BAGDAD MAGAZINE N°411/2023

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MAGAZINE

BAGDAD TRIMESTRIEL PUBLIÉ PAR DAR AL-MAMO'UN DE TRADUCTION ET D'ÉDITION / MINISTÈRE DE LA CULTURE, DU TOURISME ET DES ANTIQUITÉS

No 411 / 2023

Éric Chevallier Entre Bagdad et Paris, il y a des relations culturelles dynamiques

Dossier

les relations bilatérales franco-irakiennes

Ali Lafta Saeed

Le roman est un espace ouvert aux autres genres


Tableau de l’artiste irakien Abbas Al-Zahawi


Sommaire No 411 Décembre

Dossier

- Liens étendus : Politique, économie et culture dans les relations franco-irakiennes.. . . P.04 - Le projet JOII : L'évolution du journalisme contemporain en Irak.. . . P.10 - Dar Al-Ma'moun accueil e Dr Raid de l'Université Al-Mustansiriya à l'Institut français de Bagdad.. . P.18

Interview

Archéologie

- Temple lié à Hercule et Alexandre le Grand découvert dans l'ancienne mégapole en Irak.. . P.38

Cinéma

- Le parcours du film Jardins Suspendus de la banlieue de Bagdad aux Oscars.. . P.40

- Éric Chevallier : Dynamique des Relations Culturelles Bilatérales entre Bagdad et Paris. . P.20

Poésie

Littérature

Nouvelle

- La Mort dans la Littérature Française et Arabe.. . P.29 - Le roman est un espace ouvert aux autres genres.. . P.32

4ème/2023

- Paris. poème de Muhammad Mahdi Al-Jawahiri . . . P.43 - Une histoire cachée.. . . P.46

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No 411 Bagdad Magazine /01


TRIMESTRIEL EN LANGUE FRANÇAISE

BAGDAD MAGAZINE

Rédacteur en chef : Ikbal Aladdin Rédaction : Mohammed K. Majeed Luma Qais Essam Thaer Amjed Hameed Haider Abdul-Hameed Haider Halem Hussain Zahraa Hussein Maquette : Amjed Hameed Photo de la couverture : ©Salih J. Al-Bahadli

Hayfa Street,Bagdad-Irak B.P:7018

Www.dar-mamoon.mocul.gov.iq

bagdad.magazine217@gmail.com mamoon@dar-mamoon.mocul.gov.iq 02/ Bagdad Magazine No 411


Editorial La francophonie en Irak

L

e 2 décembre, l'Institut français d'Irak a célébré le 70e anniversaire de sa fondation. Ce monument culturel est une image lumineuse dans la capitale Bagdad, il a une place particulière dans le domaine culturel et témoigne de la profondeur de la relation d'amitié entre la France et l'Irak. Les Français étaient soucieux que cet institut reste ouvert en Irak, même pendant les années difficiles que Bagdad a vécu. L'une des activités principales de l'Institut français est l'enseignement du français et le développement de la francophonie en Irak et soutenir la culture et l'art en générale. Notre maison de traduction et d'édition, Dar Al Ma'moun, n'a eu de cesse, malgré la grande diversité de sa palette linguistique et de ses rapports, de marquer un intérêt tout particulier pour la langue de Molière et pour ses traducteurs qui évoluent chez elle. Heureusement, cette attitude francophile qui n'est qu'une émanation des rapports historiques entre les deux peuples irakien et français trouvait toujours un écho favorable chez les responsables du Service culturel à l'ambassade de France à Bagdad. C'est grâce à quoi une coopération étroite et intense s'est instaurée entre les deux parties. La manne de cette coopération qui est le fruit de nombreux stages de formation linguistique organisés en France et en Irak et d'apports en livres et autres publications francophilie faits par le service culturel français est aujourd'hui bien apparente sur le niveau de performance de nos traducteurs et journalistes francophones. Au ministère de la culture et au-delà, cette coopération est devenu un exemple à suivre. Nous en sommes extrêmement heureux.

Rédacteur en chef

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Dossier

Liens étendus : Politique, économie et culture dans les relations

franco-irakiennes P

our Les liens entre l'Irak et la France sont considérés parmi les relations internationales significatives, englobant divers secteurs tels que la politique, l'économie et la culture. L'origine de ces relations remonte à 1623, marquée par la première représentation diplomatique française en Irak pendant la période des missionnaires chrétiens à Bassorah. Au fil des siècles, ces relations ont évolué en réponse aux dynamiques internationales et régionales. Sur le plan politique, les liens entre les deux pays se sont renforcés au fil du temps, avec une collaboration sur des questions cruciales telles que la sécurité régionale, la stabilité, la lutte contre le terrorisme et la corruption. Sur le plan économique, une coopération notable dans des secteurs tels que l'énergie, les infrastructures et la technologie témoigne d'une volonté commune de renforcer les échanges commerciaux et les investissements bilatéraux, créant ainsi des opportunités économiques mutuelles. Les relations culturelles ont également joué un rôle significatif, favorisant des échanges culturels à travers des initiatives telles que l'échange d'étudiants, des ateliers culturels et des événements artistiques. Ces programmes contribuent à approfondir la compréhension mutuelle et à tisser des liens humains durables. Globalement, les relations bilatérales entre l'Irak et la France, marquées par une histoire étendue, reflètent l'engagement continu des deux pays à renforcer leur coopération mutuelle et à poursuivre des intérêts communs dans divers domaines.

