Provence verte en transition_Travail Personnel de Fin d'Études_Adrien Moréni_ENSAP Bordeaux

PROVENCE VERTE

EN TRANSITION -

L’agriculture et les énergies renouvelables, deux piliers pour le projet local durable

1

P.F.N.L.

2

3

TRAVAIL PERSONNEL DE FIN D’ÉTUDES ÉCOLE NATIONALE SUPÉRIEURE D’ARCHITECTURE ET DE PAYSAGE // BORDEAUX

MORENI ADRIEN

PROVENCE VERTE EN TRANSITION L’agriculture et les énergies renouvelables, deux piliers pour le projet local durable Adrien MORÉNI ENSAP Bordeaux 2014

Sous la direction de Guillaume LAIZÉ et Jean-Pierre CLARAC (Paysagistes D.P.LG.) Soutenance: 26-11-14

Jury Guillaume Laizé, Paysagiste D.P.L.G. Vincent Tricaud, Paysagiste D.P.L.G. et Urbaniste Jean-Pierre Clarac, Paysagiste D.P.L.G. Alexandre Telliez, Urbaniste

Travail de fin d’études présenté en vue de l’obtention du

Diplôme National d’Architecte-Paysagiste

1

Introduction

A- Limites bio-géographiques

ANTAGONISMES MÉDITERRANÉENS

p.

p.

B- Territoires et héritages agricoles

C- Gouvernances et polarités

12

p.

16

32

A- La Provence Verte, un territoire à la croisée des influences

p.

48

B- Les flous de la modernité, de la ruralité à la périurbanité

p.

68

C- Les piliers de la Transition en Provence Verte

A- Protéger, Gérer et Partager

B- Le Val C- Correns

D- Châteauvert

Conclusion

120

p.

128

p.

138

p.

118

p.

p.

86

Introduction J’adresse mes remerciements aux personnes qui m’ont aidé dans la réalisation de ce mémoire.

En premier lieu, je tiens à remercier ma famille qui m’a soutenu tout au long de e tra ail de fin d études, a re, on p re et on r re e re er ie par ailleurs iruna u ançais, qui en tant qu’ingénieur-urbaniste a posé un regard critique sur l’avancement de mon travail et l’a fait évoluer ainsi que Paul Leurent, étudiant paysagiste, avec qui les débats permettent d’aller au fond des choses. Un grand merci aussi à Julian Crespo, géographe, qui m’a aidé dans la réalisation de syst es d in or ation géograp i ue et sans ou lier asile arnier ue e re er ie égale ent sans qui je n’aurais jamais découvert les recherches de monsieur Jean Pain.

D’autre part, je remercie les deux enseignants de l é ole de ordeau ui ont a epté de aire partie de on ury uillau e ai é, paysagiste et dire teur d étude qui a suivi ce travail et Vincent Tricaud, paysagiste et urbaniste, membre du jury.

Aussi, je remercie les personnes que j’ai rencontrées pendant mon étude et qui m’ont permis de faire avancer mon travail considérablement. Parmi elles, je tiens à remercier parti uli re ent ean Pierre lara , paysagiste et enseignant, d’avoir accepté, et de me recevoir et de me conseiller, et de faire partie de mon jury comme expert du départe ent du ar, ainsi ue i a l at , aire de orrens, président du syndicat mixte du pays de Provence verte et vigneron, qui a su m’accueillir chaleureusement au sein de sa commune, m’écouter et m’orienter. nfin, e re er ie é i leynat, an ien te ni ien forestier pour son avis et son aide précieuse sur les questions de la or t éditerranéenne et at alie oede , argée de issions au du ar, sans ui, e n aurais pas rencontré Jean-Pierre Clarac.

L’accumulation de nombreux phénomènes perturbant le développement des sociétés (climat, démographie, raréfaction des ressources, crise financière et sociale...) ont dirigé progressivement les sociétés industrialisées à réfléchir sur l’avenir des ressources vitales planétaires (alimentation, eau, énergies...) et donc sur la projection de nouveaux rapports entre les hommes et leurs espaces de vie.

La manière dont les hommes maîtrisent leurs ressources est au fondement de nos modes de vie et de l’organisation spatiale de nos sociétés.

Représentant des systèmes de valeurs complexes, le paysage, hybride socio-écologique et politico-économique en perpétuelle transformation, aide à remettre la question de l’aménagement de l’espace en tant que composante d’un système territorial global.

Mémoire temporelle des effets directs et indirects des formes d’exploitation des ressources, expression systémique du vivant et valeur de «bien-commun»1, le paysage semblerait être une entrée pertinente possible pour la conception et la mise en œuvre de projets innovants sur des temps longs.

Il permettrait la construction d’une narration prospective à la recherche de nouveaux liens entre exploitation des ressources et transformation spatiale des territoires.

1- Le bien commun, en philosophie, correspond à un partage de ressources ou d’intérêts qui soudent les membres d’une communauté et participe à son existence.

Aristote.

En accord avec la demande sociale, les lois récentes2 relatives à l’exploitation forestière, à l’agriculture, à l’environnement et plus largement au développement durable3 des villes et des territoires, affirme la place du paysage en tant que facteur de bienêtre sociétal ou encore d’attractivité. 2En intégrant donc, dans sa réflexion, la vision du paysage, la gestion stratégique des espaces, qu’ils soient naturels, agricoles ou urbains, prend sens dans l’intérêt collectif.

Symbole international de biodiversité4, hypersensible aux dérèglements climatiques globaux, le bassin méditerranéen, berceau des civilisations occidentales antiques et de l’agriculture, m’est apparu impliqué dans de nombreux enjeux contemporains - écologiques, sociaux, économiques, démographiques - et pourrait donc être le théâtre de réflexions alternatives.

La Convention Européenne du Paysage, ratifiée par la France le 13 octobre 2005, a incité les États membres qui ont été amené à renforcer l’intégration de la discipline dans les politiques d’aménagement des territoires.

Le climat, unité essentielle de cet espace géographique (une saison estivale sèche et chaude, et une saison hivernale froide et humide), est le liant unificateur des paysages et des modes de vie.

3- Conception de bien commun développée depuis la fin du XXe siècle, le développement durable est un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre à leurs propres besoins. Il implique donc la notion de responsabilité.

Rapport Brundtland 1987.

Il faut s’attendre, avec les dérèglements climatiques, les prises de conscience sociales et les évolutions technologiques, à des modifications sur les paysages tant écologiques et sociales que économiques.

4Concept de «Hotspot» de biodiversité développé depuis 1988 à l’Université d’Oxford par l’équipe de Norman Myers, chercheur britannique.

7

L’histoire des civilisations méditerranéennes a engendré un «espacemonde» d’échanges puissants, humains, commerciaux ou faunistiques, s’organisant entre l’horizontalité de la mer et la verticalité des terres.

Cet espace, ce bassin en contact avec plusieurs continents, se caractérise par le métissage des cultures et des paysages.

1- «La méditerranée, l’espace et l’histoire.»

Fernand Braudel, 1977.

2- Il représente l’espace euro-méditerranéen nord-occidental, formant une macro-région, terme utilisé dans le contexte de globalisation des coopérations politiques, où les similitudes géographiques, culturelles, économiques et sociales sont partagées de l’Espagne jusqu’à la Grèce.

3Attirance des populations d’un pays vers une région plus ensoleillée.

4- En géographie, la notion d’écoumène désigne l’ensemble des terres anthropisées, habitées ou exploitées par l’homme.

Aujourd’hui, le brassage global des populations grâce aux mobilités modernes et l’expansion des interdépendances économiques planétaires, autrement dit la mondialisation, requestionne les vocations et les limites des territoires. La Méditerranée a, depuis toujours, eu tendance à être un espace d’échange et de brassage, un «espace mouvement»1 en perpétuelle transformation.

Depuis la Rome antique jusqu’à nos jours, les territoires méditerranéens ont absorbé de nombreuses mutations spatiales et socio-économiques.

Actuellement, dans un espace où les frontières s’estompent et où l’espace-temps se contracte, la méditerranée attire les populations du monde entier. Climat favorable, jardin d’éden européen, espace de loisirs et de découvertes ou cadre de vie privilégié, l’arc latin méditerranéen2 est très convoité, il représente l’interface Nord/ Sud entre les pays européens, le continent africain et la porte de l’Orient. À partir des années 1950 en France, la pression démographique sur les espaces méditerranéens n’a cessé d’augmenter que ce soit par héliotropisme3 ou par l’intermédiaire du tourisme.

8

Cette dynamique, associée à la suprématie de l’urbanité et des services associés, a entraîné des phénomènes d’anthropisation massif des littoraux, qui aujourd’hui sont saturés. Ce système de littoralisation a entraîné de fait des stratégies de replis des agglomérations vers l’intérieur des terres et provoque des pressions foncières et écologiques sur les espaces naturels et agricoles qui constituent l’arrière-plan des paysages méditerranéens On assiste alors aujourd’hui à une double contradiction logique: les pressions anthropiques sont confrontées à la vulnérabilité et à la sensibilité des paysages naturels de ce domaine climatique typique; et la croissance massive des aires urbaines métropolitaines littorales impacte l’intérieur des terres et bouleverse l’héritage agricole des territoires ruraux, les transformant progressivement en espaces périurbains.

Les limites des espaces méditerranéens deviennent donc complexes et floutées par les processus modernes d’urbanisation et de mondialisation.

Espaces, ruraux, périurbains ou urbains, les dynamiques contemporaines amènent le paysagiste à questionner les interfaces entre les différentes formes d’occupation territoriale et à chercher une actualisation des limites entre l’écoumène4 géographique et les espaces naturels, sources et ressources de biodiversité.

Par ailleurs, le concept récent de «transition», qu’elle soit idéologique, sociale ou énergétique, permet de reconsidérer les échelles de projet et l’importance des chaînes d’acteur dans les processus de fabrication des territoires.

Développée soit à l’échelle internationale par Jérémy Rifkin4, qui met l’accent sur une ‘« troisième révolution industrielle », soit à l’échelle locale par Rob Hopkins, enseignant anglais en permaculture, qui lui, appuie, à la fois, sur l’opportunité d’une vision positive de l’avenir, sur le potentiel d’intensification des liens entre habitants et acteurs économiques locaux ou encore sur le principe de résilience5 des villes et des territoires, la transition insiste donc sur la redéfinition des niveaux de réponse des projets en faveur du développement durable tout en affirmant « le besoin de recherche d’une nouvelle démocratie participative, impliquant les acteurs de tout territoire dans des interactions systémiques inspirées des écosystèmes naturels et appropriables par le plus grand nombre »6.

M’inscrivant dans ces cadres théoriques contemporains, il s’agira alors de mettre en place une méthodologie multiscalaire et transversale (entre sensible et scientifique), mobilisant une démarche de compréhension régionale (P.A.C.A. et Var) qui me permettra par la suite d’envisager des stratégies de coopérations locales, c’est à dire à mon sens inter-communales, au sein du «Pays de Provence Verte», dans le but d’engager un projet de paysage durable.

En identifiant les potentialités écologiques, économiques, technologiques et sociales des territoires ciblés, je tenterai de développer une vision exprimant une certaine sobriété de développement et de valorisation locale.

Cette réflexion s’organisera de façon systémique autour de piliers tels que l’écologie du paysage7, l’agriculture et les énergies renouvelables dans l’intention d’engager des stratégies prospectives adaptées aux typicités méditerranéennes et à la diversité des situations rencontrées.

Il s’agira alors de définir les vocations pertinentes à appuyer dans le cadre d’un scénario essayant de concilier la conservation de la biodiversité, le maintien des dynamiques rurales, le développement des énergies renouvelables potentielles et la qualité du cadre de vie des populations.

Jardins d’éden de l’Europe, terres d’accueil du Var et terroirs de qualité, comment traiter les interfaces entre l’homme et la nature?

Où l’action des hommes s’arrête-telle? Comment envisager la gestion future des limites spatiales des territoires ruraux des collines de basse Provence dans un scénario de transition vers la sobriété, écologique et énergétique ?

Je m’attacherai à comprendre, à travers l’histoire, le métissage des structures spatiales méditerranéennes occidentales et les identités qu’elles ont générées et à questionner l’évolution contemporaine des limites de ces espaces naturels, agricoles et urbains.

9

4- Économiste américain spécialiste des prospectives économiques et technologiques.

5La résilience désigne de manière générale la capacité d’un organisme, un groupe ou une structure à s’adapter à un environnement changeant. (En écologie) 6- «Manuel de transition. De la dépendance au pétrole à la résilience locale.»

Rob Hopkins, 2010.

7- Expression crée par créée par Carl Troll, géographe allemand en 1939. L’écologie du paysage s’intéresse à la dynamique spatio-temporelle des composantes biologiques, physiques et sociales des paysages humanisés et/ou naturels.

1

« Qu'est-ce que la Méditerranée ? Mille choses à la fois, non pas un paysage, mais d’innombrables paysages, non pas une mer, mais une succession de mers, non pas une civilisation, mais des civilisations entassées les unes sur les autres. (...) C'est rencontrer de très vieilles choses, encore vivantes, qui côtoient l'ultra-moderne. »

« La Méditerranée: Les hommes et l’héritage », Fernand Braudel, éd. Arts et métiers graphiques,1978, p. 8

ANTAGONISMES MÉDITERRANÉENS

De l’Antiquité à la modernité, de la Méditerranée à la globalité, cette première partie propose une méthodologie d’analyse historique des processus de domestication de l’espace méditerranéen par les sociétés occidentales.

Depuis l’agriculture à la suprématie de l’énergie fossile, il s’agira d’explorer les cadres structurels à l’origine du développement des territoires modernes. Espaces de vie, ressources ou fantasmes, la question de la fabrication des limites des paysages méditerranéens sera traitée en articulant différentes échelles de réflexions, au travers des rapports de force entre perturbations anthropiques, écologie du paysage et énergies.

10

11

Fig. 1

Limites bio-géographiques La Méditerranée c’est d’abord des rivages et des plaines qui ont accueilli des peuples terrestres, peu intéressés par les opportunités de la mer. Égyptiens et Mésopotamiens, précurseurs de l’agriculture pluviale et de l’irrigation, n’y voyaient qu’une limite infranchissable, un espace inconnu et effrayant.

Marqueurs temporels de l’histoire des civilisations, les paysages d’autrefois ont profondément changé et évolué. Les peuplements végétal et animal ont toujours été façonnés de la main des hommes depuis l’apparition de ce climat favorable à la naissance de l’agriculture et à la sédentarisation. À partir du IIIème millénaire avant J.C., les peuples de Crête et les Mycéniens (région de la Grèce) ouvrent les voies maritimes, notamment par la mer Égée. Les Phéniciens (peuples de la région du Liban), envahisseurs indo-européens, vont rapidement faire de la mer méditerranée l’axe du monde antique en transportant et en distribuant les richesses des sociétés orientales vers l’Occident. De la peur de l’espace maritime à l’appropriation des hommes, la mer devient le carrefour horizontal des sociétés, l’espace d’échange et de métissage privilégié. À la fin du IIème millénaire avant J.C., les Grecs vont prendre de l’avance sur les peuples Phéniciens et colonisent peu à peu les côtes de la Méditerranée occidentale, aux confins du monde étrusque, actuelle Toscane italienne.

Au IIème siècle avant J.C., Rome n’a que pour ambition de conquérir les terres mais l’appel de la «mare nostrum» (littéralement «notre mer» en latin) se fait peu à peu.

La grande cité sera la première à conquérir toutes les rives de la Méditerranée et plus encore vers l’intérieur des terres par l’intermédiaire de routes commerciales efficaces. 1 L’ héritage de la culture méditerranéenne antique s’appuit donc sur un empilement des histoires des civilisations. L’empire Gallo-Romain a laissé de fortes empreintes dans le monde occidental. Puissante organisation en cités ou métropoles, centralisant le pouvoir et organisant les flux commerciaux sur la terre et sur la mer. Contrôlant les territoires agricoles ou producteurs de ressources suceptibles d’être commercialisées, les cités s’organisent, polarisent les bassins de vie et s’inscrivent au sein d’un marché élargi.

Réseaux d’échanges, théâtre du brassage des populations, des cultures et des pratiques, les paysages méditerranéens de l’antiquité à nos jours ont connu de nombreuses tensions géopolitiques et de nombreux métissages culturels. Les interactions dynamiques entre le climat, les paysages naturels et le développement des hommes dans l’histoire, impliquent l’évolution permanente des rapports spatiaux entre les sociétés et leurs espaces de vie, et questionnent de manière systèmique l’impact des pratiques anthropiques sur la formation des paysages.

Le domaine climatique méditerranéen est au fondement du développement des premières civilisations. Il s’organise en fonction de la latitude et du relief, facteur déterminant. Il constitue une aire biogéographique qui fait la transition entre le domaine tempéré au Nord et la zone inter-tropicale au Sud.

Ces trois cartes permettent d’appréhender les dynamiques d’expansion territoriale de trois civilisations antiques, des Mycéniens aux Romains, du littoral à la «marée romaine». e rassage de no reu u de marchandises et de personnes est au fondement de cet «espace-mouvement». Les routes commerciales structurent et polarisent certaines régions à fort potentiels d’échanges et de productions.

Fig. 2

Fig. 1 - L’axe commercial antique des Mycéniens

Fig. 3 Fig. 2 - Les territoires de la civilisation grecque

Fig. 3 - «La marée» romaine à son apogée

1- http://fr.wikipedia.org/wiki/Portail:Monde_antique

12

13

L’ ensoleillement très important (>2500 heures par an) induit une saison estivale aride et des périodes de sécheresse qui dure entre 3 à 6 mois. La température moyenne annuelle est de 15° à 20°C et les gelées sont quasi inexistantes sauf dans l’arrière-pays (pré-Alpes et moyennes montagnes).

L’occupation traditionnelle des sociétés méditerranéennes était par ailleurs rattachée aux reliefs et aux caractéristiques géologiques du socle.

Du littoral aux montagnes, les formes d’occupation spatiale évoluent sur des terrains spécifiques: le littoral et les marais maritimes ne permettaient pas autrefois une forte occupation humaine. On y trouvait cependant des cités portuaires sur les sites stratégiques (Fréjus ou Toulon).

Les pentes sédimentaires et les collines de piémont favorisaient à la fois l’implantation de villages perchés sur des sites défensifs (oppidum) et le développement de la triade méditerranéenne: la vigne, les céréales et l’olivier.

L’horizontalité Méditerranéenne (mer et terres basses où coule l’eau) absorbe les principales artères des déplacements humains et matériels, permet l’implantation de cités hiérarchisées et rend possible le développement de l’agriculture céréalière de subsistance.

Les reliefs déterminent une véritable mosaïque paysagère, pics enneigés, vallées encaissées, gorges et plateaux vallonnés tout en constituant les limites physiques des espaces vécus.

Autant de situations qui vont forger des identités fortes et multiples entre paysages naturels, agro-sylvo-pastoralisme et villages. À l’origine sempervirentes (forêts toujours vertes, aux feuillages coriaces), les forêts du bassin Méditerranéen sont constituées en majorité d’espèces sclérophylles (vient du grec signifiant «à feuilles résistantes») très représentatives d’une adaptation aux contraintes d’un climat rude (l’olivier ou le chêne vert par exemple). Elles représentent les paysages climaciques (sans interventions humaines) de la méditerranée occidentale.

La rudesse du climat et l’anthropisation croissante des espaces naturels dans l’histoire ont entraîné la dégradation de ces faciès forestiers sempervirents en différentes typologies de formations végétales arbustives. Ils constituent des milieux fermés (forêts), semi-ouverts (guarrigues/maquis) et ouverts (pelouses sèches et steppes), et sont, en général, recouverts de végétaux xérophytes (adaptées aux milieux arides à semi-arides).

L’alternance climatique et les variétés des reliefs ont donc conditionné l’adaptation végétale, animale et humaine. La particularité du ce domaine climatique a rapidement permis aux civilisations humaines de développer l’agriculture, de se sédentariser et d’organiser les premiers espaces d’échanges: c’est la révolution Néolithique.

L’agriculture est à la base du développement économique des sociétés antiques (mésopotamiens, égyptiens, grecs ou romains) et s’est développée en plaine ou dans les pentes par des travaux de maîtrise hydraulique et différents systèmes de cultures adaptés au contexte.

14

Fig. 4 - Le bassin méditerranéen, un domaine climatique et biogéographique de transition entre les latitudes Nord et Sud- Cartographie: H. Walter

Cellules du climat de type méditerranéen dans le monde: on retrouve avec le Bassin méditerranéen, la Californie, le Chili, L’Afrique du Sud et l’Australie du Sud. On remarque que le climat méditerranéen est un climat de transition entre les latitudes intertropicales chaudes au Sud et les latitudes continentales froides au Nord.

Les diagrammes ombro-thermiques ci-dessus permettent d’appréhender les moyennes annuelles pluviométriques et thermiques de l’espace d’étude. La courbe rouge représente l’évolution des températures et l’histogramme bleu les moyennes mensuelles pluviométriques. Il est aisé d’observer l’inversion estivale qui s’opère.

Fig. 5 - Alternance saisonnière du climat méditerranéen: l’exemple du Pays de Provence Verte, territoire d’étude. Une tendance orienté généralement vers un été chaud et aride et un hivers frais et humide.

Nord

Les massifs montagnards et les collines constituent l’arrière-scène du paysage et influencent directement l’organisation spatiale des bassins de vie. Le climat lui, influence les rythmes des pratiques des sociétés urbaines et rurales et, avec la géologie, ils déterminent la diversité du peuplement végétal et animal.

En effet, sa saisonnalité, un été sec et chaud et un hiver doux et humide, a favorisé, sur le pourtour du bassin, des formations végétales typiques du domaine et liées aux productions agricoles antiques. Les pluies spontanées (courtes en général) et diluviennes à la fin de l’été et durant l’automne et les vents continentaux puissants et froids (Tramontane, Mistral) en font un climat capricieux.

Source: http://fr.climate-data.org - Fond SCot P.V.- Illustration A.M.

15

Territoires et héritages agricoles La pauvreté de la terre et les alternances saisonnières fortes du climat méditerranéen imposent au système agraire des rythmes culturaux particuliers, dont le principe d’assolement biennal pour les céréales, qui suppose la division du finage (territoire de maîtrise du foncier agricole) cultivé en deux ou plusieurs soles (parties des parcelles qui subissent des rotations): soles de céréale d’hiver (blé mais, orge, millet) et soles de jachère, pratique culturale de printemps qui prépare l’ensemencement des céréales pour l’automne, fournit des herbages aux bétails et met la terre au repos.

Les céréales étaient au fondement des régimes alimentaires (farine et pain), l’olivier, un symbole climatique et de civilisations (symbole grec) et la vigne, un élément culturel essentiel des peuples méditerranéens.

La culture de la vigne s’organisait en général en plaine ou dans les pentes douces, en terrain bien drainé et exposé ou alors en terrasses, faites de pierres sèches trouvées sur place majoritairement sur les versants Sud, lorsqu’elle s’est intensifiée avec les pressions démographiques dans les pays vallonnés.

Cette culture est très demandeuse en main d’œuvre pour l’entretien des parcelles, les vendanges (récoltes) en septembre/octobre et le foulage.

Les plaines productives des pays bas recherchaient les travailleurs des collines et des hauts-pays. S’installaient alors des relations socio-techniques, entre les villes basses et les villages des collines et montagnes1, induites des rythmes des pratiques culturales de la vigne.

1-Dans «La Méditerranée: L’espace et l’histoire». Fernand

Braudel

La triade méditerranéenne était prépondérante dans les paysages agricoles mais l’agriculture était aussi diversifiée par les cultures de légumes et de légumineuses (famille qui a une grande importance économique, étant une source de protéines végétales pour l’alimentation animale ou humaine) ou encore l’élevage d’ovins et de caprins.

L’élevage développé sur le pourtour méditerranéen s’organisait généralement en transhumance inverse (l’essentiel de l’année était passé dans la montagne, l’hiver en plaine), le plus souvent sur de courtes distances, et permettaient des terrains de parcours pour un élevage extensif liant l’ager productif des bas pays avec le saltus pâturé des hauts pays.

Le saltus, espace semi-ouvert des plateaux calcaires correspond à un des effets de la dégradation anthropique des paysages de forêts sempervirentes par l’élevage, les brûlis des charbonniers, l’exploitation de bois et les défrichements agricoles. La diversité et la structure complexe du saltus le rapprochent des caractéristiques écologiques de l’hortus, multi-strates.

Sa dimension sauvage l’oppose au territoire domestiqué de l’ager, c’est l’espace de transition entre une nature sauvage, la silva, et le champ cultivé.

Ces structures spatiales sont donc l’empreinte des cycles agraires antiques organisés par les méditerranéens afin de favoriser l’émergence d’économies locales. «En moins de dix siècles, du Vème siècle av. J.C. aux invasions barbares, plus de la moitié des espaces forestiers a été dévastée...».2 2-Dans «Paysages végétaux du domaine méditerranéen» de Claude Tassin-(QUÉZEL, MÉDAIL 2003) p.70

16

«En France, le premier grand cycle agraire est orchestré par les nombreuses villas et fermes gallo-romaines. (...) Les chênes verts sont les grandes victimes des défrichements par le feu pour la culture et le pâturage des moutons et des chèvres, mais aussi des oupes pour le au age eur ois dur et nerveux convient pour la production de charbon, il était déjà utilisé dans la Grêce du Vème siècle av. J.C. D’autre part, d’après Demangeot, géographe français du 20ème siècle, à l’époque de l’Empire romain, le paysage méditerranéen comportait quatre aspects «organiquement complémentaires: mare, la mer indispensable aux échanges; l’ager, le champ cultivé gagné sur la forêt; le saltus, broussailles réservées au bétail et la silva, la forêt ou ce qu’il en restait, pourveuyeuse de bois et de gibier»31. Cet équilibre silva-ager-saltus ne varie pas beaucoup jusqu’au 19ème siècle malgré les grands défrichements du MoyenÂge et les cycles agraires modernes.

L’économie de l’Empire gallo-romain était donc organisée autour des activités agro-sylvo-pastorales de la triade méditerranéenne dans l’ager; l’élevage dans le saltus et l’exploitation de la forêt, la silva. Les limites du finage agricole dépendaient probablement au 6ème siècle de plusieurs phénomènes: le relief et la topographie, conditionnant avec, le climat,l’exposition et les pentes, différents systèmes agraires et; la polarisation des grandes villes à habitat groupé (Urbs) de plaines et de fonds de vallées productifs qui alimentent le réseau de voies romaines. Les nombreuses colonies ou cités (ou civitas, territoire sous contrôle politique et religieux de l’Urbs) organisent les espaces ruraux à partir de pagus, (circonscription territoriale gallo-romaine d’équivalence au canton) où villaes et fermes agricoles, qui représentent l’habitat agricole dispersé, organisent la triade. Le terme de villae est utilisé par les historiens et les archéologues pour désigner «un mode de 3-Dans «Paysages végétaux du domaine méditerranéen» de Claude Tassin- (ALFONSI, 1966) p. 70

vie à la campagne et le centre d’un domaine cultivé en faire-valoir direct au moyen d’une main-d’oeuvre plus ou moins importante et plus ou moins servile»42. On retrouve une double dimension culturelle et économique. La villae et son ager manifeste «le désir de s’installer, dans des lieux sains et agréables, des bâtiments confortables et élégants, dans lesquels on se repose des fatigues de la ville et des charges municipales, on reçoit ses amis et ses clients et on se cultive. La gestion agricole du domaine et le développement de ses capacités productrices ne sont pas des desseins étrangers à cette éthique sociale et à cet art de vivre. Ils en sont, au contraire, l’une des composantes essentielles»3.

4

5

Comme on peut l’observer sur le bloc diagramme (figure 6, p. 19), les pratiques agricoles de l’ager sont génératrices de formes spécifiques et de limites de domestication définies. Ces agricultures sont rythmées par la saisonnalité du climat méditerranéen qui orchestre le travail quotidien de la triade méditerranéen (figures 9 à 12): la vie s’organisait autour des cultures de céréales d’hiver en rotation d’une année sur l’autre, des vergers d’oliviers à rendements lents et progressifs qui produisaient le complément alimentaire et enfin, de la vigne et ses cultures associées (figuiers par exemple), échangées le plus souvent dans des circuits économiques locaux. Les vignes représentaient un capital important qu’il faut mettre à l’abri des bêtes sauvages et des pilleurs.

4-Dans «Les campagnes gallo-romaines: quelle place pour la villa ?» de Pierre Ouzoulias. p 189 - (LEVEAU et al., 1999b, p. 287-288) 5- Dans «Les campagnes gallo-romaines: quelle place pour la villa ?» de Pierre Ouzoulias. p 190

17

Bois de feu

Bois de feu

URBS Brûlis d’hiver

SALTUS SALTUS a figure i ontre, représente un lo diagra e s é ati ue de l organisation spatiale ypot éti ue e d une i itas gallo ro aine au alentours du si le es prin ipes d organisation sont i i définis par la stru ture radio on entri ue du finage ontr lé par la ité, les illaes et les er es

Pâturages / Petits et gros bétails

Vergers d’oliviers Vignes en terrasses

Bois d’oeuvre

ette organisation est odélisée i i dans une situation d élé ation du relie o e on pourrait le trou er dans les paysages de ollines et de plateau al aires de la asse Pro en e e relie a alors déter iner des alter nan es de ersants au ud et au ord et don in uen er les o es sur le oi des terres aloriser et des essen es i planter l a entra né des te ni ues de ultures en terrasses ui re ontent sur les ersants, résul tats d un long épierre ent des su strats aillouteu et d une ertaine a trise de l irrigation

Pâturages / Petits et gros bétails

Déjections animales

Traction animale

Forêt

Vignes Grains

Légumineuses

Jachère

Charbonnier

AGER

Vergers d’oliviers

Herbage et guarrigues sèches

Forêt

SYLVA

Céréales d’hiver

SYLVA

Bois d’oeuvre

Jardin clos

Brûlis d’hiver

AGER Herbage et guarrigues sèches

Trilogie méditerranéenne

HORTUS

ette organisation spatiale ettant en s ne la triade éditerranéenne et ses relations a e le saltus et la sil a per et de o prendre les é anges et les interdépen dan es é ologi ues et ali entaires entre les di érents territoires du syst e agraire anti ue organisé autour de la ité é uili re des li ites au sein du tripty ue ager saltus sil a est représentati des prati ues des o es sur le territoire selon un ertain gradient de do esti ation ou gradient d ant ropisation des espa es naturels es ariations des li ites, don des intera tions, au sein du syst e ager saltus sil a pourraient alors tre un indi ateur pertinent pour o prendre l i pa t des y les é ono i ues éditerranéens érités, don des di é rents ryt es et s é as spatiau , sur la atérialité des paysages

Gardiennage bétail Fig. 6 - Système d’organisation spatiale hypothétique d’une cité gallo-romaine implantée en plaine et son système agro-sylvo-pastoral entre plaine et collines. - Illustration A.M. Charbonnier

18 SYLVA

Milieu fermé

a i itas , définit de ani re large la ois ité en de ors de la ille et le territoire sous son ontr le lle est elle e sous le ontr le de la ille, l r s

Fig. 7 - L’organisation des espaces méditerranéens - extrait de schéma - www.geotheque.org

PHÉNOMÈNES PHYSIQUES

HAUTE MONTAGNE

MOYENNE MONTAGNE

L’ager, représente les espaces de cultures où la main de l’homme contrôle la nature. L’ artifi ialisation de e ilieu en fait un espace ouvert où les ultures sont fine ent organisées et contrôlées par les propriétaires des villages et des fermes selon les conditions pédo-climatiques.

