Les espaces vécus de la gare au prisme du genre

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Les espaces vécus de la gare au prisme du genre A travers l’espace public des gares Lille Flandres et Lille Europe

Lucie Bouloy Séminaire de recherche: Territorialités, récits et narrations - Sous la direction de Celine Barrère École Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille mai 2021


/Remerciements

Je tiens, tout d’abord, à remercier Céline Barrère, Lina Bendahmane et Nicolas Verlynde pour leur suivi et leurs conseils tout au long de ce travail de mémoire. Je remercie également tous mes camarades du séminaire pour leur soutien et toutes les références qu’ils ont pu m’apporter. Je tiens à remercier les personnes ayant répondu à mon enquête ainsi qu’aux questions d’entretiens. Merci à mon ami Thibaud Parmentier, à Marius Cailleau et à ma famille pour leur patience et leurs corrections minitieuses et essentielles.

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/Avant-propos

C’est par des expériences vécues dans l’espace public ainsi que les nombreuses polémiques faites ces dernières années autour de la question de la place du genre féminin au sein de l’espace public, que m’est venu cette idée d’écrire sur ce sujet. La place des femmes dans nos villes me tient à coeur car c’est pas ce genre que je me définis. De par mon genre, j’ai alors une compréhension de l’espace public qui est différente de mon entourage masculin. En effet, mes pratiques ne sont pas les mêmes. Rentrer à des heures tardives ou être seule dans une rue étroite, n’est pour moi pas concevable. Cette interdiction que je me donne, est similaire à la plupart des femmes que je rencontre au quotidien. J’estime que l’espace public est commun à tous, que ne nous devons pas nous en interdire l’accès sous prétexte que nous sommes des femmes. La place du genre féminin dans l’espace public m’intéresse fortement. C’est pourquoi j’ai décidé de développer ma recherche sur ce sujet. De plus, la compréhension de la conception architecturale de ces espaces publics me semble pertinente pour analyser les problématiques que les femmes rencontrent. J’ai alors fais le choix de placer le genre féminin dans des espaces publics que je pratique quotidiennement: les gares Lille Flandres et Lille Europe. Ces terrains sont des emblèmes de la ville de Lille, ce sont les premières portes d’entrée à cette grande métropole, et donc les premières impressions. Les gares sont des reflets de la société, l’analyse de la place du genre féminin dans ces espaces publics est alors favorable. Les recherches que j’ai menées pour ce mémoire m’ont amené à démontrer la présence du sentiment d’insécurité chez les individus du genre féminin dans l’espace public des gares Lille Flandres et Lille Europe causés par de nombreux facteurs, dont l’architecture des lieux. L’espace public est alors, encore aujourd’hui, une conquête difficile pour les individus du genre féminin. Ce mémoire est basé sur une vision genré. Le genre est mis au centre de l’espace public pour comprendre ses ressentis. Le genre féminin en est le principal. Les autres genres ne sont ici pas représentés, cependant, les problématiques que rencontrent ces femmes sont parfois vécues de manière similaire chez ces genres.

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/SOMMAIRE /Introduction

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I/ L’architecture et l’urbanisme de l’espace public des gares Lilloises: Lille Flandres et Lille Europe 29 1/ L’apparition des gares dans nos villes

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2/ L’architecture des gares Lille Flandres et Lille Europe 35 3/ L’impact de ces deux gares emblématiques sur la société Lilloise 42

II/ Le vécu du genre féminin au sein de ces deux gares 1/ Le genre féminin au sein de ces architectures imposantes

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2/ Place à la parole: où le genre féminin ressent un sentiment d’insécurité dans ces gares? Et à l’inverse, où se sentent-elles en sécurité? 55

III/ Le genre féminin au coeur de la conception des espaces publics des gares 73 1/ Les espaces architecturaux des gares Lille Flandres et Lille Europe qui engendrent un sentiment d’insécurité 74 2/ Les espaces architecturaux des gares Lille Flandres et Lille Europe qui engendrent un sentiment de sécurité 86 /Conclusion

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/Bibliographie

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/Annexes

2e dossier

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/Introduction

Ce mémoire traite du sentiment d’insécurité vécu par le genre féminin dans l’espace public et plus particulièrement dans les gares, il s’appuie sur des expériences personnelles. Dès mon plus jeune âge, je ne comprenais pas cette notion de danger quand ma mère me disait de ne pas répondre aux inconnus, de bien sécuriser mon sac, de ne pas être habillée trop court, de ne pas sortir le soir dans la rue ou dans les lieux publics. Puis en grandissant, je me suis vite rendu compte de la réalité et de ses dangers en assistant à une agression perpétrée sur une personne de genre féminin en milieu après midi d’été à Nice. C’est à ce moment précis que j’ai compris de quel danger ma mère me mettait en garde. J’ai alors ressenti de la peur, car j’ai compris que ce type d’agression peut être vécu par n’importe qui. Me déplacer comme bon me semble à toute heure de la journée depuis ce jour, sans me soucier de ce qui m’entoure, me parait impensable, et est-ce normal ? J’ai alors pris conscience en parlant autour de moi, que ce type de harcèlement était quotidien, que ce soit dans la rue, le métro, les gares, les centres commerciaux, au travail... Ce fléau se nomme: le harcèlement de rue. Ce mémoire traitant des espaces vécus de la gare au prisme du genre mérite quelques définitions pour la bonne compréhension des notions que je vais aborder tout au long de ce travail.

Le harcèlement de rue Dans un premier temps, la notion de harcèlement de rue est importante à assimiler pour comprendre les effets négatifs que ces agissements provoquent sur l’être humain. L’association #StopHarcèlementDeRue définit le terme « Harcèlement de rue »: « Le harcèlement de rue, ce sont les comportements adressés aux personnes dans les espaces publics et semi-publics, visant à les interpeller verbalement ou non, leur envoyer des messages intimidants, insistants, irrespectueux, humiliants, menaçants, insultants en raison de leur genre... »1. Cette définition résume la situation vécue par une femme ce jour à Nice.

1 http://www.stopharcelementderue.org/harcelement/ 2020, Le harcèlement de rue, qu’est-ce que c’est?, Stop Harcèlement de rue, consultable sur le site: http://www.stopharcelementderue.org, consulté, le 19 décembre 2020.

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Ces agressions, comme l’évoque Sébastian Roché2, homme politique français spécialisé en criminologie, en 1998, peuvent être vécues comme un «simple traumatisme psychologique » un regard ou un mot déplacé, mais aussi plus lourdement, cela peut se traduire par « une blessure, voire un homicide»3 ce qui est plus conséquent sur l’aspect psychologique de la victime. Aujourd’hui, par rapport aux nombreuses mauvaises expériences vécues dans l’espace public, mes déplacements dans la rue ne sont plus aussi naïfs que lorsque j’étais enfant. Dans une simple rue, une place, un parc ou un bâtiment public... Je me sens obligée de vérifier du regard si je ne suis pas entourée de dangers potentiels, car dans ces espaces, je ne me sens pas réellement en sécurité. Ce sentiment d’insécurité peut-être provoqué par la population qui m’entoure, par la temporalité : la nuit par exemple est propice à un sentiment d’insécurité, notamment lié à l’architecture des lieux. Le harcèlement de rue, alors provoqué par une personne envers une autre, induit un sentiment d’insécurité que nous allons définir. Qu’est ce que le sentiment d’insécurité? «Le sentiment d’insécurité n’est pas l’insécurité objective, celle causée par une menace concrète, identifiée (...). Il n’y a que la perception confuse d’une menace, d’un risque possible non assigné à des objets directement menaçants »4 C’est la définition qu’apportent Jean François Augoyard, philosophe et urbaniste, et Martine Leroux, philosophe, sociologue et chercheuse, sur le sentiment d’insécurité. Ils ajoutent que: « c’est à partir d’éléments supposés indiciels, parfois seulement de signe, que mon anxiété trouvera motif »5. Cette définition met des mots sur cette sensation vécue dans des espaces publics par les genres. Sans qu’il y ait forcément un acte d’agression, la personne ressent ce sentiment d’insécurité car les espaces architecturaux peuvent être vecteurs de ce ressenti. Pour cela, nous allons comprendre, par la suite, comment ces espaces induisent ce sentiment. Les fait-divers relatant de l’insécurité dans les espaces publics, sont des problèmes de sociétés plus que contemporains. 2 Roché (Sébastian), « Expliquer le sentiment d’insécurité : pression, exposition, vulnérabilité et acceptabilité », Française de science politique, n°2, 1998, p. 274 à 305. 3 Ibid. 4 Augoyard (Jean François), Leroux (Martine), Les facteurs sensoriels du sentiment d’insécurité. In : Bernard (Yvonne), Segaud (Marion), La ville inquiète : habitat et sentiment d’insécurité, La Garenne-Colombes, Ed. de l’Espace Européen, 1992, pp.23-51. 5 Ibid.

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Le hashtag #Metoo lancé en octobre 20176 à la suite de l’affaire Weinstein7en est l’exemple phare. Il a permis aux individus du genre féminin de s’exprimer librement sur les violences subies, car comme l’explique l’article du Monde écrit par Pauline Croquet, ces écrits signés avec le hashtag Metoo, sont pour la plupart du temps des témoignages de femmes: « les signataires de ces tweets sont en grande partie des femmes, certaines célèbres, d’autres anonymes»8. En France le mouvement est repris par le hashtag #Balancetonporc. De nombreuses victimes d’agressions sexuelles s’expriment autant sur les réseaux sociaux que dans les journaux. Les victimes expliquent leur « ras de bol » et que cela doit cesser. Selon une enquête IFOP pour la fondation JeanJaurès9 : « 86% des Françaises ont, au moins une fois, été victimes d’une forme d’atteinte ou d’agression sexuelle dans la rue ». Ce chiffre montre l’importance du problème d’insécurité dans nos espaces publics vécu par les personnes du genre féminin. Les genres sont au coeur des problématiques vécues dans les espaces publics. Pour cela, la bonne compréhension de ce terme est nécessaire. Les genres: une notion complexe qui évolue dans le temps. Comme on peut le constater, à travers les chiffres de l’enquête IFOP ou de l’article du Monde, ces agressions sont généralement subies par des individus du genre féminin. La compréhension de la notion de genre devient alors primordiale dans ce mémoire qui relie le genre à l’espace public. Le genre peut-être assimilé au sexe: lorsque l’on naît, nous sommes définis biologiquement féminin ou masculin en fonction de nos attributs sexuels. Cependant, la question du genre va bien au-delà du sexe de la personne.

6 https://www.lemonde.fr/pixels/article/2018/10/14/metoo-du-phenomene-viral-au-mouvement-social-feminin- du-xxie- siecle53691894408996.html, #MeToo, du phénomène viral au « mouvement social féminin du XXIe siècle », Pauline Croquet, consultable sur le site: https://www. lemonde.fr, mise en ligne le 14 octobre 2018, consulté le 20 décembre 2020. 7 L’affaire Weinstein a été révélée en octobre 2017 par le New York Time, évoquant qu’unedizaines de femmes accusent Harvey Weinstein, producteur de cinéma, d’agression sexuelle. Ces accusations ont alors un effet de colère sur le monde entier. https:// www.lepoint.fr/livres/affaire-harvey-weinstein-la-grande- enquete-22-08-2020-238857637. php, Affaire Harvey Weinstein, la grande enquête, Marie-Laure Delorme, consultable sur le site: https://www.lepoint.fr, mise en ligne le 22 août 2020, consulté le 22 décembre. 8 Ibid, Pauline Croquet, #MeToo, du phénomène viral au « mouvement social féminin du XXIe siècle », op. Cit. 9 https://www.francetvinfo.fr/societe/harcelement-sexuel/86-des-francaises-victimes-dau-moins-une-forme-d- atteinte-ou- dagression-sexuelle-dans-la-rue-un-chiffre-absolument-terrifiant3042091.html , 86% des Françaises victimes d’au moins une forme d’atteinte ou d’agression sexuelle damas la rue: un chiffre « absolument terrifiant », Franceinfo, consultable sur le site: https:// www.francetvinfo.fr, mise en ligne le 19 novembre 2018, consulté le 22 décembre.

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L’émergence, ces dernières années, de mouvements qui remettent en cause cette notion binaire du genre, tel que le mouvement LGBTQ2S+ (Lesbiennes, Gais, Bisexuels, Transgenres en Questionnement et Bispirituels), évoque l’identité du genre. Selon l’association « Jeunesse, J’écoute »10, l’identité du genre est « la manière dont une personne se sent par rapport à son genre ainsi que son corps ». Par exemple, certaines personnes «ne s’identifient pas au sexe qui leur a été assigné à la naissance ». Elise Blanc, psychologue clinicienne, cherche à travers l’article « Le genre: regards de psys »11, à donner une définition à ce terme complexe. Elise Blanc retrace alors les différentes définitions au cours des années: en 1968, Robert Stoller, psychiatre et psychanalyste américain, définit le terme par: « Le genre est la quantité de masculinité ou de féminité que l’on trouve dans une personne, et bien qu’il y ait des mélanges des deux chez de nombreux êtres humains, le mâle normal a évidement une prépondérance de masculinité et la femelle normale une prépondérance de féminité »12. On remarque que, selon les pensées du XXe siècle, les individus s’appropriant un genre différent de « homme » ou « femme » ne rentrent pas dans la normalité. Cependant, les pensées évoluent. Elise Blanc, en tant que clinicienne, se rapproche de la définition que donne Vincent Bourseul, psychanalyste, en 2015: « Le genre traduit quelque chose du sexe en faisant valoir l’écart entre l’anatomie et le psychique, le génital et le social, l’assignation et l’affirmation (...) le genre soulève et révèle des processus de construction également sociale du sexe, défait de sa naturalité ou de sa génitalité, mais pas désexualisé pour autant »13. Cette définition est plus qu’actuelle et coïncide avec celle donnée par l’association « Jeunesse, J’écoute ». Chacun est libre de choisir à quel genre il s’identifie. Cependant, le sexe et le genre sont deux notions différentes. Le sexe est déterminé de façon biologique alors que le genre « sert plutôt à décrire comment une personne se sent à l’intérieur (...) Une personne peut exprimer son genre par le choix du nom ou du pronom qu’elle utilise »14 selon l’association « Jeunesse, J’écoute » .

10 https://jeunessejecoute.ca/information/lgbtq2s-ca-veut-dire/ , LGBTQ2S+: qu’est ce que ça veut dire?, Jeunesse, J’écoute, consultable sur le site: https://jeunessejecoute.ca , consulté le 22 décembre 2020. 11 Blanc (Elise), « Regards des psys », Actualités en analyse transactionnelle, n°158, 2017, p.3 -18. 12 Stoller (Robert), Sex and gender; on the development of masculinity and feminity, New York, New York science house, « International psycho-analytical library », 1968. 13 Bourseul (Vincent), « Anatomie et destin du « genre » chez Freud et quelques contemporains », L’Évolution Psychiatrique, n°80, 2015, p. 239-250. 14 Ibid. Jeunesse, j’écoute, LGBTQ2S+: qu’est ce que ça veut dire?, Op. Cit.

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Le genre relève alors de l’identification par l’individu. Le terme de genre est complexe et la définition qu’apporte cette association précédemment, évoque l’évolution de ce terme dans notre société. À travers ce mémoire, je souhaite développer la notion du genre féminin pour lequel je me définis. À travers les définitions du harcèlement de rue, du sentiment d’insécurité et du genre, nous comprenons les enjeux et les problématiques que ces termes soulèvent. Notre étude centralise ces 3 notions au sein de l’espace public. A travers l’espace public, le genre évolue et développe des sentiments. Il est alors essentiel d’aborder la notion d’espace public pour mener à bien l’étude. L’espace public vécu par le genre Nous allons comprendre comment ce sentiment d’insécurité du genre féminin se développe dans l’espace public. Tout d’abord, il nous faut définir la notion d’espace public. L’espace public est un espace important en architecture, en politique et en sociologie, c’est un espace où la société évolue, se rencontre et échange. L’espace public peut être considéré comme la rue, une place, un bâtiment mais aussi, il peut renvoyer à d’autres dimensions comme la propriété du sol et l’affectation des lieux. Selon Thierry Paquot15, l’espace public est différent des espaces publics. L’espace public est un lieu « de débat politique, de la confrontation des opinions privées » tandis que les espaces publics sont: « des endroits accessibles au(x) public(s) (...). Le réseau viaire et ses à-côtés qui permettent le libre mouvement de chacun, dans le double respect de l’accessibilité gratuite »16. Cette définition, donnée par Thierry Paquot, permet alors de comprendre la différence entre un espace public et des espaces publics. Un espace public est assimilé à un espace collectif, de l’ordre de l’idéal et de l’abstraction. Tandis que des espaces publics, selon la définition, se distinguent par cet aspect totalement public, ces espaces sont considérés comme concrets, ce sont ceux qui incarnent les valeurs attachées à l’idéal. Certains espaces publics sont totalement libres d’accès comme une place ou une rue. Tandis que d’autres sont rythmés par des règles: un centre commercial, un parc ou une gare, ferment selon des heures, sont surveillés et disposent d’un règlement. La distinction des degrés de publicité de ces espaces, peut se faire en fonction de la propriété ou de l’affectation des espaces, des usages ou des réglementations. 15 16

Paquot (Thierry), L’espace public, Paris, La Découverte, « Repères », 2009, p. 3 à p.9. Ibid.

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De plus, la définition établie par Michel Lussault et Jacques Lévy dans le Dictionnaire de la géographie et de l’espace des sociétés17, présente l’espace public comme un idéal type, ils montrent qu’on retrouve un groupe social dans l’espace public plutôt que des individus, ce qui apporte la caractéristique publique de cet espace. La notion de groupe social, intimement liée aux représentations sociales, est définie par Mugny et Carugati en 1985, comme « les représentations (sociales) ont pour fonction de situer les individus et les groupes dans le champ social... (Elles permettent) l’élaboration d’une identité sociale et personnelle gratifiante »18. Gérard Lenclud ajoute en 1991 « que les sociétés sont organisées dans la mesure où elles ne sont pas une simple collection d’individus et où on peut distinguer en leur sein des unités sociales plus ou moins permanentes»19. Ces deux définitions, nous aident à comprendre cette différence entre les individus et les groupes sociaux. En effet, le groupe social permet de donner une identité sociale, où l’individu se reconnaît comme membre d’un groupe, et détermine l’aspect public d’un espace. Grâce à ces auteurs, on comprend alors l’accessibilité par le mouvement libre de chacun et le statut de ces espaces qui sont publics et traversés par des groupes sociaux. Dans le cadre du mémoire, ces définitions nous aident alors à préciser dans quel type d’espace public nous allons mener notre étude. Comme vu précédemment, à travers les chiffres de l’enquête IFOP où 86% des femmes ont subi une agression dans la rue, les harcèlements subis par le genre féminin se déroulent alors principalement dans les espaces publics. Nous souhaitons focaliser notre étude sur un espace public très emprunté et que j’utilise pour comprendre au mieux l’existence ou non de ces phénomènes d’insécurité au sein d’une architecture et d’un urbanisme ayant un impact fort sur la ville : les gares Lille Flandres et Lille Europe.

17 Lussault (Michel), Lévy (Jacques), Dictionnaire de la géographie et de l’espace des sociétés, Paris, Belin littérature et revues, « Hors collection histoire et géographie », 2013. 18 Carugati (Felice), Mugny (Gabriel), L’intelligence au pluriel: les représentations sociales de l’intelligence et de son développement, Paris, Ed. Delval, 1985. 19 Lenclud (Gérard), « Le nomologique et le néant », Études rurales, n°121-124, 1991, p. 255-263.

