FHM Une heure avec : Alain Chabat

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UNE HEURE AVEC…

INTERVIEW

ALAIN CHABAT

Auteur, acteur ou réalisateur, il est le roi de la déconne décalée depuis vingt ans. Avec l’âge, il devient même beau. Poil au dos. SON PARCOURS

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Le “grain de sable” qui a lancé votre ascension, c’est quoi ? L’armée. Elle a fait de moi un homme, môssieur, je lui dis merci ! Non, en fait, quand j’ai été incorporé, j’ai tout fait pour abréger l’expérience. Vraiment tout. Total, quand ils se sont débarrassés de moi, au bout de deux mois, j’étais bien “secoué”. Mon frère m’a invité à me reposer dans le midi… où RMC organisait un casting d’animateur. A ma grande surprise, ils m’ont retenu. C’est là-bas que j’ai rencontré Pierre Lescure. Quelques années plus tard, il m’attirait avec lui à Canal +. Ce mec a changé ma vie, je n’ai pas peur de le dire… Vous êtes un pur produit de ces années 80 dont se moque le film. Artistiquement, c’était atroce, on peut le dire maintenant, non ? Pas si pourri que ça en fait, si l’on s’arrête, par exemple, à la musique et qu’on fait le tri. Le rock n’est évidemment pas à la hauteur des sixties/seventies. Mais, en funk, tu as Prince, Parliament, Grand Master Flash… Un choc pour moi. Gilles Gabriel aurait pu chanter entre Desireless et Cookie Dingler à la RFM Party 80 ! Arrête ! J’aurais adoré et ça a failli se faire. Mais c’était en plein festival de Cannes. Un crève-cœur. Sinon, quels souvenirs gardezvous de cette décennie qui vous a vu décoller ? Ben, pas beaucoup, justement. Tapie, la coke, le blé roi, la pub… Je ne m’en souviens pas trop. J’avais la gueule dans Les Nuls du matin au soir ! Au point de pas se rendre compte que Bruno Carette était mourant ? (Songeur) C’est vrai que c’est assez consternant. Je ne sais pas si c’est de la naïveté, un refus de voir les choses en face ou juste la surprise face à un truc pas écrit sur le scénario… Le fait est que j’ai rien compris au film. Au début, Bruno lui-même croyait souffrir d’une sale grippe. Ce n’est qu’après des tests poussés que les médecins ont découvert que c’était beaucoup plus grave (une leuco-encéphalite aiguë, ndlr). En trois mois, il est parti. Moi j’étais dans mon Disneyland mental.

» 24 novembre

1958. Naissance à Oran (Algérie). » 1963. Suite à la guerre d’Algérie, la famille est rapatriée à Massy (Essonne). » 1980. Travaille à la radio. » 1987. Débuts de la collaboration avec Chantal Lauby, Bruno Carette et Dominique Faruggia avec Objectif : nul.

( SUR UN TOURNAGE, J’AIME BIEN LE CÔTÉ COLO, MAIS ÇA DOIT PAS ÊTRE LA FÊTE AU SLIP...”)

» 1989. Décès

de Bruno Carette. » 1990. Les Nuls : l’émission. » 1992. Fin des Nuls. » 1994. Il joue et coécrit La cité de la peur.

» 1995. Gazon

maudit de Josiane Balasko. » 1998. Didier, sa première réalisation, reçoit le César du premier film. » 2002. Astérix : mission Cléopâtre totalise 14 557 020 entrées, à ce jour le troisième plus gros succès de l’histoire du cinéma français.

» 2004. RRRrrrr !!! » 2006. Prête-moi ta main, d’Eric Lartigau.

SON ACTU Il met en scène Les monologues du vagin ?

C’est-à-dire ? La vie, pour moi, c’était du fun, du fun, sans oublier du fun. Je n’étais pas idiot au point de ne pas savoir que la vie est tragique, mais je pense que je recrachais la violence du monde en déconnade… Le choc a dû être d’autant plus rude. Il n’y a pas un jour où quelqu’un ne me parle pas des Nuls. C’est un des moments – sinon “le” moment – le plus fort de ma vie professionnelle. Pourtant, ça n’a duré que trois ans. J’ai d’autant plus de regrets par rapport à Bruno qu’on commençait à peine à se connaître, à s’apprécier, à fonctionner. Cette impression de frustration m’a

