce qui était autrefois une révolution est aujourd’hui une contrainte.

1.1.2. … à 2020 La maison 1930 de nos jours, a connu de nombreuses modifications pour s’adapter aux habitants. Comme nous avons pu le décrire précédemment, la maison 1930 d’origine ne disposait ni de cuisine ni de salle de bains. Les habitants, avec leur propre moyen, ont conçu eux même des extensions à l’arrière de la maison pour y ajouter une cuisine, des toilettes et une salle d’eau au rez-de-chaussée. Nous avons observé, par la lecture du livre du collectif Rosa Bonheur: «La ville vue d’en bas: travail et production de l’espace populaire»1 et selon les chiffres de l’INSEE2, que le quartier subit une grande précarité. 30% c’est le chiffre représentant le taux de chômage dans le quartier de l’Epeule. Si on compare ce chiffre à l’échelle de la métropole, Lille est à 8% et à l’échelle nationale nous observons une moyenne de 9,4%. Le taux de chômage à Roubaix est 3 fois supérieur à la moyenne nationale. Ces chiffres prouvent que les habitants du quartier, vivant essentiellement dans des maisons 1930, ne peuvent se permettre de réaliser des travaux de grande envergure pour adapter leur maison aux besoins voulus. Un habitant de l’îlot des arts, rue Marquisat, nommé Gérard, nous explique comment au fils des années il a pourtant su repenser sa maison:

«Question lumière, c’était construit de manière archaïque. On a donc fait des améliorations. On a abattu quelques murs, avant c’était que des petites pièces. Alors on a changé la cuisine, on a bougé l’escalier de place, histoire d’avoir un peu plus de liberté dans la maison»3 1 Collectif Rosa Bonheur, La ville vue d’en bas. Travail et production de l’espace populaire, Paris, Éditions Amsterdam, 2019 2 Dossier complet: Commune de Roubaix (59512), auteur inconnu, consultable sur le site : https://www.insee.fr/fr/accueil, mise en ligne : le 29 septembre 2021, consulté le 5 décembre 3 Entretien avec Gérard, habitant du 46 rue du Marquisat [Entrevue]. le 18 octobre 2021 (disponible en annexe).


92

Fig. 7, Gérard devant sa maison rue du Marquisat, Photographie, Anaïs Giraud


93 Gérard a alors modifié l’agencement intérieur de sa maison, avec de plus grands espaces ouverts, ce qui apporte de la lumière. On remarque que le plan d’origine se transforme peu à peu au Triangle plan actuel, en figure n°6. De plus, nous lui avons demandé si lors de son arrivé dans la maison, en 1970, les extensions étaient déjà présentes:

Ogiers «A l’origine, c’était une cour, moi quand j’ai acheté la maison c’était déjà comme ça, avec l’extension» il ajoute: “Moi j’ai amélioré au-dessus après j’ai amélioré en dessous. Bah oui forcément l’un va avec l’autre»1

Bell

L’extension présente à l’arrière de la maison, comme on peut le voir sur le plan du rez-de-chaussée, était déjà présente Indisutrie en 1970. Gérard nous explique ensuite qu’il a aménagé le toit de l’extension avec «des dalles en plastique»2 pour pouvoir avoir un accès à l’extérieur. En effet, sur certaines habitations, les Roussel extensions ont des longueurs différentes. Certaines permettent de conserver un morceau de jardin, d’autres font toute la largeur du jardin d’origine. Dans ce cas, les habitants ne disposent plus d’extérieur privé, comme Condoset dans le cas de Gérard. Lorsque l’on regarde la densité de l’îlot des arts, les extensions représentent 39,7% avec pour espace libre au solMarché seulement 14,0% contre 46,3% de bâtis d’origine comme on peut le voir sur le diagramme ci-dessous. Lorsque l’on regarde les îlots voisins, le phénomène est le même. Pour l’îlot Marquisat les extensions représentent Marquisat 40,3% et 44,0% pour l’îlot des Abreuvoirs.

46.3%

39.7%

Art

9.0%

Fig. 8, La densité de l’îlot, Diagramme, Lucie Bouloy

Ces nouvelles constructions faites par les habitants représentent Abreuvoir une part importante de l’évolution des maisons 1930 et impactent fortement la forme de 1 Ibid 2 Ibid, Entretien avec Gérard, habitant du 46 rue du Marquisat

Watt

l’îlot. Nous ne pouvons pas nous permettre de faire abstraction de ces constructions dans notre projet. Nous verrons par la suite que celles-ci, malgré leur construction de fortune, sont de vrais atouts pour les stratégies que nous souhaitons développer. Les plans et la coupe présentés en figure n°6, représentent une maison 1930 actuelle avec des dimensions moyennes que nous avons choisis sur l’îlot. Ces dimensions peuvent donc varier d’une maison à une autre. Nous pouvons observer en comparaisons avec les plans et la coupe d’origine de la maison, que les espaces intérieurs au rez-de-chaussées, se sont adaptés à l’ajout de l’extension. On retrouve, comme évoqué par Gérard, un espace ouvert pour capter le maximum de lumière. La lumière étant difficile à atteindre depuis l’ajout de l’extension. On remarque également que les cheminées ont été retirées pour laisser place à des chauffages classiques. Enfin, l’isolation est toujours peu présente dans les murs des maisons 1930 actuelles. Ces maisons aujourd’hui appropriées par les habitants, évoluent mais accumulent des points négatifs: le manque de lumière et d’isolation. Nous allons comprendre dans la sous-partie suivante, pourquoi ces problématiques sont néfastes pour les habitants. 1.2. Un modèle de série au confort thermique absent En effet, selon l’analyse de l’équipe Habiter 2030, la maison 1930 type est considéré comme une passoire thermique3. Ainsi pour chauffer une maison mal isolée, les habitants ont une consommation supérieure à la moyenne et donc un budget énergétique qui explose sur l’échelle d’une année comparé à une maison bien isolée. Cette dimension thermique est alors un point essentiel à prendre en compte dans la stratégie de projet de réhabilitation d’une maison 1930. Cette stratégie s’initie par la décomposition des ensembles de matériaux qui composent cet habitat. 3 Ibid,Solar Decathlon, Habiter 2030, Op.Cit, p.14


94

Fig. 9, La maison 1930, Axonométrie éclatée, Solar Decathlon Habiter 2030


95 1.2.1. La matérialité comme l’identité du modèle en série... L’analyse du travail des étudiants d’Habiter 2030, m’a permis de comprendre l’enveloppe thermique de la maison 1930 actuelle. L’axonométrie éclatée, en figure n°9, nous montre les différents matériaux qui composent la maison 1930. Les façades et pignons sont en brique pleines et doublées. Les planchers sont composés de solives avec un revêtement en bois, incluant la trémie de l’escalier. La charpente est en bois et des tuiles y sont déposées. En terme d’aménagement, des cheminées sont présentes et de la tomette est posée sur le sol de l’entrée. Enfin, l’extension est construite avec des matériaux que les habitants ont choisis eux-même. En général, nous retrouvons une toiture en tôle ondulée avec une fenêtre de toit pour éclairer la cuisine ou la salle de bain. Historiquement, les matériaux utilisés sont standards pour permettre une rationalisation de la construction. Chaque maison partage le même plan et la même typologie. Ce système constructif permet une certaine modularité de l’espace. Les habitants comme Gérard, ont la possibilité de changer l’escalier d’emplacement ou bien de supprimer des cloisons, sans que cela endommage la structure. La brique est un matériau local qui a permis à l’époque de développer cet habitat ouvrier à proximité des industries du croissant nord Européen. 1.2.2. …Au dépourvu de la qualité thermique Les maisons 1930 présentent des inconvénients non négligeables. Selon Habiter 2030, les maisons consomment en moyenne 495 kWh/m2/an, ce qui représente une consommation énergétique excessive. L’analyse énergétique développée par Habiter 20301, nous montre que la toiture c’est 42,8% de déperdition énergétique. Si on compare, une maison bien isolée consomme en moyenne 100 kWh/m2/an2. 1 Ibid,Solar Decathlon, Habiter 2030, Op.Cit, p.19 2 Consommation électrique moyenne

Économiquement les foyers dépensent plus pour pouvoir se chauffer, cependant certains ménages n’ont pas les capacités à dépenser autant en énergie. Aussi, cette consommation énergétique crée des déperditions, de l’humidité et une perte énorme des ressources car les maisons sont mal isolées. La maison 1930 est énergivore. Une solution de réhabilitation thermique de ce type d’habitat permettrait déjà aux familles de dépenser moins et de gagner en confort. Nous supposons que les habitants des maisons 1930, subissent une précarité énergétique. La précarité énergétique peut-être définie selon la loi Grenelle II du 12 juillet 20103 par: «Est en situation de précarité énergétique (…) une personne qui éprouve dans son logement des difficultés particulières à disposer de la fourniture d’énergie nécessaire à la satisfaction de ses besoins élémentaires en raison de l’inadaptation de ses ressources ou de ses conditions d’habitat”» Selon un article du journal Le Monde4, cette précarité énergétique peut se déterminer par: «Des factures trop élevées. Pour les personnes modestes, parmi les 30 % les plus pauvres, la barre est franchie lorsque le taux d’effort énergétique (TEE), soit la part du revenu dépensé pour l’énergie du logement (électricité, gaz, fuel), dépasse 10 %». Pour l’ensemble des habitants du quartier de Roubaix, nous avons observé une grande précarité, avec un revenu mensuel moyen de 1000 euros5. Les selon votre superficie : comment la calculer ?, auteur inconnu, consultable sur le site: https:// particuliers.engie.fr, mise en ligne : 17 juillet 2018, consulté le 18 novembre 2021 3 LOI n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, auteur inconnu, consultable sur le site : https://www.precarite-energie.org , mise en ligne : 12 juillet 2010, consulté le 4 décembre 2021 4 Vague de froid : combien de personnes peinent à chauffer leur logement ?, Anne-Aël Durand, consultable sur le site : https:// www.lemonde.fr, mise en ligne : 20 janvier 2017, consulté le 4 décembre 5 Ibid, Dossier complet: Commune de Roubaix (59512)


96

Fig.10, La maison 1930 actuelle rue des Arts, Photographie, Axelle, Anaïs, Léonie et Lucie


97 maisons 1930 n’étant pas isolées, cellesci dépassent la barre des 10% dépensé pour l’énergie du logement. Les habitants se privent du chauffage en hiver pour réduire les factures exorbitantes. Ils vivent un inconfort thermique. En France, selon l’article de Le Monde et de l’enquête INSEE en 2013: «5,5 millions de personnes dépensent plus de 10 % de leurs revenus pour se chauffer. Ce sont plutôt des locataires, aux revenus très faibles avec une surreprésentation des familles monoparentales, et souvent des logements datant d’avant 1975 (...) la Direction des études statistiques (Drees) du ministère de la santé estime qu’entre 12 et 15 % des Français déclarent souffrir du froid dans leur logement.»1 Ces chiffres montrent une problématique importante vécue par de nombreux foyers en France. Cette restriction de l’utilisation du chauffage dans une maison a également des conséquences. Des moisissures qui ont des effets néfastes sur le bâtiment mais aussi sur la santé des habitants. Il est important d’agir sur le confort thermique des habitants des maisons pour que ceux-ci n’aient plus à faire le choix entre se nourrir et se chauffer. La réhabilitation énergétique de la maison 1930 dans le quartier de l’Epeule est alors plus que nécessaire.

1 Ibid, Le Monde, Vague de froid : combien de personnes peinent à chauffer leur logement ?


98

0.20cm

0.06cm

0.20cm

R+2

R+1

0.05cm

0.10cm

RDC N

0

1

2

3

4

Fig.11, La maison 1930 à partir du projet, Plans et coupe reproduit à partir des documents d’Habiter 2030, Axelle, Anaïs, Léonie et Lucie


99

Utiliser des énergies renouvelables localement pour lutter contre la précarité C’est par une réflexion complète autour de la réhabilitation de la maison 1930 sur l’îlot des Arts et dans la continuité du travail de Solar Decathlon, que nous allons penser dans un premier temps notre stratégie énergétique pour permettre aux habitants de ces maisons de profiter d’un confort thermique. 2.1. L’isolation 2.1.1. Un textile recyclé Avant toutes réalisations, la pose d’un isolant est primordiale pour que notre action soit efficace. Comme évoqué précédemment, les maisons 1930 ne disposent pas d’isolant. L’objectif est de passer d’une maison énergivore qui consomme 495 Kwh/m2/an à une maison bien isolée consommant 100 Kw/m2/an. Pour cela, nous avons fait le choix d’utiliser le Métisse, qui est un isolant composé de textiles recyclés. L’isolant métisse est un matériau biosourcé qui utilise le circuit court et qui est fabriqué dans la région. Le métisse dispose de nombreux avantages: selon les descriptifs du fabricant Le Relais1 l’isolant présente des qualités thermiques avec des performances garanties dans le temps. Il absorbe aussi jusqu’à 95% des sons. Pour se fournir en isolant, nous utilisons les savoirs faire de l’usine Le Relais qui se situe à Billy Berclau (à 35 minutes de Roubaix). Le choix de cet isolant permet l’utilisation des ressources de notre région, d’éviter une production de CO2 supplémentaire tout en utilisant un isolant aux performances énergétiques souhaitées. Dans la logique de matériaux de régions utilisés lors de la construction, le projet souhaite reprendre ces principes pour revenir à un circuit court.

1 Métisse l’isolant durable, auteur inconnu, consultable sur le site : http://www. isolantmetisse.com, mise en ligne : inconnu, consulté le 10 décembre

2.1.2. L’isolation intérieure Notre première stratégie est de positionner l’isolant à l’intérieur de la maison 1930. La solution d’un isolant positionné à l’extérieur n’est pas envisageable car la matérialité brique est un emblème de Roubaix que nous ne souhaitons pas dénaturer. Si l’on ajoute un isolant il est important d’y placer la bonne épaisseur. Pour cela, nous disposons de plusieurs épaisseurs d’isolant avec des résistances thermiques (R) variables, le tableau suivant2 expriment ces valeurs. Nous savons, selon un article de l’EDF3 que nous sommes en zone H1a et que le R pour la toiture doit être supérieur à 4,4 m2./K/W, pour les murs à 2,9 m2./K/W et pour les planchers à 2,7 m2./K/W, selon les exigences environnementales de la RE 2020. Résistance thermique mm R

45

50

60

80

100

120

145

160

180

200

1,15

1,25

1,50

2,05

2,55

3,05

3,70

4,10

4,60

5,10

Fig. 12, Tableau de référence isolant métisse, Le Relais

Doublages verticaux La résistance thermique (R) des murs est calculée pour connaître la résistance aux transferts de chaleur. Si nous calculons le R de la brique pleine avec une épaisseur de 0,33 mètres nous avons: R(brique)=1,1 m2./K/W. Ce qui montre une résistance très faible aux transferts de chaleur et un besoin important d’isolant.Si l’on compare par exemple, avec le béton cellulaire, la résistance thermique est de 5,5 m2./K/W, un isolant n’est donc pas nécessaire. Si l’on additionne ce R(brique) avec le R de 2 Gamme de produits isolant thermo-accoustique, auteur inconnu, consultable sur le site : http://www.isolantmetisse.com, mise en ligne inconnu, consulté le 10 décembre 3 Les coefficients thermiques à respecter selon les types d’isolation, auteur inconnu, consutable sur le site : https://www.izi-by-edfrenov.fr/blog mise en ligne : inconnu, consulté le 10 décembre


100

Site de traitement des déchets et production de BioGaz

Site test de l’utilisation du BioGaz à l’échelle de l’ïlot des Arts

N Fig. 13, La stratégie du BioGaz à travers une collaboration, Plan masse, Axelle Waselinck


101 l’isolant pour approcher les 2,9 m2./K/W, il nous faut un isolant d’une épaisseur de 10cm (R=2,55 m2./K/W). On a un Rt de 3,65 m2./K/W. Ce chiffre est alors supérieur aux chiffres recommandés par la RE 2020 et permet une bonne isolation. En ce qui concerne les murs mitoyens, nous choisissons un isolant avec une épaisseur de 0,05 mètres qui lui servira d’isolant phonique et non thermique car nous supposons que les maisons voisines sont elles aussi chauffées. Nous pouvons voir sur les plans du RDC, R+1 et R+2 en figure n°11 le positionnement du métisse. La toiture La toiture est elle responsable d’une grande déperdition de chaleur dûe à une résistance thermique quasiment nulle par le manque d’isolant. L’ajout d’un isolant thermique d’une épaisseur de 0,20 mètres (R=5,10 m2./K/W) suffirait pour subvenir aux besoins. En effet, cela résulte d’un Rt de 5,10 m2./K/W ce qui est au-dessus des 4,4 m2./K/W recommandé. Nous pouvons voir sur la coupe en figure n°11 le dessin de la toiture avec l’isolant. Les planchers Les planchers sont composés de différentes façons. Au rez-de-chaussée nous souhaitons une isolation thermique, car ce plancher est en contact avec l’extérieur. La dalle est en béton et le R représente 0,1 m2./K/W, nous ajoutons une épaisseur de 0,06 mètres (R=1,5 m2./K/W) d’isolant pour avoir un Rt de 3,5 m2./K/W, ce qui est au-dessus de la moyenne de 2,7 m2./K/W donnée par la RE 2020. Pour les planchers au R+1 et R+2 nous souhaitons isoler phoniquement, car ils sont en contact avec des espaces chauffés, c’est pourquoi l’ajout d’un isolant d’une épaisseur de 0,05 mètres est suffisant. Cela permet également d’ajouter de l’inertie aux planchers. Sur la coupe n°11, nous observons l’isolant dans les planchers. Ces calculs nous permettent de mettre en place les bonnes épaisseurs d’isolant et de correspondre aux critères donnés par la RE 2020, tout en évitant un surplus de matériaux. Suite à cette intervention, la maison 1930 est bien isolée et peut ainsi accueillir les habitants dans des

conditions thermiques confortables. Cependant, il nous faut repenser les systèmes de chauffage et de récupération des eaux pour réduire davantage les factures énergétiques des habitants. 2.2. L’apport thermique de confort L’isolant choisi, les réseaux que nous souhaitons mettre en place pourront fonctionner sans trop de déperdition d’énergie. Pour le chauffage de la maison et de l’eau, nous avons choisi deux systèmes qui ont des qualités environnementales et économiques. 2.2.1. Le BioGaz Nous avons réfléchi à un système de récupération des déchets pour produire de la chaleur. Sur l’ensemble de l’îlot nous avons environ 150 habitants. En moyenne, nous consommons 152 kg de déchets organiques par an, ce qui nous fait une masse totale de 22 800 kg de déchets organiques à l’année pour l’échelle de l’îlot des Arts. Cette masse de déchets organiques serait suffisante pour créer du biogaz pour l’ensemble des foyers. 800 m3 c’est le volume de gaz pouvant être créé grâce au déchet d’un foyer, ce qui représente 4800 kWh par an. Pour une moyenne de 150 habitants, nous pouvons produire 182 400 kWh par an d’électricité à partir des déchets organiques récoltés. Le schéma en figure n°15 (page suivante) exprime la stratégie utilisée. Ce système fonctionne pour une maison bien isolée qui consomme en moyenne 3500 kWh ce qui permet d’alimenter 52 foyers, tandis qu’une maison mal isolée consommant 14 775 kWh, alimente seulement 12 foyers. Nous collaborons au projet de Muriane et de Simon, étudiants de l’atelier de Damien Antoni, qui créent une usine de production de biogaz par la méthanisation de déchets organiques. Comme on peut le voir sur la carte en figure n°13, les déchets organiques des habitants seront triés et stockés par les habitants dans des bacs mis à dispositions dans un local sur l’îlot, comme on peut le voir sur l’axonométrie (figure n°14).


102

0

1

2

3

4

Fig. 17, Le réseau de chauffage, Coupe, Anaïs Giraud

3500 kWh

152 kg

~608 kg

800 m³

4800 kWh

22 800 kWh

Environ 38 familles = 150 personnes

Îlot des Arts

38 foyers au BioGaz

182 400 kWh

+

49 400 kWh d’énergie supplémentaires pour les communs

Fig. 15, Lien entre les déchets et la production d’énergie, Schéma, Lucie Bouloy


103

Réseau Fig.14, Le réseau de chauffage commun, Axonométrie, Léonie Desbleds

Fig. 16, La gestion des déchets organiques, Schéma, Lucie Bouloy

Ils seront ensuite acheminés vers le site de traitement des déchets et production de biogaz. A l’usine, comme on peut le voir sur le schéma n°16, les déchets seront placés dans un digesteur qui les transformerait en biométhane.

Les habitants de l’îlot des Arts bénéficieront tous de ce réseau de gaz pour chauffer leur maison et, si besoin, l’eau.

Ce biométhane alimente notre chaufferie commune présente dans un local sur l’îlot. Ce gaz sera acheminé de l’usine vers l’îlot des Arts par un tuyau le long de la voie ferrée. L’objectif est que ce système soit réplicable sur l’ensemble des îlots voisins en se raccordant simplement au tuyau. Sur l’axonométrie en figure n°14, nous avons représenté la chaufferie commune dans l’ancien local EDF qui est aujourd’hui inutilisé. On y voit aussi le réseau de tuyaux nécessaire à la distribution de l’énergie à chaque habitation. Dans cette chaufferie, nous accueillons le gaz pour le transformer directement en eau chaude qui est ensuite distribuée par les tuyaux. Ce système nous permet de réutiliser un bâtiment déjà présent sur le site et aujourd’hui inutilisé.

Pour produire de l’eau chaude pour les pièces humides de la maison 1930, nous avons opté pour des capteurs solaires thermiques. Comme nous souhaitons réhabiliter les toitures, car celles-ci représentent 40% des déperditions énergétiques, nous avons pour idée d’utiliser les orientations sud pour y placer nos capteurs solaires thermiques. On remarque sur la coupe longitudinale (figure n°18) que les orientations sont différentes d’une rue à une autre. Ces capteurs solaires ont été utilisés pour le projet d’Habiter 20301, comme on peut le voir sur l’axonométrie en figure n°19. Ces capteurs tubulaires sont différents d’un panneau solaire classique. En effet, ils sont composés de tubes qui permettent une transmission de chaleur solaire grâce à un fluide caloporteur et un échangeur de chaleur2.

Sur la coupe de la maison 1930 en figure n°17, on observe le passage du réseau dans la toiture de l’extension reliée à un ballon d’eau chaude au R+2. Cette coupe à l’échelle de la maison, nous permet de comprendre la gestion des fluides entre les étages et la liaison au cœur d’îlot.

2.2.2. Les capteurs solaires thermiques

1 Ibid,Solar Decathlon, Habiter 2030, Op.Cit, p.306 2 Vitosol 300-TM : capteur tubulaire à haute efficacité ThermProtect, auteur inconnu, consultable sur le site : https://www.viessmann. fr, mise en ligne : inconnu, consulté le 21 décembre


104

Rue du Marquisat

0

1 2 3 4


105

Rue des Arts

Fig. 18, La stratégie à l’échelle de l’îlot, Coupe longitudinale, Axelle Waselinck et Lucie Bouloy


106

0

1

2

3

4

Fig. 20, Les capteurs solaires, Coupe, Anaïs Giraud

8 m2 de panneaux solaires

1 900 KWh/an

60,0 m3 Fig. 19, Les capteurs solaires thermiques, Schéma axonométrique, Lucie Bouloy


107 On observe sur la coupe n°20, que ces capteurs sont reliés à un ballon d’eau chaude qui distribue l’eau chauffée en R+2. Le choix de placer le ballon d’eau chaude en R+2 est en lien avec notre restructuration de la maison 1930, nous justifierons ce choix dans la partie suivante. La mise en place de ces capteurs solaires thermiques dessinent les premiers aspects de la toiture que nous souhaitons reconstruire. Les pans sud seront aménagés avec ces capteurs pour recevoir un maximum de chaleur solaire. Ces capteurs solaires thermiques couvriront 8 m2 de la toiture comme on peut le voir sur l’axonométrie ci-contre. Ils produiront 1935 Kw/an environ (en fonction des ensoleillement) ce qui signifie 59,54 m3 d’eau chauffée en une année, ce qui est largement suffisant pour les douches et la vaisselle pour un foyer. Ces capteurs, faciles d’installation, permettent aux habitants de chauffer l’eau sanitaire tout au long de l’année, en utilisant l’énergie solaire. 2.3. La collecte de l’eau Enfin, nous avons pour objectif de gérer le flux des eaux qui traverse la maison 1930. Pour cela, l’eau de pluie et les eaux grises nous seront utiles afin de réduire la consommation d’eau des habitants. 2.3.1. Les eaux de pluies Dans la métropole lilloise, les précipitations par an sont de 788 litres par m2. Cette eau dérange la métropole. En effet, nous avons constaté sur le parc Brondeloire, sur la parcelle voisine de l’îlot des Arts, une cathédrale d’eau construite en 2017 qui permet d’accueillir 23 000 m2 d’eau. Cette cathédrale permet de lutter contre la montée des eaux, selon le journal La Voix du Nord.1 Ce bassin souterrain protège l’ensemble des quartiers de la ville d’éventuelles inondations. 2 200 m2 1 Roubaix: lutter contre les innondations : l’énorme chantier de la «cathédrale» souterraine attendu en janvier 2017, Charles Olivier Bourgeot, consultable sur le site :https://www.lavoixdunord.fr, mise en ligne : 22 novembre 2016, consulté le 24 décembre

c’est la surface de l’ensemble des toitures de l’îlot, cela représente environ 1 740 000 litres d’eau par an. Nous aimerions récupérer ces litres d’eau qui pourraient être utiles à l’échelle de la maison et de l’îlot. L’eau de pluie récupérée peut être réutilisée pour l’arrosage du jardin, nettoyer la terrasse, laver les sols ou encore alimenter la chasse d’eau des toilettes. Cette eau permettra de réduire la consommation des habitants et de baisser les factures. Pour que ce système soit opérationnel, nous devons récupérer ces eaux dans des cuves. Le schéma suivant (figure n°21) montre le parcours de l’eau. L’eau de pluie passant par les gouttières est dans un premier temps acheminée vers un premier intercepteur qui sépare l’eau des feuilles, par exemple. Ensuite, l’eau est amenée à un bassin de décantation qui permet de stopper les objets ou résidus flottants. Cette eau termine son voyage dans un bassin de stockage, où un bulleur est présent pour oxygéner ce bassin. Pour finir, l’eau de pluie nettoyée est encore filtrée avant l’arrivée dans la maison. Ce schéma montre les différents usages auxquels cette eau peut servir. Ces bassins à l’échelle de l’îlot se situent, comme on peut le voir sur l’axonométrie (figure n°22), à la place d’un bâtiment de stockage, présent aujourd’hui sur le site. C’est grâce au réseau de gouttières mises en place sur les maisons 1930, que cette eau de pluie peut-être acheminée vers ces cuves en cœur d’îlot. 2.3.2. Les eaux grises En ce qui concerne les eaux usées par les habitants, les eaux grises, nous souhaitons également utiliser ce procédé. Pour cela, nous savons que nous pouvons réutiliser les eaux des douches, de la vaisselle, du lave linge et de la cuisine. Ces eaux représentent en moyenne 45 m3 par personne.


108

0

1

2

3

4

Fig. 23, Le chemin de l’eau , Coupe, Anaïs Giraud, 2021

Toit

Arrivée d’eau de distribution

Gouttière Filtre Alimentation de secours Trop plein Bassin de stockage

Micro filtration

Chauffe eau

Réservoir préssurisé

Intercepteur primaire Bassin de décantation

Fig. 21, Le parcours de l’eau, Schéma, Léonie Desbleds


109 Pour la récupération des eaux grises, nous mettons en place un système de tuyaux qui traversent l’ensemble de la maison jusqu’au vide sanitaire, comme nous pouvons le voir sur la coupe (figure n°23). Ces eaux sont enfin acheminés dans les cuves mises en place dans l’ancien bâtiment de stockage, vu précédemment. Le système de nettoyage est donc le même que pour les eaux de pluie, à l’exception d’un passage dans une cuve de traitement avant de se mélanger aux eaux de pluie nettoyées. Cette eau est ensuite renvoyée dans les maisons pour être utilisée, comme on peut le voir sur l’axonométrie (figure n°22). Les eaux noires sont quant à elles rejetées au tout à l’égout.

Eau de pluie Eau grise Fig.22, Le réseau de l’eau, Axonométrie, Léonie Desbleds

Cette stratégie nous permet de réutiliser une eau qui peut être nettoyée. Les habitants consomment alors moins d’eau et réduisent considérablement leur facture. Ce schéma (figure n°24) nous montrent les économies réalisées grâce à la stratégie de récupération des eaux. 2.4. Economies réalisées Les stratégies développées que l’on souhaite mettre en place fonctionnent aussi bien à l’échelle de la maison qu’à l’échelle de l’îlot. L’îlot nous permet de rendre les réseaux d’eau et de chauffage communs afin de faciliter les transferts et économiser de l’énergie et de l’argent.

Cette stratégie commune se développe de manière claire et efficace à l’échelle de la maison. Lors de notre réhabilitation, nos réseaux sont pensés en fonction des pièces et aménagements que l’on met en place. Ces stratégies sont possibles grâce à la mise en place de l’isolant sur l’ensemble des parois. Si nous conservions une maison non isolée, notre système serait lui inefficace. Enfin, les capteurs solaires thermiques, le système de tuyauterie et les locaux techniques, permettent de dessiner les premiers aspects de notre architecture et établissent un programme pour le cœur d’îlot. Les systèmes mis en place permettent aux habitants une économie, ainsi détaillé cicontre (figure n°24). Ces mètres cubes ainsi que ces kWh/an économisés permettent aux habitants avant tout de réduire leur consommation annuelle, mais aussi de réduire leur consommation en énergie. En tant que future architecte, je pense que la mise en place de réseaux qui permettent de réduire notre empreinte carbone devrait être pensée à chaque projet. Les problématiques environnementales que nous vivons, sont plus qu’actuelles et nous devons agir. Le secteur du bâtiment représente «39 % des gaz à effet de serre liés à l’énergie dans le monde» selon un article de Technique de L’ingénieur1. C’est pourquoi nous devons repenser nos méthodes et intégrer au mieux la dimension environnementale dans nos futurs projets. Enfin, ces stratégies environnementales nous ont permis d’ancrer notre projet dans une réalité que les habitants de l’îlot des Arts et du quartier subissent quotidiennement. Cette réalité économique nous a permis de penser un projet qui se veut en adéquation avec les besoins des habitants et d’apporter une mise en commun à l’échelle de l’îlot. Ces dispositifs permettent enfin de maîtriser la densité de l’îlot car les maisons deviennent attractives de par leur confort thermique.

1 Pour un secteur mondial de la construction neutre en carbone, Matthieu Combe, disponible sur le site : https://www.techniques-ingenieur.fr, mise en ligne : 22 octobre 2020, consulté le : 23 décembre


110 A l’échelle de la maison: L’aspect social Eau Dépenses en eau actuellement: un foyer de 4 personnes consomme environ 240 m3 d’eau par an. Pour un foyer, cette eau provenant de la cuve lui revient à 200 euros par mois contre 700 euros via le réseau de la ville. Ce système permet alors de faire des économies d’eau d’environ 240 m3 à l’échelle d’une maison. CHAUFFAGE Pour le chauffage nos calculs sont établis en faisant l’hypothèse que les habitants chauffent leur maison BioGaz Dépenses actuelles pour le chauffage pour une maison non-isolée: Sachant que 1 kWh → 0.09 €, et que l’on consomme 15 000 kWh/an, cela représente environ un budget de plus de 1 000 euros par an. Dépense en chauffage pour une maison isolée: Une consommation annuelle de 3 500 kWh/an, représente environ 300 euros par an. Ici avec le système du BioGaz, les habitants font une économie de 11 500 kWh/an c’est donc 700 euros économisés par an. Capteur solaire thermique Sachant qu’1 m3 d’eau chauffé coûte environ 3,30 euros. Pour 4 capteurs solaires on fait une économie d’énergie de 1 900 kWh/an donc une économie de 60 m3 d’eau chauffées.