OCCUPATION DE L’ESPACE

COLLINES DE PIÉMONT ET VALLÉES

PLATEAU CALCAIRE

PENTES SABLONNEUSES

LITTORAL

Interactions systémiques entre les territoires Zones d’étude: interfaces, lisières, frontières

Le saltus est l’espace de transition entre l’ager cultivé et la silva, c’est les broussailles destinées au bétail. Sa structure végétale plus ou moins ouverte résulte de la dégradation anthropique de la forêt sempervirente. C’est un espace dynamique et approprié et donc à l’origine fortement anthropisé.

a sil a, est définie éty ologi ue ent o e l espa e le plus e térieur au territoire, est un territoire sau age, tr s peu do esti ué ara térisé o e un ilieu er é et des terres plus roides en o paraison a e les terres audes de l ager eurs r les sont ultiples é ologi ue, agrono i ue, so ial, é onoi ue et politi ue Fig. 8 - Schéma de synthèse d’une organisation radio-concentrique du territoire d’une civitas gallo-romaine: de la cité à la silva - Illustration A.M.

20

21

Rythmes de la Triade dans l’ager

Fig. 9 - Synthèse des temporalités et des rythmes de la Triade Méditerranéenne dans l’ager, espace cultivé - Illustration A.M.

OLIVIER

R

E AG

La Cité

VITIS VINIFERA L. VIGNE

BLÉ

1753 Vitaceae

Fig. 10 - Maturation estivale et Récoltes d’automneLa productivité de la vigne commence l’année n+1 après l’ensemencement mais par la suite, tout au long de l’année, la viticulture demande beaucoup de soins et impose des rythmes soutenus: buttage, sarmentage, repiquage, désherbage ou encore vendange, le territoire viticole est un espace dynamique dans la vie quotidienne des hommes.

Dessin de la feuille de vigne par Franz Eugen Köhler - Illustration A.M.

22

23

24

TRITICUM L. 1753

OLEA EUROPAEA L.

Poaceae

Poaceae

Fig. 11 -Arythmie d’un céréale d’hiver-

Fig. 12 -La sagesse de l’olivier-

Bases de l’alimentation, les céréales, comme ici le blé, ont engendré les premières techniques agricoles de rotation, dites d’assolement, de l’Antiquité. L’assolement biennal permet la rotation entre les parcelles du finage entre repos et ulture d une année sur l’autre. L’alternance entre stockage et régénération des céréales l’hiver étaient vitaux pour le quotidien alimentaire des sociétés méditerranéennes. Dessin de l’épi de blé par Franz Eugen Köhler - Illustration A.M.

Les rythmes de la culture de l’olivier sont très lents et alternés: on ne récolte les olives qu’une année sur deux. De plus la maturation de l’arbre peut être extrêmement longue selon le type de sol rencontré.

- Dessin de la branche d’olivier par Franz Eugen Köhler - Illustration A.M.

25

Dans leurs écrits les agronomes romains (Varron, Columelle) distinguent plus nettement la silva exploitée pour ses ressources en bois du saltus pâturé. «Au-delà du registre juridique initial, ce sont ainsi ensuite les modes de mise en valeur du sol qui perdureront pour décrire et comprendre les transformations des sociétés rurales par les historiens.

Les géographes puis les historiens ruraux, à partir du milieu du 20ème siècle, reprendront les catégories des agronomes romains pour conceptualiser la fameuse «trilogie agraire» ou triade la al, ager y est défini comme l’ensemble des espaces cultivés, la silva comme les espaces boisés et le saltus comme une catégorie intermédiaire, comprenant les espaces ouverts non cultivés, avec les par ours o e figure entrale »1 L’ager se conçoit d’emblée sur des critères physiques d’occupation des sols et de mise en valeur alors que le saltus s’appréhende par défaut: il est constitué des espaces qui ne sont ni cultivés (limites assez nettes), ni forestiers (limites beaucoup moins nettes).

«Même si la frontière n’est pas toujours nette, le saltus n’est pas une friche. Cette dernière est synonyme d’abandon, de déprise, tandis que le saltus est pleinement intégré aux systèmes agraires, c’est une «friche productive» 2 (Dérioz, 1994). Le saltus est un espace ressource exploité par les ruraux principalement via le pastoralisme mais pas uniquement (chasse, cueillette, cultures temporaires).

Le saltus est difficile à délimiter car il correspond bien souvent à un écotone, c’est-à-dire un espace de transition, entre l’écosystème ouvert des champs cultivés et l’écosystème forestier. C’est surtout la limite saltus-silva qui pose problème puisque toute tentative de délimitation se heurte au problème de définition de la forêt.

Le saltus est donc un espace fluctuant et flou, rarement stabilisé, soumis aux changements dynamiques de l’ager et de la silva.

Souvent relégué dans les périphéries des finages, il reste un élément incontournable des paysages anciens et n’était pas marginal au sein des systèmes agraires anciens.

C’est donc à la fois un milieu ouvert qui s’oppose aux bois et forêts, un écosystème issu de la dégradation anthropique (défrichements par le feu, élevage, prélèvement) et naturelles (érosion des sols), et fondamentalement un espace dynamique et social, approprié et exploité.

a. c.

b.

Habitat Ager Saltus Silva

Ce schéma permet d’envisager les interactions écologiques et agricoles du saltus dans le tryptique ager-saltus-sila ans ette onfiguration, il appara t comme un espace de transition dans le syst e agraire a définition de et espace ne prend donc sens qu’au sein de son système agaire. Le saltus joue un rôle essentiel dans les transferts de fertilité au sein des écosystèmes cultivé et sans le maintien d’une gestion agricole et pastorale, le saltus é oluera spontanément vers un couvert forestier plus ou oins dégradé, ers un espa e ou lié ou le tiers-paysage de Gilles Clément.

ig es onfigurations s é ati ues du altus, d apr s le s é a de erdier dans a or t et ses arges ttp rg uni lorraine r

a. Configuration aréolaire: le saltus est un espace de transition. b. Configuration en infield / outfield: le saltus est une étendue plus ou moins vaste qui lie les noyaux producteurs c. Configuration montagnarde: le saltus qui occupe les sommets correspond aux alpages

Fig. 14 - Les intéractions du saltus dans une onfiguration aréolaire sur un paysage de collines de la Basse Provence - Illustration A.M.

1-2- http://rgh.univ-lorraine.fr - n°3 novembre 2013«La forêt et ses marges»

26

27

«L’ image de la forêt est souvent ambiguë: berceau de l’humanité ou milieu hostile à l’homme, enfer vert ou paradis perdu, domaine des esprits et des divinités ou royaume des démons, milieu nourricier ou espace à défricher… Souvent considérée comme antithèse de la civilisation (c’est le ‘‘domaine du sauvage’’ par excellence), la forêt est aussi présentée comme un espace que les communautés humaines ont largement domestiqué pour se reproduire et s’étendre (...) Aujourd’hui, elle se retrouve au centre des enjeux mondiaux du développement durable. Aujourd’hui plus que jamais, l’homme lie encore son avenir au destin des forêts.»1 La forêt est définie, étymologiquement parlant, non pas comme un espace nécessairement boisé à tel ou tel pourcentage, mais la partie la plus extérieure des territoires : la silva correspond au dehors, à l’extérieur, à l’inculte ou au sauvage.

Cette définition, héritée de l’Antiquité, ne fait que confirmer que ce que l’on entend à appeler forêt méditerranéenne ne qualifie tous comptes faits les espaces à qui les civilisations ont accordé le moins d’importance globale dans l’économie des territoires. En revanche quelques acteurs économiques ou simples pratiquants utilisent ces espaces de manière significative depuis toujours (bûcheron, charbonnier, berger, chasseur/cueilleur...).

Il faut donc considérer les forêts dans toutes leurs dimensions: sociales, esthétiques, écologiques (biodiversité, captage des eaux, abris, ressources...) mais aussi mythiques (la nature sauvage) et économiques (des récoltes traditionnelles jusqu’à l’exploitation massive).

Le territoire de la forêt est donc un espace difficile à définir puisqu’il est soumis à de nombreuses interprétations et usages.

1- Institut de recherche pour le Développement dans «Des forêts et des hommes» - dossier thématique Laurent Auclair - Didier Genin

En revanche, il tient une place fondamentale dans l’aménagement de l’espace français, à toutes les échelles: 34% du territoire est boisé par la silva.

En méditerranée, l’originalité de ces milieux est, on l’a vu précédemment, la présence de l’homme et l’impact du travail de la terre dès l’apparition du climat «méditerranéen».

Les conséquences écologiques de son action sont variées: «Dans certains cas – agriculture traditionnelle – elle a permis d’accroître la diversité paysagère et de créer de nombreuses niches écologiques, dans d’autres cas – surexploitation des milieux forestiers ou industrialisation – elle a favorisé des processus d érosion oire de désertifi ation.»2 Les variations des cœurs et des limites des e a e ore tier de iennent e re et des formes de positionnement des hommes face à la «nature sauvage». L’anthropisation des espaces naturels évoluerait alors en fonction des cercles économiques dominants dans l’histoire, économies induisant des interactions spatiales particulières entre les cités et leurs territoires: l’érosion de la silva méditerranéenne dans l’histoire par le développement de l’ager et du saltus en est un bon exemple.

2- Institut de recherche pour le Développement dans «Des forêts et des hommes» - dossier thématique Laurent Auclair - Didier Genin

28

Fig. 15 - Exemple de micro-climat et de régulation biologique d’une forêt de feuillus mature Illustration: http://lamaisondalzaz.wordpress.com La silva représente l’antagonisme de la ville, une nature sauvage auto-régulée dont l’écosystème est favorable pour l’ensemble des êtres-vivants qui y sont inféodés.

Dans la région P.A.C.A., la multiplicité des formes du relief fragmente les paysages entre milieux ouverts et milieux fermés, constituant de véritables niches écologiques en interactions.

Elle participe au cycle de l’eau en captant et en distribuant les précipitations dans le feuillage et la litière organique qui constitue le sol; elle génère des i ro li ats propres au ilieu er és et in uen e le climat local par sa température moyenne et son degré d’humidité; elle constitue une multitude d a ris pour la aune et la ore et représente, l’échelle du paysage, le territoire de brassages généti ues entre esp es des di érents ilieu pédo-climatiques.

L’adaptation des espèces endémiques méditerranéennes a e ette rudesse donne oir des paysages orestiers ariés tou ours erts euilles oria es se per iren e et adaptés la aleur et la sécheresse de la période estivale (sclérophyllie).

C’est le tissu naturel constituant «l’espace-mouvement» de la diversité faunistique.

L’utilisation anthropique du feu en Méditerranée ou l’aléa naturel ont favorisé certains écosystèmes qui ont besoin de hautes températures voire du passage du feu pour se régénérer: ces espèces sont appelées «thermophiles» et «pyrophites» (cistes, bruyères...).

29

Fig. 16 - Processus de régénération après feu de deux chénaies à cortège méditerranéen di érent our e Prodon ttp a i ed e e nrs r

Cette analyse spatio-temporelle tente de faire émerger les spécificités des rythmes et des usages propres à chacun des territoires habités et domestiqués dans l’Antiquité.

Ces flux sont polarisés par les métropoles gouvernant chaque province romaine. Le système est alors hiérarchisé et contenu dans un territoire sous contrôle politique et militaire.

Les interactions écologiques, spatiales, temporelles ou sociales au sein du tryptique ager-saltus-silva sont révélatrices d’un certain gradient de contrôle ou d’anthropisation des sociétés sur leurs espaces, gradient révélateur des pratiques et de l’importance accordée à chaque étendue de paysage dans l’économie des territoires.

La hiérarchie de l’occupation spatiale s’établirait donc, à la fois par inscription géo-stratégique des villes dans «l’espace-mouvement» des réseaux économiques régionaux mais aussi au travers des différentes potentialités de productions locales définies dans les colonies. La spécialisation locale d’un territoire fonctionne alors si elle s’inscrit dans un système de circulations régionales dynamiques.

Cette progressive domestication de l’ager à la silva se matérialisent dans les paysages par des frontières pas toujours très distinctes bien que les identités de chaque espace soit souvent définie.

Fig. 17 - Exemple d’érosion et de dégradation de la forêt méditerranéenne par lessivage des pluies - Source: Demangeaot, 2006

es figures et illustrent le sa oir, sa apa ité de résilien e ant ropi ues es y les de la sil entre dégradations rutales du naturelles lentes

prin ipal o at de la sil a éditerranéenne a e au pertur ations e térieures é ologi ues et a éditerranéenne orrenspondent l alternan e eu, des eau ou des o es, et régénérations

es ryt es des eu esti au , la ois dé ri eurs et régénérateurs des é osyt es pyrop iles s opposent eu des eau plu iales d i er, ui régén rent les nappes ais ui a él rent l érosion des sols dans les terrains en pente et a orisent les ris ues d innodation en plaine est l éternel défi des é osyst es naturels éditerranéens, ue l on peut définir au sein du ouple rosion égération l est don né essaire de tenir o pte de la nature alternati e des ris ues en ourrus par les espa es naturels et orestiers éditerranéens

30

L’ager représente à l’époque la sécurité alimentaire, c’est une propriété à protéger aux limites affirmées.

Le saltus, lui, est l’espace des mobilités animales et humaines. C’est l’espace de transition entre l’homme et la nature. La fluctuation de ses frontières avec l’ager ou la silva est révélatrice du rapport de force entre l’action de l’homme et le dynamisme naturel. Il semblerait alors qu’il soit l’espace pertinent pour comprendre le rapport société-environnement dans l’histoire.

La silva elle, est tout autant un réservoir d’activités économiques, qu’une mine de biodiversité ou une école de l’écologie. Elle forme à la fois le tissu conjonctif des territoires méditerranéens et l’empreinte des usages passés.

Cet exemple d’écocomplexe antique, résultat de l’imbrication des histoires naturelles et humaines, est ici analysé à l’échelle du finage agraire mais il faut penser qu’il s’inscrit dans des réseaux territoriaux plus larges, matérialisés par les flux de biens et de personnes assurant le fonctionnement de l’économie d’échanges.

31

Il est donc nécessaire de raisonner au travers de la notion d’éco-complexe pour comprendre la typicité des limites au sein des paysages méditerranéens. L’inscription dans un système géographique plus large permet alors de faire émerger les identités et les rôles propres à chaque territoire.

Gouvernances et polarités Nous avons observé précédemment, au travers d’une rapide archéologie des paysages du bassin méditerranéen, l’émergence du premier grand cycle agraire de l’Antiquité qui a amorcé, avec les réflexions de l’agronome romain Columelle, les premières définitions socio-spatiales des territoires de la trilogie de l’ager/saltus/silva.

De la parcelle au territoire, il s’agira ici de comprendre l’inscription de ces économies agricoles locales dans les réseaux d’échanges régionaux en s’appuyant sur le territoire de la Gaule Narbonnaise sous l’Empire Romain.

En effet, depuis le 4ème siècle av. J.C. et la création des grandes voies romaines qui relient l’Urbs (Rome) à ses colonies, l’articulation des cités entre-elles a déterminé la hiérarchisation de la structure urbaine des territoires conquis.

Province de l’Empire, le territoire de la Gaule Narbonnaise (figure ci-contre), doit son nom à la ville de Narbo Matius, aujourd’hui Narbonne.

Les grandes villes qui structurent le réseaux de voies romaines sont principalement sur le littoral: ce sont des grands ports méditerranéens (Narbo, Telo Martius, Nicaïa) qui facilitent les échanges commerciaux.

Elles sont articulées dans les terres avec les «civitas, cités ou colonies qui elles-mêmes étaient structurés en pagus, district rural sousa ent ui signifie pays, o posé lui e de pagi, villages, d’oppida, villages perchés, et de fundi et villae, fermes et grandes propriétés agricoles.»1 Cette structure hiérarchisée constitue l’aube de la gestion territoriale régionale.

1- La vie de la Rome antique, Que sais-je ? n° 596

Fig. 18 - La Gaule Narbonnaise sous l’Empire Romain Fond de plan: Dufour 1846 - Source: Wikipedia.org, portail de l’Antiquité - Illustration A.M.

«La Provence ou Provincia romana n’apparaît que fort tardivement. Colonisée par les Grecs au 7ème siècle av. J.C., et assaillie par les guerres des conquêtes romaines jusqu’au 2ème si le, les pre i res définitions de sa gou ernance territoriale date du début du MoyenÂge où c’est à la fois un marquisat, un comté et un royaume.»2 Des grandes voies romaines jusqu’à aujourd’hui, il ne s’agit pas de retranscrire toute l’histoire mais plutôt de comprendre la génèse des polarités constitutives de la Provence et de la confronter avec le développement contemporain des flux et des échanges afin d’en comprendre les impacts sur l’organisation des territoires. Il s’agit d’entrer historiquement et progressivement dans l’espace du territoire varois afin de comprendre les stratégies d’occupation du sol et de gouvernance héritées.

2 - Florian Mazel, « Réflexion sur les partages de l’ancien comté de Provence au 12ème siècle », 2011.

32

Fig. 19 - Itinéraire de la Via Aurélia, premières colonies romaines structurant le territoire du Var et place du pagus Matavonicus dans l’espace de la Gaule Narbonnaise du 3ème siècle. (En vert est représenté le territoire d’étude de la Provence Verte).

La localisation du pagus Matavonicus entre les cités de Fréjus et Aix-en-Provence s’inscrit bien dans la logique générale des pagi, aux marges de la romanisation directe, dans le cadre de l’organisation romaine de l’espace matérialisé par l’attribution à une colonie ou par l’intégration au territoire d’une cité. Le pagus Matavonicus faisait vraisemblablement parti de la cité d’Aquae Sextiae, aujourd’hui Aix-en-Provence.1

1- Persée: «Matavo et le pagus Matavonicus», revue archéologique de la Narbonnaise, 1993.

33

La Gaule Narbonnaise est épargnée par les invasions qui ravagent la Gaule au 3ème siècle. La fin du 3ème siècle et le 4ème siècle sont marqués par de profondes réformes administratives: la province est divisée en trois. Le territoire à l’ouest du Rhône garde son ancien nom tandis que les cités de l’autre rive du fleuve forment la Viennoise. Entre la Viennoise et les Alpes-Maritimes, la Narbonnaise Seconde regroupe autour d’Aix, les cités de Gap nouvellement créée, Sisteron, Riez, Antibes, Fréjus et Apt. Pendant le 5ème siècle, l’Empire romain décline sous les grandes invasions barbares et, à partir de ce siècle, la christianisation influence progressivement les territoires par l’implantation de nombreux évêchés comme à Arles, Aix ou Avignon associés à leur territoire sous contrôle, les diocèses (sens chrétien). Certaines de ces communautés religieuses sont riches et ont des territoires puissants (Aix, Nice, le Thoronet, Gap). En Provence orientale, la carte ecclésiastique est calquée sur la carte civile: Aix et Embrun deviennent des églises métropolitaines.

Dans la Provence rhodanienne, Arles obtient juridiction sur la partie méridionale de la Gaule Viennoise. Pendant tout le Moyen-Âge, la région fut successivement occupée par différentes peuplades germaniques comme celles des Ostrogoths et des Francs. Du 5ème siècle au 9ème siècle, intégré dans des royaumes fluctuants, le territoire de la Provence se développe progressivement associant nouvelles limites des territoires et évolution du système agraire vers l’assolement triennal qui, conditionné à l’existence d’un saltus à proximité, ou d’une forêt pour le renouvellement de la fertilité par l’élevage, a permis la phase d’extension agraire et les défrichements du 10ème au 12ème siècle. Au 10ème siècle, la Provence fut intégrée au royaume d’Arles, dont la cité va devenir la résidence des premières dynasties des comtes de Provence.1 1- Pierre Gros, «La Gaule narbonnaise au 3e siècle apr.

J.-C., Paris: Éditions Picard, 2008.

«Après un 11ème siècle marqué par une complexité croissante, en raison d’une indivision ouverte à des ayants droits de plus en plus no reu la di érence des principautés régionales du nord de la France, le comté de Provence n’est pas détenu par un seul individu, mais par une pluralité de comtes, tous frères ou cousins, qui jusqu’au début du 12ème siècle exercent simultanément le pouvoir dans le cadre d’une large indivision) issus de maisons comtales concurrentes, la grave crise militaire des années 1119-1125 débouche sur le partage de la Provence en trois grands ensembles au sein du traité de 1125: comté de Provence, marquisat de Provence et comté de Forcalquier. (...) La projection théorique du pouvoir comtal dans l’espace ne se fait plus par accumulation de cités, de comtés ou d’évêchés mais par la prétention à dominer un territoire défini par des li ites linéaires re onnues Indépendamment de ce cadre théorique, l’exeri e e e ti du pou oir s appuie désor ais sur le contrôle des châteaux et plus sur celui des civitas. (...)

Territoire d’étude

Les actes diplomatiques qui, au 12ème siècle, organisent le partage de l’ancien comté de Provence rendent compte d’une forte évolution des rapports entre pouvoir comtal et espace. Cette évolution témoigne d’un ajustement aux réalités concrètes de l’exercice du pouvoir et au rôle croissant des châteaux, en particulier dans les zones disputées.

Mais elle traduit surtout la formation de nouveaux o tés définis par des li ites linéaires ien u issues de rapports de force, ces limites sont souvent appuyées sur des repères physiques et notamment sur le réseau hydrographique. De nouveaux comtés territoriaux (comté de Provence, comté de Forcalquier, marquisat de Provence ou comté Venaissin) se substituent donc aux anciennes civitas ou pagus polarisés par les chefs-lieux de cité.

La territorialisation mise en œuvre au 12ème siècle, traduit donc la volonté nouvelle des comtes de borner l’horizon théorique de leur pouvoir propre.

Il s’agit pour eux de se réserver l’exclusivité de la titulature comtale à l’intérieur de l’espace ainsi délimité, d’écarter et de tenir à distance les autres comtes.»2

Fig. 20 - Les partages de l’ancien comté de Provence au 12ème siècle avec les traités de 1125 et 1195. - http:// mefrm.revues.org

2- Extrait - Florian Mazel, « Réflexion sur les partages

34

35

L’extrait du texte de Florian Mazel ci-dessus, met en évidence l’évolution des types de gouvernances en Provence pendant le Moyen-Âge.

Depuis la christianisation amenée par les germaniques (les Francs) à partir du 5ème siècle, qui met en place les diocèses, territoires sous le contrôle de l’évêque jusqu’à la division et le partage de la Provence par différentes autorités comtales, on peut ici appréhender les esquisses de la matérialisation du pouvoir théorique sur l’espace, de l’indivision aux limites linéaires et géographiques.

Cette incartade historique permet d’appréhender les piliers de l’identité de la Provence au Moyen-Âge: des territoires aux gouvernances multiples, résultats de nombreuses guerres, ayant des chefs-lieux changeants, et rattachés à de nombreux royaumes dans l’histoire de l’Ancien Régime.

Cela met en évidence le rôle géographique primordial de la Provence déjà au Moyen-Âge. C’est un territoire carrefour sous influences nombreuses: les comtes de Toulouse et la culture ibérique à l’Ouest, les comtes de Viennes au Nord ou encore l’influence du Sud et de la mer avec les échanges commerciaux polarisants depuis Toulon, Marseille ou Nice, vers l’Orient et les côtes africaines.

Les déterminants géographiques, les routes commerciales et les gouvernances successives entre familles sont donc essentiels à la compréhension des principes d’organisation hérités des territoires de Provence.

Fig. 20 - La liberté guidant le peuple par Eugène Delacroix. La Révolution française représente une véritable rupture politique, économique et socio-spaciale pour les territoires.

de l’ancien comté de Provence au 12ème siècle », 2011. p. 467-486.

36

37

RUPTURES ET DISCONTINUITÉS. En accélérant un peu l’histoire et en élargissant l’échelle de compréhension de l’évolution des paysages, apparaît vite une période marquant profondément l’espace des territoires français: de la fin du 18ème siècle et du 19ème siècle.

Tout d’abord, la révolution française en 1789, met fin au système de l’Ancien Régime qui repose sur l’existence de droits médiévaux, les privilèges (leges privatae, lois particulières), qui sont les statuts dont disposent non seulement les corps constitués tels que le clergé et la noblesse, mais aussi les provinces, les villes et les corporations. Ce manque d’unicité de la loi de l’Ancien régime se voit remplacé pendant la révolution française par l’émergence d’une politique légitimant, l’égalité des citoyens devant la loi, les libertés fondamentales et la souveraineté de la Nation, capables de se gouverner au travers de représentant élus.

Cette nouvelle idéologie du pouvoir va, à la fois, influencer l’émergence de la première République (1792-1804), et restructurer l’espace du territoire français en département à partir des anciens diocèses.

Dans le courant de ce siècle, apparaît en Angleterre une autre révolution. Entre 1730 et 1780, l’histoire européenne bascule dans les balbutiements de ce que l’on définira plus tard comme la première révolution industrielle.

C’est à cette même époque que la culture européenne voit apparaître le courant Romantique, révolutionnaire dans tous les arts.

Rejetant les valeurs éthiques et esthétiques du classicisme et du néo-classicisme, ce courant artistique refuse également la laideur et le matérialisme produits par la révolution industrielle. C’est aussi les débuts du culte du sentiment et du grand mythe de la nature énoncé par Jean-Jacques Rousseau au milieu du 18ème siècle.3 3- Ilaria Ciseri, Le Romantisme, Editions Günd, 2004, p.12.

38

Apparaît alors une idéologie qui s’affranchit des règles de pensée des écrivains classiques et du réalisme des philosophes des Lumières.

Il est nécessaire, dans l’histoire, de tenter de comprendre les influences des évolutions socio-techniques sur les courants artistiques des époques.

Selon le philosophe Michael Löwy, la vision romantique constitue une « autocritique de la réalité » qui porte sur cinq thèmes principaux : le désenchantement du monde, sa quantification, sa mécanisation, l’abstraction rationaliste et la dissolution des liens sociaux.4 La révolution industrielle correspond donc à un moment charnière dans l’histoire de l’Occident et a donné lieu à des mutations et des réactions techniques, économiques et sociales importantes. C’est le processus historique du 19ème siècle qui va, plus ou moins rapidement selon les pays et les régions, faire basculer une société à dominante agraire et artisanale vers une société industrielle et commerciale.

Fig. 21 - La division administrative du Premier Empire français en 1812, de nouvelles frontières territoriales: les départements - Domaine public

Cette société nouvelle poursuit les principes de délimitation de la propriété de la terre de l’Ancien Régime, qui était un simple symbole social à l’époque représentant les élites, en ajoutant à la notion le droit contractuel qui donne la possibilité d’accumulation et de sécession des biens.

Processus longs et évolutifs, la première révolution industrielle se succède en vagues dans les différents pays occidentaux de l’époque moderne. Les premières vagues sont stimulées par le boom ferroviaire des années 18101830 en Grande-Bretagne avec le développement des machines à vapeur et l’extraction du charbon.

4- Michael Löwy et Robert Sayre, Révolte et mélancolie. Le romantisme à contre-courant de la modernité, Payot,1992, p. 43.

Fig. 22 - Les territoires des diocèses en Provence avant et après la Révolution de 1789 - Brignoles, ancien chef-lieu du département. Source: Philippe Harambat.

39

L’économie charbonnière anglaise stimule en parallèle l’industrie métallurgique avec le développement du transport ferroviaire qui est très demandeur en acier. En Europe au 19ème siècle, l’Angleterre est un empire très puissant et très influant: la suprématie de la Grande-Bretagne débute dès 1750 et va déteindre sur toute l’Europe du Nord.

Cette partie du monde se détache: La précoce révolution financière anglaise de la fin du 18ème siècle (création des banques, des emprunts...) entraîne une évolution radicale des conceptions économiques avec la naissance de la division du travail et du libéralisme d’Adam Smith5, école de pensée du siècle des lumières qui, économiquement parlant estime que les libertés (libre-échange, libre choix de consommation ou de travail) sont nécessaires au bon fonctionnement de l’économie et que l’intervention de l’État doit y être aussi limitée que possible. C’est l’époque des premiers entrepreneurs. Elle coïncide avec la progressive apparition des brevets qui remplacent les corporations, mode d’organisation de la plupart des professions au Moyen-Âge.

La révolution industrielle anglaise est donc précoce et rapide, elle sacrifie l’agriculture au profit de l’industrie métallurgique, du charbon, de la production de tissu et des libreséchanges avec les pays coloniaux émergents comme les Amériques.

En revanche, en France, selon Maurice Lévy-Leboyer, professeur d’histoire économique à l’Université de Paris, la révolution industrielle française se caractérise par une chronologie irrégulière: le contexte historique tout d’abord est marqué par les guerres révolutionnaires et napoléoniennes de 1789 à 1815, révolution qui va entraîner la libération des forces de marché par le pouvoir en place(suppression des corporations, 1791; naissance du Franc 5- Philosophe et économiste écossais des Lumières.

Il reste dans l’histoire comme le père de la science économique moderne.

germinal et d’une banque centralisée).