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Les relations bilatérales entre ces deux pays ont été influencées par le contrôle colonial avant le XXe siècle, en particulier lorsque l'Irak faisait partie de l'Empire ottoman. Après l'indépendance de l'Irak vis-à-vis du RoyaumeUni en 1932, des liens se sont établis entre la France et l'Irak. Notamment pendant l'entre-deuxguerres, ces relations bilatérales se sont renforcées grâce à des partenariats avec de nombreuses entreprises et professionnels français. Dans les années soixante et soixante-dix du XXe siècle, alors que l'Irak se rapprochait de l'Union soviétique, il maintenait également une coopération technique et militaire avec la République française. Au cours des dernières décennies, nous avons observé un resserrement des liens entre les deux pays, axé sur le développement de plusieurs domaines, notamment la coopération économique et culturelle. Ces relations ont abouti à la signature d'accords et de mémorandums d'entente dans les secteurs de l'énergie, de l'éducation et de la culture. Les échanges culturels entre l'Irak et la France représentent un aspect important des relations bilatérales entre les deux pays et englobent diverses manifestations culturelles telles que la littérature, les arts et les médias. Grace à la coopération entre le Ministère de la Culture et le Service de

Coopération et d'Action Culturelle à l'Ambassade de la France en Irak, des écrivains participent à des événements culturels et des salons du livre, facilitant ainsi les échanges entre l'Irak et la France. L'Institut français de Bagdad et d'Erbil peut être considéré comme un espace culturel commun entre les deux nations. Ce centre culturel a accueilli, comme une partie de sa coopération avec certaines institutions et associations culturelles irakiennes, de nombreux événements, tels que des séminaires de dialogue, des concerts, des expositions de dessins, des représentations théâtrales et des salons du livre. En fait, la traduction réciproque d'œuvres littéraires vers et depuis le français joue un rôle crucial dans le renforcement de la compréhension culturelle entre les communautés. Les expositions et ateliers artistiques créent une plateforme propice à la présentation des œuvres d'artistes tant irakiens que français. Dans les domaines des arts plastiques et graphiques, on constate des influences partagées et des échanges d'idées entre les artistes des deux nations. De plus, un intérêt mutuel pour la musique se manifeste à travers l'organisation de concerts et de performances, où des artistes irakiens se produisent en France et vice versa. Ces échanges culturels entre

l'Irak et la France contribuent à l'enrichissement et à la diversification des expériences culturelles des deux parties, renforçant ainsi la compréhension mutuelle. En plus des interactions artistiques, une collaboration dans le domaine de la formation et du développement s'est développée. De manière régulière, des responsables des institutions gouvernementales irakiennes ont suivi des programmes de formation, dont un groupe de juges irakiens formés à l'École Nationale de la Magistrature (ENM) à Paris. De plus, l'Académie France Média Monde a dispensé une formation sur le journalisme innovant à plusieurs journalistes irakiens. Par ailleurs, la Fédération Française de Football a lancé un projet de formation et de développement du football féminin en Irak. Enfin, le musée du Louvre a offert des cours de formation aux professionnels travaillant dans le domaine des antiquités et des fouilles, tandis que la Bibliothèque Nationale de France (BNF) a dispensé des cours de formation dans le domaine de la documentation. Le renforcement des liens bilatéraux entre l'Irak et la France repose grandement sur le rôle crucial de l'éducation et des échanges universitaires. Ainsi, la circulation d'étudiants entre les institutions académiques des deux pays se présente comme un moyen particulièrement efficace

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Dossier

Le projet JOII L'évolution du journalisme contemporain en Irak

L

e journalisme contemporain est en constante évolution, grâce à l'émergence de nouvelles technologies et de méthodologies innovantes. En Irak, un groupe de douze journalistes s'est récemment engagé dans un projet de formations intensives axées sur le journalisme innovant. Le « Journalisme innovant en Irak » (JOII), est un projet, qui a été organisé par l’Académie France Média Monde (FMM) et piloté par CFI dans le cadre d’un Fonds de solidarité pour les projets innovants (FSPI) coordonné par l’Ambassade de France en Irak, les douze formateurs-trices, issues de la Faculté des Médias à l'Université de Bagdad (FMUB) et de Iraqi Media Network (IMN), ont été poursuivis, durant deux années, des formations qui ont couvre une gamme étendue de domaines, allant du reportage traditionnel au fact-checking, permettant à ces 12 professionnels des médias irakiens de rester à la pointe des tendances émergentes.

Le projet (JOII), selon les estimations futures de FMM, a bénéficié de 6 enseignants de la FMUB, ainsi que de 6 formateurs de l'IMN. Il profitera également d’environ 3 000 professionnelles de l'IMN et d’environ 1 000 étudiants de la FMUB, ainsi que de1 000 autres étudiants des 10/ Bagdad Magazine No 411

facultés de médias, provenant de différentes universités irakiennes. Cette couverture journaliste de Bagdad Magazine, financée par le Service de Coopération et d'Action Culturelle (SCAC) à l'Ambassade de la France en Irak et FMM, explore en détail les six domaines clés dans lesquels ces

journalistes se sont perfectionnés : reportage, caméra, montage, présentation TV, multimédias et fact-checking. Reportage : Une narration fluide et captivante des événements.


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Dr Iman Almishadany, professeur à la FMUB et bénéficiaire du projet JOII

Formation pour les bénéficiaires du projet JOII à l'Institut français de Bagdad.

"Personnellement, je considère le projet JOII comme une expérience enrichissante à bien des égards, tant sur le plan académique que pratique. Il s'agit d'un partenariat durable entre la FMUB et France Média Monde. Au cours de ce projet, nous avons eu l'opportunité

de participer à des ateliers de formation intensifs sur une période de deux ans. Grâce à ces ateliers, nous avons découvert de nouvelles et innovantes méthodes journalistiques. Je constate que l'environnement journalistique en Irak est réceptif à ces approches modernes dans le domaine du journalisme. En tant que professeur universitaire ayant collaboré avec plusieurs agences de presse, je pense que ce projet a semé une graine que nous pourrons faire germer chez les générations futures d'étudiants diplômés de notre faculté et d'autres établissements spécialisés dans le journalisme. Cela est particulièrement vrai pour le domaine de la rédaction des rapports de presse destinés aux agences de médias en Irak. Nous nous engageons à obtenir des résultats fructueux pour ce projet en mettant en pratique les enseignements que nous avons acquis en matière de formation, aussi bien sur les méthodes modernes de transmission du matériel théorique que sur celles liées à la pratique. Les formateurs nous ont également fourni des bases solides en matière de journalisme innovant et contemporain, que nous mettrons en œuvre avec détermination. " Ali Ahmed, reporter à l'IMN et bénéficiaire du projet JOII

Session de formation à distance pour les bénéficiaires du projet JOII en présence de l'Ambassadeur de France en Irak.