+ +

A l’échelle de l’îlot: L’aspect environnemental Eau Pour l’îlot cela représente environ 11 000 m3/an, ce qui fait 200 m3/semaine.Pour cela nous mettons en place des cuves de récupération des eaux dans les bâtiments communs d’environ 950 m3 ce qui permettrait de distribuer de l’eau pendant 5 semaines. Ce système permet alors de faire des économies d’eau d’environ 11 000 m3 CHAUFFAGE BioGaz Ici avec le système du BioGaz, les habitants fde l’îlot ont une économie de 437 000 kWh/an c’est donc 26 000 euros économisés par an.

Fig. 24, Les économies réalisées, Schéma,Lucie Bouloy


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R+2

R+1

RDC

0

1

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3

4

Fig.25, La maison 1930 à partir du projet, RDC, Plans et coupe , Axelle, Anaïs, Léonie et Lucie


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Une nouvelle dynamique de l’îlot par la restructuration de la maison 1930 Les réseaux de chauffage et d’eau mis en place, nous ont permis d’amorcer la réhabilitation de la maison 1930 par la restructuration du confort thermique de celle-ci. Ces interventions ont été pensées en relation avec la restructuration de l’aménagement de la maison 1930. En plus de subir une précarité énergétique, les habitants peine à subvenir à leur besoin par un manque de revenu. En effet, nous avons observé, par les entretiens menées par le collectif Rosa Bonheur1, que la présence du travail de subsistance dans les quartiers de Roubaix est forte. Le terme «travail de subsistance» employé par ce collectif, permet de définir ces services que les habitants du quartier proposent pour pouvoir subvenir à leur besoin. Le travail de subsistance se traduit par l’aménagement du rez-de-chaussée de son domicile en un espace de travail. On peut y retrouver, pour la plupart, des garages pour la réparation des voitures à moindre coût, des services d’aide à la personne ou de la garderie… L’espace de la maison s’organise autour de ces activités, par exemple: « Leur habitat est visiblement adapté à ces activités: les deux premières pièces d’une maison, où le fils de la famille désosse de voitures, sont consacrées au stockage de pièces détachées, tandis que le toit de l’extension de la maison accueille un amoncellement de pièce de voiture ».2 Le travail de subsistance permet un apport financier. Les roubaisiens utilisent leur savoir-faire pour augmenter leur pouvoir d’achat et subvenir à leur besoin. Nous allons repenser l’ensemble de l’aménagement de la maison 1930 par l’intensification des usages. Notre objectif est de permettre aux habitants de bénéficier d’un apport financier supplémentaire, 1 Ibid,Rosa Bonheur, La ville vue d’en bas. Travail et production de l’espace populaire, Op.Cit, p.90 2 Ibid

s’ils le souhaitent, grâce à leur logement. Nous avons donc pensé une maison qui permet une modularité de l’espace pour pouvoir accueillir un local d’activité ou des logements à louer. 3.1. A RDC: l’intégration de nouveaux usages 3.1.1. A l’échelle de la maison Lorsque l’on observe les plans du rez-dechaussée de la maison 1930 historique et d’aujourd’hui (figures n°3 et 6), on remarque que les usages sont les mêmes. Les pièces de vie, la cuisine et le salon, sont en relation avec la rue et l’arrière de la parcelle. Cependant, avec l’ajout de l’extension par les habitants, le manque de luminosité ne permet pas de rendre les espaces de vie agréable. Notre volonté étant d’apporter un espace qui peut être modulable, nous avons décidé de placer les chambres et salles d’eau au rez-de-chaussée. On remarque sur le plan en figure n°25, que cet espace peut accueillir deux chambres aux dimensions généreuses, avec chacune une ouverture sur la rue ou le jardin, ainsi que deux salles d’eau attenantes. Nous avons choisi de conserver la matérialité historique au sol. Les tomettes sont restaurées pour l’espace servant et un plancher bois pour les espaces servis. Ce plan correspond aux chambres que les habitants de cette maisons disposent. Cependant, nous proposons des variantes pour permettre aux propriétaires de moduler l’espace et de le louer. Une première variante: lorsque l’on regarde le plan ci-dessous, l’espace permet d’accueillir deux studios, pour étudiants par exemple. Ces deux studios de 16 m2 ont un accès au jardin et sont accessibles depuis le cœur d’îlot. Cette solution permet d’obtenir un loyer entre 300 et 400 euros par mois et par studio, en fonction des logements loués à ces


114

Fig.27, La maison 1930 actuelle rue du Marquisat, Photographie, Axelle, Anaïs, Léonie et Lucie


115 dimensions dans le quartier.

Fig. 26, Deux studios , Plan RDC, Axelle Waselinck, Lucie Bouloy

Une deuxième variante, comme on peut le voir sur le plan (figure n°28), est que cet espace peut se transformer en un seul appartement avec jardin. Cet appartement propose une chambre et un espace de vie, pour un couple par exemple. Celui-ci pouvant être loué à environ 600 euros par mois.

Fig. 28, Un appartement, Plan RDC, Axelle Waselinck, Lucie Bouloy

Enfin, une dernière proposition qui ici demande plus de changement, un open space ou un local d’activité. Comme on peut le voir sur le plan (figure n°29), ce local bénéficie d’une visibilité sur la rue et d’une certaine attractivité.

Fig. 29, Un local d’activité, Plan RDC, Axelle Waselinck, Lucie Bouloy

Nous avons souhaité pour ces propositions que la modularité des espaces n’engendrent que des changements minimes pour les propriétaires. L’ajout et la suppression de cloisons sera donc suffisant. En ce qui concerne les accès, les propriétaires conservent leur accès principal depuis la rue, les locataires depuis le jardin. En effet, le cœur d’îlot nous permet de jouer avec les différents flux.

3.1.2. A l’échelle de l’îlot Nous souhaitons restructurer le cœur d’îlot, pour qu’il soit un lieu d’échange et de cohésion sociale entre voisins, tout en y intégrant les flux et réseaux. Comme nous pouvons voir sur le plan du rez-dechaussée ainsi que sur le plan masse RDC (figure n°30, page suivante), nous réhabilitons des bâtiments de stockage et nous créons un système de dalles posées sur le mur de fond de parcelles. De plus, nous réinvestissons un commerce actuel en un accueil pour les locataires afin de maîtriser les flux et la sécurité du cœur d’îlot. Chaque locataire aura accès au rez-de-chaussée du cœur de l’îlot, où il y trouvera l’accès à son logement ainsi que des espaces de rencontre. Sur le plan masse RDC (figures n°30) on observe une salle de travail, une salle de jeu et une salle des fêtes. Ces espaces permettent aux habitants de croiser et rencontrer leurs voisins. En effet, le gérant de la brasserie rue de l’Epeule, nous avait confié lors d’un interview, que ce qu’il déplorait était le manque de cohésion et de diversité sociale dans le quartier1. C’est par un système de parcours au rez-de-chaussée et R+1, ainsi que l’aménagement de locaux d’activités que nous souhaitons redonner vie à l’îlot et donc au quartier. Cette stratégie permet aux habitants d’avoir la possibilité de louer ou non ces espaces, s’ils ne s’en servent pas, tout en augmentant leur revenu. Louer un appartement ou un local permet d’ajouter de nouveaux programmes en cœur d’îlot et d’intensifier les usages. Cette méthode justifie une cohésion sociale à l’échelle de la maison, locataire et propriétaire, et à l’échelle de l’îlot, tout en maîtrisant la densité du quartier. 3.2. Le premier nveau: les espaces de vie en relation avec le coeur d’îlot 3.2.1. A l’échelle de la maison L’espace nuit se trouvant au rez-dechaussée, nous disposons alors les pièces de vie au premier étage. En effet, contrairement au plan d’origine et actuel 1 Entretien avec un commercant rue de l’épeule [Entrevue]. le 18 octobre 2021 (disponible en annexe).


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3 1

2

4

1

Accueil

2

Salle de jeux

3

Salle d’étude

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Local poubelle et chaufferie

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Garderie

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Distribution aux logements

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Espace extérieur commun

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Salle polyvalente


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6

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0

2

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N

Fig. 33, Le coeur d’îlot, Plan masse R+1, Axelle Waselinck, Lucie Bouloy


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R+2

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RDC N

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1

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4

Fig.31, La maison 1930 à partir du projet, R+1, Plans et coupe , Axelle, Anaïs, Léonie et Lucie


119 que l’on observe en figure n°3 et n°6 (partie 1), nous avons inversé le système. Cette inversion nous permet dans un premier temps, un accès à la lumière plus facile. En effet, au rez-de-chaussée, si l’on observe le plan actuel (figure n°6), la longueur totale du plan (maison d’origine et extension comprise), ne permet pas à la lumière d’accéder au centre de la pièce. De plus, les jardins étant tous fermés par des murs de 2,50 mètres de haut, la lumière est coupée et il est impossible d’avoir une interaction avec ses voisins. Le positionnement des pièces de vie au premier étage est selon nous une meilleure solution. Si l’on regarde le plan (figure n°31), nous avons conservé l’escalier d’origine qui est efficace car il prend peu de place. A gauche, le salon est en relation avec la rue. Nous avons souhaité intégrer une cheminée, à l’emplacement d’origine, tout en utilisant le conduit existant. De plus, de part une épaisseur d’isolant que nous greffons aux façades, l’appui des châssis est alors plus épais et permet d’ajouter des espaces de rangement ou de lecture. Nous souhaitons conserver l’emplacement des ouvertures, en ajoutant des châssis qui sortent de la façade, comme on peut le voir dans la coupe (figure n°31). Cette méthode permet d’apporter davantage de lumière et crée des espaces supplémentaires. En ce qui concerne la cuisine, elle est en relation avec le salon et l’extérieur. Les gaines sont reliées à la salle d’eau du rez-de-chaussée. La cuisine peut être cloisonnée en fonction des besoins et intervertie avec le salon. Nous avons transformé une fenêtre qui était bouchée, par une porte sur la façade extérieure, pour donner accès à la terrasse. Nous souhaitons que l’espace jour soit en continuité avec l’extérieur, c’est pourquoi nous investissons la toiture de l’extension pour créer cette terrasse. Cette méthode offre un espace extérieur aux habitants tout en retrouvant les qualités historiques de la maison 1930 qui est de disposer d’un espace extérieur privé, réduit aujourd’hui par les extensions. Pour permettre la création de la terrasse, nous avons dû repenser la toiture de l’extension réalisée par les habitants. Si l’on observe l’axonométrie éclatée

suivante (figure n°32), nous avons imaginé une structure en bois, isolée sur la partie habitée avec un plancher posée sur des plots. Cette terrasse permet un espace extérieur supplémentaire et une ouverture visuelle sur l’ensemble du cœur d’îlot. Les habitants auront donc la possibilité de discuter entre voisins et d’accéder aux espaces communs grâce à une parcelle annexée à la terrasse.

Fig. 32, La structure du toit de l’extension, Axonométrie, Lucie Bouloy

3.2.2. A l’échelle de l’îlot Cette disposition accorde à chaque maison 1930 de l’îlot, d’avoir leur espace de vie au R+1. Une connexion de ces espaces se produit alors à l’échelle de l’îlot. Pour permettre un échange et provoquer une cohésion sociale, l’aménagement d’une passerelle extérieure commune


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1

1

Accueil et bureaux administratifs

2

Espace de lecture

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Passerelle extérieure

4

Atelier multimédias

5

Jardin partagé

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3

5 4

0

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N

Fig. 33, Le coeur d’îlot, Plan masse R+1, Axelle Waselinck, Lucie Bouloy


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R+2

R+1

RDC N

0

1

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3

4

Fig.34, La maison 1930 à partir du projet, R+2, Plans et coupe, Axelle, Anaïs, Léonie et Lucie


123 superposée à celle du rez-de-chaussée, comme nous pouvons le voir sur le plan R+1 ainsi que sur la coupe transversale (figures n°33 et 35 ), est mise à disposition. Cette passerelle donne accès à chaque maison et aux espaces communs. Ces espaces communs sont un potager partagé, un espace de lecture et des gradins dans les deux bâtiments réhabilités, qui permettent une assise et de possibles échanges entre chaque habitant de l’îlot. L’inversion des usages sur ces deux premiers niveaux nous permet de réaliser une opération qui se veut en adéquation avec les besoins évoqués par les habitants interrogés. Gérard ainsi que le gérant de la brasserie nous avaient confié un manque d’activités, de lieux de rencontre et d’interaction sociale. C’est donc par la mise en place de programmes communs et la restructuration de la maison 1930, que nous tentons de répondre à ces demandes, nécessaires à la bonne vie de quartier. Le dernier étage de la maison 1930 répond quant à lui à l’évolution du contexte environnemental. 3.3. Le dernier aménagements en l’orientation

niveau: fonction

des de

Le dernier étage de la maison 1930 nous permet de jouer avec les espaces. En effet, comme on peut le voir sur la coupe (figure n°34), celui-ci est en relation avec la toiture. La toiture est totalement repensée car celle-ci représente 40% des déperditions énergétiques. Le dernier étage de la maison accueille alors différents programmes. Dans un premier temps, une extension de l’espace de vie du R+1 au R+2 permet de relier les étages entre eux. On peut y retrouver un coin lecture ou un bureau donnant sur le cœur d’îlot. Une troisième chambre et une salle d’eau viennent s’ajouter à la composition de la maison. Cet étage, lorsque les propriétaires décident de louer le rezde-chaussée, sert d’espace nuit. C’est pourquoi, nous avons décidé de placer les ballons d’eaux chaudes au dernier étage, le propriétaire aura libre accès si une panne se produit. De plus, cette eau sera directement chauffée par les capteurs solaires thermiques positionnés

en toiture. La chambre à quant à elle, la particularité d’avoir un volume plus conséquent lorsqu’il s’agit des maisons 1930 sur la rue du Marquisat. En effet, celleci sera en double hauteur pour bénéficier de la lumière que nous venons ajouter à la toiture. Enfin, un espace mezzanine sera disponible sous les toits et pourra servir d’espace de jour ou de nuit. En ce qui concerne la toiture, celle-ci varie en fonction des orientations. Comme on peut le voir sur la coupe longitudinale (figure n°18), les orientations pour les maisons rue du Marquisat et rue Des arts ne sont pas les mêmes. C’est pourquoi, nous avons la possibilité d’adapter l’espace en fonction des rayons du soleil et des ouvertures de la toiture. Par exemple, la chambre ne peut être en double hauteur car étant exposée au sud elle ne bénéficiera pas d’un apport de chaleur trop conséquent. Comme nous pouvons le remarquer, la maison est modulable en fonction des besoins des propriétaires et de la composition de la famille. Une famille nombreuses occupera l’entièreté de la maison, tandis qu’un couple, par exemple Gérard et sa femme Paulette, n’auront plus le besoin d’autant d’espace et pourront louer le rez-de-chaussée et habiter aux étages supérieurs. Cette restructuration de la maison 1930 permet aux habitants de choisir la modularité de celle-ci en fonction de ce qui est nécessaire pour eux. On observe sur les trois plans, avant, 2020 et projet que nous conservons le même nombre de pièces. La maison respecte sa composition architecturale traditionnelle mais montre une évolution liée au contexte économique, social et environnemental. Les habitants disposent d’une maison au confort thermique agréable, d’une possibilité de revenu supplémentaire pour pallier la précarité, et d’une stratégie globale à l’échelle de l’îlot, en lien avec la nouvelle réglementation RE 2020. En tant que future architecte, il est pour moi primordiale d’être à l’écoute des besoins des habitants et de connaître les enjeux et difficultés du quartier pour réaliser un projet qui soit cohérent, pour ce site.


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0

2 4

Fig. 35, La stratégie à l’échelle de l’îlot, Coupe transversale, Axelle Waselinck et Lucie Bouloy


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6 7 5

4

2 3

2 4

2

1

1

Espace extérieur commun

2

Espace commun

3

Passerelle RDC

4

Circulation

5

Passerelle R+1

6

Passerelle privée

7

Bâtiments communs

Fig.36, La stratégie à l’échelle de l’îlot, Axonométrie éclatée, Lucie Bouloy


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Conclusion Le projet de l’îlot des Arts se base sur une analyse détaillée du quartier, de son architecture et de sa micro société. La lecture du livre du collectif Rosa Bonheur ainsi que les entretiens que nous avons menés auprès des habitants du quartier, nous ont permis d’établir une problématique en adéquation avec la réalité du terrain d’étude. Le projet du NPNRU, voulant dédensifier le quartier de l’Epeule, nous a également servi d’exemple et de point de départ pour appuyer nos intentions. La dédensification du quartier de l’Epeule était, pour nous, un non sens au vu des entretiens menées auprès des habitants. Nous avons ressenti un manque d’interaction et d’activité, problèmes impossible à régler par la dédensification. C’est pourquoi, le projet se base sur la maîtrise de la densité du quartier pour tenter d’apporter des solutions. Pour palier aux problématiques relevées lors de notre analyse, nous avons souhaité mettre en place plusieurs stratégies. Dans un premier temps, une stratégie thermique nous permet de repenser l’ensemble des réseaux et donc d’apporter un confort thermique aux habitants qui subissent une précarité énergétique. Cette solution utilise des énergies renouvelables, qui permettent de réduire notre empreinte carbone et de créer un système intelligent à partir de ce que nous rejetons (déchets, eaux grises…). Nous vivons aujourd’hui dans un contexte climatique qui ne fait que s’aggraver. Réagir à travers des solutions écologiques et renouvelables, permet à notre échelle, d’agir pour l’environnement. Notre stratégie à l’échelle de l’îlot a pour but de s’étendre au quartier et à la ville pour que la population utilise une énergie renouvelable pour se chauffer. Une seconde intention de restructuration complète de la maison 1930 permet d’ajouter des usages et d’intensifier les interactions sociales à l’échelle de l’îlot. En effet, la location du rez-de-chaussée apporte de nouvelles personnes à l’îlot et de nouvelles activités.

Il est alors inutile de détruire la ville pour la redynamiser, comme souhaité par le NPNRU. Cette solution permet de maîtriser la densité de l’îlot et donc du quartier. L’intensification des usages offre une plus grande interaction sociale. C’est donc par la gestion des réseaux communs et l’apport de locaux d’activités en cœur d’îlot, que nous souhaitons créer une sorte d’écosystème où cohabitent les habitants. Ces grands principes fonctionnent notamment par la restructuration de la maison 1930. A l’échelle de la maison 1930, notre stratégie a été de conserver la maison historique avec sa trame et sa matérialité. Nous avons transformé ses points faibles et conservé ses atouts pour en faire une maison qui a su s’adapter aux évolutions des contextes. De plus, l’emploi de matériaux de la région à l’époque, nous fait aujourd’hui tendre vers une architecture vernaculaire. Des matériaux locaux, comme le bois et le métisse par exemple, sont utilisés et permettent aux entreprises locales de faire valoir leur savoir-faire. Nous avons su réadapter une maison 1930 d’origine par une architecture subtile qui est en cohérence avec l’histoire de celle-ci. Cette stratégie permet à chaque habitant de profiter d’un habitat conservant ses valeurs historiques et son architecture. Ces stratégies font de l’îlot des Arts un écosystème utopique qui mêle les notions environnementales, sociales et économiques. Cette utopie architecturale répond à différents scénarios possibles, en fonction des évolutions dans le temps et des besoins des habitants. Développer ces stratégies à une petite échelle, nous a permis par la suite de les étendre à l’échelle de la ville.En guise d’ouverture, pour que ce projet utopique devienne réalisable, la question de la gouvernance de cet îlot est nécessaire. En effet, l’îlot doit être géré par un organisme public ou privé pour que les principes mis en place fonctionnent. Il serait alors intéressant de réfléchir à une gouvernance pour comprendre comment cet écosystème peut-être régi.



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Bibliographie

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Livres et revus - Collectif Rosa Bonheur, La ville vue d’en bas. Travail et production de l’espace populaire, Paris, Éditions Amsterdam, 2019 - Solar Decathlon, Habiter drawings,ENSAPL, Lille, 2019

2030:

project

Entretiens - Entretien avec Gérard, habitant du 46 rue du Marquisat [Entrevue]. le 18 octobre 2021 (disponible en annexe). - Entretien avec un commercant rue de l’épeule [Entrevue]. le 18 octobre 2021 (disponible en annexe).



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Annexes

Interview Gérard, habitat du 46 rue Marquisat - Roubaix I: Est-ce que vous savez ce qu’est cette grosse cuve ? I: On travaille sur le quartier tout le semestre c’est pour ça qu’on est là souvent et qu’on tourne en rond aussi. G: Oui bah ça ne nous dérange pas. A l’origine c’était un parc pour les enfants I: Ici la ? où est la petite construction? G: Ici, oui là, tout autour. C’était un parc pour enfants, il y avait un toboggan, quelques balançoires, il y avait ¾ tables avec des bancs pour les gens, puis ils ont décidés de mettre ça ici alors que ça devait être la bas dans le fond. Alors le résultat: le parc d’enfant il n’y en a plus et ils ont mis qu’un jeu la bas, un toboggan qui ne sert à rien.

26 mètres de profondeur. I: ok G: ça a duré deux ans la construction, ça ne parait pas. La ce que vous voyez dans la cabine la c’est toute les commandes de vannes I: Le petit bâtiment rouge? G: Oui. Voilà c’est ça I: Et vous vivez dans cette maison depuis combien de temps? G: Bah je suis née ici, mais dans cette maison, depuis 1970. Ça fait beaucoup. I: Et du coup quand vous l’avez acheté, il y avait déjà les extensions, ou vous les avez ajoutées? G: On les a améliorés.

I: oui c’est le jeu tout seul ici.

I: C’était vétuste?

G: Oui c’est complètement ridicule, c’est de l’argent jeté par les fenêtres. Les quelques tables qu’ils ont mis ce sont les tables qu’il y a avait là avant (a la place de la citerne d’eau). Ils ont juste déplacés.

G: On s’est amélioré, parce que bon à l’origine c’était pas terrible.

I: Et ça vous sert la citerne d’eau?

G: Oui question lumière, c’était construit de manière archaïque. On a donc fait des améliorations. On a abattu quelques murs, avant c’était que des petites pièces. Alors on a changé la cuisine, on a bougé l’escalier de place, histoire d’avoir un peu plus de liberté dans la maison.

G: Non ça ne nous sert à rien. C’est pour éviter d’être inondé. I: Ah oui c’est juste une question d’inondation. L’eau n’est-elle pas utilisée? G: bah je sais pas s’ ils la réutilisent, je sais pas ce qu’ils font avec mais bon. Ils peuvent mettre 26 millions de litres d’eau je crois dans la citerne. I: Ah oui c’est un énorme trou! G: Ah oui, il fait 29 mètres de diamètre et

I: Pourquoi? il n’y avait pas assez de lumière ou c’était trop humide?

I: Du coup vous avez la cuisine et la salle de bain dans les extensions? G: Oui, oui. D’ici je vais jusqu’au bout la bas. I: Il y a un couloir?


132 G: Non il y a pas de couloir, vous pouvez voir la. I: Ah oui c’est une grande pièce et vous allez jusqu’au bout. G: A l’origine, c’était une cour, moi quand j’ai acheté la maison c’était déjà comme ça. Moi j’ai amélioré au-dessus après j’ai amélioré en dessous. Bah oui forcément l’un va avec l’autre. I: Du coup vous avez plus de cours? G: Ah non c’est fini, j’ai fait une cuisine avec. I: Ok. Donc c’est tout fermé. G: Oui tout est fermé. Le seul endroit où je peux aller c’est par la chambre et passer sur la terrasse. Parce que ça fait une terrasse maintenant. I: Vous avez transformé le toit de l’extension pour en faire une terrasse? G: Oui j’ai mis les dalles en plastique. Pour l’été c’est pratique. I: Mais il n’y a pas trop de soleil de ce côté non? G: Ah si, j’ai du soleil toute la journée. D’ailleurs je suis bronzée avant d’aller en vacances. C’est vrai je suis toujours à ma porte d’entrée. I: Ok. Bah merci pour vos réponses. G: Bah de rien, de toute façon on est là pour ça. I: Parce que nous, on pouvait choisir, il y en a qui travail sur les logements collectifs G: Ah oui la bas au bout I: Oui et d’autres sur le couvent et nous on a choisi cet îlot, là où vous habitez.

G: Ah non ça ne nous dérange pas. De toute façon vous, votre âge, vous ne pouvez pas savoir ce qui se passait dans le quartier avant. Alors donc, en faisant ça vous allez y arriver. C’est plus le quartier d’avant, avant toutes les semaines il y avait des animations. I: Ah oui? G: La il n’y a plus rien, c’est fini maintenant. C’est tout Kebab alors… I: Ah oui ce n’était pas le même style de commerce avant? G: Non c’était, tout style français avant, café restaurant. Maintenant il n’y a plus rien. Maintenant les gens ne veulent plus sortir. De toute façon, ils laissent tout faire (la municipalité). I: C’est un peu laissé de côté comme quartier? G: Bah le quartier il est mort maintenant, c’est fini. I: Et vous savez qu’il y a un projet national qui veut requalifier la rue de l’Epeule et détruire des logements collectifs? G: Oh bah oui. I: Vous étiez au courant? G: Non. Ils ne nous disent jamais rien, ou alors quand ils font une réunion publique, comme ça, tout le projet est déjà fait. C’est juste histoire de divulguer certaines choses parce qu’ils sont obligés de le faire. Mais ils ne disent pas la réalité des choses. Alors ça ne sert à rien. Alors nous on ne veut plus y aller. Avant on y allait mais maintenant je ne bouge plus, c’est fini. I: Parce que dans le projet, ils veulent détruire deux ensembles collectifs devant le couvent.

G: C’est bien.

G: Oui bah ils peuvent, mais ils vont mettre les gens où?

I: du coup vous allez nous revoir assez souvent.

I: C’est la grosse question G: parce que quand ils l’ont fait avenue de


133 Verdun, ils les ont ramenés à l’almotte, de l’almotte ils les ont ramenés là. De là ils vont les remettre je ne sais pas où. I: Ils vont détruire au moins 300 logements du quartier. G: Oui mais après ils vont faire quoi? I: Ils construisent un logement collectif pas très loin.

allée, on voit bien la trace d’ailleurs. Maintenant ils nous disent : «bah non c’est pour les bêtes, les guêpes…». Il faut arrêter, c’est du n’importe quoi, c’est un prétexte qui n’est pas valable. Au départ, ils tondaient, maintenant ils ne tondent plus, il n’y a que par la que c’est un peu entretenu. I: Et celui qui est clôturé?

G: Oui le long de la gare?

G: Ah mais là bas c’est pas pareil, c’est le stade de foot. Mais la bas c’est entretenu.

I: Oui.

I: Mais avant ici c’était des usines?

G: Mais toutes les familles ne vont pas rentrer là- dedans. De toute façon, c’est pareil, c’est décentraliser pour recentraliser ailleurs, donc ça ne sert à rien.

G: Ah ici c’était que des usines.

I: Oui c’est déplacer le problème. G: Ça ne sert à rien. I: Oui c’est pour ça qu’on est parti de leur projet pour contrer leurs intentions. Mais on essaye de faire quelque chose de plus proche de vos besoins. G: Vous voulez regrouper la chose quoi. I: Oui, et qu’on soit plus proche des habitants parce que c’est vrai que ce n’est pas des gens qui sont venus sur place pour savoir qui étaient les habitants. G: Bah ils en ont rien à foutre. C’est comme cette histoire de parc la. Ca date avant Diligent, l’ancien maire qui est décédé il y a longtemps, il était sénateur. Le projet datait déjà d’avant. Quand il est décédé, le projet a mis 35 ans pour se mettre en route.

I: Et ça a été détruit? G: Oui, de toute façon ils détruisent tout. De toute façon on ne sait rien, de toute manière. On n’est même pas au courant de quoi que ce soit. Il font des réunions, c’est pour raconter des blablabla, ils font du cinéma. Non mais c’est vrai. Après ils s’étonnent que les gens ne veulent plus voter pour eux, bah forcément, les gens sont déçus dès l’arrivée. I: Ils ne s’adaptent pas à ce que vous voulez G: Bah non, il n’y a pas d’adaptation et quand on dit quelque chose, ils ne prennent pas en compte parce que tout est déjà fait. C’est parce qu’ils sont obligés. I: Et vous, vous faites quoi comme métier? G: Moi? j’ai fait un peu de tout. J’étais polyvalent, j’étais chef d’équipe, je faisais peintre, décorateur, j’ai fais décapage, sablage, fraisage, soudure…

I: Pour le parc?

I: Vous faisiez dans les usines autour?

G: Oui

G: Ah j’étais pas ici moi. J’étais la bas, en face de la déchèterie, Béague. Mon usine, c’est la ville qui l’a racheté et ils ont fait leur trucs de poubelle. Ah oui ici tout le monde me dit bonjour, j’ai 74 balais, j’en connais du monde.

I: Oui parce que maintenant ils veulent tout agrandir. Vous l’utilisez? G: Non, mais de toute façon c’est quoi? C’est une friche! On ne fait que ça de râler pour qu’ils tondent ici autour, parce que c’était dégueulasse. Alors ils font qu’une

I: Surtout si vous êtes la depuis que vous êtes nés, vous devez connaître tout le


134 quartier

c’est 0.

G: Ah bah oui. Il y a un centre de tri postal, en face c’était Béague et à côté c’était mon usine, rue de Leers. De l’autre côté c’était la déchèterie. J’ai travaillé 35 ans là- bas. Mais j’ai eu un accident, j’ai été ouvert en deux et voilà. Maintenant je suis en retraite depuis 14 ans.

I: C’est sûr.

I: Et ça se passe bien?

G: Ça diminue aussi les habitations.

G: Ob bah il y a des jours où c’est long. Quand il fait mauvais c’est chiant et surtout qu’il n’y a rien dans le quartier. Moi quand je prend ma voiture je m’en vais faire mes courses ailleurs. Je vais en Belgique. Ca fait un tour, ici n’y a pas d’attrait pour faire les courses.

I: Il y a des gens qui partent.

I: Vous allez au marché quand même? G: La? Le matin, j’y vais à 9h, 9h15/9h30 je suis rentrée. Je suis très rapide. Je sais ou je dois aller, je ne vais pas ailleurs. I: Pourquoi?

G: Bah voilà, vous n’avez plus qu’à continuer à faire votre petit tour. I: Oui on était en train de compter combien il y avait d’habitation.

G: Oui bah la, il y a une maison à vendre, 2, 3 maisons à vendre, après on sait pas ce qui va arriver. Comme souvent, il y’en a un qui arrive et il y en a 10 qui suivent. Moi je dis rien, je m’en fou tant qu’ils ne me font pas chier. C’est comme la il y a une maison, quelqu’un l’a acheté, il y a ¾ ans. Il a fait les travaux et c’est comme ça. I: Laquelle? G: la 39.

G: Parce que ça ne m’intéresse pas.

I: Et il y a personne dedans?

I: Parce qu’il y a quand même des petits producteurs qui viennent?

I: Ah bon?