Le début de la révolution industrielle française est donc plus tardif mais elle se développe, malgré les conflits, aux côtés de la Grande-Bretagne de 1830 à 1860. Elle est en plein essor au début du 20ème siècle. L’importance de l’État grandit par la centralisation des pouvoirs économiques et politiques, système avancé pendant le siècle des lumières censé être garant des libertés individuelles, dont la liberté du commerce et de l’industrie et de fait, la libre concurrence en font partie.

La France met en place progressivement par ailleurs de nombreuses réformes qui vont avoir des impacts socio-spatiaux non négligeables comme par exemple la création de l’École Royale des Ponts et Chaussées amorcée au 18ème, ou encore celle majeure de l’instauration du Code Civil par Napoléon en 1804.

Le Code Civil encadre le droit de propriété privée, élément essentiel dans le processus de révolution industrielle. Il redéfinit, le statut des biens et des personnes, et par le droit contractuel, il rajoute à la propriété la fonction d’accumulation, ajustement juridique qui va permettre plus tard le développement de l’idéologie capitaliste.

Les lois au 19ème siècle (Guizot-1842; plan Freycinet (1879-1882) favorisent la croissance économique: extension du chemin de fer et amélioration des infrastructures ou les grands travaux (baron Haussman à Paris, assainissement des zones marécageuses comme les landes et la Sologne) par exemple, dans une idéologie générale qui associe protectionnisme et accords commerciaux avec les colonies. En effet, les industries, à l’époque, sont dominées par une petite bourgeoisie qui privilégie le marché intérieur mais en laissant la place sur le marché à l’économie d’importation.

L’agriculture conserve une part bien plus importante dans l’économie française que dans l’économie britannique: elle est dominée par de petits propriétaires qui font sa prospé-

40

rité. En effet, «la forte croissance démographique de la France au 18ème siècle est alimentée par un accroissement de la production agricole de 20 à 30 % par décennie de 1700 à 1780. De même, le marché agricole se développe en France après la Révolution de 1789 qui consacre la libération de la terre, permettant, selon l’expression de Pierre Rosanvallon, de «déterritorialiser l’économie et de onstruire un espa e uide stru turé par la seule géographie des prix »»6

L’événement déclencheur de la première révolution industrielle serait donc la maîtrise par l’homme d’une nouvelle énergie, la vapeur, via la machine à vapeur de J.Watt entre 1765 et 1785 en Angleterre ou la première locomotive à vapeur de Stephenson en 1813.

Cette nouvelle ressource va modifier la structure des manufactures, désormais centrées autour de la source d’énergie. L’accroissement du prolétariat parallèlement à la division et à la rationalisation des méthodes de production vont engendrer de nombreuses transformations spatiales dans les processus d’organisation des hommes: le paysage industriel s’établit à l’extérieur des villes, en dehors et de nombreuses cités ouvrières s’installent à proximité. Les villes existantes verront l’implantation de manufactures qui participeront à l’accélération de l’urbanisation.

L’éclatement des cités industrielles hors de la ville entraîne des ramifications spatiales supplémentaires dans la structure de l’aménagement des territoires: l’organisation de l’espace accentue alors les disparités sociales et la ségrégation spatiale dans le paysage entre l’élite vivant en ville et les ouvriers à l’extérieur...

6 - Pierre Rosanvallon, Le Libéralisme économique: histoire de l’idée de marché, 1989.

Nouvelles techniques, nouveaux matériaux, nouvelles organisations spatiales, exploitation des ressources du sous-sol, le paysage industriel occidental a marqué les imaginaires collectifs de l’époque par ses hauts fourneaux, ses usines à gaz, ses forges et ses cheminées.

Cette croissance économique et démographique, qui va de paire avec les progrès de la médecine (qui traite de mieux en mieux les épidémies), l’accroissement des productions agricoles (qui fournit des perspectives de profit) et la stabilité politique de l’époque (absence de conflits), n’est pas sans limites et pour se procurer les matières premières et les sources d’énergie indispensables pour alimenter les usines, les européens se lancent progressivement dans la colonisation du monde pour en exploiter les richesses agricoles et minières.

Le 19ème siècle est donc le théâtre de nombreuses poussées technologiques et d’innovations qui sont à la base de la naissance du monde moderne occidental. À partir de 1870, et ce jusqu’avant la première guerre mondiale, l’Europe connaît sa deuxième révolution industrielle et la plus innovante avec l’invention de l’électricité (Zénobe Gramme met au point en 1868 la première dynamo, Thomas Edison en 1879 la première ampoule électrique à incandescence), le développement du moteur à combustion (dont celui de l’ingénieur Rudolf Diesel en 1897) qui remplace la propulsion des engins à vapeur par l’utilisation du pétrole fournissant l’énergie nécessaire aux transports de l’époque, les avancées hygiéniques considérables avec l’eau courante dans les villes par exemple, et enfin le développement de l’industrie chimique qui permettra le développement de l’industrie textile (chlore), des méthodes de génie civil (nitroglycérine), l’amélioration des rendements agricoles (phosphates comme engrais avec Wissant dès 1857) ou encore la création de nouveaux matériaux révolutionnaires à l’époque (plastiques, ciment, béton).

41

GLOBALISATION, CRISES ET POTENTIALISME ÉNERGÉTIQUE. À l’échelle de la planète, la conséquence émergente de cette deuxième révolution industrielle est principalement la mondialisation, à la fois du commerce, qui devient international (développement de l’économie de marché avec le jeu de l’offre et de la demande associé aux principes de concurrence), des finances (exportation des capitaux européens vers les colonies) et des hommes (qui émigrent principalement pour des motifs économiques). pr s , le ro antis e s essou e, l a our de la nature s’éteint et l’Europe va alors partager l’esprit industrialiste qui avait pénétré l’Angleterre dès la première moitié du 19ème siècle. La période des 40 années qui ont précédé la Première Guerre mondiale voit la plus grande révolution technologique, industrielle, économique, culturelle et sociale de l’histoire européenne. C’est la Belle Époque, époque de la foi dans le progrès, des expositions universelles, de l’entrepreneuriat populaire et de l’internationalisation avant l’heure, une période de rupture forte où l’automobile, l’aviation, le cinématographe, l’électricité anticipent des domaines prometteurs et des modes de vie renouvelés.»7

L’accès aux ressources énergétiques est donc au fondement de l’organisation des sociétés humaines et les découvertes de l’électricité et du pétrole vont démultiplier les possibilités de développement des hommes sur leurs territoires.

«Après 50 ans de poussée technologique, le 19 siècle s’acheva avec une synthèse créative qui permit de dépasser le système technique précédent basé notamment sur la machine à vapeur alternative, le charbon et le fer.»8 ème

7 - «L’innovation à la Belle époque», Conférence de Marc Giget, professeur de gestion de l’innovation au Conservatoire national des arts et métiers 8- Histoire des techniques - Bertrand Gille

L’aménagement du territoire se métamorphose progressivement avec la volonté de faire plus grand (Canal de Suez, Tour Eiffel, de développer radicalement les moyens de transport (métro électrifié, tramway électrique, automobile, aviation, réseau ferroviaire ou encore paquebots), les moyens de communication (téléphone, journaux) ou l’amélioration de l’hygiène et de la salubrité (rénovation de Paris).

Suite aux périodes de guerres mondiales du 20ème siècle qui vont bouleverser les dynamiques démographiques et économiques, le système d’économie de marché mondialisé s’ancre dans les pays occidentaux et leurs colonies constitue la base dynamique du développement des sociétés modernes.

Elles s’appuient sur une alliance entre états, travail et capitaux et fondent son développement sur l’exploitation croissante de deux énergies, le pétrole et l’électricité, accompagnées des transformations considérables des techniques et des sciences qui favorisent l’innovation.

Ce système s’est accéléré depuis le milieu du 20ème siècle et prône l’idéologie spéculative capitaliste du progrès inconditionnel et du développement massif par la spécialisation et la standardisation des processus (Taylorisme et Fordisme par exemple) et l’augmentation exponentielle de la place des capitaux dans l’économie mondiale.

«Ce modèle a pu se développer, avec des fruits sociaux appréciables, grâce à une augmentation rapide de la productivité, qui permettait au capital d’avoir un taux de rétriution su sa ent éle é 9

9 - «Les effets de la mondialisation», François Houtart.

2007

42

Les conséquences du capitalisme sont déjà palpables à l’époque, se répercutent encore aujourd’hui sur les sociétés et sont révélatrices des contraintes propres à son processus de développement: crises sociales (conditions de travail médiocres et développement des syndicats, conditions de vie, exode rural vers les villes), chocs pétroliers ou crises financières, suprématie du milieu urbain, les impacts, positifs ou négatifs, du système mondialisé sont nombreux et embrassent de nombreux domaines tels que la politique, les sciences, l’économie, la sociologie, la philosophie ou l’écologie. Un des impacts les plus marquant de l’espace mondialisé est la dilatation complète de l’espace-temps.

La révolution énergétique fossile a permis l’explosion des mobilités individuelles et collectives depuis le milieu du 20ème siècle. Elle a transformé totalement notre rapport aux territoires, élargi les espaces vies et contracté les distances. Aujourd’hui, les mobilités permettent aux populations citadines de s’extraire des nuisances de la ville à la recherche du cadre de vie de la campagne.

En un siècle, les villes sortent des remparts pour devenir névralgique dans les réseaux mondiaux. Le début des années 1970 marque alors un tournant. La fin des Trente Glorieuses est concomitante au premier choc pétrolier et à l’émergence d’un chômage de masse. En 30 ans, le modèle de société qui avait prévalu depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale dans les pays occidentaux est largement remis en question.

Les villes, dématérialisées progressivement dans le maillage international de l’économie de marché, absorbent la croissance démographique et économique, leurs frontières se transforment, se distendent jusqu’à pénétrer l’espace rural et les espaces naturels.

Cet étalement urbain a engendré un néologisme apparu en France en 1976, la périurbanisation. C’est un phénomène qui reflète, à la fois une nouvelle attraction contemporaine des populations urbaines pour les campagnes, un «besoin de nature», et qui relève de facteurs géo-stratégiques de localisations rendus possibles grâce aux mobilités modernes et à la densité croissante des réseaux de communication.

Conscientes du caractère limité des ressources fossiles, qui constituent aujourd’hui les piliers de l’essor économique mondial, et sensibilisées par la recherche scientifique, aux pressions anthropiques (ou perturbations écologiques) sur l’écosystème planétaire, les sociétés contemporaines sont aujourd’hui amenées à réfléchir sur l’évolution des modalités de leur système de développement.

On sait aujourd’hui que le déclin des ressources pétrolières est estimé à environ une quarantaine d’années si bien-sûr l’avidité humaine ne s’évertue pas à une recherche exponentielle des zones «puits» en Antartique, en Arctique ou autres grands territoires naturels: «Le monde a déjà consommé 1 200 milliards de barils de pétrole. Les réserves prouvées de pétrole représentent aujourd’hui 1 500 milliards de barils. Ce qui représente 40 ans de notre consommation actuelle».10 Nous sommes donc à l’aube d’une nouvelle révolution dans l’histoire des sociétés.

La période de résilience que possède les hommes face à ce changement prévisible majeur dans leurs modes de vie et dans leurs relations avec son milieu est aujourd’hui appelée «Transition».

10 - Roland Vially, géologue à IFP Energies nouvelles 2003.

43

Le concept de transition, qu’elle soit idéologique, sociale, écologique ou énergétique, développé soit à l’échelle internationale par Jérémy Rifkin, qui met l’accent sur une «troisième révolution industrielle», soit à l’échelle locale par Rob Hopkins, enseignant anglais en permaculture, qui lui met l’accent sur l’opportunité d’une vision positive de l’avenir, sur le potentiel d’intensification des liens entre habitants, acteurs économiques locaux et paysages vécus ou encore sur le principe de résilience des villes, permet de reconsidérer les échelles de projet et l’importance de la sociologie dans les processus de fabrication des territoires. « a transition insiste sur la redéfinition des niveaux de réponse des projets en faveur du dé eloppe ent dura le tout en a r ant le besoin de recherche d’une nouvelle démocratie participative, impliquant les acteurs de tout territoire dans des interactions systémiques inspirées des écosystèmes naturels et appropriables par le plus grand nombre».11 Le développement durable est une conception de «bien commun» planétaire.

Défini par le rapport Brundtland en 1917 comme un développement qui satisfait les besoins des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures à satisfaire les leurs, il entraîne alors les hommes à réfléchir sur leurs rapports aux ressources vitales, mobilisables et nécessaires face aux perturbations écologiques globalisées. Il entraîne une éthique environnementaliste fondée la conciliation entre protection de la biodiversité et développement raisonnée des hommes.

Depuis le sommet de la Terre à Rio de Janeiro en 1992, la préservation de la biodiversité est considérée comme un des enjeux essentiels du développement durable et apparaît donc 11 - Rob Hopkins, «Manuel de transition: de la dépendance au pétrole à la résilience locale», 2010.

dans les consciences comme un levier d’action prédominant pour l’avenir.

DANS CE CONTEXTE MONDIAL DYNAMIQUE, LES PAYSAGES MÉDITERRANÉENS EMBRASSENT TROIS ENJEUX DOMINANTS AUX CARACTÈRES ANTAGONISTES. 1. Tout d’abord le climat: ses contraintes et ses opportunités ont entraîné des paysages à forte biodiversité reconnus aux niveau mondial et donc très attractifs pour les populations qui représentent des pressions démographiques et écologiques considérables: c’est le premier enjeu spécifique aux territoires, défini au sein de l’opposition entre perturbations anthropiques et conservation de la biodiversité spécifique à cet espace bio-géographique.

Avec l’explosion des mobilités aujourd’hui, la méditerranée occidentale conforte sa place de carrefour en Europe. Cette notion de proximité permise par la mondialisation des flux impose au territoire de Provence Verte un positionnement touristique à long terme.

Protection des espaces naturels, accueil du public, valorisation de la biodiversité, quelles sont alors les vocations stratégiques à définir au sein d’un scénario de transition? La Provence Verte pourrait-elle être le jardin d’éden de l’Europe?

2. D’autre part, les révolutions dans l’histoire ont entraîné, on l’a vu, la spécialisation de certains territoires au dépend d’autres délaissés et oubliés. Ces espaces, auxquels les sociétés occidentales méditerranéennes accordent le moins d’importance dans l’économie des territoires s’incarnent aujourd’hui dans la forêt et dans le saltus, élément central du tryptique agraire hérité de

44

l’ager-saltus-silva, qui a quasiment disparu des pratiques aujourd’hui et dont les frontières ne sont plus discernables dans le paysage: c’est le deuxième enjeu, défini par la problématique du floutage contemporain des limites entre habitat et espaces forestiers.

Du tryptique antique au couple moderne ager-silva, quelle place aujourd’hui pour les territoires du saltus méditerranéen?

Est-il encore un espace de transition, un écotone? Comment envisager de nouveaux cadres aux relations entre agriculture méditerranéenne et biodiversité?

3. Enfin, les énergies alternatives constituent le troisième enjeu spécifique à ces territoires méditerranéens. Défini en tant que carrefour, l’espace régional est dépendant des mobilités contemporaines et donc fortement dépendant énergétiquement. L’approche énergétique permet alors d’engager une réflexion systémique en inscrivant les projets locaux dans des systèmes territoriaux plus larges tout hiérarchisant les potentialités énergétiques propres à chaque territoire.

Il s’agira alors d’être attentif aux potentialités énergétiques au sein de l’éco-complexe Agriculture/Forêt/Habitat. Comment alors organiser la résilience énergétique progressive des territoires de Provence Verte? Quelles seraient les interactions énergétiques possibles entre espace habité et forêt ou encore entre agriculture et forêt? Comment concilier transition énergétique et transition écologique dans les paysages ruraux en mutation du pays de la Provence Verte?

Cette première partie tente donc de faire émerger, au travers d’une approche tranversale entre histoire et écologie du paysage, les identités territoriales propres à l’espace méditerranéen occidental, à savoir, un domaine climatique sensible et symbole de biodiversité, un héritage agro-sylvo-pastoral puissant lié au travail acharné de la main de l’homme pour faire vivre les économies locales et qui a déterminé l’occupation de l’espace et enfin, un «espace-mouvement» où les périodes historiques s’empilent et se chevauchent depuis des millénaires.

En confrontant ces identités aux trajectoires historiques énergétiques, politiques et sociales, cette partie amène donc à comprendre, de façon systémique, l’évolution des modalités de production des territoires domestiqués par l’homme. Cette approche dynamique et multiscalaire questionne les relations entre perturbations anthropiques et écologie du paysage.

Il s’agira alors par la suite d’identifier les mutations spatiales contemporaines présentes sur le territoire de Provence Verte afin de redéfinir les enjeux à des échelles plus fines.

45

« Comment se fait-il que l’humanité, en dépit de ressources planétaires suffisantes et de prouesses technologiques sans précédent, ne parvienne pas à faire en sorte que chaque être humain puisse se nourrir, se vêtir, s’abriter, se soigner et développer les potentialités nécessaires à son accomplissement ? »

Pierre Rabhi

D’un diagnostic territorial s’appuyant sur l’échelle de cohérence territoriale du «pays» de Provence Verte à la détermination des piliers stratégiques à mettre en oeuvre pour engager ce territoire dans la transition, cette partie propose une méthodologie dynamique à la recherche des identités mobilisables et potentielles pour un projet de paysage durable.

Depuis les influences exogènes au territoire vers les rapports de force internes, cette vision questionne les mutations contemporaines qui s’opèrent dans le passage d’un espace à dominante rurale vers la périurbanisation et tente d’établir des liens idéologiques et spatiaux entre transition écologique et transition énergétique afin de faire glisser la réflexion vers des propositions d’actions localisées.

46

47

La Provence Verte,

n territoire à la croisée des in uences Var

La région Provence-Alpes-Côte d’Azur est aujourd’hui composée de six départements issus des anciennes provinces de Provence et du Dauphiné. Une partie du Vaucluse est héritée du comtat Venaissin et la rive gauche du Var, dans les Alpes-Maritimes, constituait autrefois le comté de Nice. La région est limitée au Sud par la mer, à l’Est par les régions italiennes de Ligurie et de Piémont dont les frontières sont les Alpes du Sud et au Nord, c’est la région Rhône-Alpes qui est voisine. À l’Ouest, le fleuve du Rhône marque la frontière régionale avec le Languedoc-Roussillon.

La région accueille une grande diversité de paysages déterminés par les influences du relief et de la géologie. Le premier influence la dégradation du climat méditerranéen en climat continental avec l’altitude et la deuxième influence par exemple les peuplements végétaux selon les potentiels hydriques des territoires ou encore les couleurs de l’architecture provençale.

La Direction Régional de l’Environnement, de l’Aménagement et de Logement considère que l’espace régional est constitué de cinq typologies de paysages identitaires. Du Nord au Sud, on retrouve: Les Alpes du Sud, paysages très contrastés avec des sommets enneigés, des versants très boisés de haute montagne et des vallées encaissées de moyenne montagne où l’agriculture prédomine; La Haute Provence qui correspond à une succession de plateaux et de montagnes arides mais découpés par de nombreuses rivières (Durance, Asse, Bléone..) et leurs principaux affluents qui ont façonnés des

Provence Verte

0 100 m

2500 - 3000 m

paysages à la géologie très marquée comme les gorges du Verdon par exemple;

Fig. 23 - Le gradient du relief régional, du littoral aux Alpes, déterminant les grands paysages - Source: DREAL PACA - Illustration: A.M.

La Basse Provence et les collines provençales qui sont caractérisées par des montagnes de faible altitude et qui constituent les espaces de passage privilégiés donc relativement peuplés. Les paysages de la Basse Provence embrassent des valeurs emblématiques provençales liées à l’histoire et à l’usage des terroirs par l’agriculture méditerranéenne;

Alpes du Sud Haute Provence Basse Provence Plaines littorales Provence cristalline

Les plaines provençales et littorales qui sont marquées par la douceur climatique et l’exceptionnelle variété géologique: la Provence calcaire à garrigues, pins d’Alep et chênes verts et; La Provence cristalline à maquis, pin parasols et chênes liège, qui constitue une identité propre car elle est constituée de massifs anciens (Estérel, Maures) recouverts de formations végétales propres à ces types de sols et représente un espace peu habité sauf sur son littoral au Sud.

48

Fig. 24 - Diversité paysagère régionale et inscription de la Provence Verte - Source: DREAL PACA - Illustration: A.M.

49

Le territoire du Var, département inscrit dans la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur représente aujourd’hui l’héritage spatial induit, tout d’abord, par les premières territorialisations du pouvoir comtal au sein du comté de Provence et, par la suite, par le regroupement des diocèses de Toulon et de Fréjus après la révolution.

Nous l’avons vu dans la première partie, l’homme est implanté sur le territoire depuis des millénaires et a laissé de nombreuses traces à travers l’histoire. Grâce à sa situation géographique favorable, à l’origine un couloir de passage entre la plaine du Pô du Nord de l’Italie et le monde romain, c’est aussi l’espace de liaisons entre la vallée du Rhône et la Gaule Narbonnaise. Le territoire a donc hébergé les comptoirs commerciaux de l’Antiquité reliés sur un ensemble de voies romaines qui reliaient les péninsules ibériques et italiques.

Le Moyen-Âge a, lui aussi, laissé des empreintes dans le paysage, notamment par les typologies d’habitat perché en réaction aux invasions et les nombreux édifices religieux mis en place pendant la christianisation des territoires (abbayes, chapelles ou la basilique royale de Saint-Maximin) comme on peut le voir sur la figure 25 ci-contre.

L’époque des temps modernes amène de profondes mutations qui vont accentuer les contrastes territoriaux Nord-Sud. Toulon voit naître sa vocation militaire sur la côte varoise et en parallèle, le tourisme se développe dès la moitié du 18ème siècle. Plus tard, l’essor du chemin de fer va jouer un rôle déterminant dans la polarisation des territoires. Reliant Marseille et Toulon puis Fréjus et Saint-Tropez, les classes aristocratiques vont rapidement utiliser cette nouvelle mobilité afin de satisfaire leur attraction pour cette région. Les villes littorales, à l’exception de Toulon, cheflieu du département qui, demeurera une ville de passage pour les voyageurs, deviennent progressivement des stations hivernales de villégiature.

C’est donc à cette époque, depuis la fin du 18ème siècle, que le tourisme balnéaire varois devient une activité qui commence à se développer. Le 20ème siècle et les révolutions qui le caractérisent, provoquent, notamment avec la naissance des congés payés dans les années 1920-1930 et l’explosion des mobilités, l’accélération de la pression touristique. À partir des années 1960, l’essor grandissant de l’économie touristique va influencer l’accélération de l’urbanisation littorale et accentuer le déséquilibre territorial entre la façade maritime et l’intérieur des terres. De nouvelles agglomérations se créent ex-nihilo sur la côte comme Port-Grimaud ou Cogolin par exemple.

De la via Aurélia aux communications contemporaines, d’une économie agricole locale à une économie touristique dominante, le territoire du Var a absorbé de nombreuses mutations socio-spatiales pendant l’histoire. La succession de cycles historiques a alors déterminé les empilements successifs de nombreuses modalités d’occupation du territoire. Sa position géographique en a toujours fait un territoire de passages et d’arrêts. La diversité des paysages, du littoral aux montagnes, et son climat favorable a, de tous temps, attiré les hommes à venir s’y implanter.

Avec presque 60% du territoire, la diversité des espaces naturels et forestiers représentent la maillage interne du territoire. Les paysages naturels sont à la fois l’objet de fantasme des populations mais ils constituent par ailleurs des espaces sous importantes pressions, anthropiques et naturelles. Ils sont donc fragiles et à protéger.

Entre patrimoines historiques et naturels, entre espaces fragiles et très convoités, le Var apparaît comme territoire significatif des enjeux contemporains qui orientent vers la conciliation entre maintien de la biodiversité et développement des hommes.

50

a gure ci contre illustre la grande diversi té de traces laissées par l’histoire sur le terri toire, pendant l’ ntiquité et le o en ge u ourd’hui, ces monuments et sites antiques et religieu sont soit, classés en rouge , soit inscrits en aune e patrimoine tr s riche en rovence erte des grottes néolithiques au sites industriels délaissés au ourd’hui tanne ries ou site d’e traction de eau ite a donné lieu à une démarche de labellisation culturelle dénommée a s d’ rt et d’ istoire

Voies romaines terrestres Voies romaines maritimes Principales villes romaines Sites classés Sites inscrits

Fig. 25 - Patrimoine historique varois de l’Antiquité au Moyen-Âge - Source: DREAL PACA - Illustration: A.M.

a gure ci contre illustre l’impact de l’e plo sion des mobilités et des infrastructures sur la structure du territoire n remarque deu logiques st uest, une littorale qui relie les stations balnéaires entre elles et une interne, crée dans les années et qui reprend le tracé de la via urélia, qui vient couper litté ralement le territoire en deu

a logique Est-Ouest

dominante

des

A8

u

Littoraux Internes Vers les Alpes Autoroutes Réseaux secondaires Voies ferrées Grandes villes polarisantes

Fig. 26 - Polarités varoises contemporaine, restructuration moderne du département et place de la Provence Verte - Illustration A.M.

51

POLITIQUES PUBLIQUES, TERRITORIALISATION DES GOUVERNANCES ET ÉTHIQUE DE DÉVELOPPEMENT. Pendant le 20ème siècle, l’aménagement du territoire en France va évoluer dans ses frontières et dans les échelles de gouvernance, d’une politique centralisée vers des politiques locales.

C’est en effet à partir de la 5ème république française (1958), que l’État va mettre en place, au travers de la Constitution, de nouvelles échelles de contrôle de l’aménagement avec les collectivités territoriales (communes, départements, régions). Ces collectivités territoriales sous contrôle de l’État vont subir une série de réformes à la fin du 20ème siècle dans le cadre de la décentralisation, c’est à dire, selon un processus d’aménagement de l’État qui consiste à un transfert des compétences administratives vers des collectivités locales distinctes de lui (lois Deferre 1982-1983). L’État joue encore un rôle moteur dans l’aménagement mais toutefois, si sa politique se fonde sur des lois, des règlements et un budget décidé au niveau national, sa mise en œuvre met en jeu des dispositifs contractuels conclus avec les collectivités locales.

nautés de communes (CC), les communautés urbaines (CU), les communautés d’agglomération (CA), et les syndicats d’agglomération nouvelle et les métropoles. La décentralisation amène donc de nombreux acteurs d’un territoire à travailler ensemble en coopération afin de monter des projets locaux cohérents.

Depuis l’émergence du concept de développement durable au début du 20ème siècle, le développement et l’aménagement du territoire vont prendre de nouvelles dimensions. En effet, plutôt que d’être focalisé sur l’idée du «développement à tout prix» jusqu’à atteindre les limites des ressources terrestres, la durabilité insiste sur une gestion cohérente sur le long terme entre les besoins locaux et les disponibilités des ressources locales et planétaires.

Pourquoi ce concept a-t-il émergé?

La démarche consiste alors en une vaste re-configuration des échelles de l’aménagement qui rapproche les processus décisionnaires des citoyens favorisant l’émergence d’une démocratie de proximité.

Parce que la gestion des ressources, qu’elles soient énergétiques ou nourricières, est au fondement du développement de chaque société, et qu’avec la mondialisation et ses perturbations, cette gestion est devenue une affaire planétaire censée toucher tous les citoyens du monde. C’’est une sorte de prise de conscience générale des impacts environnementaux engendrés par les dynamiques contemporaines de croissance démographique et économique effrénée. Ce sont alors les discontinuités au sein de ces processus modernes qui amènent à requestionner les modèles de développement: les crises économiques, énergétiques, politiques et sociales participent à cette «révolution» idéologique.

C’est une redistribution des compétences et des finances de l’État (dans des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre depuis la loi Chevènement en 1999) afin d’assurer un meilleur équilibre des pouvoirs sur l’ensemble du territoire et une cohérence accrue en matière d’aménagement.

Sont considérés comme établissements publics de coopération intercommunale exclusivement: les syndicats de communes, les commu-

Le développement durable, considéré à l’échelle de la planète, devient une conception du bien commun qui vise à prendre en compte avec l’économie, les enjeux environnementaux et sociaux sur le long terme organisée au sein d’un plan d’action international appelé Agenda 21 (Sommet de la terre, Rio, 1992) qui peut aujourd’hui être décliné au niveau local et constitué un cadre de référence adapté aux projets locaux.

52

Le développement durable mobilise une nouvelle démarche d’aménagement qui reconfigure les échelles pour agir localement tout en s’inscrivant dans une pensée globale.

Cette notion de «bien commun», qui en philosophie, correspond à un partage de ressources ou d’intérêts, a amené la redéfinition de la place de chaque acteur dans la fabrication des territoires et donc va amener en France de nouveaux espaces de coopération.

En effet, la loi d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire (L.O.A.D.T.) de 1995, dite loi Pasqua, ainsi que la loi d’orientation pour l’aménagement et le développement durable du territoire qui vient la renforcer (L.O.A.D.D.T.) de 1999, dite loi Voynet, ont favorisé l’émergence de nouveaux territoires de coopération sur le chemin d’une démocratie participative, les «Pays». Il s’agit d’une catégorie administrative à caractère géographique qui désigne un espace présentant une «cohésion géographique, économique, culturelle ou sociale à l’échelle d’un bassin de vie ou d’emploi a n d’e primer la communauté d’intérêts économiques, culturels et sociau de ses membres et de permettre l’étude et la réalisation de pro ets de développement»1.

La création des pays n’est aujourd’hui plus possible (réformes des collectivités territoriales de 2010), cependant les pays existants continuent de fonctionner notamment avec des démarches de conventions territoriales contractuelles, les contrat de projets État-Région. Ils restent des acteurs importants du développement local particulièrement en milieu rural et la particularité de cet espace est qu’il est le produit d’une démarche volontaire et contractuelle des communes. C’est donc l’espace porteur de volontés de coopération et de solidarité territoriale concernant les compétences d’aménagement et le maintien du cadre de vie.

Il serait possible de faire l’analogie avec le découpage territorial et juridique antique du «pagus» romain qui reflétait l’appartenance sociale à un lieu, une vallée ou une culture, mais la territorialité des pouvoirs a radicalement changé pour cet espace aujourd’hui.

En effet, le «pagus» désignait une subdivision territoriale et juridique interne au territoire rural de la cité ou colonie romaine.