En fait, le reportage est l'épine dorsale du journalisme, et ces douze journalistes irakiens ont participé à des sessions intensives de formations professionnelles certifiantes, en ligne et en présentiel à l'Institut Français d'Irak (IFI), visant à améliorer leurs compétences dans ce domaine. Grâce à ces formations animées par des journalistes professionnels, de grands reporters et des correspondants travaillant pour l'une des agences de FMM telles que France24, RFI ou MCD, les formateurs expérimentés ont partagé des techniques de collecte d'informations, des méthodes d'entrevue approfondies et des approches innovantes pour rendre compte des événements en temps réel. Les participants ont également exploré les nouvelles tendances en matière de journalisme d'investigation, mettant en lumière des sujets cruciaux et souvent négligés.

par le Projet de journalisme innovant, j'ai pu approfondir mes connaissances des bases du travail journalistique. Ce que nous avons appris des méthodes modernes et novatrices représente le résultat des expériences de nombreux acteurs du journalisme international. Nous nous engageons à intégrer ces enseignements, nous présentées par les formateurs-trices de l'Académie FMM, dans notre pratique professionnelle, suivant ainsi le développement constant de notre domaine. Le rôle de cette formation revêt une importance majeure, car nous, comme participants à ce projet JOII, jouerons un rôle essentiel en tant que formateurs, aussi bien au sein d'IMN que dans les laboratoires et studios de FMUB. Le JOII nous a doté des compétences nécessaires pour assumer le rôle de formateurs, tant pour nos collègues de terrain que pour un certain nombre d'étudiants issus du Collège de Médias ainsi que d'autres établissements. Il s'agit indubitablement d'un travail collectif qui profitera à de nombreux acteurs de ce vaste, essentiel et influent domaine au sein de la société irakienne. "

" En tant que reporter de terrain, Caméra : Transmettre la vérité je possède une solide expérience, dans les moindres détails et grâce aux formations dispensées No 411 Bagdad Magazine /11


Dossier

Dar Al-Ma'moun accueille Dr Raid de l'Université Al-Mustansiriya à l'Institut français de Bagdad

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ar Al-Ma'moun de Traduction et d'Edition a organisé un débat littéraire intitulé « La pensée irakienne à travers la langue française » dans la soirée du jeudi 30 novembre 2023, en coopération avec l'Institut français de Bagdad (Diwan littéraire).L'invité de la soirée dans le bâtiment de l'institut français était Dr Raid Jabbar Habib, professeur de français à la Faculté des Lettres de l'Université Al-Mustansiriya, qui a parlé de son expérience en tant

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qu'écrivain irakien francophone de ses œuvres théâtrales et poétiques écrites en français et publiées enFrance. La séance a étéanimée par M. Amjad Hameed Jaber, journaliste à Bagdad magazine francophone publié par Dar Al-Ma'moun de Traduction et d'Édition du Ministère de la Culture, du Tourisme et des Antiquités. Un bref aperçu du Dr. Raid Jabbar Habib.

Né à Bagdad en 1973, il obtient une licence en français à la Faculté des Lettres de l'Université Al-Mustansiriya en Irak en 1998 et une maîtrise en littérature française dans la même université en 2002. Il a obtenu son doctorat en littérature française à l'Université François-Rabelais en France en 2011.Actuellement, Dr Raid occupe plusieurs postes, dont membre de l'Association des traducteurs irakiens et membre de l'équipe de recherche à la Faculté desLettres de l'Université


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François Rabelais en France. Il travaille actuellement professeur de la langue et de la littérature françaises au département de Langue françaiseà la Faculté des Lettres de l'Université Al-Mustansiriya. Il supervise également les thèses de master en français et a participé à de nombreuses formations et conférences en Irak et en France. Ses œuvres les plus importantes en français La pièce d' « Izram » / France 2010 , le livre de « les Concepts de l'aventure dans les œuvres romantiques de Diderot » / Allemagne 2013 , un livre sur la critique : « Aux côtés du théâtre, du roman et de la poésie » / France 2017, le livre «Anthologie de la poésie française» Paris 2020 , le livre « la Poésie française » Bagdad 2021 , le livre « Poètes et poésie » Allemagne 2021, en

arabe : la pièce de « Quelque part ailleurs » Bagdad 2019 et le recueil de poèmes « La Symphonie de l'Automne » Bagdad 2019. Certaines de ses œuvres ont été traduites en arabe, français et anglais, comme la pièce d'Izram, le livre sur le Jansénisme et sentimentalité dans les dernières tragédies de Racine, le recueil la Symphonie d'automne et la pièce Quelque part ailleurs, etc. Au début du débat, Mme Laurence Levasseur, directrice de l'Institutfrançais, a salué les efforts déployés par Bagdad Magazine, pour soutenir la célébration du 70ème anniversaire de la création del'Institut français de Bagdad, et a salué cette coopération avec Dar Al-Ma'moun. Puis l'invité Dr Raid Jabbar a parlé de ses débuts en son attachement à la langue française en raison de son amour pour la littérature et de son influence grâce à de nombreux écrivains français, notamment ceux du XIXe siècle.Il amis la lumière sur son expérience de l’écriture en français et ses œuvres publiées en Europe et en Irak, en particulier les œuvres poétiques et leurs importances pour la nature poétique de la langue française, qui l'a encouragé à écrire, de sorte que ses éditions poétiques portaient de nombreux aspects de sa personnalité, de ses sentiments et de son identité.