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Lille et ses gares, au coeur de l’étude La gare Lille Flandres Comme on peut le remarquer sur le plan (figure n°1), Lille s’articule dans un territoire dense où la Citadelle et la Gran’Place sont les points névralgiques. Cette ville est régie par ses grands axes routiers, mais aussi ferroviaires, qui s’immiscent au centre même de la ville. Les gares sont des pôles de déplacements et de l’attractivité de la métropole. Selon Philippe Menerault, professeur des universités et Alain Barré, Maître de conférences à l’université des sciences et technologies de Lille: « La gare apparaît comme une porte spécifique honorant, par ses dimensions et son ornementation, la modernité et la révolution dans le domaine des transports que représente le train »20, les gares sont alors perçues comme des infrastructures qui ont révolutionné l’histoire de la ville et du transport au 19e siècle. Ces lieux de mouvements, d’une ville à une autre, ont permis à l’époque le transport de marchandises, et le déplacement en tout genre plus facile. Les villes se transforment alors en fonction de ces infrastructures, Stéphanie Sauget, historienne spécialiste de l’histoire contemporaine, évoque cet apport qu’offrent les gares en ville: « Paris se couvre de gares de chemin de fer (...) Cette greffe transforme profondément le paysage mais aussi la nature de la ville »21 Les villes s’adaptent à cette nouvelle manière de se déplacer qui vient « éventrer la ville » par de « nouvelles portes d’entrée modernes » comme le précise Stéphanie Sauget22. Les gares s’imposent alors comme une architecture urbaine qui vient modifier de manière considérable la ville. L’histoire de la gare qui débute au 19e siècle, ne fait qu’évoluer, David Bàn ajoute que « la gare est devenue un lieu multi-fonctionnel »23 ce qui est visible aujourd’hui. Dans n’importe quelle gare, on retrouve des commerces et autres types de modalités (Bus, métro, taxi...). L’architecture de ce lieu étant pensée au départ pour permettre la mobilité et « le passage de la ville à la campagne »24, devient avec le temps et les pratiques, un espace public im20 Menerault (Philippe), Barré (Alain), Gares et quartiers de gares: Signes et marges - Lille Rennes et expériences internationales, Villeneuve d’ascq, INRETS, « Les collections de l’INRETS », 2001, p.12. 21 Sauget (Stéphanie), « Les gares: matrices de l’imaginaire parisien du XIXe siècle », metropolitiques, 2014, p. 1 à 3. 22 Sauget (Stéphanie), « Les gares parisiennes dans les expériences d’urbanité », Flux, n°103104, 2016, p.1 à 20. 23 Bàn (David), « Les sciences sociales françaises face à la gare. Bilan et lecture critique », Revue d’histoire des chemins de fer, n°38, 2008, p. 11-18. 24 Ibid

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La Citadelle

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Figure n°1: Bouloy (Lucie), Plan de lille, plan - échelle 1:10 000 (2021) Figure n°1: Bouloy (Lucie), plan de Lille, Lille, 2021

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portant pour les villes. David Bàn parle d’une infrastructure « riche d’enjeux architecturaux, industriels et historiques »25. comme on peut le remarquer sur la figure n°2, la façade est ornementée avec des colonnes ioniques et deux frontons à chaque extrémité. Ce lieu public a alors une force considérable dans la ville encore et toujours visible aujourd’hui.

Figure n°2: Bouloy (Lucie), Façade de la gare Lille Flandres, photographie (2021)

À Lille, la gare Lille Flandres construite au 19e siècle, en est le témoin. Cet espace public a transformé, comme l’évoque précédemment Stéphanie Sauget, le paysage et la nature de la ville. En effet, mise en service en 1848, la gare Lille Flandres est une gare terminus, ce terme signifie que les voies s’arrêtent pour laisser place à la ville. Sur le plan intérieur de la gare (figure n°3), on remarque que les quais des trains s’arrêtent nettement pour s’orienter vers le centre de la ville. Son positionnement géographique est plus qu’idéal, comme on peut le voir sur la figure n°1, à deux pas de La Grand’Place, de la Place du Théâtre et du quartier d’affaire Euralille, celle-ci offre aux voyageurs un accès direct au coeur du centre-ville. L’histoire de cette gare est atypique, l’ancienne façade de la gare du Nord à Paris, devenue trop étroite, fut déplacée pour devenir la façade de la gare Lille Flandres26. Auparavant, une gare conçue pour relier Douai et Arras, aujourd’hui sous ses airs parisiens, la gare Lille Flandres abrite un bon nombre d’usages. Son infrastructure permet de relier Lille à de grandes villes nationales mais aussi régionales. Cependant, patienter, prendre son train, traverser, acheter et habiter, sont devenus des usages courants au sein de la gare 25 Ibid. Bàn (David), « Les sciences sociales françaises face à la gare. Bilan et lecture critique», op. Cit. 26 https://www.ilevia.fr/cms/actualite/a-la-une-dans-la-metropole/histoire-de-station-garelille-flandres.html, Histoire de station: Gare Lille Flandres, Camille, consultable sur le site: https:// www.ilevia.fr/fr/, mise en ligne le 12 mars 2018, consulté le 23 décembre 2020.

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Figure n°3: Plan de la gare Lille Flandres, échelle 1:1000 (2021)

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aujourd’hui. Lille accueille également depuis 1994 la gare Lille Europe (que l’on peut voir sur la figure n°1, page 13) une gare différente de Lille Flandres car celleci n’est pas construite à la même époque. La conception architecturale de ces deux gares n’a alors pas été pensée de la même manière. Les activités et demandes des voyageurs n’étaient pas les mêmes au 19e siècle. Nous retrouvons ici une architecture horizontale sur plusieurs niveaux (les quais sur un niveau et l’accueil des voyageurs au-dessus) comme on peut le remarquer sur le plan de la gare (Figure n°5). Celle-ci a pour principal matériau le béton et le verre. Cette gare est surplombée par de grandes tours qui « s’assoient » sur la toiture de celle-ci comme on peut le remarquer sur la figure suivante.

Figure n°4: La gare Lille Europe depuis la place Mitterand, Lille, 2021

Cette gare de passage permet de relier des villes nationales (Paris, Marseille, Lyon...) ainsi qu’internationales (Bruxelles, Amsterdam, Londres...). Son impact sur la ville de Lille est alors plus puissant car les échelles d’action sont différentes: la ville de Lille est reliée depuis 1994 à l’international. La gare Lille Europe est composée essentiellement de lignes à grandes vitesses, contrairement à Lille Flandres. Lille Europe est une gare de passage, ce terme, signifie que celle-ci traverse la ville. Sur le plan de la gare Lille Europe (figure n°5) on remarque que les quais ne s’arrêtent pas nettement dans la gare comme sur le plan de la gare Lille Flandres. Nous observons que la gare Lille Europe, de par son statut, se situe à 500m du centre de la ville, au contraire de la gare Lille Flandres, considérée comme une gare « Terminus » qui se positionne en plein coeur de Lille. Philippe Menerault, Alain Barré soulignent: « On distingue schématiquement deux configurations types: soit,

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Figure n°5: Bouloy (Lucie), Plan de la gare Lille Europe - échelle 1:1000, Lille, 2021

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une gare terminus, proche du centre-ville, qui se surimpose au tissu urbain préexistant (...) soit, une gare de passage plus éloignée du centre ville»27. Ce schéma décrit par ces deux auteurs est ce que l’on retrouve à Lille avec ces deux gares. Les connexions avec la ville sont alors différentes de par leur positionnement. La gare de passage, offre tout de même une connexion avec le centre-ville de Lille. A la sortie du niveau haut de la gare, on aperçoit le centre-ville et la gare Lille Flandres. De plus, sur le plan (figure n°5), on remarque que celle-ci offre une ouverture sur le centre-ville depuis la sortie vers la place François Mitterrand. Ces deux gares, se situant seulement à 500 mètres de distance, sont proches mais n’ont pas le même statut et impact sur la ville de Lille. En effet leur influence régionale ou internationale, l’architecture et également leur positionnement dans la ville montrent que ces deux gares sont différentes. Nous savons que les gares sont des facteurs de changement dans l’urbanisme d’une ville, Stéphanie Sauget dit qu’une gare « transforme profondément le paysage mais aussi la nature de la ville »28. Les gares sont alors des espaces publics qui modifient la ville et son environnement. De plus, ce sont des lieux d’affluence, comme définit précédemment à travers les propos de Thierry Paquot, ces espaces publics sont libre d’accès. À la différence d’un centre commercial, une gare s’apparente plutôt à un lieu de transition entre le mode piéton et le mode transport ferroviaire. Ce lieu induit alors un espace public où la société ou les groupes sociaux et les individus se rencontrent et échangent le temps d’un instant. C’est donc à travers ces deux espaces publics, les gares Lille Flandres et Lille Europe, que je souhaite développer ma recherche. En effet, ces deux gares, malgré leurs différences, notées ci-dessus, ont toutes les deux un impact sur la société et les usagers. La compréhension historique et architecturale des gares Lille Flandres et Lille Europe, est primordiale pour aborder les problématiques de la société, et plus précisémment du genre féminin à travers ces espaces publics.

27 Ibid. Menerault (Philippe), Barré (Alain), Gares et quartiers de gares: Signes et marges Lille Rennes et expériences internationales, Op. Cit. p.19. 28 Ibid, Sauget (Stéphanie) , « Les gares: matrices de l’imaginaire parisien du XIXe siècle », Op.Cit.

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Les gares Lille Flandres et Lille Europe, deux sujets reflétant un malaise de société? Ces espaces publics reliés au quartier Euralille, ayant un impact important sur la ville de Lille, ne sont pas que positifs. Selon un article publié sur le site de France Info29, Lille a lancé en mars 2020 une opération de police visant à diminuer le sentiment d’insécurité vécu à la gare Lille Flandres. Christophe Voreux, commandant divisionnaire et chef de la subdivision de Lille Nord, évoque au sein de cet article, que ce dispositif a permis de « rassurer » la population où un « fort sentiment d’insécurité » se déploie. De plus, des commerçants de la gare Lille Flandres relatent une atmosphère angoissante au sein de cette architecture emblématique, la présence de dealers rend d’autant plus insécures les lieux: « Ils traînent à la fermeture, nous empêchent de fermer, nous menacent »30 propos tiré d’une interview réalisée par Aude Deraedt pour La voix du Nord en 2019. Les individus dans ces lieux publics, appliquent un mode de comportement différent, une nouvelle personnalité urbaine. Selon la pensée de George Simmel développé sur le début du XXe siècle et décrite par Hervé Marchal et Jean- Marc Stébé en 201831, cette personnalité urbaine est causée par la métropole moderne et ne fait qu’évoluer. Au XXe siècle comme au XXIe siècle, la société évolue avec son temps, cette personnalité urbaine se développe en réponse à la densité humaine, à la sur-stimulation sociale à la sur-production et à la sur-consommation. Cette modernité induit une culture nouvelle: le temps est devenu mesurable, nos règles et gouverneurs sont impersonnels ce qui résulte d’un nouveau type de comportement humain. Une personnalité qui devient froide et qui se caractérise par l’anonymat et la perte de repère ajoute Stéphanie Sauget32. De plus, les gares, où le rythme de vie est différent, provoquent un stresse, une anxiété car tout est pensé à la minute près: ne pas rater son train, arriver en avance, attendre son train... Ce rythme rapide et réglé autour du cadrant d’une montre, vient perturber la nature des comportements humains. 29 https://france3-regions.francetvinfo.fr/hauts-de-france/nord-0/lille/lille-operation-police-lutter-contre- sentiment- insecurite-gare-lille-flandres-1797990.html, Lille: opération de police pour lutter « contre le sentiment d’insécurité » à la gare Lille- Flandres, AFP, consultable sur le site: https://www.francetvinfo.fr, mise en ligne le 10 mars 2020 consulté le 2 janvier 2021. 30 https://www.lavoixdunord.fr/675173/article/2019-12-03/insecurite-et-sentiment-d-abandon-dans-le-quartier- des-gares-lille, Insécurité et sentiment d’abandon dans le quartier des gares à Lille, Aude Deraedt, consultable sur le site: https:// www.lavoixdunord.fr, mise en ligne le le 3 décembre 2019, consulté le 1 janvier. 31 Marchal (Hervé), Stébé (Jean-Marc), Chapitre premier. Comprendre, analyser et théoriser la ville, Paris, Presses universitaire de France, « Que sais-je? », 2018 de p. 19 à p.41. 32 Sauget (Stéphanie), Les gares au miroir de l’urbain, Paris, Université Gustave Eiffel, 2016, p.1 à p.20 .

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Enfin, le type de fréquentation de ces gares et alentours, influence beaucoup les comportements sociaux: comme on ne reste pas, on abandonne ses principes, la ville est derrière nous selon Stéphanie Sauget33. À travers les propos de cette auteure, et ceux de George Simmel, cette nouvelle personnalité urbaine trop individuelle induisant des changements de comportements, est un aspect que j’ai pu constater lors de mes allées et venues au sein des gares Lille Flandres et Lille Europe. J’ai remarqué que les individus se fuyaient du regard, s’évitaient comme si les êtres humains ne pouvaient cohabiter ensemble, qu’ils sont prêts à se bousculer, pour ne pas manquer un train. Ces comportements peuvent être vécus de manière négative, provoquant alors un sentiment d’insécurité chez certaines personnes. La gare et ses alentours sont alors aujourd’hui considérés comme non-sécurisants par la population de par sa fréquentation et la personnalité urbaine qui s’y développe.

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Ibid. Sauget (Stéphanie), Les gares au miroir de l’urbain, Op. Cit

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/Problématique

À travers ces définitions et écrits d’auteurs, nous avons remarqué que l’espace public ainsi que l’architecture et le positionnement urbain des gares, permettent des changements considérables dans les villes. Cependant, ce fort impact n’est pas que positif. En prenant l’exemple de Lille et des gares Lille Flandres et Lille Europe, nous avons observé par le biais des écrits et entretiens, que celles-ci sont susceptibles de poser des problématiques sociales. En effet, comme défini auparavant, le sentiment d’insécurité naît dans ces architectures. Les genres se confrontent alors dans des espaces où ce sentiment est plus que grandissant. L’agression ou le harcèlement sont des actes qui ont transformé notre ressenti de l’espace public. Nous avons remarqué, grâce à l’enquête IFOP, que le genre féminin est l’un des plus touchés par ce harcèlement, ce qui induit un sentiment d’insécurité lorsque le genre féminin se situe dans ces espaces. Nous allons alors à travers ce mémoire tenter de comprendre comment ce sentiment d’insécurité peut-il naître au sein du genre féminin, et en quoi l’espace public et l’architecture des gares Lille Flandres et Lille Europe peuvent en être l’une des causes ?

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/Hypothèse

Les espaces publics des gares Lille Flandres et Lille Europe sont, ici, des sujets qui me permettent d’interroger la sécurité du genre féminin dans ces architectures. La recherche vise également à analyser l’histoire et l’architecture de ces gares, construites à des époques différentes pour comprendre leur impact sur la société et notamment les femmes. Ceci, me permettra d’aborder ces problématiques que le genre féminin rencontre et de comprendre comment les genres peuvent être au coeur de la conception architecturale. L’hypothèse principale est que ces gares qui sont des espaces publics importants dans la ville et dans la société, sont des bâtiments qui suscitent un sentiment d’insécurité chez les femmes. L’architecture est-elle le seul facteur d’insécurité? Une première hypothèse est que la temporalité et la luminosité dans l’espace public de ces gares sont des facteurs qui font naître un sentiment d’insécurité chez les femmes. En effet, tôt le matin ainsi que le soir, la gare s’assombrit et apporte des ambiances différentes au cours de la journée. Une seconde hypothèse est que les flux provoquent également ce sentiment d’insécurité. La foule, des comportements innapropriés et la desertion de certains lieux en sont des causes. Pour y répondre, l’appui d’écrits scientifiques de sociologie, d’anthropologie, d’histoire et d’architecture, ainsi que des conférences et articles traitant du sujet en question me seront utiles. De plus, la réalisation d’un questionnaire pour les usagers des gares et la réalisation de notes vocales décrivant mes allées et venues dans ces lieux me permettra d’affiner les réponses.

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/Composition des parties

Dans une première partie, nous identifierons l’architecture et l’urbanisme de l’espace public des gares lilloises: Lille Flandres et Lille Europe. Cette partie nous aidera à comprendre ces deux gares construites à deux époques différentes, dans des contextes sociologiques et géographiques différents. Cela nous permettra notamment, d’appréhender les problématiques architecturales et sociologiques que soulèvent ces gares dans la métropole Lilloise. La seconde partie mettra l’accent sur le vécu du genre féminin au sein de ces deux gares. Nous allons alors essayer de comprendre ce vécu des femmes dans ces gares et comment le sentiment d’insécurité peut-il naître à travers ces architectures, le tout en localisant des lieux problématiques qui peuvent être la source d’un danger potentiel pour le genre. Nous allons pour finir déterminer quelle gare pose plus question et comment? Pour finir, dans une troisième partie, nous allons placer le genre féminin au coeur de la conception et des usages des espaces publics de la gare. À travers les lieux sécurisants et non-sécurisants, repris dans la partie précédente, nous allons tenter de comprendre la conception de ces espaces.

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/Méthodologie de travail et corpus

Mon travail de recherche s’appuie sur la lecture d’ouvrages de références, d’articles de revues et de presses publiés sur les problématiques du genre féminin dans l’espace public des gares. La crise de la Covid-19 que nous traversons depuis 2020, a été un frein dans l’élaboration de mes outils pour mener à bien ce travail de recherche. L’accès aux terrains ne se faisant plus librement, a engendré une restriction de matière et un changement de méthode. Cependant, l’accès aux informations est toujours possible grâce aux outils numériques. Dans ce travail, je souhaite pour la seconde partie qui traite du vécu du genre féminin dans les gares Lille Flandres et Lille Europe, argumenter et nourrir mon propos à travers une enquête. Celui-ci me permettra de comprendre à quel degré ce sentiment d’insécurité vécu par les femmes existe-t-il et de le situer dans ces gares à l’aide d’un plan schématique. De plus, les personnes répondant à ce questionnaire devront définir le type de fréquentation et la temporalité: combien de temps restent-elles et à quel moment de la journée. Enfin, j’ai pour objectif d’interroger un maximum d’individus pour ce questionnaire par le biais des réseaux sociaux, comme des groupes Facebook Lillois ou LinkedIn, à défaut d’avoir un accès aux terrains. Le questionnaire se trouve via ce lien: https://docs.google.com/ forms/d/1UMgFqXsHmqYx2VJ2f2LExQi2Q0TPuZiglfMyL2Cg/edit#responses A ce jour, 74 personnes ont répondu (En annexe (page 4) un tableau Excel indique les réponses données). Un travail de notes audios, réalisés par moi-même, retracera mes allées et venues dans ces deux gares. Ces enregistrements ont pour volonté de retranscrire mes ressentis et mes analyses sur ces deux espaces publics afin d’avoir une opinion personnelle. Cette partie du corpus me sert de matériaux exploratoires. En effet, l’accès aux sites se fait difficilement, la crise sanitaire de la Covid-19 ne me permet pas d’accomplir à terme mes volontés pour ce travail de notes audios. Cependant, il m’est tout de même utile pour argumenter et appuyer mon propos. Ces notes sont disponibles en annexes. Le travail de lecture et de recherche est alors important pour renforcer mon propos. Pour cela, je souhaite m’appuyer d’auteurs ayant traité les questions que je me pose. Les écrits de Sylvette Denèfle sont très liés au sujet que je souhaite aborder. Sylvette Denèfle est docteure en philosophie, anthropologie, sociologie et professeure des universités. Cette docteure base son travail sur le genre et l’espace urbain. L’ouvrage « Femmes et villes »34 écrit en 2004, 34

Denèfle (Sylvette), Femmes et villes, Paris, Presses universitaires François-Rabelais, « Pers-

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propose une observation des usages des femmes et des hommes de l’espace public. Cette analyse se confronte aux normes sociales de l’époque (2004). À travers cet ouvrage, Sylvette Denèfle évoque également l’appropriation et l’exclusion de la femme dans l’espace public. Cet ouvrage est alors pour mon travail de recherche un bon moyen d’appréhender la question du genre dans l’espace public et d’assimiler chaque problématique que le genre féminin supporte dans ces espaces. Le livre « La ville: quel genre? »35 d’Emmanuelle Faure (Auteure traitant des effets de genre et de lieux), Edna Hernández-González (Docteure en aménagement et urbanisme qualifiée), et Corinne Luxembourg (Enseignante, chercheuse évoquant la géographie humaine et les droits à la ville) a permis d’orienter mon travail de recherche. En effet, les questions soulevées par les 3 auteurs à travers cet ouvrage, se rapprochent de mon sujet. Tout d’abord, un récit historique sur le genre féminin au 19e et 20e siècle, vient replacer la femme dans un contexte historique. C’est à travers cet ouvrage que l’on comprend la place de la femme dans la société passée et son évolution actuelle. De plus, on apprend à travers les récits le type de relations qu’entretient le genre féminin avec le genre masculin au sein du logement, de l’espace public et de la ville. Ce livre m’a alors servi de support dans mes questionnements pour le sujet de mon mémoire. L’ouvrage «La ville quel genre? » me sera utile par la suite, dans l’écriture et l’argumentation de mes parties. À travers cette recherche, je me suis documentée sur des études sociologiques menées au sein des gares. Pour cela, les travaux de Stéphanie Sauget (Maître de conférence en histoire contemporaine) m’ont été utiles. En effet, les articles « Les gares: matrices de l’imaginaire parisien du XIXe siècle »36 en 2014 et « Les gares au miroir de l’urbain »37 en 2016, on permit la compréhension des notions développées précédemment. Dans ces publications, Stéphanie Sauget exprime une vision sociologique de l’urbanisme de la gare. Comment la gare a-t-elle changé la société et les villes à travers le temps, et comment celles-ci sont utilisées par les genres ? Les auteurs Michel Lussault et Jacques Lévy par l’ouvrage, « Dictionnaire de la géographie et de l’espace des sociétés »38 ainsi que Jacques Paquot à trapectives Villes et Territoires », 2004. 35 Faure (Emmanuelle), Hernández-González (Edna), Luxembourg (Corinne), La ville quel genre?, Montreuil, Le temps des cerises, « Penser le monde », 2017. 36 Sauget (Stéphanie), « Les gares: matrices de l’imaginaire parisien du XIXe siècle », metropolitiques, 2014. 37

Sauget (Stéphanie), Les gares au miroir de l’urbain, Paris, Université Gustave Eiffel, 2016.