Il pouvait être représenté à la fois par un espace sous contrôles (territoire) mais aussi par l’agglomération qui y est implantée et qui gouverne pour le «grand pays», l’Empire. Le terme «pagus» est toutefois à l’origine du mot «pays» et son dérivé, paganus littéralement «de la campagne» est à l’origine du terme païen. Un autre dérivé étymologique a donné naissance au terme paysan.

Le «pagus» représentait alors peut-être un territoire identitaire fort, propre à un certain espace rural productif de petite échelle.

Serait-il alors l’ancêtre de la notion de bassin de vie raccrochée particulièrement dans l’histoire à la géographie des réseaux? Les échelles des réseaux ont changé, les principes de gouvernance aussi. Aujourd’hui les pays sont des territoires qui ne sont ni des collectivités territoriales, ni des cantons, ni des E.P.C.I. à fiscalité propre. L’échelle du «pays» contemporain se situe entre le département et le canton et son bassin de vie est étendu.

Le bassin de vie étant considéré comme l’espace matérialisé par les flux migratoires domicile-travail quotidien (D.A.T.A.R. et I.N.S.E.E.), il a sensiblement évolué selon deux trajectoires historiques corrélées.

Tout d’abord, le développement des sociétés tournées vers les industries et les services a entraîné la désertification progressive du monde rural au profit du gonflement démographique des villes et de leurs proximités, qui deviennent les sources principales de travail.

1 - Article 22 de la loi du 4 février 1995

53

C’est le début de l’opposition ville/ campagne qui représente alors des frontières strictes à la fois dans l’imaginaire et dans l’espace vécu. Cette croissance du fait urbain, encadré en France au départ par la loi d’orientation foncière de 1967 (principaux documents d’urbanisme au service de l’aménagement des territoires locaux), va engendrer une urbanisation grandissante et redéfinir la polarisation des villes au sein de l’armature urbaine des territoires. C’est cette attraction qui va alors définir l’espace du bassin de vie.

L’attractivité locale héritée des petits bassins de vie des sociétés rurales s’est transformée rapidement (environ 50 ans) en influences régionales, nationales voire internationales entre les grandes aires urbaines polarisantes qui sont le reflet matériel de l’étalement de l’urbanisation. Cet étalement croissant vers la périphérie des villes redéfinit l’urbanité vers la périurbanité qui s’incarne dans les mobilités.

Cette périurbanisation a donné naissance à un néologisme apparu en 1976, la «rurbanisation». L’étalement urbain s’est en effet affirmé à partir des années 1960 à la fois avec le renouveau de l’attractivité des campagnes pour les urbains et grâce à l’essor de l’automobile et des infrastructures associées.

C’est la deuxième trajectoire historique qui impacte l’évolution de l’espace de vie des populations: l’explosion des réseaux de mobilités modernes impulsés par la seconde révolution industrielle et la mondialisation reconfigure les échelles des espaces de déplacement des hommes. Les migrations quotidiennes s’en voient élargies. Le territoire du pays, symbole de ruralité et de proximité, perd progressivement son identité territoriale initiale et avec la périurbanisation, les frontières entre les espaces naturels, ruraux et urbains s’entremêlent et se chevauchent. C’est particulièrement significatif avec l’exemple du pays de Provence Verte dans le Var. En effet, le Var, caractérisé par la prédominance

de la forêt (60% du territoire) et la présence d’une agriculture de cultures permanentes en majorité (environ 13% du territoire), voit les espaces articialisés progresser (plus de 6% entre 1999 et 2006 - AUDAT). Les pressions anthropiques contemporaines sont donc croissantes et amènent de nombreux enjeux concernant développement durable: banalisation des modèles d’habitat diffus, fermeture progressive des versants par déprise agricole, artificialisation grandissante des plaines...

Les figures 27 et 28 ci-contre permettent d’appréhender les influences externes que subi le territoire de Provence Verte. On remarque alors sur la figure 27 que le pays se situe à la rencontre de trois pôles urbains polarisants: le bassin de vie d’Aix-Marseille à l’Ouest, l’aire toulonnaise au Sud et l’aire Dracénoise à l’Est. Par ailleurs la figure 28 met en évidence la progression des vagues d’urbanisation sur les frontières de la Provence Verte qui transforme les communes plus au Sud à dominante rurale en couronne périurbaine faisant alors partie de l’orbite des métropoles polarisantes. C’est le processus contemporain de recul de l’urbanisation depuis un littoral submergé vers l’intérieur des terres.

es bassins de vie du ar

Fig. 27 - Les migrations pendulaires des actifs de rovence erte, un territoire sous l’in uence des pôles urbains externes - Source: INSEE RGP 2007 Rapport de présentation SCoT PV.

En 2006, la Provence Verte représente 9,43% de la population varoise. Sous les effets combinés de la progression économique de la région, de l’héliotropisme et des disponibilités foncières du territoire, le pays connaît une croissance démographique qui ne fléchit pas ou peu depuis 30 ans. Les nouveaux arrivants sont surtout des actifs en quête de foncier abordable et accessible et d’un cadre de vie agréable. À la vue de ces dynamiques contemporaines, peut-on encore parler de ruralité dans le pays de Provence Verte? Que reste-t-il de cette identité sous les pressions modernes externes? Doit-on parler de ruralités au pluriel, de rurbanité, de périurbanité(s)?

54

Fig. 28 - Densité de population supérieure à 80 habs/km2 par année de recensement - Source: INSEE 2006 Rapport de présentation SCoT PV.

55

Depuis les années 2000, la loi de Solidarité et de Renouvellement Urbain (S.R.U.) a créé le Schéma de Cohérence Territoriale (S.Co.T.) censé remplacer l’ancien Schéma Directeur d’Aménagement Urbain (S.D.A.U.) créé par la loi d’orientation foncière du 30 décembre 1967 et renommé Schéma Directeur en 1983. Il permet de mieux gérer et organiser l’expansion et le développement des territoires, des aires urbaines en intégrant la préservation de l’environnement.

C’est un outil de conception, de mise en œuvre et de suivi d’une planification intercommunale dans une perspective de développement durable. Le pays de Provence Verte est aujourd’hui doté d’un SCoT approuvé qui constitue le document référence concernant le diagnostic territorial et les prospectives stratégiques. Tout en m’inscrivant et en m’appuyant sur cet outil, il s’agira de proposer des stratégies locales complémentaires aux enjeux cités dans le SCoT en questionnant les frontières entre espaces ruraux et espaces urbains au travers d’une pensée énergétique du paysage.

Nous avons vu précédemment la situation géographique particulière qui fait de la Provence Verte un territoire carrefour qui subi de nombreuses influences externes déterminantes sur l’évolution socio-spatiale des paysages. Avant d’identifier précisément ces mutations, il s’agira d’essayer de caractériser les identités contemporaines du pays de Provence Verte afin de mettre en évidence les territoires à enjeux. Cette méthodologie propose donc de s’appuyer sur la structure dynamique des paysages du pays afin d’identifier les potentialités propres au territoire à engager dans les démarches de développement durable.

Les dynamiques démographiques étant croissante depuis les années 1970, les typologies urbaines se sont transformées. En effet, entre depuis 30 ans, la tâche urbaine s’est multipliée par 10 et elle est caractérisée par la domi-

nation d’habitats pavillonaires diffus. Avec l’influence des aires métropolitaines externes au pays, cette forme d’urbanisation est très marquée au Sud et à l’Ouest du territoire. La maison individuelle est le modèle quasi-unique d’habitat avec 91% des constructions entre 1990 et 20041.

La fonction résidentielle se développe sur le territoire, permise notamment par la densité des réseaux de communication qui facilitent les mobilités qui sont presque exclusivement automobiles en Provence Verte. Ces réseaux, dont l’autoroute A8 qui coupe le territoire en deux d’Ouest en Est, ont déstabilisé les équilibres internes du territoire et accentué les contrastes entre le Nord et Sud du territoire, très influencé par les aires urbaines voisines.

Ces métropoles externes au pays se recoupent en Provence Verte et ont transformé le territoire en espace intersticiel, dépendant de l’avenir de ses territoires limitrophes. Le pays devient alors l’espace privilégié d’extension urbaine de ses grandes aires. Cet afflux de populations nouvelles a entraîné l’augmentation locale de biens, de commerces et de services. L’activité économique du territoire est aujourd’hui majoritairement tertiaire mais conserve les particularités d’un modèle traditionnel associant activités agricoles et industries exportatrices. La ruralité du territoire se transforme progressivement en périurbanité.

L’enjeu alors devient de lutter contre la banalisation des paysages diffus et la perte d’identité de certains villages dans l’orbite des grandes villes. Les frontières et les espaces de transition entre territoires ruraux, territoires urbains et espaces naturels, sont donc en mutation et représentent des enjeux forts pour le pays. Parmi ces frontières mouvantes, se distinguent les dynamiques de plaines (ager/urbain) et les dynamiques de pentes (saltus/urbain/ silva), dont le territoire du saltus est le principal espace qui absorbe les mutations.

Développement urbain faible Développement urbain modéré autour du bourg centre Développement modéré mais croissant aujourd’hui Développement urbain important: bourg ancien + mitage de la première couronne ou des faubourgs Développement urbain important: bourg ancien encore identi able mais le développement di us est conséquent Développement urbain important: le développement di us est e cessivement important, le bourg centre est absorbé dans l’habitat résidentiel.

Fig. 29 - Typologies et armature urbaine du pays -Source: SCoT. Illustration: A.M.

1- SCoT Provence Verte

56

57

Parmis les éléments qui participent à l’évolution de la morphologie des tissus urbains, les éléments naturels (pentes, qualité et occupation des sols, exposition...) sont déterminants.

Localisée dans le centre Ouest du département du Var, la Provence Verte est en plein coeur de la Basse Provence (fig.24 p. 47).

Cette situation géographique détermine sa géomorphologie et son climat qui jouent des rôles essentiels dans l’organisation du territoire. La géologie varoise identifie trois grands espaces: la Provence calcaire, dont le pays de Provence Verte fait partie, la Provence cristalline, représentée par le massif des Maures et la dépression permienne, vaste plaine alluviale qui sépare les deux entités.

Le relief structure la Provence verte. Il s’organise en plusieurs grands massifs d’orientation générale Est-Ouest.

Au Sud le massif de la Sainte-Baume domine le paysage avec ses 1148 mètres et plus au Nord, le Petit et le gros Bessillon forment deux sommets clairement identifiables dans le paysage local. L’alternance entre massif, collines et plaines va déterminer des faciès paysagers plus ou moins isolés formant une multitude de situations.

Le réseau hydrographique est dense et joue un rôle déterminant dans l’organisation des paysages. Le principal bassin hydrographique est celui de l’Argens qui s’écoule d’Ouest en Est de Seillons à Fréjus. Le Caramy et l’Issole, son affluent et confluent avec l’Argens, draine par ailleurs un large bassin versant. Par ailleurs, le canal de Provence a également permis le développement de l’agriculture sur toute la moitié Ouest du territoire. Les origines de l’alimentation en eau potable du territoire provienne à la fois de ressources souterraines (nappes karstiques) prédominantes et des ressources superficielles qui alimentent les communes situées à l’Ouest et au Nord-Ouest.

58

Provence cristalline (ou Siliceuse)

Massif de la Sainte-Baume

Vallée de Pourrières et Monts Auréliens

Le massif du Petit Bessillon

Le village sur butte de Carcès

Le Vallon Sourn, Châteauvert/Correns

Fig. 30 - Fiche - Les facteurs naturels déterminent la mosaïque des paysages du pays de Provence Verte.

59

Les paysages forestiers ou semi-forestiers (définis en partie 1 au sein des paysages méditerranéens) représentent plus de la moitié de la superficie du territoire et presque le quart de la surface forestière varoise. Leur situation, de nos jours, est totalement liée à leur passé, récent ou lointain.

L’importance des risques encourus (incendies, érosion, risques phytosanitaires…) dépend des enjeux environnementaux, sociaux et économiques sur ces territoires. La perception du patrimoine forestier a évolué avec la conception du territoire et la représentation sociale des forêts méditerranéennes. Ces forêts ont successivement été prises en considération pour les territoires qu’elles occupaient (parcours, chasse…), pour leur potentiel de production (bois, cueillette…), puis pour leur biodiversité et leurs paysages.

Cette perception dépend également du contexte historique et culturel de chaque région, et de chaque groupe social. Un même territoire présente donc des possibilités différentes selon les groupes sociaux qui l’investissent, et un même paysage a une valeur différente selon le lieu et le moment. Chaque groupe social projette dans la forêt sa perception du monde.

Les orientations choisies pour préserver ou gérer ce patrimoine ne peuvent pas être universelles. Le type de forêt souhaité doit alors être préalablement déterminé. Actuellement, les critères de protection prédominants sont la diversité paysagère et la biodiversité.

Les changements à venir dans la composition des populations arrivant dans le pays de Provence Verte pourront induire une modification de la perception et des attentes vis-à-vis de ces espaces, dont un engouement grandissant pour ces coeurs de nature.

La problématique des écosystèmes forestiers peut être considérée à travers les usages dominants de ces espaces. On peut distinguer: les

espaces forestiers utilisés par une population rurale. La gestion de ces espaces est intégrée dans une problématique de développement rural; les espaces soumis à la déprise agricole.

Ces espaces s’inscrivent dans une problématique de recolonisation végétale spontanée, qui ne correspond pas toujours aux attentes de la société; les espaces soumis à une pression urbaine ou à une forte demande sociale (espaces périurbains, parcs naturels…).

Les conflits d’usage avec une utilisation agricole traditionnelle y demeurent fréquents. Ces espaces s’inscrivent dans une problématique de protection, de conservation, et d’accueil du public; et enfin les espaces destinés à la production de bois.

Les forêts privés sont majoritaires sur le territoire (figure 32). Les forêts de feuillus et mixtes dominent (52%)1. Elles sont très diversifiées et souvent plus riches sur les versants Sud (chênaies pubescentes, chênaies parsemées de pin d’Alep).

Les principales essences que l’on rencontre sont: le chêne vert, très adapté aux conditions sèches; le chêne pubescent, qui s’installe dans des stations plus fraîches; le pin d’Alep, bien adapté aux sols pauvres et secs et aux incendies qui colonisent le territoire; le pin sylvestre, normalement localisé sur les piémonts alpins et enfin, de nombreuses essences arbustives représentatives du biome méditerranéen (chêne kermes, genévrier).

Cette diversité subit aujourd’hui deux pressions notables: le risque incendie, même s’il est favorable pour la régénération de certaine espèce, et la pression foncière du fait de la généralisation de l’habitat diffus résidentiel.

Fig. 31 - L’occupation du sol dans la région P.A.C.A. - Source: Observatoire de la Forêt Méditerranéenne

Forêts Maquis, garrigues et landes Pelouses et pâturages naturels Espaces ouverts sans ou avec peu de végétation erritoires arti cialisés Territoires agricoles Zones humides et surfaces en eau

Fig. 32 - La forêt en Provence Verte et ses di érentes gestions ource tat initial de l’ nvironnement, o rovence erte

Espaces naturels et forestiers Forêts communales Régime forestier et gestion souple Forêts domaniales Régime forestier et Plan d’aménagement forestier

1- État initial de l’Environnement, SCoT Provence Verte

60

61

Aujourd’hui, la multifonctionnalité des forêts devient donc un enjeu de développement local tant en terme de prévention des risques (érosion, incendies), de préservation de la biodiversité ou de développement touristique. Quelles sont les dynamiques présentes sur le territoire?

Tout d’abord les dynamiques naturelles d’enfrichement liées à la déprise agricole le plus souvent, ou les dynamiques de disparition et de retour de la forêt par incendies (par crise tous les 10-15ans) renforcées par l’augmentation de la densité humaine dans ces paysages végétaux denses. Ces dynamiques humaines de consommation d’espaces naturels ont amorcé des changements spatiaux: on avait dans le passé une augmentation permanente des surfaces forestières, un bilan positif pour les forêts, mais depuis une dizaine d’année cette surface se stabilise par reconquête agricole (viticulture) et l’avancée de l’urbanisation.

D’autre part, l’exploitation de la forêt et des produits forestiers provençaux ne correspond plus au standard industriel du moment: l’industrialisation fait que la demande a des besoins très calibrés et les prix se basent sur les normes, donc si le bois n’a pas le bon calibre, il va coûter plus cher car il y aura plus d’étapes de transformation et donc les dynamiques de l’exploitation rentre dans un cycle néfaste car il y a un manque de rentabilité qui entraîne l’abandon progressif. Cette tendance s’est calmée pour le bois de chauffage depuis les années 1980-1990, qui maintien une activité sylvicole mais dans des filières limitées. L’exploitation des feuillus est donc encore active sur le territoire mais de nombreux espaces ne sont pas exploités, soit pour des raisons techniques (volume à l’hectare insuffisant, difficulté d’exploitation), soit pour des raisons d’ordre politique (pressions des chasseurs, faible rémunération des coupes). Les circuits directs entre propriétaires forestiers et exploitant sont nombreux et plutôt sauvages mais

l’émergence aujourd’hui des enjeux liés à la filière bois énergie pourrait faire évoluer les rapports entre les propriétaires, exploitants et consommateurs, et engager une restructuration des exploitations vers une spécialisation et une professionnalisation des pratiques en adéquation avec les typicités méditerranéennes.

L’Office National des Forêts est le principal acteur des forêts publiques. La taille des forêts communales est très variables de la plus grandes à Pourrières avec plus de 2000 Ha aux plus petites avec 33 Ha pour Monfortsur-Argens par exemple (figure 32 p.59). Elles sont en général soumises au régime forestier qui constitue un outil de protection de la biodiversité forestière contre les perturbations naturelles et anthropiques. Les forêts domaniales (Plan d’Aups la Sainte-Baume, Mazaugues et Méounes) sont minoritaires sur le territoire mais bénéficient d’un plan d’aménagement forestier, maillon essentiel de planification de la gestion d’une forêt pour le maintien de la biodiversité et l’accueil du public.

- Les forêts publiques engagent donc une gestion des espaces forestiers dans l’intérêt d’amener une source supplémentaire de finances à la commune mais elle reste encore trop peu rentable. Il n’y a pas d’exploitation des broussailles et des arbustes par exemple afin de conserver les corridors écologiques pour le petit gibier qui fait le bonheur des chasseurs.

- Les forêts domaniales sont en général les plus esthétiques car quand la révolution a privatisé toutes les forêts, l’état s’est approprié les ensembles forestiers les plus remarquables.

Dans ces forêts, il y a une gestion orientée sur la vente de bois de chauffage mais aussi une gestion conservatoire et environnementale plus active.

Cependant aujourd’hui, il y a de moins en moins d’argent consacré à l’économie et à la gestion forestière et donc les massifs vieil-

62

lissent. Ce vieillissement apporte cependant une plus-value environnementale par la protection des espèces relatives aux écosytèmes forestiers. Il augmente donc la capacité de résilience générale des massifs forestiers en constituant des niches écologiques intéressantes pour la biodiversité.

- Les forêts départementales sont le plus souvent gérées de manière conservatrice au sein d’aire de protection comme les Espaces Naturels Sensibles par exemple. Ces aires limitent l’action des hommes sur les espaces naturels et favorisent l’accueil du public.

- Les forêts privées, majoritaires sur le territoire ne possèdent pas de gestion unique.

Toutes les propriétés de plus de 25 hectares sont soumises par obligation légale à un Plan Simple de Gestion (P.S.G.), introduit par la loi forestière de 1963. Il permet aux propriétaires forestiers de réaliser périodiquement un diagnostic de leur forêt afin de définir un programme d’interventions en accord avec leurs objectifs. Cependant, les P.S.G. sont loin d’être généralisés sur le territoire car les propriétaires sont souvent peu enclins à engager des frais pour l’établissement de ces plans.

Les plus gros propriétaires qui sont en relation directe avec les exploitants font encore vivre l’exploitation du bois de chauffage et d’autres idéalisent la forêt au travers d’une vision poétique et de fait, n’engagent aucune démarche de gestion hormis leur responsabilité vis à vis des obligations de débroussaillements pour lutter contre le risque incendie.

Une exploitation peu quantitative donc mais plutôt orientée vers la qualité à l’image de la création en 2013 de la coopérative de propriétaires «Provence forêt» qui promeut le code des bonnes pratiques sylvicoles ou encore des démarches de labellisation PEFC. Dans le Var, cette grande diversité d’acteurs et les visions différentes qu’ils ont de la forêt ont déterminé une grande mosaïque des milieux forestiers.

Dans ce département et dans toute la région méditerranéenne, la Défense des forêts contre les incendies (DFCI) est une préoccupation permanente des autorités publiques.

Le feu de forêt est un phénomène ancien et récurrent qui a largement orienté l’évolution et la dynamique de la forêt et des espaces naturels. Les feux de forêt (FdF) ou incendies se déclarent dans une formation végétale, généralement de type forestière (forêts de feuillus ou/et de conifères) ou subforestière (garrigues, maquis...), la végétation méditerranéenne étant fortement combustible surtout en période estivale sèche. Aujourd’hui, face à l’accroissement de la biomasse forestière, à l’uniformisation du couvert forestier et à l’urbanisation qui progresse, le risque incendie s’accentue. Le feu menace désormais de vastes étendues de forêts et des zones périurbaines en contact direct avec la forêt. a éfense des orêts ontre l’ ncendie vise principalement à limiter le développement des incendies dans les massifs forestiers. Elle comprend notamment la mise en place d’équipements dans chaque massif sensible pour le cloisonner, en faciliter la surveillance, permettre l’acc s et la sécurité des secours et assurer la permanence de l’eau et la mise en oeuvre d’un dispositif estival de surveillance d’alerte e cloisonnement des massifs peut être réalisé par l’aménagement de vastes coupures ur ces secteurs stratégiques sont pratiqués des éclaircies et des débroussaillements pour créer des discontinuités verticales et horiontales dans la végétation ’entretien régulier de ces surfaces peut être con é à des éleveurs pour en limiter les co ts ls trouvent des ones de fourrage complémentaire pour leur bétail ovins, bovins ou caprins et limitent ainsi l’embroussaillement es feu contr lés peuvent aussi être réguli rement pratiqués pour limiter la d namique de la végétation et favoriser les milieu ouverts, nécessaires écologiquement à l’avifaune 2 2 - Entente pour la forêt méditerranéenne

63

Cette lutte contre les risques naturels a été formalisée par la loi du 2 février 1995, dite loi Barnier, dans un document de gestion territoriale, le Plan de Prévention des risques Naturels (incendie de forêt dans ce cas) qui s’inscrit dans une politique globale de prévention des risques.

était le patrimoine commun mondial. Cette notion de bien commun met en évidence le partage des responsabilités humaines et incite donc chaque citoyen, à devenir acteur à son échelle, de la protection de la biodiversité. istoriquement, dans de nombreu pa s anglo sa ons et en urope du nord, les politiques de protection de la biodiversité ont surtout visé à préserver des espaces de nature vierge de la présence de l’homme, sauvage et intacte

Son but est de délimiter les zones exposées directement ou indirectement au risque d’incendie de forêt et d’y réglementer l’utilisation des sols. Par ailleurs, le PPRif est une servitude d’utilité publique qui s’impose à tous, particuliers, entreprises, collectivités et Etat.

C’est la seule procédure spécifique à la prise en compte des risques naturels d’incendie de forêt dans l’aménagement du territoire mais aujourd’hui, malgré le fait que dans le Var de nombreux territoires soient concernés, l’opinion publique n’est en général pas en adéquation avec les délimitations des espaces à risques et retarde la mise en application du document.

En revanche, les communes se dotent de Plan Intercommunal de Débroussaillement et d’Aménagement Forestier, document de planification relatif à l’aménagement et à l’équipement d’un massif forestier en vue de prévenir les risques d’incendies et de lutter contre eux de manière efficace. Il permet d’envisager une synergie entre tous ceux qui sont concernés par les massifs forestiers: forestiers, éleveurs, agriculteurs, pompiers...

Dans le département, plus on remonte vers le Nord plus le risque est minime (végétation différente, moins de pression urbaine, plus de fraicheur nocturne) et de fait il y a moins d’investissements pour établir des PPRif.

pprouvé

pposabilité

n cours

Fig. 33 - Avancement des PPRif dans le Var ource ar

En revanche, les dynamiques contemporaines d’accroissement démographique du pays de Provence Verte pourrait amener à redéfinir les modalités de gestion des interfaces périurbaines entre l’habitat diffus et la forêt des communes du moyen Var. Symboles de biodiversité sous l’influence des changements climatiques globaux, les forêts sont aujourd’hui des instruments politiques puissants à toutes les échelles, internationales, européennes ou locales. Les premières politiques de protection de la nature, apparues dès le début des années 30 en France (loi sur les monuments et les sites), puis en 1960 (création des premiers parcs nationaux…), visaient à protéger les espaces et les espèces «remarquables» (emblématiques d’une culture ou d’une région, exceptionnels...).

A partir des années 80, les sociétés modernes ont découvert que la diversité biologique était à la fois bien plus immense, complexe et fragile que ce que l’on avait pensé, et qu’elle

64

n rance, d s les années , les politiques publiques étendent au contraire la protection de la nature au milieu entretenus par l’homme onserver la biodiversité c’est alors évaluer, et corriger quand cela s’impose, l’impact des hommes sur l’évolution de leur environnement.

«C’est donc aussi remettre en cause la manière dont les sociétés industrielles exploitent intensivement les ressources naturelles, et revaloriser les usages et les savoirs-faires locaux dits traditionnels pour lutter contre l’érosion de la biodiversité.»3

Fig

es politiques publiques de protection des espaces naturels en et la position du pa s de rovence erte

Aujourd’hui, les paysages méditerranéens sont considérés à l’échelle internationale comme un «point chaud» de biodiversité, c’est à dire un espace bio-géographique contenant au moins 1500 espèces endémiques et ayant perdu au moins 70% de son habitat d’origine.

Cette cartographie régionale ci-dessus permet d’appréhender les protections réglementaires existantes et en cours mises en place par les politiques publiques françaises dans la région P.A.C.A.. On peut observer que la diversité et la qualité des paysages régionaux ont entraîné de nombreux périmètres de protection des espaces naturels. Les Parcs Naturels Régionaux (en vert définis et en jaune en cours d’élaboration) correspondent à de grandes entités paysagères régionales et les Parc Nationaux (tons bleus) à des paysages remarquables et convoités.

Ce constat d’érosion anthropique et naturelle amène alors les sociétés contemporaines à mettre en place des réajustements dans leurs politiques d’aménagement sur le chemin du développement durable, dont la conservation de la biodiversité est l’enjeu prioritaire.

Dans ce contexte, le pays de Provence Verte (en rouge) apparaît à l’interface de deux territoires protégés, le Parc Naturel Régional du Verdon au Nord et le futur Parc Naturel Régional de la Sainte-Baume qui s’étend jusqu’à Brignoles au Sud de l’A8.

3 - Ministère de l’Écologie, du Développement Durable et de l’Énergie

La Provence Verte semblerait alors être un territoire interstitiel, encore et toujours à la confluence des influences territoriales externes.

65

Le souci de préservation de la nature est donc relativement ancien, mais il a connu un regain de vigueur avec la naissance de la science écologique à la fin du XIXe siècle.

Il a fallu cependant attendre le début des années 1970 pour que les décideurs publics commencent à élaborer et à mettre en œuvre des politiques publiques de préservation de l’environnement et en particulier de protection des espèces. « a stratégie nationale pour la biodiversité a émergé notamment à la suite de la signature de la onvention sur la diversité biologique signée en au sommet de la terre de io, rati ée par la rance en , facteur de mise en cohérence mondiale des actions en faveur de la biodiversité 4 Aujourd’hui, cette «nature» omniprésente et symbole de biodiversité devient un facteur attractif déterminant à des échelles transversales (du global au local). En effet, la région P.A.C.A. possède la plus grande étendue d’espaces naturels non urbanisés des régions françaises, couvrant 75% de son territoire. Elle a une double identité à la fois méditerranéenne et européenne. Elle se trouve à la rencontre de nombreuses histoires culturelles et c’est une des régions de France la plus géographiquement contrastée.

Avec 4 889 000 habitants, Provence-AlpesCôte-d’Azur est par ailleurs la région qui a connu la plus forte progression démographique depuis 1962 et donc représente un espace en profondes mutations, notamment en voie de métropolisation des plus grandes villes et de périurbanisation de leurs couronnes externes.

Ces caractéristiques présentent des conséquences importantes tant en terme d’émis4 - Philippe LE PRESTRE, « La Convention sur la diversité biologique: vers un nouvel ordre biologique international ? », Natures, Sciences, Sociétés, vol. 7, no 1, 1999, p.

64.

sions de CO² liées aux trajets quotidiens, qui concernent 2 millions de personnes, qu’en termes de pression sur les terrains agricoles et les espaces naturels fragiles. La surface agricole utile a ainsi diminué de 20% de 1970 à 2000 sur le territoire régional. « es risques naturels et technologiques au quels la population peut être soumise sont les revers d’une attractivité humaine et pa sag re qui font sa réputation ainsi que des multiples activités qui s’ développent e plus, certains risques et en eu sont ampli és par l’a u des millions de visiteurs par an qui fréquentent la région 5 Le Tourisme dans le Var est l’une des activités économiques les plus importantes du département. Longtemps estivale et balnéaire, l’activité touristique varoise se diversifie avec le tourisme vert et connaît un développement d’avant et d’après saison. a situation géographique, la qualité du climat et de l’environnement naturel, les richesses culturelles au travers de son patrimoine historique et archéologique, les manifestations de renom international ainsi que les possibilités o ertes par toutes les formes de tourisme tout au long de l’année tourisme balnéaire, rural, d’a aires et sports d’hiver placent incontestablement la région au premier rang des régions touristiques fran aises

À notre échelle, le pays de Provence Verte serait-il alors le jardin d’éden de l’Europe?

Comment le considérer dans ce cadre: Est-il une parcelle de ce jardin d’éden régional ou est-il lui-même un jardin local, espace de proximité et de partage des productions des cultures et des identités?

50 ° N 30 ° N

Fig. 35 - Les frontières du «point chaud» du bassin méditerranéen

Ces potentiels climatiques historiques, culturels, géographiques et naturels ont forgé l’identité attractive de la région. Aujourd’hui, les réseaux de mobilités modernes en font un espace proche à l’échelle de l’Europe et de l’Arc méditerranéen. Cette proximité contemporaine tend à modifier les vocations territoriales locales.