Il a publié de nombreuses œuvres poétiques en français dont certaines ont été traduites en arabe. Il a également des publications dans le domaine du roman, des études et de l'écriture dramatique. Il a récemment publié un livre qui parle des courants culturels et de leurs écoles et de la manière de gérer ces courants à travers des œuvres créatives de poésie, d'histoires et de théâtre d'une manière qui répond aux exigences des lecteurs de tous niveaux. Dr. Raid a également expliqué que ses rencontres avec de grands écrivains internationaux et ses débats avec eux sur les styles littéraires et la créativité sont une autre raison qui l'a encouragé à écrire en français. A la fin du symposium, les invités présents ont visité le salon du livre organisé par la Division des expositions et de la distribution à Dar Al-Ma'moun dans la bibliothèque de l'Institut, où l'exposition comprenait les publications les plus récentes et les plus importantes d'AlMa'moun. Les visiteurs ont également exprimé leur admiration pourlespublications traduites du français et d'autres langues et vice versa.

Haider Abdul-Hameed

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Interview

Éric Chevallier Dynamique des Relations Culturelles Bilatérales entre Bagdad et Paris

Je suis très heureux de pouvoir m'exprimer dans ce magazine francophone, Bagdad Magazine. Je voudrais vraiment féliciter la maison d'édition Dar al-Mamoun ainsi que le Ministère de la Culture, parce que je trouve que cette initiative est formidable, montrant l'engagement louable de la maison d'édition, sous l'égide du Ministère de la Culture irakien, à publier des revues dans différentes langues, dont cette revue en français. C'est véritablement un message très important du Ministère de la Culture irakien, démontrant la volonté d'ouverture culturelle du pays. Éric Chevallier, l'ambassadeur de la France en Irak 20/ Bagdad Magazine No 411


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À

l'occasion du soixante-dixième anniversaire de l'Institut Français en Irak (IFI) et en conjonction avec notre préparation d'un dossier exhaustif sur les relations bilatérales entre l'Irak et la France, Bagdad Magazine a eu l'opportunité de mener une vaste entrevue avec Son Excellence, l'Ambassadeur de France en Irak, Monsieur Éric Chevallier. Au cours de cet échange, l'Ambassadeur Chevallier a partagé des perspectives approfondies sur de nombreux projets collaboratifs entre la France et l'Irak à divers niveaux. Les sujets abordés englobent l'IFI et ses activités, la coopération avec les ministères de l'Éducation et de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche, les projets tels que "Assistant de la langue arabe en France" et "Un été français", ainsi que la relation culturelle entre les deux nations à travers des initiatives telles que le marché de la poésie, le cinéma franco-arabe, les courts-métrages, et le Festival du film d'animation de Babylone. M. Éric Chevallier détaille également des initiatives clés telles que la formation pour le football féminin par la Fédération Française de Football, la formation des journalistes irakiens venus de l'Université de Bagdad et du Réseau des médias irakiens (IMN) par France24, ainsi que des projets visant à soutenir la jeunesse irakienne, tels que Raai'dat pour le soutien à l’entreprenariat féminin. L'interview explore également des sujets cruciaux tels que la reconstruction de Mossoul et de son musée, la revitalisation des Marais irakiens, les fouilles archéologiques à Khorsabad et Larsa et les projets conjoints avec le Conseil d’Etat des Antiquités et du Patrimoine au ministère de la Culture, du Tourisme et des Antiquités, la coopération entre le Musée du Louvre et le musée de Mossoul, et enfin, l'importance de la francophonie en Irak.

Éric Chevallier Ambassadeur de la France en Irak Diplômé de l'Institut d'études politiques de Paris et docteur en médecine. Au cours de son parcours, il a exercé en tant que médecin en milieu carcéral, puis a travaillé au Centre international de l'enfance, contribuant aux premiers programmes de lutte contre le sida mère-enfant dans les pays en développement. Il a été impliqué dans la création d'ONUSIDA en 1995 et a ensuite été délégué général de l'ONG Aide médicale internationale. En 1997, il rejoint l'équipe de Bernard Kouchner, ministre de la Santé, en tant que conseiller chargé des questions internationales. En 1999, pour une durée de 18 mois, il devient conseiller spécial de Bernard Kouchner représentant des Nations unies au Kosovo. À son retour en France, il participe à la mise en place du plan de lutte contre le bioterrorisme et à la création du Fonds mondial contre le sida, la tuberculose et le paludisme. En 2002, il est nommé sous-directeur chargé de : La survie des crises internationales » au secrétariat général de la défense nationale, puis coordonnateur national au ministère des Affaires étrangères pour l'aide aux pays touchés par le tsunami. En 2006, il devient directeur des missions internationales de Médecins du Monde. En 2007, il rejoint le ministère des Affaires étrangères comme conseiller spécial du ministre Bernard Kouchner et, en 2008, puis devient le porte-parole et directeur de la Communication de l'information du quai d'Orsay. En 2009, il est nommé ambassadeur de France en Syrie, puis en 2014, ambassadeur au Qatar. En 2018, il devient directeur du Centre de crise et de soutien du Quai d'Orsay, et en 2021, il est nommé ambassadeur de France en Irak.

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Littérature

La Mort dans la Littérature Française et Arabe (Le cas du « Dormeur du val » de Rimbaud et du « Choléra » d’al-Malaika) La mort est l’un des thèmes abordés depuis toujours par la littérature, car elle constitue la préoccupation de l’esprit humain. Au fil du temps, les écrivains ont tenté d’aborder ce sujet sous diverses formes, cherchant un moyen de rassurer l’homme sur ce qui est attendu et inévitable. Les écrivains suggéraient ainsi des moyens temporaires, comme recourir à la nature et y trouver un refuge ; ou à l'art, et y chercher l'immortalité ou à l'esthétique des œuvres artistiques ; ou s’adresser aux forces surnaturelles ; ou recourir à la science-fiction ; ou descendre dans le monde des morts, et bien d'autres fenêtres qui permettraient aux vivants de s’allier aux disparus.

Est-ce une nouvelle représentation ?

« Le dormeur du val » (1870) de Rimbaud et « Le Choléra » (1947) d’al-Malaika sont deux poèmes de souffrance. Rimbaud (1854-1892), très jeune, décrit dans son poème la guerre franco-prussienne de (1870). Al-Malaika (1922-2007), affectée par le grand nombre de victimes de l’épidémie en Égypte (1946), versifie « Le Choléra ». Bien que les deux poèmes abordent un contexte historique, ils revêtent simultanément une signification métaphysique : ils mettent, en effet, l’accent sur tout ce qui est injuste dans le monde. Cependant, Rimbaud, à l’inverse d’al-Malaika qui n’a pas cessé de répéter le mot « mort » et a davantage fait de celui-ci un refrain à son poème ; Rimbaud n’a pas prononcé explicitement le mot « mort » dans « Le Dormeur du val ».