38 Lussault (Michel), Lévy (Jacques), Dictionnaire de la géographie et de l’espace des sociétés, Paris, Belin littérature et revues, « Hors collection histoire et géographie », 2013.

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vers le livre « L’espace public »39 publié en 2009, ont pu m’aider pour mettre des mots et définir cette notion majeure en architecture: l’espace public. Ce terme «Espace public » peut paraître aussi clair que flou. Un espace public, peut-être défini par tout ce qui est hors du domicile. Cependant, cette notion mérite d’être éclaircie et détaillée afin de ne pas tomber dans ce stéréotype. De plus, le principe d’espace public, est majeur et devient un des piliers du sujet que je souhaite développer. C’est par le biais d’associations, comme « Jeunesse, j’écoute 40» que je peux définir le terme de « Genre ». En effet, ces associations me permettent de comprendre et de définir cette notion de genre. De plus, la psychologue clinicienne, Elise Blanc me permet d’avoir une définition scientifique sur ce terme complexe. Le genre est instinctivement défini par le sexe, cependant, cette notion est bien plus profonde que la simple nomination « femme » et « homme ». Cette définition permet alors de comprendre ce principe de plus en plus important dans notre société. De plus, le choix pour moi d’évoquer principalement le genre féminin au sein de ce mémoire est une manière d’évoquer mon ressenti en tant que personne du genre féminin. Enfin, le travail de ces associations et d’articles de journaux, comme celui écrit par Pauline Croquet dans le journal Le monde41, ou Aude Deraedt pour la Voix du Nord42, me permettent d’appuyer mon propos sur la question du harcèlement de rue et du sentiment d’insécurité dans l’espace public. Les revues « Revue d’histoire des chemins de fer: les chemins de fer dans la ville »43, « Gares et dynamiques urbaines: les enjeux de la grande vitesse »44 sous la direction de Jean Jacques Terrin, ainsi que le travail issu d’un séminaire international: « Gares et quartiers de gares: signes et marges - Lille, 39 Paquot (Thierry), L’espace public, Paris, La Découverte, « Repères », 2009 40 https://jeunessejecoute.ca/information/lgbtq2s-ca-veut-dire/ , LGBTQ2S+: qu’est ce que ça veut dire?, Jeunesse, J’écoute, consultable sur le site: https://jeunessejecoute.ca , consulté le 22 décembre 2020. 41 https://www.lemonde.fr/pixels/article/2018/10/14/metoo-du-phenomene-viral-au-mouvement- social-feminin-du-xxie- siecle53691894408996.html, #MeToo, du phénomène viral au « mouvement social féminin du XXIe siècle », Pauline Croquet, consultable sur le site: https://www. lemonde.fr, mise en ligne le 14 octobre 2018, consulté le 20 décembre 2020. 42 https://www.lavoixdunord.fr/675173/article/2019-12-03/insecurite-et-sentiment-d-abandon-dans-le- quartier-des-gares-lille, Insécurité et sentiment d’abandon dans le quartier des gares à Lille, Aude Deraedt, consultable sur le site: https:// www.lavoixdunord.fr, mise en ligne le le 3 décembre 2019, consulté le 1 janvier. 43 Bowie (Karen), Lambert (Michèle), Polino (Marie-Noëlle), « Revue d’histoire des chemins de fer: Les chemins de fer dans la ville », Le livre des 20 ans de l’AHICF, Paris, 1991 44 Terrin (Jean Jacques), Gares et dynamiques urbaines: les enjeux de la grande vitesses, Paris, Parenthèses, 2011

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Rennes et expériences internationales Italie, Japon, Pays-bas) »451 de Philippe Menerault et Alain Barré, me permettent de comprendre l’histoire du réseau de chemin de fer, l’arrivé des gares sur nos territoires et leur architecture. Ces travaux scientifiques sont importants pour la bonne compréhension du contexte de mes deux sujets d’études: les gares Lille Flandres et Lille Europe.

45 Menerault (Philippe), Barré (Alain), Gares et quartiers de gares: Signes et marges - Lille Rennes et expériences internationales, Villeneuve d’ascq, INRETS, « Les collections de l’INRETS », 2001, p.12.

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I/ L’architecture et l’urbanisme de l’espace public des gares Lilloises: Lille Flandres et Lille Europe.

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1. L’apparition des gares dans nos villes Les gares sont aujourd’hui considérées comme des monuments emblématiques dans nos villes, l’ingénieur Etienne Trigaud affirme que « la gare entend non seulement figurer parmi les grands monuments de la ville »45. Nous allons tenter de comprendre à travers ce mémoire, comment ces gares sont apparues dans nos villes en ayant un impact fort. 1.1. Le XIXe siècle: l’arrivée de la locomotive Le XIXe siècle est marqué par l’arrivée du train et de son réseau de chemin de Fer. Le 13 février 1804, un ingénieur anglais, Richard Trevithick met au point une machine qui permet de se déplacer rapidement: la locomotive à vapeur. Sa création et son fonctionnement sont révolutionnaires pour l’époque, selon le journal Ouest France.46 Le simple fait de chauffer de l’eau qui se transforme en vapeur et l’apport de charbon, permet d’entraîner les roues de la locomotive allant jusqu’à 47km/h47. Les moyens de déplacement, avant cette invention révolutionnaire, étaient restreints. En effet, les voitures et camions n’existaient pas, les animaux étaient les seuls capables de déplacer la marchandise. Des bateaux permettaient tout de même les transports fluviaux. L’arrivée de la locomotive révolutionne alors le transport de marchandise au XIXe siècle et facilite les déplacements d’une ville à une autre. En France, la première ligne de chemin de fer apparaît en 1827 le long de la Loire et permet le transport de charbon. Dix ans après, une première ligne est mise en service pour les voyageurs, selon les archives de la SNCF48. Ce mode de déplacement prend alors de l’ampleur à travers le monde car il facilite toute forme de déplacement. Le nombre de voyageurs est en forte hausse. Cet engouement pour ce nouveau mode de déplacement n’a fait qu’accroître à travers le temps et les pays. En effet, la locomotive à vapeur de Richard Trevithick évolue à grande vitesse. Le XIXe siècle est bouleversé par la révolution industrielle. Celle-ci fait basculer une société plutôt agricole et artisanale vers une société commerciale et industrielle. La mécanisation 45 Trigaud (Etienne), « Le renouveau des gares », dans: Bowie (Karen), Lambert (Michèle), Polino (Marie-Noëlle), Revue d’histoire des chemins de fer: Les chemins de fer dans la ville, Paris, 1991, p.162 46 https://www.ouest-france.fr/economie/transports/train/la-fabuleuse-histoire-du-train-racontee-aux- enfants-6838881, La fabuleuse histoire du train racontée aux enfants, consultable sur le site: https://www.ouest- france.fr, mise en ligne le: 18 mai 2020, consulté le 12 janvier 2021. 47 Ibid. 48 https://www.sncf.com/fr/groupe/patrimoine/deux-siecles-histoire, Deux siècles d’histoire, consultable sur le site:https://www.sncf.com/fr, mise en ligne: 11 avril 2019, consulté le 12 janvier 2021

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et la machine à vapeur révolutionnent, au XIXe siècle, l’ensemble de notre société. L’industrialisation permet à la locomotive un essor fulgurant à travers le temps. On passe d’une locomotive à vapeur avec pour combustible le charbon, à l’utilisation de « machine à traction avec moteurs fonctionnant à l’électricité »49 à partir du XXe siècle , selon un le blog Mediarail. La méthode initiale de la mécanique à vapeur qui oblige l’extraction de charbon, étant très coûteuse pour la faible vitesse et puissance obtenue oblige l’arrêt de la circulation de ces trains50. Le passage à la traction électrique devient donc nécessaire. Ces innovations permettent alors le développement du train et le voyage se démocratise, selon Tommaso Meldolesi, chercheur en littérature: « progressivement, à partir de la seconde moitié du XIXe siècle, la machine à vapeur et le monde du rail entrent dans la vie quotidienne »51 . Le voyage en train permet aux usagers de se déplacer plus facilement: « les gens utilisent le rail, de plus en plus fréquemment, pour se déplacer pour diverses raisons »52. Ces individus découvrent alors de nouveaux horizons. Cet essor, est une opportunité pour les architectes et ingénieurs. En effet, la construction de gares et d’ouvrages d’art devient primordiale.

1.2. Les premières gares

À la suite de ce mouvement en pleine croissance envers cette nouvelle dynamique ferroviaire, la construction de gares et d’infrastructures est nécessaire pour permettre leurs développements. Les ingénieurs s’attellent à l’élaboration et la création des chemins de fer, cela permet de faire évoluer la profession, selon Karen Bowie, historienne de l’art: « la création du réseau de chemin ferré contribue par ailleurs à l’émergence du nouveau type plus « libéral » de l’ingénieur civil, concurrent souvent encore plus direct de l’architecte »53. Les architectes voulant aussi profiter de cet élan, souhaitent penser les bâtiments accueillant les chemins de fer et les voyageurs. En effet, ces gares et infrastructures sont importantes car elles représentent fièrement l’essor industriel ainsi que les villes qui les accueillent. Jean Jacques Terrin, architecte et auteur, souligne que:

49 http://mediarail.be/Materielroulant/Histoiloco.htm, Petite histoire de locomotive, consultable sur le site: http://mediarail.be/index.htm, mise en ligne: inconnue, consulté le 25 janvier 2021. 50 Ibid 51 Meldolesi (Tommaso), « Le chemin de fer entre XIXe et XXe siècle : manifestations de l’inquiétude se penchant vers la folie pendant le voyage en train et à la gare », Conserveries mémorielles, 2015. 52 Ibid 53 Bowie (Karen), « L’impact de l’essor du chemin de fer sur la profession architecturale en France au XIXe siècle », dans: Bowie (Karen), Lambert (Michèle), Polino (Marie-Noëlle), Revue d’histoire des chemins de fer: Les chemins de fer dans la ville, Paris, 1991, p.35.

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« les gares ont été des monuments de la ville industrielle »54. Les nouvelles techniques de construction au XIXe siècle grâce à la révolution industrielle, ainsi qu’au XXe siècle permettent de nouvelles architectures avec de nouveaux matériaux. La profession d’architecte prend de plus en plus d’ampleur, Karen Bowie dit que « le recours aux architectes est en fait inévitable »55 pour la construction ferroviaire. C’est à la moitié du XIXe siècle qu’un projet de gare naît. Cette gare a pour programme de stationnement de chemin de fer mais aussi: « halles couvertes, magasins pour marchandises, écuries »56 le tout doit être construit en métal, nouveau matériau de l’époque, avec une façade marquant l’entrée de la gare. La gare a alors trois fonctions: accueillir les trains arrivant à quai, vendre la marchandise acheminée et accueillir les voyageurs. Ces usages sont aujourd’hui essentiels dans le programme d’une gare. Les gares sont alors des lieux de passage, entre voyageurs et marchandise. Antoine Picon, ingénieur et architecte, définit les gares comme tenant « à la fois du palais et du lieu de transit »57. Pour l’époque le programme qu’imposent les gares est complexe: « les ingénieurs habitués à traiter des programmes beaucoup plus simples »58. Le programme qu’impose cette architecture est nouveau, il faut alors tout inventer. La construction de la gare du nord à Paris début en 1846, lorsque Léonce Reynaud, architecte et ingénieur se doit de réaliser une embarcadère parisienne59. La plan de la gare qu’établit cet architecte suit le programme de la gare initiale, cependant, la gare du Nord se distingue. Antoine Picon décrit le plan: « L’entrée et la sortie des voyageurs s’effectuent de chaque côté de la façade principale derrière laquelle s’étend un vestibule qui distribue les différentes salles d’attente. Celles-ci permettent de répartir les voyageurs en fonction de leurs destinations en évitant tout mouvement de foule »60 Ici, on retrouve la fonction d’accueillir les voyageurs, un espace leur est dédié. De plus, la gestion des flux ici est intéressante car elle montre que la répartition des espaces et des usages a été pensée. Ces salles d’attente qu’évoque Antoine Picon permettent d’accéder à une grande halle avec des 54 Terrin (Jean Jacques), « Gares TGV, Projets et stratégies urbaines » Dans Terrin (Jean Jacques), Gares et dynamiques urbaines: les enjeux de la grande vitesses, Paris, Parenthèses, 2011, p.10 55 Ibid. Bowie (Karen), « L’impact de l’essor du chemin de fer sur la profession architecturale en France au XIXe siècle », Op. Cit. 56 Ibid 57 Picon (Antoine), « Apprendre à concevoir les gares: L’enseingment de Léonce Reynaud », Dans: Bowie (Karen), Lambert (Michèle), Polino (Marie-Noëlle), Revue d’histoire des chemins de fer: Les chemins de fer dans la ville, Paris, 1991, p.51 à 63 58 Ibid. p.51 59 Ibid. p.52 60 Ibid. p.54

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colonnes en fonte. Cette construction démantelée en 1860 fut recomposée par l’architecte ingénieur Jacques Hittorff qui bâtit l’actuelle gare du Nord à Paris. La construction établie par Léonce Reynaud est un marqueur de l’histoire des gares. Le plan mêlant les flux voyageurs et ferroviaire montre l’importance de la réflexion. Antoine Picon ajoute que « l’embarcadère de Reynaud marque une étape importante dans la réflexion des ingénieurs sur les programmes des gares de chemins de fer »61. Léonce Reynaud devient alors un précurseur dans la construction des gares, elles se construisent, à travers le temps, en fonction de ce plan. De plus en plus de gares se construisent et l’architecture de celles-ci participe à la dynamique de nos villes.

1.3. L’impact des gares sur nos villes

Les gares depuis le XIXe siècle s’implantent sur notre territoire. Leur architecture marquante offre un bouleversement de la ville. En effet, une gare, comme évoquée précédemment, doit accueillir le réseau de chemin de fer, les voyageurs ainsi que les marchandises. Pour permettre cette réalisation, la ville se voit modifier son urbanisme. La gare bénéficie d’un positionnement spécifique, considéré comme l’un des éléments majeurs qui permet le dynamisme de la ville. Celle-ci se situe, en général proche du centreville. Philippe Menerault et Alain barré, soulignent que « l’emplacement initial a souvent été choisi en position périphérique par rapport à l’extension urbaine du moment »62. La stratégie de positionnement urbain montre alors l’importance de la gare pour la ville, c’est comme une « extension du centre imaginée en fonction de la position de la gare »63. Les villes profitent alors de cette dynamique, pour accueillir les voyageurs et usagers dans les centrevilles. Les personnes empruntant ces trains voyagent d’une ville à une autre en très peu de temps. Cette population en mouvement est plus qu’importante pour les villes car elle consomme et fait vivre les commerces et hôtels à proximité. Ces gares, considérées comme des « connecteurs urbains »64, font bondir l’attrait des villes. Jean Jacques Terrin dit: « Tout au long de la deuxième partie du XIXe et du début du XXe siècle, la gare a été le symbole urbain d’une société en mouvement, du changement et de la croissance »65 61 Ibid. Picon (Antoine), « Apprendre à concevoir les gares: L’enseingment de Léonce Reynaud », Op. Cit, p.54 62 Ibid. Menerault (Philippe), Barré (Alain), Gares et quartiers de gares: Signes et marges: Lille, Rennes et expériences internationales (Italie, Japon, Pays-bas), Op. Cit. 63 Ibid. p.22 64 Ibid. Terrin (Jean Jacques), « Gares TGV, Projets et stratégies urbaines » , Op. Cit. p.15. 65 Ibid

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Aujourd’hui, ce dynamisme est toujours présent, cependant les échelles sont différentes. En effet, les villes ayant bénéficié depuis deux siècles d’un rayonnement régional, voire national, grâce au réseau ferroviaire, voient leur physionomie modifiée et changer d’échelle. L’international devient de plus en plus accessible grâce à l’élaboration des trains à grandes vitesses de la SNCF. En effet, il est aujourd’hui possible de relier Paris et Amsterdam, Lille et Londres ou encore Lyon et Genève, en très peu de temps. Ce nouveau rayonnement à l’échelle internationale révolutionne les échanges. Les gares deviennent alors des pôles stratégiques permettant la liaison entre différents pays. Jean Jacques Terrin parle de « nouvelles centralités » qui se développent selon quatre échelles: « internationale et interrégionale, régionale, métropolitaine, urbaine »66. Les villes vivent un tremplin, une opportunité qui offre de nouvelles possibilités. Ce phénomène induit une augmentation des voyageurs nationaux et internationaux ce qui rend les villes, accessibles, attrayantes et donc s’agrandissent. En effet, économiquement, ces liaisons à différentes échelles permettent un essor et donnent l’envie d’un développement urbain. L’image de la ville doit changer pour accueillir encore plus de monde. La gare est alors comme un « catalyseur de projets de développement »67. Étant initialement un simple lieu de déplacement, elle devient essentielle à la création de l’identité de la ville, souligne Jean Jacques Terrin. En effet, tout s’articule autour d’elle, Pierre Sansot, anthropologue et sociologue, ajoute: « La ville est ainsi constituée que les passages d’autobus, les plaques de rues, l’inclinaison des trottoirs, la plantation des arbres sont disposés en fonction de quelques points névralgiques comme la véritable sortie des voyageurs »68. La gare devient alors un emblème pour une ville, les individus s’orientent en fonction de celle-ci, Etienne Trigaud, souligne: « La gare entend non seulement figurer parmi les grands monuments de la ville »69. Au XIXe siècle, on continue alors d’avoir un essor des villes grâce au réseau ferroviaire. Si on prend l’exemple de Lille, au coeur de notre l’étude, c’est une métropole située dans le nord de la France à la frontière avec la Belgique. Lille n’a fait que s’étendre, elle est aujourd’hui devenue une métropole. La gare Lille Flandres, une gare régionale et nationale, est accompagnée depuis 1994 d’une gare nationale et internationale: Lille Europe. Cette construction a entraîné la naissance d’un nouveau quartier d’affaire dit: « Euralille ». La création de ce quartier, est considérée aujourd’hui comme un emblème majeur de Lille, Francis Ampe, politicien, souligne qu’Euralille « fait figure 66 67 68 69

Ibid. Terrin (Jean Jacques), « Gares TGV, Projets et stratégies urbaines » , Op. Cit. p.15. Ibid. p.17 Sansot (Pierre), Poétique de la ville, Paris, KLINCKSIECK, 1994. Ibid. Trigaud (Etienne), « Le renouveau des gares », Op. Cit. p.162.

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de symbole, voire d’oeuvre d’art pour certains »70. Depuis, Lille n’a fait qu’accroître son centre-ville. Ce nouveau quartier, participe fortement à l’attraction économique de la ville. Le journal Voyages d’Affaires, souligne qu’« Euralille cristallise les flux business, bien aidé par la présence sur son territoire de deux portes d’entrée - les gares Lille Flandres et Lille Europe »71. « Ces portes d’entrées » influencent et modifient l’urbanisme des villes. Nous allons alors tenter de comprendre les intérêts et l’importance de ce nouveau quartier qui influence les dynamiques lilloises. 2. L’architecture des gares Lille Flandres et Lille Europe Lille est une métropole aujourd’hui influente en France. En effet, ses liaisons nationales et internationales ont rendu la ville attrayante économiquement et socialement. Nous allons alors tenter de comprendre comment ces liaisons, engendrées par les gares Lille Flandres et Lille Europe, peuvent influencer les dynamiques de Lille.