5 - Service Interministériel de défense et de protection Civiles de la Préfecture du Var et de la Direction Départementale de l’Équipement du Var 6 - http://www.paca.pref.gouv.fr

66

Fig. 36 - La position stratégique des espaces méditerranéens français, entre in uences méditerranéennes et européennes

67

Les

ous de la modernité,

e la ruralité à la périurbanité

Depuis les années 1960, l’héritage des structures agraires traditionnelles et du mode de vie paysan de la Provence Verte tend donc à s’estomper, à se rétracter au profit de l’urbanisation grandissante influencée par l’extension des pôles urbains à la fois internes au territoire (Saint-Maximin, Brignoles) mais aussi externes (Métropole toulonnaise, métropole Aix-Marseille). Ces dynamiques contemporaines ont profondément changé les structures spatiales et les modes de vie du monde rural. Peut-on alors encore parler de ruralité en Provence Verte? Quelles sont les nouvelles valeurs attachées au monde rural?

Le néologisme «rurbanisation» est de plus en plus employé pour définir le développement dans les campagnes périurbaines de résidences de migrants quotidiens arrivant du monde urbain. Cela s’exprime spatialement par la dispersion d’habitat diffus dans un tissu rural aujourd’hui fragmenté. Visuellement, ce phénomène est appelé aujourd’hui «mitage», adjectif révélateur de l’extension anarchique des tissus périurbains.

On retrouve dans cette notion l’affrontement idéologique et spatial entre le rural et l’urbain. Cette réalité a deux visages: sur le plan quantitatif, le mode rural apparaît en recul, selon le double processus d’exode rural qui entraîne la déprise des terres agricoles et du mitage qui redéfinit les frontières de l’urbanité. Sur le plan qualitatif, le monde rural se caractérise par le flou attaché aujourd’hui à la notion de rural.

En effet, les sociétés traditionnelles rurales attachées à leur production locale et aux solidarités entre les populations du village

voient aujourd’hui leurs identités s’estomper à cause d’une économie varoise qui se tertiarise et des modalités de résidentialisation individualiste qui occupent l’espace sans cohérence d’ensemble. La sociologie de l’espace rural traditionnel a donc subi des mutations profondes en l’espace d’une cinquantaine d’années.

La ruralité est souvent définie comme l’opposition de la ville. Le Dictionnaire de la géographie donne cette définition: «La géographie rurale étudie la campagne et non pas seulement l’agriculture. (...) La campagne s’oppose à la ville, les faits de la campagne sont les faits ruraux.» Ainsi, la campagne se définit comme un négatif de la ville, elle devient sous cette définition un espace résiduel.

Le nombre d’agriculteurs a fortement diminué et leur condition économique et sociale a beaucoup évolué depuis la guerre. Pourtant, le fait rural est encore dans l’imaginaire collectif en France, il représente des valeurs bucoliques associées à la vie au village et aux temporalités agricoles quotidiennes.

D’après Jacques Jung, ingénieur agronome et directeur d’un Organisme Régional d’Étude et d’Aménagement d’Aire Métropolitaine, «la ruralité est un phénom ne résiduel l’espace rural se rétracte, l’économie rurale est totalement intégrée au e igences de la consommation urbaine, les pa sans et les rurau , leur langage, leur mode de vie, compris leurs pratiques spéci ques de l’espace dispara t progressivement ’absence de dé nition de la ruralité au ourd’hui est l’argument suprême elle n’e iste plus.»1 1 - Jacques Jung, «L’aménagement de l’espace rural»

68

La rurbanisation, résultat de l’éparpillement de la ville, est donc fondée sur tout un système de valeurs et de pratiques fondamentalement différent de celui de la ruralité traditionnelle et actuelle.

La ruralité se base sur une certaine forme d’ «habiter» qui va conditionner les relations des individus entre eux et avec le monde extérieur.2 Les sociétés rurales traditionnelles sont structurées grâce aux interdépendances entre les pratiques des populations qui l’habitent.

Or, aujourd’hui, le mode de vie imposé par la diffusion de l’habitat pavillonnaire, fondé sur une introversion sociale et spatiale s’oppose radicalement aux systèmes de coopération de la vie rurale.

D’après J.P. Guérin et H. Gumuchian, on pourrait déterminer différentes échelles de vie dans l’espace rural: « a premi re correspondrait à la maison et à son environnement immédiat cours, dépendances c’est l’espace de la vie quotidienne u delà, l’espace du village qui correspond souvent à la commune est un espace connu et pratiqué tout au long de sa vie, un espace o l’on est che soi n n, la derni re échelle correspond souvent au pa s au sens o l’entendait l’école franaise de la géographie humaine , pa s dans lequel on a des parents, des connaissances, dont le centre accueille les services administratifs et commerciau usuels, pour lequel le sentiment d’appartenance est vivace ’est en fonction de ces lieu que la ruralité se détermine 3 D’après cette définition précise qui met en évidence les interactions entre les échelles de vie des populations rurales, il semble que les critères de définition entre rural et rurbain soient radicalement opposés.

2- Bourdieu et Y. Bernard, «Espace habité et modèles culturels» 3 - Guérin et Gumuchian, «Ruraux et rurbains: Réflexions sur les fondements de la ruralité aujourd’hui.»

Entre familiarité des lieux et proximité des pratiques pour les populations rurales s’opposent des pratiques délocalisées des populations urbaines et une connaissance de leur espace de vie basé essentiellement sur un sens: la vue. « a connaissance par le rural des lieu qu’il pratique usuellement est d’abord une connaissance sensorielle, une connaissance de tous les sens e citadin, a ant par les caractéristiques du milieu urbain privilégié l’espace visuel, a acquis depuis l’enfance usqu’à l’ ge adulte une culture de la vue le monde urbain est avant toute chose un spectacle.»4 La ruralité se définit donc à la fois au travers d’une interaction quotidienne des échelles de vie, des usages de l’espace et des perceptions emmagasinées par l’empilement des expériences spatiales.

Aujourd’hui, la définition de l’espace rural ne se fait pourtant qu’au travers des restes laissés par la définition de la ville, c’est à dire par rapport à la taille limite fixée entre ville et campagne. L’INSEE la définit par des critères de nombres d’habitants (> 2000 habitants) ou de continuité de l’habitat, c’est à dire au travers d’un certain seuil de densité qui va déterminer une unité urbaine. Quelques fois les critères peuvent être purement administratifs pour définir la ville.

La notion de ruralité est donc aujourd’hui très différentes selon les critères choisis, qu’ils soient quantitatifs ou qualitatifs. Cette complexité de définition rend la notion floue, tant dans les représentations que dans la réalité de ses frontières spatiales. Cependant il reste au monde rural une double-identité inébranlable, celle d’un espace productif nécessaire à la sécurité alimentaire de tous et à l’entretien des paysages par l’homme.

4 - Extrait de «La dimension cachée», Edward T. Hall, dans Guérin et Gumuchian, «Ruraux et rurbains: Réflexions sur les fondements de la ruralité aujourd’hui.»

69

Aujourd’hui cependant, l’image d’un monde rural replié sur lui-même et autonome n’est plus approprié. Le monde rural a ouvert ses frontières avec la mondialisation des échanges.

Influencée par les pressions de l’Organisation Mondiale du Commerce, l’agriculture s’est soumise à la Politique Agricole Commune, politique qui a entraîné une baisse des prix agricoles et le développement de politique de soutien, entre autres. Les économies rurales, industrielles, agro-alimentaires ou autres sont désormais influencées par la concurrence mondiale. Les dérives engendrées par la mécanisation des campagnes et son penchant productiviste amènent progressivement l’agriculture vers des techniques plus durable (diminution de l’utilisation d’engrais chimiques industriels par exemple). Le qualitatif tend à remplacer le quantitatif pour certaine filière (Viticulture, arboriculture, maraîchage).

D’autre part, les ruraux se doivent aujourd’hui de s’ouvrir sur les territoires voisins: l’appartenance radicale à un village perd son sens. En effet, en allant consommer en ville par exemple, les populations rurales côtoient d’autres communes et d’autres territoires. L’autonomie propre aux systèmes ruraux se transforme progressivement en système interactif d’interdépendance Production/Consommation avec l’espace urbain. Les territoires de coopération intercommunale se sont multipliés et incitent à une vision d’ensemble.

L’image, négative donc, portée sur le monde rural (retard, isolement) s’est inversée à la fois pour les populations «endémiques» qui aujourd’hui sont fières d’habiter des espaces de nature tranquille au bon air, mais aussi pour les citadins qui considèrent l’espace rural comme un symbole d’identité à défendre, un patrimoine à valoriser ou encore un espace de détente et de cadre de vie fantasmé loin des pollutions et des nuisances diverses rattachées aux modes de vie urbains.

Dans ce contexte, identifier l’empreinte et les mutations des structures agraires (combinaison des systèmes de production agricole, des structures foncières et de l’organisation historique de l’habitat rural) sur les dynamiques paysagères du pays de Provence Verte permettrait à mon sens de s’inscrire dans une démarche de développement durable de cet espace rural périurbanisé.

14 %

Mettre en valeur les héritages agricoles pourrait être alors un chemin pertinent à emprunter vers la requalification durable des territoires périurbains, en ne pensant plus l’espace rural en opposition avec l’urbain mais plutôt en interaction.

Nous avons vu dans la première partie à quel point l’héritage agraire est ancien en Provence. Que reste-t-il alors aujourd’hui sur ce territoire de Provence Verte, véritable carrefour sous pressions urbaines, démographiques et écologiques?

L’agriculture en Provence Verte constitue encore aujourd’hui une filière économique importante sur le territoire. Elle contribue autant à l’entretien et à la qualité des paysages qu’à la lutte contre le risque «feu de forêt» en constituant des espaces ouverts de coupure, ou encore à l’expression de l’identité des territoires par les produits locaux injectés dans les circuits économiques.

Avec presque 30% de Surface Agricole Utile (18400 Ha), le pays de Provence Verte apparaît comme le premier territoire agricole du Var, devant l’aire toulonnaise (12300 Ha), la Dracénie et le Coeur du Var. Paradoxalement, ces surfaces agricoles ne représentent que 14% de la surface du territoire.

Entre 2000 et 2010, le territoire a vu ses surfaces agricoles utiles diminuer de 6% et le nombre d’exploitations de 25%. Ces diminutions des surfaces exploitées correspond à la

70

Fig. 37 - L’occupation de l’agriculture majoritaire dans les plaines du Pays de Provence Verte et la domination de la viticulture: elle représente près de la moitié de la S.A.U. du territoire

71

fois à l’avancée de l’urbanisation mais aussi à la progression des espaces naturels liés majoritairement à la déprise agricole.

Dans le contexte de la Provence Verte, les espaces ruraux peuvent être classés en fonction de leur dynamisme. S’éloignant de la ruralité vers la périurbanité, ils sont soumis aux influences de l’armature urbaine contemporaine du territoire. Mais faut-il généraliser la périurbanité en un seul visage? Certainement pas car les formes de périurbanisation sont diverses et indépendantes de la structure de chaque territoire.

Il faudra distinguer alors des espaces ruraux qui connaissent une importante croissance démographique sous l’influence d’un pôle urbain proche (la commune du Val par exemple influencée par Brignoles ou celle de Garéoult influencée au Sud par l’aire urbaine toulonnaise), des espaces ruraux «vivants», plus ou moins éloignés des grandes villes et qui gardent un certain équilibre démographique résultat d’une filière agro-alimentaire dynamique et de qualité (la commune de Correns par exemple), ou encore des espaces ruraux en retrait, éloignés des grandes villes (même si aujourd’hui les mobilités remettent en question la notion de proximité et d’éloignement) et ne comportant pas de cœur de village, tout en connaissant un accroissement de la population faible et un déclin progressif des activités agricoles (la commune de Châteauvert par exemple). Ces trois communes sont intéressantes dans mon étude car elles relèvent de modes de fonctionnement différents.

Les impacts de la périurbanisation sont-ils alors les mêmes dans ce gradient de proximité avec l’orbite des villes polarisantes?

Ici, l’unité urbaine polarisante choisie et celle de Brignoles, ville centre avec la plus forte densité d’offres commerciales et de services dans le pays. Elle est donc interne au territoire et s’inscrit sur le tracé Ouest/Est de l’auto-

route A8, qui se calque pratiquement sur celui de la voie romaine, principale artère de flux de biens et de personnes du territoire qui le scinde en deux.

Nous allons à présent observer de quelles manières son influence impacte ou non les paysages ruraux de plusieurs communes du pays. De la proximité à l’éloignement, il s’agira alors d’identifier spatialement les mutations qui provoquent le recul des surfaces agricoles utiles aujourd’hui, qu’elles soient anthropiques ou naturelles.

Le choix des communes répondra à la fois à cette notion de gradient de périurbanisation, afin de comprendre ses différents impacts sur la matérialité des paysages, et s’inscrit dans la continuité de l’approche historique des paysages méditerranéens de la première partie. En effet, il s’agira d’observer particulièrement, d’une part les dynamiques contemporaines au sein du territoire, aujourd’hui intercommunal, du comté de Provence5, représentant l’héritage socio-culturel et l’évolution des gouvernances dans l’histoire du pays et, d’autre part, de décrypter les mutations parcellaires au sein du tryptique ager/ saltus/silva hérité du système agro-sylvo-pastoral méditerranéen.

Enfin, pour conforter mes choix spatiaux, je m’appuierai sur l’héritage territorial de Correns du 11ème siècle afin de tenter par la suite d’approcher une stratégie cohérente de coopération intercommunale. L’histoire permettra donc d’établir une certaine cohérence territoriale et les dynamiques contemporaines amèneront vers des stratégies localisées.

5 - La communauté de communes Comté de Provence est un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) crée en 2002 et regroupant les 12 communes constituant par ailleurs les cantons de Brignoles et Cotignac, ainsi qu’une commune située dans le canton de Barjols, Châteauvert. Ses compétences sont partagées entre compétences obligatoires (développement économique et aménagement de l’espace communautaire), optionnelles (voirie, logement social, environnement) et facultatives.

72

Fig. 38 - Gradient de périurbanisation dans l’armature urbaine du Comté de Provence - Source: Rapport de présentation - Diagnostic SCoT Provence Verte - Illustration: A.M.

73

D’après le centre archéologique du Var, si l’on remonte dans l’histoire de l’organisation de la vie du comté de Provence aux alentours du 11ème siècle, il apparaît qu’une gouvernance commune était en place au sein du territoire de Correns, qui comprenait alors, Le Val et Châteauvert.

allongue

h teauvert

’ rgens assif du uit 539 m

me « u tout début du si cle est réalisée une délimitation du terroir de orrens, dont les terres ont été cédées à l’abba e otre ame de orrens, liale de l’abba e de ontma our es donateurs sont les seigneurs de la famille des h teaurenard, propriétaires des lieu et des castra de h teauvert lieu de résidence et de aracol au al aracol de se parer, se défendre sur une hauteur mistral , e premier legs établi le décembre par alde de h teaurenard et ses ls, du lieu de orrens, en faveur de ontma our en rles, indique de fa on large quels sont les terroirs qui le ou tent dans le lieu nommé orrens, au nord ouest se trouve le territoire de h teauvert, au sud le territoire de aracol et à l’est le territoire de la villa de otignac arch des h du h , ontma our, art de orrens hantelou , u oure , evos urant la premi re moitié me du si cle, une seconde délimitation détaillera les con ns de la partie méridionale de ce territoire d’avec les terres du castrum d’ spremont, actuellement identi é au al a limite actuelle entre orrens et h teauvert à allongue, semble être me identique à celle du si cle lle doit correspondre à la limite orientale des terres du lieu dit éreiguet, illa quensa h teauvert , données 1 à otre dame de orrens en

1- «Les limites du territoire de Correns au 11ème siècle», Jean-Marie Michel, Centre Archéologique du Var, http:// corrensagenda21.fr.

74

Bessillon 813 m

Le Défens 339 m

h teau de

orrens

iraval

h teaurenard

Il existe donc un lien historique entre les territoires du Val, de Correns et de Châteauvert qui a déterminé l’utilisation de ces territoires d’entre-collines.

Le Val a ibeirotte

Typicité de gouvernance et économie locale, quelles étaient alors les interactions entre ces territoires et leurs paysages?

e iaou m

75

Cette carte de Cassini de 1837 met en évidence qu’en Basse-Provence, le milieu physique n’offre pas à l’homme des conditions particulièrement favorables au développement d’une économie agricole. Le domaine cultivable y est très réduit, souvent dans les terres basses et à proximité des cours d’eau.

En effet, c’est bien le relief et la nature des sols qui va fixer les terroirs organisés autour des villes, bourgs et paroisses.

Les chaines montagneuses s’excluent d’ellesmêmes. Calcaires dans ce pays, très souvent la roche à découvert, seuls le chêne vert et le pin d’Alep arrivent à s’adapter à ces milieux hostiles avec leurs racines plongeantes. On se rappelle que quand cette forêt primitive est dégradée, soit par les incendies soit par une exploitation intensive, c’est la garrigue qui s’y installe, avec ses bosquets de chênes kermès et d’ajoncs, accompagnés de cistes, de thym et de romarin. C’est ce saltus aride, pâturage de pente, qui, après les passages du bétail ou les dégradations des hommes, cède sa place à des formations de landes à euphorbes, asphodèles et quelques graminées xérophytes.

On peut voir sur cette carte qu’au milieu du 19ème siècle, la part des massifs forestiers est relativement faible sur le territoire, signe d’une exploitation intensive pour le bois de chauffage ou par les charbonniers qui utiliser le saltus et la silva par incendies contrôlés.

Les grands consommateurs de bois étaient la marine, le chauffage des maisons, des fours et des industries. Les forêts pins permettaient la construction de charpentes, servaient également de bois de chauffage et offraient sa résine pour la fabrication de la poix, colle et combustible domestique. Les chênes, rouvres et blancs, étaient très recherchés à cause de la dureté de leur bois, pour les constructions navales, les charpentes ou encore le tan, poudre confectionnée à partir de l’écorce utilisée pour la préparation des cuirs par les tanneurs qui souvent travaillent dans les

moulins à eau, nombreux à l’époque sur le territoire. C’est cette convoitise du chêne qui a entraîné son recul dans les paysages et parallèlement l’avancée du pin d’Alep, moins exigeant et à croissance rapide. À l’époque, les paysans bénéficiaient d’un droit d’usage des forêts, pour la glandée (nourricière pour les porcs), le prélèvement des bois morts et des broussailles ou la cueillette des plantes utilisées comme litière, ce qui leur procurait de petits profits complémentaires à leur tâche quotidienne. Le plus intéressant de ces revenus est le pacage (pâturage) dans les sous-bois de chênes qui conservent assez de fraîcheur pour abriter les bêtes pendant l’été aride ou encore les garrigues et les landes.

Les reliefs calcaires ont donc joué un rôle à cette époque dans l’économie provençale sous forme de complémentarités dans le système agraire agro-sylvo-pastoral mais cependant, la vie rurale restait fondée essentiellement sur l’exploitation des plaines, des bassins et des vallées les plus ouvertes ainsi que sur l’élevage, comme on peut le remarquer sur la carte avec de nombreuses «vacheries».

Les plaines sont exploitées grâce à des efforts d’irrigation mais restent fragiles à cause de l’irrégularité des pluies, de l’assèchement du mistral et du fort ensoleillement.

Mais ce sont ces petites unités de production dans les parties basses qui permettaient de faire vivre l’économie locale des hameaux provençaux. Aujourd’hui les hameaux se sont transformés en lotissements et l’économie s’est tertiarisée. Les terres les plus productives pour l’agriculture se voient alors colonisées par l’habitat diffus et les infrastructures routières et industrielles, ce qui amènent une forte concurrence d’usage sur des espaces confinés. Observons ces transformations au sein de l’espace de réflexion.

76

Villes

Bois et forêts

Cours d’eau

Vignes

Bourgs

Landes et maquis

Zones humides

Vergers

Paroisses Hameaux Chapelles

Routes principales avec alignement d’arbres Anciennes frontières des circonscriptions administratives médiévales

space de ré e ion sur les mutations contemporaines suite à l’inuence grandissante de rignoles

Fig. 39 - Occupation du sol en 1837 sur fond de cartographie de Cassini Source: http://www.cartocassini.org - Illustration A.M.

77

Le Val

éveloppement urbain important bourg ancien encore identi able mais le développement di us est conséquent

L’’exemple de la commune du Val, un territoire de plaine cernée par les reliefs qui forme un couloir ayant connu un développement urbain diffus important. Le bourg ancien est encore identifiable mais les réseaux de communications se sont multipliés entraînant l’accroissement du tissu urbain le long des axes. Cette commune absorbe la croissance démographique de Brignoles depuis les années 1960. En effet, positionnée au Nord, elle attire probablement de par sa proximité avec l’autoroute A8 et les services offerts par la ville centre. L’orientation technico-économique agricole de la commune est centrée sur la viticulture. Elle fait partie du terroir viticole «Coteaux varois en Provence» aujourd’hui.

ploitations agricoles en hectares

1988

2010

82

39

15

- 47 Ub

248

190

- 58 Ha

1962

2010

opulation

A.M.

A.M.

A.M.

A.M.

©

©

©

©

Le Val 1972 Géoportail

Un bourg aux ruelles étroites

78

Un vallon agricole qui garde des traces

+ 3265

n ans, l’organisation en hameau à laisser place au nappes d’habitat di us organisés le long des a es, en sacri ant des terres agricoles de terroir ’arboriculture pratiquée sur le versant ud n’e iste plus à la place, la forêt a progressé à la suite d’enfrichement et ses fronti res sont au ourd’hui en contact avec l’habitat qui monte progressivement les pentes e bourg est encore identi able mais la logique des réseau l’emporte sur la densité traditionnelle de la commune es en eu ici sont concentrés sur les lisi res entre habitat et agriculture de qualité la vue de la d namique démographique du al en ans et en émettant l’h poth se qu’elle n’a pas ni de cro tre sous l’in uence de rignoles, quel avenir pour ces espaces agricoles au ourd’hui uelles relations instaurer entre ces agricultures encloses et cette pro imité de l’habitat di us

abitat di us griculture orêt Le modèle unique provençal aujourd’hui

4181 Le Val 2010 Géoportail

ourg

Enceinte du théâtre de verdure

- 113 Ha

385

heptel en unité de gros bétail ultures permanentes en hectares

- 43

Fig. 40 - Coupe schématique des dynamiques contemporaines au Val - A.M.

79

éveloppement urbain modéré autour du bourg centre

Correns

ploitations agricoles

L’’exemple de la commune de Correns, à l’entrée des gorges de la Bagarède et du Vallon Sourn. La commune est bordée par l’Argens, rivières la plus importante du pays. Elle est moins touchée par le développement de l’habitat diffus. Ici, c’est les dynamiques naturelles qui sont à l’œuvre. En effet, les forêts avancent suite à la déprise de la culture en terrasse des versants Sud, devenue difficile aujourd’hui. En revanche, l’agriculture biologique est très développée sur la commune. C’est aujourd’hui le premier «village bio» de France, orienté principalement vers la viticulture, ce terroir constitue l’extrême Ouest du terroir «Côte de Provence».

1988

2010

94

53

+ 148 Ha

en hectares heptel en unité de gros bétail

- 41

33

ultures permanentes en hectares 1962

21

- 12 Ub

399

+ 36 Ha

2011 + 395

opulation Correns 1958 Géoportail

Correns 2010 Géoportail

1 2

A.M.

A.M.

A.M.

A.M.

©

©

©

©

1

2

À Correns, l’agriculture de qualité s’est développée dans un paysage protégé par le relief et irrigué par l’Argens. En revanche, suite à la spécialisation et à la mécanisation des pratiques, certains terrains en pente anciennement cultivés en terrasses soit par des cultures permanentes, soit par des vergers, sont aujourd’hui en déprise. La forêt vient aujourd’hui former une frontière dense avec l’agriculture et fermer certain espace, dont le versant Sud de Valcros (1) par exemple ou le vallon de la Puade (2). Cette fermeture des milieux entraîne une certaine banalisation des paysages de terrasses agricoles, symboles forts de la Basse Provence. Dans ces paysages bornés par le relief et où l’agriculture se cantonne aux terres basses, le dynamisme agricole engagé depuis une trentaine d’années se voit ralenti par les dynamiques naturelles. Les territoires à enjeux apparaissent être au ourd’hui les lisi res entre l’agriculture et la forêt uelles méthodes alors engager a n de favoriser le d namisme agricole de la commune? Quelles sont les interactions potentielles à mettre en œuvre entre viticulture de qualité et forêt?

as griculture orêt

L’Argens et le vallon Sourn, paysage naturel protégé

Un bourg au rythme des paysans

Un patrimoine remarquable lié à l’Argens

80

Un patrimoine agricole encore preignant

Fig. 41 - Coupe schématique des dynamiques contemporaines à Correns - A.M.

81

éveloppement urbain tr s faible

Ch

teauvert

ploitations agricoles en hectares

L’’exemple de la commune de Châteauvert est significatif d’un territoire en retrait, à l’abri. Ne disposant pas de coeur de village, la commune est organisée en hameaux dispersés entre points hauts et points bas. Vallonnée et parcourue par l’Argens, l’agriculture de cette commune voisine de Correns se développe dans les fonds de vallée et dans les dépressions entre les collines. Les paysages sont cloisonnés par le relief. Châteauvert est un territoire qui fait la transition entre les collines de la Basse Provence et les piémonts du Haut-Var. Occupée en majorité par des forêts mélangées aujourd’hui, le territoire était il y a 50 ans, un espace de prédilection pour le sylvo-pastoralisme comme en témoigne la photographie aérienne de 1958 ci-contre.

heptel en unité de gros bétail ultures permanentes en hectares

opulation

A.M.

A.M.

A.M.

A.M.

©

©

©

Châteauvert 1958 Géoportail

©

Prairies sèches des fonds de vallon

L’Argens

82

2010

14

10

233

205

- 28 Ha

0

0

= Ub

Ruines du castrum et lit majeur de l’Argens cultivé

-4

- 23 Ha

119 1962

2011 + 58

89 Châteauvert 2010 Géoportail

a commune de h teauvert est un e emple parlant pour évoquer les d namiques pa sag res liées à l’abandon progressif de l’économie s lvo pastorale en rovence erte space organisé par le relief, on peut observer, sur la photographie aérienne de , que le territoire du saltus, p turage du bétail et prél vement de bois est ma oritaire n e et, de nombreu chemin de transhumance sont identi ables signes d’une activité pastorale d namique es reliefs plus ou moins boisés apparaissent ici comme véritable ressource pour le territoire et auraient pu représentés les terres de départ ou d’arrivée des p turages plus frais du aut ar u ourd’hui la silva a colonisé le saltus et les chemins de transhumance rel vent de l’empreinte u ourd’hui, l’économie agricole de h teauvert est structurée par une activité viticole de terroir a commune attire les touristes pour ses pa sages de qualité et intimistes vec une croissance démographique faible, l’habitat n’est pas un en eu ma eur ntre orrens, village bio , et ar ols, village des tanneurs, h teauvert est un lieu de fréquentation estivale passag re ’en eu réside alors dans la conciliation entre accueil touristique et préservation des espaces naturels remarquables omment valoriser alors par un tourisme vert, ce saltus délaissé aut il sacraliser ces pa sages au risque de perdre toutes empreintes de l’histoire agraire O

Petit bourg à la sortie du vallon Sourn

1988

Fermeture progressive des milieux et disparition des empreintes sylvo-pastorales

Fig. 42 - Coupe schématique des dynamiques contemporaines à Châteauvert - A.M.

83

E

Ces trois exemples permettent d’appréhender les différentes mutations spatiales que l’on peut retrouver au sein d’un gradient d’urbanisation ou de périurbanisation. On remarque bien l’influence de Brignoles sur la polarisation du Val qui a vu sur son territoire l’explosion de l’habitat diffus sans réelle cohérence dans l’enveloppe urbaine. Les enjeux sur le Val sont donc directement liés à la consommation spatiale de l’habitat qui résulte de l’augmentation démographique croissante dans le pays de Provence Verte. À l’horizon 2020, la prospective démographique établit la population de Provence Verte à 120 000 habitants. La densité moyenne de Provence Verte était de 63 habitants par km2 en 1999, elle est de 77 habitants par km2 en 2013. Cette évolution ne s’est pas faite uniformément, elle fluctue selon la proximité des communes avec les villes centres endogènes au territoire ou les agglomérations voisines. À raison d’une augmentation de 5000 nouveaux ménages d’ici 2020, le nombre de logement nécessaire seraient de 3600 dont 37% sur le Comté de Provence1, ce qui est équivalent à presque 1350 logements.

Le Val possédant aujourd’hui une densité de population déjà supérieure à celle de Provence Verte (99 Habs/km2), on peut émettre l’hypothèse que la commune va continuer à absorber la croissance démographique et donc considérablement augmenter sa «tâche urbaine» dans les années à venir.

Il est donc important d’anticiper cette progression en mettant en place des dispositifs de protection et de valorisation des espaces agricoles sous pressions. D’autre part, cette proximité des espaces agricoles avec l’urbanisation amène à requestionner la productivité de ses espaces afin de les faire interagir avec les besoins des populations rurbaines.

Quelles seraient alors les vocations de ses espaces enclos par l’habitat diffus?

1- Rapport de présentation - Diagnostic - SCoT P.V.

Correns, quant à elle, a moins subi la pression démographiques que le Val. Représentant un terroir de qualité, l’agriculture est dynamique et labellisée. C’est une protection foncière efficace contre l’avancée de l’urbanisation. Les principaux enjeux sur le territoire communal s’incarnent dans les lisières entre la viticulture et les espaces naturels. Pour valoriser le dynamisme de l’agriculture, il apparaît important de déterminer une nouvelle épaisseur agricole à ce terroir, c’est à dire de redéfinir les frontières entre espaces cultivés et espaces naturels. Ce travail d’interfaces permettrait à la commune de gagner des terrains agricoles anciennement pratiqués afin d’installer de jeunes agriculteurs en demande, de lutter contre le risque incendie ou encore de valoriser les échanges biologiques entre les milieux forestiers et les espaces agricoles.