La particularité de l’étude réside dans son adoption de l’approche sémiotique pour aborder le sujet de la mort. Cette méthodologie a la spécificité d’étudier les signes et leurs significations à partir des indices que contiennent les deux textes. L’analyse sémiotique, « vise la description de [la] forme du sens, non le sens mais l’architecture du sens. Le sens sera alors considéré comme un effet, comme un résultat produit par un jeu de rapports entre des éléments signifiants » (KerbratOrecchioni 1979, 8). Notre étude vise donc la description de la forme que revêt la mort dans les deux textes et sa signification.

Pourquoi choisir l'approche sémiotique ? 1. La sémiotique étudie la vie des signes au sein de la vie sociale. 2. Les deux textes abordent deux faits sociaux : • « La Dormeur du Val » est inspiré de la guerre franco-prussienne (1870) • Le « Choléra raconte l'épidémie du choléra en Égypte (1946)

Il s’agit d’une étude comparée dont le propos consiste à répondre aux questions : en quoi la représentation de la mort est-elle différente chez les deux auteurs par rapport à la représentation de la mort dans la littérature contemporaine ? No 411 Bagdad Magazine /29


Littérature

L e roman es t un espace ou ver t aux au tres genres.

Entretien par Dr. Sattar Jabbar Radhi et le romancier Ali Lafta Saeed

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our commencer, nous souhaitons la bienvenue à Ali Lafta Saeed, romancier , critique, poète et journaliste, surtout, il est l’auteur d’une dizaine de romans dont certains ont remporté des prix. Ils se concentrent sur les questions à traits historiques ainsi qu’ontologique dans le sens large du terme. Ses personnages reflètent une vision que le lecteur irakien partage, ses romans sont chaleuresement accueils par la critique et les lecteurs arabes. Dans cet entretien où nous cherchons à éclaircir rapidement aux lecteurs du Magazine Bagdad en français les lignes directrices de sa création romanesque. Je me contente donc de lui donner la parole pour mettre en relief les points essentiels de son projet romanesque. En effet, le romancier a marqué le paysage littéraire en Irak ainsi que dans les pays arabes comme l’Egypte, la Tunisie et l’Algerie à travers des soirées organisées par des universitaires et critiques. On tente dans cet entretient de lui poser des questions concernant ce riche parcours , et comme d‘ habitude on commence par le commencement: Ali Lafta Saeed, né au Souq Al-Shuyoukh, un quartier dans al Nasiriyah, au sud de l’Irak, écrivain est à multiples talents, il écrit , roman, poésie, critique et essais ainsi que du théâtre. Quels sont les genres littéraires les plus proches à vous ?

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En effet, Il n'y a rien de plus proche ou de plus loin. Il y a une idée qui circule dans l'imaginaire. L'étape orale est provenue de la lecture, de la discussion, du débat, de la connaissance et de la réflexion. L’homme de lettres est un penseur d'une autre manière que le penseur politique et même

le penseur philosophique. Il ne pense pas à démanteler une opinion, mais plutôt à produire une opinion, à la conditionner et à la présenter aux destinataires. Il est aux lecteurs de la consommer intellectuellement, mentalement et même émotionnellement. Par conséquent, ce qui est le plus


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proche et le plus éloigné dans la production littéraire est régie par les conditions de production elles-mêmes, tout comme elle est régie par le processus de consommation et son acceptation par autrui. Dans le sens où la production littéraire n'est pas un exercice visant à obtenir une santé permanente, mais plutôt une hémorragie quotidienne à travers une pratique quotidienne de produire une idée qui plane dans les orbites de réception. Je ne fais donc que ressentir. La production est le résultat de la fatigue et de la réflexion mentales, de l'organisation de mes pratiques, de l'agencement de mes outils et de la transformation de mes compétences. Mais le roman demeure le genre le plus cher à moi , parce qu'il est le sommet d'une production qui dépasse même la poésie, une production qui se poursuit pendant de longues années que d'autres genres ne prennent pas, même la critique, dans son effet continu, et pour c'est pour cette raison que la relation entre le temps et la production détermine l'importance de la naissance de ce genre à partir de là. • Quand avez-vous écrit votre premier roman et quand avez-vous publié votre dernier roman ? Le premier roman a été l’une de mes expériences ratées, mais ce sont les débuts de l'exercice. J'ai

beaucoup de brouillons dans de nombreux genres. J'écrivais de la poésie quand j'avais 14 ans, jai publié mon premier texte poétique dans L’Obersvateur, juste au milieu des années soixante-dix du siècle précedent. En Irak, publier un roman n’était pas une affaire facile, ceux qui l’ont fait, ils ont de la chance. Mais je fais de l'exercice sur l'écriture romanesque depuis le début, je me rends -compte que cet art était difficile. Nous ne pouvons pas l'écrire simplement parce qu'il y a une histoire. Il faut que les autres éléments soient là , comme les outils de l’écriture utilisés dans tous les autres genres pour produire un roman . Ainsi, les premiers romans sont sortis avec des autres titres de la première édition comme Ancien amour et (Saisons de l’astrolabe ) et le dernier roman publié est Le jeu des cercles vides. Mais en ce qui concerne les manuscrits, ils sont nombreux,y parmi des romans qui seront publiés dans l’avenir .