G: Non, il l’a mise dans une agence, pour louer et il n’y a pas d’affiche. Alors je ne pense pas que l’agence s’en occupe j’ai encore vu personne. Et la au 35, il y en a un qui s’est transformé, il a fait des travaux pour faire des chambres d’étudiants, bon on est pas emmerdés.

G: Ils l’ont cambriolée, 3 balles. Il avait 70 ans.

I: Bon et bien merci beaucoup de nous avoir aidé.

I: C’était quand?

G: Et bien merci à vous et à bientôt.

G: Oui c’est surtout pour ça, pour les petits maraîchers, comme celui qui s’est fait tuer.

G: Il y a 3 semaines. C’était à gousbeck, chez lui devant sa femme. Mais ils ne les ont pas retrouvés. C’est un petit coin tranquille, trop tranquille. Tout ça pour voler quoi? 700 euros. I: Ah oui? G: Ça ne vaut pas le déplacement. Ça ne vaut rien. Parce que ces gens ont des recettes phénoménales, ils vendent ce qu’ils cultivent, il n’y a pas d’énorme recette. La recette par rapport au travail


135 Interview Gérant de la Brasserie, rue de l’Epeule - Roubaix G: Qu’est ce que vous venez faire ici dans ce quartier? I: On est étudiantes en architecture, on fait un projet sur l’îlot sur lequel vous habitez. G: Moi j’habite pas ici, je suis un café bistrot, à côté il y a un magasin chinois, enfin des asiatiques. Moi je suis ici, la cuisine est en en mitoyen avec les asiatiques et le vétérinaires qui ont une clinique dans l’extension ici.

G: Je fais que bistro j’ai arrêté de faire à manger, j’ai 43 ans de métier donc c’est un peu fatiguant. Vous savez, j’adore cette ville, j’habite à 15km c’est pas loin, mais elle est partie… le quartier… c’est dommage. J’accuse la nouvelle municipalité, elle laisse faire. On a des Kebab partout, on ouvre sans autorisation. Si on va dans une autre commune, non c’est pas pareil. I: C’est vrai qu’on a parlé a un monsieur tout dans l’heure, dans la rue juste derrière et il dit la même chose que vous. Lui est né ici.

I: Oui si ça ne vous dérange pas?

G: Ah c’est Gérard, c’est le pilier. Ça fait presque 30 ans que je le connais. C’est Gérard et Paulette. On discute, on parle. Moi ça me fait mal au coeur, moi à l’époque j’étais installé dans le vieux lille, au bout de la rue Saint André pendant 10 ans. Je suis venue ici, les frontières, etc, l’Europe… La c’est…

G: Pas aujourd’hui, demain si vous voulez, parce que j’ai accès à la cour et je peux vous faire rentrer.

I: Et qu’est ce qui vous plaît pas dans le quartier? Enfin, qu’est ce qu’il vous manque?

I: Ah bah ça serait avec plaisir.

G: Il manque… On a perdu cette mixité. Pourtant je suis Algérien, mais il manque de mixité. Vous savez dans un endroit, dans une usine, dans une habitation, comme une rue comme celle là, si, comment dire, la mixité s’évapore et bien c’est fini.

I: Et pour eux l’extension qu’ils ont c’est pour du stockage? G: Oui pour le magasin de stockage oui. Vous voulez voir derrière?

G: demain, venez vers 9h30/10h I: Ok, super. On veut juste voir à quoi ça ressemble. G: Parce que depuis la reprise, j’ouvre que le matin. I: La reprise depuis le covid? G: Non parce que j’ai un frère malade et je m’occupe de lui, c’est pour ça je ferme à 14h/14h30 et je relai mon frère, car mon petit frère dort avec lui. I: Et du coup vous habitez au-dessus? G: Non! moi je suis un Lillois. Ça fait 33 ans que je suis là. J’ai investi ici, j’étais en pizzeria. Ces derniers temps avec le covid tout ça, j’avais deux personnes, j’avais un salarié pendant 17 ans et une personne en extra, et après le covid je suis tout seul. I: ça va ce n’est pas trop dur?

I: Oui c’est ce que Gérard nous disait. G: Bah des fois j’ai des gens qui me disent bah il n’y a pas de restaurant ici, c’est que des fast-foods. Oui c’est vrai c’est bien pour dépanner mais il y en a… On n’a pas envie de manger ça tous les jours. Quelqu’un qui veut s’installer ne peut pas suivre parce que la clientèle n’est pas adaptée. Plus il fait mauvais, je ne critique pas je sais d’où je viens, il y a plus de squat que de travail, et les gens sont heureux parce qu’ils sont devant. J’accuse. Moi ils m’ont proposé la terrasse gratuite, je n’ai pas voulu, ça ne m’intéresse pas car psychologiquement je suis un peu fatiguée et il ne faut pas me fatiguer encore plus. I: Oui surtout si vous étiez tout seul.


136 G: Oui je suis tout seul, j’arrive à gérer tout seul. I: Et avant ce n’était pas comme ça? G: Non, c’était pas comme ça. C’était bien. Si je suis resté et que ça fait 33 ans que je suis là, j’ai avancé. Et même maintenant, non ça n’a rien avoir. La si je retrouve, parce que je suis 7 fois grand-père et j’ai 65 ans, mais si je trouve une petite affaire, parce qu’on dit retraite mais on peut pas arrêter comme ça, il me faudra une occupation. I: Vous voulez trouver une affaire? G: Oui c’est-à-dire, si je trouve, c’est un projet vous savez il faut rêver de temps en temps. C’est avec ça qu’on vit. Je veux trouver une petite affaire et finir à Lille. Parce que vous savez, il y a des bouchons, enfin le matin ça va, mais retourner sur Lille, il y a beaucoup de bouchons. I: D’accord. Mais du coup il y a quelqu’un qui habite au-dessus? G: Non parce que je n’ai pas sortie de secours. Ca veut dire si un jour je cède, et bien quelqu’un pourra y habiter. I: Pour l’instant il n’y a personne? G: Non personne.

demain, comme ça vous verrez à l’étage. Maintenant vous savez que pour louer un logement c’est compliqué, on doit remplir un diagnostic fait par la MEL. Le service d’hygiène de Roubaix vient visiter pour donner l’autorisation de louer. Parce que vous savez on critique le propriétaire comme le locataire, c’est 50/50. Comme ça il n’y a pas de litige. I: Ca permet de ne pas avoir de logement insalubre. G: Oui il en a qui profite. I: Du coup vous ne louez pas? G: L’autre, celui au-dessus de la cuisine, vient de se vider. Je le refais, je l’ai diagnostiqué, j’ai l’autorisation de la MEL, etc… mais je ne suis pas prêt à le louer. Parce que le Tacos veut le prendre. I: Vous voulez lui vendre? G: Oui parce qu’il vient de terminer ces travaux, on verra bien. I: Du coup vous êtes propriétaire du tacos à côté? G: oui je suis que le propriétaire du local et des logements.

I: Il y a combien d’appartements?

I: Ok. Et il y a combien de logements dans celui-ci?

G: J’ai un appartement. C’est-à-dire, l’établissement a deux appartements. Un qui est juste au-dessus et un autre appartement au-dessus de la cuisine.

G: 3, il y a deux étages. Il y a deux immeubles: 80 et 82, après il y a les asiatiques. Les asiatiques sont magasins c’est une longue extension.

I: donc un au-dessus de l’extension?

I: Ok.

G: Oui, c’est un appartement. Et Étant donné qu’à l’époque, pour accéder à cet appartement, il faut passer par la cuisine qui était une cour. Du coup j’ai fermé la cour. J’ai fait la demande, étant donné que l’immeuble d’à côté je l’ai acheté.

G: En tout cas je suis à votre disposition, venez je vous fait visiter.

I: Celui d’à côté ? G: Celui des Tacos, avec l’autorisation de la mairie, ils m’ont mis accès à cet appartement. Je vous montrerai





140


Chapitre 3

Régénérer la courée

Bastien Mouquet Camille Viala En collaboration avec : Emily Augé (Master 1) Benjamin Cuvelier (Master 2)


Remerciements Ce projet de fin d’études est mené en collaboration avec Benjamin Cuvelier et Emily Augé, chers étudiants et amis de notre atelier, que nous remercions pour leur investissement et leur travail considérable. Ce travail à également été en partenariat avec les étudiants de Science-Po : Léa Grandpierre et Michel Gutierrez. Nous remercions Philippe Rizzotti, professeur encadrant, pour son implication, ses connaissances et son inventivité, mais également Didier Debarge, Damien Antoni, Marc Toutin, Bernarth Godbille et François Lacoste enseignants du domaine d’études Matérialité pour leurs précieux conseils. Nous tenons aussi à remercier l’intégralité des professeurs de L’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille qui nous ont permis de grandir au travers de nos années d’études grâce à leurs enneigements. Sans oublier l’ensemble de nos proches et leur soutien sans faille ainsi que les personnes qui, de près ou de loin, à Lille, à Aberdeen ou à Tokyo, ont fait de ces années une source inestimable d’enrichissements.


143

Présentation du duo

« Si tu es seul à rêver, ce n’est qu’un rêve, si vous rêvez à plusieurs, c’est la réalité qui commence » Chant Populaire Brésilien, cité dans Bolo’ bolo

Seul duo diplômant de l’atelier, notre volonté de partage est le fruit d’un travail commun qui a permis de découvrir les bénéfices du dialogue autour de la discipline architecturale. La diversification des sujets de notre séminaire de recherche constitue la richesse de notre association. Camille a réalisé un mémoire s’intéressant aux lieux de soins, plus particulièrement aux hôpitaux qui sont amenés à être repensés grâce à la pratique du « care » que l’on pourrait traduire par le « prendre soin ». Cette recherche part du constat que l’architecture aide à soigner. Mais est-ce que toutes les architectures ne pourraientelles pas être une forme de prendre soin ? Ce travail s’ouvre notamment sur des notions de ménagement, d’hospitalité, de domesticité et de vulnérabilité positive dans les lieux de soins et de non-soins. Bastien étudie l’histoire d’un produit de second œuvre des Trente Glorieuses, le Parelio, premier vitrage réfléchissant de la Compagnie Saint Gobain. Ce verre est né en réponse à l’augmentation des surfaces vitrées mais aussi à la prise de conscience collective de la nécessité de protections solaires afin d’assurer le confort thermique d’un bâtiment. Cette posture concrète de l’objet au sujet permet d’allier histoire et matérialité pour interroger nos pratiques contemporaines. En bref, deux visions qui se répondent et qui permettent d’interroger la méthode pour ne jamais cesser d’apprendre.


144

Fig. 1, Cour Heuls, Photographie, Bastien, Benjamin, Camille et Emily


145

Introduction

Reconstituer après une destruction est le sens premier de régénérer. Dans le cadre du Nouveau Programme National de Rénovation Urbaine mené au quartier de l’Épeule à Roubaix, cinq courées sont complètement détruites : les courées Heuls, Blasin, Lepers, Senelar et Govaere. Cette forme d’habitat ouvrier apparue lors de la Révolution Industrielle dans la Métropole Lilloise est aujourd’hui en voie de disparition. S’inscrivant dans la planification des destructions prévues tout en questionnant le programme de rénovation urbaine, le projet veut valoriser l’organisation spatiale et sociale de la courée afin de proposer un programme alliant notions d’habitat intergénérationnel et de réemploi. Le contexte qui a permis la construction des courées est aujourd’hui révolu et elles deviennent obsolètes. Auparavant réservé aux ouvriers, les courées sont aujourd’hui habitées par des personnes aux profils différents : des jeunes arrivants, des plus anciens qui habitent les lieux depuis quelques années, des familles, des personnes seules etc. Certains propriétaires ont tenu à rénover ces courées mais la plupart d’entre elles ont aujourd’hui disparues. Pourtant, nous le verrons au travers ce rapport, cet habitat en bande possède des qualités spatiales, sociales et matérielles pouvant être réinterprétées au goût du jour. La problématique du projet est donc : « Comment la valorisation de l’organisation de la courée favorise-t-elle la mixité matérielle et générationnelle ? ». Régénérer la courée c’est pouvoir se servir des matériaux issus de la destruction dans le projet. La raciné « générer » renvoie également à « génération ».

L’atelier de projet encadré par Philippe Rizzotti concerne les questions liées au logement. C’est pourquoi nous souhaitons travailler le logement de 2030 en s’appuyant sur celui de 1930. Suite au travail d’analyse du quartier de l’Epeule mené avec l’ensemble de l’atelier Matérialité ainsi que la collaboration avec les étudiants de Sciences Po Lille, cette réflexion réalisée en duo présente un dialogue entre ressources matérielles et immatérielles. Nous allons dans un premier temps définir l’organisation de la courée puis nous étudierons le réemploi de matière et nous verrons comment il peut être vecteur d’emplois et de lien social. Enfin, nous inclurons la notion de mixité générationnelle et sa concordance avec le territoire. Tout au long du semestre, le projet fut pensé à quatre et ce rapport de fin d’études fut élaboré à deux. Toutefois afin de pouvoir nous discerner, Bastien a écrit plus particulièrement la deuxième partie sur le réemploi comme vecteur d’emplois et de lien social et Camille a développé la troisième partie qui traite de la mixité intergénérationnelle.


146 Îlot du marché - Parking Le site dans lequel s’implante le projet s’inscrit dans la continuité des projets des groupes de l’atelier. Ce parking, mis à part son utilisation le dimanche pour le marché représente un potentiel mal exploité, un terrain vacant, une matière à projet. Construire sur ce site permet de rentrer dans une continuité du bâti des îlots de 1930, de ceux accueillant les maisons de courées et du parc Brondeloire. Connecté grâce à la rue de l’Épeule, le site permet de nous implanter en plein cœur du quartier de l’Épeule. Finalement, ce lieu nous donne l’opportunité de suivre les intentions de l’ANRU, à savoir détruire les courées, et désengorger les îlots. De plus, il est question de réemploi sur un site mitoyen dans une idée d’économie circulaire.

Parking Îlots sujets à projet Bâtiments remarquables 0

50

100m


147

N

Fig. 2, Le quartier de l’Epeule, Bastien, Benjamin, Camille et Emily


148


149

Îlot du marché - Parking

Fig. 3, Site de projet, Photographies, Bastien, Benjamin, Camille et Emily



151

Sommaire

Introduction

6

Partie 1 L’organisation de la courée

13

1.1. Contexte historique et implantation dans les Hauts deFrance 1.2. Architecture de la courée 1.2.1. La courée comme typologie 17 1.2.2. L’architecture de la maison 19 1.3. Solidarité ou insalubrité ? 1.3.1. Une forme architecturale influant sur un mode de vie 1.3.2. Une construction insalubre difficile à réhabiliter

2.2. Le diagnostic ressource 35 2.2.1. Définition 2.2.2. Mine urbaine au quartier de l’Épeule 36 2.2.3. Contrôle de la brique 39 2.3. Mode opératoire du réemploi et principes d’application dans le projet 2.3.1. Mode opératoire 2.3.2. Béton de brique 2.3.3. Briques entières Partie 3 La mixité intergénérationnelle

42 46 46

46

21 23

1.4. Quels avenirs pour les courées ? 1.4.1. La destruction des courées 24 1.4.2. La courée réinterprétée 24 Partie 2 Le réemploi comme vecteur d’emploi 29 et de lien social 2.1. Le réemploi 2.1.1. En France et dans la Métropole Européenne de Lille 29 30 2.1.2. Définitions 2.1.3. Étude de cas: Réemploi des briques de l’usine Babcock de La Courneuve pour le projet de la « Ferme des possibles » à Stains 31

3.1. La mixité intergénérationnelle comme apport de mixité sociale 3.1.1. La mixité intergénérationelle 49 51 3.1.2. La mixité sociale 3.2. La mixité en architecture 3.2.1. L’habitat partagé 55 3.2.2. Des utopies architecturales pour créer du lien social 57 3.3. Mixité intergénérationelle et habitat participatif 3.3.1. Le passé et l’avenir de la cohabitation 3.3.2. Un projet qui «prend soin»

61 69

Conclusion

72

Bibliographie

75

Annexe

79


152

Fig. 4, Courée à Roubaix en 1955, Photographie, J. Deryng- Service départemental de l’urbanisme du Nord


153

L’organisation de la courée

1.1. Contexte historique et implantation dans les Hauts-de-France Impossible de parler de l’apparition des maisons de courées sans parler de la révolution industrielle qui a permis leur création. Cet habitat collectif, symbole et patrimoine du Nord de la France a commencé à être édifié lors de la révolution industrielle au début des années 1900. A cette époque, Roubaix est déjà un symbole de la ville industrielle grâce à son industrie textile. De nombreux ateliers textiles s’y développent aux 17ème et 18ème siècles. La moitié de la population se consacre à cette manufacture. Le développement de la mécanique et l’industrialisation permet à Roubaix de se placer comme ville industrielle importante face à Lille, sa rivale. La concentration démographique et l’expansion industrielle oblige Roubaix à densifier ses terrains. En 1911, les usines commencent à dresser leurs cheminées qui vont entrer dans le paysage urbain de la ville. Comme volonté d’intégration économique et sociale, les courées sont apparues comme une réponse aux besoins ouvriers dans la ville. La proximité avec l’usine permettait aux patrons de garder la main d’œuvre à proximité dans un « habitat accueil »1. Elles sont construites par des propriétaires de petite ou moyenne bourgeoisie, des commerçants ou des rentiers. Ils habitaient le plus souvent la maison à front de rue. Cet habitat en bande leur permettait de réaliser un profit en louant des habitations bon marché à des ouvriers. 1 Bouleau (Nicolas), « L’envers de la ville. Aspects du problème des courées à Roubaix ». Étude réalisée en juin 1972 à l’Unité Pédagogique d’Architecture n°7, p. 5

Ainsi, on retrouve à cette époque un nouveau type d’habitat d’un « urbanisme intégré au niveau de l’îlot »2 car on y retrouvait le lieu du logement (la maison de courée), le lieu du travail (l’usine) et les lieux de commerces et services (la maison en front de rue et les écoles dans la rue). La courée devient alors support d’une identité ouvrière. Les courées permettaient aux patrons de loger la main-d’œuvre à bas prix, mais également leur famille. En plus de raisons économiques, l’installation des ouvriers dans les maisons de courées permettait aussi de réduire les temps de transport et de limiter les absentéismes. Dès 1820 avant l’apparition des courées, les Roubaisiens habitaient dans des « forts ». Ces maisons faites également de briques et de tuiles, se regroupent aussi autour d’une cour centrale pour abriter les métiers à tisser jacquard. Seulement, la disposition en bande des courées permet de mettre plus de maisons sur les terrains et d’économiser les parcelles. L’implantation des courées se fait perpendiculairement à la rue, dans le but d’exploiter et de rentabiliser l’espace au maximum. Elles n’ont cependant pas toutes les mêmes tailles. Au quartier de l’Épeule, les courées Lepers, Govaere, Blasin, Senelar et Heuls sont toutes différentes dans leur taille et le nombre de maisons. En tout, ces 5 courées représentent 66 maisons détruites par l’ANRU. Allant de 7 à 14 maisons, elles représentent une moyenne de 30m2 d’emprise au sol. Au final, c’est environ 2 000m2 de destructions de courées à Roubaix. En moyenne, la taille de la cour est d’une largeur de 6 mètres et la longueur peut varier de 27 à 50m. (Le relevé des dimensions caractéristiques de chaque courée se trouve en Annexe page 217.) 2

Ibid., p. 1


154

3

4

5

2 1

N

Fig. 5, Plan de situation, Plan masse, Bastien, Benjamin, Camille et Emily 0

20m

100m


155

1

1

Courée Senelar

2

Courée Govaere

3

Courée Lepers

4

Courée Heuls

5

Courée Blasin

2

3

4

5 Fig. 6, Analyse de la typologie de la courée, Photographies, Bastien, Benjamin, Camille et Emily


156

Îlot

Impasse

Cour

Entrée étroite

Façade aveugle

2 façades superposées

Vis-à-vis

Logement en série

Fig. 7, Analyse de la typologie de la courée, Isométries, Bastien, Benjamin, Camille et Emily


157

0

5

25

10m

Fig. 8, Analyse de la typologie de la courée, Coupe, Bastien, Benjamin, Camille et Emily

1.2. L’architecture d’une courée

sont davantage présentes en centre ville.

1.2.1 La courée comme typologie

Dans l’étude « L’envers de la Ville »1, il est inscrit que le plus souvent, les rues les plus animées de la ville débouchent sur le plus de courées ce qui est source de conflit. La rue de l’Épeule, rue principale et dynamique du site dans lequel prend place notre projet débouche sur 5 courées: les courées Heuls, Lepers, Govaere, Blasin et Senelar. L’accès se fait par un passage long et étroit, en façade de la maison donnant sur la rue. Il peut être fermé par une porte ou une grille. Généralement, l’entrée est dissimulée dans les façades urbaines, attirant le moins de public possible. La courée est caractérisée par sa cour commune et sa position en cœur d’îlot. Cette cour sert de distribution mais est aussi le lieu où l’on trouve le puits ou la pompe d’eau, seul point d’eau de la courée avec la présence des WC communs. Cet espace collectif était également le seul lieu d’évacuation des eaux via une rigole. La pompe d’eau avait tendance à geler en hiver à cause d’une mauvaise protection et rendait la vie difficile par temps froid. Les habitants entassaient leurs poubelles dans des tôles, façades des maisons de courées. Aujourd’hui les poubelles sont devant les façades où dans l’étroite entrée de la courée.

Afin d’obéir à l’ordre de l’usine, les courées respectent également un ordre dans leur implantation. Le mot courée indique que cet habitat se situe dans une cour, même une impasse, derrière une maison donnant sur la rue principale. Dans un premier temps, cet habitat collectif horizontal est situé en intérieur d’îlot puisqu’il était impossible de déboucher sur des nouvelles rues suite à cette démographie importante et soudaine de population. Dans un second temps, les parcelles étaient moins chères que celles donnant sur la rue. Ces logements en bande sont composés de petites maisonnettes de 30m2 environ se faisant face autour de la cour, en profondeur de la parcelle. Le but était également d’utiliser la moindre surface disponible. Petite distinction à effectuer, l’habitat ouvrier du nord de la France est aussi caractérisé par les corons. Arrivés après la conception des courées, les corons également organisés en bandes et fait de briques, sont eux typiques de la mine et de l’industrie lourde. Ils sont également plus présents en périphérie des villes en créant de nouvelles cités alors que les courées

1

Ibid.


158

N

0 1

5

10m

Fig. 9, Analyse de la typologie de la courée, Plans et coupes, Bastien, Benjamin, Camille et Emily


159 1.2.2. L’architecture d’une maison de courée L’architecture type d’une maison de courée est semblable à celle du tissu urbain de Roubaix, et du nord de la France: la maison dite de « 1930 » faite de briques et de tuiles. Comme une réplique plus simplifiée, plus petite, la maison de courée est divisée en plusieurs niveaux. Dans un premier temps nous avons l’espace extérieur, celui de la cour. L’espace commun, mais privé, que tout le monde peut investir, où l’on peut sortir une table, une chaise, où les enfants peuvent jouer etc. Ensuite vient le premier niveau, celui où on peut recevoir. Dans cette première pièce en rez-de-chaussée nous trouvons le salon puis la cuisine. On accueille chez soi le public dans un espace privé. Enfin, à l’étage, nous trouvons le dernier niveau, celui de la chambre (où l’on dort). Pour gagner de la place, le dernier étage investi est mansardé, donc parfois inconfortable à occuper. La maison de courée est étroite. Constituée de 3 pièces seulement, elle n’abrite que le strict minimum pour les ouvriers et leur famille. Les pièces sont exiguës. Elle n’a ni de couloir, ni de propre dépendance, et les escaliers sont pour la plupart très raides. La hauteur des plafonds est faible pouvant parfois n’atteindre que 2 mètres de hauteur. Les maisons, hautes et étroites, cachent les moindres rayons lumineux.

Aujourd’hui, certaines maisons de courées ont été réhabilitées plutôt que d’être détruites grâce à l’association CAL-PACT (Centre d’Amélioration du Logement Propagande et Action Contre le Taudis). Certaines maisons ont donc une extension sur la courée pour abriter les nouvelles pièces d’eau. C’est le cas de la courée Lepers à Roubaix. Dans tous les cas, ces extensions sont devenues inévitables pour les habitants afin d’avoir une pièce d’eau dans la maison. La seule porte de la maison donnant sur l’extérieur est coupée en deux. Permettant les discussions de voisinages, elles servaient aussi à pouvoir aérer les maisons ou apporter un peu de lumière en les ouvrant. Cela n’était pas suffisant pour apporter un confort solaire minimal, les maisons étaient très sombres. « Quand on ouvrait la porte, elle s’ouvrait en deux parties, alors les gens y se causaient, le voisin, il était appuyé sur la partie basse et la partie haute, elle était ouverte pour aérer et en même temps causer avec le voisin. »1

Chaque niveau est une pièce de 12m2 environ. La pièce du rez-de-chaussée, souvent caractérisée comme la cuisine ou le salon, est en réalité une pièce très polyvalente. C’est la pièce de l’accueil, mais aussi une pièce qui se transforme en chambre au besoin lorsqu’une famille est nombreuse. Les maisons étaient alors souvent trop petites pour leurs locataires. Les plus riches pouvaient parfois acheter la maison voisine pour doubler la surface. C’est d’ailleurs ce que font également les habitants des courées actuelles que nous avons interrogés.

1 Dupuy (Sabine), Younsi (Karima), « Contre le démolitions, la patrimonialisation d’un savoir-habitant ? » Laboratoire REV, Université Paris-Val-de-Marne, PUCA, 2008, p. 98.


160

Fig. 10, Cour Govaere, Photographie, Bastien, Benjamin, Camille et Emily


161

Fig. 11, Courée à Roubaix en 1955, Photographie, J. Deryng- Service départemental de l’urbanisme du Nord

1.3. Solidarité ou insalubrité ? 1.3.1. Une forme architecturale influant sur un mode de vie Les courées sont parfois décrites comme des « conditions idéales pour un entre soi se donnant à voir à travers des pratiques d’apéritifs collectifs qui trouvaient grâce aux yeux des habitants des courées roubaisiennes »1. L’architecture atypique de la courée a permis d’accueillir et d’intensifier une vie sociale et collective riche. Cet assemblage de maisons accolées les unes aux autres entraîne forcément des relations de voisinage quelque peu singulières. À l’époque de l’apogée industrielle de Roubaix, le mode de vie dans les courées était bien différent de celui actuel. La vie dans la courée était rythmée (et dominée) par la vie des ouvriers. Les enfants étaient gardés par les voisins, les jours de lessives amenaient les femmes à s’organiser en roulement entre le lavage, l’essorage et l’accrochage. 1

Ibid., p. 49.

La courée, par son caractère privé, génère une sensation de sécurité pour ses habitants et les enfants qui y habitent. Grâce à la proximité spatiale, elles étaient des espaces de solidarité, d’entraide et de convivialité. Parfois, le café, service donnant sur la rue et permettant la fermeture de la cour, accueillait les ouvriers à la fin de leur journée de travail. Cette proximité spatiale confère aux courées une qualité de voisinage assez remarquable. « Il s’agit à partir d’une double orientation du logement, de réaliser sur “l’avant” une superposition des espaces de voisinage et de l’espace public. Ce sont des espaces où l’on voit des enfants jouer, des gens qui passent. Certain(e)s se tiennent sur le seuil, d’autres discutent de porte-à-porte, ou se font un signe, se lancent un mot à travers la rue. Ces espaces ont un tel rapport au public qu’ils ne sont pas privatisables, mais peuvent être appropriables suivant les moments. »2 La solidarité était présente aussi lorsque 2

Ibid., 50.


162

1

1

Courée Govaere

2

Courée Blasin

3

Courée Senelar

4

Courée Govaere

5

Courée Senelar

2

3

4

5 Fig. 12, Appropriation de la courée par les habitants, Photographie, Bastien, Benjamin, Camille et Emily


163 la courée devenait lieu de résistance. Lutte ouvrière oblige, la disposition des maisons dans un îlot créant un espace vide et difficile d’accès, permettait aux manifestants de se cacher des interventions policières. Aujourd’hui, les habitants s’approprient l’espace extérieur de la courée en plaçant des chaises ou des tables, en tendant leur linge ou en plaçant les choses qu’ils ne veulent pas à l’intérieur de leur logement. Résultat, on trouve des façades propres, organisées quand d’autres sont un véritable capharnaüm. 1.3.2 Une construction insalubre difficile à réhabiliter Loin de l’image idyllique, cette promiscuité peut être cependant source de discorde. Les voisins sont très vite au courant d’une scène de ménage, ce qui devient par la suite sujet de rumeurs. Être si proche les uns des autres favorise les nuisances sonores, de vis-à-vis liées au passage ou de conflit d’intérêt général. D’autant plus que, rappelons le, la présence d’un unique cabinet de toilette pour la courée entière ne devait pas leur faciliter la tâche. Même chose pour les jours de lessive, où l’autodiscipline était de rigueur pour ne pas gêner les autres femmes qui lavaient leur linge toutes en même temps. En plus de problèmes d’isolation phonique dans les courées, il y a des problèmes d’isolation thermique. Le bâtiment manque cruellement d’isolation puisqu’il n’est constitué que de briques. L’humidité s’immisce également dans le logement créant des problèmes d’hygiène, de moisissures pouvant favoriser l’arrivée de maladie. Les contaminations de choléra, tuberculose et le taux de mortalité infantile sont très élevées à cette époque. Ce mode de vie de la courée s’est effondré petit à petit comme le contexte économique dans lequel elles furent créées. « Les usines ont commencé à fermer les unes après les autres, les reconversions

entraînent une perte de qualification et une baisse du salaire, puis c’est la précarité »3 Bien que la pauvreté et la misère étaient déjà présentes, le contexte économique et social qui s’en est suivi n’ont fait qu’empirer les choses. « On habitait des taudis ... je me rappelle j’ai un garçon qui est né en 76, on avait pas de charbon parce que les camions ne pouvaient pas circuler et on restait dans le froid, on dormait tous en bas dans la cuisine, on allumait la gazinière pour chauffer... alors maintenant on est mieux il faut pas qu’on dise le contraire, on a quand même l’eau chaude, on a la salle de bains, on a le chauffage, il y a une chose qui manque, c’est la solidarité »4. Malheureusement, cette solidarité de voisinage étant vouée à disparaître, c’est dans les moments difficiles qu’ils essayent de renouer le contact. Un ancien habitant des courées exprime que c’est l’insalubrité des logements qui constituait peut être l’ultime cause commune synonyme de solidarité. L’organisation des courées a permis de générer une certaine solidarité entre les habitants. Mais cet habitat ouvrier a été construit avec des moyens limités et dans des conditions précaires. Au fil du temps, l’insalubrité de l’habitat s’est amplifiée et la seule union que les habitants pouvaient espérer tisser était celle du logement insalubre. Certains habitants ont donc quitté les lieux, pour aspirer à vivre dans un logement de meilleure qualité que proposaient les HLM. D’autres habitants sont restés et se sont battus pour leur courées. Mais aucune n’aurait retrouvé l’élan de solidarité des premières courées. Aujourd’hui, l’insalubrité apparaît dans les courées d’une autre manière. Les logements ont été un peu rénovés, ils sont mieux isolés, mais la courée reste un endroit où les habitants y laissent beaucoup de déchets, sans conscience écologique, par manque de place ou de locaux prévus à cet effet. 3 4

Ibid., p. 52. Ibid.