Quelles méthodologies alors engager afin de valoriser les ressources forestières tout en confortant un dynamisme agricole qualitatif?

Châteauvert semble bien isolé au sein de ce triptyque communal tout comme ses paysages agricoles sont isolés en fond de vallée. La dominance des espaces naturels forestiers est un atout pour la commune mais la faible dynamique sylvo-pastorale aujourd’hui tend à banaliser ses paysages anciennement empruntés. Il semble difficile pour une petite commune comme Châteauvert d’engager des projets de développement durable seule. L’enjeu ici repose sur la coopération intercommunale avec Correns afin de valoriser les espaces forestiers, soit en fusionnant leurs territoires de saltus afin d’engager des continuités de pratiques et de gestion, soit en étoffant en développant le tourisme vert dans ces espaces naturels de qualité. Par ailleurs, son organisation en hameaux, typique, constitue un patrimoine historique à intégrer dans des stratégies de valorisation touristique et semble être les points fixateurs de l’évolution

84

démographique de la commune ce qui est un atout contre la consommation d’espace. D’ans l’optique d’une coopération d’entraide avec Correns et en émettant l’hypothèse que cette dernière attirera de nouveaux agriculteurs par l’ouverture de nouvelles terres, la commune de Châteauvert serait-elle disposée à l’accueil de ces nouveaux agriculteurs dans ses hameaux?

Les enjeux reflètent donc à la fois le traitement des frontières entre les territoires habités, cultivés et naturels mais aussi les interactions ou principes de coopération entre les territoires communaux.

Le Val absorberait l’urbanisation croissante tout en accompagnant les territoires agricoles en régression; Correns conforterait son statut de village labellisé en améliorant ses capacités de production et Châteauvert pourrait être entraîné dans l’orbite qualitative de Correns au travers de projet partagé entre valorisation des espaces naturels, développement de l’offre touristique et accueil des agriculteurs actifs sur le territoire de coopération.

Cette stratégie de coopération locale s’inscrit dans le phénomène contemporain des «territoires en transition».

Le mouvement de Transition est né en Grande-Bretagne en 2006 dans la petite ville de Totnes. Il s’agit d’inciter les citoyens d’un territoire (villes, bourg, quartier…), à prendre conscience, d’une part, des profondes conséquences que vont avoir sur nos vies la convergence du pic du pétrole et du changement du climat et, d’autre part, de la nécessité de s’y préparer concrètement.

Elle représente quatre enjeux fondamentaux pour le développement future des territoires:

- Réduire fortement, individuellement et collectivement, la consommation d’énergie d’origine fossile et nos émissions de CO2; - Renforcer la résilience des territoires, leur capacité à absorber les chocs à venir, par une relocalisation de l’économie (alimentation, énergies renouvelables...); - Renforcer les liens, les solidarités et la coopération entre l’ensemble des acteurs du territoire et; - Acquérir les compétences qui deviendront nécessaires à la diminution des dépendances.

La transition est donc loin d’être uniquement énergétique, elle est aussi sociale et écologique. C’est une vision positive de l’avenir qui permet à chaque territoire de prendre conscience de ses potentialités de développement local afin de développer des scénarios de coopération intercommunale et des actions concrètes à un niveau où les citoyens peuvent inventer des solutions.

Cette éthique de développement individuel, collectif et spatial permettrait donc à la fois une descente d’échelle pour la prise de décision mais aussi une redéfinition des pratiques de chaque territoire selon leur vocation. La transition replace donc les territoires dans des systèmes d’inter-dépendances au lieu de les mettre en concurrence.

Quelles sont alors les potentialités des territoires de Provence Verte à mobiliser pour une transition écologique et énergétique ?

85

Les piliers de la transition en Provence Verte

L’analyse menée depuis ma première partie jusqu’à maintenant me permet à présent de faire une synthèse des piliers spécifiques à la Provence Verte qui représentent à mon sens les potentialités à engager dans le futur dans ce scénario de transition.

Ces quatre piliers potentiels à mettre en œuvre dans le pays de Provence Verte sont: - La biodiversité, omniprésente dans le bassin méditerranéen et reconnue à l’échelle mondiale, elle représente un facteur attractif des territoires et elle participe à l’image idéalisée des paysages de Provence Verte; - Les énergies renouvelables avec en particulier ici la production d’électricité par énergie solaire et l’exploitation de biomasse forestière qui représentent un enjeu contemporain fondamental pour diminuer progressivement la dépendance au pétrole des territoires; - L’agriculture, qui constitue à la fois un héritage culturel historique, une filière économique active, une fonction écologique majeure de respiration dans la matrice forestière dominante et qui participe par ailleurs à l’entretien des paysages et à la gestion des risques; - La périurbanité, qui même si elle est perçue de façon négative sur la consommation des espaces naturels, s’avère être un énorme potentiel de liens socio-économiques entre les territoires.

Ces piliers sont ici individualisés mais ils ne prennent sens que s’ils sont pensés de manière systémique, en interaction perpétuelle et à toutes les échelles de développement, du territoire à la parcelle.

La biodiversité est un enjeu mondial. Associée à une prise de conscience contemporaine suite aux crises écologiques, elle replace le rôle de chaque citoyen du monde dans une vision systémique globale. C’est cette vision écologique qui amène à reconsidérer le développement effréné des sociétés modernes au travers d’une pensée qui promulgue la connaissance des systèmes d’interaction entre l’histoire des systèmes naturels et l’histoire des hommes, autrement dit cette vision écologique prend sens au sein d’un éco-complexe.

La biodiversité est le «bien commun» de l’humanité, aujourd’hui à protéger et à valoriser.

C’est particulièrement le cas pour le bassin méditerranéen qui se trouve être un domaine climatique de transition hyper-sensible. C’est donc le premier point à mettre à l’honneur dans toutes démarches de projet de paysage en Provence Verte dans la volonté d’engager une véritable transition écologique. Car c’est bien là le pilier dominant de notre cycle historique de développement: la transition écologique.

Elle englobe la question énergétique, les rapports entre le monde agricole et les villes ou encore la manière dont les hommes fabriques leur territoire de vie.

Ces modalités d’occupation du territoire sont en revanche conditionnées par les choix énergétiques, qui sont le reflet des choix politiques.

Ils vont se matérialiser dans des systèmes d’organisation, qui «en fonction des choi opérés vont mettre en place di érentes modalités d’acc s à l’énergie, engageant les utilisateurs dans des cha nes de relations plus ou moins

86

contraignantes et des situations de dépendances plus ou moins fortes.»1 Les potentialités énergétiques alternatives à développer à long terme sur le territoire de Provence Verte semblent être, de par ses caractéristiques bio-géographiques, l’énergie solaire et la valorisation de la biomasse forestière. Le développement de l’énergie solaire pourrait amener à une reconfiguration des polarités, c’est à dire du passage à la centralisation du contrôle énergétique vers la décentralisation des productions.

Ce glissement est loin d’avoir lieu pour l’instant.

En effet, aujourd’hui, la production d’énergie solaire est toujours centralisée sur le territoire sous forme de «fermes photovoltaïques» car pour le moment, et en ce temps de crise, peu de privés peuvent investir dans cette technologie. Quels sont les atouts et les inconvénients de ces «fermes»? Le principal inconvénient est l’impact non négligeable des infrastructures dans le paysage qui amène le rejet quasi-systématique de ces projets d’innovation par l’opinion publique. Même si le paysage incite à remettre la question énergétique comme composante d’un système territorial global, il est utilisé comme argument inconditionnel d’opposition à tous projets d’infrastructures nouvelles.

L’argument de la qualité paysagère se dresse comme logique locale du non-recevoir de pratiques innovantes qui sont pour la plupart opposées au bienfait environnemental.

Honorable certes, mais reconduire le paysage à sa simple valeur esthétique, à son côté pittoresque, semble un énorme retour en arrière pour la discipline elle-même.

1- «Formes alternatives de production énergétique et reconfigurations politiques. La sociologie des énergies alternatives comme étude des potentialités de réorganisation du collectif», Yannick Rumpala, Calenda, Flux n°92, Avril-Juin

L’approche historique de la première partie met bien en évidence que la fabrication des paysages dépend de la main de l’homme en Méditerranée, qui le façonne et le transforme selon des cercles économiques dominants et des possibilités géographiques endémiques.

Même les politiques publiques sont divergentes à ce sujet: la politique française en matière énergie-climat s’appuie à la fois sur les objectifs européens des «3 fois 20» et sur les objectifs nationaux définis dans la loi Grenelle 1, qui sont: la réduction des gaz à effet de serre de 20% en 2020 par rapport à l’année de référence de 1990; l’amélioration de 20% de l’efficacité énergétique d’ici 2020 et 20% de la consommation énergétique européenne doit provenir de sources d’énergies renouvelables d’ici 2020.

Objectifs très ambitieux dans le système actuel, alors qu’en parallèle, les fermes photovoltaïques sont considérées dans le code de l’urbanisme comme artificialisation des sols et donc favorisent implicitement le combat idéologique «artificialisation/sacralisation de la nature». J’admets l’impact non négligeable de ces infrastructures mais la transition, énergétique, écologique ou sociale, n’aura pas lieu sans compromis socio-culturels ou éthiques.

La question énergétique remet alors sur le devant de la scène le paysage-tableau regardé à distance...Le paysagiste se doit alors de faire des compromis pour organiser son discours entre protection de l’environnement et incitation à l’innovation, technologique, écologique et sociale. Les innovations énergétiques, lorsqu’elles sont admises par l’opinion publique, permettent aux communes d’emmagasiner de nouvelles formes de revenus.

Dans une période de crise économique comme celle que l’on traverse, cet apport est non négligeable et permettrait aux communes volontaires de développer d’autre projets, avec l’économie de la commune, qui n’auraient

87

peut-être pas pu être réalisé sans l’apport de la production/vente d’énergies renouvelables.

C’est le cas de Néoules par exemple, au Sud du pays de Provence Verte qui, a la suite de l’implantation d’une ferme photovoltaïque sur son territoire a pu, avec les bénéfices, engager des projets de requalification de son centreville. C’est le deuxième passage permis par la production d’énergie solaire, le passage de la dépendance à l’autonomie, qu’elle soit énergétique ou économique.

Les communes faisant le choix de l’innovation peuvent alors se permettre de réinjecter le capital dans des projets correspondant à leur besoin: requalification d’un centre bourg, modernisation de l’agriculture, requalification de voirie....L’innovation énergétique, même si elle impacte le paysage, peut contribuer indirectement à l’écologie du paysage.

Mais je pense que les fermes photovoltaïques sont une sorte d’introduction aux modes de production de l’énergie solaire qui vont évoluer avec la démocratisation de la technologie. Il ne faut donc pas systématiquement les stigmatiser. Les grands industriels ont aujourd’hui besoin de beaucoup de surface pour être rentables mais quand viendra le jour où les dispositifs de captage deviendront accessibles au plus grand nombre et plus efficaces, les territoires rentreront dans un nouveau rapport de force qui avantagera l’autonomie des échelles locales au sein d’une matrice de réseaux de productions multipolarisées2.

Les formes urbaines tant critiquées que sont les lotissements par exemple deviendront alors des cellules de production autonomes qui s’inscriront dans des réseaux de partage et amélioreront la résilience énergétique des territoire.

Les surfaces artificialisées considérables des zones industrielles participeront de la même 2 - «La troisième révolution industrielle», Jérémy Rifkin

manière, en tant que cellules autonomes, à l’amélioration du partage énergétique. Il faut donc voir sur le long terme et surtout être attentif aux potentialités énergétiques de chaque territoire en évitant d’émettre une vision statique des paysages, qui d’ailleurs dans notre cas sont loin d’être figés (régénération forestière et périurbanisation).

La périurbanisation peut alors apparaître comme un potentiel plutôt que de l’appréhender de manière négative.

Il reste cependant difficile d’anticiper les profonds changements qui pourraient s’opérer au sein des territoires concernant la sociologie future des énergies (réseaux d’échanges et de partage, relation producteur/consommateur) mais il me semble indispensable de transmettre une vision positive pour cette énergie alternative potentielle aujourd’hui dont les modalités de production vont encore évoluer.

Comment faire régresser l’affrontement entre innovation et environnement? Le paysage, parce qu’il fait appel aux représentations socio-culturelles et qu’il fournit un suivi de l’évolution des dynamiques spatiales humaines et naturelles, doit permettre la construction d’un discours alternatifs entre partage des regards et orientations politiques durables.

Expérience sensible et physique, réalité objective dynamique dans l’histoire et théâtre de représentations socio-culturelles multiples, le paysage apparaît être un outil réflexif de médiation permettant d’orienter les acteurs d’un territoire vers des actions durables.

Sa dimension pluri-disciplinaire (histoire, géographie, écologie, économie, agronomie,architecture...) doit permettre le partage

88

des connaissances territoriales scientifiques et sensibles nécessaire aux projets d’amélioration du cadre de vie futur.

Une des limites au développement des énergies renouvelables sur un territoire, hormis la question de l’opposition au paysage, est le temps d’expérimentation. En effet, la transition vers un modèle énergétique sobre sur le territoire de Provence Verte demande de se positionner à long terme en tenant compte des capacités d’expérimentations à mettre en œuvre. La force de proposition donnée aux communautés de communes ou aux communes aujourd’hui doit permettre d’accompagner politiquement les expérimentations afin d’augmenter la capacité de résilience du pays face à la crise énergétique à venir.

Cette sobriété énergétique ne doit pas seulement être pensée sous le prisme de l’énergie solaire mais plutôt dans un système de «mix énergétique» qui évoluerait en parallèle des innovations entreprises par le génie humain local. Il faut donc considérer comme potentielles toutes les énergies renouvelables (bio-carburant, hydraulique, éolien, géothermie et biomasse).

Les sociétés modernes étant très dépendantes des énergies et en particulier non renouvelables, la transition vers l’utilisation des énergies renouvelables suscite aujourd’hui des espérances puissantes. Elle permettrait notamment d’améliorer la sécurité des territoires (autonomie énergétique), de développer les réseaux locaux (sociologie des énergies) ou encore de limiter les pollutions.

Mais une énergie renouvelable n’est pas nécessairement propre: par exemple, la collecte et la combustion de la biomasse peut produire des nuisances (déforestation, réduction de biodiversité...) et des polluants.

Il faut donc être attentif à leur mise en application car la plupart des énergies disponibles dépendent du climat et des conditions géographiques et ne sont disponibles ni partout, ni tout le temps, ni toujours à des coûts économiquement acceptables.

Dans le pays de Provence Verte, le climat méditerranéen et la matrice forestière omniprésente représentent des avantages. C’est pourquoi le développement de l’énergie solaire et la valorisation de la biomasse apparaissent comme deux leviers pour la transition écologique et énergétique du pays.

Entraînant de nombreux conflits (sociaux, politiques, esthétiques, spatiaux ou culturels) le développement des énergies renouvelables requestionnent la capacité intégratrice du paysage.

La vision des impacts sur le paysage est par essence subjective et donc ne sert pas un discours commun. De la même manière que l’on s’approprie un paysage de par l’expérience sensible et physique qu’il procure, le développement des énergies renouvelables ne pourra se faire en Provence Verte sans une stratégie d’appropriation habitante des techniques de production ou des impacts de ces nouvelles productions.

Dans un espace symbole de biodiversité, ayant des filières agricoles actives et se trouvant sur la voie de la périurbanisation, le développement des énergies renouvelables provoque de fortes concurrences foncières.

L’approche écologique permettrait-elle alors de convertir ces concurrences en interactions faisant parties d’un système organique global?

89

À l’échelle du territoire du pays de Provence Verte, tous les espaces ne possèdent pas les mêmes potentialités de production d’énergie solaire.

Z.N.I.E.F.F. , E.N.S. et Natura 2000 en Provence Verte. Correns et Châteauvert sont concernées.

Discontinuité existante, impact de l’autoroute A8 ou inventaires écologiques du pays centrés sur le territoire pré guré du ainte aume

La cartographie ci-conte permet d’appréhender ces espaces potentiels. Réalisée à partir de système d’information géographique (S.I.G.) , la figure 43 met en évidence la spatialisation des pentes entre 0 et 10 degrés et orientées au Sud, à l’Est et à l’Ouest. Ici, les périmètres réglementaires de protection environnementale et d’inventaires écologiques (Parc Naturel Régional de la Sainte-Baume au Sud, Zone d’Intérêt Écologique Faunistique et Floristique et Natura 2000) ont été filtrés.

En revanche, il faut être conscient que cette cartographie constitue une orientation stratégique de deuxième recours. En effet, considérée aujourd’hui comme artificialisation des sols, l’installation de panneaux photovoltaïques doit d’abord être envisagé dans les espaces urbanisés, en toitures dans les zones industrielles, dans les zones d’aménagement concerté ou encore dans les lotissements d’habitats diffus.

La figure 43 propose alors une vision potentielle à l’échelle du pays, afin de donner à voir les espaces hypothétiquement exploitables sous conditions au Sud, à l’Est et à l’Ouest et sur pentes douces (0-10°). Outre les protections environnementales ou les inventaires écologiques, les espaces agricoles doivent aussi être filtrés, ils apparaissent en noir sur la cartographie.

Ce document constitue donc un exemple d’analyse qui peut être portée à l’échelle du SCoT afin de mettre en évidence des espaces potentiels. C’est un outil de travail et de discussion. Ici envisagée au travers des pentes douces, cette analyse peut être réalisé à partir de n’importe quel degré de pentes ou type d’orientation. Que nous apprend alors ce S.I.G.?

position ud uest Est

À l’échelle du SCoT, si l’on considère donc les pentes entre 0 et 10 ° orientées Sud, Est et Ouest, c’est à dire les pentes les plus susceptibles d’être le théâtre de concurrences foncières avec l’agriculture et l’habitat, presque 50000 Ha seraient potentiellement mobilisables. À ce chiffre il faut encore retirer les surfaces des zones agricoles concernées qui au total, représentent 18400 Ha dans le pays. On peut donc avancer qu’à minima, 30000 Ha de surfaces toutes confondues sont potentiellement exploitables.

D’autre part, 60% des terres exploitables en photovoltaïque sur des pentes douces se situent entre 250 et 400 mètres d’altitude, ou 45% se situent entre 250 et 350 mètres pour être plus précis. Par ailleurs, les reliefs étant généralement organisés en chaîne OuestEst dans les paysages de Provence Verte, les pentes au Sud représentent presque la moitié des espaces, ce qui est réellement une opportunité à l’échelle du pays.

En descendant dans les échelles, la méthodologie devra tenir compte des zones A et N dans les documents d’urbanisme et des servitudes d’utilités publiques présentes dans toutes communes.

90

Ensoleillement moyen à l’année 2700 heures (E.I.E. SCoT)

laines agricoles à retirer du schéma stratégique ommunes recouvrant le plus d’espaces potentiellement mobilisables érim tre de ro et Fig. 43 - Répartition spatiale des terres potentiellement exploitables en photovoltaïque selon des pentes de 0 à 10 ° exposées Sud, Est et Ouest - S.I.G., données altitudes N.AS.A. - Illustration: Julian Crespo, A.M.

91

La stratégie de développement de la production d’énergie solaire amène donc ici à réfléchir sur des réseaux de distribution d’électricité «intelligents» de manière à optimiser la production, la distribution, la consommation et qui auraient pour objectif d’optimiser l’ensemble des mailles du réseau d’électricité qui va de tous les producteurs à tous les consommateurs afin d’améliorer l’efficacité énergétique de l’ensemble. Ces «smart grid» doivent être imaginées à l’échelle du pays en considérant l’inclinaison des pentes jusqu’à 60° (ofme.org).

des nuisances sur l’environnement (la déforestation par exemple). Faut-il alors engager une transition énergétique «invisible» pour la micro-génération, c’est à dire qui ciblerait des espaces qui ne sont pas dans les champs de covisibilité des espaces de vie?

Ou alors dans le phasage de la stratégie de descente énergétique locale, ces parcs ou fermes photovoltaïques ne seraient-ils pas les simples germes incitant à la naissance d’un réseau alternatif, qui serait ré-articulé par la suite autour des «micro-grid» plus localisées et impactant moins le paysage?

Elles s’articuleraient aux échelles locales par des espaces de micro-génération plutôt conséquents (parcs photovoltaïques en forêt ou fermes en espaces agricoles par exemple) et des espaces de «micro-grid» isolés et éclatés sur le territoire (les habitations, lotissements...). Ces différentes typologies de production constitueraient un réseau de production/distribution/consommation dense censé s’adapter à l’offre disponible selon les saisons et à la demande formulée selon les territoires. Si la majorité des énergies primaires (gaz, pétrole ou charbon) se stocke facilement, il est en revanche très difficile de stocker l’électricité en grande quantité. Les réseaux de distribution seront donc efficaces s’ils s’articulent dans une certaine proximité. L’échelle communale et intercommunale permettrait de déployer une «smart grid» locale. Elle doit être hiérarchisée entre des centres productifs de grandes échelles (émetteurs/producteurs) et des micro-centres de petites échelles (récepteurs/consommateurs). Il s’agit donc de considérer une certaine hiérarchie dans l’armature de la «smart grid».

Comment articuler les différentes échelles de productions sur les communes du Val, de Correns et de Châteauvert? Car même si le développement des «micro-grid» s’appuie sur les infrastructures urbaines existantes, l’implantation de parc ou ferme photovoltaïque au sol induit des effets visuels par ses caractéristiques intrinsèques (surface, couleur...) et

Dans l’hypothèse où ce scénario serait envisageable, cette vision bouscule le caractère immuable de la ferme photovoltaïque dans le paysage qui dans ce cas pourra être enlevée au profit d’une régénération naturelle des espaces, d’une production sylvicole ou agricole. En effet, les installations photovoltaïques ne nécessitent en principe pas de travaux lourds de génie civil ni même de fondation du fait d’une faible prise au vent. Des solutions simples et efficaces telles que des pieux enfoncés dans le sol ou des lests constitués par des socles de béton posés à même le sol permettent d’éviter le bouleversement des couches supérieures du sol, qui, une fois le parc démantelé, tendra doucement vers des pelouses sèches et des garrigues épineuses.

Ce «temps d’impact» (une trentaine d’années) pourrait coïncider avec le temps nécessaire à la démocratisation de la technologie ou avec le temps d’expérimentation nécessaire au développement du réseau alternatif, qui, au travers de la production de fermes photovoltaïques, emmagasinerait la base énergétique nécessaire au lancement et au fonctionnement initial des circuits de distribution locaux. Les «micro-grid» seraient donc par la suite des relais locaux de production/consommation d’électricité.

La «smart grid» de Provence Verte pourrait donc s’organiser par décentralisation progressive des chaînes de relation production/distribution/consommation.

92

Fig. 44 - Exemple des espaces potentiellement exploitables sur des pentes de 0 à 10 degrés: développement au sol et intégration aux zones urbaines

4 3

4

Exposition

4

Sud Ouest Est

Permis de construire déposé pour un parc photovoltaïque au Val en E.B.C. 3

3

1 2

1

3

2

2

0

1 km

Les systèmes d’information géographique proposés ici (figures 43 et 44) constitueraient des bases graphiques mises à disposition de la concertation afin de minimiser les concurrences foncières avec l’agriculture par exemple et mettre au point des stratégies de développement électrique local intelligentes et évolutives dans le temps. Il faudra avant tout privilégier les installations intégrées aux bâtiments avant d’envisager des installations au sol.

93

1

Espaces urbains potentiels pour développer les «micro-grid» intégrées aux bâtiments (habitat di us, lotissements

2

Espaces agricoles exposés plein Sud - Concurrence foncière = impossibilité de développement au sol

3

Espaces naturels bien exposés - zones ND (inconstructibles) et zones AF (inconstructibles et soumises au risque incendie)

4

Espaces naturels bien exposés mais à forte sensibilité environnementale à Châteauvert

Dans les parcs photovoltaïques, la durée de vie des panneaux polycristallins (technologie la plus fréquemment utilisée) est de l’ordre de 25-30 ans. Arrivés en fin de vie, les panneaux photovoltaïques sont recyclables à 95%. Les 5% restants sont en majorité constitués de tellurure de cadmium, classé dans la catégorie des métaux lourds. Celui-ci se recycle mais plus difficilement que les autres parties. Cette filière de recyclage regroupe sous la bannière PV-cycle (www.pvcycle.org) regroupant 82 entreprises, essentiellement des fabricants. La production d’électricité dépend de plusieurs critères (la topographie du terrain, la technologie du panneau, l’ensoleillement, l’orientation …). « n mo enne, un hectare de panneau photovolta ques produit ha ce qui correspond à la consommation d’électricité spéci que c’est à dire de plus de habitants pendant une année 1

Pour la construction de centrales solaires photovoltaïques, une demande de permis de construire est nécessaire (plus de 250 kW de puissance). Une étude d’impact environnemental et une enquête d’utilité publique pour informer la population doit être réalisée en amont. L’installation d’une centrale photovoltaïque au sol doit prendre en considération trois aspects : la construction de locaux techniques (onduleurs, transformateurs), l’installation de panneaux photovoltaïques et la création d’une voie de contournement pour lutter contre les éventuels feux.

Cette stratégie locale de développement d’infrastructures de production d’énergie solaire s’inscrit dans la problématique régionale de P.A.C.A. qui se trouve être la région la plus ensoleillée d’Europe et qui a déjà mis en œuvre un projet d’envergure régionale, ITER, qui expérimente depuis presque 10 ans l’énergie de fusion solaire (gisement solaire de plus de 1550 kW/m2/an selon l’A.D.E.M.E.). De plus, le 1- Ofme.org, synthèse de la réunion du 29 Juin 2010

Conseil Général a signé en 2011, un contrat d’objectifs ministériels avec différents partenaires destiné à renforcer le réseau de transport d’électricité, réduire la consommation énergétique fossile et promouvoir le développement des énergies renouvelables localement. La Provence Verte compte aujourd’hui trois «centrales» ou parcs solaires en fonctionnement et de nombreux projets sont en cours d’instruction ou d’étude. Les trois zones de production solaire se situent à Néoules au Sud et à Varages au Nord. Elle représente une puissance installée de 25,5 MW pour une production prévisionnelle de 36810 MWh/an.2 Que ce soit donc aux échelles nationales, régionales ou locales, la course aux énergies renouvelables prend sens en Méditerranée puisque les potentialités climatiques sont très avantageuses. L’espace régional attire donc aujourd’hui les investisseurs de toute l’Europe. En revanche, le modèle industriel de «parc» ou «centrale» photovoltaïque est-il adapté aux paysages fragiles de Provence Verte?

mages e traites de la vidéo de présentation du pro et à esse sur ssole ’e emple d’une des plus grandes installations photovolta ques de rance environ a à esse sur ssole, commune voisine de la rovence erte, au ud st, dans le ar ci, l’impact sur l’environnement est considérable mais pourtant invisible au eu des habitants de la commune, s’implantant en pleine forêt ’est précisément l’échelle de production qui perturbe le plus l’environnement ais pour une consommation de personnes en permanence toute l’année ne faudrait il pas faire quelques sacri ces dans les espaces naturels ’est une question de point de vue, l’écologue se dressera contre, le politique verra des avantages économiques et le pa sagiste se devra de ne pas considérer l’ob et en lui même mais les possibilités qu’il o rira dans l’amélioration de la vie quotidienne des habitants des territoires concernés. u ourd’hui, dans ces cas là, les espaces naturels forestiers apparaissent comme ressources fonci res pour ce t pe de pro et d’envergure es infrastructures nouvelles viennent elles alors chambouler le cadre de vie ou permettent elles de l’améliorer à long terme st il raisonnable d’engager ce t pe d’implantation d’envergure dans un hotspot mondial de biodiversité

Cette culture de nouveau genre ne vient pas valoriser la biodiversité existante des écosystèmes forestiers mais les considère simplement comme réserve foncière. Alors ce nouveau modèle d’anthropisation de la silva est-il réellement bénéfique pour le territoire? Au niveau économique certainement, au niveau énergétique cela semble évident, en revanche au niveau écologique le manque est important.

Il est nécessaire qu’en parallèle de ces projets d’envergure se dressent des projets locaux, qui intègrent la biodiversité forestière dans le développement économique du territoire. La valorisation de la biomasse forestière au sein de la filière bois-énergie apparaît alors comme une exploitation potentielle des ressources offertes par les forêts varoises.

réation d’un parc photovolta que d’environ a à esse sur ssole dans le ar es di érentes étapes nécessaire à sa mise en opération et impact nal dans le pa sage ource photographique http gdfsue com.

Locaux techniques

Bande tampon de forêt éclaircie

2- État initial de l’Environnement - SCoT P.V.

94

95

Voie de contournement

Nous l’avons vu, le contexte forestier local constitue à la fois le tissu conjonctif des territoires de Provence et les principaux paysages «naturels», puisqu’ils représentent plus de la moitié de la surface du territoire.

Leur situation, de nos jours, est totalement liée à leur passé, récent ou lointain.

Les sociétés ont changé et continuent de changer, les territoires également. Les pratiques des gens même si elles demeurent encore très diverses, évoluent avec rapidité, alors que dans le même temps, les représentations sociales et les institutions changent bien moins vite. La perception du patrimoine forestier a donc fluctué au travers de l’histoire.

Aujourd’hui, les enjeux environnementaux et énergétiques remettent la forêt au premier plan de l’aménagement du territoire. La forêt méditerranéenne, ayant été pendant très longtemps l’espace auquel les sociétés accordaient le moins d’importance dans l’économie des territoires, est aujourd’hui très convoitée. Entre enjeux environnementaux, énergétiques et touristiques, le territoire de Provence Verte lie aujourd’hui son avenir à ses forêts.

Entre ressource, cadre de vie idéalisé ou écosystèmes fragiles, les forêts embrassent de nombreux enjeux contemporains.