L’idée commence souvent sous la forme d’une question, parce que j’ai toujours répété un adage (d’après les questions que nous soulevons nous aurons des réponses) . Ainsi, les activités imaginaires commencent. L’idée tourne et la façon avec laquelle sera discutée et de quoi elle a besoin des matériaux initiaux pour la produire. Comment puis-je y remédier en tant que roman. Chaque roman a une idée et une histoire et peut-être également une action. Dans mon roman (Starex), les manifestations d’octobre ont été la plus grande idée qui se déroulait depuis plus de trois mois, et je préparais ensemble son matériel initial des paroles des participants et les opinions des adversaires à la fois. L’idée principale est : pour quelle raison les gens se manifestent de cette manière et pourquoi leur fait-on face avec cette sévérité ? L’idée était donc avait besoin d’un récipient spatial et temporel, donc c’était une voiture (Starex) qui se

• Comment Ali Lafta Saeed écrit-il son roman ? Je ne sais pas vraiment comment écrire. Ce que je sais qu’une idée dont les conflits tournent dans ma tête . Donc ça prend toute ma pensée. Cela continue peut-être pour des jours ou même des semaines et peut-être des années. En effet, l’idée est d’abord et l’histoire ensuite. Al-Sakshkhi

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Archéologie

Templ e l ié à Hercul e et Al exandre l e Grand décou ver t dans l'ancienne mégapol e en Irak.

D

es archéologues ont découvert deux temples, l'un enfoui au sommet de l'autre, dans l'ancienne mégapole de Girsu en Irak. L'un des temples est lié à Hercule et à Alexandre le Grand.

Des archéologues en Irak ont mis au jour deux temples construits l'un sur l'autre. Le temple plus récent, hellénistique, remonte au IVe siècle avant J.-C. et pourrait être lié à Alexandre le Grand. Le temple renfermait une brique cuite avec une inscription en araméen et en grec faisant référence au "donateur de deux frères" une possible référence au roi macédonien, qui a conquis une grande partie du monde connu

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pendant ses 13 ans de règne, davantage sur l'histoire légendaire de 336 av . J.-C. à 323 av. J.-C. de la ville. Les archéologues du ‘’British Museum’’ de Londres ont découvert le temple plus ancien lors de fouilles à Girsu, une ville sumérienne aujourd'hui connue sous le nom de Tello, dans le sud-est de l'Irak. Les fouilles font partie d'une entreprise continuent par le musée, appelé le Projet Girsu, qui vise à en apprendre

Les vestiges du temple sumérien plus ancien ont été retrouvés enterrés 'exactement au même endroit' que la construction plus récente, dédiée au 'dieu grec Hercule et son équivalent sumérien, le dieu-héros Ningirsu [également connu sous le nom de Ninurta], ' a déclaré Sébastien Rey, archéologue et conservateur


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Le fait qu'un temple avait été réalisé sur le même site où se tenait un autre il y a 1 500 ans n'était pas une coïncidence, et le site devait avoir une certaine signification pour les habitants de la Mésopotamie, ont déclaré les chercheurs. "Cela montre que les habitants de Babylone au IVe siècle av. J.-C. avaient une vaste connaissance de leur histoire", a déclaré Rey. "L'héritage des Sumériens était encore très vivant." En explorant le site des deux temples, les archéologues ont découvert un drachme en argent (une ancienne pièce grecque) enterré sous un autel ou un sanctuaire, ainsi qu'une brique avec l'inscription des deux frères. "L'inscription est très intéressante car elle mentionne un nom babylonien énigmatique écrit en grec et en araméen", a expliqué Rey. "Le nom "Adadnadinakhe", qui signifie "Adad, le donateur de frères", a clairement été choisi comme titre cérémoniel en raison de son ton archaïsant et de ses connotations symboliques. Toutes les preuves indiquent que ce nom était extraordinairement rare." "L'inscription elle-même est un clin d'œil à Zeus, le dieu grec du ciel, souvent symbolisé par un éclair et un aigle. Ces deux symboles se retrouvent sur la pièce,

Brique cuite avec une inscription en araméen et en grec faisant référence au "donateur de deux frères"

de la Mésopotamie antique au British Museum, qui a dirigé la fouille.

qui aurait été frappée à Babylone "sous l'autorité d'Alexandre le Grand", a déclaré Rey. 'Elle représente Hercule avec un portrait jeune et imberbe rappelant fortement les représentations conventionnelles d'Alexandre d'un côté, avec Zeus de l'autre." Zeus a également 'reconnu publiquement Alexandre comme son fils par le biais de l'oracle d'Ammon', a ajouté Rey. 'Il est littéralement devenu le 'donateur de frères' car il a affirmé un lien fraternel entre Alexandre et Héraclès.’ . Cependant, les chercheurs ne savent pas encore si le roi macédonien a effectivement visité le site. " Mais il aurait pu avoir l'occasion de s'y rendre, soit lors de son séjour à Babylone, soit en faisant un détour sur le chemin de [la ville de] Suse'’, a-t-il déclaré. 'Il est significatif de noter qu'il a pu payer ses soldats après la prise de Babylone car les coffres de la ville lui ont été livrés. Cela signifiait qu'Alexandre et ses généraux avaient le contrôle de la richesse de la région, et ils ont probablement utilisé l'argent

babylonien pour frapper les nombreuses pièces de monnaie qui ont été produites dans la ville.' En plus des artefacts, les chercheurs ont également découvert des offrandes normalement données après une bataille, notamment des figurines d'argile représentant des soldats. "Les figurines retrouvées, provenant de divers endroits du monde hellénistique, ont très probablement été apportées au temple par des visiteurs", a-t-il déclaré. "Parmi celles-ci se trouvent les cavaliers macédoniens, fortement associés à Alexandre. Cependant, elles pourraient également être liées à un culte de l'héroïsme guerrier. Associée aux signes évidents d'une présence alexandrine dans le sanctuaire, cette découverte soulève la possibilité intrigante qu'Alexandre ait été directement et activement impliqué dans la réinstauration du temple, et/ou qu'il ait été intégré comme mémorial à ce Macédonien disparu après sa mort prématurée", a conclu Rey.