164 1.4. Quels avenirs pour les courées ? 1.4.1. La destruction des courées En 1884, une loi autorise les opérations syndicales, ce qui oppose la bourgeoisie et les ouvriers. La classe politique prend conscience à cette époque du rôle de l’habitat comme facteur de progrès et d’intégration sociale. À la suite, les projets d’urbanisation voient le jour et la première courée est détruite le 8 mai 1943 à Roubaix. Les démolitions suivront en masse les années suivantes. Le nombre de courées à aujourd’hui été divisé environ par 10. On est passé approximativement de 2000 lors de l’apogée industrielle à plus ou moins 200 aujourd’hui entre Lille, Roubaix et Tourcoing. Elles ont été détruites lors de rénovations urbaines due aux politiques des villes. L’état physique du bâtiment jugé insalubre ou leur conception architecturale jugée obsolète est ce qui justifie dans un premier temps la volonté de supprimer cet habitat ouvrier. Les rénovations urbaines placent également dans leurs idéaux, l’idée de pouvoir dé-densifier les villes et les quartiers. Seulement, cet argument cache aussi le fait de vouloir obliger la migration de certaines populations. En effet, les habitants des maisons de courées sont donc, nous l’avons vu, des ouvriers travaillant à l’usine mitoyenne. Ces ouvriers sont issus de l’immigration et par la dé-densification, les organisations de rénovations urbaines espèrent pouvoir répartir un type de population autre part. Enfin, en redynamisant certains territoires, ces organisations espèrent pouvoir régler des problématiques sociales et politiques. Les démolitions agissent donc autant sur l’architecture des lieux que sur leur population. Au-delà des idéaux qu’ont encore certains habitants de la courée, cet habitat s’est considérablement délabré et est encore jugé insalubre aujourd’hui.

« Les courées sont peut-être périmées entre autres pour des raisons de vétusté et aussi de plus en plus d’insalubrité, mais elles possèdent des qualités spatiales que bien des logements modernes peuvent leur envier et qu’il faudrait retrouver dans les futures constructions ; elles ont abrité une vie collective riche, l’architecture doit faciliter, intensifier la vie sociale. » 1 Certains habitants ont lutté contre les destructions pour garder leur habitat. Certains revendiquent la promotion d’une mémoire collective et de valeurs détenues par des derniers grâce à la patrimonialisation. La courée est pour eux un lieu d’entraide, de constitution d’un réseau, d’une communauté. Deux points de vue ont donc tendances à s’opposer, ceux des habitants encore présents qui revendiquent ces démolitions comme des catastrophes en magnifiant l’image de la courée, et ceux qui jugent les démolitions comme favorable, cet habitat ne faisant plus sens avec le présent et loin de l’histoire et de la mémoire ouvrière. 1.4.2. La courée réinterprétée Plusieurs agences d’architecture se sont attelées à penser ce que pourrait devenir la courée de demain. 3 angles de vues ont par exemple été abordés par 3 agences: DeAlzua+, Think Tank architecture et Sophie Delhay. Sophie Delhay, connue pour proposer des solutions architecturales de logement modulables à tous, propose un type de logements nouveaux à Wazemmes dans l’esprit de la courée. L’architecte s’attache à la courée grâce à sa forme urbaine conduisant à un esprit de convivialité. Les principes architecturaux réinterprétés sont : l’intégration au tissus urbain, la sobriété, l’ouverture sur un micro-monde intérieur à partir d’un parvis d’entrée partagé, la temporalité publique de l’îlot, les garanties d’intimité et de proximité2.

1 Ibid., p. 49. 2 Site internet de l’agence Sophie Delay, http://sophie-delhay-architecte.fr/portfolio/ lowa/, en ligne, consulté le 30 Décembre 2020.


165 L’agence DeAlzua+ s’est attardé elle, à travailler sur la venelle et la fonction qu’elle pourrait occuper si elle venait à former une courée dans un ensemble d’habitation. Leur problématique principale concerne celle de la densification des quartiers et la limitation de l’étalement urbain. Selon eux, ce thème de la courée est avant tout « une vie collective au sein d’un espace en retrait par rapport à la ville » à réinterpréter. Afin de tourner la dynamique de projet autour des questions sociales, ils décident de travailler l’espace central grâce à un jeu de circulations en hauteur par la mise en place de passerelles afin de revisiter l’espace central desservant des courées uniquement en rez-de-chaussée, et y insèrent des jardinières pour renforcer la collectivité3. Enfin, l’agence Think Tank a rénové une courée lilloise de l’îlot Postes / Justice en ayant pour but de les conserver, les protéger, et les adapter aux enjeux sociaux économiques contemporains. Bien que ce ne soit pas toujours possible selon les situations, la démarche se veut participative et expérimentale pour maintenir la diversité populaire et culturelle du quartier de Wazemmes comme l’explique les architectes. Les espaces de courées ont été délaissés par les habitants, ils ont pris soin de les requalifier en définissant les limites entres espaces communs / privés, l’accès et la gestion de l’îlot en agrandissant les espaces de vie4.

Fig. 13, Projet LoWa, Plan de RDC, Agence Sophie Delhay

Fig. 14, La courée du XXIe siècle, Coupe, DeAlzua+

Les trois exemples de réhabilitation ou de réinterprétation des courées permettent de mettre en évidence que la typologie de la courée et son organisation ont des qualités architecturales et sociales qui peuvent s’adapter à des questions contemporaines.

3 Site internet de l’agence Dealzua+, http://www.dealzua.com/projet/la-couree-duxxie-siecle-12-3.htmlen ligne, consulté le 30 Décembre 2020. 4 Site internet de l’agence ThinkTank, http://www.thinktank-architecture.fr/portfolio/ logements-ilot-postes-justice/en ligne, consulté le 30 Décembre 2020.

Fig. 15, Logements îlot des Postes / Justice, Photographie, ThinkTank


166 Le modèle de la courée, de part son histoire, sa typologie et son mode de vie, incarne un modèle. On part de la rue (publique) pour aller chercher l’entrée étroite de la courée (semi-privé), la cour (semi-privé), le seuil de la porte (semiprivé), le logement (privé), le rez de chaussé (privé), la chambre (privé). La courée devient une transcription physique d’une mémoire collective. Elle incarne un support de sociabilité et un type d’habitat répondant à des enjeux économiques et sociaux. « Avant les gens étaient solidaires, tous les ans on faisait une fête Avenue Frasez, on faisait une fête au milieu de la rue, et on se connaissait tous et si on entendait un cri dans la rue ou bien quelque chose, tout le monde sortait... bon on était comme ça ... maintenant c’est partout pareil, même en Amérique, c’est partout pareil, chacun pour soi » La courée ouvre donc quelques questions: - Comment interpréter économiquement et socialement ce modèle architectural ? - Comment s’inspirer de la gradation des espaces du semi-public au privé, en liant espace commun et habitat individuel? - Comment gérer aujourd’hui la question du bien commun? - Comment instaurer la mentalité de la courée qui lui confère ce mode de vie si particulier? - Comment adapter la typologie de la courée pour élargir l’offre de logements à d’autres personnes que des familles ou une classe ouvrière particulière aujourd’hui disparue? Bien des historiens ont par ailleurs souligné que la courée est, selon l’expression de M. Hastings, « un espace d’appartenance et de reconnaissance qui constitue le lieu propre de fermentation des identités »5. En s’intégrant aux démolitions de l’ANRU sur les courées du quartier de l’Épeule, comment faire de cette démolition une revalorisation de ce patrimoine? 5 Guignet (Philippe), “Cours, courées et corons. Contribution à un cadrage lexicographique, typologique et chronologique de types d’habitats collectif emblématiques de la France du Nord”, Revue du Nord, Janvier-Mars 2008, Tome 90, n°374, p.38.


167

Fig. 16, Cour Dekien, Photographie, Bastien, Benjamin, Camille et Emily


168

Fig. 17, Prototypes de béton de brique, Photographie, Bastien, Benjamin, Camille et Emily


169

Le réemploi comme vecteur d’emplois et de lien social 2.1. Le réemploi 2.1.1. En France et dans la Métropole Européenne de Lille Aujourd’hui en France, 24% des émissions de CO2 sont réalisées par le seul secteur du bâtiment. Il est donc indispensable de réduire l’impact environnemental d’un projet architectural. Nous avons décidé de porter une attention particulière aux déchets résultants de la démolition des maisons de courées. Les déchets du BTP sont aujourd’hui considérés comme une véritable mine capable de fournir de la matière à projet. Immanquablement, c’est la démolition BASTIEN qui produit le plus de déchets (65%) alors que la réhabilitation et les constructions neuves ne produisent que respectivement 28% et 7%. REHABILITATION 28%

BASTIEN DEMOLITION 65%

NEUF

graph 17%

Fig. 18, Répartition des déchets du BTP d’après SOeS 2014, Diagramme, Bastien, Benjamin, Camille et Emily

Les déchets issus du bâtiment représentent 42 millions de tonnes par an dont environ graph 1 trois quarts (74%) sont le gros œuvre et 23% sont principalement le second œuvre. Les 3% restants étant considérés comme dangereux et inaptes au réemploi.

graph2

2ND OEUVRE 28%

GROS OEUVRE 65%

DANGEREUX

graph2 7%

Fig. 19, Répartition des déchets issus du bâtiment d’après SOeS 2014 Diagramme, Bastien, Benjamin, Camille et Emily

graph3

Ainsi le NPNRU étant responsable de bon nombres de démolitions en France, son impact en termes de production de déchets n’est pas négligeable. C’est pourquoi l’ANRU met à disposition aux acteurs de la construction un carnet de l’innovation1 sur l’économie circulaire. Cette notion étant pourtant aujourd’hui trop peu appliquée dans les quartiers en renouvellement urbain. Concernant le quartier de l’Epeule, la réflexion autour des déchets liés aux destructions des maisons de courées a été amorcée. Cependant pour le moment en France, la valorisation des déchets n’est pas systématique alors que dans d’autres pays le réemploi est déjà un réflex. Pourtant, la culture du réemploi n’est pas une notion récente. Au cours de l’histoire et lorsque notre société de consommation telle que nous la connaissons aujourd’hui n’existait pas encore, il était pratiqué sans même le vouloir. Comme pour le paysan qui construisait sa ferme avec les pierres qu’il retirait de son champ par exemple. Réutiliser des matériaux qui sont viables mais jugés « obsolètes » à tort est nécessaire dans notre société d’abondance pour changer les habitudes des acteurs de la construction. Dès 2017, le NPNRU de la Métropole Européenne de Lille a été pensé comme une occasion de créer une plateforme de réemploi local. Son nom est la META (Mutualisation des Énergies pour Transformer et Aménager) créée par le GIE (Groupement d’Intérêt Economique) entre les deux plus importants bailleurs sociaux de la métropole : Lille Métropole Habitat et Vilogia. La META est supposée piloter 3300 des 4000 démolitions prévues dans le cadre du NPNRU avec plus d’un milliard d’euros d’investissement pour créer une plateforme de réemploi. Avec l’estimation 1 ANRU, Les carnets de l’innovation – L’économie circulaire, Paris : ANRU, 2020


170

1. CONSTRUCTION

2. VIE DU BÂTIMENT

3. DIAGNOSTIC RESSOURCE

4. COLLECTE

5. PRÉPARATION

6. STOCKAGE ET EXPERTISE

7. CONSTRUCTION

8. VIE DU BÂTIMENT

Fig. 20, Grandes étapes du réemploi, Infographie, Bellastock

de plus de 377 000 tonnes de déchets2, la plateforme pourra fonctionner plusieurs années avec les déchets issus du NPNRU de la MEL puis pourra se pérenniser avec le traitement des déchets d’autres projets de démolition ou de réhabilitation. Néanmoins, en Janvier 2020 il était annoncé que la plateforme de réemploi devait être opérationnelle dès Décembre 2020. Au moment où nous écrivons ce rapport (Décembre 2021) le projet n’a toujours pas abouti et aucune plateforme de réemploi n’a été construite bien que le GIE existe. La crise sanitaire a en effet retardé le projet mais la plateforme sera opérationnelle lors des travaux du NPNRU au quartier de l’Epeule. 2.1.2. Définitions Selon l’article L541-1-1 du Code de l’environnement, le réemploi est défini comme « toute opération par laquelle des substances, matières ou produits qui ne sont pas des déchets sont utilisés de nouveau pour un usage identique à celui pour lequel ils avaient été conçus » alors que la réutilisation est définie comme « toute opération par laquelle des substances, matières ou produits qui sont devenues des déchets sont utilisés de nouveau ».

2 D’après Neo-Eco, société de conseil et d’ingénierie environnementale

En termes juridiques, dans le cadre de ce projet nous parlons donc de réutilisation. Cependant ce n’est pas le terme qui est communément utilisé par les acteurs du bâtiment. Ainsi l’association d’architecture expérimentale Bellastock dans son livre3 Repar : le réemploi, passerelle entre architecture et industrie en collaboration avec l’ADEME (Agence de transition écologique) et le Centre Scientifique et Technique du Bâtiment (CSTB), utilise le terme de réemploi pour parler de réutilisation. Nous désignons donc dans ce rapport le réemploi comme la réutilisation de matériaux. Concernant les déchets, leur origine dans le secteur du bâtiment peut être multiple : démolition, fin de vie, témoins, erreurs de commandes, chutes, surplus etc. Ici, nous nous intéressons aux déchets résultants du processus de démolition. Le réemploi fait partie de la notion d’économie circulaire des « 3R » (Réemploi, Recyclage et Réduction) qui place l’architecte au cœur du processus environnemental. L’association Bellastock résume l’enjeu de cette notion par la « question de projeter et construire à partir de la matière que l’on a à disposition dans un territoire, dans une logique de circuitcourt et d’efficacité du projet – qui doit être 3 Benoit (Julie), Billet (Mathilde), Saurel (Grégoire), Association Bellastock, Repar : le réemploi, passerelle entre architecture et industrie #2, Paris : Bellastock, 2018


171

Fig. 21, Briques de l’usine Babcock pouvant être réemployées, Photographie, Bellastock

frugal au regard de son environnement »4. Pourtant le réemploi reste aujourd’hui encore marginal. Et pour cause, de nombreux obstacles font face aux maîtres d’œuvres, maîtres d’ouvrages ou encore entreprises qui voudraient s’y mettre. En effet, on connaît encore mal le réemploi et les assureurs ou les bureaux de contrôle ont tendance à ne pas en avoir confiance. Tout l’enjeu des associations comme Bellastock est de prouver que le réemploi est autant juridiquement que structurellement possible. Le principal problème aujourd’hui avec cette nouvelle forme de conception et de construction est qu’elle n’est pas universelle. Elle change selon chaque chantier et il existe encore difficilement un système universel de réemploi des matériaux. 2.1.3. Etude de cas : Réemploi des briques de l’usine Babcock de La Courneuve pour le projet de la « Ferme des possibles » à Stains Une autre dimension à ne pas négliger est le coût du réemploi. Le coût moyen d’une brique neuve est de 0,68€ HT (au prix d’achat sans transport et autres dépenses nécessaires). Néanmoins le coût d’une brique de réemploi peut être supérieur ou inférieur à celui d’une brique neuve selon le processus.

Fig. 22, Mise en oeuvre des briques réemployées à La Ferme des possibles, Photographie, Bellastock

Fig. 23, Déconstruction de l’usine, Photographie, Bellastock

Le projet de la « Ferme des possibles » à Stains illustre très bien cette notion. Le réemploi des briques de l’usine Babcock qui devait être détruite à La Courneuve a été imaginé en 2015. Le chantier de Stains ne nécessitant que quelques milliers de briques sur plusieurs centaines de milliers disponibles, la déconstruction n’a eu lieu que sur une partie de l’usine. Cette déconstruction est inhabituelle par sa réalisation au cours d’un chantier école qui employait des travailleurs en réinsertion ce qui a nécessité un encadrement important tout au long du processus. Les données qui seront exploitées dans le cadre de cette étude de cas ont été fournies par les associations Bellastock et Halage. Un chantier de déconstruction requiert des étapes onéreuses qui ne sont pas nécessaires avec un chantier classique. 4

Ibid


172 Dans un premier temps a lieu le diagnostic ressource dont « l’objectif a été de caractériser les gisements et identifier les méthodes de dépose les plus appropriées »5. Ce dernier a mis en évidence que deux types de scellements des briques (au ciment et à la chaux) existent ce qui peut compliquer la séparation des éléments et que les engins disponibles sur le chantier ne sont pas adaptés à une collecte méticuleuse des briques.

Fig. 24, Matière à trier, Photographie, Bellastock

Dans un deuxième temps arrive la récupération des matériaux à réemployer. La démolition du bâtiment a été faite de manière classique, faute de moyens. De ce fait, l’abattage a été plus rapide mais seulement 33% des matériaux furent conservés après cette étape. Ensuite un tri est nécessaire sur le chantier de démolition afin de récolter les matériaux de qualité. Le criblage des briques (tri en fonction de leur format) a été réalisé par élimination mécanique c’est-à-dire avec l’utilisation d’une cribleuse durant une journée qui a pu traiter 450 m3 de briques.

Fig. 25, Criblage, Photographie, Bellastock

Ces briques furent donc récupérées puis acheminées sur le chantier de construction qui se situait à seulement 5km de La Courneuve. Le transport de ces briques n’est donc pas une étape qui a coûté de l’argent mais qui a pu économiser des frais de transports qui auraient dû être appliqués avec l’utilisation de briques neuves. Les frais d’évacuation des déchets ont également pu être minimisés avec la réduction de la quantité de matière à enfouir. Enfin a eu lieu sur le chantier de réemploi l’entreposage qui exige des coûts de protection de la matière et parfois de location d’espaces de stockage (dans ce cas l’utilisation de l’espace était gratuite) ainsi que l’étape de transformation de la matière qui nécessite le plus de ressources.

Fig. 26, Convoyeur à bande, Photographie, Bellastock

La transformation de matière correspond « aux phases de tri manuel, de restauration 5

Ibid p.194


graph2 173 des briques (qui consiste principalement à gratter les résidus de chaux ou de ciment collés aux briques) et de contrôle qualité, effectuées sur le site de construction »6. Concernant la phase de tri manuel, un convoyeur à bande a été utilisé pendant 5 jours pour faciliter la manutention des briques. A l’issue de cette étape seulement 20% à 25% des briques sont retenues contre 33% à l’étape précédente. Les résultats économiques sont les suivants : - 1,41€ HT pour une brique de réemploi - 0,90€ HT pour une brique neuve TRI MÉCANIQUE 8% 1,41€ HT TRANSFORMATION DES MATÉRIAUX 92% Fig. 27, Coût d’une brique de réemploi, Diagramme, Bastien, Benjamin, Camille et Emily

ACHAT MATÉRIAUX NEUFS 75%

TRAITEMENT DES MATÉRIAUX 5% 0,90€ HT TRANSPORT 18%

Fig. 28, Coût de l’achat d’une brique neuve, Diagramme, Bastien, Benjamin, Camille et Emily

Pour cette opération, l’usage de la brique de réemploi ne fut pas rentable. Mais ceci n’est pas une fatalité. En effet, Bellastock justifie la différence de prix de la brique de réemploi par le fait que « 90% du coût lié à la brique de réemploi vient de l’étape de transformation des matériaux sur site, avec une phase de tri manuel qui a été très longue comparativement au nombre de briques traitées. […] D’autre part, le chantier de construction était un chantier école particulier qui reposait sur une large implication des formateurs. Les coûts liés à l’encadrement du chantier sont donc particulièrement importants dans ce

6

Ibid p.196

cas d’étude » . En effet, 51% du coût de transformation de la brique vient de la formation. 7

FORMATION 32%

TRANSFORMATION : TRI NETTOYAGE CONTRÔLE QUALITÉ 51%

MOYENS

graph3 TECHNIQUES 17%

Fig. 29, Décomposition de l’étape de transformation des matériaux, Diagramme, Bastien, Benjamin, Camille et Emily

Cela montre que le coût d’une brique de graph4 réemploi peut être considérablement réduit. Si on divise le temps de formation ou si on emploie des gens déjà formés pour la transformation des matériaux, on peut réaliser des économies importantes. Dans le cas d’un scénario extrapolé, Bellastock présente les chiffres suivants : - 0,79€ HT pour une brique de réemploi - 0,90€ HT pour une brique neuve

graph 5

Ces chiffres incluent l’impact direct sur l’emploi local ainsi qu’une optimisation simple et possible du processus : - « Réduction de 30% du temps pour le tri sur chantier de tri/nettoyage/qualité (optimisations de l’utilisation des moyens techniques) » - « Réduction de 30% du temps d’utilisation des moyens techniques (transformation des matériaux optimisée donc moins longue) » - « Division par 2 de l’encadrement sur chantier de tri/nettoyage/qualité (double encadrement dans le cadre de ce chantier école) » Le réemploi de briques est une solution qui peut être économiquement viable si une connaissance et une maîtrise des coûts est mobilisée. Le cas d’étude sur le réemploi de briques axé autour d’une collaboration avec une entreprise d’insertion a été le plus impactant pour l’emploi. Le réemploi génère de l’emploi local et c’est pourquoi nous prenons le soin d’en faire une dimension importante de notre projet. 7

Ibid p.198


174 Après avoir analysé le contexte socioéconomique de la ville, il nous parait indispensable de répondre aux 30%8 de chômage de Roubaix (ce qui est trois fois supérieur à la moyenne nationale) et aux revenus moyens des habitants du quartier de l’Epeule qui sont deux fois moins importants que la moyenne nationale9. Le projet s’inscrit dans la politique de la ville d’apporter de l’activité au cœur des quartiers. La création d’emplois au travers de la déconstruction des courées se continuera aussi avec la construction du projet. En outre, cela permet de créer une communauté autour du faire qui reprend la solidarité structurelle et thermique de la courée (logements en bande) pour inclure la solidarité sur le chantier. Le plus de chantiers de réemploi seront réalisés, plus les processus pourront être étudiés et plus la spécialisation dans ce domaine sera commune ce qui réduira les coûts de production. La seule ressource qui reste immuable est le temps qui est nécessaire pour que les acteurs du bâtiment apprennent les rouages de cette pratique. Le réemploi peut et doit se faire en tout lieu afin de limiter l’empreinte carbone du secteur du bâtiment mais surtout dans les quartiers en renouvellement urbain où se joue un drame social et où la création d’emplois est un véritable besoin.

8

D’après l’INSEE

9

Ibid


175

Fig. 30, Courée Senelar, Photographie, Bastien, Benjamin, Camille et Emily

2.2. Le diagnostic ressource 2.2.1. Définition En vue de faire du réemploi, la première étape indispensable est d’effectuer un diagnostic ressource. Ce dernier a pour objectif d’identifier précisément les possibilités de réemploi des matériaux. Il fiabilise également le projet et permet de préparer le cadre administratif et assurantiel qui permet d’intégrer des matériaux de réemploi dans une construction. Le diagnostic ressource n’est pas obligatoire pour un chantier mais c’est un véritable outil de projet pour le réemploi. Il est l’évolution du diagnostic déchets obligatoire depuis le 31 Mai 2012 conformément au décret n° 2011-610 pour tout projet de démolition d’un bâtiment ayant une surface minimale de 1000m2 ou ayant accueilli une activité agricole, industrielle, commerciale ou plusieurs substances dangereuses. Malgré l’utilité du diagnostic déchets pour prendre conscience de l’importance des déchets du bâtiment et de leur impact

sur l’environnement, il n’est souvent pas effectué avec précision ni exploité en profondeur. Cependant de nos jours, la politique de gestion des déchets évolue et un nouveau diagnostic déchets entrera en vigueur au 1er janvier 20221 pour un meilleur contrôle et une application de la gestion des déchets élargie aux travaux de rénovation « significative » des bâtiments. Ce nouveau diagnostic est prévu par la loi relative à la lutte contre le gaspillage et l’économie circulaire votée au parlement en Février 2021. Ces nouvelles dispositions auraient été obligatoires pour notre projet. Dans ce sens, nous souhaitons proposer un diagnostic ressource afin de prévenir la création de déchets. Développé par Bellastock depuis 2012 le diagnostic ressource consiste à : - « Caractériser un ou plusieurs gisements (reconnaissance in situ, investigations documentaires, analyse des expertises complémentaires à mener)» - « Indiquer ou définir de nouveaux domaines d’emploi (ce pour quoi le

1 En raison de problèmes techniques, le CSTB a annoncé le Mercredi 22 Décembre 2021 que le nouveau Diagnostic Déchets sera repoussé de 3 mois et n’entrera pas en vigueur le 01er Janvier 2022.


176 gisement peut être réemployé ou réutilisé) » - « Identifier les ouvrages du projet qui peuvent être réalisés avec des matériaux de réemploi » - « Énumérer les préconisations pour la dépose, la préparation et la mise en œuvre des matériaux » « Vérifier la faisabilité des propositions par une étude d’impact, qui peut être économique, logistique, environnementale »2 Dans le cadre de ce rapport nous caractériserons les gisements dans cette partie puis nous définirons les procédés de dépose, préparation et mise en œuvre des matériaux ainsi que les grands principes d’application du réemploi du projet dans la partie suivante. Ce qui relève des ouvrages réalisés avec des matériaux de réemploi sera présenté lors de la soutenance de Projet de Fin d’Études le 02 Février 2022. 2.2.2. Mine urbaine du quartier de l’Epeule Les cinq courées détruites dans le cadre du NPNRU au quartier de l’Epeule (voir analyse commune de l’atelier) sont toutes constituées de murs porteurs en brique de terre cuite liés aux joints au ciment ou à la chaux. Ces murs ont une épaisseur de 2 briques et constituent les façades avant et arrière des maisons de courées 2 Benoit (Julie), Billet (Mathilde), Saurel (Grégoire), Association Bellastock, Repar : le réemploi, passerelle entre architecture et industrie #2, Paris : Bellastock, 2018, p.101

ainsi que les murs de refends intérieurs qui séparent les logements les uns des autres. Ils sont accompagnés de planchers et d’une charpente en bois, d’une couverture de tuiles en terre cuite et naturellement d’éléments de second œuvre. Les éléments de second œuvre ne seront pas réutilisés dans le cadre de ce projet. En effet, (et comme dans une majorité des chantiers de réemploi) les éléments de second œuvre sont difficilement démontables et réemployables pour la même fonction. De plus, dans les courées du quartier de l’Epeule, ces éléments sont soit en mauvais état, de mauvaise facture ou scellés au moyen de pattes de fixation qui rendent difficile leur démontage. Le gisement des courées détruites est pourtant considérable et constitue une véritable mine urbaine. Dans ce rapport, nous allons particulièrement nous intéresser au cas de la brique, fil conducteur du projet. Assurément, la brique est ici traitée par son aspect physique. Le réemploi de la brique est pertinent car c’est un matériau à forte inertie. Cependant elle sera aussi développée dans le projet en tant que symbole de la mémoire collective de la courée et repère qui mobilise une dimension immatérielle. Néanmoins, au cours du temps ces dernières furent sablées, enduites ou peintes. Leur hétérogénéité peut être considérée comme un atout. Nous savons que certaines briques seront difficilement réutilisables au vu de leur mise en œuvre. Il est cependant indispensable d’estimer la quantité de briques pouvant être réutilisées.

Cour Senelar

Cour Govaere

Cour Lepers

Cour Heuls

Cour Blasin

Longueur (en cm)

21

21

21

21

22,5

Profondeur (en cm)

9

10

10

11

12

Hauteur (en cm)

6,5

6

6

5,5

7

Fig. 31, Dimension des briques dans les différentes courées, Tableau comparatif, Bastien, Benjamin, Camille et Emily


177

Fig. 32, Cour Senelar - Appareillage en chaine, Photographie, Bastien, Benjamin, Camille et Emily

Fig. 35, Extensions Cour Lepers - Appareillage en panneresses, Photographie, Bast. Benj. Cam. et Emily

Fig. 33, Cour Govaere - Appareillage à lit de panneresses et lit de boutisses superposéés, Photographie, Bast. Benj. Cam. et Emily

Fig. 36, Cour Heuls - Appareillage à lit de panneresses et lit de boutisses superposéés, Photographie, Bast. Benj. Cam. et Emily

Fig. 34, Cour Lepers - Appareillage en panneresses, Photographie, Bastien, Benjamin, Camille et Emily

Fig. 37, Cour Blasin - Appareillage à lit de panneresses et lit de boutisses superposéés, Photographie, Bast. Benj. Cam. et Emily


178 Nous estimons que les courées existantes sont constituées de 778m3 de briques soit environ 610 000 briques. Avec les procédés de déconstruction que nous détaillerons ci-après et l’analyse de projets de réemploi de briques, nous estimons que 20% à 30% des 778m3 de briques pourront être réutilisés soit 155m3 à 230m3 ou encore 110 000 à 170 000 briques. Ce chiffre correspond à la quantité de briques entières pouvant être réutilisées dans le projet. Méthode de calcul : - Comptage du nombre de briques sur deux rangées consécutives d’une façade de maison de courée à diagnostiquer (sans oublier l’épaisseur du mur). - Multiplication du résultat par la moitié du nombre de rangées ce qui nous donne le nombre de briques présentes en façade si il n’y avait pas d’ouvertures. - Calcul du volume de la façade auquel nous avons enlevé le volume de toutes les briques précédemment comptées ce qui nous a donné le volume de joint. - Retrait du volume des ouvertures au volume de la façade. - Calcul du nombre de briques avec les ouvertures incluses. - Calcul du nombre de briques par m2 de façade. - Multiplication de ce nombre par la surface de murs en brique dans la courée.

Cour Senelar

Cour Govaere

Cour Lepers

Cour Heuls

Cour Blasin

TOTAL

Nombre de briques

123 000

295 000

93 000

37 000

62 000

610 000

Volume de briques (en m3)

152

403

112

41

70

778

Fig. 38, Quantité de briques dans les différentes courées, Tableau comparatif, Bastien, Benjamin, Camille et Emily


179 2.2.3.Contrôle de la brique Nous avons pu constater lors de nos multiples visites de site que les façades de brique étaient saines (sauf rare exception de logement abandonné). Cela constitue la première étape du diagnostic ressource : le contrôle visuel. Le diagnostic des briques peut également être fait avec les autres sens comme le toucher et l’ouïe qui permettront de constater que les briques ne produisent pas un son sourd lorsqu’on les heurte l’une contre l’autre et qu’elles ne sont pas friables. Il ne faut pas confondre les salissures ou les effets de la pollution atmosphérique avec les problèmes d’humidité de la brique. Les salissures et la pollution peuvent disparaitre rapidement avec une solution d’eau et de vinaigre. Leur origine peut être multiple : développement de microorganismes, poussières, rejaillissements d’eau sale etc. Elles se manifestent le plus souvent par des traces noirâtres. Si des tâches blanches sont visibles, il s’agit d’exsudations. Autrement dit des dépôts calcaires qui ont adhéré aux briques. Le nettoyage de ces tâches est possible avec des solutions acides qui détruisent cependant le mortier. Les exsudations ne sont donc pas un problème pour le réemploi de briques puisque le joint n’est pas réutilisé. A contrario, les problèmes d’humidité comme les remontées capillaires et les dégâts liés au gel sont irréversibles. En effet, sans soubassement adéquat, une quantité d’eau remonte toujours dans la maçonnerie et s’évapore généralement naturellement grâce aux pores du parement ou par les joints. Lorsque l’eau ne peut pas s’échapper, la brique sature, se dégrade et ne peut pas être réutilisée. L’action de la pluie et du vent peut même déposer plusieurs litres d’eau par mètre carré sur une façade. C’est pour cela qu’en cas de gel, il peut se produire des microfissures, souvent à la base des murs, dû à un gonflement de la brique de l’ordre de 10%. Les briques présentent

Fig. 39, Salissures, Photographies, DRAC NPDC

Fig. 40, Remontées capillaires, Photographies, DRAC NPDC

Fig. 41, Micro-fissures, Photographies, DRAC NPDC

Fig. 42, Briques efflorescentes, Photographies, DRAC NPDC


180

Fig. 43, Exemple de maison de courée dont les briques ne peuvent pas être réemployées 4 Cour Govaere, Photographie, Bastien, Benjamin, Camille et Emily


181 un caractère d’éclatement et sont par la suite totalement dégradées et donc inutilisables. Quant à la présence du salpêtre qui se caractérise par la formation de cristaux blancs, on dit alors que la brique est efflorescente. Le salpêtre invalide immédiatement la réutilisation de la brique. Lorsqu’une brique est saine et peut être réemployée, des freins juridiques peuvent exister, empêchant celle-ci d’être directement réutilisée dans un projet de construction. La brique doit repasser par un bureau de contrôle pour être juridiquement viable et être acceptée par les assurances qui exigent un marquage CE (Conformité Européenne). En France, le marquage CE est obligatoire pour la mise sur le marché d’un produit. C’est dans ce sens que le réemploi d’une brique peut être possible, en particulier pour ce projet. La brique ne doit pas être mise sur le marché ni considérée comme un déchet pour ne pas être confrontée aux normes. Les briques des courées étant directement prélevées sur site, elles n’ont pas à repasser sous le crible d’un bureau de contrôle. Elles sont issues du même site pour le même usage ce qui prévient les freins juridiques.