De nos jours, la filière bois-énergie représente une voie intéressante de diversification et de commercialisation des produits forestiers qui s’oriente vers la production de plaquettes forestières tout en envisageant des documents de gestion forestière à long terme. Cette filière tente de répondre à la fois aux enjeux environnementaux par une gestion durable, aux

enjeux énergétiques par la valorisation de la biomasse, participe à la lutte et à la protection contre le risque incendie et active une économie locale. « a lutte est généralement organisée contre les risques qu’encourent les biens situés dans les forêts ou proche d’elles, plus que contre les risques susceptibles de menacer ce patrimoine même a protection des personnes et des biens reste prioritaire n constate généralement une di érence entre la géographie foresti re et la géographie des dispositifs de protection a défense du patrimoine forestier dépend de la valeur relative qu’on lui attribue par rapport au autres biens habitations e départ des populations rurales qui notamment utilisaient le feu pour gérer ces espaces feu de contre saison ou pour lutter contre les incendies contrefeu , et la tertiarisation des forêts ont conduit à la criminalisation du feu, considéré comme destructeur du patrimoine forestier 3

La perception de ce patrimoine évolue donc avec la conception du territoire et les représentations sociales associées à ces espaces naturels. Aujourd’hui donc, la filière bois-énergie, en plus de contribuer à la lutte contre l’effet de serre et le risque incendie, participerait de manière significative au développement local et génèrerait sans doute des emplois.

Sur le territoire de Provence Verte, l’O.N.F. et le C.R.P.F. ont réalisé en 2004 une étude sur la ressource forestière mobilisable à la demande du Syndicat Mixte du SCoT Provence Verte. Les peuplements résineux ont été les sujets particuliers de cette étude, étant particulièrement combustibles et considérés comme invasifs sur le territoire alors que les forêts de feuillus sont considérées aujourd’hui comme «suffisamment valorisées» par la filière bois de chauffage traditionnelle, élément révélateur de l’impuissance de diversification de la filière?

3 - Association Forêts Méditerranéennes, «Problématique de la forêt méditerranéenne», hors série n°1 août 2002 ISSN. 0245-484 X

96

La production forestière s’élève à 146 000 m3 par an (Source I.F.N.). D’après l’État Initial de l’Environnement du S.C.o.T. Provence Verte et en considérant une étude de l’A.D.E.M.E. qui estime le potentiel bois énergie sur un arbre à 41% (résineux), le volume disponible par an pour le bois-énergie serait d’environ 59 000 m3 (dans l’hypothèse où 1m3 de bois dur fait a peu près 500 kilos, cela fait environ 30 000 tonnes par an) ce qui représente 125 706 MWh par an à utiliser dans des chaufferies bois communales qui existent en Provence Verte (11 installations et plusieurs en projet).4 Les forêts méditerranéennes constituent aujourd’hui des forêts jeunes souvent de première génération (colonisation de terres à l’abandon). Se développant dans des conditions géologiques et climatiques particulières et peu favorables, elles se caractérisent notamment par un important volume de bois voué principalement à une utilisation en bois de chauffage (taillis de chêne) ou en bois d’industrie (résineux de faible valeur marchande).

Les conditions d’exploitation sont souvent difficiles (relief, ...) et les enjeux sociaux et environnementaux sont nombreux. (accueil du public, nombreux usages: chasse, champignons, biodiversité, régulation hydrique, exposition au risque incendie).

Par ailleurs, la faible qualité des bois, la limitation du débouché pour ces derniers, le morcellement de la propriété et les contraintes sociales sont autant de facteurs qui limitent l’exploitation de la ressource en bois.

Plus qu’en surface, la forêt s’accroît en volume et la faible exploitation constitue désormais un enjeu majeur d’aménagement du territoire en terme de prévention incendie (l’augmentation de la biomasse accroît d’autant le risque incendie) et de gestion durable de la forêt.

4 - État initial de l’Environnement - SCoT P.V.

Le bois énergie, au travers du produit plaquettes forestières, permettrait de mobiliser des bois non exploités et d’offrir un nouveau débouché aux bois résineux dans la région.

Afin de structurer sur le territoire cette filière et d’en garantir l’approvisionnement, une unité de production d’énergie électrique à partir de la combustion de biomasse forestière se développe aujourd’hui sur la zone industrielle de Nicopolis à Brignoles. C’est le projet de «centrale biomasse» portée par la société INOVA. Elle produira 150 000 MW par an à partir de 180 000 tonnes de biomasse d’origine forestière. Pour satisfaire ces besoins, la centrale dispose d’un espace d’exploitation élargi à un rayon de 100 km qui dépasse donc le territoire du Var. La majeure partie de l’énergie produite sera achetée par EDF selon des prix définis pour une durée de 20 ans et le reste de la production énergétique sera valorisée sous forme de chaleur: c’est le principe de cogénération, qui associe la production de deux formes d’énergie, ici l’électricité et la chaleur. I.N.O.V.A. constitue donc une centralité énergétique nouvelle pour le Comté de Provence, qui permettra peut-être par la suite la construction de structures communales relais pour diversifier les débouchés, aujourd’hui centrés sur le chauffage (niveau local) et la production de pâte à papier (Tarascon) tout en organisant le réseau de la filière bois-énergie.

Ses principaux partenaires sont les propriétaires membres de la Coopérative Provence Forêt qui regroupe 2600 propriétaires forestiers aujourd’hui. Ils entretiennent une surface régionale de plus de 110000 Ha de forêts privées et améliorent la gestion durable des forêts à travers l’actualisation des documents de gestion durable (Plan Simple de Gestion, code des bonnes pratiques sylvicoles, réglementations). La filière bois-énergie mobilise donc de nombreux acteurs et favorise ainsi la coopération.

97

Il reste cependant difficile aujourd’hui d’imaginer les impacts d’un tel projet à la fois sur les espaces naturels forestiers concernés et sur les modes de vie des populations résidant dans le Comté de Provence mais ce projet constitue un levier économique majeur pour le territoire, participe à la défense contre les incendies et enfin permet de favoriser une sylviculture durable par le biais de coupes et travaux exécutés dans les règles de l’art et de promouvoir ainsi une gestion durable par la démarche de certification P.E.F.C., certification qui n’est pas encore très développée chez les propriétaires privés du pays de Provence Verte (3200 Ha seulement aujourd’hui5). En comparaison 7 forêts communales de Provence Verte sont labellisées P.E.F.C. en 2005 dont celles de Correns et du Val. Activer cette nouvelle filière permettrait donc d’engager la gestion des forêts méditerranéennes dans des démarches de qualité tout en générant une énergie durable, rentable économiquement, qui participera au développement futur du pays de Provence Verte.

Encore faudrait-il établir des documents de gestion précis, déterminant les essences spécifiques à exploiter, les principes de coupe, l’accessibilité des exploitations, documents qui, j’imagine, sont en cours d’élaboration. Les risques et les limites de l’exploitation des forêts méditerranéennes sont tout de même connus.

D’une part INOVA est censé se focaliser sur les résineux, peuplements non homogènes sur l’ensemble du département et donc il y aura des impacts différents selon les endroits exploités, peut-être une surexploitation de certain espace. D’autre part, si la filière s’oriente ensuite vers l’exploitation du chêne blanc pour la cogénération, le danger est que cet arbre vit dans un sol profond mais ne disposant pas de couvert végétal, donc une exploitation trop brutale risquerait de découvrir les sols et de diminuer la fertilité forestière.

Aujourd’hui aucune source ne permet de connaître précisément les modalités d’exploitation prévues pour cette centrale biomasse.

Mais il est possible de dire simplement que la perception véhiculée par cette activité s’attache à la forêt «ressource» ou à l’image culturelle contemporaine des énergies renouvelables.

Mais le projet INOVA Var Biomasse semble tout de même avant tout un projet politique porté par le pays de Provence Verte. Il faut alors se demander à qui profite cette valorisation énergétique? Aux investisseurs privés?

Aux propriétaires forestiers? Quelle participation dans la résilience énergétique des populations résidentes dans le pays? Quelle redistribution dans le département de l’énergie produite vendue à EDF? D’autre part, sachant que la production d’électricité à partir de la combustion de biomasse possède des rendements très mauvais (15-20%), la génération de chaleur sera primordiale pour la durabilité de l’entreprise. La cogénération servirait d’incitation pour des entreprises voulant s’installer autour du projet afin se raccorder au réseau de chaleur sur du foncier disponible. Sachant que pour les réseaux de chaleur, il y a beaucoup de «perte en ligne», il faut que ce réseau soit le plus limité possible.

Pour augmenter l’efficacité énergétique de cette nouvelle polarité, ne faudrait-il pas prendre exemple sur l’Allemagne concernant la diversification de la filière?

Même si les forêts méditerranéennes ne possèdent pas du tout les mêmes caractéristiques que les forêts continentales, la création d’un écosystème de services associés à la filière bois autour d’INOVA (recyclage, co-produit, plateforme de tris) permettrait de démultiplier les investissements et de structurer la filière.

5 - État initial de l’Environnement - SCoT P.V.

98

Autant de procédés pour tenter de structurer la filière bois dans la région. Alors INOVA serait-il le nouveau noyau dur pour une économie nouvelle du bois?

Difficile de savoir, mais il semble que l’exploitation des forêts varoises pour la filière bois-énergie s’oriente vers le modèle Nord-européen centré sur l’arbre pas forcément adapté aux caractères des forêts méditerranéennes.

En effet, outre le fait que les bois méditerranéens soient des bois lourds, denses et avec beaucoup de nœuds (pin d’Alep par exemple) difficiles à exploiter et à valoriser et ne répondant généralement pas aux normes d’exploitation européennes, la principale caractéristique des espaces forestiers méditerranéens est leur production de produits forestiers non ligneux. es produits forestiers non ligneu ont la particularité d’être e fruit d’actions biologiques comple es, optimales et valorisées dans des conditions d’équilibre de l’écos st me proches du clima , ou en tout cas tr s peu perturbées est nécessaire de faire ressortir d s à présent que leur capacité de régénération est étroitement liée à un prél vement rationnel de la part de ’homme et que cette capacité peut s’altérer de fa on négative, par un abus ou par ’absence totale de prél vements es principau produits de la foret méditerranéenne se regroupent en deu grandes catégories les productions qui dérivent directement de ’action d’organismes producteurs produits végétau et les productions qui dérivent de ’action d’organismes consommateurs produits animau .»6

Parmi les productions végétales, se distinguent les productions forestières (résines, cade, arbouse), les productions majoritairement herbacées (plantes médicinales, aromatiques, fleurs sauvages, asperges) et les productions mycologiques (champignons comestibles, truffes). Les productions animales sont rattachées au miel, à la faune sauvage (sanglier, cerf, lièvre, grive...) et au sylvo-pastoralisme.

Il semble alors que les produits forestiers non ligneux soient de puissants leviers pour la valorisation locale des forêts, c’est à dire à mon sens communales ou intercommunales. Ils représentent un intérêt économique pour les populations locales et les activités de village.

Leurs modalités d’exploitation demandent la connaissance fine du territoire, une perception ouverte sur les ressources mobilisables localement, et obligent à mettre en place des systèmes productifs diversifiés à l’inverse des systèmes spécialisés.

Ces systèmes de production seraient donc adaptés à chaque territoire et associeraient productions végétales et productions animales, filières aujourd’hui conditionnées par le modèle industriel mais qui devraient se recentrer sur le contexte naturel spécifique à chaque territoire.

Les P.F.N.L. sembleraient être un levier écologique et économique important pour les sociétés locales méditerranéennes. Il s’agira alors d’imaginer les différentes valorisations végétales afin de s’inscrire dans des circuits de distribution plus larges tout en organisant des pratiques à faible impact visuel dans le paysage. Ce pourrait être le chemin d’une transition écologique «invisible» et locale.

6 - «Produits forestiers non ligneux dans la région méditerranéenne», Sanzio Baldini, F.A.O., 1993, p. 1.

99

Fig. 45 - Bilan énergétique Provence Verte Source: SCoT P.V.

ig

Fig. 47 - Objectifs 23% d’énergies renouvelables à l’horizon 2020 - Source: SCoT P.V.

one d’in uence du pro et

ar iomasse

Fig. 48 - Émission de G.E.S. par type d’activité en Provence Verte - Source: SCoT P.V.

Fig. 49 - Application de l’objectif Grenelle au territoire - Source: SCoT P.V.

100

Fig. 50 - Synthèse des politiques énergétiques en Provence Verte Source: SCoT P.V. - Illustration A.M.

101

Enfin derniers piliers de la Transition en Provence Verte, l’agriculture et la périurbanité représentent deux moteurs puissants pour la décentralisation de l’économie du pays. En effet, le Département du Var, premier département touristique de France pour le nombre de nuitées est aussi au cinquième rang des départements agricoles français. La diversité des produits agricoles typiques provençaux représente à la fois, une agriculture de terroirs, une agriculture de qualité avec plus de 49% des produits agricoles sous signe officiel de qualité et une agriculture leader. En effet, l’agriculture varoise est la référence française pour sa production de vin rosé d’appellation, de fleurs coupées, de miels, de figues violettes...

Le Département a aussi la particularité d’être le premier en surface pour l’agriculture biologique.

Le secteur viticole et le secteur horticole sont les deux piliers économiques de la vitalité agricole varoise. Ces agricultures ont tout de même subi des transformations ces 20 dernières années. Pour la viticulture, c’est le passage d’une production de masse vers une recherche de la qualité : concentration des surfaces, encépagement, outils techniques de vinification et oenologie, développement des produits sous signe de qualité (4 AOC) au détriment de la production de vin de table. « lobalement ces vingt années ont vu le passage d’une viticulture traditionnelle à une viticulture technique, s’accompagnant d’investissements techniques et d’apports de capitau e térieurs ependant, le nombre de viticulteurs a poursuivi sa diminution, tandis que les surfaces de vignobles à faible rentabilité sont menacées par un marché foncier biaisé par la spéculation et la progression de l’immobilier 1

C’est le territoire du Comté de Provence qui a vu ces dix dernières années son nombre d’exploitations chuter d’après le diagnos1- ««Var 2020»: quels futurs pour l’agriculture ?»,JeanClaude Flamant, Mission d’Animation des Agrobiosiences

tic effectué par le SCoT P.V. comme on peut l’observer sur la figure 51 ci-contre. Brignoles et Cotignac sont les deux communes les plus touchées suite aux pressions urbaines foncières, à la non reprise d’exploitation en difficulté ou au problême de transmission des terres. Car un des enjeux principal concernant l’agriculture en Provence Verte est le vieillissement global des chefs d’exploitation.

En effet, l’absence de succession dans les communes de Provence Verte concerne toutes les communes du pays. Parmi elles, les communes du Val et de Correns sont plus que concernées avec 41 exploitations impliquées en 2010 (RGA 2010, traitement: AU[dat]).

Concernant l’évolution des S.A.U. en Provence Verte, la figure 52 ci-contre montre des dynamiques inégales d’un E.P.C.I. à l’autre. Provence d’Argens en Verdon est très touchée avec une baisse de 1400 Ha pendant que le Conté de Provence, dynamique, gagne 250 Ha. Globalement ce sont les surfaces destinées aux céréales qui ont régressé alors que dans certain territoire la viticulture et les surfaces enherbées ont progressé. Dans la communauté de commune du Comté de Provence, la S.A.U. moyenne des exploitations à fortement augmenter (RGA 2010, traitement: AU[dat]) suite certainement aux regroupements de ceratines surfaces.

Il est donc de plus en plus difficile pour un agriculteur en Provence Verte de trouver des terres qui permettent d’obtenir la rentabilité de l’exploitation ce qui a pour conséquence majeure l’augmentation des surfaces laissées en friches dans l’espoir d’une urbanisation future ou la reconquête des espaces naturels qui entraîne la fermeture progressive des paysages.

En tenant compte de ces dynamiques naturelles et anthropiques, en quoi la périurbanité grandissante du pays de Provence Verte peut-elle être un pilier pour l’accompagnement de l’agriculture plutôt qu’un frein?

102

Fig. 50 - Nombre d’exploitations par communes entre 2000 et 2010 Source: RGA 2010 - Diagnostic SCoT P.V.

Fig. 51 - Évolution de la S.A.U. par territoire et par type d’occupation Source: RGA 2010 - Diagnostic SCoT P.V.

103

oréni

oréni

urfaces laissées en friche en attente de l’urbanisation future au al

n chement forestier semi ouvert d’anciennes terrasses agricoles à

104

orrens

oréni

orrens

oréni

n chement par la strate herbacée d’anciennes terrasses agricoles à

es constructions pavillonaires au al, principal avenir des espaces agricoles délaissés au ourd’hui

105

La périurbanisation accélérée de certain territoire comme au Val représente une très forte concurrence foncière pour l’agriculture.

En revanche, si l’on émet l’hypothèse qu’avec l’arrivée croissante des populations urbaines sur des territoires, à l’origine ruraux, la demande en produits alimentaires va augmenter, le côté oppresseur de l’urbanisation peut évoluer vers une vision positive qui considère comme potentielle, l’augmentation de cette demande «vitale».

De plus, en considérant l’identité de terroir de l’agriculture dans la région, la puissance de l’image que véhicule la Provence concernant la typicité de ses produits agricoles et l’augmentation socio-culturelle de la demande en produits locaux par les populations, cette nouvelle proximité avec les espaces urbains me semble porteuse d’interfaces fertiles entre la périurbanisation et l’agriculture.

Pour cela, l’enjeu principal concerne le potentiel de diversification de l’agriculture de ces territoires hyper-spécialisés dans la viticulture de qualité. Sans faire de concurrence foncière à ces agricultures à forte valeur ajoutée qui sont inscrites dans la compétitivité mondiale, pourquoi les espaces agricoles délaissés proche des villes, comme au Val, ne constitueraient pas les objets d’un programme de développement durable associant protection écologique de ces espaces et redéploiement d’une agriculture maraîchère de proximité?

Il s’agirait alors de trouver spatialement et financièrement des compromis pour le développement mutuel de l’offre en produits locaux et de la demande des rurbains. À l’échelle régionale, la position centrale du pays entre les grandes métropoles urbaines est un avantage pour le déploiement de stratégie de «proximité agricole».

Au milieu de presque 4 millions de personnes actives, le territoire pourrait trouver sa vocation dans une agriculture diversifiée et de proximité, réorientant son image vers celle d’un grand jardin.

cole. Délaissé mais pas trop car quand il s’agit de spéculation foncière, n’ayant aujourd’hui plus de vocation de production, il devient le théâtre de l’extension anarchique de l’habitat diffus contemporain.

Si, en revanche, la reconquête agricole embrasse la volonté d’offrir des surfaces de production pour du maraîchage, la pauvreté des sols devient une limite à ce type d’agriculture.

Cependant, les plaines accueillant aujourd’hui le principal de l’étalement urbain même si les pentes douces boisées soient aussi les espaces convoitées par l’habitat diffus, la diversification de l’agriculture périurbaine en plaine n’aura pas énormément de foncier disponible à l’échelle du pays. En revanche certain territoire semble s’y prêter plus que d’autre à l’image de la commune du Val. Cette concurrence foncière en plaine amène à se questionner sur les possibilités de cultiver les pentes. Car l’objectif ici est affiché: établir des compensations foncières pour le déploiement de l’agriculture en parallèle de l’accroissement démographique et urbain.

Ces transformations de vocation des territoires de l’ager (spécialisation qualitative), du saltus (délaissé et colonisé) et de la silva (ressource foncière et symbole de biodiversité) amènent à requestionner les interactions entre ces espaces anciennement représentatifs des structures agraires méditerranéennes héritées. Alors quel avenir pour ce saltus mis à l’écart?

Mais il existe une méthode culturale qui permet à la fois de valoriser le défrichement préalable à la mise en culture et qui profite aussi à l’amélioration de la qualité nutritive des sols.

C’est la méthode «Jean Pain» qui valorise les «broussailles» des garrigues et des forêts en les transformant en «compost de broussailles» pouvant servir d’engrais mais pas que. Jean Pain, était un petit industriel de Grenoble qui avait décidé de tout lâcher pour devenir garde forestier sans salaire, quitte à nourrir difficilement sa femme et son fils sur 3 hectares de terres médiocres à Villecroze, dans le Var.

Faut-il alors faire grimper l’ager sur les pentes enfrichées? Quelle agriculture y pratiquer?

Si l’on actualise la définition du saltus anciennement espace de broussailles réservés au bétail et «territoire mouvement» faisant l’interface entre l’ager et la silva vers une définition contemporaine, on pourrait dire qu’aujourd’hui le saltus correspond aux territoires en friche, délaissés, auxquels les sociétés modernes accordent le moins d’importance dans l’économie des territoires contrairement à la silva.

On voit bien alors le changement socio-économique qui s’effectue progressivement depuis une trentaine d’année.

Le territoire de la silva est aujourd’hui au centre des préoccupations de l’aménagement (réserve foncière pour les projets énergétiques, réservoir de biodiversité, espace idéalisé et divertissant...) quand le territoire du saltus est délaissé par déprise progressive des activités sylvo-pastorale ou simplement agri-

106

Si l’on envisage ce territoire comme espace potentiel de redéploiement de l’agriculture dans les zones définies «naturelles» sur les documents d’urbanisme, il faut réfléchir à une méthode culturale possible à mettre en place sur cette espace enfriché aujourd’hui. Dans la mesure où la stratégie consiste «simplement» à une reconquête agricole, la culture de produits forestiers non ligneux serait envisageable.

Je pense notamment à la valorisation du genévrier cade qui est une espèce omniprésente dans la strate arbustive de la garrigue, aimant les sols rocailleux et arides, le laurier sauce ou encore la culture de plantes aromatiques (thym, romarin) qui ne demande que peu d’entretien et donc adaptée à ces espaces relativement difficiles d’accès et aux conditions agronomiques difficiles.

Par ailleurs, une fois ces espaces éclaircis, il est tout à fait possible de développer des systèmes d’agro-foresterie en cultures intercalaires en sélectionnant les sujets potentiels, à conserver comme le chêne pubescent, très important dans le cycle nutritif des sangliers de par ses fruits par exemple, ou, à implanter comme l’olivier, le frêne, le cormier.

«De tous les continents, des spécialistes de l’énergie ont accouru au domaine des Templiers pour étudier le miracle qu’il a accompli: une méthode simple et économique permettant de produire de l’énergie et de l’engrais à partir de la broussaille. Un système original dans lequel ces savants voient un solide espoir, une réponse non négligeable au problème mondial posé par la pénurie de carburants ou l’emploi massif d’engrais chimique. Expert international en matière d’énergie, M. Robert Giry, auteur de Le Nucléaire inutile? (Éditions Entente), a écrit: «A notre époque de crise où nous risquons de nous trouver un jour brutalement privés d’énergie, la voie tracée par Jean Pain pour la production d’engrais, de carburant et d’électricité est une solution pleine d’avenir.»2

Car Jean Pain n’utilise pas seulement le compost de broussailles comme engrais mais il a développé sa propre «centrale énergétique».

2-Nicolas Poulain, numéro de mars 1981 Reader’s Digest.

107

«Ce cocktail végétal est un compost constitué uniquement de matières ligneuses (branches vertes en feuilles ou en bourgeons) et de broussailles broyées, comparable aux tas de matières organiques en décomposition (feuilles et résidus alimentaires) que beaucoup de gens entretiennent dans leur jardin.

Enterrée au milieu du compost, il y a une cuve d’acier hermétique de 4 mètres cubes aux trois quarts pleine de ces mêmes débris de deux mois d’âge, macérant dans l’eau. Chauffé lui-même par la fermentation du compost qui l’entoure, ce réservoir produit du méthane qui sera stocké à proximité dans des chambres à air de camion raccordées à la cuve par un tuyau. Un tube de plastique de 40 millimètres de diamètre qui sort d’un puits, traverse le ‹‹gâteau» (la centrale) de débris et aboutit à un robinet dans la maison.

Selon les calculs de Jean Pain, 1000 hectares de forêt peuvent fournir chaque année 6 000 tonnes d’engrais, 960 000 mètres cubes de biogaz et des millions de litres d’eau chaude.

Le cycle se reproduit indéfiniment, puisque la broussaille se renouvelle tous les 7 ans. L’idée est doublement intéressante: d’un côté la forêt est nettoyée et à l’abri du danger du feu, de l’autre un réservoir inépuisable d’engrais et d’énergie thermique.

Au centre de l’installation la fermentation du compost fait monter la température, de sorte que l’eau froide arrivant du puits, après avoir parcouru 200 mètres dans le tuyau enroulé en serpentin autour de la cuve d’acier, ressort à 60 degrés. Cette eau chaude, circulant dans des radiateurs, sert à chauffer la maison.

Un amas de compost, de la taille de celui que je vois (3m de haut et 6 de diamètre) peut débiter cette eau chaude pendant près de dix-huit mois au rythme de 4 litres à la minute, assez pour alimenter le chauffage central, la salle de bains et la cuisine. Puis l’installation sera démontée, le tuyau sera récupéré pour servir à une nouvelle opération qui sera mise en place immédiatement pour assurer la continuité, et le compost sera rendu à la terre.»3

Fig. 52 - La «centrale» Jean Pain

3

Fig. 53 - Les techniques culturales de Jean Pain expliquées en image Source: «Les Méthodes de Jean Pain, ou un autre jardin», Ida et Jean Pain, auteurs-éditeurs

3 - Extrait «Les Méthodes de Jean Pain, ou un autre jardin», Ida et Jean Pain, auteurs-éditeurs

108

109

Chaque année, des millions de tonnes de broussailles, sous-produits des forêts... sont disponibles pour l’agriculture. La facilité de leur récolte, leur aptitude à faire du compost, en font une matière première très bon marché, d’une richesse incomparable, convenant aux cultures les plus diverses.

Le débroussaillement méthodique de la forêt représente l’énorme avantage dans les régions méditerranéennes, de faire diminuer le risque d’incendie et de fait d’augmenter le sentiment de sécurité des sociétés.

Actuellement le débroussaillement coûte cher.

Par la pratique du compostage des broussailles, on peut envisager de mettre les forêts du bassin méditerranéen à l’abri du feu, non seulement sans grandes dépenses, mais encore en bénéficiant d’excellent engrais organique.

L’emploi du compost de broussailles permet aussi, dans le cadre du reboisement une reprise et une croissance accélérée des plantations d’arbres forestiers.

Cette méthode durable montre qu’à partir de produits forestiers sous-valorisés, il est possible grâce au génie humain de générer des énergies propres et de participer à l’enrichissement du sol autant qu’on y prélève des cultures diverses. Les techniques de compost, appelé aujourd’hui B.R.F., c’est à dire «Bois Raméal Fragmenté» illustrent la possibilité renouvelée de mettre en œuvre des pratiques interactives contemporaines entre l’agriculture et la forêt. Ces techniques sont donc connues et adaptées à la végétation méditerranéenne alors pour ne pas en faire l’expérimentation sur le territoire de Provence Verte. Elles participeraient à une modernisation écologique des pratiques agricoles, permettraient d’ouvrir de nouveaux espaces enfrichés en les rendant plus fertiles qu’ils n’étaient et enfin de réduire singulièrement le risque incendie.Ces stratégies énergétiques et agricoles prennent

toutes sens dans la transition tant écologique qu’énergétique. Les espaces incarnant ses enjeux sont aujourd’hui des territoires laissés plus ou moins à l’abandon, des pratiques et des représentations.

Or, les paysages méditerranéens ont toujours évolué avec la main de l’homme et c’est aujourd’hui qu’il faut prendre conscience que la préservation de la biodiversité des paysages méditerranéens ne passe pas seulement par la sacralisation des espaces naturels qui exclue toutes actions de l’homme mais bien par la valorisation des potentialités locales, climatiques, agricoles ou socio-économiques.

D’autre part, pour activer ce mouvement de Transition, il est important de véhiculer une vision positive, que ce soit par rapport à l’accroissement de la biomasse naturelle sous l’effet de la déprise de certaines pratiques ou par rapport au phénomène de périurbanisation.

Les stratégies autour des quatre piliers de la Transition en Provence Verte définis précédemment répondent aux enjeux contemporains de préservation de la biodiversité, de descente énergétique, d’accompagnement du déclin agricole ou encore de l’amélioration des conditions de vie des populations périurbaines.

Plus qu’une démarche lissée, la Transition est un phénomène qui est le produit de l’accumulation de situations diverses, de réflexions partagées et des volontés d’expérimentation de chacun des acteurs d’un territoire. Le projet de transition en Provence Verte valoriserait la diversité des paysages et des pratiques typiques de la région tout en envisageant des perspectives spatiales et économiques locales adaptées aux besoins de chaque territoire.

110

Fig. 54 - L’arbre de la Transition - Illustration Paul Leurent - paysagiste collaborateur

111

Axe 1: Fédérer le territoire autour de la protection et de la gestion de la biodiversité

PLAN GUIDE POUR UNE TRANSITION LOCALE -

ocument de travail

llustration

onds

et

fme org

DONNÉES DE CONTEXTE

es communes au coeur du o

Diversité écologique à accompagner Espaces naturels les plus sensibles à préserver et à gérer durablement Forêt communale de Correns gérée durablement par le pastoralisme

Occupation du sol Ville

Cours d’eau à gérer durablement

Hameau

Zones humides à préserver et à accompagner

Cœur de bourg

Espaces naturels à risque sous pressions écologiques Espaces naturels à risque sous pressions anthropiques

Espaces agricoles Urbanisation

Vocation agricole à préserver

CH

Espaces agricoles en zone humide sous pressions urbaines modérées à diversi er Espaces agricoles «isolés» sous pressions urbaines fortes à protéger déprise, habitat di us

Carrière

E ÂT S

V AU

Peuplements forestiers

EN

Taillis mixte

CO

T

RR

ER

Urbanisation le long des axes de pénétration principaux à surveiller et accompagner

Futaie de conifère

Forêt ouverte, garrigue et strates basses Mélange futaie et taillis d’essences mixtes

Axe 2: Les énergies renouvelables au service de la construction d’un territoire exemplaire, solidaire et dynamique Multi-polarisarion des productions d’énergies solaire - Smart Grid périurbaine

Flux

Espaces naturels potentiels pour l’implantation de parc photovoltaïque Projet de parc photovoltaïque au Val

Principaux axes de communication Sentier de Grande Randonnée Vers Bras

Le Val, une commune vouée à s’urbaniser sous l’in uence de rignoles et donc à accompganer

Valorisation de la biomasse au service de l’agriculture locale (centre de compostage) Échanges énergétiques entre la forêt et l’agriculture (biomasse forestière - B.R.F.) Échanges énergétiques entre l’habitat et l’agriculture (valorisation des déchets verts - Tri/Compost)

Sentier de petite randonnée Cours d’eau

Patrimoine remarquable les

rigno Vers B

AL LE V

Château Espace Naturel Sensible du Vallon Sourn

Axe 3: Renforcer l’identité du territoire par la conservation, la valorisation et la promotion du patrimoine Espaces boisés classés à accompagner et à valoriser Espaces naturels potentiels à l’élargissement de la gestion pastorale de Correns Paysages de terrasses emblématiques de Correns à valoriser Château de Jean Val, patrimoine emblématique et en position stratégique à valoriser Architecture agricole remarquable à Châteauvert Réouverture de sentiers pastoraux au public

1 Km

Correns, un village exemplaire pour son agriculture à impliquer comme vecteur de propagation de pratiques raisonnées

Châteauvert, une petite commune à fort potentiel touristique et écologique à intégrer dans l’orbite qualitative de Correns

Tourisme COOPÉRATIONS LOCALES ÉCOLOGIQUES ET ÉCONOMIQUES

Espaces d’escalade Mises à l’eau pour kayak Point de vue

«Lou Labo», espace culturel d’échanges sur les potentientialités du développement durable

Fig. 55 - Cartographie de synthèse des enjeux et des potentialités pour organiser la transition depuis le cœur de la Provence Verte

112

113

Ce plan guide tente d’exprimer spatialement les visions positives qui s’incarnent dans le concept de transition.