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Cinéma

Le parcours du film

Jardins Suspendus L

de la banlieue de Bagdad aux Oscars

'affiche du film irakien "Jardins Suspendus" a dominé récemment des milliers de comptes des irakiens sur les sites de réseaux sociaux, célébrant sa nomination officielle aux Oscars, les récompenses cinématographiques les plus

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célèbres au monde, lors de leur quatre-vingt-seizième session. Pour les films non anglophones, l'Académie américaine des arts et des sciences du cinéma autorise une seule nomination de chaque pays pour concourir pour le Prix du meilleur film étranger. Ayant

satisfait aux conditions requises, le département du cinéma et du théâtre du ministère irakien de la Culture a décidé alors de nommer "Jardins Suspendus" du réalisateur Ahmed Yassin Al-Daraji.


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Les événements du film tournent autour de deux frères pendant l'occupation américaine de l'Irak et des effets politiques, économiques et sociaux de cette occupation sur le pays. Deux frères, Taha et Asaad, travaillent à la collecte du métal et du plastique dans une célèbre décharge à Bagdad appelée (Les jardins suspendus de Babylone). Lorsqu’Asaad trouve une poupée en caoutchouc abandonnée et décide de la posséder, la poupée met la relation des frères à l’épreuve. Le film, interprété par Jawad Al-Shukarji et Wissam Diaa, a été projeté pour la première fois à la Mostra de Venise lors de sa dernière édition, puis dans des festivals prestigieux à travers le monde et dans la région, avant d'être projeté pendant deux semaines à Bagdad. Une tâche pas si facile L'équipe du film espère que son film franchisse la longue liste de films nominés aux Oscars et obtenir une position avancée. Mais ces espoirs se heurtent à plusieurs obstacles, notamment celui de la faiblesse du soutien financier, comme le confirme le scénariste et réalisateur de l'œuvre, Ahmed Yassin Al-Daraji, qui a révélé l'énorme difficultés qui ont accompagné la production du film, tout en soulignant l'importance de le préparer dans l'étape suivante pour qu'il puisse rivaliser avec

de grands noms: Des films qui coûtent des budgets énormes. Al-Daraji dit: "Le film met en vedette Jawad Al-Shukarchi, Wissam Dhia, Hussein Muhammad, Akram Al-Iraqi, Ali Farhan avec un groupe d'autres artistes dans d'autres rôles. Il est produit par la société Ishtar Irak de production cinématographique", indiquant que "C'est la société Film Clink qui assure la distribution pour la région arabe, une société dirigée par Mohamed Hefzy, le célèbre producteur égyptien. Tandis que la distribution internationale était assurée par une société italienne". Ajoutant que le film a suivi les procédures légales de nomination en Irak, car il a été inclus dans une liste de 4 films avec lesquels il a été en compétition: "Messi Bagdad", "Le Dernier des Messagers", ainsi que le film "Voyage de l'éternité". Un comité du Département du cinéma a pris la tâche de sélectionner un film parmi ces quatres pour la nomination mondiale. Maison hypothéquée !

Selon Al-Daraji, le coût de production du film s'élevait à moins d'un million de dollars; c'était de l'argent emprunté par la productrice Hoda Al-Kazemi, directrice de la société "Ishtar", en échange de l'hypothèque de sa maison au quartier Al-Kadhimiya à Bagdad. Al-Daraji souligne aussi que l'équipe du film a réussi à le réaliser malgré ses faibles capacités financières, car elle a reçu le soutien de la population de certaines zones de la périphérie de Bagdad, où le tournage a eu lieu, ainsi que l'aide de certains acteurs et artistes dont le musicien Naseer Shamma, et certaines sociétés de télécommunications. Il convient de noter que le film est devenu célèbre l'année dernière, lorsqu'il a représenté officiellement l'Irak pour la première fois à la Mostra de Venise. C'étaient des moments historiques inoubliables, raconte Al-Daraji, alors que l'équipe du film marchait sur le tapis rouge et son héros, Wissam Diaa, a reçu les éloges du directeur du No 411 Bagdad Magazine /41


Poésie

Poème de Muhammad Mahdi Al-Jawahiri et traduit par Dr. Raid Jabbar HABIB Vivez en sublimité, "Paris"... Mère de lutte Mère de beauté, Mère des biens Qui rassérène les lèvres suppliciées Dont le cœur coulant ... sur chaque bouche La chaleur se perd entre la flamme de la retrouvaille Entre l’éloignement, entre l’ennui Comme si c’est toi ton soleil, au milieux des montagnes, Caressant le sommet lorsqu’il l’atteint Et comme si les nuages lui apparaissent, comme des nations Tout en se cachant comme le remords Vivez en sublimité, "Paris"...Tant jouer Tant inspirer... S’inspirer Tant présenter... Accaparer Vivez en sublimité, "Paris"...Tant de volupté À cause de toi, les yeux crient de famine Et de l’amour les ventres se froncent En oubliant ce qui a été, et tout ce qui pourrait être Éprise de tant de tentations Vivez en sublimité, "Paris"…La folie Folie d’émotions et folie de ce dont tu fais Vivez en sublimité, "Paris"...Les années En ce dont tu sais… En ce dont tu ignores Et en ce dont tu désires en rêvant Suite aux plaintes…Aux lamentations Aux fleurs éparpillées sur les conquérants Et les dons des trônes… Les frappes de l’artère Et ce que "Rousseau" a décrété… Et "Lamartine" Longtemps endormis sur tes épaules Jetant des étincelles dans tes regards

Et des vagues rougissant de tes seins Vivez en sublimité, "Paris"…Sur tes joues Apparaît beau… Le sang des révoltés Les mains des ères ont eu de toi Des tentations trempées de parfums Un monde bouillonnant… De feu, de lumière De ce qui est redouté, et espéré Un conflit amer au-dessous des stomates Pour déplorer le chagrin… Supplier la joie Tes blessures graves s’en prennent À peine … Les verres de vin Et sur les pierres de la cheminée surgissent Des rendez-vous d’amour… Des plaintes d’amour Tes soupires, derrière les clôtures semblent être, Suite à la flamme ardente… Une histoire en lignes Et ce dont les seins cachent Sont sur le point de flotter… Au-dessus des panneaux de passage Les sensations sur les visages Propagent, presque, la passion… Les regards… Et les souhaits Et tentent, refoulées… De parler Dénouer ce qui est noué… Les langues Comme si les spectres des péchés… S’égarent Comme des couteaux… Et puis embrassant les yeux Comme si tu étais "Paris" tout le monde Avec tout le "Mystère"… Et toute la prudence Les mains se rencontraient sur chaque hanche Adoucir la taille, la rendre douce