© P. RUIZ/EYEDEA PRESSE/GAMMA - DR - PASCALITO - CANAL +

Je sors fumer une clope. Tu viens ? OK. Ce ne sont pas les fantômes de l’hôtel Lutétia qui vous font fuir au moins ? C’est vrai que je n’aime pas beaucoup cet endroit. Donner des interviews là où les Allemands torturaient pendant la guerre, ça me plaît moyen. Je dis souvent que je ne me sens juif qu’au milieu de nazis et nazi qu’au milieu de sionistes. Là, on est plutôt dans le cas où j’ai les papillotes qui poussent. J’ai même envie de les agiter (rire). Savez-vous que Flou de toi, la chanson de votre avatar Gilles Gabriel, a suscité de nombreuses demandes de lobotomie ? C’est toxique ce truc, hein ? Moi-même, elle m’a collé au crâne pendant quelques semaines. Je suis coupable et victime ! D’autant que vous chantez bien ! C’est gentil, merci… J’en suis le premier éberlué. Notez, je me suis donné les moyens, j’ai pris des cours de chant ! Allez, on rentre ? Vous avez de la tendresse pour le has been du film, non ? La moquerie gratuite, ça ne m’intéresse pas. Alors oui, ce mec qui fait de la daube en croyant qu’il a été le Marvin Gaye français me touche. Les winners, c’est chiant, non ? Ou alors il faut qu’il y ait subitement une couille qui tombe dans leur potage. J’adore les grains de sable qui dérèglent tout. Winner, vous l’êtes devenu… Oui, d’une certaine façon… J’ai eu la chance d’enregistrer plus de succès que d’échecs, mais ça reste fragile. Je n’ai toujours aucune certitude. Le raz de marée d’Astérix : mission Cléopâtre m’a presque autant déconcerté que le bide (relatif) de RRRrrrr ! Vous êtes un gros bosseur. On a pourtant l’impression que vous avez toujours eu la chance de ne jamais “travailler”. Faux ? Non, c’est vrai. Quand ce que je fais me passionne, je ne compte pas les heures. Ça a toujours été le cas… Barman, chasseur, distributeur de tracts, agent de service hospitalier : je n’ai jamais fait ces tafs en dégoûté. Agent hospitalier, par exemple, ça ne se résume pas à vider la bassine des malades et nettoyer la merde. Il y a un aspect humain génial.

cassé les pattes, mis KO debout pendant deux ans. Là, c’est à Alain de Greef, le directeur des programmes, que je suis reconnaissant : il nous a forcés à avancer. Vous allez avoir 50 ans bientôt… Eh oui. Que puis-je y faire ? J’essaie juste d’empêcher que tout parte en couilles, de prendre davantage soin de moi. C’est vrai que je dis ça à longueur d’interviews mais, cette fois, c’est vrai, juré. Fini les cochonneries, style chips tartinées de Kiri. Tiens, je commence même à apprécier un bon poisson accompagné d’une salade (rire). Y a-t-il des choses que vous avez envie de découvrir ? J’ai la manie des listes, dont une des

choses à faire avant de mourir. Par exemple, je voudrais me remettre au dessin. C’est tout con de bloquer une ou deux heures par semaine pour aller aux Beaux-Arts… Eh bien, je n’y arrive pas ! Le temps où je ne bosse pas, je le consacre aux miens. Sur ma liste, il y a aussi : arrêter de faire des listes. Ces derniers temps, la presse féminine a fait de vous le George Clooney français… George What-Else ? Il va être content quand il va voir la gueule du Clooney français ! Bon, niveau meufs, je n’ai jamais manqué pendant la guerre, mais là, je crois que c’est l’effet tempes grises ! Et les comédies sentimentales, comme Prête-moi ta main…

Qu’est-ce qui vous met en colère ? L’abus de pouvoir. Ça peut me rendre très agressif et m’inciter à bien chercher la merde. Justement, quel genre de patron êtes-vous ? Cool, je pense, mais je fuis moins les conflits qu’avant. Sur un tournage, j’aime bien le côté colo et que l’ambiance soit agréable, mais ça doit pas être la fête au slip. Je dois parfois rappeler à certains que d’aucuns tueraient pour avoir leur taf. Qu’est-ce qui vous dégoûte ? J’ai longtemps eu un problème de chou chaud. Mais il est réglé. Alors je dirais les abats. Et l’hygiène douteuse. Propos recueillis par Bertrand Rocher

Dans La personne aux deux personnes, fantaisie excentrique signée Nicolas & Bruno (réalisateurs du Bureau), l’ancien Nul interprète un chanteur has been qui se réincarne dans le corps de Daniel Auteuil, employé ultra-coincé. » En salles depuis le 18 juin.


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