182 2.3 Mode opératoire du réemploi et principes d’application dans le projet 2.3.1. Mode opératoire

Fig. 44, Bâtiment en cours de déconstruction, Photographie, Bellastock

Fig. 45, Pelle mécanique avec godet rétro, Photographie, Bellastock

Fig. 46, Tri de la matière au cribleur, Photographie, Bellastock

La dé-construction est une source d’apprentissage notamment lorsque les personnes qui la réalisent, reconstruisent un projet avec les même matériaux immédiatement. On y apprend les couches successives du bâtiment et on comprend sa nature. L’atout d’un projet de déconstruction de courées est que le même procédé de construction est utilisé partout. Il est donc plus facile de définir une seule fois le protocole de déconstruction et de répéter les mêmes opérations sous condition que la brique soit saine (non poreuse, non gélives). Il est important de considérer que la déconstruction allonge considérablement le temps de chantier, cela doit être pris en compte dans les calculs prévisionnels du projet. La démolition des bâtiments pourra se faire à l’aide d’une pelle mécanique équipée d’un godet rétro. Les atouts de la pelle mécanique sont multiples : on peut en trouver facilement, son coût de location n’est pas élevé et on peut facilement changer l’outil utilisé et donc la fonction de la machine. Cela permet d’utiliser un seul type d’engin, voire un seul engin si des restrictions budgétaires s’imposent (ce qui prolongerait pourtant considérablement la durée du chantier). La constitution du site permet facilement d’acheminer une pelle mécanique jusqu’aux courées (voirie et rotation possible des engins) même si le voisinage pourrait être incommodé de nuisances sonores. Il faut cependant prendre en compte que la destruction des courées est prévue même sans notre projet et que le voisinage aurait été dérangé dans tous les cas. Le projet s’inscrit dans la planification des destructions prévues dans le cadre du NPNRU. Nous considérons que c’est une réelle opportunité de revaloriser les îlots qui contenaient les courées. Dans un premier temps, cela permettrait de ramener la salubrité mais aussi de proposer un espace capable pour les habitants des maisons 1930 qui


183 bordent l’îlot. Dans le principe du projet de l’Ilot des Arts, les îlots seraient ainsi réhabilités et disposeraient d’un espace pour rassembler tous les habitants. Quelques maisons de courées pourraient être sauvegardées pour la mémoire et accueillir des équipements bénéfiques à tout l’îlot comme une chaufferie, un abri de jardin etc. Concernant la matière déconstruite, les gravats seront une première fois triés grossièrement sur place à l’aide de la pelle mécanique équipée d’un panier de tri ce qui permettra de retirer les premiers résidus indésirables des tas de brique. S’en suit l’acheminement des briques sur le site de préparation. Ici cela dépend de la courée mais les briques sont soit chargées à la pelle mécanique dans des camions pour les emmener au cœur du chantier de déconstruction puisqu’une route sépare trois courées du site de préparation ou alors elles seront acheminées par convoyeur. Lors de cette étape, un tri manuel approximatif est réalisé. Une fois sur le site de préparation, les briques sont alors déchargées sous forme de merlons qui pourront cependant encore contenir des résidus de déchets comme de la poussière, du mortier, des fragments de bois ou encore de métal. Les briques sont une nouvelle fois triées manuellement ou à l’aide d’une cribleuse, séparées des déchets et regroupées par format (toujours en merlons). Cinq catégories peuvent être établies : briques entières, briques ¾, briques ½, briques ¼ et agrégats inférieurs à la dimension d’un quart de brique. On vérifie alors leur capacité à être réemployées. Les briques doivent ensuite être nettoyées à la brosse violon en acier pour retirer les quelques morceaux de mortier qui subsisteraient. Si des tâches existent, un nettoyage au vinaigre et à l’eau chaude peut être envisagé si celui-ci est superficiel. Ces étapes ne nécessitent pas d’utilisation de machines gourmandes en énergie ou de produits nocifs pour l’environnement ce qui rend l’impact environnemental raisonnable. De plus, elles créent une nouvelle fois de l’emploi.

Par la suite, les briques peuvent être quantifiées et conditionnées en palettes puis stockées sur le chantier. Les déchets (briques ou morceaux non-réutilisables) préalablement stockés en benne peuvent être évacués. Si l’on considère que seulement 20% à 30% des briques sont entières, il reste alors une part importante de morceaux de brique. Selon la mise en œuvre de la brique choisie dans le projet, cette part de briques réutilisable peut augmenter. On pourrait utiliser les briques qui ne sont pas entières dans la mise en œuvre d’un mur mais cela génère une édification lente et pénible pour l’ouvrier.

Fig. 47, Déchargement des briques en merlons, Photographie, Bellastock

Fig. 48, Briques de réemploi, Photographie, Bellastock


184


185

Fig. 49, Déroulement du projet selon la présentation de Bellastock, Infographie, Bastien, Benjamin, Camille et Emily


186 2.3.2. Béton de brique Ces morceaux de brique peuvent néanmoins être utilisés dans un béton de brique. Ce nouveau matériau permet de réutiliser l’intégralité des briques des anciennes courées, de consommer moins de sable dont l’extraction est nuisible à l’environnement et de ne pas à avoir à enfouir les déchets. Nous avons réalisé trois prototypes de béton de brique tous constitués de 2/3 de briques et 1/3 de sable. Nous avons fait varier la taille des granulats de brique : gros, moyens et poudre.

Fig. 50, Béton avec poudre de brique, Photographie, Bast. Benj. Cam. et Emily

Les différentes finitions du béton de brique nous inspirent pour jouer avec la matérialité du projet. Les études concernant ce matériau commencent à voir le jour et prouvent qu’il peut être utilisé structurellement1 . Cependant nous pouvons également utiliser ce béton dans un plancher collaborant en béton de briques et en bois, pour tous les aménagements paysagers, la conception de frontages ou en tant que finition. 2.3.3. Briques entières A propos des briques entières, ces dernières seront réutilisées pour leur inertie dans la conception de murs trombes ou rayonnants qui constituent le système passif mis en œuvre dans notre projet. Les tuiles seront réutilisées telles quelles sur le toit ou mises en œuvre dans un béton à la même manière que la brique. En effet la posture de combiner des matériaux anciens avec du neuf peut s’émanciper à d’autres objets et constituer de nouvelles expérimentations.

Fig. 51, Béton avec granulats moyens de brique, Photographie, Bast. Benj. Cam. et Emily

Pour conclure, le réemploi génère la mixité matérielle en valorisant l’ancien avec du neuf. Les phases de déconstruction et de construction qu’il implique sont imaginés en employant les habitants du quartier de l’Epeule, rassemblés pour fonder le vivre ensemble. 1 Zhu (Lihua), Zhu (Zengmei), Reuse of Clay Brick Waste in Mortar and Concrete, Xi’an : Hindawi, 2020

Fig. 52, Béton avec gros granulats de brique, Photographie, Bast. Benj. Cam. et Emily


187

Fig. 53, Détails des expérimentations de béton de brique, Photographie, Bastien, Benjamin, Camille et Emily


188

Fig. 54, Habitantes de Older Women’s Co-Housing, Photographie, Tim Crocker Ce lieu est le premier de ce genre en Angleterre. Il accueille des femmes âgées de plus de 50 ans dans un habitat partagé au sein de 25 appartements partagés.


189

La mixité intergénérationnelle

Nous l’avons vu dans la première partie, la courée est un mode de vie. La courée est aujourd’hui principalement familiale ou occupée par des personnes âgées. Mais à qui convient le mieux ce mode de vie? Selon nous, la courée est propice aux logements intergénérationnels pour diverses raisons : la convivialité, la solidarité, la gradation des espaces publics aux espaces privés. Définir qui seront les futurs habitants des courées 2030 nous permettra de réintégrer au mieux des qualités de la courée telle que nous la connaissons. Cette partie s’organisera sous le format objet/question/réponse comme principe de développement étudié cette année. L’objet est donc la mixité, la question est: « comment intégrer cette mixité dans un projet d’habitat ? », la réponse est le programme proposé pour le projet.

3.1. La mixité générationnelle comme apport de mixité sociale Nous avons eu la chance cette année de pouvoir travailler en collaboration avec des étudiants en Master « Développement Soutenable » de Science Po Lille. Le travail que nous avons effectué s’est principalement tourné autour de la problématique du projet et de la définition des termes. Le programme du projet s’est tourné vers la question de la mixité sociale que l’ANRU souhaite intégrer dans ses projets, dont Roubaix et le quartier de l’Épeule. 3.1.1. La mixité sociale L’ANRU a plusieurs ambitions à Roubaix. L’une d’entre elles est d’apporter de la

mixité sociale. Seulement, la mixité sociale semble être un terme « passe-partout » comme nous l’ont souvent répété les étudiants de Science-Po. « La mixité sociale reste ce qu’elle n’a cessé d’être depuis la fin des années 90 : un argument potentiellement discriminatoire (au sens négatif du terme) pour modifier le peuplement des « cités» – et seulement de celles-ci – en agissant sur leur composition résidentielle »1. D’après les discussions avec les étudiants, la mixité sociale semble autant être un problème qui ne doit concerner que les banlieues, qu’un défi qui concerne les logements et leur rénovation. Dans l’article « Rénovation urbaine, une mixité très peu sociale », l’auteur interroge des élus et leur perception de la mixité sociale. Au constat de la formation de ghettos de personnes ayant les mêmes appartenances culturelles dans certains quartiers, la mixité sociale peut être synonyme de mixité ethno-raciale. Selon cet article, ceux qui ont le pouvoir (ici les municipalités) n’ont pas envisagé de traiter la notion de mixité sociale sous d’autres angles. Les habitants sont peu au courant de ce qu’il se passera à l’avenir pour leur quartier. Les délais imposés par l’ANRU et la faible communication envers les habitants créent un réseau inclusif à quelques citoyens seulement ne représentant que faiblement leur communauté. On peut plus ou moins valoriser la mixité selon l’interprétation qu’on lui donne. On a tout d’abord la mixité sociale, celle de nos relations. Dans le domaine public, elles sont valorisées et considérées comme émancipatrices. Dans le domaine 1 Kirszbaum (Thomas), « Rénovation urbaine, une mixité très peu sociale », Revue Projet, vol. 307, no. 6, 2008, ppw. 30-37


190 privé au contraire, l’homogamie continue de régir nos relations familiales nous explique Léa, étudiante de Science Po. Cette mixité sociale, du domaine public n’est pas suffisamment opérée à l’échelle de l’organisation urbaine créant la ghettoïsation de quartiers et des inégalités au sein d’une même ville. C’est alors la raison de la création et l’obligation de construire un taux de 20% de logements sociaux aux communes de plus de 3500 habitants2 afin de lutter contre les inégalités existant dans nos communes. La mixité est ici valorisée comme opposition aux ghettos et source de bonne santé démocratique. Léa nous explique également que l’unification des populations par revenus n’a pas favorisé le lien social. Présente dès les années 60 avec la création des grands ensembles, ces lieux ont été délaissés par les plus aisés pour se convertir en quartiers réunissant les classes les plus modestes. On peut le voir notamment avec les résidences Bell au quartier de l’Épeule, dont deux barres de logement sur 4 est destiné à être détruit. Nous avons constaté quelques paradoxes à la suite de nos analyses, nos interviews et les différentes discussions avec les étudiants en sciences politiques. Le premier est que la démolition et le relogement n’ont pas dispersé les populations les plus pauvres. Elles n’ont pas non plus favorisé leur mobilité à l’extérieur des quartiers puisque la plupart des personnes interrogées souhaitent rester dans leur quartier actuel. Les mesures mises en place par l’ANRU sont incitatives pour les promoteurs mais ne définissent pas clairement le type de mixité attendu dans le projet. Nous sommes partis à la rencontre des habitants des courées. Ces derniers souhaitent majoritairement rester dans la ville et ne pas perdre les avantages sociaux et culturels qu’ils bénéficient à savoir: la connaissance du quartier, 2 Loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU) adoptée en 2000 qui impose aux communes de 3500 habitants ou 1500 pour les communes d’Île-de-France de disposer d’ici 2025 de 20% de logements sociaux.

des voisins, de la famille, du travail à proximité. Enfin, en cumulant les étapes de démolition, logements, reconstructions, le schéma final aurait tendance à fragmenter davantage les grands ensembles en petites résidences qui deviennent alors plus homogènes socialement. Nous l’avons également vu dans un premier temps à cause du PNRU (la première action de l’ANRU à Roubaix) au début des années 2000 qui a été inefficace au niveau de la politique de l’habitat et de la ville menées au nom de la mixité sociale dans le but de produire une ville « diverse ». L’action de l’ANRU doit donc se répéter à nouveau dans un périmètre plus large que le premier, et englobe notamment les maisons de courées cette fois-ci. En plus de nous inscrire dans une mixité voulue par l’ANRU au sein de notre projet, nous nous projetons dans une mixité pouvant créer de la diversité à l’échelle du quartier tout entier, notamment grâce à la notion d’emploi générée par le réemploi de matériaux. Seulement, au vu de la difficulté de parler de la mixité sociale dans un projet, nous avons choisi de mieux définir nos attentes et de désigner qui allait vraiment être les habitants du projet. C’est pourquoi, nous avons décidé de non plus parler de mixité sociale, mais de centrer la mixité voulu grâce à la mixité générationnelle. La mixité générationnelle est donc une réponse, un apport de mixité sociale à la ville, en oubliant les différences de genres et de cultures mais en centrant les principes sur des âges et des modes de vie jugés moins « discriminants ». Quel était alors le but d’intégration de la mixité sociale voulu par l’ANRU? Nous pouvons penser que cela était pour limiter la ségrégation au sein de la commune. Quel serait le but d’apporter une mixité intergénérationnelle?


191

Fig. 55, Marmelade Co-Housing, Photographie, David Butler Ce lieu est pensé comme une courée entre maisons d’habitations et espaces commun central. Le foyer est au coeur de la propriété, entourée d’autres services communs, tous donnant sur le jardin partagé.

3.1.2. La mixité intergénérationnelle La réponse ne se trouve pas dans le seul but de promouvoir la mixité, mais aussi de générer une solidarité sociale, en plus de celle matérielle. Le terme génération peut avoir des significations différentes. Il peut renvoyer aux liens de descendance ou ascendance d’un cadre familial en anthropologie. La définition sociologique fera, quant à elle, référence à une époque. Par définition, « L’habitat intergénérationnel consiste à accueillir en logement autonome des personnes d’âges divers et de situations différentes, notamment des jeunes, des seniors et des familles monoparentales, souvent à faible ressources, dans un lieu doté d’espaces collectifs (salle commune, jardin, buanderie)3 ». 3 Launay, Olivier. « Recréer du lien grâce à l’habitat partagé », Revue Projet, vol. 364, no. 3, 2018, p. 89

Comme le souligne Margaret Mead, anthropologue américaine, dans Le fossé des générations, « Pour vivre dans le monde d’aujourd’hui qui connaît une forte accélération, les plus âgés doivent demander conseil aux plus jeunes, seuls capables de comprendre certaines dimensions de l’univers dans lequel tout le monde coexiste »4. Ce que concerne cette citation sont les nouvelles technologies, l’utilisation d’internet, des nouveaux appareils électronique etc. Certes, beaucoup de personnes plus âgées ressentent le besoin de demander aux nouvelles générations des conseils sur l’utilisation de ces nouveautés pour eux, mais les demandent vont également dans l’autre sens. Il ne faut pas stigmatiser les âges. Le partage des connaissances concerne aussi bien les nouvelles générations que les anciennes. Selon Claudine Attias-Donfut, sociologue, cette notion permet un apport de « médiations vitales du rapport au temps et à l’histoire,

4 De Singly (François), « La crise du lien intergénérationnel. Vivre ensemble, jeunes et vieux. Un défi à relever », Érès, 2015, pp. 267-274


192 mais ce, dans une dynamique de coéducation »5. Les expériences, les savoirs sont transmissibles d’une génération à l’autre peu importe laquelle. Dans un monde alors de plus en plus complexe, on souligne l’importance grandissante des relations intergénérationnelles. Selon l’auteur Olivier Launay, directeur général d’Habitat et humanisme en Ile-de-France, ayant écrit un article scientifique du même nom, les habitats alternatifs (considérés comme l’habitat intergénérationnel, les colocations, l’habitat participatif ou les éco-villages) insistent sur une dimension collective de « l’habité », que ce soit dans les espaces partagés que dans la cellule logement6. Cette dimension collective permet de mettre en avant certaines valeurs: la mutualisation (des biens ou des services), la mixité sociale (et générationnelle), les préoccupations environnementales et la solidarité de voisinage. Afin de bénéficier de la dimension intergénérationnelle, des animateurs peuvent participer à l’approfondissement de la dynamique de convivialité et renforcer cette solidarité. En architecture, on peut également traduire ce besoin de social, par exemple, donner des locaux associatifs et des espaces de rencontres, penser les espaces de circulations comme espaces de rencontre et la mise en place de lieux hybrides et lieux communs. La croissance démographique invite à repenser les espaces. Au quartier de l’Épeule par exemple, la croissance démographique était de 5.2% en 2018. Face à cette augmentation, il s’agit de créer un cadre propice aux relations entre les ménages et les générations. La mixité générationnelle en tant que réponse à l’apport de mixité sociale est aussi un formidable accélérateur d’insertion sociale. 5 Gucher (Catherine), « Formes et fondements des relations entre générations hors de la sphère familiale. ». Retraite et société, Vol. n° 64, n°1, 2013, p. 85-105. 6 Launay (Olivier), « Recréer du lien grâce à l’habitat partagé », op.cit., p. 90.

« Les seniors mettent en avant la sécurité psychologique ou la convivialité, mais surtout la redécouverte d’un sentiment d’utilité sociale qui s’était émoussé (garder les enfants, proposer une sortie, aider aux devoirs). Les mères isolées apprécient de pouvoir s’appuyer sur des tiers adultes pour les aspects logistiques, mais également éducatifs. Les étudiants et jeunes adultes, souvent provinciaux ou étrangers, apprécient ce modèle quasi familial à la fois réel et réversible (chacun est libre de partir s’il le souhaite) »7. Aujourd’hui, combler la solitude est un besoin essentiel de la population. D’après l’étude « Les solitudes en France », faite par la Fondation de France, le nombre de personnes qui se sentent seules est croissant8. Créé en 2010, grâce à une étude annuelle, il est possible de dire qu’aujourd’hui 5 millions de Français sont en situation d’isolement. Les jeunes étudiants et les personnes âgées sont les plus susceptibles de se retrouver seules dans leur logement, alors pourquoi ne pas penser l’habitat comme moyen de lier les deux? L’intergénérationnel trouve également du sens dans une dimension environnementale. Autre que les éléments d’architecture mis en œuvre pour lutter contre cette question énergétique, l’intergénérationnel peut être élément de ressource sur les questions relatives à l’environnement. « La dimension temporelle et intergénérationnelle de la responsabilité se fait d’ailleurs plus évidente autour de la question environnementale »9. Le réchauffement climatique et toutes les questions environnementales gravitant autour évoquent un principe 7 Ibid. 8 Publication de la Fondation de France, à retrouver sur le site internet https:// www.fondationdefrance.org/fr/7-millions-defrancais-confrontes-la-solitude-decouvreznotre-enquete-annuelle, en ligne, consulté le 30 Décembre 2021 9 Lefebvre (Solange), « Relations intergénérationnelles et vieillissement : nouvelles questions. », Retraite et société, Vol. n° 64, n°1, 2013, p. 55.


193 de responsabilité intergénérationnelle. Que l’on parle des générations plus anciennes, actuelles ou futures, cette question impacte fondamentalement l’humanité, à savoir toutes les générations. On trouve donc une sorte de responsabilité d’éducation à la question environnementale pour les générations futures. L’Unesco à même publié en 1997 une « Déclaration sur les responsabilités des générations présentes envers les générations futures ». Au sein d’un logement, ou d’un assemblage de logements, l’habitat partagé et la mixité intergénérationnelle permettent de vivre ensemble avec l’objectif commun de respecter l’autre et l’environnement. En tant que futurs diplômés, il est important pour nous d’affirmer nos convictions et comprendre comment notre rôle d’architecte peut influencer les décisions politiques. Avoir eu la possibilité de travailler avec les étudiants en sciences politiques est ce qui nous a permis de générer une alternative à la propositions de l’ANRU entre utopies et facteurs réels.

Fig. 56, Les familles rue de la Perche, courée à Roubaix en 1955, Photographie, J. Deryng- Service départemental de l’urbanisme du Nord


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Fig. 57, Habitantes de la maison des Babayagas, Photographie, Léa Crespi


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3.2. La mixité en architecture 3.2.1 L’habitat partagé L’architecture peut être vecteur de lien social. Aujourd’hui, bon nombre de projets se revendiquent coopératifs ou solidaires. De ce fait, nous allons nous intéresser à l’habitat participatif qui permet de créer du lien entre les habitants grâce à l’architecture. Parfois vu comme une utopie, l’habitat participatif est apparu à la suite de crises économiques et sociales qui ont débouché sur un questionnement de l’habitat et des manières de vivre. Depuis son apparition en 2004, la loi Alur (Accès au Logement et Urbanisme Rénové, permet d’avoir des statuts d’occupations variés (propriétaire, locataire, souslocataire, colocataire, locaux loués vides ou meublés par exemple). Elle définit l’habitat participatif comme étant « une démarche citoyenne qui permet à des personnes physiques de s’associer, le cas échéant avec des personnes morales, afin de participer à la définition et à la conception de leurs logements et des espaces destinés à un usage commun, de construire ou d’acquérir un ou plusieurs immeubles destinés à leur habitation et, le cas échéant, d’assurer la gestion ultérieure des immeubles construits ou acquis »1. Grâce à l’apparition de cette loi, l’habitat participatif est reconnu juridiquement en tant que démarche citoyenne. Dans un logement participatif, tous les habitants sont propriétaires, cela n’empêche pas les propriétaires de faire louer leur logement. Tous les acteurs participent aux décisions liées au bâtiment. L’architecture où prend place cet habitat participatif peut être une maison individuelle ou un immeuble et s’articule entre espaces communs et espaces privés, comme la courée. La raison qui nous pousse à nous tourner vers un habitat solidaire, ou participatif, est la volonté de créer par cooptation une communauté locale qui vit ensemble et qui 1 Décret n° 2015-1725 du 21 décembre 2015 relatif aux sociétés d’habitat participatif.

est solidaire. Cela nous permettrait de se questionner sur les modes de production du logement dans une idée de rapport qualité/prix accessible pour le plus grand nombre avec la volonté de s’inscrire dans les objectifs environnementaux à l’horizon 2050, tout en revalorisation l’organisation des courées. Plusieurs exemples émergent dans cette idée d’habitat participatif: la maison des Babayagas à Montreuil notamment, qui est aujourd’hui une résidence pour personnes âgées. Ne voulant pas se retrouver seules dans un logement, estimant être encore assez autonomes et indépendantes, un groupe de 21 femmes de plus de 60 ans a créé l’anti-maison de retraite en fondant un habitat participatif. Cependant, nos différentes discussions avec les étudiants de Science Politique nous ont permis de se rendre compte que le succès de l’habitat est encore très relatif. Bien que la thématique du participatif s’est affirmée dans de nombreux domaines de l’action publique depuis 20 ans, les expériences en urbanisme et les théorisations relatives à ce sujet remontent à plus de 40 ans. Néanmoins, ce champ participatif permet aujourd’hui d’ouvrir certaines questions concernant les formes de participation, la délégation des pouvoirs et le contrôle par et pour les citoyens. Pour les plus âgés, les étudiants, les jeunes adultes ou même les familles, l’habitat participatif s’adapte à tous et à tous les besoins.

Fig. 58, Repas partagé dans le jardin de la maison des Babayagas, Photographie


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Fig. 59, Cité-jardin, Plans, Howard, Parker et Unwin


197 3.2.2 Des utopies architecturales pour créer du lien social La cité-jardin Les principes de cohabitation au sein d’un même logement ou au sein d’une propriété constituée d’un assemblage de maisons n’est pas nouveau. Il suffit de regarder les immeubles de logement haussmanniens ou les cités jardins par exemple. Ces deux formes d’urbanismes ont été support de croissance et considérées comme des modèles économiques et sociaux du développement du territoire2. En relation avec les courées, prenons l’exemple des cités jardins. Elles ont été construites au début du 20ème siècle sur un modèle économique répondant à la croissance exponentielle de la population de Londres. L’industrie se développant en masse, la population augmente considérablement, notamment avec l’arrivée des populations étrangères pour apporter de la main d’œuvre dans la ville. Théorisé alors par Ebenezer Howard, aidé par les architectes Unwin et Parker, les premières idées de cité jardins comme réunion d’éléments positifs de la ville et la campagne en une réalisation de logement émergent. En outre Henrietta Barnett, philanthrope anglaise ayant participé à la création d’une des premières cité jardin en Angleterre, affirme que le social ne peut être dissocié du bâti et que rien qu’à son époque « toute communauté doit être basée sur les relations de voisinages et sur le mélange des classes sociales »3. En créant la cité jardin Hampstead Garden Suburb, elle met en place les conditions suivantes: les personnes de toutes les classes de la société, et les handicapés sont les bienvenus, la taille des rues et des façades sont codifiées, des cloisons fines entres les maisons et les jardins servent de séparation, le bruit de voisinage doit être évité, les bois et jardins publics doivent être gratuit sans aucun apport de loyer, la 2 Panerai (Philippe), Castex (Jean), Depaule (Jean-Charles), Formes urbaines, de l’ilôt à la barre, Marseille: Parenthèses, 2009, p. 45. 3

Ibid., p.51.

densité du quartier doit être gérée (avec une densité moyenne de 20 logements à l’hectare). La cité jardin se définit architecturalement par un groupement de maisons individuelles autour d’un close. Ce close débouche généralement sur une rue mais est, comme la courée, une impasse. Le schéma de la cité jardin interrogeait déjà les questions du statut, semi-privé et privé dans les unités d’habitations. Le marquage entre les terrains peut rester subtil afin d’amener une appropriation globale du close renvoyant à une « communauté de voisinage »4. Il devient une unité, il a une autonomie. De nouvelles pratiques d’appropriations inhabituelles apparaissent grâce à l’espace semipublic que crée cette impasse. « Ainsi la cité jardin, par une mise en forme savante, exacerbant au sein de la culture anglaise le culte de la nature et sa réduction dans le jardin (et le jardinage), reportant sur la communauté de voisinage la vitalité des groupes, répond aux besoins de l’urbanisation capitaliste, fournissant à la fois la réponse technique à la croissance urbaine et la réponse sociale à la nécessaire reproduction des modèles culturels bourgeois » 5. Parler des cités jardins dans un projet réinterprétant la courée permet de comprendre l’évolution du système de gradation des espaces du public au privé grâce à un vide commun à l’ensemble des habitations. Mais c’est aussi, à cette époque, le désir de construire une utopie architecturale dans le but de vivre ensemble. D’autres utopies ont permis la réalisation de projets qui conçoivent de nouvelle manière d’habiter collectivement. 4 5

Ibid., p 62. Ibid., p. 73.

Fig. 60, Cité-jardin ouvrière à Arceuil, Photographie


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Fig. 61, Immeuble Kraftwerk 1, Coupe perspective


199 Kraftwerk Ce principe d’habitat participatif, et donc d’habité, s’est développé suite à un manifeste écrit par un philosophe, un artiste designer et un architecte, respectivement Hans Widmer, Martin Blum et Andreas Hofer. Édité dans les années 2000, ce manifeste est une sorte d’utopie, une idéalisation d’un monde meilleur. Un monde de cohabitation et d’entraide entre les habitants d’une même cité. Il prend place dans un contexte difficile, à Zurich en Suisse, où la vie à cette époque est régie par le taux de chômage élevé, les trafics de drogue, la prostitution et la désindustrialisation. Le manifeste devient alors source et proposition d’un mode de vie basé sur l’autogestion, l’échange des services, l’autonomie alimentaire et la mixité sociale à l’encontre des modes de vie de l’époque. La coopérative d’habitants peut devenir un outil de conception. On peut noter que la mise en place du manifeste intervient dans une extension du modèle de cité jardin d’Ebenezer Howard. Il a été directement inspiré par l’utopie anticapitaliste d’Hans Widmer, l’architecte du groupe. Il a publié en 1983, ce qu’on pourrait appeler une « réinterprétation plus pragmatique pour changer la ville et le logement »1 dans une manière de concevoir la ville par la création de Bolo’bolo lorsque les contestations de la jeunesse Suisse ont envahi la ville pour revendiquer un changement de la société. Bolo’bolo propose un remaniement pour la ville de Zurich pouvant aller jusqu’à une échelle mondiale. Ce nouveau modèle de société, vu comme une utopie militante et anarchiste, souhaite effacer les dysfonctionnements du monde moderne. L’architecte parle alors de « Machine-travail » décrivant « un système planétaire fait de gens dressés les uns contre les autres pour garantir son fonctionnement »2. 1 Boudet (Dominique), Nouveaux logements à Zurich, Zurich : Park Books, 2017. 2 Poullain (Adrien), Choisir l’habitat partagé. L’aventure de Kraftwerk, Marseille : Editions Parenthèses, 2018, p. 39.

Fig. 62, Bolo, Dessin, Hans Windmer

Une fois que les principes capitalistes sont éradiqués, Bolo’bolo proposerait un système où les politiques et les élites n’existent plus mais où les Hommes s’entraident et se regroupent par affinités au sein des différents « bolos ». « Les habitants se rendent mutuellement services en fonction de leurs compétences et mutualisent leurs ressources »3. Les habitants handicapés, personnes âgées, ou quiconque vivant dans un établissement spécialisé pourraient y être accueillis afin de ne négliger personne. L’architecte traduit spatialement les bolos comme des unités d’habitations modulables et ajustables à l’infini par leurs habitants en fonction de leur besoin et leur identité culturelle. Les transformations doivent être opérées grâce à des matériaux locaux et utiliser principalement de l’énergie passive4. Ils sont alors vitrés pour bénéficier d’un maximum d’énergie solaire mais peuvent être accompagnés de générateurs d’énergie. On trouvera aux rez-de chaussées tous les lieux de convivialité: les restaurants, les bars, les cafés. Selon Hans Widmer, cette organisation sociale et architecturale permet de remettre tous les hommes sur un pied d’égalité. Les acquis culturels seraient vecteurs de cohésion. À Roubaix justement, nous l’avons vu dans l’analyse, les inégalités sont présentes. Quelles concernent les revenus 3 Ibid. 4 Poullain (Adrien), Choisir l’habitat partagé. L’aventure de Kraftwerk, op.cit., p. 15.