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Nouvelle

Une histoire cachée

L

Nouvelle écrite par Zuher Karim et traduite de l'arabe par Faiz Baydany

'homme qui s'apprêtait à raconter son histoire m'a dit : Chacun de nous a une histoire personnelle cachée, que nous ne devons, en aucun cas, dévoiler, même pas aux anges. Une histoire stressante qui ressemble à de la fumée dans nos poitrines, et que nous préférons surtout la protéger des fuites hors de nous. À part cette histoire personnelle, toute parole est une tautologie sans valeur, répétitive, simple et courante, et implique forcément une tromperie.

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Il a déclaré qu'il s'appelait Abdel, un prisonnier qui, selon lui, dès sa disparition derrière les hauts murs couronnés de fil de fer barbelé, s'est montré soucieux de résister à tout état de faiblesse, de tentation ou de folie, et n'a pas cédé à une explosion d'émotion qui l'amènerait à négliger son histoire, comme beaucoup l'ont fait, que ce soit en prison ou même à l'extérieur : Dès que j'ai mis les pieds dans la cellule de prison tout le monde m'a accueilli chaleureusement, non pas parce que je suis une personne importante et digne

de respect, ni parce que ce sont de bonnes personnes, mais pour eux, j'étais une nouvelle histoire, un divertissement qui va changer leurs quotidiens. Temporairement peut-être, mais ce changement était nécessaire après l’amas de faits qu’ils ont entendus et qui sont devenus si banals n’entraînant aucune réaction, comme des cadavres raides. Je leur ai raconté mon histoire, et ils l’ont consommée, la première semaine, avec appétit. La semaine suivante, je me suis répété en


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entrant dans les petits détails. Les semaines suivantes, j'ai fait des erreurs en racontant la même histoire et ils m'ont corrigée. Depuis, c'était fini, personne ne se souciait plus de mon discours. Je suis devenu juste un autre fichier dans l'archive. Mais, bien sûr, la partie secrète de mon histoire a été gardée dans une zone sûre, le chapitre que je ne voulais pas dévoiler pour qu’il ne devienne pas comme un chewing-gum mâché par tout le monde puis jeté à la poubelle. Même si le fait d'avouer un secret pourrait soulager, la plupart des gens préfèrent le garder. Moi aussi, je pense que c'est mieux, plutôt d'apparaître nu devant les autres. Imaginez ne pas avoir une histoire cachée, vous serait vide comme un ballon, et à la première crevaison, pffooooo…

une entité pleine et non pas un ballon, malgré son besoin de briser l'ennui.

Nous sommes bien d’accord que tous les détenus dans les prisons cachent quelque chose, une histoire originale que personne n'a devinée, un livre écrit avec de l'encre invisible. Une histoire honteuse peut-être, mais ils ne peuvent pas y renoncer.

J'ai suggéré que chacun de nous écrive sa propre histoire cachée. C'est une idée amusante comme je le pensais, mais ce n'était pas vraiment mon idée. J'ai lu quelque chose de similaire dans une nouvelle d'un écrivain marocain nommé Abdel Fattah Kilito. Certains prisonniers ont objecté qu'en faisant cela, ils se retrouveraient nus les uns devant les autres. - Ce n’est pas bien. Quelqu’un a dit. Un autre a ajouté que c’était une suggestion inconfortable, et

L’ironie est que tout le monde sait qu’il y a, forcément, une chose cachée derrière chaque façade. Sous chaque tissu épais qui protège le corps, il y a toujours la nudité. Mais, personne n'ose enlever ce tissu. En effet, tout le monde a besoin d’être

Moi, l'auteur de cette histoire que j’ai entendue par hasard en m’asseyant dans un café fréquenté par des personnes âgées. Là, j’ai rencontré Abdel, avec qui j’ai eu une longue conversation. C'est ainsi que son histoire a commencé. Je m'ennuyais ce jour-là. C'est le moment où on perd la capacité d'écouter les histoires de ses camarades. Les choses deviennent vulgaires et banales lorsqu'elles perdent leur couverture protectrice. L'être humain n'est qu’une substance collante cachée dans une coquille fermée, il suscite la curiosité, mais, quand il est inondé de lumière, il devient, souvent, trivial.

les autres ont hoché la tête pour marquer leurs accords. Je leur ai dit : "Il y a une solution : il faut que chacun d'entre nous écrive son histoire cachée, sans mentionner son nom... Et en généralisant cette suggestion à tous les prisonniers qui sont des milliers, comme vous le savez certainement, nous obtiendrons des histoires avec lesquelles nous remplirons un vaste désert d'ennui." J'ai parlé avec l'administration pénitentiaire et le directeur a accepté. Le ministre de l'Intérieur n'a pas, non plus, trouvé de raison pour un refus. Au contraire, il a dit que c'était une excellente proposition qui réduirait les problèmes et occuperait les détenus avec de la lecture et leur fait passer le temps. Ainsi, en un mois de temps, des milliers d'histoires cachées sont devenues disponibles, et les prisonniers ont commencé à se les raconter entre eux. Beaucoup d’histoires dans lesquelles il y a des choses incroyables et étranges ; des crimes et des relations suspectes, des tabous et des injustices, des blessures profondes et des désirs morts, et des aveux désastreux. Il s'est passé longtemps où les choses se sont déroulées à merveille, mais ce qui est arrivé plus tard, c'est que les histoires se sont superposées et qu'aucun

No 411 Bagdad Magazine /47


Tableau de l’artiste irakienne Shatha Al-Rawi


70 ANS

D'AMITIÉ FRANCO-IRAKIENNE

1953-2023

Dépôt légal no 31 Bagdad (1974 ) Maison des livres et des Documents Imprimé dans la Maison des Affaires Culturelles


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