2.1. Le quartier Euralille

Le quartier Euralille s’inscrit dans la liaison entre l’emblématique Grand’Place, le Vieux Lille et les quartiers périphériques: Caulier, Fives et La Madeleine comme on peut le remarquer sur la figure n°6 (p.37). Celui-ci permet donc la jonction entre le centre-ville, où les activités sont importantes et la périphérie: des quartiers autrefois délaissés, parsemés d’industries et de maisons ouvrières. Euralille ainsi que la création de la gare Lille Europe en 1994 marquent « une volonté de rupture (...) changer de nom, de siècle, changer de vison, changer d’économie »72 souligne Francis Ampe. On le remarque avec l’intégration de ces quartiers périphériques au coeur de la ville. Depuis la création d’Euralille, la ville de Lille a une nouvelle image, comme on peut le remarquer sur la figure n°7. Comme évoqué précédemment, Euralille « fait figure de symbole »73. Ce projet réalisé à la fin du XXe siècle, par le célèbre architecte Rem Koolhaas, se distingue par son architecture. Cette commande du Premier ministre et maire de Lille, Pierre Mauroy a permis un tremplin économique et architectural. Ce projet avait pour but de développer Lille à l’international. L’apport du TGV Nord-Europe a été un point majeur dans 70 Ampe (Francis), « Lille: gare Euralille », Dans: Terrin (Jean Jacques), Gares et dynamiques urbaines: les enjeux de la grandes vitesse, Paris, Parenthèses, 2011, p.52. 71 https://www.voyages-d-affaires.com/lille-euralille-capitale-20201006.html, Lille -Euralille: une nouvelle dimension capitale, Florian Guillemin, consultable sur le site: https://www.voyages-daffaires.com, mise en ligne le 6 octobre 2020, consulté le 2 février 2021. 72 Ibid. Ampe (Francis), « Lille: gare Euralille », p.52 73 Ibid

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la stratégie de ce projet d’envergure, ajoute Francis Ampe. La construction de cette gare accueillant essentiellement des TGV était souhaitée, par Pierre Mauroy, en pleine agglomération74. Cependant, cette volonté représentait un sur-coût qu’il a fallu combler par la création d’un secteur tertiaire. La gare Lille Europe naît alors à 500 mètres de la gare Lille Flandres et un nouveau quartier d’affaires s’articulent autour de la gare TGV75. Ce projet marque un contraste fort imposant une rupture avec le contexte urbain orignal. On retrouve des matériaux, tel que le béton brut, ainsi que des formes: de hautes tours, des bâtiments linéaires, qu’on ne retrouve pas dans le contexte lillois. Cependant, comme évoqué précédemment, cette rupture architecturale ne se retrouve pas dans le territoire, la volonté première était de créer une continuité avec le tissu urbain du centre-ville, évoque Francis Ampe76. On retrouve une continuité par le programme: des centres commerciaux, des écoles et habitations... Ce quartier s’articule alors autour de deux gares emblématiques: Lille Europe et Lille Flandres qui permettent une liaison nationale et internationale. Ces deux gares pourtant très proches, ont un rôle différent. L’architecture et la programmation de celles-ci montrent leur différence.

Figure n°7: La voix du Nord, Euralille, photographie, Lille, 2016

74 75 76

Ibid. Ampe (Francis), « Lille: gare Euralille », p.53 Ibid Ibid. p.55

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La madeleine

Le vieux-Lille

Euralille Gr an d’ P lac e

Caulier, Fives

Figure n°6: Bouloy (Lucie), Le quartier Euralille, plan - échelle 1:10 000 (2021)

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2.2. Lille Flandres, une gare terminus

L’architecture de la gare Lille Flandres a connu beaucoup de changements à travers les années. En effet, pensée en 1847 comme un embarcadère, l’importance de celle-ci grandit et l’architecture de la gare s’émancipe. En 1864, l’utilisation fréquente des réseaux de chemins de fer invite les concepteurs à imaginer une gare à la hauteur de la fréquentation qui ne fait qu’accroître. Marie Josèphe Lussien-Maisonneuve, maître de conférence de l’histoire de l’art, évoque la volonté de créer une gare « monumentale d’avant-garde »77 pour la ville de Lille. Une première bâtisse dressant « une façade néo-classique » apparaît. Cependant, un « défaut d’articulation »78 invite les architectes et ingénieurs à repenser l’ensemble. La récupération de l’ancienne façade de la gare du Nord à Paris a permis à la gare Lille Flandres d’établir l’actuel bâtiment. Sur la façade, on retrouve une harmonie entre les proportions et les décorations. La construction de la halle des voyageurs se fait plus tard en 189279 afin d’accueillir les utilisateurs. Cette halle en structure métallique, présente aujourd’hui, s’ouvre sur l’ensemble de la gare et permet de relier l’arrivé à quai des voyageurs, à la ville. Cet espace architectural forme une gare terminus pour la ville de Lille. Selon Philippe Menerault et Alain Barré80 une gare terminus à un effet de coupure en terme de trafic et de nuisances sonores c’est ainsi que ce type de gare se positionne au coeur des villes. Celle-ci s’intègre à Lille et dessert les voyageurs dans l’hypercentre de Lille. Le positionnement géographique et urbain de cette gare montre son intégration à la ville. En effet, Philippe Menerault et Alain Barré parlent d’une gare terminus dans le centre-ville qui « se surimpose au tissu urbain préexistant » avec à la fin du XIXe siècle, « un noyau qui s’est greffé sur le centre traditionnel, conduisant à concevoir l’extension de ce dernier en fonction de la gare »81. On remarque que la gare Lille Flandres marque son territoire et impose son empreinte dans la ville. Le plan en figure n°8 ainsi que les photos n°9, 10 et 11, montrent les 3 sorties principales: la première sur la rue de tournai, proche du Zénith de Lille, la deuxième sur la place des Buisses: une place ouverte sur le centre économique de Lille, Euralille. Enfin, la troisième photo montre la sortie principale de la gare qui s’ouvre sur la rue Faidherbe et donc la Grand’Place, une place très touristique. La gare terminus se situe alors en plein centre et offre à ses usagers des accès ouverts directement sur le centre ville. Comme 77 Lussien-Maisonneuve (Marie-Josèphe), Du débarcadère à la gare: l’exemple de Lille. Mises au point et réflexion, Lille, Revue du nord, n°245, 1980, p.459. 78 Ibid. p.462 79 Ibid. p.468 80 Ibid. Menerault (Philippe), Barré (Alain), Gares et quartiers de gares: Signes et marges Lille Rennes et expériences internationales, Op. Cit. p.19. 81 Ibid. p.19

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Place des Buisses

ur n de T o Rue

Hall d’accueil

ces Commer

Commerces

Commerces

ai

Place de la Gare

Hall d’arrivée et de départ

Commerces Commerces Hall annexe

Figure n°8: Bouloy (Lucie), Les sorties de la gare Lille Flandres, plan de la gare - échelle 1:2000, Lille, 2021

Figure n°9: Bouloy (Lucie), Sortie rue de Tournai - Photographie, Lille, 2021

Figure n°10: Bouloy (Lucie), Sortie sur la Place de la GarePhotographie, Lille, 2021

Figure n°11: Bouloy (Lucie), Sortie la Place des Buisses Photographie, Lille, 2021

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nous pouvons l’observer sur le plan en figure n°8, la gare Lille Flandres possède un hall d’accueil à l’entrée place de la Gare, les voyageurs y ont la possibilité d’attendre un train ou bien consommer dans les commerces présents. Ensuite, un hall d’arrivée et de départ permet aux voyageurs l’accès aux différents quais. Un hall annexe, accessible depuis la place des Buisses est également présent pour permettre l’accès aux quais. Enfin, on remarque la forte présence de commerces au sein de cette gare. La gare Lille Europe, située à moins de 500 mètres, s’impose différemment dans le territoire. En effet, de part sa dénomination de gare de « passage », celle-ci s’expérimente autrement. 2.3. Lille Europe, une gare de passage Lille Europe, une gare édifiée en 1994 par l’architecte Rem Koolhaas, s’implante à l’entrée de Lille. Située à l’embouchure du quartier Saint MauricePellevoisin et Euralille, ce lieu de rencontre qu’est la gare se définit par une architecture nouvelle. En effet, comme évoqué précédemment, le béton brut et le verre sont les principaux matériaux pour cet édifice. Le bâtiment est de forme longitudinale sur deux niveaux, horizontal et suit le boulevard périphérique lillois comme on peut le voir sur le plan (figure n°12). La gare Lille Europe dispose de deux hall d’arrivée et de départ, un principal et un pour la liaison avec les TGV partant en Angleterre. Une zone d’attente est présente tout le long des quais. Enfin, quelques commerces sont présents. La construction ici a été imaginée selon Francis Ampe « comme un hub »82. Au contraire de la gare Lille Flandres, imaginé comme un bâtiment en bout de ligne, Lille Europe se démarque par son aspect « gare de passage » qui permet le voyage à l’international. L’échelle d’action de cette gare et de son impact sur le territoire est plus importante. En effet, on remarque que « le nombre de voyageurs passant par Lille est ainsi multiplié par cinquante »83. Ces deux gares en relation avec le quartier Euralille, permettent d’apporter une attractivité à toutes échelles (régionale, nationale et internationale). Cependant, comme l’évoque Philippe Menerault, Alain Barré une « gare de terminus et gare de passage n’ont pas le même impact sur le tissu urbain »84. Si on fait le même exercice photographique, Lille Europe s’ouvre différemment sur le territoire: Sur la figure n°13, on remarque un accès sur la place Mitterrand ainsi qu’à 82 Ibid. Ampe (Francis), « Lille: gare Euralille », p.59 83 Ibid 84 bid. Menerault (Philippe), Barré (Alain), Gares et quartiers de gares: Signes et marges: Lille, Rennes et expériences internationales (Italie, Japon, Pays-bas), Op. Cit.p.23

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Zone d’attente

Place François Mitterrand

Hall d’arrivée et de départ

Boulevard de Turin

Hall d’arrivée et de départ

Quais

Commerces

Hall d’accueil

Figure n°12: Bouloy (Lucie), La gare Lille Europe, plan de la gare échelle 1:2000, Lille, 2021

Figure n°14: Bouloy (Lucie), Entrée depuis le boulevard de Turin - Photographie, Lille, 2021

Figure n°13: Bouloy (Lucie), Entrée de la gare Lille Europe sur la place François Mitterrand - Photographie, Lille, 2021

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Euralille, puis vers le centre ville. La figure suivante n°14 montre elle un accès avec une circulation motorisée sur le boulevard de Turin, qui permet de relier Lille à la voie express M652 puis à l’autoroute. Ces deux infrastructures de taille, influencent les dynamiques urbaines, sociales et économiques de Lille. La présence de ces gares sur notre territoire, permet un échange multimodale et bien plus encore. Cependant, malgré cet impact important, les gares Lille Flandres et Lille Europe, ne sont pas que positives pour la ville de Lille et sa société. 3. L’impact de ces deux gares emblématiques sur la société lilloise Ces changements et ces étalements urbains ont des conséquences, certes, sur le territoire mais surtout sur les individus. La ville change d’aspect, se diversifie, l’être humain lui se retrouve dans un territoire de plus en plus hors d’échelle.

lilloise?

3.1. Euralille et ses gares, en connexion avec la métropole

La ville, un lieu d’échange et de diversité, n’a fait qu’évoluer à travers le temps. L’arrivée du réseau ferroviaire dans son coeur, a permis son étalement urbain et sa montée en puissance. La gare, perçue comment un monument similaire à l’hôtel de ville, entretien une relation forte avec la ville. Cependant, malgré l’essor du territoire et de l’économie, cette relation apporte de nouvelles interactions dans la société. Les villes accueillent de plus en plus d’individus venant de régions ou pays différents, de nouveaux usages apparaissent. Lille, dotée des gares Lille Flandres et Lille Europe, est un bon exemple pour évoquer cet impact urbain et social. La création du quartier Euralille, est considérée aujourd’hui comme un emblème majeur de Lille. Les dimensions et échelles au sein de ce quartier sont démesurées par rapport au reste de Lille. En effet, l’architecture verticale qui surplombe la ville, les voyageurs venant de tout horizon, forment un concentré de facteurs qui ont un impact sur la société lilloise. Une enquête réalisée par Philippe Menerault et Alain L’Hostis en 2000, auprès de 900 personnes interviewés, appelé « Mobilité et pratiques du secteur des gares et du centreville à Lille »85, nous montre une analyse du quotidien des individus vivant en intra ou extra muros. On remarque la localisation de 4 aires de résidences des personnes interrogées: « Hors communauté urbaine de Lille. Lille intra85 Ibid. Menerault (Philippe), Barré (Alain), Gares et quartiers de gares: Signes et marges: Lille, Rennes et expériences internationales (Italie, Japon, Pays-bas), Op. Cit.p.45

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Figure n°15: Menerault (Philippe), L’hostis (Alain). 2000, «Centralité et lieu de résidence des enquêtés» plan du centre-ville de Lille. In Gares et quartiers de gares: Signes et marges - Lille Rennes et expériences internationales, Villeneuve d’ascq, INRETS, « Les collections de l’INRETS », 2001, p.46.

Figure n°16: Menerault (Philippe), L’hostis (Alain). 2000, «Centralité et lieu de résidence des enquêtés» plan du centre-ville de Lille. In Gares et quartiers de gares: Signes et marges - Lille Rennes et expériences internationales, Villeneuve d’ascq, INRETS, « Les collections de l’INRETS », 2001, p.46.

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muros. Communauté urbaine hors Lille. Lille extra-muros», Euralille, se différencie de ces aires. On aperçoit sur cette figure n°15, que les personnes vivant dans les lieux de résidence Intra et Extra muros sont faiblement représentées dans le quartier Euralille. Hors, la volonté première d’Euralille était de créer un cheminement continu, ici on remarque que ça ne fonctionne pas. Philippe Menerault et Alain L’Hostis ajoutent que « près de la gare de Lille Flandres, si on enregistre une forte présence de non Lillois (...) elle est toutefois moins marquée qu’au sortir d’Euralille, ce qui tend bien à associer la gare terminus au secteur du centre »86. À travers cette analyse, on en déduit que la gare Lille Flandres est plus intégrée à la ville en terme d’individus, car on retrouve tout type d’usagers à l’inverse d’Euralille. La suite de l’enquête montre la centralité, les modes et motifs des déplacements. Dans un premier temps, le transport collectif pour la gare Lille Flandres et Lille Europe est prépondérant, à l’inverse, on remarque que la marche à pied et l’utilisation de la voiture sont plus importantes dans le reste de la ville comme on peut le remarquer sur les figures 17 et 18. En ce qui concerne les motifs de déplacement, « le travail, les achats et les loisirs »87 sont les plus courants. Euralille se démarque encore une fois: le motif d’achat est sur-représenté mais peu de loisirs et promenades qui apparaissent eux, en évidence dans le quartier du Vieux-Lille par exemple. En terme d’appréciation de la qualité de vie en ville, l’enquête réalisée en 2000 montre que l’opinion des enquêtés sur la qualité de vie à Lille n’est pas homogène. On remarque que le quartier Euralille, est sous-représenté en terme d’opinion positive chez les enquêtés. Les gares Lille Europe et Lille Flandres se trouvent dans ce quartier. À proximité de celles-ci, la rue Faidherbe par exemple, représente une opinion positive sur-représentée, on l’orbserve sur la figure n°16. Cela montre que les gares s’intègrent difficilement à son contexte en terme d’appréciation de la qualité de vie. À travers cette enquête menée sur plus de 900 personnes par Philippe Menerault et Alain L’hostis, on peut en déduire la complexité de la zone Euralille et ses gares. En effet, la faible relation avec le centre-ville et ses alentours se fait sentir: en terme d’appréciation de qualité de vie, de lien entre les habitants ou visiteurs et en terme de modalité. Ce quartier apparaît comme une sorte d’entité qui peine à se lier avec Lille et ses agglomérations. Les relations entre les différentes échelles, régionales, nationales et internationales, s’opèrent difficilement avec la ville. Le quartier Euralille et ses gares, sont-ils simplement des lieux de transit et de consommation? Pourquoi ces espaces publics sont vécus de manière négative? 86 Ibid. Menerault (Philippe), Barré (Alain), Gares et quartiers de gares: Signes et marges: Lille, Rennes et expériences internationales (Italie, Japon, Pays-bas), Op. Cit.p.48 87 Ibid

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Figure n°17: Bouloy (Lucie), Les flux de la gare Lille Europe, plan échelle 1:2000, Lille, 2021

Figure n°18: Bouloy (Lucie), Les flux de la gare Lille Flandres, plan - échelle 1:2000, Lille, 2021

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3.2. Les problématiques de la gare Lille Flandres La gare Lille Flandres connaît une croissance importante des flux. Cependant, sa situation urbaine et son positionnement au coeur du centreville ne lui permet pas d’accroître ses services. La mauvaise gestion de cette affluence se fait sentir au sein de la gare: Philippe Menerault décrit que « plusieurs éléments témoignent aujourd’hui de la difficulté de gestion des flux dans la gare Lille-Flandres »88. Lille Flandres accueille quotidiennement selon Philippe Menerault, en 1999, plus de « 45 000 voyageurs dans ses TER et plus de 70 000 avec la fréquentation du TGV Paris-Lille »89. En 2019, près de 31 500 000 voyageurs et non-voyageurs traversent la gare90. Ces flux marquent « la saturation de la gare Lille Flandres »91. Cependant, comme évoqué précédemment, les fréquentations ne sont pas que liés aux trains: « le contact avec des circulations urbaines de plus en plus présentes »92. En effet, la gare Lille Flandres, permet le transit entre le quartier Euralille, la Grand’Place et le Vieux-Lille, de plus, elle englobe des commerces et des services non liés qu’aux voyageurs. Philippe Menerault ajoute que « le couple mobilité/sédentarité qui réunit le « lieu-mouvement » du voyageur et le « lieu abri » des personnes qui n’en ont pas d’autres »93. L’espace public de la gare Lille Flandres est alors une concentration de flux divers et variés. Tout type d’affluences s’entremêle. Les flux sont comme « congestionnés » et l’espace d’accueil au sein de la gare n’est donc plus suffisant. Lors de mon travail de recherche j’ai souhaité réaliser des enregistrements audios (En annexe)94 de mes allées et venus au sein de la gare Lille Flandres. Ces enregistrements sont des matériaux exploratoires me permettant de décrire ce que je vois et ce que j’analyse sur la situation. À la suite de la crise sanitaire de la Covid 19, ces enregistrements sont restreints. Les propos qu’établit Philippe Menerault sur les difficultés de gestion d’accueil des utilisateurs de la gare Lille Flandres, sont similaires à ce que j’ai pu observer sur le terrain. En me mettant en situation, en tant que voyageuse, consommatrice ou simplement rejoindre un autre espace public, mon oeil a pu déterminer les problématiques au sein de la gare Lille Flandres. 88 Ibid. Menerault (Philippe), Barré (Alain), Gares et quartiers de gares: Signes et marges: Lille, Rennes et expériences internationales (Italie, Japon, Pays-bas), Op. Cit.p.45 89 Ibid. p.74 90 https://urlz.fr/fcm6, Fréquentation en gare, consultable sur le site: https://ressources.data. sncf.com/pages/accueil/, mise en ligne: 2019, consulté le 21 mars 2021. 91 Ibid. Menerault (Philippe), Barré (Alain), p.75 92 Ibid. 93 Ibid 94 Note audio disponible en annexe à partir de la page 48

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En observant, j’ai rencontré tout types d’affluences: une personne qui répare son vélo autour d’individus qui se pressent pour prendre un train, des personnes sans domicile fixe dormant au milieu d’individus achetant une pâtisserie. Ces situations hors du commun sont propres à la gare Lille Flandres. Les flux sont ici complexes à maîtriser car cet espace public offre diverses activités. Les individus doivent faire face à cette congestion de flux divers et variés, où la liaison est problématique à mettre en place. Il est alors difficile d’apprécier et d’émettre un avis positif sur la qualité de vie au sein de la gare Lille Flandres. Le bruit, les bousculades, les interpellations et la rapidité des déplacements, sont aujourd’hui des sensations habituelles pour les individus et notamment les individus appartenant au genre féminin, dans cet espace public. Cette difficulté d’accueillir autant de flux dans un seul et même espace se retrouve-t-elle à la gare Lille Europe? Pourtant à 500 mètres de distances, ces deux gares sont encore une fois différentes sur l’aspect de la gestion des flux. Lille Europe subit également ses propres problématiques dus à son implantation et son architecture, qui peuvent être néfaste pour les individus et plus précisément le genre féminin.

3.3. Les problématiques de la gare Lille Europe

La gare Lille Europe, un « hub » au centre de Lille, est un lieu de rencontre différent de Lille Flandres. De par son échelle d’action nationale et internationale, la gare n’accueille pas les mêmes affluences. En effet, son positionnement urbain à la frontière Lilloise et les fonctions qui s’y développent, permettent de définir la gare Lille Europe différemment. Cette gare TGV accueille des voyageurs de tout horizon, les commerces à l’intérieur fonctionnent essentiellement grâce aux voyageurs, contrairement à la gare Lille Flandres. Les espaces d’attentes y sont plus nombreux. L’architecture horizontale, longitudinale et en strate, permet une lecture des flux plus efficace. Le bâtiment est divisé en 3 niveaux: les deux premiers servant à l’accueil des voyageurs et le dernier aux quais. Les flux ne s’entremêlent pas comme à Lille Flandres. En effet, à travers les enregistrements audios que j’ai pu réaliser lors de mes visites, j’ai constaté une atmosphère différente. L’architecture de ce lieu permet une gestion de flux plus réussi. De plus, les fonctions que propose la gare Lille Europe, c’est-à-dire: prendre un train ou sortir du train, réduit les possibles diverses affluences que l’on peut rencontrer à la gare Lille Flandres. En me mettant dans la peau d’un voyageur, j’ai ressenti la sensation d’être entourée d’individus ayant tous le même but: voyager. Chaque personne présente dans la gare était focalisée

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sur les divers panneaux d’affichage. Lorsque que je suis rentrée dans la gare Lille Europe pour réaliser un enregistrement audio, une atmosphère se met en place: autour de ces voyageurs, le bâtiment induit une ambiance qui ne donne pas envie aux visiteurs de rester. En effet, l’architecture du bâtiment où le béton est le principal matériau induit une atmosphère sombre et froide. De plus, des courants d’air sont présents tout au long de la journée ce qui n’invite pas le voyageur à rester. Les problématiques rencontrées montrent que ces deux gares s’opposent. La gare Lille Flandres accueille des fonctions diverses qui engendrent une congestion des flux alors que la gare Lille Europe n’invite pas le voyageur à s’éterniser. Ces deux espaces publics permettant premièrement le transport, sont aujourd’hui bien plus que cela. Leur fonction initiale s’est élargie à travers le temps et l’évolution de notre société. Ces deux gares pourtant si différentes sont vécues généralement de manière négative, que ce soit par l’architecture des lieux, l’ambiance qui s’y déploie ou les fréquentations. Le travail d’enregistrement audio m’a été utile, à comprendre les ambiances de ces lieux, comment ceux-ci sont fréquentés et comment l’architecture de ces espaces publics peut engendrer un malaise pour les individus appartenant au genre féminin. Pour appuyer mon analyse, des témoignages ont été recueillis auprès des utilisateurs de ces gares pour comprendre leurs points de vue sur ces espaces publics. La compréhension de l’arrivée des gares sur notre territoire et l’impact de celles-ci sur nos villes est primordiale pour aborder au mieux la question du vécu du genre féminin au sein de ces espaces publics. À travers les problématiques des gares Lille Flandres et Lille Europe, soulevées ci-dessus, nous allons tenter de comprendre comment les individus appartenant au genre féminin vivent ces espaces publics et comment le sentiment d’insécurité est induit.