200 par habitant ou le taux de chômage, l’organisation sociale et spatiale qui génère une mixité permet de favoriser le lien social et réduire les inégalités au sein du quartier de l’Épeule. « Les trois auteurs considèrent que ces grands espaces libérés au cœur des villes sont une opportunité inouïe, car ce phénomène ne se produira probablement plus jamais »5. Ils veulent attirer l’attention sur des problèmes d’ordre social de plus en plus grave à savoir: « fracture sociale et isolement, séparation fonctionnelle destructrice, gentrification, chômage structurel, gaspillage énergétique, augmentation de la circulation automobile »6 et propose de repenser le mode de vie urbain. À Roubaix, notre site de projet est donc une opportunité de requestionner ce vide dans la ville simplement occupé par des voitures actuellement. Dans ce système social, le modèle Kraftwerk génère également des emplois pour faire fonctionner le système, qu’ils soient à temps pleins (cuisinier, gérant de restaurant…) ou à temps partiel (travaux agricoles, services collectifs, instances de conciliation….)7 . Kraftwerk 1 est perçu comme un modèle communautaire idéalisé mais également comme source d’apprentissage en devenant un modèle expérimental, concret et constructif. À la suite, le concept Kraftwerk s’est développé jusqu’à proposer 4 versions du projet. Ce modèle est un premier pas vers une utopie réalisée et des recherches typologiques sur le logement. Le manifeste se veut libre de conception architecturale, ainsi, il n’y a pas de forme définie. Cependant, nous pouvons analyser l’architecture qu’a permis de créer le premier manifeste avec Kraftwerk 1. Cet ensemble de 4 bâtiments réunit services et logements. Ces services comprennent 5 6 7

Ibid., p. 50. Ibid. Ibid., p. 56.

entre autres: une crèche, une laverie, une épicerie, des locaux vélos, un bar, des appartements ateliers, un coiffeur, un café, un fleuriste etc. Les activités, commerces et bureaux sont orientés côté rue. Il est évoqué que la disposition des bâtiments soit de telle sorte que les bâtiments dédiés à la production industrielle et aux services fassent écran sur rue qui peut être jugée trop bruyante. 80 logements composent en tout l’ensemble architectural. La « mixité sociale », la salle commune et la cuisine sont vus dans cet exemple comme une réussite. Avec l’expérience Kraftwerk, des retours sur les conflits et les relations de voisinage ont eu lieu. En ayant conscience des difficultés que le vivre ensemble peut apporter, les médiateurs ont décidé de créer des instances et des conseils de médiations afin de créer le dialogue et régler les possibles problèmes au sein de la communauté. Cette médiation avait d’ailleurs été évoquée dans le travail réalisé en collaboration avec Science Po. Dans le but premier de créer les relations entre les générations, qui selon nous peut être également possible grâce à l’architecture, ces médiateurs peuvent aussi les apaiser. Nous avons conscience des différences existantes entre un modèle de citésjardins par rapport à la courée ou d’un immeuble Kraftwerk comparé à une petite maison de courée. Cependant l’analyse de ces références sont pour nous des matières à penser concernant l’espace et comment ce dernier permet aux habitants d’être approprié dans une optique de vivre ensemble et séparément. Selon nous, ces exemples d’habitats participatifs sont en cohérence avec ce qu’est l’habitat dans les maisons de courées aux siècles précédents. Un habitat résolument humain, où les gens habitent les uns à côté des autres dans un contexte économique et social difficile mais qui réinterroge le logement générique.


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Fig. 63, Sargfabrik, Photographie Les habitations donnent sur un bassin central, entre nature et minéralité. Les principes que Sargfabrik souhaite partager sont: l’autodetermination (il a fallu se battre pour construire ce site), la communauté et l’écologie. C’est le plus gros projet d’habitat partagé de Vienne. Comme Kraftwerk, ce genre d’habitat à fait l’objet d’expérience et s’est développé à d’autres projets similaires: on trouve aujourd’hui une autre version de la Sargfabrik avec la Miss Sargfabrik.

3.3. Mixité générationnelle et habitat participatif 3.3.1 Le passé et l’avenir de la cohabitation « Bienvenue en l’an 2030. Il y a 1.2 milliards de personnes de plus sur la planète. 70% d’entre nous vivent en ville maintenant. Afin de loger ces 1.2 milliards de personnes en plus, nous partageons tous plus de biens et de services ménagers que jamais auparavant. Nous appelons ce partage la cohabitation, “le co-living” »1. Voilà la devise du projet de « One Shared House 2030 », animé par les architectes anton & irene et Space10. Le site internet propose même de remplir un formulaire 1 Traduction faite par nos soins, issue du site internet http://onesharedhouse2030. com/about/, en ligne, consulté le 30 Décembre 2021.

de participation et de recherche pour définir, à l’horizon 2030 un nouveau type d’habitat et d’envisager le futur du « coliving » ou autrement dit de l’habitat partagé. Les résultats obtenus indiquent que les personnes de plus de 60 ans sont celles qui sont prêtes à partager le plus. L’équipement que les gens ne veulent pas partager sont les toilettes - contrairement aux courées de l’époque. Voici, par ordre de préférence, ce que les personnes ont répondu au questionnaire concernant ce qu’elles sont prêtes à partager le plus par ordre décroissant: internet, le jardin, le gaz et l’électricité, les espaces de travail, la laverie, des pièces communes, le ménage, la cuisine, la garderie d’enfants, les voitures, les courses, les dîners quotidiens, la douche et les toilettes. A ce jour2, le questionnaire a recueilli plus de 180 000 2

Décembre 2021


202 réponses. Dans un contexte économique comme Roubaix, où la précarité est présente, avoir l’opportunité de partager des services, quels qu’ils soient, permet de baisser les coûts. En l’an 1980, un groupe de personnes a décidé de fonder une association dans le but de créer un nouveau type de logement participatif qu’ils ont appeler Sargfabrik. L’objectif était de rassembler plusieurs habitants de générations différentes afin de créer un mode de vie communautaire et autogéré par ses habitants. Finalement, rien ne se perd, tout se transforme. Afin de faciliter les accès pour tous, toutes les installations et services communs sont dépourvus de seuils. On y trouve, caférestaurant, un espace piscine spa, une aire de jeux extérieure, un jardin collectif sur le toit, un jardin d’enfant Montessori, 7 studios disponibles pour le logement d’urgence, une bibliothèque, des cuisines communes. En 1980 ou 2030, l’habitat partagé se renouvelle avec son temps. À Roubaix les étudiants sont nombreux. En attirant chaque années 11 000 étudiants provenant de la France entière, Roubaix compte 40% de sa population ayant moins de 25 ans. Selon une référence des architectes Naud & Poux ayant dessiné une résidence intergénérationnelle à Lyon, penser au logement des personnes âgées et pour les étudiants c’est-à-dire mettre le facteur temps au cœur des réflexions. De moins en moins de personnes sont destinées à « vivre comme des vieux » pour accéder à une meilleure qualité de vie. « En contrepartie d’un loyer inférieur à la moyenne, les étudiants rendent services à leurs aînés, lesquels, sans obligation, donnent un coup de main »3. S’il est facile de placer les étudiants au cœur de la vie en ville, il ne faut pas négliger la place de nos aînés. 3 Site internet de l’argence d’architecture Naud & Poux, http://naudetpoux. com/2020/12/02/residence-rinck/, consulté le 3 Janvier 2022.

« Vieillir peut non seulement faire partie de la vie quotidienne, mais aussi impulser une nouvelle vie collective et économique à l’échelle d’un village »4. La vieillesse n’est pas synonyme de solitude et peut devenir une affaire collective. Vieillir n’est pas non plus synonyme de dépendance ni perte d’autonomie. Une personne âgée n’est pas destinée à passer le restant de ses jours dans une maison de retraite encadrée par des professionnels. On peut même regarder les nouvelles architectures des maisons de retraites ou maisons de santé qui se tournent vers des atmosphères domestiques, loin de celle d’un hôpital qui parfois crée une atmosphère négative, jugée froide et inhumaine. Loin des EPHAD ou maisons de retraites, le logement des personnes les plus âgées est repensé afin d’être adapté à leurs besoins et leur accessibilité. Il est alors même associé à des unités de logements étudiantes. L’architecture de la courée peut s’adapter à un habitat partagé. La culture de la courée allant déjà vers un logement qui n’est pas générique, nous décidons alors de continuer dans ce sens afin de travailler les courées selon les générations. Des bâtiments de services seront mis en commun, tels que: des buanderies, une bibliothèque, une cuisine commune, un espace extérieur, un jardin potager, une salle d’étude. Réinterpréter la courée, c’est réinterpréter son mode de vie et travailler sur le modèle de l’impasse. Si l’impasse fut créée par la présence d’un service commun, les toilettes, pourquoi ne pas adapter ce modèle de fermeture par un autre service commun mais plus adapté. Les toilettes ne sont plus ce que les habitants sont prêts à partager, par contre, les cuisines communes ou autres pièces de services peuvent permettre de poser à nouveau la fermeture du lieu par le service. Ce service ne pourrait-il pas aussi devenir vecteur d’emploi pour les habitants? 4 Susanne Stacher, “En territoire germanophone, vieillir devient une affaire collective”, Archiscopie, N°27, pp. 32.


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Fig. 64, Cour Dekien, Photographie, Bastien, Benjamin, Camille et Emily


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Fig. 65, Peu d’espace dans la cour, Photographie, J. Deryng- Service départemental de l’urbanisme du Nord

L’architecture de la courée contient également des éléments déjà présents dans l’architecture participative ou partagée. L’espace central, celui de la cour, est déjà approprié par les habitants. Seulement, cet espace est le plus souvent vécu comme un manque d’espace dans les logements. Ce vide qui sert également de desserte piétonne pour les logements peut devenir la place, le lieux de fête, le lieux de réunion, de dîner au soleil ou de potager commun s’il est pensé dès le début du projet et intégré directement dans la conception des lieux communs. Cela respecte et réinterroge les trois niveaux de la courée. Le premier, la cour, semi-privée. C’est ce vide commun qui lie nos logements et les habitants entre eux. Le premier niveau est celui des espaces couverts communs aux habitants (les cuisines communes, les buanderies, les locaux vélos par exemple), eux aussi semi-privés. Enfin, le dernier niveau, le plus intime, est celui de la chambre et des pièces d’eau, privé.

Nous l’avons vu, l’espace peut être approprié par les habitants de différentes manières. Dans les courées, les habitants exploitent l’espace devant leur façade en sortant des meubles, installant une table ou une chaise. Parfois il y rangent leur vélo ou y mettent leur poubelle ou déchets. L’appropriation du lieu collectivement peut passer par la simple action d’accrocher son linge dehors, avec celui des autres, parce que c’est aussi le seul espace extérieur disponible. Mais les habitants se permettent de faire ça car l’espace est sécurisé. À l’époque, la journée du linge devait être coordonnée par les habitants. Aujourd’hui, les personnes continuent d’accrocher leur linge et les nouvelles références de constructions adoptent aussi ce principe d’appropriation des lieux. C’est le cas par exemple de l’unité de logement collectif La Borda en Espagne. Le projet est une coopérative de logement, construit en 2012 dans d’anciens locaux industriels récupérés. Tous les espaces entourent une grande place qui rappelle


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Fig. 66, La Borda, Photographie, Lacol

directement « la corralas », une typologie de logement populaire dans le centre et le sud de l’Espagne. Le projet réinterroge trois principes fondamentaux de l’habitat partagé: redéfinir le programme, avoir des qualités environnementales, et promouvoir la participation des habitants. L’infrastructure commune devient le support. Elle est définie à partir d’une unité de logement domestique de 16m². Cet ensemble homogène n’est pas hiérarchisé et est laissé libre d’appropriation par les habitants. La vie en communauté est gérée par les habitants de la coopérative. Vie en communauté rime aussi avec espace d’appropriation dans les lieux communs. La question se pose également dans les lieux privés tel que dans le logement. Comment donner la possibilité à différents utilisateurs de s’approprier les lieux de vie quand on vit à plusieurs ?


206 Ce projet de Harquitectes proposent des logements pour des étudiants en architecture. Réunis autour d’un atrium central, mêlant nature et minéralité, cet espace devient lieu de convivialité et les architectes proposent des logements de 40m2 pour 2 étudiants en colocation, ou 1 étudiant. Selon eux, il n’était pas nécessaire de distribuer la typologie de l’unité en considérant que les étudiants, qui recherchent, utilisent et développent eux-mêmes au fil des ans, trouveraient le potentiel maximum dans l’espace attribué. De cette façon, les architectes essayent de ne pas terminer complètement le logement, ouvrant ainsi de nouveaux champs d’opportunités : plus de liberté dans l’appropriation de l’espace par l’étudiant architecte, des économies de matériaux dans les finitions réinvesties dans l’efficacité énergétique et une expression plus réelle et pédagogique de la construction. Le bâtiment à l’esthétique « non-finie » permet une nouvelle expression matérielle. Parce que l’unité de logement est en béton préfabriquée, le béton reste apparent sur les murs laissant apparaître clairement la construction. Les non-finitions permettent également d’économiser de la matière. Les finitions intérieures sont faites à partir du coffrage du béton. La cuisine par exemple à été pensé comme un espace modulable et flexible. Les armoires sont laissées telles quelles, sans porte, mais avec de nombreuses étagères pour permettre aux étudiants de s’exprimer et s’approprier les lieux à leur manière et selon leur besoin1. Laisser libre et possible l’appropriation des habitants, qu’ils soient jeunes ou vieux, seuls ou en colocation, permet aux habitants de pouvoir s’organiser selon leur mode de vie et ne pas restreindre tous les habitants à une forme d’habité. Fig 67, Cuisines d’étudiants, Photographie, Adrià Goula

1 Issu du site internet de l’agence Harquitectes, http://www.harquitectes.com/projectes/habitatges-universitaris-sant-cugat-harquitectes/, en ligne, consulté le 1er janvier 2022.


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Fig. 68, Chambre d’étudiants, Projet de Harquitectes 57 logements étudiants, Photographie, Adrià Goula


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Fig. 69, Intérieur du Centre Psychiatrique Caritas, Photographie, Philip Dujar-


209 3.3.2. Un projet qui « prend soin » Pour nous, le modèle de l’architecture participative, partagée et de l’intergénérationnel intégré au schéma de la courée rentre dans une certaine forme de care, qu’on traduirait en français par le prendre soin. La notion du care est souvent assimilée à l’architecture de la santé. Seulement, le prendre soin n’est pas réservé qu’aux établissements de soins et s’émancipe à tous les types d’architectures. En reprenant les propos de la philosophe Cynthia Fleury1, toute architecture peutelle devenir une forme de care? En travaillant sur des sujets intergénérationnels, on espère qu’une forme de prendre soin s’opère dans la transmission des savoirs grâce au partage. C’est pourquoi, la mutualisation des services, les locaux communs, le partage de voitures ou biens permettraient aux gens de rentrer dans un réseau de prendre soin. C’est d’ailleurs une des définitions émise par Joan Tronto, philosophe ayant largement contribué au développement de la notion du care. Tous les individus sont inclus dans un réseau, un maillage de care, entre ceux qui donnent et ceux qui reçoivent. Pourquoi donc ne pas créer et appuyer davantage ce réseau grâce à l’architecture ? Pour Lucien Kroll, architecte, « l’architecture n’est pas une marchandise, un narcissisme personnel ou collectif. Elle est un lien empathique entre les humains»2. Ce prendre soin, nous permet également de définir les besoins de chacun. On donne une attention architecturale différente aux personnes âgées et aux étudiants. Égale, mais différente. 1 Fleury (Cynthia), Le soin est un humanisme, Paris, Éditions Gallimard, 2019, p. 40. 2 Toubanos (Dimitri), “Concevoir et construire autrement, pour une société durable: l’expérience participatrive de Lucien Kroll et Patrick Bouchain”, Les 4ème RIDAAD, ENTPE et ENSAL, Janvier 2017.

Une personne âgée à besoin de repères, de signaux visuels, de déplacements faciles, d’endroits où se reposer. Un étudiant à besoin d’espaces de travail calmes, d’intimité. Les deux catégories de personnes ont besoin d’espace privés, intimes, calmes et de lieux où se retrouver, faire la fête et se réunir avec des proches. Le prendre soin est, de plus, aujourd’hui éminemment tourné vers l’environnement. On pense les bâtiments aujourd’hui comme un bâtiment qui prend soin de l’environnement en réalisant des bâtiments low-tech ou à énergie passive par exemple. L’architecture du prendre soin ne s’arrête pas qu’au prendre soin des personnes, c’est aussi prendre soin des matériaux, de leur disponibilité, du vernaculaire, du réemploi, de la main d’œuvre etc. Les architectes De Vylder Vinck Tailleu ont livré en 2016 un bâtiment réhabilité dans le Centre Psychiatrique Caritas. Ce lieu de soin ouvert sur la nature vise à accueillir les patients du centre dans un place publique offrant un jeu d’intériorité et d’extériorité. La bâtiment est perçu comme une place publique à ciel ouvert, mais entre des murs de briques. L’intervention des architectes raconte plusieurs histoires: premièrement, celle du bâtiment et du centre, puis celle des patients qui ont un lourd passé, et puis l’histoire future, celle que les architectes permettent d’écrire en donnant une nouvelle vie au bâtiment. Attention cependant, le centre psychiatrique caritas est une réhabilitation et non une construction issue du réemploi. Mais nous nous intéressons à la poétique mise en œuvre autour de l’histoire d’un bâtiment grâce à sa matière, la dualité créée entre les structures légères des serres et la masse de la brique du bâtiment original. Ils ont d’abord pris soin d’enlever tous les éléments qui menaçaient de s’effondrer ou de se casser pour sécuriser les lieux. Ensuite, ils y ont introduit une nouvelle structure grâce à des poutres métalliques vertes et ajouté des serres, lieux à


210 Le centre psychiatrique caritas est caractérisé par le mot ensemble: ensemble pour concevoir, ensemble pour vivre le bâtiment, un ensemble de matériaux. Cet ensemble dialogue et affirme une forme de mixité. Il nous permet également de construire une réflexion autour de la mémoire et de la valorisation de la matière autour du care. Nous devons, dans cette optique, construire un projet donnant l’opportunité de se rassembler, par le vivre ensemble, ou par l’envie de déconstruire et reconstruire ensemble.

Fig. 70, Détail d’une ancienne fenêtre au PC Caritas, Photographie, Camille Viala

l’abri du vent et de la pluie car la toiture n’existe plus. Dans le but de combler des menuiseries manquantes, les architectes ont adopté une manière poétique de montrer la relation entre passé et présent. En comblant les parties manquantes de l’ancien encadrement des fenêtres, les architectes utilisent du béton blanc, comme un nuage, contrastant avec les briques rouges du bâtiment. Mais au delà de l’allégorie du nuage que cela crée visuellement, l’insertion de béton blanc de la restauration intervient comme une cicatrice. À la manière d’une trace laissée sur la peau, le béton coulé remplace la menuiserie manquante ou cassée et montre que la blessure a été réparée. En tant que telle, la méthode de conception participative a fait place à une émancipation esthétique. Lors de la conférence donnée à l’ENSAPL3, les architectes expliquent avoir travaillé avec un artisan en lui laissant presque carte blanche sur la réalisation des détails du bâtiment. En communiquant grâce à des dessins schématiques, l’artisan s’est retrouvé libre d’interpréter les demandes de l’architecte comme s’il devait résoudre un jeu de construction. 3 ENSAPL et Arc en rêve centre d’architecture, « conférence de Jan de Vylder et Inge Vinck », dans le cadre du cycle de conférence Faire c’est dire, 17 Septembre 2020, [en ligne] à l’adresse https://www.lille.archi.fr/2020/09/15/ conference-jan-de-vylder-inge-vinck/, consulté le 20 Octobre 2020.

Toujours selon Joan Tronto, nous devons concevoir l’architecture « prend soin de » dans un écosystème bâti/nature/humain. « C’est là qu’une démarche relationnelle et critique du ménagement, inspirée par la pensée féministe, bouleverse notre perspective. Ne plus considérer les bâtiments comme des « choses » mais comme un tissu de relations continues – dans le temps et dans l’espace – avec un environnement, des individus, une faune et une flore, transforme fondamentalement l’intention architecturale. »4. Les projets de participation semblent parfois inclure la notion d’autoconstruction dans les projets. Mais la participation en architecture c’est aussi une façon de prendre soin des habitants en leur donnant des espaces en communs mais un pouvoir de parole et de concertation. C’est l’inclusion de tous les habitants dans le projet. Cette dimension sociale permet à la fois d’intégrer les habitants dans le projet de la déconstruction, à la construction jusqu’au vivre ensemble.

4

Tronto (Joan), Vers une architecture

du ménagement : https://topophile.net/savoir/ vers-une-architecture-du- menagement/, en ligne, le 5 Novembre 2021



212

Conclusion

Le travail sur les courées a commencé dès la première semaine du semestre.

la mutualisation des services et surtout la solidarité matérielle et immatérielle.

En collaboration avec les étudiants de Science Po Lille nous avons travaillé sur une problématique concernant l’organisation de la courée.

En souhaitant conserver l’essence de la courée jusque dans sa matérialité, il nous est paru évident de travailler avec la notion de réemploi. L’analyse théorique concernant les modes opératoires pour réemployer la matière nous a permis de nous rendre compte que c’est un processus méthodique qui nécessite des étapes minutieuses à respecter et qu’il n’est pas universel. Cependant, si le réemploi est pris en compte dès les premières phases de conception du projet alors rien n’est impossible.

L’envie de travailler autour de ce thème s’est développée avec la volonté de valoriser un patrimoine en voie de disparition. Un temps au début du semestre a été consacré à l’analyse urbaine du quartier de l’Épeule à Roubaix puis, nous nous sommes attelés à comprendre les enjeux et les objectifs du futur programme de rénovation urbaine auquel le site de projet est soumis. Cinq courées sont touchées par les destructions du Nouveau Programme National de Rénovation Urbaine. Nous avons décidé de nous inscrire dans la volonté de considérer ces démolitions et de revaloriser le patrimoine des courées en voie de disparition. Ainsi nous est venue l’idée de travailler l’essence spatiale de la courée qui favorise le vivre ensemble et de puiser dans ses ressources matérielles pour fabriquer les courées de demain avec les matériaux de celles d’hier. La courée est alors devenue notre matière première dans le projet. Il a fallu dans un premier temps, comprendre et analyser ces courées. Ce type d’architecture ouvrière a une histoire et représente un patrimoine fort pour le Nord de la France. Elle présente des qualités spatiales et sociales qui peuvent être réinterprétées d’une manière contemporaine comme l’habitat semicollectif, l’appropriation de lieux communs,

En plus de limiter les déchets et de réutiliser la matière des courées détruites, le réemploi apparaît ici comme une forme de mémoire collective et de la conservation d’un patrimoine en plus d’être un vecteur d’emplois et de lien social. Enfin, l’autre type de mixité n’est pas matérielle mais sociale. En ayant conscience de ses qualités et de ses défauts, nous nous sommes attardés à étudier comment les qualités spatiales de la courée pouvaient définir un type d’habitat et donc un type d’habitant. Au travers des rénovations urbaines, l’ANRU souhaite promouvoir la mixité sociale au sein du quartier de l’Épeule. Les étudiants de Science Po nous ont permis de comprendre les enjeux de ce terme générique et ainsi de proposer des solutions adaptées au territoire. Nous apportons alors la mixité sociale attendue grâce à un projet d’habitat intergénérationnel. La mise en place d’une mixité intergénérationnelle permet d’apporter une cohésion sociale qui était déjà présente dans les courées. Nous créons ainsi, un réseau d’entraide et un sentiment


213

d’appartenance à une communauté tout en questionnant les principes du logement de demain en mutualisant les espaces, en créant des espaces partagés et en réinterprétant les trois niveaux de la courée du semi-privé au privé. Entre le privé et le collectif, le matériel et l’immatériel, le plein et le vide, la typologie et le mode de vie, 1930 et 2030, l’économie de la ressource ou l’autonomie du collectif, le réemploi de l’architecture et l’architecture du réemploi, ce mémoire écrit à quatre mains est en réalité à notre image et le reflet de toutes ces concomitances qui ont permis d’aboutir à ce Projet de Fin d’Étude.



215

Bibliographie

Livres : - ANRU, Les carnets de l’innovation – L’économie circulaire, Paris : ANRU, 2020

- Collectif Rosa Bonheur, La ville vue d’en bas : travail et production de l’espace populaire, Paris : Éditions Amsterdam, 2019

- Bendimérad (Sabri), Eleb (Monique), Ensemble et séparément : des lieux pour cohabiter, Bruxelles : Mardaga, 2018

- Ebner (Peter), Housing moves on : architects and their views, Wien New York : Springer, 2009

- Barriol (Eric), Rheinlaender-Didelon (Jennifer), Réhabiliter les maisons ordinaires de l’époque industrielle : cahier de recommandations, Lille : DRAC Nord-Pas-de-Calais, 2012

- Lequenne (Philippe), La construction préfabriquée en bois : bâtir écologique en optimisant coûts et qualité, Mens : Terre vivante, 2014 - Lucan (Jacques), Habiter : ville et architecture, Lausanne : EPFL Press : Presses polytechniques et universitaires romandes, 2021

- Benoit (Julie), Billet (Mathilde), Saurel (Grégoire), Association Bellastock, Repar : le réemploi, passerelle entre architecture et industrie #2, Paris : Bellastock, 2018 - Birkiye (Sefik), Busieau (Gilbert), Atelier populaire de l’urbanisme de l’Alma-Gare, Roubaix Alma-Gare : lutte urbaine et architecture, Paris : Atelier d’Art Urbain, 1982 - Boie (Gideon), « Design Your Symptom », Unless Ever People, cat. expo., Venise, Biennale de Venise (26 mai 2018 – 25 nov. 2018), Antwerpen, Flanders Architecture Institute, 2018, p. 216 - Bouchain (Patrick), Masboungi (Ariella), Petitjean (Antoine), La ville pas chiante : alternatives à la ville générique, Paris : Editions Le Moniteur, 2021

- Paneraie (Philippe), Formes urbaines : de l’îlot à la barre, Marseille : Parenthèses, 2012 - Paris (Didier), Lille métropole : laboratoire du renouveau urbain, Marseille : Parenthèses , 2009 - Poullain (Adrien), Choisir l’habitat partagé. L’aventure de Kraftwerk, Marseille : Editions Parenthèses, 2018 - Rager (Mathis), Stern (Emmanuel), Wather (Raphaël), Daniel (Cédric), Le tour de France des maisons écologiques, Paris : Éditions Alternatives , 2020

- Boudet (Dominique), Nouveaux logements à Zurich, Zurich : Park Books, 2017

- Vitra Design Museum, Together! The new architecture of the collective, Berlin : Ruby Press, 2017

- Carrega (Marianne), Labasse (Alexandre), , Lê (Kim), Habiter plus, habiter mieux, Paris : Pavillon de l’Arsenal, 2018

- Zhu (Lihua), Zhu (Zengmei), Reuse of Clay Brick Waste in Mortar and Concrete, Xi’an : Hindawi, 2020

- Choppin (Julien), Delon (Nicola), Encore heureux, Matière grise : matériaux, réemploi, architecture, Paris : Pavillon de l’Arsenal, 2014


216 Articles de revue : - Borne (Emmanuelle), « Architectes, à vos modules ! », Architecture d’Aujourd’hui, Août-Septembre 2021, n°444, pp.72-77 - Borne (Emmanuelle), « Prouvé à l’appui », Architecture d’Aujourd’hui, Août-Septembre 2021, n°444, pp.90-97 - De Villepin (Anastasia), « Jeu de construction » Architecture d’Aujourd’hui, Août-Septembre 2021, n°444, pp.98-105 - De Singly (François), « La crise du lien intergénérationnel », Vivre ensemble, jeunes et vieux. Un défi à relever, Érès, 2015, pp. 267-274 - Dupuy (Sabine), « Contre les démolitions, la patrimonialisation d’un savoir-habitant ? », PUCA, Laboratoire REV université Paris-Val-de-Marne, 2018 - Gucher (Catherine), « Formes et fondements des relations entre générations hors de la sphère familiale », Retraite et société, vol. 64, no. 1, 2013, pp. 85-105. - Guignet (Philippe), « Cours, courées et corons. Contribution à un cadrage lexicographique, typologique et chronologique de types d’habitats collectif emblématiques de la France du Nord », Revue du Nord, Janvier-Mars 2008, Tome 90, n°374, pp.29-47 - Kirszbaum (Thomas), « Rénovation urbaine, une mixité très peu sociale », Revue Projet, vol. 307, no. 6, 2008, pp. 30-37 - Launay (Olivier), « Recréer du lien grâce à l’habitat partagé », Revue Projet, vol. 364, no. 3, 2018, pp. 89-91 - Lefebvre (Solange), « Relations intergénérationnelles et vieillissement : nouvelles questions », Retraite et société, vol. 64, no. 1, 2013, pp. 53-68 - Lelévrier (Christine), « Au nom de la ‘mixité sociale’ Les effets paradoxaux des politiques de rénovation urbaine », Savoir/ Agir, n°24, 2013, pp. 11-17

- Susanne Stacher, « En territoire germanophone, vieillir devient une affaire collective », Archiscopie, N°27, pp. 31 - Toubanos (Dimitri), « Concevoir et construire autrement, pour une société durable: l’expérience participatrive de Lucien Kroll et Patrick Bouchain », Les 4ème RIDAAD, École Nationale des Travaux Publics de l’État et École nationale supérieure de l’architecture de Lyon, Jan 2017


217 Sites internet : - A l’ombre des usines ou histoire d’une courée : https://www.youtube.com/watch?v=_ SMof0XdsdA, consulté le 9 Novembre 2021

watch?v=2OLfYgUayAs, consulté le 9 Novembre 2021 - One shared House 2030 : http://onesharedhouse2030.com/about/, consulté le 28 Décembre 2021

- Agence DeAlzua+ : ht t p : // w w w.d e a l z u a .co m / p ro j et/ l a couree-du-xxie-siecle-12-3.html, consulté le 30 Décembre 2021.