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II/ Le vécu du genre féminin au sein de ces deux gares

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1. Le genre féminin au sein de ces architectures urbaines imposantes Les gare Lille Flandres et Lille Europe, s’implantent dans un territoire Lillois en constante évolution. Les politiques urbaines Lilloises visent à s’accroître davantage. La société évolue alors en fonction de cette croissance exponentielle. Comme évoqué précédemment, les gares ont un impact considérable sur le territoire. Leur échelle d’action dépasse la métropole Lilloise. Ce qui nous intéresse dans ce travail de recherche, est de comprendre les comportements qui se développent dans ces architectures emblématiques pour la ville de Lille. En effet, de part leur architecture et l’urbanisme de ces édifices, nous avons remarqué certaines problématiques qui sont susceptibles d’engendrer des comportements négatifs au sein de ces deux gares. Le mélange des flux et des groupes sociaux, une matérialité froide, une atmosphère sombre, sont des facteurs nuisibles pour les genres et notamment pour les individus appartenant au genre féminin, genre qui nous intéresse ici dans ce travail de recherche.

1.1. Le sentiment d’insécurité vécu par le genre

Le sentiment d’insécurité, défini en introduction par Jean François Augoyard et Martine Leroux95, montre un risque potentiel induit par des objets, cela peut être un être-humain ou même une architecture, qui sont menaçants et provoquent une anxiété chez le genre. Ce terme permet de mettre en exergue les problématiques rencontrées par les individus du genre féminin au sein d’espaces publics. Selon Marylène Lieber, sociologue, ce sentiment d’insécurité provoqué dans les espaces publics chez le genre féminin, est pour les politiques une évidence, pour eux: « cette question serait le reflet d’une « vulnérabilité » plus grande des femmes, une faiblesse soit disant naturelle »96. C’est ainsi qu’une normalité s’est formée autour de cette insécurité féminine dans l’espace public. Comme évoqué précédemment, cette peur de l’extérieur engendre un déplacement dans l’espace réduit pour ce genre. Le rappel de la vulnérabilité « explique les peurs ressenties » en dehors du chez soi, qui montre leur impuissance « face aux hommes et aux violences sexuelles »97. Les femmes établissent alors un langage de « précautions » utile à chacun de 95 Ibid, Augoyard (Jean François), Leroux (Martine), Les facteurs sensoriels du sentiment d’insécurité, Op.Cit, p.23.51. 96 Lieber (Marylène), « Le sentiment d’insécurité au prisme du genre, repenser la vulnérabilité des femmes dans les espaces publics », Métropolitiques, n°5, décembre 2011. 97 Ibid

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leur déplacement. La « peur », un ressenti assimilé au sentiment d’insécurité « est considéré comme naturelle » selon Marylène Lieber. Ces précautions sont diverses: être prudente, être sur ses gardes et surveiller du regard ses alentours. Ces actions que le genre féminin pratique systématiquement font écho à mes agissements lorsque je suis seule dans un espace public, tel que la gare Lille Flandres ou Lille Europe. Même si la peur et le sentiment d’insécurité ne sont pas systématiques à chacun de mes déplacements. Mes réflexes de précaution décrits ici par la sociologue, Marylène Lieber, me sont devenus naturels et me permettent d’être consciente de ce qui se passe autour de moi. Tout ceci devient aujourd’hui anodin pour chacune d’entre nous. Ce sentiment d’insécurité nous a permis de créer un système de « défense » pour contrer, cette soit disant, « vulnérabilité » face aux autres dans l’espace public. Le genre féminin, subi alors le « hors de chez soi ». En effet, en prenant leur autonomie, les individus féminins « sont renvoyés à leur second rôle, par les violences les plus diverses »98 selon Sylvette Denèfle. Ces agressions subies sont pour la plupart du temps, liées au rôle reproductif de la femme, les insultes et agressions, sont souvent sexuelles. Ces actions mettent alors en danger les femmes. La pratique de l’espace public devient délicate et le moindre déplacement demande un effort supplémentaire pour éviter ces dangers. Cette inquiétude du harcèlement ou de l’agression peut engendrer un sentiment qui créait le malaise du genre féminin au sein de l’espace public appelé: le sentiment d’insécurité.

1.2. Les problèmes rencontrés au sein de ces gares

Les gares Lille Flandres et Lille Europe reflètent un malaise de société. En effet de nombreux articles relatent qu’un sentiment d’insécurité est vécu dans ces espaces publics. En 2020, dans le journal Breizh-Info, Louis Moulin, journaliste, évoque « l’ensauvagement » de la ville de Lille dénoncé par Martine Aubry, maire de Lille. Cet article montre la présence du sentiment d’insécurité dans la ville, il écrit: « Les zones dangereuses sont les abords des gares Lille Flandres et Lille Europe la nuit l’insécurité déborde »99. Il ajoute: « Quand on rentre à travers le quartier de la gare, SDF plus ou moins ivres, petites bandes, voleurs à l’affût et autres individus louches sautent au yeux. Mieux vaux rester dans les rues éclairées, et être sur les gardes ailleurs »100. Cet article confirme la présence du sentiment d’insécurité dans ce quartier. De 98 Ibid, Denèfle (Sylvette), Femmes et villes, Op.Cit 99 https://www.breizh-info.com/2020/08/01/148282/lille-la-delinquance-rend-la-ville-invivable-aubry-denonce-lensauvagement/, Lille. La délinquance rend la ville invivable, Aubry dénonce « l’ensauvagement », Louis Moulin, consultable sur le site: https://www.breizh-info.com, mise en ligne le 1 août 2020, consulté le 4 avril 2021. 100 Ibid

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plus, l’article de Stella et Mona dans le journal La brique101, en 2017, montre qu’une volonté de « réduire le sentiment d’insécurité des femmes dans les transports publics et aux abords des gares de Lille » se fait sentir. Pour cela, elles évoquent les différentes étapes à suivre pour contrer ces problématiques: « Diagnostiquer les points forts et les points faibles de la gare Lille Flandres et ses abords et établir un parcours (...) changer le regard des femmes sur les transports en commun », Le responsable du pôle sureté dit alors: « on demande à ce que ce soit réaliste parce que si vous me dites: « À cet endroit-la faut mettre 8 caméras et 20 sport halogènes », ça va pas le faire »102.

Ces propos montrent la réticence face aux mesures de cet individu, responsable de la sécurité des deux gares et des transports en commun. Dans cet article, un mouvement de marche participative est proposé pour comprendre la sécurité de ces espaces publics. Ces femmes proposent alors d’ « anticiper le sentiment d’insécurité ». Lors de cette marche organisée en 2017, dans le quartier où se situent les deux gares, les participantes remarquent une forte présence des forces de l’ordre, ce qui est positif. Cependant, ces femmes ont observé que le manque d’équipement d’hygiène provoque des lieux insalubres: « dans certains recoins ça pue la pisse, les excréments et la crasse humaine (...) ça nous empêche d’accéder aux ascenseurs sereinement ». Enfin, elles ajoutent que: « Il y a des espaces vides et sombres. Et il y a ceux où trainent des personnes marginalisées où des jeunes qui tchatchent, qui zonent, qui se rencardent »103. Cette marche a alors permis aux participantes de mettre en lumière certains facteurs qui induisent le sentiment d’insécurité. Le sentiment d’insécurité est causé par des actions ou des facteurs qui sont visibles au sein des gares Lille Flandres et Lille Europe. Le sentiment d’insécurité est alors présent, nous l’observons grâce à ces nombreux écrits. Cependant, pour une observation plus approfondie du sentiment d’insécurité naissant dans ces deux gares, par des facteurs, une enquête104 interrogeant des individus appartenant à des genres et des tranches d’âge différent ainsi que des entretiens (disponibles en annexe),105 sont utiles pour comprendre les ressentis des personnes interrogées.

101 https://labrique.net/index.php/thematiques/feminismes/861-des-femmes-pour-l-excuse-securitaire, Des femmes pour l’excuse sécuritaire, Stella et Mona, consultable sur le site:https:// labrique.net/index.php , mise en ligne: le 9 mars 2017, consulté le 5 avril 2021. 102 Ibid 103 Ibid 104 Disponible en annexe à partir de la page 4

105

Disponible en annexe à partir de la page 28

54


15 - 19 ans 40 - 49 ans

8% 4% 4%

15 %

20 - 24 ans 50 -59 ans

25 - 29 ans 59 ans et plus

30 - 39 ans

2. Place à la parole: où le genre féminin ressent un sentiment d’insécurité dans ces gares? Et à l’inverse, où se sentent-elles en sécurité? 9% Le sentiment d’insécurité est présent dans les espaces publics des gares Lille Flandres et Lille Europe. Il est pour moi nécessaire d’interroger des individus pour comprendre leur réel ressenti et fréquentation de ces espaces publics. La réalisation d’une enquête diffusée sur les réseaux sociaux, la crise sanitaire de la COVID-19 m’empêchant l’accès au terrain, m’a permis d’obtenir 74 réponses d’individus de genre et d’âge différents. Cette enquête est composée de questions rapides, fermées avec certaines demandes explicatives. Celles-ci sont classées en 3 catégories: l’échantillon, la gare Lille Flandres et la gare Lille Europe. Ce questionnaire disponible en annexe, permet alors de confirmer ou de contredire les hypothèses établies précédemment. 5 Entretiens réalisés autour de 3 questions me permettent d’affiner les expériences vécues dans l’architecture de ces gares. 2.1. L’échantillon 2.1.1. Les genres L’objectif de cette enquête étant d’interroger un maximum d’individus connaissant les gares Lille Flandres et Lille Europe pour comprendre au 59la% mieux leurs expériences vécues au sein de ces architectures. Pour cela, connaissance du genre des personnes répondant à l’enquête est importante pour la suite. Sur 74 personnes ayant répondu à l’ensemble des questions, 22% d’entre elles appartiennent au genre masculin, 76% au genre féminin et 2% au genre non binaire. Ce résultat montre que le genre féminin est fortement présent dans ce sondage à l’inverse du genre masculin et autres. Cette donnée montre que les expériences qui nous serons présentées à la suite des questions, seront majoritairement féminines. Nous pouvons émettre comme hypothèse que l’enquête lancée, a plus touché le genre féminin que le genre masculin.

2%

Homme Homme

Femme Femme

Autres Juin

22 %

Figure n°19: Bouloy (Lucie), A quel genre appartenez-vous?, diagramme, Lille, 2021

76 % 55


2.1.2. Les tranches d’âge Nous observons à travers cette enquête que sur 74 personnes interrogés, 59% d’entre elles ont entre 20 et 24 ans. La deuxième catégorie est les 25-29 ans pour 15%. Le reste des tranches d’âge 15-19 ans (9%), 3039 ans (4%), 40-49 ans (4%) et 50-59 ans (8%) sont alors en minorité. Ce résultat montre que la plupart des personnes touchées sont généralement de jeunes adultes étudiants ou salariés.

15-19 15 - 19ans ans 40 - 49ans ans 40-49

20-24 20 - 24ans ans 50 -59ans ans 50-59

25 - 29ans ans 25-29 59ans ans et et plus plus 59

30 - 39ans ans 30-39

8%

9%

4% 4%

15 %

Figure n°20: Bouloy (Lucie), A quel tranche d’âge appartenez-vous?, 59 % diagramme, Lille, 2021

2.2. La gare Lille Flandres La seconde partie de l’enquête focalisée sur la gare Lille Flandres, Homme Femmeau sein Juin de cette architecture. s’oriente vers l’expérience du visiteur 2%

22 %

2.2.1. Ses fréquentations L’enquête ici nous permet de comprendre les fréquentations de la gare Lille Flandres. Sur 74 personnes interrogées, 100% ont déjà passé les portes de la gare Lille Flandres. À la question « À quelle fréquence empruntez-vous 76 % la gare Lille Flandres? » 54% d’entre elles la fréquente de temps en temps, 26% pour la catégorie « souvent », 11% pour « quotidiennement » et 9% des individus interrogés côtoient la gare Lille Flandres rarement. On observe alors qu’un large public parcourt la gare Lille Flandres de manière fréquente.

56


Rarement 15 - 19 ans 40 - 49 ans

De temps en temps 20 - 24 ans 50 -59 ans

Souvent

25 - 29 ans 59 ans et plus

Quotidiennement 30 - 39 ans

8%

9%

4% 4%

Figure n°21: Bouloy (Lucie), À quelle fréquence empruntez-vous la gare Lille Flandres?, diagramme, Lille, 2021

15 %

59 %

2.2.2. Les flux Les flux de la gare Lille Flandres sont importants. De par mon analyse personnelle, à travers les enregistrements audios que j’ai pu réaliser, Homme Femme Juin j’ai remarqué que cette gare était sur-fréquentée et qu’une congestion des 2% flux étaient présente. On peut lire: « on retrouve des groupes de personnes 22 % qui stagnent à cette entrée : certains attendent leur train, d’autres discutent, d’autres s’installent ici », « Ces travaux gênent également la circulation des voyageurs. Les voyageurs se mêlent aux ouvriers » et « Des personnes sont sur les sièges: certains attendent un train, lisent, d’autres dorment sur ces sièges. Des personnes sans domicile fixe s’assoient »106. À travers l’enquête, et la 76 % question « Quand vous empruntez les chemins de la gare Lille Flandres, quel est votre but? », 26% prennent le train, 22% prennent le métro, 18% attendent un train ou un proche, 15% traversent la gare pour rejoindre une rue ou un commerce, 7% prennent le tram ou un bus, 3% rencontrent des amis et 3% des personnes interrogées se promènent dans la gare Lille Flandres. Ces réponses confirment mon avis personnel. La gare Lille Flandres accueille des flux divers et variés.

106

Propos disponible en annexe à partir de la page 48

57


Train Train Achat Achatbillet billet Se Sepromener promener

Attendre Attendre Traverser Traverser Se Sedivertir divertir

Métro Métro Achat / Consommer Achat/consommer Travailler Travailler

Tram / Bus Tram/bus Rencontrer Rencontrer

2% 3% 3% 1% 26 % 15 %

3%

7% 18 %

22 %

Figure n°22: Bouloy (Lucie), Quand vous empruntez les chemins de la gare Lille Flandres, quel est votre but ?, diagramme, Lille, 2021

2.2.3. Temporalité

La temporalité est une notion qui joue énormément sur le comportement et les agissements du genre féminin dans l’espace public. En effet, de par sa forte fréquentation et ses divers flux, la gare est constamment en mouvement. Pour cela, il est intéressant de comprendre à travers la question: « À quel moment de la journée fréquentez-vous la gare Lille Flandres? », quand celle-ci est fréquentée. 26% des personnes interrogées s’y déplacent l’après midi, 24% le soir, 23% le matin, 13% le midi et 5% la nuit. Ces chiffres sont intéressants, car ils montrent que les fréquentations sont quasiment similaires tout au long de la journée. Cependant, les individus du genre féminin n’étant pas à l’aise dans les espaces publics à la tombée de la nuit, les chiffres de la fréquentation du soir sont étonnants. Nous savons que les individus appartenant au genre féminin ont « peur » de sortir seules la nuit. Ce n’est pas nouveau et c’est ancré dans nos habitudes. Cela est devenu presque « normal » dans notre société. Être seul la nuit, pour le genre féminin, relève d’utiliser davantage de précautions et en se disant « jauger les espaces publics et toujours être l’affut ». La nuit, la peur est démultipliée, elles disent avoir « la peur au ventre »107 selon Marylène Lieber. Cette peur, engendrant un sentiment d’insécurité, inflige une surveillance extrême 107 Ibid, Lieber (Marylène), « Le sentiment d’insécurité au prisme du genre, repenser la vulnérabilité des femmes dans les espaces publics », Op. Cit.

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pour comprendre l’environnement qui les entoure, afin de jauger les risques potentiels. Si l’on regarde plus en détail les résultats de l’enquête, 33 femmes ont répondu qu’elles fréquentaient le soir ou la nuit la gare Lille Flandres. Cela montre que malgré cette «peur» et ce sentiment d’insécurité naissant, l’utilisation de la gare par les individus du genre féminin est établie. Tôt Tôtlelematin matin L’après-midi L'après midi Lors horraires de cours Lorsdes des horraires de cours

Le Le matin matin Le Le soir soir Sans Sanshorraire horrairedéfini défini

Le Le midi midi La Lanuit nuit

1% 1% 5%

9%

24 % 23 %

13 % 26 %

Figure n°23: Bouloy (Lucie), À quel moment de la journée fréquentez-vous la gare Lille Flandres?, diagramme, Lille, 2021

On peut émettre comme hypothèse que le genre féminin emprunte les chemins de la gare à la tombée de la nuit, car la gare Lille Flandres est un point névralgique où tout se concentre, train, métro, bus, taxis... (Voir figure 18, page 45). C’est alors un passage obligé pour rejoindre leur domicile par exemple. Lors d’un entretien, à la question: «quel est votre ressenti sur les gares Lille Flandes et Lille Europe, êtes vous à l’aise ou au contraire stressé?» une interlocutrice à répondu:108 « Il y a beaucoup de passages et beaucoup de mouvements et puis il fait nuit (...) le lieu n’est pas pensé pour une femme seule la nuit je trouve. Les espaces sont soit trop grands soit trop petits» ses mots montrent une pratique de ces espaces publics la nuit malgré une réticence et introduisent une problématique architecturale qui peut être intéressant d’être soulevée. Le reste du temps, en pleine journée, ce qui diffère c’est la lumière naturelle qui permet d’avoir un champ plus net sur ce qui se produit aux alentours. La temporalité joue alors un rôle important sur le parcours du genre féminin dans l’espace public, en fonction des heures, de la lumière et ce qui est créé comme atmosphère, le sentiment d’insécurité varie. Enfin, la question: « Combien de temps estimez-vous rester dans la gare? » La plupart des interrogés répondent avec 86,3% « Quelques minutes » et 17,8% 108

Interlocutrice n°3, entretien disponible en annexe

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« Une heure ». Ces réponses montrent une fréquentation rapide de la gare. Nous pouvons nous demander si ces instants courts d’utilisation de la gare Lille Flandres, ne sont pas liés à une crainte de cet espace public? Cette affirmation de la temporalité est intimement liée aux expériences vécues et aux ressenties des personnes interrogées pour comprendre comment la gare Lille Flandres est perçue.