- Mémoire : les courées : https://fresques.ina.fr/mel/fiche-media/ Lillem00086/memoire-les-courees.html, consulté le 9 Novembre 2021

- Agence Harquitectes : http://www.harquitectes.com/projectes/ habitatges-universitaris-sant-cugat-harquitectes/, consulté le 1er Janvier 2021

- Vers une architecture du ménagement : https://topophile.net/savoir/vers-une-architecture-du- menagement/, consulté le 5 Novembre 2021

- Agence Naud&Poux : http://naudetpoux.com/2020/12/02/residence-rinck/, consulté le 30 Décembre 2021 - Agence Sophie Delhay Architectes : http://sophie-delhay-architecte.fr/portfolio/lowa/, consulté le 30 Décembre 2021 - Agence ThinkTank Architectes : http://www.thinktank-architecture.fr/ portfolio/logements-ilot-postes-justice/, consulté le 30 Décembre 2021 - Bibliothèque numérique de Roubaix : https://www.bn-r.fr/espace-thematique/ des-habitations-typiques-du-nord-lescourees, consulté le 7 Octobre 2021 - Docuthèque de l’ANRU : https://www.anru.fr/la-docutheque, consulté le 21/09/2021 - Fondation de France : https://www.fondationdefrance.org/fr/7millions-de-francais-confrontes-la-solitude-decouvrez-notre-enquete-annuelle, consulté le 30 Décembre - Le saviez-vous ? Episode 5 : les courées de Roubaix : h t t p s : // w w w . y o u t u b e . c o m / watch?v=67OkSWKNmGQ, consulté le 9 Novembre 2021 - Les deux visages de ma courée : enquête sur ces habitats typiques du Nord : h t t p s : // w w w . y o u t u b e . c o m /



219

Annexe

Blasin

Heuls

Lepeers

Govaere

Senelar

Densité

1.8

1.93

.82

2.6

2.22

Nombre de maisons

7

7

Emprise au sol (en m2)

31

33

Surface total d’une

3 23

31

46

189

300

27×7

Hauteur bâtiments Dimensions

maison (en m2)

Surface de la cour (en m2) Dimension cour (Lxl en m)

bâtiments (Lxl en m)

7

7

35

42

46

73

14

8

13

22

23

26

50

51

380

276

216

50×6

64×6

46×6

36×6

8

6

6

10

10

7×5

5×8

8×5 8×6

4×6 4×8

6×5

Tableau caractéristique des dimensions des courées de l’Épeule, Emily Augé, Benjamin Cuvelier, Bastien Mouquet, Camille Viala.


220



Chapitre 4

L’îlot du Triangle

Antoine Cornouiller

En collaboration avec :

Prune Bollengier (Master 1) Lucie Brenne (Master 1) Kévin Lambert (Master 1)



Remerciements

Avant d’ouvrir ce rapport, je tiens à tout spécialement remercier Philippe Rizzotti, mon professeur, pour son écoute attentive et sa patience bienveillante durant ce semestre. Ses conseils m’ont permis de dépasser certains blocages et d’ouvrir de nouvelles perspectives afin d’avancer au mieux. Je souhaite également remercier Virginie Thillois et Olivier Loubès qui nous ont aidés à formuler notre problématique et à avancer malgré les doutes qu’il a fallu dépasser. Je veux aussi remercier Prune, Lucie et Kévin pour leur collaboration joyeuse et engagée dans la réalisation de notre projet. Je les remercie d’avance pour leur aide et leur soutien dans les semaines à venir afin de m’accompagner au terme de mon PFE. Je tiens enfin à remercier ma famille et mes amis qui m’ont soutenu durant ce dernier semestre stressant au vu des enjeux qu’il représente.


225

Fig. 1, Un jour de marché sur l’îlot du triangle, Photographie Antoine Cornouiller


Introduction

Les analyses réalisées par les membres de notre atelier en début de semestre sur le quartier de l’Epeule montrent la perte de dynamisme de ce secteur. Nous avons constaté que malgré le nombre important d’équipements, ils ne sont plus suffisamment en état de fonctionnement et sont pour certains totalement délaissés par les habitants.

des propositions réalistes, parfois plus humbles et mieux adaptées.

Dans une volonté de démarche collective de l’ensemble de l’atelier nous nous sommes répartis quatre sites de projet au sein du quartier d’Epeule Nord afin de constituer un projet global.

Comment la requalification du parc du Brondeloire et de l’îlot du triangle permet-elle de créer une mixité fonctionnelle et typologique afin de placer les habitants au cœur de nouvelles dynamiques sociales et économiques du quartier à Roubaix ?

Avec mon groupe de travail, composé de Prune, Lucie et Kevin, tous les trois étudiants en première année de Master, nous nous intéresserons à l’îlot situé devant le Couvent des Clarisses ainsi qu’au parc du Brondeloire. Le choix de ce site de projet représente un potentiel majeur dans la revalorisation du quartier du fait de son positionnement stratégique. Il se situe en partie centrale du quartier de l’Epeule et directement en lien avec le Couvent, le parc du Brondeloire, l’école Condorcet et la rue de l’Epeule. D’autre part, le NPNRU de l’Epeule prévoit la destruction du supermarché le Triangle et des vingt maisons de l’îlot en vue d’un aménagement futur composé de l’extension de l’école et du centre social du quartier. Nous souhaitons proposer un aménagement différent sur cet îlot c’est pourquoi nous avons choisi cet emplacement de projet. Afin de mener à bien notre réflexion et notre conception de projet nous avons également travaillé avec Virginie et Olivier, deux étudiants de l’école Science Po de Lille. Ils nous ont aidés à prendre du recul concernant nos ambitions, pour nous recentrer à l’échelle des habitants et faire

Ils nous ont amenés à mieux rationaliser nos idées ce qui nous à permis de proposer des aménagements plus pertinents organisés dans une problématique de projet qui nous a guidés tout au long du semestre.

Dans ce rapport nous nous intéresserons, dans un premier temps, à l’état des lieux et nous formulerons des hypothèses de projets. Ensuite, nous exposerons notre stratégie urbaine, paysagère et architecturale dans une volonté de requalification et de transformation de l’espace public. Enfin nous recentrerons notre propos à une échelle plus détaillée afin de comprendre les nouvelles dynamiques générées par notre projet.


Îlot du Triangle

Îlot du Triangle Îlots sujets à projet Bâtiments remarquables 0

50

100


N

Fig. 2, Le quartier de l’Epeule, Plan masse, Antoine Cornouiller



Sommaire

Partie 1 13 Une alternative au NPNRU pour l’îlot du triangle 1.1. État des lieux 1.1.1. Les objectifs du NPNRU 1.1.2. Les problématiques sociales et économiques 1.1.3. Le parc du Brondeloire Delaissé

13

1.2. Les hypothèses de projet 1.2.1. Revaloriser le quartier et les espaces publics 1.2.2. Mettre en valeur le patrimoine et intégration de l’urbanisme transitoire 1.2.3. Renforcer l’attractivité du quartier grâce à de nouveaux programmes

16

Partie 2 Stratégie urbaine, paysagère et architecturale

21

2.1. Composition urbaine 2.1.1. Édifices remarquables 2.1.2. Axes structurants 2.1.3. Gabarits de projet 2.1.4. Programmation urbaine et régénération de l’espace public

21

2.2. Qualification des espaces 25 publics 2.2.1. Nouvelle gestion du stationnement 2.2.2. Place publique 2.2.3. Transformation du parc du Brondeloire dans le prolongement du campus universitaire 2.3. La programmation du projet 29 architecturale 2.3.1. Le Couvent des Clarisses: nouveau pôle culturel et éducatif

2.3.2. Extension de l’école Condorcet et restructuration des équipements sportifs 2.3.3. Valorisation et création d’espaces commerciaux 2.3.4. Intégration de nouvelles formes d’habitat : logements étudiants et auberge de jeunesse Partie 3 Les nouvelles dynamiques

33

3.1. Structures capables 3.1.1. Mise en place des commerces 3.1.2. Créer de l’habitat mixte et diversifié 3.1.3. Mise en place d’une architecture reversible

33

3.2. Place des possibles 3.2.1. Composer l’espace public comme un espace capable 3.2.2. Supperposer les fonctions pour valoriser l’espace public 3.2.3. Proposer des espaces non figés pour permettre l’appropriation

36

3.3. Parc partagé 3.3.1. Retravailler la topographie du parc 3.3.2. Travailler le sol 3.3.3. Favoriser les lieux de rencontre et d’échange

38

Conclusion

45

Bibliographie

47

Annexe

49


231

N

Espaces verts prévus Constructions Requalifications Démolitions Démolition et constructions Périmètre du NPNRU Couvent des Clarisses

Fig. 3, Le projet du NPNRU au quartier de l’Epeule, Emily Augé, Benjamin Cuvelier, Bastien Mouquet, Camille Viala


232

Une alternative au NPNRU pour l’îlot du triangle 1.1. Etat des lieux 1.1.1. Les objectifs du NPNRU Nous commencerons par rappeler que les objectifs du NPNRU1 du quartier de l’Epeule Nord sont d’agir en profondeur sur l’habitat et le peuplement, de redonner une attractivité à la rue de l’Épeule, de prolonger le parc du Brondeloire dans le quartier et enfin d’ouvrir le quartier au reste de la ville2. Ces objectifs se matérialisent sur le plan du projet fourni par l’ANRU3 de manière plus ou moins évidente. Deux de ces objectifs concernent la zone de l’ancien îlot, entre le Couvent des Clarisses et la rue de l’Epeule : l’augmentation de l’attractivité de la rue de l’Epeule et le prolongement du parc du Brondeloire. Sur le plan, ce prolongement est matérialisé par la création d’une place végétale devant le Couvent des Clarisses après la démolition du supermarché du Triangle et des vingt habitations qui longeaient la place au sud de l’îlot. L’attractivité de la rue sera générée par la construction de nouveaux locaux pour le centre social du Nautilus actuellement situé plus au nord sur la rue de l’Epeule, et également par la construction d’une extension de l’école Condorcet. Ces deux constructions fourniront au quartier de l’Epeule une réelle centralité tout en réintégrant le couvent au tissu urbain. On note que l’îlot du Triangle tient une place essentielle dans la réussite du projet et qu’il n’est pas question d’agir directement sur le Couvent des Clarisses.

1 Nouveau programme Nationale de Renouvellement Urbain 2 Cf. Analyses communes 3 Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine

Les deux autres objectifs du NPNRU concernent tout le reste de la zone d’intervention du projet de renouvellement urbain. Nous ne les aborderons pas dans cette partie du rapport global. Nous pensons que le projet de renouvellement urbain mené par l’ANRU gagnerait à prendre davantage en compte les habitants dans l’élaboration des aménagements, la projection des transformations et dans leurs enjeux. Comme nous l’avons expliqué dans l’analyse commune, un grand nombre d’habitants n’a pas suffisamment connaissance de ce projet, notamment par exemple au sujet de la démolition d’habitats. Nous pensons en concordance avec la posture du collectif ZERM et de ses actions que lorsque les habitants ont pu s’exprimer et qu’ils sont bien informés, il est plus certain d’avoir leur adhésion à une projet. De cette manière la mise en œuvre de ce projet pourrait gagner en impact et en intégration par une meilleure communication basée sur les besoins des habitants vivant sur ce territoire. 1.1.2. Les problématiques sociales et économiques En repartant de l’analyse sociologique du quartier de l’Epeule, nous constatons que 68% de la population roubaisienne a moins de 45 ans ce qui correspond généralement à une population dynamique sur le plan socio-économique. Cependant, cette population est également composée à 30% de personnes sans emploi et dispose d’une moyenne de revenus très faible par rapport au reste de la ville4 .

4 Données de 2018 fournies par l’INSEE www.insee.fr


233

Extensions de 2013

Cathédrale de récupération des eaux Projet de 1998

N

Fig. 4, Le parc du Brondeloire et ses étapes de projet, Antoine Cornouiller


234 De plus, le graphique relatif à l’ancienneté des ménages dans la ville montre une population en renouvellement constant car plus de la moitié des habitants sont présents depuis moins de 10 ans.

dans la continuité de ceux déjà existants dans le projet original de 2009. Une partie plus naturelle a également été prévue avec une zone humide le long de la voie ferrée ainsi qu’une bétulaie7.

Il y aurait besoin d’une part de créer des aménagements pour organiser la vie du quartier dans une perspective de rencontre des différentes populations grâce à une meilleure mobilité, des lieux culturels et des activités de loisirs et éducatives. Et d’autre part, il faudrait mettre en place des équipements qui pourraient favoriser une dynamique économique et d’insertion grâce au centre social, à l’école et aux commerces.

Aujourd’hui le parc s’étend du Couvent des Clarisses jusqu’à la rue du Grand Chemin et comprend en sa partie centrale une zone en friche au milieu de laquelle est installée une cathédrale de récupération des eaux.

1.1.3. Le parc du Brondeloire Delaissé Le parc du Brondeloire est un projet d’aménagement paysager réalisé en 1998 par Thierry Baron, Philippe Louguet et François-Xavier Mousquet. Il s’agit d’une commande de la ville de Roubaix qui s’étend sur 2,5Ha. Le programme du parc comportait alors un terrain de foot, des jardins familiaux ainsi que des vestiaires affiliés au stade. Les concepteurs avaient également intégré « une butte de 7m de hauteur qui fait toujours le lien symbolique avec le quartier de la Mackellerie coupé de la ville par la voie. »5 Cette butte accueille également un amphithéâtre ouvert sur les jardins familiaux. En 2009 le parc a fait l’objet d’une concertation publique en vue d’une extension. Les travaux ont commencé fin 2012 et se sont achevés courant 20136. Cette extension avait prévu les aménagements d’une aire de jeux, d’un espace d’animation, d’une promenade urbaine et de nouveaux jardins familiaux 5 L’observatoire CAUE «Parc du Brondeloire - Roubaix», in caue-observatoire. fr, https://www.caue-observatoire.fr/ouvrage/ parc-du-brondeloire/ 6 Pauline PREVOTE, «L’extension du parc de Brondeloire : équilibre entre valeurs écologiques et valeurs d’usages en milieu urbain», Sciences agricoles, 2012

Le constat qui est fait aujourd’hui, c’est la faible fréquentation du parc du Brondeloire et en particulier au niveau de sa partie sud, aux abords du Couvent des Clarisses. Il est vrai que cette partie est peu entretenue et n’incite pas les habitants à y venir ni à s’approprier ce lieu. En 2017 lors d’une réunion publique organisée par la ville de Roubaix, MaxAndré Pix, premier adjoint en charge de l’urbanisme, déclare que le terrain de foot « est aujourd’hui impraticable à cause du revêtement »8. Il poursuit en avouant : « on a honte quand on reçoit les gamins des autres équipes »9. Eric Delbeke répond en déclarant « Soit on ferme le stade : c’est impossible. Soit on refait la moquette, la peinture dans les anciens vestiaires, on pose des préfabriqués. Et on fait un complexe ensuite, avec l’aide de l’ANRU ! »10. Le compte-rendu de cette réunion publique indique que les élus ont saisi l’urgence de porter une réelle attention aux équipements sportifs délaissés dans la partie sud du parc. Eric Delbeke annonçait encore lors de cette réunion que « le sport aurait une place importante dans le réaménagement du parc »11. Les élus ce jour-là ont sans doute impulsé la transformation urbaine 7 «Forêt claire ou domine le bouleau», définition tirée du Larousse en ligne, https:// www.larousse.fr/dictionnaires/francais/ 8 Perrine DIÉVAL, « Roubaix - Quel avenir pour le parc du Brondeloire ? », La voix du nord, 27 janvier 2017, https://www.lavoixdunord. fr/110150/article/2017-01-27/quel-avenir-pour-leparc-du-brondeloire 9 Ibid 10 Ibid 11 Ibid


235 à laquelle nous travaillons aujourd’hui dans le souhait de réhabiliter le parc, notamment ses équipements sportifs et redonner ainsi au parc du Brondeloire de la valeur. Nous notons qu’il sera important d’envisager une construction pérenne pour accueillir un local de stockage pour le matériel de sport ainsi qu’un bureau pour les clubs, en les intégrant dans le réaménagement du parc et des équipements sportifs. 1.2. Les hypothèses de projet Les éléments de cet état des lieux nous conduisent à formuler des hypothèses pour transformer le quartier. Elles s’appuieront sur le projet de renouvellement urbain et sur les besoins exprimés par les habitants. Nous travaillerons à la revalorisation du quartier et des espaces publics, à la réintégration du patrimoine dans le tissu urbain pour renforcer l’attractivité et la dynamique du quartier. L’objectif principal de notre projet sera de revaloriser le quartier de l’Epeule en nous inscrivant dans la dynamique du NPNRU. Puisque l’ANRU prévoit de réhabiliter l’îlot du Triangle en prolongeant le parc du Brondeloire dans la ville puis d’y intégrer une extension de l’école Condorcet et enfin de rapatrier le centre social Nautilus, nous allons inscrire notre proposition d’aménagement dans cette dynamique. Nous profitons du projet de démolition du supermarché du Triangle et des maisons présentes sur cet îlot. Nous conservons l’idée du prolongement du parc vers la ville et nous prévoyons également de retravailler l’aménagement et les équipements du parc du Brondeloire pour le valoriser en répondant au mieux aux besoins recueillis lors des consultations et réunions publiques. Ensuite, nous souhaitons faire écho au projet de campus universitaire prévu aux abords de la gare de Roubaix située à moins d’un kilomètre au nord du Couvent des Clarisses.

Notre démarche s’appuie aussi sur la valorisation des activités et équipements déjà présents sur le quartier Epeule nord. Par exemple, les habitants semblent très attachés au divers commerces présents, en particulier le supermarché du Triangle. En plus d’être un commerce de première nécessité, il est perçu comme un véritable lieu de rencontre et de sociabilité par les usagers. De la même manière, le stade de football du parc du Brondeloire est un équipement indispensable pour l’école Condorcet et les clubs de foot des enfants du quartier. Il faut prévoir une réhabilitation de ces équipements vétustes. Dans un second temps, nous avons pour objectif de mettre en valeur le patrimoine du quartier de l’Epeule. Pour ce faire, nous visons la réintégration du Couvent des Clarisses dans le tissu urbain proche afin de lui donner plus de visibilité depuis la rue de l’Epeule et en faire un véritable point de repère pour les habitants. Contrairement à l’ANRU qui considère simplement le Couvent comme un édifice historique remarquable et qui ne lui prévoit pas d’usage particulier, nous souhaitons lui conférer un véritable rôle dans la vie locale et quotidienne. Le Couvent désaffecté est occupé depuis 2019 par le collectif ZERM engagé dans une démarche d’urbanisme transitoire. Ainsi en 2019, suite à un appel à projet de la ville de Roubaix, le collectif ZERM s’est implanté de manière transitoire dans le Couvent des Clarisses pour y créer du lien avec les habitants, autour d’actions ancrées dans la vie du quartier, sous tendues par les principes d’économie solidaire et de collectif partagé. Le collectif a aussi engagé un début de réhabilitation du lieu. ZERM a été porteur des enquêtes et réunions publiques avec les habitants, pour leur permettre de s’approprier le projet de transformation de leur quartier. Ces actions sont précieuses car elles travaillent à retisser du lien social. L’urbanisme transitoire consiste à proposer un programme qui a vocation à être éphémère pour accompagner le passage vers un nouveau projet. En général, il prend la forme d’une occupation temporaire d’espaces publics


236

Fig. 5, Jardins de Traverse dans la partie nord du parc, Photographie, Antoine Cornouiller

Fig. 6, Le stade de football à côté du couvent, Photographie, Antoine Cornouiller


237

Fig. 7, Cour du Couvent avec l’occupation transitoire de ZERM, Photographie, Antoine Cornouiller


ou privés délaissés, au cours de laquelle des actions sont conduites pour préparer l’évolution des projets visés. Ce procédé accompagne donc les transitions d’un état non satisfaisant vers un aménagement pérenne en créant une véritable connexion entre les usages passés, présents et à venir d’un lieu12.

Fig. 8, Rentabilité et durée d’occupation d’un lieu, Cécile Diguet (infographie : Sylvie Castano) – IAU îdF

Dans le cadre du Couvent des Clarisses, l’occupation transitoire du collectif ZERM permet à la ville un entretien du bâtiment, mais également par son programme et ses actions en direction de la population, de préparer le Couvent à devenir un nouveau point de repère dans le quartier. En étant sur place, le collectif peut expérimenter de nouveaux usages du lieu afin de trouver des solutions socioéconomiques répondant aux besoins des usagers. ZERM développe ainsi des espaces de partage comme la buvette, des jardins aménagés, des ateliers partagés et une auberge de jeunesse. L’action de ZERM est programmée pour deux ans encore ce qui nous permet de concevoir dans cette démarche d’urbanisme transitoire la continuité de leurs actions vers des projets qui favoriseront la mixité sociale en évitant au maximum la gentrification. Notre objectif est véritablement de travailler avec les habitants déjà installés à l’Epeule, tout en ramenant une nouvelle population et de leur permettre de cohabiter au sein d’un seul et même quartier. Nous ne voulons en aucun cas remplacer la population de l’Epeule nord mais plutôt lui offrir un cadre de vie de qualité sur le plan social également. 12 Cécile DIGUET, « Urbanisme transitoire : optimisation ou fabrique urbaine partagée», IAU îdF, 2017

Pour renforcer l’attractivité nous développerons de nouveaux programmes qui viendront compléter ou valoriser ceux actuellement délaissés sur le plan social tout en participant au dynamisme de l’économie. Nous voulons proposer des espaces publics qualitatifs et qui répondent aux besoins et aux demandes des habitants. Pour cela nous souhaitons créer une centralité entre le Couvent des Clarisses, le parc du Brondeloire et la rue de l’Epeule. Cette centralité sera un lieu de réunion et de sociabilité pour les habitants du quartier. Le choix de notre site justifie d’autant plus ce besoin de centralité car nous nous situons à l’entrée de la rue de l’Epeule qui est également la porte d’entrée du quartier. De plus, dans le cadre de notre atelier Matérialité, nous travaillons tous ensemble sur quatre projets situés dans la zone d’action du NPNRU de l’Epeule. Notre projet personnel aura pour but de faire le lien entre tous ces projets afin de proposer un nouveau plan de renouvellement urbain.


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Mairie Centre associatif Nautilus (centre nautique Thalassa)

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Le Colisée (salle de spectacle)

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Parc du Brondeloire Édifices remarquables Axes structurants Axes culturel et économique Promenade piétonne

Fig. 9, Schéma de la composition urbaine actuelle du quartier de l’Epeule, Prune, Lucie, Kévin, Antoine


240

Stratégie urbaine, paysagère et architecturale En s’inscrivant dans le NPNRU national et en partant d’une part du NPNRU Epeule et de l’état des lieux décrit dans la partie précédente, nous engageons une démarche d’urbanisme de composition pour concevoir ce projet. L’urbanisme de composition a pour objectif “d’agencer et de donner signification aux formes urbaines”1 selon ce qu’explique l’enseignante Moufida Boukhabla dans un cours qu’elle dispense aux étudiants de 5ème année à l’école d’architecture de Biskra en Algérie. C’est pour nous, une façon d’appréhender l’espace urbain comme un écosystème dans lequel cohabitent une diversité d’éléments. Moufida Boukhabla poursuit en disant que “le recours à la composition urbaine s’avère [...] comme une nécessité [...] sachant que la ville contemporaine à des exigences fonctionnelles, techniques et quantitatives que nul ne peut ignorer”2. Nous sentons bien que le regard porté sur ces différents éléments, et leurs interactions, conditionnera la réalisation d’un projet. C’est la manière dont on va penser l’agencement de l’ensemble de ces éléments qui pourra être source de valorisation de ce système. Notre stratégie de composition visera à valoriser l’Homme dans cet écosystème, en prenant en compte ses besoins pour mieux imposer à la composition urbaine de les respecter.

1 Moufida Boukhabla, Architecte enseignante à l’école d’architecture de Biskra en Algérie, « La composition urbaine», https://fr.calameo.com/ read/0008998690266028fed9a 2 Ibid

2.1. Composition urbaine Lorsque nous avons analysé l’environnement urbain, plusieurs éléments nous ont paru essentiels par leur caractère structurant. 2.1.1. Édifices remarquables Nous identifions plusieurs édifices remarquables qui, même lorsqu’ils se situent en dehors du quartier de l’Epeule à proprement dit, sont des points de repère pour le quartier, l’organisent et déterminent la mobilité des habitants En partie nord, la gare de Roubaix, ainsi que la piscine de Roubaix sont des lieux très fréquentés. Un peu plus au sud, nous avons la mairie de quartier et le centre associatif et social le Nautilus jouxtant la salle de spectacle le Colisée. Toujours en redescendant nous trouvons l’église catholique du Saint Sépulcre qui fait face au parc du Brondeloire par la rue Brezin. À l’autre bout de cette rue nous avons l’école primaire Condorcet qui s’ouvre directement sur l’îlot du Triangle. Enfin le Couvent des Clarisses se situe au carrefour de notre site, du parc du Brondeloire et de l’ensemble Bell. 2.1.2. Axes structurants Nous avons identifié des axes majeurs qui structurent le quartier et représentent des leviers pour le valoriser La voie ferrée qui relie directement Roubaix au centre de Lille. Cette ligne régulière de TER permet aux voyageurs de rejoindre la gare Lille Flandres depuis la gare de Roubaix en moins de 20 minutes. Nous notons qu’elle se poursuit jusqu’à Tourcoing puis


241 en Belgique, reliant ainsi les gares de Mouscron et de Courtrai, son terminus, en 25 minutes3. Cette ligne de TER est un levier important pour la mobilité des personnes dans le cadre de la revalorisation du quartier. La desserte par ce mode de transport en commun permettra de l’ouvrir sur les villes alentour. Cependant cette voie ferrée présente l’inconvénient de provoquer une rupture entre le quartier de l’Epeule et le quartier de Fresnoy Mackellerie. Il conviendra d’envisager des franchissement piétons sécurisés pour relier le parc au quartier de Fresnoy Mackellerie et permettre à ses habitants de bénéficier aussi des aménagements du parc. La rue de l’Epeule qui arrive du sud et bifurque dans la direction Nord-Est. Cette rue constitue la colonne vertébrale du quartier : elle est très fréquentée car elle abrite de nombreux commerces. Elle fait figure d’axe commercial pour le quartier. L’extrémité Sud de la rue aboutit actuellement sur des constructions qui obstruent l’entrée du parc. Or ces constructions ont vocation à être démolies selon le projet du NPNRU. Ainsi la rue de l’Epeule pourrait devenir un accès direct au parc en ouvrant une belle perspective visuelle. D’autre part, nous identifions un trajet selon un ensemble de rues qui relie des lieux culturels : ainsi le Couvent des Clarisses, la mairie, le centre social du Nautilus et le Colisée sont reliés par cet axe qui longe le parc du Brondeloire. Nous souhaiterions mettre en valeur cet axe culturel en l’intégrant pleinement au parc. Enfin, il serait intéressant que l’axe culturel et l’axe commercial puissent se rejoindre en un point qui deviendrait stratégique au cœur du quartier de l’Epeule. 2.1.3. Gabarit de projet Notre site de projet révèle une grande disparité dans les gabarits des bâtiments qui composent le tissu urbain de l’Epeule. Il y a une très forte présence de maisons 3 Temps indiqués par la sncf, https:// www.sncf.com/fr

ouvrières. à l’architecture typique du nord de la France. et témoignant d’un passé ouvrier très important. Ces maisons ont des gabarits peu imposants qui ne dépassent pas 10 mètres de profondeur. De même, ces maisons dont la hauteur ne dépasse pas 10 mètres, représentent la plus faible hauteur de bâtiment sur le site. D’autre part, nous remarquons la présence de grands ensembles qui constituent le groupe Bell derrière le couvent. Ces grands ensembles ont été construits dans les années 70 afin de répondre à un besoin massif et urgent de logements. Ils se développent sur neuf étages constituant une hauteur de près de 30 mètres. Ces ouvrages sont totalement hors d’échelle par rapport aux maisons ouvrières ce qui provoque une rupture dans le tissu urbain. A l’entrée de la rue de l’Epeule, au sud de l’îlot du Triangle, une construction a été réalisée récemment. Sa surface au sol est imposante mais sa hauteur est relativement bien intégrée à l’environnement puisque cette construction s’élève sur trois et quatre étages, dépassant ainsi les maisons ouvrières sans les écraser. La construction des nouveaux bâtiments empruntera à chacun de ces ensembles certaines de leurs caractéristiques pour les rappeler. Ainsi notre intention est de reprendre le gabarit de 10 mètres des maisons ouvrières, que l’on peut observer au niveau des nombreux pignons aveugles présents aux abords du site, pour les deux volumes qui constitueront notre bâtiment sur la place. De même, le futur bâtiment empruntera à l’ensemble Bell son caractère cubique. Ce procédé permettra la réintégration au tissu urbain de ces édifices imposants grâce à la mise en valeur de cette caractéristique commune. Enfin les hauteurs de bâtiments seront déterminées, lors de la phase du projet architectural, afin de résoudre les écarts visuels que l’on constate aujourd’hui. Ces hauteurs de bâtiments devront à la fois s’intégrer à l’ensemble de l’existant tout en permettant à tous les bâtiments d’être en


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Fig. 10, Coupe entre les logements Bell et l’école Condorcet, Prune, Lucie, Kévin, Antoine

Fig. 11, Coupe entre les nouvelles constructions sur la rue de l’Epeule et le parc, Prune, Lucie, Kévin, Antoine


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N

Place public avec parking souterrain Zone de transformation du parc du Brondeloire Nouveaux programmes architecturaux mixtes

Fig. 13, Schéma de programmation urbaine, Prune, Lucie, Kévin, Antoine


244 lien et ainsi donner une véritable sensation de cohérence. A ce jour, nous pensons que la hauteur des bâtiments de la place se situera entre celle du couvent et celle des constructions d’habitation au sud de la place. 2.1.4. Programmation urbaine régénération de l’espace public

et

Partant de nos constats et des objectifs cités en première partie, nous visons une harmonisation globale des éléments grâce à l’intégration des éléments anciens et des éléments nouveaux dans un tissu urbain cohérent et attractif. Nous prévoyons donc plusieurs axes de travail. Sur l’îlot du Triangle, nous supprimerons le parc de stationnement actuellement en surface afin de le placer en souterrain, ce qui libérera l’espace à destination des usagers piétons. Conjointement à la gestion du stationnement, la suppression des maisons de l’îlot et du supermarché prévue par le NPNRU, augmentera la surface disponible et permettra la création d’une place publique. Cette place sera une nouvelle centralité pour le quartier et constituera ainsi notre second axe de programme urbain. Nous envisageons cette centralité comme un lieu privilégié de sociabilité et de partage entre les habitants. En outre, cet aménagement ouvrira l’espace devant le couvent, ce qui aura pour effet de le mettre en valeur et d’offrir de nouvelles perspectives visuelles. Cette place se situant entre l’axe commercial et l’axe culturel du quartier, elle les réunira en un point de jonction qui initiera une transition douce entre le parc et la rue de l’Epeule. La transformation du parc apparaît d’emblée dans l’état des lieux comme indispensable. C’est pourquoi nous souhaitons en premier lieu le prolonger afin qu’il s’ouvre sur le futur campus

universitaire en direction de la gare et sur la nouvelle place. Nous estimons ce prolongement nécessaire afin de faire du parc un véritable liant entre le Couvent, l’école, la gare, le Colisée et la rue de l’Epeule. De plus, des espaces de loisirs y seront développés et les promenades piétonnes seront redéfinies. Les équipements sportifs seront réhabilités et revalorisés afin de favoriser les pratiques sportives et les rencontres citoyennes. Enfin notre programmation urbaine comprendra l’intégration de nouveaux programmes architecturaux à usage mixte qui auront pour objectif de favoriser la mixité sociale et rendre le quartier plus attractif. Ainsi, notre projet vise une régénération globale de l’espace public par ces aménagements et transformations. Nous valoriserons l’existant dans le but de redonner de l’attractivité au secteur et de mieux répondre aux besoins que les habitants ont exprimés. Le nouvel espace public leur permettra de se réapproprier leur environnement, et de faire émerger de nouvelles pratiques dans un climat de sécurité propice au développement d’une bonne cohésion sociale tout en redonnant une place prépondérante aux activités éducatives et de loisirs, au partage et à l’échange entre les usagers. 2.2. Qualification des espaces publics 2.2.1. Nouvelle gestion du stationnement Le stationnement automobile est un enjeu majeur de notre projet. Actuellement sur l’îlot il y a 80 places de stationnement. Le besoin d’espace en surface est réel et important pour la vie du quartier. Nous avons donc choisi de suivre la proposition du NPNRU qui vise à supprimer ces places afin d’offrir un espace public de meilleure qualité. Dans un premier temps il est nécessaire de recréer ces places de parking car nous avons observé que la voiture était


245 omniprésente et que la vie des gens était organisée en lien avec la place de la voiture. Le stationnement représente donc une nécessité pour les habitants. La proposition consiste à construire un parking souterrain d’une capacité d’environ 150 places à destination à la fois des habitants mais également des visiteurs externes. Nous allons donc réduire l’impact automobile dans le quartier qui deviendra moins bruyant et plus sécurisé. Il sera de fait plus agréable et adapté aux usagers piétons. Nous avons été inspiré pour cette partie du projet par la transformation des berges du Rhône, à Lyon, Ce projet réalisé par l’agence d’architecture Jourda et l’agence de paysagisme In Situ a permis de passer d’un espace peu qualitatif dédié principalement au stationnement automobile, à un lieu de rencontre incroyable. Les lyonnais s’y donnent rendez-vous pour se promener, profiter d’un espace extérieur de qualité, boire un verre ou se restaurer sur les péniches amarrées sur le fleuve et bien sûr pratiquer des activités sportives urbaines. C’est maintenant un lieu incontournable de la ville de Lyon tant pour les habitants que pour les touristes. Nous souhaitons reprendre les principes de ce projet de renouvellement urbain pour insuffler de nouvelles dynamiques au quartier de l’Epeule. 2.2.2. Place publique Ainsi, dans le prolongement, la place publique représente un enjeu majeur dans la valorisation de la structuration du quartier. C’est un lieu vivant qui devra notamment accueillir un marché hebdomadaire car c’est un élément important dans le dynamisme actuel du quartier. C’est un lieu de rencontre et de socialisation important pour les habitants. Actuellement il se tient sur un autre parking au nord de notre parcelle. C’est le site de projet des maisons de courées qui sera prochainement construit et impliquera le déplacement de ce marché.

D’autre part, la place fera figure de transition entre le parc et la ville grâce à divers aménagements publics qui rendront cet espace accueillant. Cet espace ouvert permettra également de mettre en valeur le Couvent des Clarisses en lui redonnant de la visibilité et donc d’inviter le passant à s’y rendre. Ce vide urbain permettra aussi de créer un lien direct entre le couvent et l’école, ce qui constituera un nouvel axe que nous appellerons : l’axe éducatif. Nous souhaitons créer une centralité au quartier, un point de repère important pour les habitants. C’est pourquoi nous avons choisi de faire une place publique à cet endroit dans le quartier car elle constituera une porte d’entrée sur la rue de l’Epeule et devient la jonction de l’axe commercial, l’axe culturel et le futur axe éducatif. 2.2.3 Transformation du parc du Brondeloire dans le prolongement du campus universitaire Notre action concernera enfin le parc du Brondeloire. Comme expliqué précédemment, le parc est délaissé. Or les espaces verts dans les villes sont de véritables trésors puisqu’en plus d’être un espace de respiration ils représentent un espace de détente et de re-création pour ses usagers. Il est donc essentiel de revaloriser le parc en nous inspirant du NPNRU. Nous souhaitons convertir ce parc urbain en parc universitaire accessible à tous. En nous inspirant du projet de la cité universitaire dans le 14ème arrondissement de Paris, nous prévoyons un développement du projet sur le long terme afin de rejoindre le projet de campus universitaire prévu par l’ANRU aux abords de la gare de Roubaix. Intégrer des équipements universitaires permettra de le redynamiser en amenant une population d’étudiants friands de ces lieux ouverts favorisant les rencontres. Nous avons aussi la volonté d’intégrer de nombreux équipements sportifs au sein du parc du Brondeloire car lors des


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Fig. 13, Aménagement des berges du Rhône à Lyon, Photographie InSitu

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Fig. 14, Plan de situation de la cité universitaire à Paris, JCDecaux


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Place public avec parking souterrain Relation vers les éléments lointains Couvent des Clarisses : nouveau pôle culturel Extension de l’école Batiments à usage mixte

Fig. 15, Schéma de fonctionnement des éléments entre eux, Prune, Lucie, Kévin, Antoine


248 réunions de consultation pour le quartier il en ressort un besoin de la part des habitants de pouvoir en bénéficier. C’est pourquoi les équipements sportifs que nous mettrons en place seront à destination de la population, des élèves de l’école Condorcet et des divers clubs de football de la ville. Nous prévoyons dans ce cadre de revaloriser le terrain de football actuellement inutilisable. Enfin nous souhaitons inclure davantage de jardins partagés dans le parc à l’image de ceux déjà présents dans sa partie nord. Les jardins partagés ont un fort potentiel de sociabilisation puisqu’ils permettent aux habitants de se retrouver et de partager leurs savoirs sur la culture potagère autant que les fruits de leur travail. 2.3. La programmation architectural

du

projet

2.3.1. Le Couvent des Clarisses : nouveau pôle culturel et éducatif Pour ce qui est de la programmation du projet architectural, nous avons choisi dans un premier temps de nous intéresser au Couvent des Clarisses. Aujourd’hui le couvent est ré-ouvert partiellement au public grâce aux actions que propose le collectif ZERM. Dans le même temps, il réalise des aménagements pour qu’il soit fonctionnel au moins pendant cette période transitoire. C’est une première étape pour réactiver l’intérêt que lui portent les habitants. L’action doit encore se prolonger sur deux années et notre projet viendra logiquement prendre la suite du collectif. En nous inscrivant dans la dynamique du NPNRU nous ramènerons le centre social le Nautilus à l’intérieur même du couvent. Cette première action initiera le développement d’autres services éducatifs et culturels au sein de cette structure en fonction des choix que la ville fera pour ses concitoyens.

Ainsi, à terme le couvent deviendra le nouveau pôle culturel et éducatif pour le quartier et sera un lieu majeur dans la vie quotidienne des habitants. 2.3.2. Extension de l’école Condorcet et restructuration des équipements sportifs Dans un second temps et toujours dans la dynamique du NPNRU nous prévoyons de faire une extension de l’école. Initialement cette extension est prévue sur la place et constituera un deuxième bâtiment séparé du premier par la rue Brezin. Nous faisons le choix de construire cette extension directement accolée au bâtiment existant en ouvrant l’école sur la place et sur le couvent. Durant la période de travaux, le couvent accueillera des salles de classe pour permettre aux élèves de suivre leurs cours dans de bonnes conditions. De plus, grâce à la restructuration des équipements sportifs du parc, l’école aura un accès direct et sécurisé à tous ces éléments. C’est une autre manière d’inviter les habitants à se réapproprier le couvent et le parc d’une manière plus générale. Cette proposition participe dans le même temps à la restructuration de la place publique. 2.3.3. Valorisation et création d’espaces commerciaux Ensuite nous voulons assurer la continuité de la rue de l’Epeule comme axe commercial le long de la place en implantant de nouvelles cellules commerciales. Ces nouveaux espaces commerciaux permettront soit de remplacer ceux qui disparaîtront dans la phase de démolition des maisons, soit d’en créer de nouveaux afin de diversifier l’offre. Ces nouveaux équipements participeront activement à l’économie du quartier et à son attractivité dans un objectif de revalorisation.


249

N

Fig. 16, Aménagement du programme architecturale autour de la place, Prune, Lucie, Kévin, Antoine


250 2.3.4. Intégration de nouvelles formes d’habitat : logements étudiants et auberge de jeunesse Aujourd’hui au sein du couvent, le collectif ZERM a ouvert une auberge de jeunesse. Mais comme énoncé précédemment, cette action est transitoire. Nous souhaitons faire évoluer cette idée d’accueillir des voyageurs dans le quartier avec une contrainte économique modérée sur leur séjour. Nous avons donc fait le choix de développer un habitat sur le court et le moyen terme de manière à maintenir un renouvellement permanent de la population. Ainsi dans un premier temps, nous travaillerons à installer l’auberge de jeunesse dans les nouveaux bâtiments construits sur la place centrale. Dans un deuxième temps, nous visons la possibilité de créer un lien direct entre le couvent et le campus universitaire qui se situe au niveau de la gare. Nous souhaitons dynamiser cet axe en incitant la mobilité des usagers à travers le parc. Nous construirons donc des logements étudiants dans le parc et sur la place. Ces logements apporteront une véritable plusvalue pour la dynamique du quartier et la pérennité du campus universitaire. D’autre part, le projet du NPNRU de l’Epeule consiste à démolir un ensemble de logements mais ne prévoit pas le relogement de ses occupants. Notre proposition vise à maintenir cette population sur le quartier car nous préférons favoriser la mixité sociale et éviter la gentrification. Ainsi, les outils de la modularité nous permettront de proposer aux résidents dont les maisons seront détruites, de venir vivre dans une des constructions créées au sein du parc. Au fil du temps, si les habitants choisissent de quitter ces bâtiments, les logements ainsi libérés pourront être transformés rapidement et avec un coût modéré. Ils pourront être destinés à d’autres fonctions

comme des logements étudiants, des bureaux, etc…


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Fig. 17, Projet Solid 11, Amsterdam, Tony Fretton, Plan et Photographie Tony Fretton Architects

Fig. 18, Projet sans affectation, Bordeaux, Canal Architectes, Axonométrie et Photographie Canal Architectes


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Les nouvelles dynamiques «Permettre aux individus d’en prendre temporairement le contrôle pour infléchir le destin» Gilles Delalex 3.1. Structures capables La conception de nos bâtiments prend racine dans les principes de l’architecture réversible. En effet à partir de divers projets de référence nous estimons qu’il est plus juste de proposer une solution capable pour le quartier de l’Epeule afin de prévoir les mutations futures du quartier. Nous nous sommes basés sur deux projets. Tout d’abord le projet Solid 11 de Tony Fretton à Amsterdam car il s’agit d’un édifice pérenne à destination libre. Ce projet a été conçu pour accueillir divers usages simultanément tels que des appartements, des espaces de travail, un hôtel, des cafés, des magasins, des restaurants et même un jardin d’enfant. Cette diversité d’usages est permise par le choix qu’à fait l’architecte de concevoir le bâtiment comme une structure capable lui conférant ainsi une grande adaptabilité. A Bordeaux, en décembre 2021, le projet conçu par l’agence Canal Architectes a même été déposé avec un permis de construire sans affectation particulière. Il s’agit là d’une première en France car le bâtiment pourra abriter des bureaux ou des logements. Le choix actuel a été fait d’y implanter des logements en tant que premier usage. Ces projets montrent à quel point nous avons à gagner en agilité et en efficacité quand nous anticipons l’évolution potentielle de l’usage d’un bâtiment dès sa conception. Ce principe d’architecture réversible est celui que nous nous efforcerons d’appliquer dans notre projet. A ce titre, nous nous servirons aussi des outils de la modularité pour répondre à notre volonté de mixité typologique

et fonctionnelle. Nos bâtiments seront conçus à la fois avec des affectations précises et des espaces non figés. Nous poursuivrons toutefois en proposant une possibilité d’aménagement que nous avons jugé adaptée pour la revalorisation du quartier de l’Epeule dans un futur proche. 3.1.1. Mise en place de commerces Nous avons vu précédemment que la rue de l’Epeule était le cœur économique du quartier grâce aux nombreux commerces qui la composent. Nous souhaitons poursuivre cette dynamique qui participe à la vie du quartier en permettant aux individus de se retrouver, de se sociabiliser, et de faire leurs achats sur place. Les projets au sein de la ville vont faire évoluer considérablement la demande des habitants qui seront plus nombreux et dont la population sera davantage diversifiée. Nous privilégierons l’implantation de cellules commerciales en rez-de-chaussée des bâtiments selon le modèle déjà présent le long de la rue. Cette organisation participera à la consolidation du potentiel de développement économique du quartier. A ce jour, nous envisageons une partie des rez-de-chaussée comme des espaces figés avec une affectation précise sur l’activité commerciale. Une autre partie des rez-de-chaussée sera organisée de manière à pouvoir intégrer d’autres usages comme des espaces communs et diversifiés des logements. Le travail de conception étant en cours, il n’est pas exclu que cette proposition évolue.


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Fig. 19, Plan d’organisation de la trame structurelle du parking souterrain, Prune, Lucie, Kévin, Antoine

Fig. 20, Schéma en axonométrie de l’assemblage des modules et des panneaux, Antoine Cornouiller


254 3.1.2. Création de l’habitat mixte et diversifié Dans un second temps, nous avons annoncé notre intention de créer de l’habitat mixte et diversifié. Nous implanterons une auberge de jeunesse parce que ce type d’équipement constitue un habitat commercial. Cette structure permettra de créer de l’emploi pour les habitants de la ville. En même temps, l’offre d’hébergement touristique dans un secteur soutient son attractivité et son dynamisme sur le plan économique puisque le tourisme génère des revenus. La construction du campus universitaire de Roubaix va amener une population étudiante, jeune et dynamique sur le secteur. Nous pensons qu’il est opportun de profiter de l’arrivée de cette population en l’incitant à vivre réellement sur le quartier de l’Epeule. Nous proposons de construire des logements dans ce quartier en leur offrant de bonnes conditions de vie quotidienne. A ce titre, les logements seront répartis sur les sites de la place et du parc, ce qui permettra de mixer la population étudiante avec la population résidente. D’autre part, sur le plan économique, les services et les équipements doivent eux aussi inciter les usagers à consommer sur place au sein du quartier. Nous pensons que c’est un véritable levier pour la dynamique économique du secteur. Notre modèle s’inspire du campus de l’Université de Montréal qui permet aux étudiants de bénéficier de toutes les commodités à proximité. 3.1.3. Mise en place d’une architecture reversible Les programmes sur le quartier de l’Epeule sont soumis à deux types d’exigence. La construction doit répondre à un souci de rationalisation économique et temporelle. Puisque nous travaillons sur l’implantation de plusieurs bâtiments. C’est une opportunité qui nous permettra de réduire les coûts et les délais de construction en prévoyant de concevoir leur structure de manière identique.

Ainsi, les bâtiments seront tous organisés selon la même trame constructive et disposeront globalement des mêmes caractéristiques techniques. Ce seront donc des structures capables répondant à une trame structurelle pouvant accueillir tous les usages que nous développerons. Rappelons que sous les bâtiments, un parking souterrain sera construit selon une trame structurelle de huit mètres par huit. En repartant de cette trame nous avons conçu tous les espaces qu’elle pourrait accueillir. Dans un premier temps au sous-sol, notre trame permettra d’accueillir trois places de stationnement. L’assemblage de trois trames nous permettra d’intégrer une voie de circulation entre deux espaces de stationnement. Au rez-de-chaussée, notre trame permettra d’implanter les locaux commerciaux selon un plan libre à la manière de Le Corbusier1. Nous pourrons aussi y intégrer les différents usages liés à l’habitat, tels que les circulations verticales, les commodités et des espaces communs diversifiés en lien avec l’habitat. Dans les étages, nous poursuivrons avec la trame de huit par huit afin qu’elle puisse accueillir deux logements étudiants ou deux chambres de l’auberge de jeunesse ainsi qu’une circulation horizontale et un espace extérieur. Nous n’avons pas encore tranché le caractère individuel ou partagé de cet espace extérieur. La structure du bâtiment sera composée de deux matériaux distincts. Pour le sous-sol et les rez-de-chaussée, nous utiliserons du béton afin de concevoir un socle permanent pouvant accueillir le stationnement et les cellules commerciales. D’autre part pour les étages à usage d’habitation nous avons choisi une structure en bois. Le choix de cette structure résulte d’une volonté de légèreté et de possible réutilisation future des éléments structurels.

1 Exemple : la villa Savoye, principe du plan libre pour libérer l’espace


255 Pour aménager nos structures capables nous utiliserons le principe de la modularité. La modularité se caractérise par sa capacité à évoluer et à s’adapter à différents usages au fil du temps. Elle permet un gain de temps non négligeable sur chantier car les éléments sont préfabriqués en usine et après acheminement il n’ont plus qu’à être assemblés les uns aux autres. D’autre part, la conception des modules nécessite peu de pièces différentes. Ce gain de temps engendre donc un gain économique. Nous prévoyons de faire en sorte que les modules d’habitat puissent être retirés ou ajoutés selon les besoins du quartier. Ils pourront également être remplacés par une structure composée d’un autre matériau si l’usage devait être modifié ou avait pour vocation de devenir pérenne. Pour tous les modules nous avons travaillé sur la taille et la composition des panneaux préfabriqués en fonction de leur destination. Nous avons identifié quatre types de modules de taille et composition différentes : les modules pour l’habitat, à usage commercial, éducatif, ou à usage de bureaux. Cette étape de notre projet n’est actuellement pas achevée, c’est l’objet de notre travail pour les semaines à venir. L’interchangeabilité relative des différents modules selon leur usage confère une grande adaptabilité de nos bâtiments aux enjeux et aux besoins du secteur. C’est en cela qu’elle constitue une véritable architecture réversible. 3.2. Place des possibles 3.2.1. Composer l’espace public comme un espace capable Nous souhaitons la concevoir à la manière d’ une structure capable comportant en son sein le potentiel de plusieurs fonctions, que les usagers pourront s’approprier. La place sera donc un espace capable qui

aura pour mission « d’ouvrir les possibles plutôt que de les fermer »2 en superposant les fonctions. 3.2.2. Superposer les fonctions pour valoriser l’espace public Ce sera un lieu de rencontre, un lieu où les personnes seront naturellement conduites pour y effectuer des activités diverses : faire des achats, flâner, se retrouver avant d’aller au restaurant ou dans une salle de spectacle. Cette place devra aussi accueillir un marché hebdomadaire, temps fort pour les habitants de l’Epeule. Ainsi dans un premier temps, nous avons souhaité la rendre aux piétons. Il faudra donc supprimer les voitures de ce paysage pour ouvrir la perspective et dégager l’espace. Nous supprimerons la rue Brezin située entre l’école Condorcet et notre parcelle afin de l’inclure directement au sein de la place. Cette action nous permettra de créer un parvis devant l’école et de rendre l’espace complètement piétonnier en supprimant la circulation automobile. Nous avons souhaité travailler à partir de la réplication en surface de notre trame de parking pour composer l’espace de la place en cohérence avec celui-ci. En même temps, nous avons une contrainte forte liée au marché car son organisation est établie selon “le règlement général des marchés de plein air” fourni par la mairie de Roubaix3. Une deuxième contrainte forte réside dans le positionnement des accès et issus de secours du parking donnant sur la place. Partant de ces 3 éléments, nous sommes toujours en réflexion pour parvenir à une cohérence globale des aménagements et des constructions.

2 Gilles DELALEX, «Entre structure et anarchie», Pavillon de l’arsenal, 6 novembre 2021 3 Document en annexe


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Fig. 21, Schéma de superposition des usages, Prune, Lucie, Kévin, Antoine

Fig. 22, Coupe paysagère à travers notre projet, Prune, Lucie, Kévin, Antoine


257 Pour poursuivre dans la dynamisation de la place, nous souhaitons premièrement intégrer des percées dans le sol afin d’ouvrir visuellement le parking du sous-sol. Ces ouvertures nous permettront de créer une mise en scène de la voiture en l’apercevant seulement occasionnellement. C’est un clin d’œil qui montre que la voiture est toujours présente mais n’empiète pas sur l’espace de vie. 3.2.3. Proposer des espaces non figés pour permettre l’appropriation Cette place ainsi aménagée aura un caractère majoritairement minéral qui peut donner une impression de froideur, d’austérité et de rigueur. Pour équilibrer cette sensation vers davantage de douceur et de volume, nous prévoyons de végétaliser. La végétalisation devra permettre le positionnement des étals du marché pour respecter le règlement de la ville. Le marché se développera ainsi autour de ces espaces végétalisés en référence au marché du Boulevard des États-Unis à Lyon4. D’autre part, nous souhaitons que cette végétalisation donne la sensation que le parc entre dans la ville. Nous devrons donc planter la place pour en faire un espace de transition douce entre le parc et la ville. Grâce aux diverses aménités que nous proposerons aux abords des espaces végétaux, les usagers pourront se poser et contempler le couvent qui leur fait face. 3.3. Parc Partagé Dans notre projet, le parc a pour mission de devenir un lieu de loisirs tout autant qu’un lieu de développement éducatif et pédagogique.

4 Nadine MICHOLIN, «La réorganisation du marché des États-Unis», Le Progrès, 14 janvier 2017, https://www.leprogres.fr/ lyon/2017/01/14/la-reorganisation-du-marchedes-etats-unis-debute-ce-samedi-14-janvier

3.3.1. Retravailler la topographie du parc Dans un premier temps nous avons choisi de retravailler la topographie du parc du Brondeloire afin de lui donner plus de visibilité mais également de pouvoir offrir des points de vue sur la ville depuis le parc. Pour ce faire nous nous sommes servi du déblai du parking souterrain afin de le convertir en remblai et donc retravailler la topographie avec la matière de sol déjà présente sur le territoire. Cette action nous permet également de limiter l’empreinte carbone car nous ne ferons pas venir de terre d’un site externe. Le déblai engendré par le parking représente un volume d’environ 28 000m3 de terre. La butte présente dans le parc représente un volume d’environ 8 500m3 de terre. En considérant ces deux volumes de terre nous disposons donc d’environ 36 500m3 de terre pour retravailler la topographie du parc. Nous souhaitons créer une montée progressive depuis le couvent vers la voie ferrée et créer ainsi une promenade haute dans le parc. Nous envisageons aussi de créer une voie piétonne pour traverser la voie ferrée qui reliera le quartier de Fresnoy Mackellerie au quartier de l’Epeule. 3.3.2. Travailler le sol Le stade est un lieu emblématique qui était très fréquenté par les habitants. Le foot ou le sport en général font partie des habitudes des habitants du quartier. C’est donc un lieu à fort potentiel de cohésion sociale. Puisque nous sommes dans une démarche de revalorisation globale du quartier, la revalorisation de ce lieu est un levier majeur. Actuellement il s’agit d’une pelouse synthétique qui est en mauvais état, ce qui enlève du plaisir lors de son utilisation d’une part, et n’invite pas à en prendre soin. En tout état de cause, il nécessite d’être changé pour la sécurité et le bienêtre des usagers. Nous croisons ce besoin avec la demande


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Fig. 23, Halle et place de marché sur le Boulevard des États-Unis à Lyon, Plan d’aménagement, Ville de Lyon

Fig. 24, Parc urbain et écologique des coteaux de la mue, Rots, Photographie, CAUE

Fig. 25, Exemple de transition douce entre végétal et minéral, Photographie, Google image


259 exprimée des habitants qui aimeraient avoir un stade naturel. Il est exact que du revêtement naturel se dégage un sentiment de qualité et également un véritable confort. Nous prenons donc le parti de végétaliser ce stade de foot avec une pelouse naturelle. Ces travaux seront l’occasion d’effectuer un redressement de l’orientation du stade pour l’aligner sur la trame de la place. Il sera ainsi mieux intégré à la composition urbaine. 3.3.3. Favoriser les lieux de rencontre et d’échange Dans la nouvelle topographie du parc, nous prévoyons de créer des gradins. La construction de ces gradins fera converger le regard du passant ou de l’usager vers l’espace de jeu et lui conférera une importance supplémentaire en le mettant en valeur dans le paysage. D’autre part, ils amélioreront grandement le confort des spectateurs et des usagers : lorsqu’ils assistent à un match ou pendant les entraînements, les parents et autres spectateurs pourront se retrouver dans cet espace propre et structuré, et être installés confortablement. Aux beaux jours, cet équipement pourra être un lieu de rencontre. De même, des petits groupes qui utiliseraient le stade dans la sphère de leur loisirs se sentiront accueillis dans un espace sportif délimité et bien matérialisé. La matière qui composera les gradins n’est pas encore arrêtée. Ensuite nous souhaitons retravailler les promenades piétonnes au sein du parc car elles sont aujourd’hui trop peu empruntées. Ces nouveaux tracés permettront de suivre l’axe culturel qui relie le Colisée et le Couvent des Clarisses. Ces promenades seront agrémentées de plusieurs espaces comme des jardins partagés, des aires de jeux, des zones de sport urbain, des espaces de repos ou simplement de grandes étendues d’herbes. Ces nouveaux éléments permettront à chaque usager, qu’il soit

écolier, étudiant ou simple passant, de participer à la vie collective dans ce lieu en fonction de ses envies. Il sera important de penser l’éclairage de ce lieu afin de l’adapter à la pratique sportive mais aussi pour soutenir la sécurité des usagers. Nous prolongerons le parc, en direction du nord, jusqu’au futur campus universitaire prévu par le NPNRU, pour en faire un seul et même ensemble cohérent. Nous travaillerons pour cela la partie du parc qui provoque actuellement une rupture au niveau de la cathédrale de récupération des eaux dans la partie centrale du parc. Enfin, comme nous l’avons vu lors de la présentation de l’aménagement de la place, nous prolongerons le parc en direction de la rue de l’Epeule à travers notre site de projet. Ce prolongement se fera par un travail de traitement de sol et de végétalisation de l’ensemble qui permettra de créer une transition entre l’espace végétal et l’espace minéral. Nous pourrions nous inspirer de plusieurs projets d’aménagement urbain qui utilisent une technique de mélange entre pavés et trames végétales.


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Fig. 26, Aménagements sportifs du parc à revaloriser, Photographie, Antoine Cornouiller


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Fig. 27, Plan masse général de notre projet, Prune, Lucie, Kévin, Antoine


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Conclusion

Depuis les analyses de départ concernant le quartier de l’Epeule, nous avons proposé un projet qui se veut respecter au plus proche les besoins que les habitants ont exprimé et en cohérence avec le projet du NPNRU. Nos propositions ont donc différé pour certains aspects. Nous nous sommes essentiellement engagés dans une démarche d’urbanisme de composition en appréhendant la situation comme un écosystème au cœur duquel sont les usagers. Nous avons voulu concevoir des aménagements en vue de dynamiser cet écosystème tout en respectant des principes de bien-être et de durabilité. Le principe de l’architecture réversible nous a permis de parvenir à un projet cohérent par lequel le quartier de l’Epeule pourra trouver un souffle nouveau qui relancera ses dynamiques économiques et sociales. Ainsi, la transformation du parc du Brondeloire, la réintégration du Couvent des Clarisses et l’extension de l’école constitueront les leviers de notre action pour régénérer l’espace public et le rendre plus attractif. La nouvelle place publique, qui reliera ces éléments à la manière d’un cœur au centre du quartier, contribuera à développer la mixité typologique et fonctionnelle que nous voulons pour l’îlot du Triangle. J’ai trouvé ce travail de composition urbaine extrêmement riche et vivant. Il oblige constamment à zoomer sur des éléments précis du contexte puis à dézoomer pour avoir une vision plus globale. Ce double mouvement est une recherche permanente de sens et de cohérence pour la conception dans un souci d’intégration optimale et fonctionnelle.

La réflexion sur le projet n’est pas terminée. L’action de prolongement du parc en campus universitaire gagnera à se développer pour poursuivre encore le développement du quartier de l’Epeule. On pourrait envisager un développement à l’échelle de la métropole lilloise et potentiellement à l’échelle de l’Europe du fait de la proximité de Roubaix avec la Belgique.


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Livres, cours et mémoire -Canal Architecture, «Construire réversible», Paris, avril 2017 -Collectif Rosa Bonheur, «La ville vue d’en bas. Travail et production de l’espace populaire», Paris, Éditions Amsterdam, 2019 -Maufida BOUKHABLA, «La composition urbaine», Biskra, cours d’architecture classique, 2010 https://fr.calameo.com/ read/0008998690266028fed9a -Pauline PRÉVOTÉ, «L’extension du parc du Brondeloire : équilibre entre valeurs écologiques et valeurs d’usages en milieu urbain», Angers, Sciences Agricoles, 2012


Bibliographie

Sites internets

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d’installatio

d’installation

d’ouverture

d’évacua

est autorisée. Les véhicules doivent donc être déplacés avant l’heure d’ouverture au public. Les commerçants ler et transporter des marchandises, à l’aide de chariot dans les


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Annexe

modifier à tout moment pour un motif d’intérêt général lié à l’organisation ou à

Lundi matin - Nouveau Roubaix RUBENS (Quartier Nouveau Roubaix / Secteur Sud) - Rue Rubens (partie comprise entre l'avenue Alfred Motte et l’avenue Linné) - Rue Raphaël (partie comprise entre le boulevard de Fourmies et la rue Jean Honoré Fragonard) - Rue Léonard de Vinci (partie comprise entre le boulevard de Fourmies et la rue Jean Honoré Fragonard)

Mardi matin - Trois Ponts (Quartier Trois Ponts / Secteur Est) - Place de la Citoyenneté

Mercredi matin – Alma (Quartier Alma / Secteur Nord) - Rue de France (partie comprise entre la rue des Anges et le boulevard des Bâtisseurs) ; - Rue de la Guinguette, excepté sur une distance de 80m à partir de la rue de Tourcoing ; - Rue des Anges sur le parking situé entre la rue de la Guinguette et la rue du Vallon excepté sur une distance de 25m depuis la rue du Vallon vers la rue de la Guinguette) - Rue des Anges, sur le parking attenant à la placette Viviane Romance, entre la rue de France et la rue de la Chaussée ; - Rue Jean Bart de la rue de la Guinguette au Boulevard des Bâtisseurs

Vendredi après-midi - Nation (Quartier Nation / Secteur Centre) Sur toute la place (située entre les rues Lacroix et la rue du Sentier).

Samedi matin - Centre-ville Marché alimentaire et horticole (Quartier Centre-ville / Secteur Centre) Sur la Grand’place (côté rue du Château).

Samedi après-midi - Pile (Quartier Pile / Secteur Est) Place Carnot

Dimanche matin - Epeule (Quartier Epeule / Secteur Ouest) - Place Victor Vandermeiren ; - Rue Brondeloire (Entre les rues de Brézin et la rue de Turenne) ; - Rue Brézin (entre les rues de l’Epeule et du Brondeloire).


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Enseignants : Didier Debarge / d-debarge@lille.archi.fr Philippe Rizzotti / p-rizzotti@lille.archi.fr Damien Antoni / d-antoni@lille.archi.fr Bernarth Godbille / b-godbille@lille.archi.fr François Lacoste / f-lacoste@lille.archi.fr Marc Toutin / m.toutin@lille.archi.fr Étudiants : Emily Augé / e-auge@lille.archi.fr Prune Bollengier / p-bollengier@lille.archi.fr Lucie Bouloy / bouloylucie@gmail.com Lucie Brenne / lucie.brenne@gmail.com Antoine Cornouiller / cornouillerantoine@gmail.com Benjamin Cuvelier / bcuvelier723@laposte.fr Darcel Degho Tako / takodarcel@gmail.com Léonie Desbleds / l-desbleds@lille.archi.fr Ghaidaa Fahd / ghaidaasalah@gmail.com Anaïs Giraud / aamgiraud@gmail.com Thomas Goetgheluck / thomas.goetgheluck2@gmail.com Kevin Lambert / k-lambert@lille.archi.fr Victoria Martinez / veugenia@icloud.com Bastien Mouquet / bastienmouquet@icloud.com Camille Viala / vialacamille17@gmail.com Axelle Waselinck / axelle.wsl@gmail.com


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