2.2.4. Ressenti des individus interrogés

Les sentiments que les interrogés éprouvent au sein de l’architecture et l’espace public de la gare Lille Flandres sont importants pour comprendre comment ce lieu est vécu. À la question, « Comment vous sentez-vous dans cette gare en général? », 40% des personnes interrogées sont peu à l’aise, 34% sont à l’aise, et 20% sont stressées. On remarque que le sentiment « peu à l’aise » est premièrement ressenti, suivi de très proche par le sentiment: « à l’aise ». Ces chiffres montrent qu’une part d’entre eux, ne parcourent pas de manière positive cet espace public. Les résultats à cette question sont interessants car ils répondent à l’hypothèse qui est que l’espace public de la gare Lille Flandres est mal vécu, ici à 40%. Apeuré Apeuré Peu Peuààl’aise l'aise Plus à l’aise Plusou oumoins moins à l'aise

Stressé Stressé A A l’aise l'aise

Pas du Pas dutout toutà l’aise à l'aise Je mon chemin Jepoursuis poursuis mon chemin

1% 1%

1% 20 %

34 % 2%

Figure n°24: Bouloy (Lucie), Comment vous sentez-vous dans cette gare en général?, diagramme, Lille, 2021 40 %

Le ressenti dans cet espace public est une notion qui nous intéresse grandement. En effet, cette thématique nous est utile pour démontrer l’existence ou non du sentiment d’insécurité dans cet espace public de la gare Lille Flandres. À la suite de la question posée précédemment, les interrogés

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avaient la possibilité de s’exprimer si leur réponse précédente était négative: de nombreux témoignages courts ont été recueillis et montrent un sentiment général. Nous pouvons lire109: « Manque de convivialité » « J’aime le lieu mais je suis assez anxieuse en m’y baladant seule, certains recoins semblent être sans vis à vis me laissant seule avec mes craintes, sans réelle visibilité et contact aux autres passant notamment dans l’accès au métro, de plus les personnes occupant les lieux sont souvent alcoolisées ou droguées devenant rapidement agressives. Il n’est pas rare que je me fasse accoster, siffler, voir pire. Mais tout dépend mon heure de passage ». « Assez exposé au passage de tous les voyageurs pas assez de places isolées et sûres ». « Beaucoup de trafic de personnes, je me sens bousculée, j’ai l’impression de gêner les gens qui circulent » « Je ne me sens pas en sécurité et me sens regardé par tous, j’ai peur qu’on me vole ou qu’on m’agresse » « Sentiment d’insécurité, manque de propreté, tout est gris » « Ce lieu me met mal à l’aise dans le sens où il est compliqué de se frayer un chemin. La circulation n’est pas fluide, il y a beaucoup d’obstacles à éviter (bancs, personnes, portes automatiques, commerces) ». De plus à travers la question lors des entretiens: «Quel est votre ressenti sur les gares Lille Flandres et Lille Europe, êtes vous à l’aise ou au contraire stressé dans ces gares?», les interlocuteurs ont répondu110: - «Parfois la population est négative (...) Lille Flandres est trop accessible à pieds» - «Je me sens stressée dans la gare Lille Flandres car il y a beaucoup de monde et beaucoup de passage» Ces expériences décrites par les personnes interrogées montrent un sentiment général: une foule excessive qui empêche la bonne appréhension des lieux, ce qui créait un sentiment d’insécurité. La foule est alors une problématique soulevée par ces individus et rejoint les chiffres précédents de la partie fréquentation. Le sentiment d’insécurité est ici révélé dans cet espace public. Les paroles des interrogés sont intéressantes car elles révèlent un problème architectural. Celles-ci montrent un malaise commun qui désoriente le visiteur. Pour comprendre où ce sentiment d’insécurité naît dans cette architecture, il était alors intéressant pour moi de développer une carte 109 110

Citations recueillies grâce à l’enquête réalisé et disponible en annexe. Entretiens disponible en annexe à partir de la page 28

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schématique ciblant des lieux problématiques et au contraire sécurisants pour le genre.

A B D

C

E G

F

H

J

I

Figure n°25: Bouloy (Lucie), Les zones identifiées de la gare, Plan, Lille, 2021

Cette carte présente ci-dessus, cible des zones, qui selon mon avis personnel et travers les notes audios réalisées, sont susceptibles d’être analysées. Dans l’enquête, cette carte (figure n°25) est présentée accompagnée d’une question: « choisissez sur cette carte, un endroit, correspondant à une lettre, qui vous provoque un sentiment de sécurité». On déduit plusieurs zones: Sur 74 personnes interrogées, 44% d’entre elles se sentent en sécurité dans la zone C: le grand hall principal de la gare, où se mêlent les flux voyageurs, est passant. Certains interrogés ont ajouté pourquoi cet espace est pour eux le plus sécurisant: « Le coeur de la gare il y a toujours des gardes de sécurité pas loins », « Car au milieu, visibilité partout, architecture agréable à regarder », puis: « Espace le plus ouvert, il y a d’autres personnes, les échappatoires sont perceptibles, il n’y a pas de recoin ». Ces quelques témoignages, sont ici interessants à analyser. En effet, l’espace C, comme on peut l’apercevoir sur la carte ci-dessus, représente le centre de la gare. Cet espace est considéré comme sécurisant pour les interrogés car la présence de forces de l’ordre aide à se sentir en sécurité. Egalement, c’est un espace libre, grand et ouvert qui permet une « visibilité partout ». L’architecture de cet espace est ici provocatrice de ce sentiment. De part ses dimensions et ses ouvertures, ce lieu n’offre pas la possibilité de créer des situations négatives pour l’individu et notamment les individus du genre féminin. On remarque ici, que la notion de recoins chez cet interrogé, fait peur. Les recoins en architecture sont définis par un coin caché, une partie secrète à l’écart du reste. Les zones A, B, H et J sont alors sécurisantes pour les individus. La zone A

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correspondant à l’entrée principale depuis la place de la gare, est « un lieu qui est à la vue de tous, donc on a l’impression d’avoir moins de chance de se faire déranger par quelqu’un », la zone B, le grand hall depuis l’entrée principale, est sécurisante grâce aux commerces alentours. La zone H (Un batiment annexe où se situe d’autres quais) et J (la sortie vers Euralille) sont elles des « zones passantes, plutôt anonymes » selon les personnes interrogées. Nous pouvons remarqué, que dans cette gare, certains espaces correspondant généralement à des espaces où la congestion des flux est importante (A,B,C,H et J) déclanchent un sentiment de sécurité pour ces individus. Lors des entretiens et à travers la question « un endroit particulier dans les gares que vous considérez sécurisant?» les interlocuteurs ont répondu: «Je dirais le hall d’entrée au niveau du parvis (...) sécurisant car c’est le plus ouvert» (zone A), «Les endroits où il y a les magasins, et les endroits où il y a du monde et où on peut s’assoir» (A, B et C). On en déduit que ces zones sont plutôt bien vécues par l’ensemble des interrogées. A la suite de cette question portant sur le sentiment de sécurité, la seconde question s’oriente au contraire sur le sentiment d’insécurité: « choisissez sur cette carte, un endroit, correspondant à une lettre, qui vous provoque un sentiment d’insécurité (écrire pourquoi) ». Toujours accompagné de la carte en figure n°24, les individus interrogés ont désigné des lieux dans la gare Lille Flandres provoquant chez eux un sentiment d’insécurité. Les zones A pour 19% et D pour 15% sont celles les plus citées. En effet, la zone A représentant l’entrée principale de la gare Lille Flandres, donnant accès à la rue Faidherbe et la Grand’Place, ainsi que la zone D, l’entrée depuis la rue de Tournai, sont des espaces architecturaux qui provoquent un sentiment d’insécurité. Selon les interrogés, la zone A est un lieu où il y a « trop de gens louches », « du monde qui arrive sur les côtés (...) j’ai toujours l’impression d’être forcément regardé par plusieurs personnes en sortant de la gare », « l’entrée est pour moi l’un des lieux les moins fréquentable, ici un lieu passant mais pas stagnant et ou beaucoup de personnes dans le besoin interpelles ». La zone D est elle aussi considérée comme un espace « non rassurant »: « Je trouve cet espace de la gare sombre, plutôt vide (des gens, d’objets, de mobilier) et sans vie. Il y a souvent des piétons qui stationnent à cet endroit (...) Je me suis faite plusieurs fois abordée par des personnes (...) quand j’y passe j’essaye de marcher vite et de ne pas flâner pour retrouver au plus vite la lumière, la population dehors », « tunnel que je ressens comme des coupes gorges », « il y fait sombre (passage couvert), froid ». Ces deux zones montrent encore une fois, un problème de fréquentation lié à l’architecture. Les zones suivantes ont des problématiques similaires: « C: parce que c’est typiquement le point ou je me sens complètement perdue et accessible à tous, vue par tous, possiblement cible pour tous », « E: sale, mal fréquenté, quelques fois importuné ». Enfin, à travers la question: « un endroit particulier dans les gares que vous

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considérez sécurisant?» les interlocuteurs ont répondu: «Les parties les moins sécurisantes sont les sorties annexes» (D et H), «Quand on accède aux quais pour les trains régionnaux vers Euralille» (H et J). Les zones citées ici correspondent a l’analyse réalisée durant l’enquête. L’observation des endroits sécurisants et insécurisants est primordiale pour comprendre où se situe ce sentiment d’insécurité dans la gare Lille Flandres.

2.3. La gare Lille Europe

La seconde partie de l’enquête focalisée sur la gare Lille Europe, s’oriente sur l’expérience du visiteur au sein de cette architecture. 2.3.1. Ses fréquentations L’enquête nous permet de comprendre les fréquentations de la gare Lille Europe. Sur 74 personnes interrogées, 87,8% ont déjà passé les portes de la gare Lille Europe. Ici, nous remarquons que cette gare est moins empruntée que la gare Lille Flandres. En effet, comme évoqué précédemment, le positionnement urbain et les fonctions sont différentes. La gare Lille Europe, étant en retrait du centre-ville et accueillant généralement des voyageurs en TGV, nous laisse penser que c’est la raison pour laquelle Lille Europe est moins empruntée. À la question « À quelle fréquence empruntezvous la gare Lille Europe? » 42% d’entre eux la fréquente de temps en temps, 12% pour la catégorie « souvent », 3% pour « quotidiennement » et 42% des individus interrogés fréquentent la gare Lille Flandres rarement. On observe alors qu’un large public parcourt la gare Lille Europe « rarement », à la différence de la gare Lille Flandres (9%). Ces données confirment notre hypothèse précédente qui était que ces deux gares malgré leur proximité sont différentes. Les chiffres des fréquentations nous sont utiles à comprendre les fonctions de chacune ainsi que les flux. Rarement

Rarement

De temps en temps

De temps en temps

Souvent

Souvent

Quotidiennement

Quotidiennement

3% 12 %

42 %

Figure n°26: Bouloy (Lucie), À quelle fréquence empruntez-vous la gare Lille Europe?, Plan, Lille, 2021 42 %

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2.3.2. Les flux Les flux de la gare Lille Europe sont différents de la gare Lille Flandres. En effet, de par une fréquentation plutôt rare pour les personnes interrogées dans la gare Lille Europe, les flux ne sont alors pas aussi importants qu’à Lille Flandres. À travers l’enquête et la question « Quand vous empruntez les chemins de la gare Lille Europe, quel est votre but? », 43% prennent le train, 14% prennent le métro, 22% attendent un train ou un proche, 8% traversent la gare pour rejoindre une rue ou un commerce, 2% prennent le tram ou un bus, 1% rencontrent des amis et 1% des personnes interrogées se promènent dans la gare Lille Europe. Ces réponses attestent une différence avec la gare Lille Flandres où trop de flux divers et variés s’entremêlent. La fréquentation et les flux qui s’articulent au sein de la gare Lille Europe montrent que celleci est principalement utilisée pour voyager et desservir. Nous pouvons alors émettre comme hypothèse que les flux moins variés sont dûs essentiellement à un positionnement géographique et l’architecture.

Train Train Achat billet Achat billet Se Sepromener promener

Attendre Attendre Traverser Traverser Travailler Travailler

Métro Métro

Achat / Consommer Achat/consommer

Tram / Bus Tram/bus Rencontrer Rencontrer

1% 1% 1% 1% 8% 2% 6% 43 %

14 %

Figure n°27: Bouloy (Lucie), Quand vous empruntez les chemins de la gare Lille Europe, 22 %

quel est votre but? , Plan, Lille, 2021

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2.3.3. Temporalité La temporalité témoigne du vécu au sein de la gare Lille Europe. En effet, de par sa fréquentation et ses flux, la gare est premièrement assimilée au voyage. Pour cela, il est intéressant de comprendre à travers la question: « À quel moment de la journée fréquentez-vous la gare Lille Europe? », quand celle-ci est fréquentée. 23% des personnes interrogées s’y déplacent l’après midi, 23% le soir, 23% le matin, 12% le midi et 3% la nuit. Ces chiffres sont intéressants, car ils montrent que les fréquentations sont quasi similaires tout au long de la journée. Comme évoqué précédemment, les individus du genre féminin n’étant pas à l’aise dans les espaces publics à la tombée de la nuit, les chiffres de la fréquentation du soir sont ici cohérents. Enfin, la question: « Combien de temps estimez-vous rester dans la gare? » La plupart des interrogés répondent avec 84,6% « Quelques minutes » et 16,9% « Une heure ». Ces réponses montrent une fréquentation rapide de la gare, tout comme la gare Lille Flandres. Ces données sont intéressantes pour comprendre les pratiques de cet espace public. Celui-ci, comme on peut le remarquer, n’a pas pour vocation de flâner. Nous pouvons nous demander si ces instants court de pratique de la gare Lille Europe, ne sont pas dûs à une crainte de cet espace public?

Tôt Tôtlelematin matin La Lanuit nuit

3%

Le Le matin matin

Le Lemidi midi

L’après-midi L'après midi

Le Lesoir soir

16 %

23 %

23 %

23 % 12 %

Figure n°28: Bouloy (Lucie), À quel moment de la journée fréquentez-vous la gare Lille Europe? , Plan, Lille, 2021

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2.3.4. Ressenti des individus interrogés Les sentiments que les interrogés éprouvent à propos de l’architecture et l’espace public de la gare Lille Europe sont importants pour comprendre comment celle-ci est vécue. À la question, « Comment vous sentez-vous dans cette gare en général? », 45% des personnes interrogées sont peu à l’aise, 46% sont à l’aise, et 5% sont stressées. On remarque que le sentiment « à l’aise » est premièrement ressenti, suivi de très proche par le sentiment: « peu à l’aise ». Ces chiffres montrent qu’une part d’entre eux, parcourt de manière positive cet espace public. Les résultats à cette question sont intéressants, la légère différence entre « peu à l’aise » et « à l’aise » que nous observons à travers les chiffres, ainsi que la part de personnes stressées (24,3% à la gare Lille Flandres) montrent que la gare Lille Europe est légèrement mieux vécue que la gare Lille Flandres. Apeuré Apeuré

Stressé Stressé

Pas dudu touttout à l’aise Pas à l'aise

Peu Peuà àl’aise l'aise

A A l’aise l'aise

5% 5%

46 %

Figure n°29: Bouloy (Lucie), Comment vous 45 % sentez-vous dans cette gare en général?, Plan, Lille, 2021

Le ressenti dans cet espace public est une notion qui nous intéresse grandement. En effet, cette thématique nous est utile pour démontrer l’existence ou non du sentiment d’insécurité dans cet espace public de la gare Lille Europe. À la suite de la question posée précédemment (« Comment vous sentez-vous dans cette gare en général? »), les interrogés avaient la possibilité de s’exprimer si leur réponse précédente était négative: de nombreux témoignages courts ont été recueillis et montrent un sentiment général. Nous pouvons lire111:

111

Citations recueillies grâce à l’enquête réalisé et disponible en annexe.

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« Trop de bruit, de monde, de passage, trop de stimulis » « Ambiance impersonnelle et sans âme » « La gare me parait assez sombre, et résonne. Le fait qu’elle se déploie sur deux niveaux la rend plus «impressionnante», mais les choses y sont ordonnées, il me semble que les gens y sont pour un but précis: prendre le train, il n’y a pas de cohue » « l’agencement des quais qui je trouve n’est pas pratique mais elle me semble mieux fréquenté que la gare Lille Flandres » « Gare froide, impersonnelle, plus de lumière tardivement, Escalators souvent en panne» « Je m’y sens mieux qu’à Euralille mais j’ai plusieurs fois vu la police y intervenir (notamment à la sortie de train que je prends) et il y fait beaucoup trop froid l’hiver » « Il y a peu d’endroits où se poser ou s’isoler, c’est très grand, un peu déshumanisant » De plus, les réponses lors des entretiens, à la question: «Quel est votre ressenti sur la gare Lille Europe, êtes vous à l’aise ou au contraire stressé dans ces lieux?», les interlocuteurs ont répondu: «Lille Europe, je trouve qu’on a souvent froid (...) c’est moins chaleureux», «Parfois la population est négative», «c’est une gare du 20e siècle austère». Ces expériences décrites par les personnes interrogées montre un sentiment général: une atmosphère négative s’articule au sein de la gare Lille Europe. Le sentiment d’insécurité n’est lui pas relevé dans ces citations mais peut se lire à travers cette ambiance. Le sentiment d’insécurité ici n’est donc pas vécu de la même manière. Pour comprendre où ce sentiment d’insécurité né dans cette architecture, il était alors intéressant pour moi de développer une carte schématique ciblant des lieux problématiques et au contraire sécurisants pour le genre.

G

H

A F

D

B C

E

Figure n°30: Bouloy (Lucie), Les zones identifiées de la gare, Plan, Lille, 2021

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Cette carte présente ci-contre (figure n°30), cible des zones, selon mon avis personnel à travers les notes audios réalisés, sont susceptibles d’être questionnable. Dans l’enquête, cette carte est présenté accompagné d’une question: « choisissez sur cette carte, un endroit, correspondant à une lettre, qui vous provoque un sentiment de sécurité». On déduit plusieurs zones : La zone A, correspondant au hall principal où se mèle l’attente et l’accès aux quais pour les voyageurs, ainsi que l’accès au métro, est une zone sécurisante à 29% selon les personnes interrogées. Certaines personnes ajoutent: « entrée du métro, présence de nombreuses personnes», « lieu aéré, lumineux, fréquenté» et «car il y a du passage et on a une vue à presque 360°, ce qui est pratique pour repérer son train, ou la personne que l’on attend... la barrière permet de se poser tranquillement». Cet espace induit un sentiment de sécurité chez les personnes interrogées de par son architecture et sa concentration des flux. En effet, cet aspect également fortement présent à la gare Lille Flandres est critiqué par les utilisateurs. Ici les flux rassurent, cela est très certainement dû à l’architecture des lieux. Cette zone A concentrée en flux dans la gare Lille Europe est elle sur un seul espace en double hauteur et est lumineuse. A la gare Lille Flandres, la congestion des flux se retrouve dans n’importe quelle zone. L’attente des voyageurs dans la zone D, matérialisée par des places assises, est également considérée comme sécurisante à 26% sur les 74 personnes interrogées. Les interrogées évoquent: « un lieu où on peut se poser s’assoir et regarder le mouvement sans forcément être vu ni devoir le subir», «j’ai l’habitude d’attendre mon train à cet endroit, sur le côté, j’ai l’impression d’être à l’écart et de ne pas gêner, les gens autour attendent aussi à cet endroit, je ne suis pas dans le passage» et « parce que c’est un lieu où l’on peut s’assoir, prendre le temps de regarder les trajets, et ça marque comme une pause dans un couloir où les gens passent à un rythme souvent effréné». Nous remarquons alors que cette zone, en retrait du passage des voyageurs, permet aux usagers «d’être à l’écart» et cela apporte de la sécurité. Enfin, la zone E, correspondant aux escalators menant vers la place François Mitterrand et donc le centre-ville, est-elle aussi considérée comme sécurisante à 21%. Celle-ci est perçue par les interroger comme l’« espace est ouvert cela rend plus à l’aise » et « parce qu’on est bientôt sorti, et qu’on se dirige vers le centre ville ». Cette porte d’entrée depuis la place François Mitterrand rassure les usagers de par son ouverture sur le reste de la ville. Enfin lors des entretiens, à travers la question: «un endroit particulier dans la gare que vous considérez sécurisant?», les interlocuteurs ont répondu: «A l’intérieur de la gare, quand on attend son train» (A et D), «ce qui est sécurisant pour moi c’est la salle d’attente des voyageurs et le hall central, c’est un milieu bien éclairé» (A et D).

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Les zones A, D et E sont alors les zones les plus sécurisantes pour la gare Lille Europe. À la suite de cette question portant sur le sentiment de sécurité, la seconde question s’oriente au contraire sur le sentiment d’insécurité: « choisissez sur cette carte, un endroit, correspondant à une lettre, qui vous provoque un sentiment d’insécurité (écrire pourquoi) ». Toujours accompagné de la carte en figure n°30, les individus interrogés ont désigné des lieux dans la gare Lille Europe provoquant chez eux un sentiment d’insécurité. On remarque que les zones A et E sont-elles aussi provocatrices de sentiment d’insécurité. Pour la zone A, les interrogées parlent de « la zone A: je suis hyper mal à l’aise, j’attends que mon train s’affiche et maxi courant d’air je vais attraper la crève. Je suis comme un piquet au milieu de tout le monde» et «plus de trafic entre haut et bas, les gens se pressent pour prendre le métro, l’ambiance est moins «zen»». Malgré ce qui a été montré au-dessus, être au centre de la foule dérange. La foule et les flux sont des facteurs qui peuvent induire un sentiment de sécurité ou d’insécurité. Ce facteur varie en fonction de l’architecture des lieux, de la temporalité, des comportements et surtout des sentiments et des perceptions propres à chaque individu. La zone F, correspondant, à l’entrée dans la gare, après les escalators de la place François Mitterrand, est considéré comme insécurisante pour les individus interrogées. Ils évoquent une zone où: «c’est un endroit où on doit attendre mais il y a peu de place et les gens sont de passage aussi ici, on a l’impression de gêner...» et «F car beaucoup de passages rapides, on se sent bousculé». Tout comme la zone A, celle-ci donne une impression d’être au coeur de la foule, du passage et la peur de se faire bousculer est présente. Enfin, la zone E est elle mal vécue par la population qui stagne: « car c’est là où peuvent se trouver des gens qui squattent», « la place Mitterand est un peu sale (incivilité...) et quelques mendiants près de l’escalator» et « ce passage provoque un sentiment d insécurité pour les personnes qui y sont». Perçue comme une porte de sortie vers la ville, les escalators de cette gare sont aussi ici un endroit où les personnes stagnent, demandent de l’argent et cela génère chez ces interrogées une crainte pour cette zone. Lors des entretiens, les interloculeurs énumèrent les mêmes zones. A la question: « un endroit particulier dans la gare que vous considérez non-sécurisant?» les interlocuteurs répondent: «Les escalators à l’entrée me gênent, c’est sombre et malfamé» (E), «les endroits d’accès de ces gares sont un peu exigüs». On retrouve alors un malaise commun à travers ces zones.

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2.4. Résultats

La compréhension des flux, des fréquentations, de la temporalité et des ressentis des personnes interrogées sur ces deux espaces publics nous a permis de répondre à des hypothèses. Oui, le sentiment d’insécurité est présent dans les gares mais selon des facteurs différents. En effet, la gare Lille Flandres de part sa congestion des flux bien trop présente, représente une menace pour l’individu et notamment le genre féminin. Les groupes sociaux s’entremêlent, les usages tentent de se mélanger et tout ceux-ci engendre une réticence envers cet espace public, comme on peut le constater dans les citations relevés. Or, la gare Lille Europe dispose de facteurs différents: l’atmosphère, l’ambiance, la matérialité font d’elle une « gare froide », une gare qui ne donne pas l’envie d’y rester. Cet aspect est une chose qui s’assimile à sa fonction de « gare de passage » évoqué précédemment. Ce facteur, étroitement lié à l’architecture de la gare incite la création de ce sentiment d’insécurité pour les individus du genre féminin. La foule ici est problématique également mais elle n’est pas présente partout contrairement à la gare Lille Flandres. La naissance du sentiment d’insécurité se fait alors dans ces deux espaces publics selon des critères différents. Nous avons tout de même remarqué que l’architecture et la conception de ces lieux induisaient ces facteurs. La mauvaise gestion des flux, l’atmosphère froide sont des thématiques architecturales qui sont ici problématiques et posent question pour la sécurité des individus appartenant au genre féminin. Nous allons alors évoquer dans une dernière partie comment la conception architecturale peut-être un frein à l’épanouissement du genre féminin dans l’espace public.

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III/ Le genre féminin au coeur de la conception des espaces publics des gares

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Les gares Lille Flandres et Lille Europe, des espaces publics influents pour la ville de Lille, reflètent un malaise de société et notamment pour les individus du genre féminin. Nous avons remarqué, à travers les propos recueillis lors de l’enquête, que ces deux gares provoquent des sentiments négatifs chez les individus. En effet, le sentiment d’insécurité s’y développe en fonction de facteurs. Ces facteurs peuvent être la foule, l’atmosphère, la temporalité, la lumière, ou l’espace en lui-même. Nous avons également observé que ceux-ci diffèrent en fonction des lieux et des gares. Le sentiment d’insécurité est alors présent dans les gares Lille Flandres et Lille Europe. Celui-ci est intimement lié à l’architecture et l’urbanisme de ces deux espaces publics. En effet, ces facteurs, relèvent tous de thématiques architecturales que rassemble un édifice. La lumière, l’atmosphère et l’ambiance sont des outils architecturaux qui aident à la conception d’une architecture. La fréquentation des lieux joue beaucoup sur les capacités d’accueil d’un édifice. Comme nous l’avons remarqué pour la gare Lille Flandres, la gestion des flux n’est pas optimale et cela relève d’un problème architectural. La conception des espaces publics et de nos édifices emblématiques est un outil architectural nécessaire pour la bonne utilisation de ceux-ci. Cette dernière partie permet la compréhension de la conception architecturale des gare Lille Flandres et Lille Europe pour contrer ce sentiment d’insécurité vécu par les individus du genre féminin. L’enquête réalisée et des entretiens, permettent d’assimiler les réelles problématiques architecturales citées par les interrogées et met en exergue des espaces qui posent questions. 1. Les espaces architecturaux des gares Lille Flandres et Lille Europe qui engendrent un sentiment d’insécurité

L’enquête réalisée ci-dessus, les entretiens ainsi que les notes audios (disponible en annexe), ont été des outils nécessaires pour la mise en évidence des espaces architecturaux qui induisent un sentiment d’insécurité dans l’espace public des gares Lille Flandres et Lille Europe. A travers les paroles prononcées par les personnes interrogées, de nombreux espaces architecturaux au sein de ces gares posent certaines problématiques. Si l’on se réfère au plan en figure n°32, les zones A, D et E pour la gare Lille Flandres et A, E et F pour la gare Lille Europe (figure n°31), sont des espaces qui provoquent un sentiment d’insécurité. Nous avons remarqué que ce sentiment est présent et provoqué de manière différente en fonction des lieux et des usages. Dans cette partie, nous allons alors analyser quelques-uns de ces espaces pour comprendre l’architecture et les problématiques que ceux-ci engendrent. La zone D de la gare Lille Flandres correspondant à l’entrée depuis la rue de Tournai, ainsi que la zone E de la gare Lille Europe, correspondant à

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C A

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D D

A

F

E

C

E G

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H G

Figure n°31: Bouloy (Lucie), Les zones identifiées de la gare Lille Europe, Plan, Lille, 2021

J J

Figure n°32: Bouloy (Lucie), Les zones identifiées de la gare Lille Flandres, Plan, Lille, 2021

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l’entrée depuis la place François Mitterrand, sont pour moi intéressantes d’être développées. En effet ces deux zones sont des entrées pour les gares et des sorties sur le centre-ville de Lille.

1.1. L’entrée de la rue de Tournai depuis la gare Lille Flandres

La rue de Tournai relie la place de la Gare à la rue Paul Duez, qui mène au Zénith et à Lille Grand Palais, un lieu qui organise des événements en tout genre. Cette rue traverse alors des points importants et influents de la ville de Lille. La rue de Tournai donne également accès à la rue du Molinel et la rue Faidherbe, rues qui permettent aux voyageurs d’accéder au centreville et notamment à la Grand’Place.

1.1.1. L’affluence La gare Lille Flandres est alors dotée d’une sortie sur cette rue. Celleci est empruntée car elle bénéficie d’accès sur les divers points importants de Lille. En effet, lors de la réalisation des notes audios, j’ai observé que cette sortie était très empruntée. De nombreux flux se croisent et cela est notamment dû aux divers fonctions qui s’y trouvent. Un café, et un Fast Food se trouvent aux angles de cette sortie, comme on peut le remarquer sur le plan (figure n°33). Ces lieux de restaurations sont accessibles depuis l’intérieur de la gare et depuis la rue de Tournai, ils ne sont donc pas seulement réservés aux voyageurs. En effet, de par son ouverture sur l’espace public, ces restaurants sont accessibles à tous. La sortie sur la rue de Tournai est alors cadrée par un flux d’individus allant se restaurer dans ces lieux qui se trouvent dans la batîsse de la gare Lille Flandres. Les voyageurs entrant et sortant des trains sont alors confrontés à cette affluence. Ces lieux de restaurations engendrent également de nouvelles fréquentations: depuis l’arrivée dans nos villes de la livraison de repas à domicile, les lieux de restaurations sont peuplés de livreurs à vélos ou à scooters, ainsi que de personnes sans domicile fixe. Lors de ma visite le 11 février (annexe, p.51) j’ai remarqué que les états de déplacements rapides et immobiles des individus, ne coïncident pas avec la fonction même du lieu. Ici, une accumulation d’individus aux usages divers se rencontrent alors. A travers les paroles recueillies dans l’enquête ainsi que dans les entretiens, nous pouvons soulever que cet espace de la gare Lille Flandres dérange. On peut lire: « (la zone) D, c’est là ou je vais fumer et là ou on se fait accoster toutes les 5 minutes», que c’est un espace « qui font se rencontrer des personnes qui n’ont pas les mêmes rythmes de déplacement», et que celui-ci « est le lieu de passage sous porche, assez glauque et souvent

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Figure n°33: Bouloy (Lucie), Plan de la gare : entrée rue de Tournai, Plan - échelle 1:200, Lille, 2021

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squatté». A la suite de ces paroles, montrant les problématiques que soulèvent ce lieu, il est alors intéressant de comprendre ces flux au sein de l’architecture même du lieu. 1.1.2. Les dimensions architecturales de ce lieu L’espace architectural de l’entrée rue de Tournai, possède des dimensions particulières. En effet, contrairement aux autres entrées: la place de la Gare et la place des Buisses, s’ouvre sur un espace public restreint comme on peut le remarquer sur le plan en figure n°33 qui n’est pas une place, mais une rue. Comme évoqué précédemment, la rue de Tournai est passante car elle permet de relier en voiture la gare au centre-ville. Ici, les usagers de cette sortie sont en relation directe avec la circulation motorisée, ce qui peut être contraignant. Cette sortie, en relation avec l’extérieur, possède également un espace architectural différent de celui de la sortie sur la place de la Gare: nous qualifierons plus cet espace comme un passage. Les dimensions sont à l’échelle de l’importance de cette entrée dans la gare. Celle-ci n’est pas la principale, elle possède alors des dimensions plus étroites. Nous pouvons remarquer sur le plan que l’espace est réduit, on passe du hall central avec des dimensions bien plus développées à un passage restreint: de 18,60m à 10,30m de large. De plus, comme on peut le voir sur la coupe (figure n°34), les hauteurs ne sont pas les mêmes que dans le reste de la gare: On a entre 15,70m et 20,70m pour le hall, et 6m pour ce passage. Cette différence de hauteur marque un seuil différent qui induit une ouverture sur l’espace public et une luminosité qui est réduite. L’architecture de ce lieu est considérée par les interrogées comme un espace étroit: « on a l’impression d’être coincé dans une grande et assez étroite allée», « c’est un «petit» passage», «forme un tunnel que je ressens comme un coupe gorge». Ici les dimensions de ce lieu dérangent et induisent une réticence sur sa pratique. Enfin, la présence d’une arcade donnant sur la rue de Tournai, crée un recoin où des individus stagnent et empêchent la déambulation des voyageurs vers le centre-ville. L’architecture de cet espace est alors considérée comme un passage étroit, comme un «tunnel» qui s’ouvre sur une rue passante. Ici, les dimensions étroites induisent une luminosité réduite.

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15,70

26,30

6.00

Figure n°34: Bouloy (Lucie), Coupe de la gare : entrée rue de Tournai, Coupe - échelle 1:200, Lille, 2021


1.1.3. L’éclairage La compréhension de l’architecture de ce passage donnant accès à la rue de Tournai, est importante car son dimensionnement joue sur l’atmosphère et l’ambiance du lieu. En effet, la non-présence de luminosité à cet endroit ne rend pas l’espace accueillant. Selon les paroles des interrogées, la lumière peu présente dérange: « il y fait sombre (passage couvert)» et «je trouve cet espace de la gare sombre, plutôt vide (de gens, d’objets, de mobilier) et sans vie. (...)j’essaye de marcher vite et de ne pas flâner (de toute façon il n’y a rien à voir) pour retrouver au plus vite la lumière, la population dehors. Je m’y sens mal à l’aise». Le manque de lumière induit alors un sentiment d’évitement ou de traversée rapide de ce lieu. L’atmosphère joue alors un rôle important dans l’appréhension d’un lieu comme on peut le remarquer ici. 1.2. Les escalators de la place François Mitterrand depuis la gare Lille Europe La gare Lille Europe est dotée de deux entrées principales: une, depuis le boulevard de Turin et une autre depuis la place François Mitterrand. Ici, la zone E correspondant à la deuxième entrée nous intéresse plus particulièrement. En effet, celle-ci est une grande place qui permet l’accès à la gare Lille Europe. La place François Mitterrand fait elle le lien entre les deux gares ainsi qu’Euralille et le centre-ville. Cette entrée est munie d’un escalator qui permet d’accéder au hall principal de la gare. Sur la place François Mitterrand de nombreuses activités y sont possibles. On y trouve l’accès à Euralille et au parc Henri Matisse. L’entrée de la gare, en contrebas, est traversée par une passerelle qui permet au flux routiers d’entrer dans le centre-ville. 1.2.1. L’affluence A partir de la place François Mitterrand, on remarque que de nombreux flux s’y croisent. De par sa diversité de fonctions, des voyageurs, consommateurs et promeneurs traversent cette place. L’entrée de la gare Lille Europe, se faisant depuis un escalator, est au centre de ces flux. Lors de la réalisation de notes audios, j’ai pu observer, comme pour l’exemple de la gare Lille Flandres, que cet espace était problématique. En effet, le positionnement de la passerelle au-dessus de cette entrée, engendre une atmosphère particulière. Sous cette passerelle, des places assises permettent à des personnes statiques d’y rester, des groupes d’individus stagnent souvent sous celle-ci (note audio du 12 janvier, annexe p.52). Au niveau de l’escalator,

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Figure n°35: Bouloy (Lucie), Plan de la gare Lille Europe, Plan - échelle 1:200, Lille, 2021

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on y observe des voyageurs ainsi que des personnes sans domicile fixe qui se croisent. A travers les paroles recueillies des interrogées, on y remarque que cet endroit dérange par sa fréquentation: « trop de monde malfamé », « c’est la connexion au parc où il a beaucoup d’insécurité au vu des population se l’accaparant (roms, sdf, alcooliques) on ne se sent pas a l’aise, toujours dans la visée d’une personne», « c’est à cet endroit que se retrouvent les attroupements de jeunes hommes, c’est ici aussi que des SDF font la manche de manière parfois insistante... Lorsque ces populations ne sont pas présentes et que le parvis est vide, il demeure chez moi un sentiment d’insécurité causé par ce parvis immense situé en contrebas de la ville. C’est pourquoi, je m’empresse de le traverser et n’y suis jamais restée plus de deux minutes». Ces citations montrent que le croisement des flux est mal perçu et que celui-ci induit un sentiment d’insécurité. A la suite de ces paroles, montrant les problématiques que soulève ce lieu, il est alors intéressant de comprendre ces flux au sein de l’architecture même du lieu. 1.2.2. Les dimensions architecturales de ce lieu La gare Lille Europe bâtie en 1994 a changé les dynamiques Lilloises. Cette gare s’articule autour d’une place appelée, place Mitterrand, qui, comme évoqué précédemment, distribue la gare Lille Flandres, Euralille et le parc Henri Matisse. Ici, ce qui nous intéresse est l’accès à la gare depuis cette place. Le positionnement de ces deux escalators interrogent. En effet, C’est sous le viaduc Le Corbusier, réalisé par les architectes Beal&Blanckaert et François Deslaugiers en 1994, que l’accès principal à la gare se dessine. Sous ce viaduc, qui permet aux flux routiers d’entrée dans le centre-ville, l’architecture de la place François Mitterrand se transforme. La place est ouverte autour de grands volumes, ce qui permet la respiration de l’espace alors que lorsque l’on se situe sous ce viaduc pour rejoindre l’entrée de la gare, une sensation «d’écrasement» est présente, comme j’ai pu l’observer lors de mes déplacements sur le terrain. En effet, le viaduc Le Corbusier coupe l’espace et la perspective de visibilité sur l’entièreté de la place, comme on peut le remarquer sur la coupe (figure n°36). L’entrée de la gare Lille Europe, qui est une des deux principales, est alors ici placée à l’ombre, à l’abri des regards, comme une entrée qui n’est pas la hauteur de l’envergure de la gare, on l’observe sur le plan, figure n°35, et sur la coupe (figure n°36). On peut lire à travers les plans, que cette entrée n’a pas été pensée comme la principale par Rem Koolhaas. L’entrée est en contrebas, l’accès à la gare est obligatoirement faite par deux escalators (pas toujours en fonctionnement). Cependant, cette entrée est très largement utilisée par les usagers de la ville. Si l’on prend l’exemple de l’entrée principale de la gare Lille Flandres sur

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9.50

3.60

9.15

14.30

Figure n°36: Bouloy (Lucie), Coupe de la gare Lille Europe, Coupe - échelle 1:200, Lille, 2021

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la place de Gare, celle-ci est grande, indiquée et à l’échelle des flux qui s’y croisent. Ici, les dimensions des escalators, ainsi que le palier d’accueil ne correspondent pas aux dimensions nécessaires et n’aident pas les voyageurs à comprendre l’espace. Lorsque l’on arrive au haut des escalators, la première vue s’oriente sur le bureau de vente des billets et sur les deux écrans d’affichage. Si l’on compare avec la gare Lille Flandres, l’entrée principale donne elle sur un hall qui permet une visibilité direct sur l’ensemble de la gare. Cette entrée fait alors écho à l’entrée rue de Tournai de la gare Lille Flandres, ici les dimensions, l’atmosphère écrasante de l’architecture sont similaires. Le statut de cette entrée n’est alors pas à l’échelle de la gare Lille Europe, qui accueille des voyageurs de régions de pays différents. Cette entrée sous le viaduc Le Corbusier n’aide pas les usagers à se sentir en sécurité de par ses dimensions. 1.2.3. L’éclairage La présence du viaduc Le Corbusier induit la création d’une ombre fortement présente tout au long de la journée sur la place François Mitterrand. Cette ombre, rythme la séquence d’entrée de la gare Lille Europe. Les voyageurs entrants ou sortants sont constamment dans la sensation d’être bloqués par cette passerelle qui n’ouvre pas sur les perspectives qu’offre la ville. A chacun de mes déplacements, j’ai remarqué que ce manque de luminosité induisait des comportements différents. Cela provoque un effet d’endroit «caché» qui favorise la création de ce sentiment d’insécurité. J’ai pu observer que les usagers avaient une démarche rapide sous ce viaduc. Le rôle de la lumière est ici très fortement marqué. Comme évoqué précédemment, la nuit, donc le manque de lumière et de visibilité induit un sentiment d’insécurité chez le genre féminin. Ici, cet effet peut se produire tout au long de la journée car cet espace est constamment sombre.

1.2.4. Conclusion

A la suite de la description de ces deux espaces architecturaux au sein des gares Lille Flandres et Lille Europe, on remarque que la naissance du sentiment d’insécurité est présente. Cette analyse démontre que ce passage de la gare Lille Flandres, est très peu lumineux, étroit et sous-dimensionné. De plus, l’entrée de la gare Lille Europe dispose de dimensions architecturales réduites similaires à l’entrée la rue de Tournai, ce qui induit une sensation négative. Enfin, les flux ainsi que l’apport restreint de lumière provoquent un sentiment d’insécurité chez les usagers des deux gares. On observe alors de nombreuses similitudes entre ces deux entrées, bien qu’elles n’aient pas

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Figure n°37: Bouloy (Lucie), Plan du hall de la gare Lille Flandres, Plan - échelle 1:500, Lille, 2021

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le même statut. Le genre féminin dans ces espaces subit alors des facteurs qui, comme vus précédemment, sont générateurs du sentiment d’insécurité. Cependant, certains espaces dans ces gares ne sont pas tous vécus de la même manière. Il est alors intéressant de les analyser pour comprendre pourquoi ceux-ci sont perçus de manière positive. 2. Les espaces architecturaux des gares Lille Flandres et Lille Europe qui engendrent un sentiment de sécurité

L’enquête réalisée ci-dessus, les entretiens ainsi que les notes audios, ont été des outils nécessaires pour la mise en évidence des espaces architecturaux qui induisent un sentiment de sécurité dans l’espace public des gares Lille Flandres et Lille Europe. A travers les paroles prononcées par les personnes interrogées, de nombreux espaces architecturaux au sein de ces gares posent certaines réflexions. Si l’on se réfère aux plans (figure 31 et 32 p.75), les zones A, B et C pour la gare Lille Flandres et A, D et E pour la gare Lille Europe sont des espaces qui provoquent un sentiment de sécurité. Dans cette partie, nous allons alors analyser quelques-uns de ces espaces pour comprendre l’architecture du lieu. La zone C de la gare Lille Flandres correspondant au hall d’arrivée et de départ des trains, ainsi que la zone A de la gare Lille Europe, correspondant au hall principal de la gare, sont pour moi intéressantes à analyser. En effet ces deux zones sont des halls d’accueil pour les voyageurs. 2.1. Le hall de départ et d’arrivée de la gare Lille Flandres La gare Lille Flandres dispose au coeur de sa batîsse, d’un hall central. Celui-ci permet l’accès aux quais, aux commerces, aux sorties sur la ville ainsi que l’attente pour les voyageurs. Cet espace architectural est le point clé de la gare, c’est ici où les voyageurs se regroupent. 2.1.1. L’affluence L’espace architectural du hall d’arrivée et de départ de la gare Lille Flandres est traversé par de nombreux flux. Comme évoqué précédemment, la gare Lille Flandres n’accueille pas seulement des voyageurs mais des passants en quête de rejoindre le centre-ville. Par la même occasion ces derniers peuvent comtempler l’architecture historique de l’édifice qui s’offre à eux. La notion de traverser la gare pour rejoindre un point dans la ville est fréquente. Son accessibilité rapide des commerces et du centre-ville apporte

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Figure n°38: Bouloy (Lucie), Coupe du hall de la gare Lille Flandres, Plan - échelle 1:500, Lille, 2021

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des fréquentations supplémentaires. Le hall central de la gare, offrant cette accessibilité, est le lieu où les différents flux se croisent. J’ai observé que c’est ici que l’affluence est la plus importante. Selon les citations relevées de l’enquête et des entretiens réalisés, cet espace architectural est considéré comme sécurisant car : « on trouve d’autres piétons ainsi que des personnes de la sécurité, on ne se sent donc pas seul», « car il y a du monde qui attend ici, les gens sont arrêtés en général », « car il y a beaucoup de personnes et d’agents sncf », « ils représentent le cœur de la gare: le lieu le plus passant et vivant où je me sens donc protégé par le regard des autres ». La forte affluence et le croisement des flux ici rassurent les usagers de la gare Lille Flandres. L’augmentation des flux induit une présence plus poussée du personnel de la SNCF, ainsi que des forces de l’ordre, ce qui augmente l’aspect sécuritaire de ce lieu. Enfin, il est intéressant de comprendre ces flux au sein de l’architecture de cet espace pour observer la naissance du sentiment de sécurité.

2.1.2. Les dimensions architecturales de ce lieu

L’architecture de ce hall d’arrivée et de départ de la gare Lille Flandres nous intéresse pour comprendre la sensation de sécurité vécue par les interrogées. Le hall central est un espace qui regroupe beaucoup de fonctions. Prendre son train, attendre un proche ou même traverser, sont des flux très fréquents dans cet espace. Nous pouvons observer sur le plan en figure n°39, que cet espace dispose de dimensions généreuses. Les quais présents dans ce lieu, permettent l’accès au train mais aussi la sortie des voyageurs. Ce mouvement quasiment constant rythme les flux. La capacité généreuse permet ici d’accueillir de nombreuses fréquentations. Les hauteurs de ce hall, visibles sur la coupe en figure n°40, sont proportionnelles. La générosité des dimensions permet alors l’accueil de ces nombreux flux ainsi qu’un éclairage constant. Ce grand espace ouvert et couvert, permet également aux voyageurs d’attendre dans une zone mise à disposition. Celleci, positionnée en face des premiers quais (voir sur le plan figure n°39), permet une visibilité sur l’entièreté de l’espace, cela permet aux voyageurs de voir si leur train est à quai. A travers les paroles recueillies au sein de l’enquête et des entretiens, on peut lire que l’espace architectural du hall de départ et d’arrivée, est perçu comme un espace sécurisant: «car au milieu, visibilité partout, architecture agréable à regarder», « car il y a du monde qui attend ici, les gens sont arrêtés en général, il y a des murs et des petits coins pour attendre tranquillement», «espace le plus ouvert, il y a d’autres personnes, les échappatoires sont perceptibles, il n’y pas de recoin» et « parce que l’espace est ouvert et qu’on ne s’y sent pas isolé.e». L’espace étant grand, ouvert et

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Figure n°39: Bouloy (Lucie), Plan du hall de la gare Lille Europe, Plan - échelle 1:500, Lille, 2021

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offrant une visibilité totale permet aux usagers de comprendre l’espace et de savoir ce qui se passe autour de soi. La matérialité, en pierre avec un aspect historique rend également l’espace architectural chaleureux, car ce sont des formes et des matériaux que l’on connaît et qu’on à l’habitude de voir. Ces caractéristiques font partie des éléments de précautions que les individus du genre féminin recherchent pour diminuer le sentiment d’insécurité.

2.1.3. L’éclairage

Les dimensions généreuses du hall d’arrivée et de départ de la gare Lille Flandres offrent une luminosité permanente tout au long de la journée. Cette lumière ne crée donc pas d’endroits «cachés» car tout est visible. L’accès à toutes les informations est alors possible et cela rassure les individus du genre féminin. Malgré les flux importants, qui se croisent en permanence dans ce lieu, les mouvements deviennent rassurants de par cette grandeur et luminosité, contrairement à l’entrée rue de Tournai où les flux se croisent dans l’ombre. La visibilité est alors une notion importante qui permet de faire varier le sentiment de sécurité.

2.2. Le hall de départ et d’arrivée de la gare Lille Europe

La gare Lille Europe, tout comme la gare Lille Flandres, dispose d’un hall central accueillant les voyageurs. De par son architecture, celle-ci donne accès aux quais qui sont au niveau inférieur, par des escalators. Les voyageurs sont alors au centre de cet espace où les panneaux d’affichage et les zones d’attentes rythment le flux de cette gare.

2.2.1. L’affluence

De par son statut de gare de passage, évoqué précédemment, la gare Lille Europe accueille essentiellement des voyageurs, de villes éloignées ou de pays proches. Contrairement à la gare Lille Flandres, celle-ci n’est pas traversée car elle ne permet pas l’accès direct à des commerces ou points importants de la ville. La fréquentation est essentiellement assurée par des voyageurs qui attentent ou sortent des trains. Les flux sont alors régulés par les horaires des TGV. Ce hall central de la gare Lille Europe est alors rythmé par les voyageurs. Ici, j’ai pu observé grâce aux notes audios réalisées, que les voyageurs étaient statiques plutôt qu’en mouvement, comme on peut l’apercevoir à la gare Lille Flandres. Cet espace architectural est considéré comme sécurisant pour les personnes interrogées, on peut lire: « où on trouve d’autres passagers», «car lieu aéré, lumineux, fréquenté» et « car beaucoup de

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8.50

3.80

8.50

Figure n°40: Bouloy (Lucie), Coupe du hall de la gare Europe, Plan - échelle 1:200, Lille, 2021

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passage». Tout comme la gare Lille Flandres, le hall central rassure par la présence d’autres passagers. Il est alors intéressant de comprendre les dimensions architecturales de cet espace pour observer la naissance de ce sentiment de sécurité.

2.2.2. Les dimensions architecturales de ce lieu

Le hall de départ et d’arrivée de la gare Lille Europe dispose d’une architecture qui est intéressante. Ce hall, accueillant des flux principalement liés aux voyages, propose des dimensions proportionnelles comment on peut le voir sur le plan et sur la coupe en figure 39 et 40. Contrairement à la gare Lille Flandres, les quais sont dans un niveau inférieur, accessibles par des escaliers depuis ce hall. Ces accès dessinent l’espace. Les trains, ne sont pas visibles depuis ce hall. Les flux piétons et ferroviaires ne se croisent donc pas, la sécurité du voyageur est alors renforcée. De plus, une zone d’attente au centre de ce hall permet l’accès aux panneaux d’affichage. Lors de mes déplacements sur le terrain, j’ai également observé que lorsque l’on est au centre de ce hall, nous avons une visibilité totale sur l’intérieur de la gare, ainsi que l’extérieur. On peut apercevoir Euralille, le centre-ville et le parc Henri Matisse. Les dimensions architecturales, avec une grandeur généreuse (on peut l’observer sur la coupe en figure 40) permettent aux usagers une visibilité qui donne la sensation de maîtriser la situation face à eux. Comme à la gare Lille Flandres, ici l’espace du hall de départ et d’arrivée propose une architecture proportionnelle aux flux que la gare Lille Europe accueille. A travers les paroles des interrogés, on remarque que cet espace induit un sentiment de sécurité chez les voyageurs: « car il y a du passage et on a une vue à presque 360°, ce qui est pratique pour repérer son train, où la personne que l’on attend...la barrière permet de se poser tranquillement» et «C’est aussi le point de convergence entre les différents programmes de la gare». Ce hall central est alors perçu de manière positive grâce à son ouverture sur tous les éléments de programmes (quais, attente, entrée et sortie). Enfin, la matérialité du bâtiment et de cet espace architectural, en béton et parois vitrées, permet une neutralité et une luminosité.

2.2.3. L’éclairage

Le hall de départ et d’arrivée de la gare Lille Europe dispose d’une volumétrie et d’une matérialité qui induit une ouverture sur l’extérieur et donc une luminosité importante sur cet espace central. Comme évoqué précédemment, la luminosité provoque une visibilité totale sur la situation,

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ce facteur permet aux individus et notamment le genre féminin de se sentir en sécurité dans un espace public comme celui-ci. 2.2.4. Conclusion L’analyse architecturale de ces lieux permet de comprendre comment ces espaces sont vécus. En effet, on remarque que ces halls de départ et d’arrivée sont vécus de manière positive. Nous avons pu observer à la gare Lille Flandres ainsi qu’à Lille Europe, que les dimensions architecturales du hall étaient proportionnelles au flux que ces gares doivent accueillir. Cette générosité offre également une lumière qui permet une visibilité et qui rassure. Le sentiment de sécurité est alors présent et permet aux individus du genre féminin d’apprécier cet espace architectural. La visibilité sur l’espace qui nous entoure permet une appréciation des lieux et une analyse des mouvements et comportements des individus. Le genre féminin peut alors se sentir en sécurité.

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/Conclusion générale

A travers ce mémoire, nous avons cherché à comprendre comment ce sentiment d’insécurité peut naître au sein du genre féminin, et en quoi l’espace public et l’architecture des gare Lille Flandres et Lille Europe peuvent en être l’une des causes. De grands auteurs m’ont accompagné tout au long de l’écrit à comprendre, observer et analyser l’espace public des gares Lille Flandres et Lille Europe. En effet, ces deux gares bâtis à des époques différentes, ont impactés considérablement notre territoire. Les échelles d’actions de la ville de Lille se sont émancipé ce qui fait aujourd’hui de Lille une métropole connectée à ses voisins. Les gares Lille Flandres et Lille Europe, sont implantées différemment dans la ville de Lille: l’une est au coeur du centre-ville et l’autre se situe à 500 mètres entre la ville et le périphérique Lillois. Ces deux gares se distinguent également par leur fonction, une gare terminus et une gare de passage. Ces divergences montrent que celles-ci ne fonctionnent pas de la même manière. Cependant, nous avons observé à travers de nombreux témoignages que ces deux édifices révèlent un malaise de société. Malgré l’impact important de ces deux gares qui ont permis le développement considérable de la ville de Lille à toutes échelles, l’insécurité est présente dans ces architectures emblématiques, considérées comme des monuments. L’histoire montre que ces deux gares ont évolué simultanément avec la société. L’espace public que les gares offrent est parcouru tous les jours par des milliers d’individus qui voyagent, échangent, rencontrent et consomment. La société façonne alors quotidiennement l’âme et l’histoire de ces architectures. Les gares Lille Flandres et Lille Europe sont alors des reflets de notre société. Dans ce mémoire, nous avons tenté de comprendre l’expérience des genres et notamment du genre féminin au sein de ces deux gares Lilloises, car c’est par ce genre que je me définis et avec lequel je me sens le plus à l’aise de m’exprimer. L’observation des lieux ainsi que la parole d’individus interrogés, a permis de soulever un problème de société présent dans nos villes. L’insécurité est présente et vécue par les genres. L’expérience du sentiment d’insécurité se fait lorsque des facteurs induisent une méfiance. Ces facteurs peuvent être la foule, l’absence d’individus, la lumière, la temporalité et les dimensions des espaces. On observe que l’architecture est au coeur de ces causes. Nous avons analysé tout au long de cet écrit, les gares Lille Flandres et Lille Europe, pour comprendre quels facteurs étaient présents et comment ceux-ci apparaissent. Nous avons constaté que dans les gares le genre féminin a soulevé de nombreux facteurs provoquant le sentiment d’insécurité. En effet, les flux fortement présents au sein de la gare Lille Flandres, marque un problème de gestion des programmes. Les flux sont congestionnés dans l’ensemble de la

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gare. Cette forte présente permanente fait naître des comportements parfois inappropriés, qui sont susceptibles d’entraîner un sentiment d’insécurité chez les genres et notamment le genre féminin. Les flux génèrent alors un sentiment d’insécurité, mais pas que. A travers l’enquête et les entretiens réalisés, nous avons remarqué que ces flux permanents rassuraient également le genre féminin. La présence d’individus fait naître un sentiment de sécurité. Savoir que les individus autour peuvent être témoins, permet de ne pas se sentir seule dans un espace architectural aux dimensions développées. La notion de flux n’engendre alors pas que des craintes. Ce facteur complexe est à comprendre dans son contexte. En effet, la notion de flux ne s’analyse pas seule. Nous avons observé que la temporalité et la luminosité étaient intimement liées à la fréquentation des deux gares. Le matin, l’après-midi ou le soir ne sont pas des instants où l’atmosphère, l’ambiance sont similaires. Ces moments sont marqués, par le levé du soleil et le coucher du soleil. L’apport de lumière est très important, car il induit une visibilité au sein de ces architectures. Nous avons décelé, grâce aux propos recueillis, que la visibilité était une notion clé qui fait varier le sentiment de sécurité chez les individus du genre féminin. La visibilité permet aux femmes de mener à bien les précautions nécessaires pour se sentir en sécurité. Marylène Lieber explique que ces précautions sont utiles à chacun de leur déplacement. La visibilité permet alors au genre féminin d’évaluer les comportements et donc si les flux peuvent être source de danger ou non. La visibilité offre également une observation de l’atmosphère, l’ambiance du lieu. S’il fait sombre, le champ de vision n’est pas net et cela peut provoquer un stresse, car les individus du genre féminin ne sont pas en totale capacité d’analyser la situation. C’est alors que la conception de l’architecture des lieux doit alors prendre en compte ce besoin d’observation. Enfin, l’architecture générale d’un espace peut également provoquer un sentiment d’insécurité. Nous avons observé que la matérialité de la gare Lille Europe, composée essentiellement de béton et de verre, provoque une atmosphère froide, impersonnelle du lieu ce qui laisse penser que le visiteur n’est pas invité à rester. Nous avons remarqué, à travers l’analyse des espaces architecturaux des gares Lille Flandres et Lille Europe que certains espaces répondaient à ce besoin d’observation. Les grands halls d’accueils ainsi que les halls d’arrivées et de départs sont bien perçus par le genre féminin. Ces espaces sont proportionnels à la fréquentation que ces gares accueillent et bénéficient d’une lumière constante. En effet, nous avons remarqué que les dimensions généreuses ainsi qu’un espace ouvert où l’on peut apercevoir des perspectives extérieures, rassure les individus du genre féminin. Ces espaces architecturaux engendrent alors un sentiment de sécurité.

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Les gares Lille Flandres et Lille Europe, ne sont pas que des espaces publics négatifs pour le genre féminin comme nous avons pu l’observer. La conception architecturale de l’époque de ces deux gares (XIXe et XXe siècle) n’avait pas les mêmes questionnements et enjeux que nous avons aujourd’hui. L’évolution de la notion du genre, de notre société et de notre mode de consommation, a bouleversé ces espaces publics qui tentent de s’adapter pour satisfaire les usagers. L’architecture originelle des gares Lille Flandres et Lille Europe ne possèdent donc pas des proportions, dimensions, et atmosphères similaires aux demandes de la société du XXIe siècle. Ce mélange d’époques et de sociétés engendrant une architecture qui dérange, est encore plus visible aujourd’hui. A l’ère d’une pandémie mondiale la pratique des espaces publics est aujourd’hui restreinte. La Covid-19 induit alors une minimisation des flux au sein des gares Lille Flandres et Lille Europe. Ce changement radical dans nos manières de vivre et surtout nos modes de déplacements, permet donc une modification des perceptions sur ces espaces publics, d’habitudes congestionnés. Le port du masque ainsi que la mise à distance d’au moins un mètre, étant obligatoire, induisent une nouvelle représentation de ce qui nous entoure. En effet, on ne perçoit plus les visages de la foule, l’anonymat est alors mis au premier plan. Ces bouleversements, occasionnés par la Covid-19, posent alors question sur l’évolution des comportements dans l’espace public. La mise à distance permet de diminuer les potentiels risques qui peuvent perturber les individus du genre féminin. Nous avons observé, que l’architecture de chaque espace public s’est adaptée à ces mesures. Les espaces se sont modulés pour réduire la transmission du virus. Des couloirs, des cloisonnements ainsi que des marquages aux sols rythmes aujourd’hui l’architecture de nos espaces publics et notamment des gares. A l’heure de la restructuration de ces espaces publics, il serait intéressant de se demander si ces mesures de ré-aménagements prises pendant la Covid-19 ne peuvent pas intégrer les problématiques vécues par le genre féminin, dans la nouvelle conception ces espaces publics?

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/Table des matières

/Introduction

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I/ L’architecture et l’urbanisme de l’espace public des gares Lilloises: Lille Flandres et Lille Europe 1/ L’apparition des gares dans nos villes 29 1.1/ Le XIXe siècle: l’arrivée de la locomotive 1.2/ Les premières gares 1.3/ L’impact des gares sur nos villes

30 31 33

2/ L’architecture des gares Lille Flandres et Lille Europe

35

3/ L’impact de ces deux gares emblématiques sur la société Lilloise

42

2.1/ Le quartier Euralille 2.2/ Lille Flandres, une gare Terminus 2.3/ Lille Europe, une gare de passage 3.1/ Euralille et ses gares, en connexion avec la métropole lilloise? 3.2/ Les problématiques de la gare Lille Flandres 3.3/ Les problématiques de la gare Lille Europe

II/ Le vécu du genre féminin au sein de ces deux gares 1/ Le genre féminin dans ces architectures imposantes 1.1/Le sentiment d’insécurité vécu par le genre 1.2/Les problèmes rencontrés au sein de ces gares

35 38 40 42 46 47

51 52 52 53

2/ Place à la parole: où le genre féminin ressent un sentiment d’insécurité dans ces gares? Et à l’inverse, où se sentent-elles en sécurité? 55 2.1/L’échantillon 2.1.1/Les genres 2.1.2/ Les tranches d’âge 2.2/La gare Lille Flandres 2.2.1/Ses fréquentations 2.2.2/Les flux 2.2.3/Temporalité 2.2.4/Ressenti des individus interrogés 2.3/La gare Lille Europe 2.3.1/Ses fréquentations 2.3.2/Les flux 2.3.3/Temporalité 2.3.4/Ressenti des individus interrogés 2.4/Conclusion

55 55 56 56 56 57 58 60 64 64 65 66 67 71

III/ Le genre féminin au coeur de la conception des espaces publics des gares 73 1/ Les espaces architecturaux des gares Lille Flandres et Lille Europe qui engendrent un sentiment d’insécurité 74 1.1/L’entrée de la rue de Tournai depuis la gare Lille Flandres 1.1.1/L’affluence 1.1.2/Les dimensions architecturales de ce lieu 1.1.3/L’éclairage

76 76 78 80

106


1.2/Les escalators de la place François Mitterrand depuis la gare Lille Europe 1.2.1/L’affluence 1.2.2/Les dimensions architecturales de ce lieu 1.2.3/L’éclairage 1.2.4/Conclusion

80 80 82 84 84

2/Les espaces architecturaux des gares Lille Flandres et Lille Europe qui engendrent un sentiment de sécurité 86 2.1/Le hall de départ et d’arrivée de la gare Lille Flandres 2.1.1/L’affluence 2.1.2/Les dimensions architecturales de ce lieu 2.1.3/L’éclairage 2.2/Le hall de départ et d’arrivée de la gare Lille Europe 2.2.1/L’affluence 2.2.2/Les dimensions architecturales de ce lieu 2.2.3/L’éclairage 2.2.4/Conclusion

86 86 88 90 90 90 92 92 93

/Conclusion

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/Bibliographie

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/Annexes

2e dossier

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La place du genre dans l’espace public étant sans cesse en questionnement, ce travail de mémoire cherche à comprendre à travers l’espace public des gares Lille Flandres et Lille Europe, l’expérience de cellesci dans ces architectures. Ces deux gares, considérées comme des monuments emblématiques de la ville de Lille, ont permis un développement à l’échelle internationale de notre territoire. Le genre féminin lui, tend à s’émanciper dans une société en constante évolution. Par le bais de ce travail de recherche nous avons observé la présence d’un sentiment de sécurité et d’insécurité dans certains espaces architecturaux des gares Lille Flandres et Lille Europe. L’expérience du genre féminin varie donc en fonction de facteurs, tels que la fréquentation, l’éclairage ou dimensionnement des espaces. Genre - espace public - insécurité - sécurité - ressenti

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The place of the feminin gender in public space is everytime in questioning. This memory try to understand, trough the stations Lille Flandres and Lille Europe, the experience of them in those architecture. Theses stations, regard like emblematic monuments from Lille, allowed an international development of our territory. The female gender tends to emancipate itself in a constantly changing society. Through this research work we observed the presence of a feeling of security and insecurity in certain architectural spaces of Lille Flandres and Lille Europe stations. The experience of the female gender therefore varies depending on factors, such as attendance, lighting or space sizing. Gender - public space - insecurity- security - feeling

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