Cette recherche des potentialités est une méthodologie employé ici sur trois communes mais c’est avant tout une démarche de diagnostic qui permet de croiser les enjeux écologiques, énergétiques et économiques des territoires ciblés afin de mettre en évidence les rôles des piliers pour le développement durable de ces communes à savoir, la biodiversité, les énergies renouvelables, l’agriculture et la périurbanité.

Alors bien sûr ce document de travail est loin d’être exhaustif car il n’exprime pas toutes les potentialités énergétiques, il n’aborde pas la question des mobilités qui représente de forts enjeux pour le pays de Provence Verte ou bien il rend difficilement compte des liaisons entre les filières de l’économie locale. Mais cette méthodologie orientée sur la recherche des potentialités permet tout de même d’envisager une certaine coopération intercommunale adaptée aux compétences et aux identités de chaque commune choisie selon le gradient de périurbanisation défini précédemment.

Il s’agit alors de chercher à produire des documents de synthèse qui serviraient pour nourrir les échanges et la communication de projets locaux en les inscrivant dans un scénario territorialisé de transition. Alors plus que le résultat, c’est la méthodologie de travail en amont qui m’a intéressé ici.

Comment aider les décideurs politiques à faire les bons choix en matières énergétiques ou en matière de gestion durable des espaces naturels? Comment le paysagiste peut-il, grâce à une approche scientifique du paysage, devenir un acteur partenaire pour le développement des économies locales et médiateur sur la fabrication des paysages?

Car il est vrai que mon approche laisse tout de même de côté d’une certaine façon la vision sensible du paysage, cette perception du dedans subjective qui éloigne le paysage, à mon sens, des potentialités qui s’y incarnent.

Car penser le paysage sous le prisme des énergies questionne la pertinence de la notion même et ses capacités intégratrices pour les populations. Faut-il alors préférer le paysage tableau ou le paysage ressource?

Faut-il prôner le potentialisme scientifique et technologique à la manière de Jérémy Rifkin pour sortir les hommes des crises qui s’opèrent à notre époque?

Cette approche tente de mobiliser la vision scientifique dans le projet de paysage. Que ce soit au travers de l’archéologie, de l’histoire, de l’écologie, de la géologie, de la climatologie, de l’économie, de la géographie ou de la sociologie, le projet de paysage embrasse de nombreuses disciplines interconnectées les unes aux autres, connections qui se matérialisent dans le temps et dans l’espace par la construction progressive des territoires vécus.

Est-il possible alors de concilier technologie et territorialisation des pratiques?

Par ailleurs, ma démarche tente de mettre en avant les liens intrinsèques qui existent entre transition énergétique et transition écologique dans les possibilités futures de construction des paysages. Nous avons d’un côté une thématique surmédiatisée qui est la transition énergétique et de l’autre, la transition écologique et sociale qui se développe à travers le monde de manière silencieuse presque invisible et pourtant réellement en marche.

D’autre part, ces principes de transition écologique et énergétique sont porteurs de transformation sociale, dans le sens où la descente d’échelle qu’ils permettent amène à reconsidérer les échelles de projet et la place des acteurs locaux dans la fabrication des paysages. C’est pour cela que travail-

114

ler à l’échelle intercommunale me semble être intéressant afin d’organiser des principes de coopération locale.

Tout en s’inscrivant dans les enjeux du S.C.o.T. Provence Verte, dans la problématique mondiale du développement durable et en amenant le concept de transition, le document de travail appelé «Plan Guide» ici met en avant trois axes à mon sens stratégiques pour le développement d’une identité partagée.

Fédérer le territoire autour de la protection et

de la gestion de la biodiversité est indispensable pour traiter la diversité et la typicité des paysages méditerranéens hypersensibles.

Être attentif

à l’importance des énergies renouvelables dans le développement des territoires ruraux et périurbains me semble être porteur pour une construction qualitative et exemplaire des paysages de Provence Verte.

Conserver

et valoriser le patrimoine, qu’il soit historique, écologique ou agricole, permettrait de consolider une identité territoriale qui s’effrite aujourd’hui sous les influences exogènes au territoire.

Ces trois axes amènent à des propositions d’actions raisonnées qu’elles soient énergétiques ou écologiques. Les actions qui seront développées dans la troisième partie mettront en avant une approche systémique dans les stratégies. Elles concerneront principalement la valorisation de l’héritage agricole des espaces méditerranéens aujourd’hui voués à se transformer d’une manière ou d’une autre.

Au travers de trois thématiques qui seront, «Habiter, Cultiver et Consommer», je tenterais d’imaginer des actions à mettre en oeuvre pour valoriser le patrimoine naturel et agricole des trois communes ciblées qui sont, le Val, Correns et Châteauvert. À partir d’un diagnostic territorial sur l’écologie du paysage et la compréhension du contexte régional du pays

de Provence Verte, cette partie amène vers une méthodologie de travail qui appréhende les mutations contemporaines en place sur les territoires d’étude afin d’identifier les conséquences spatiales du passage d’un territoire rural vers la périurbanité. Afin de préciser l’approche, le choix d’un gradient de périurbanisation associé à l’histoire des territoires ciblés m’a permis de traiter différentes situations de «pressions» anthropiques ou naturelles en prêtant attention aux espaces de contact entre les différents territoires de l’ager, du saltus et de la silva aujourd’hui. À la vue des variations contemporaines à la fois dans les frontières de ces territoires et dans les représentations socio-culturelles attachées à chacun au travers de l’histoire, cette partie propose d’organiser une méthodologie de projet qui prône la recherche des potentialités au travers de piliers vecteurs d’identité pour le territoire de Provence Verte: la biodiversité, les énergies renouvelables, l’agriculture et la périurbanité.

Ces piliers engagent chacun des outils à mobiliser pour passer de la théorie à l’action que ce soit le photovoltaïque, la diversification de l’agriculture par la culture de produits forestiers non ligneux ou l’utilisation de la biomasse.

Ces différents outils sont transversaux aux différentes échelles de l’aménagement mais possèdent des applications contextualisées.

Les cartographies de travail exposées dans cette partie et le document de travail qu’est le plan guide permettent d’appréhender les différents territoires concernés par les piliers de la transition. Les axes de réflexion mis en avant amènent par la suite à réfléchir à un protocole d’actions pour la transition écologique et énergétique des territoires d’étude.

115

« L’économie qui est la science sociale mathématiquement la plus avancée, est la science socialement la plus arriérée, car elle s’est abstraite des conditions géographiques, sociales, historiques, politiques, psychologiques et écologiques inséparables aux activités.»

Dans «Les Sept Savoirs nécessaires à l’éducation du futur» Edgar Morin

De la protection à la gestion, de la mise en valeur à la sensibilisation, cette partie propose des actions ciblées sur des espaces stratégiques sur les communes du Val, de Correns et de Châteauvert.

Les propositions de projet tentent de s’accorder avec les besoins des communes choisies selon le gradient de périurbanité défini précédemment.

Différentes méthodologies sont ici proposées afin de créer de nouvelles interactions entre les espaces habités, l’agriculture et les espaces naturels, tout en essayant de mettre en lien la transition énergétique et la transition écologique à l’échelle locale.

116

117

Protéger, Gérer Partager Les écosystèmes caractéristiques de l’aire biogéographique méditerranéenne connaissent donc aujourd’hui de nombreuses pressions, changement climatique, érosion, uniformisation des forêts de feuillus par la colonisation du pin, risques naturels...

Contrairement à la rive Sud du bassin méditerranéen où les forêts et les pâtures sont surexploitées, ce qui entraîne progressivement la désertification des paysages et l’érosion de la biodiversité, les principales menaces pour les paysages et la biodiversité concernant la rive Nord du bassin sont la disparition des milieux ouverts (garrigues, maquis, pelouses sèches) et l’abandon des pratiques agricoles traditionnelles. Ce constat amène donc à réfléchir à une gestion durable des forêts (silva) mais aussi des territoires qui s’épaississent et s’embroussaillent (saltus) sans oublier non plus l’importance des milieux ouverts, naturels, et anthropiques (ager).

Nous l’avons vu précédemment, aujourd’hui les forêts de Provence Verte sont mises sur le devant de la scène, qu’elles soient sources et ressources de biodiversité et d’idéal, ou terrain d’expérimentation des politiques énergétiques contemporaines (parc photovoltaïque, exploitation de la biomasse).

Mais malgré ces volontés émergentes de valorisation par l’exploitation de ces espaces naturels, il semble que le Nord de Provence Verte (au-dessus de l’autoroute qui coupe le territoire en deux) soit, aujourd’hui, un peu oublié en terme de politiques de protection et de conservation de la biodiversité.

Entre le futur Parc Naturel Régional de la Sainte-Baume au Sud et le Parc Naturel Régional du Verdon au Nord, le Pays de Provence

et

Fig. 56 - Les aires protégées à l’échelle régionale Source: C.R.I.G.E. P.A.C.A. -Illustration: A.M

Parcs Naturels Régionaux existants Parcs Naturels Régionaux en cours d’élaboration Parcs Nationaux terrestres

Verte se situe pourtant au sein d’un maillage de protection écologique dense.

Pourquoi alors ne pas réfléchir à une possible protection des paysages du Nord de Provence Verte en sachant en plus qu’ils abritent les sources de l’Argens, une des rivières les plus importantes du département, car le risque, est, que si on les soustraient de la dynamique de ces aires légalement protégées, ils risquent à terme de subir des dégradations galopantes liées au développement anarchique de l’urbanisation et à ses corollaires (pollutions, imperméabilisation des sols, monomodalité...).

De plus, les périmètres identifiés comme des périmètres en tension et en danger de mutation peuvent représenter des espaces laboratoires pour l’expérimentation d’actions de gestion, de protection ou d’exploitation en faveur du développement durable et de la transition écologique et énergétique.

Mais quelle échelle de protection? Un des outils qui pourrait permettre de modifier cette tendance pourrait être la création d’un Périmètre de Protection des Espaces Naturels et Agricoles Périurbains. La compétence dite «PPEANP», donne au Département la possibilité de créer des périmètres d’intervention en zone périurbaine en vue de protéger et mettre en valeur des espaces agricoles naturels et forestiers.

Cette compétence nouvelle créée par la loi sur le Développement des Territoires Ruraux (DTR) du 23 février 2005, est intégrée au Code de l’Urbanisme. Ainsi, le Département est acteur de l’organisation de l’espace périurbain et peut agir face à la pression foncière qui caractérise ces espaces.

118

Parcs Nationaux maritimes

Z.N.I.E.F.F. Terre Type 1 = secteurs précis ou stations Z.N.I.E.F.F. Terre Type 2 = grands ensembles naturels Z.N.I.E.F.F. géologique Espace Naturel Sensible Natura 2000 - Zone de Protection Simple Natura 2000 - Zone Spéciale de Conservation

-La Z.N.I.E.F.F. est un «inventaire scientifique» qui recense les écosystèmes riches ou contenant des espèces rares/menacées -Zone de Protection Spéciale (ZPS) : inspirée de la directive Oiseau (1979) -Zone Spéciale de Conservation (ZSC) : issue de la directive Habitat (1992)

Fig. 57 - Les politiques environnementales dans le territoire de Provence Verte - Source: E.I.E. S.Co.T. P.V.

119

L’autoroute coupe littéralement le territoire en deux et constitue la principale rupture aux continuités écologiques Nord/Sud

Des protections plus locales adaptées issues d’une volonté politique peuvent également venir compléter le dispositif et le rendre plus opérationnel à l’échelle communale. Par exemple, si l’on reprend le cas de la commune du Val, nous avons à quel point la pression foncière de Brignoles et donc les besoins en logement s’étendent au sein de son aire d’influence qui va jusqu’au Val. La logique des réseaux liée intrinsèquement à la périurbanisation entraîne le développement de l’habitat le long des axes et crée de véritables situations d’isolement de certains ilôts agricoles.

Or l’agriculture possède un rôle écologique considérable dans la conservation des milieux ouverts nécessaires à l’avifaune par exemple, sans oublier les autres rôles qui lui sont attachés (production locale, économique, gestionnaire des paysages...), ce qui en fait un motif paysager à protéger et à accompagner.

Au Val, ces espaces agricoles sont, de plus, inscrits dans des zones humides comme en témoigne la figure 59 ci-contre, qui représente le Plan d’Occupation des Sols du Val mis à jour en 2010. Des interactions écologiques entre des espaces «niches» (ruisseaux, ripisylves, prairies humides) et les espaces agricoles ouverts (garde manger, corridor et espace tampon avec les zones urbaines) se sont donc organisées. On peut voir ici (fig.

59) l’emprise considérable des nappes de pavillonnaires et les «enclos» générés autour des espaces agricoles.

visant à mieux prendre en compte la vulnérabilité de certains espaces agricoles face à la périurbanisation et à la construction d’infrastructures de diverses natures. Profitant du fait que le Val va de toute manière devoir réviser son P.O.S. pour l’actualiser en P.L.U. d’ici 2016 et se mettre en conformité avec la loi A.L.U.R., la stratégie ici consiste à proposer des espaces sensibles et potentiellement conservables par la mise en place de Z.A.P. .

Selon le code rural, une «zone agricole protégée» doit concerner des zones agricoles dont la préservation est d’intérêt général, en raison soit de la qualité de leur production, soit de leur situation géographique. Ici, l’intérêt est double: des qualités agronomiques de terroir et une proximité avec les espaces urbains qui peut être considérée comme «intérêt général» dans le sens où ces espaces ne font plus l’objet de spéculation foncière et les propriétaires ne sont plus enclins à laisser les terres s’enfricher en espérant qu’elles deviennent un jour constructibles.

1971

1983

D’autre part, selon l’association «Terre de Liens», la création de Z.A.P. peut avoir aussi des conséquences économiques favorables, dans le sens qu’elles permettent aussi de diminuer les prix du foncier agricole pour les jeunes agriculteurs qui veulent s’installer. N’étant plus du tout constructibles, ces espaces font moins l’objet de la spéculation immobilière et foncière qui font habituellement monter les prix du foncier en zone périurbaine.

Pour le Val, il s’agira déjà de classer ces zones en A sur le futur P.L.U. et pourquoi pas de les protéger. Mais les Z.A.P. n’assurent pas à elles seules le maintien des activités agricoles.

Aujourd’hui, des mesures de protection foncière contre les avancées urbaines sont possibles notamment grâce à la loi d’orientation agricole de 1999 qui a créé les Zone Agricoles Protégée (Z.A.P.). C’est un des outils de protection de l’aménagement du territoire,

120

1993

LE VAL

LE VAL

ANTICIPER LES DYNAMIQUES URBAINES AU VAL EN PROTÉGEANT LES ESPACES AGRICOLES.

Fig. 58 - La logique des voies de communication au Val et le passage d’un habitat dispersé organisé en domaine agricole aux nappes pavillonnaires contemporaines en l’espace de 30 ans - Source: I.G.N. - Illustration: A.M.

2003

N

0

1 km

Fig. 59 - Protéger et accompagner la biodiversité au Val Fonds: P.O.S. (S.I.G. Var) / Typologies de peuplements forestiers (Ofme) / Photographie aérienne 2010 (I.G.N.) - Illustration: A.M. Peuplements forestiers Taillis mixte

Futaie de conifère

Principaux axes de communications vecteurs d’urbanisation Secteurs agricoles «enclos» par l’urbanisation voués hypothétiquement à s’urbaniser lors de la réalisation du P.L.U. Péri tres de préfi uration pot étique des Z. .P. ettre en place sur la co une Espaces potentiellement exploitables par un parc photovoltaïque au sol

Forêt ouverte, garrigue et strates basses

Mélange futaie et taillis d’essences mixtes

Espaces naturels à risque à gérer: potentiellement in a ables et ou au contact de l urbanisation Zones humides à protéger Front hypothétique de redéploiement agricole en cas de perte par l’urbanisation = compensation sur des forêts ouvertes et mixtes

121

Localisation de la simulation de projet

À l’extrême Ouest de la commune, le Conseil Général a ouvert «la maison du goût» et propose un jardin de découverte pour tous les sens. À l’abri aujourd’hui de l’urbanisation diffuse et situé le long d’un axe de communication structurant, j’ai ici imaginé la réappropriation d’un terrain enfriché voisin afin de proposer un modèle de redéploiement agricole intégrant des objectifs de sobriété énergétique, de production locale de qualité et de viabilité économique.

Serre photovoltaïque

Ce

ntr

ale

J.P a

in

Il s’agit alors d’associer les cycles de production énergétiques et les cycles de productions alimentaires diverses. Il serait possible d’envisager des méthodes d’agro-foresterie, c’est à dire ici, associer des plantations d’arbres dans les cultures maraîchères, afin d’optimiser les productions entre les saisons.

Utiliser une serre photovoltaîque permettrait de tendre vers l’autonomie énergétique pour le fonctionnement des locaux et l’électricité renouvelable générée en surplus pourrait être une nouvelle source de revenu pour l’exploitant. D’autre part, la serre pourrait être le lieu d’expérimentation de nouvelles technologies: en la liant avec les «centrales de biomasse Jean Pain», des cuves pourraient récupérer les

Fig. 60 - Une exploitation expérimentale pour la maison du goût au Val

une culture ourra

122

Enfin, cet espace multifonctionnel pourrait aussi intégrer des méthodes de ventes directes afin de rapprocher le producteur des consommateurs tout en offrant la possibilité aux visiteurs (scolaires compris) d’être sensibilisés à de nouvelles méthodes culturales alternatives, énergétiques et écologiques.

A.M.

Il faudrait donc accompagner la création de Z.A.P. à de véritable partenariat avec les professionnels de l’agriculture (Chambre d’agriculture, Mutualité Sociale Agricole, lycée agricole, INRAP...) pour y assurer une mise en valeur pérenne, orientée vers une polyculture de proximité et intégrant des assolements à but énergétique en associant la culture du tournesol dans les cycles de production par exemple (tous les 5 ans) afin de produire de l’huile végétale pure, utile pour faire fonctionner les engins agricoles pendant l’année suivant la production, et permettant de diminuer les frais de fonctionnement des producteurs pendant ce temps Car au sein de ces zones NC (P.O.S.) ou A (P.L.U.) de nombreux terrains sont délaissés et s’enfrichent. Plus que la définition d’un périmètre, comment alors relancer le dynamisme agricole de ces espaces délaissés? Par la diversification?

En y associant des expérimentations liées aux énergies renouvelables? En constituant des Associations pour le Maintien de l’Agriculture Paysanne? ou des jardins partagés?

La méthode Jean Pain amènerait l’agro-écologie dans les méthodes agricoles afin d’associer le compostage naturel et la fertilisation des sols. Cette méthode tisse des liens invisibles entre les forêts et l’agriculture et permet de lutter contre l’emploi de produits phytosanitaires nocifs pour la biodiversité.

©

LE VAL

REDYNAMISER ET DIVERSIFIER L’AGRICULTURE AU TRAVERS DE LA PRODUCTION DE FERTILITÉ ET DE LA CONSOMMATION D’ÉNERGIES RENOUVELABLES.

rejets de gaz des décantations de compost et ainsi constituer de nouvelles réserves énergétiques qui pourront être au service du quotidien (engins agricoles, appareils ménagers...).

re en déprise vers la diversification des pratiques culturales.

123

.

oréni

LE VAL

En intégrant, énergies renouvelables et systèmes de production associatifs (A.M.A.P.), cette parcelle pourrait devenir un espace expérimental d’intérêt général pour la commune et pour la coopération intercommunale, en terme énergétique, culturel et économique, qui bénéficierait peut-être d’aides financières européennes pour le développement des énergies alternatives.

Localisation de la simulation de projet

La méthode de réflexion s’appuie ici sur le patrimoine historique que représente pour la commune le château de Jean Val et consiste à réfléchir en parallèle à de nouveaux usages à attribuer à ses espaces agricoles enfrichés.

Pourquoi alors ne pas imaginer un parc agricole périurbain au sein même de la Z.A.P. ? En effet, si l’on inverse la perception d’un paysage lié à l’enclos, le secteur apparaît être un espace de respiration et un espace carrefour entre le centre-ville et les «faubourgs» périurbains à l’Ouest.

La modélisation propose donc ici une vision projetée de la requalification des terrains enfrichés du château vers «un parc agricole

Ce «parc du château» pourrait être un corridor écologique et humain au service des déplacements et favorables au maintien du cadre de vie bucolique recherché par les populations urbaines venant habiter à la «campagne».

L’aménagement d’un parc au sein d’une zone agricole protégé rendrait alors possible le maintien de l’activité agricole tout en offrant au cadre de vie périurbain un «coeur de nature partagé» aux temporalités évolutives, entre le naturel, l’agricole et l’urbain.

A.M.

Dans l’optique d’un scénario au «fil de l’eau»1 du SCoT qui prévoit un accroissement démographique considérable dans le comté de Provence et donc une évolution positive des tâches urbaines des communes les plus polarisantes, on peut penser que ces espaces «enclos» sont susceptibles de se transformer dans les années à venir. À la suite de ma réflexion préalable sur les Z.A.P., l’exemple proposé ici amène à réfléchir sur le rôle futur de ces terrains agricoles et enfrichés au contact proche avec la périurbanisation.

du château», espace de respiration protégé, où le paysage agricole et les zones humides incarnent une dimension pittoresque tout en offrant la création d’un espace-mouvement transversal au service des mobilités douces pour l’Ouest de la communes.

©

Plus proche du centre-ville du Val, on retrouve ces parcelles agricoles dites «encloses» par le modèle d’habitat pavillonnaire en nappe. Au sein de cet espace se trouvent aujourd’hui les ruines du château de Jean Val, quelques terrasses enfrichées sur la propriété et un petit ruisseau qui crée de légères zones humides.

Envisager la reconversion de secteurs agricoles sous pressions, tels que ceux autour du château de Jean Val, au travers d’une typologie de parc, permet de requestionner les frontières entre l’urbanité et la ruralité et donc les territoires de la périurbanité. Si la périurbanité s’incarne dans la mobilité, peut-être que «l’ouverture au mouvement» de certain espaces agricoles au ralenti pourrait être une des voies vers la diminution de la suprématie automobile et permettrait la diversification des mailles du tissu pavillonnaire périurbain qui tend à banaliser les paysages en reproduisant sans cesse un modèle unique.

Le château de Jean Val

Cette vision amène simplement à réfléchir à l’avenir de ces espaces agricoles qui subissent la déprise et se révèlent sous pressions foncières. Tout en protégeant ces espaces contre l’avancée de l’urbanisation, pourquoi ne pas les envisager comme des espaces «ouverts» et pratiqués par les populations en leur attribuant de nouvelles fonctions, peut-être plus «urbaines» à l’image d’un parc symbole d’espace à partager. Il pourrait influencer la vie quotidienne des habitants de l’Ouest du Val désirant aller profiter des services du centre-ville par exemple (marché, restaurants, offres culturelles...), et ainsi offrir un espace de respiration aux populations de la commune tout en représentant un territoire de négociation entre pratiques urbaines de proximité et paysage rural pittoresque.

1- Se dit d’une évolution constante des dynamiques considérées, ici la démographie et l’urbanisation.

Fig. 61 - Protéger et aménager les espaces agricoles sous pressions: une vision du parc agricole du château de Jean Val, un espace rurbain partagé. © A. Moréni

124

125

LE VAL

LE VAL

CRÉER DE NOUVELLES CONFLUENCES URBAINES: LE PARC AGRICOLE DU CHÂTEAU DE JEAN VAL, UNE POSITION D’’INTERFACE.

Après avoir questionné les limites et les usages de certains espaces agricoles aux contacts plus ou moins proches de l’urbanisation, il s’agit ici de réfléchir à la gestion des lisières entre les espaces naturels et la typologie d’habitat diffus (au Val ou dans de nombreuses communes) qui remontent progressivement les pentes boisées ou qui quelquefois s’implantent à même les massifs sous forme de «clairières». Aujourd’hui si on appelle cette forme d’habitat, «diffuse», c’est bien parce que les limites qu’elle génère dans le paysage sont floues voire invisibles. À vouloir un cadre de vie «immergé» dans les espaces naturels, les populations sont fortement exposées au risque incendie renforcé par les continuités végétales.

Comment alors envisager une gestion écologique des risques par la gestion des lisières?

Les simulations réalisées sur les coupes ci-dessous représentent des espaces de pentes boisées habitées. On peut voir sur la figure 62 la représentation des continuités végétales crées soit par les feuillages des grands sujets soit par les strates basses arbustives et herbacées. Ce sont ces continuités qui sont remises en cause ici.

nière méditerranéenne qui nécessite de la lumière mais qui n’est pas exigeant concernant les types de sols; ou encore le chêne blanc (ou pubescent) dont la futaie jardinée représenterait une typologie de forêt semi-ouverte tendant vers la maturité.

Dans une volonté d’affirmation des frontières entre espaces habités de manière diffuse et espaces naturels, la figure 63 propose différentes stratégies de traitement des limites entre l’amont et l’aval. Il s’agira premièrement d’envisager systématiquement une voie de contournement et de lutte contre les incendies en amont des lotissements, elle pourrait par ailleurs représenter un sentier pour les habitants.

Enfin, la question des haies privées et des continuités qu’elles procurent reste problématique, peut-être faudrait-il envisager des préconisations de végétaux à utiliser pour diversifier les jardins et limiter les risques? Ou peut-être réfléchir à une nouvelle matérialisation de ses limites? De nouveaux matériaux moins combustibles? En tout cas, la méthodologie ici cherche à redéfinir les frontières entre les espaces naturels et l’habitat diffus en envisageant le traitement d’une limite à la fois franche pour la strate arborée et progressive pour les strates basses.

L’objectif ici consiste à travailler sur la clarification des limites entre la silva et la forêt habitée.

Il s’agira par la suite d’envisager un éclaircissement des sous-bois sur une distance d’au moins 150 mètres, c’est à dire d’épaissir la gestion de la lisière au travers de méthodes de gestion durable sylvo-pastorale associant donc: la gestion des strates basses par émondage, débroussaillage et pastoralisme et une gestion sylvicole qui s’emploierait à court-circuiter la conquête des résineux dans les pentes en implantant de nouvelles espèces de feuillus capables de rejeter des souches et de former un humus actif, le frêne à fleurs par exemple qui supporte remarquablement la sécheresse et pousse sur les pentes arides; le cormier, qui est une espèce post-pion-

LE VAL

LE VAL

CLARIFIER LES FRONTIÈRES ENTRE LA SILVA ET LES ESPACES HABITÉS PAR DES MÉTHODES DE GESTION SYNERGIQUES.

Fi .

- u ou conte porain au interactions durables entre la silva et l abitat di us. eprésentation sc é atique des éc an es possibles au sein du couple ilieu orestiers abitat di us Illustration: . .

P.F.N.L.: Produits Forestiers Non Ligneux C a pi nons ruits eurs raines...

Diminution du risque incendie Ouverture de l’écotone, et entretien des strates basses.

Vers de nouvelles lisières: d’avantage dans l’épaisseur que dans le rapport frontal avec possibilité de création d’une voie de contournement en amont des lotissements

Prélèvement de la biomasse des strates basses

Écotone For t-Habitat ou Connectivité vé étale u entation du risque incendie Propa ation des a es par le euilla e et la strate erbacée - Haies privées Continuité vé étale Propa ation au sol accrue Fig. 62 - Coupe schématique du risque incendie liée aux continuités végétales entre la silva et les habitations individuelles qui remontent les pentes, le plus souvent au Sud - Illustration: A.M.

126

Discontinuité végétale = Diminution du risque incendie Traitement possible des limites Haut/Bas par des enrochements et des ardins secs éditerranéens (a ave fi uier de barbarie ri es de sorci re...)

Fig. 63 - Caractérisation des limites entre les pentes boisées habitées et la silva par un «aménagement-frontière» (la voie de contournement) et une gestion sylvicole et/ou pastorale des sous-bois à proximité des habitations - Illustration: A.M.

127

La dynamique des lisières naturelles en cours de densification (caractérisées le plus souvent par des populations de pins jeunes au bas des pentes et des sous-bois ayant des taux de recouvrement très élévés) sont observables sur la commune de Correns. La surface de la commune étant recouvert à 72 % d’espaces forestiers, les dynamiques naturelles représentent des enjeux pour la biodiversité et l’écologie, la gestion des risques, l’économie du territoire communal ou encore la banalisation des paysages de pentes avec la disparition progressive du motif patrimonial de la restanque méditerranéenne en pierres sèches.

Dans cette commune où les pratiques agricoles de terroir possèdent un label biologique, et sont encore très dynamiques aujourd’hui grâce notamment à une politique communale volontariste. Ce dynamisme attire les jeunes agriculteurs sensibilisés à l’agro-écologie et au développement durable mais les demandes pour acquérir des terres cultivables aujourd’hui ne peuvent aboutir faute d’espaces disponibles pour l’agriculture (entretien M. Latz, maire de Correns, président du syndicat mixte de Provence Verte et vigneron).

Travailler sur l’épaisseur des frontières entre les territoires agricoles et les espaces forestiers semble alors pouvoir être un levier pour accompagner le dynamisme agricole de la commune en réouvrant les parcelles les plus accessibles, anciennement cultivées mais enfrichées aujourd’ hui, et en utilisant des méthodes culturales d’agro-foresterie par exemple, associant sylviculture, arboriculture et produits forestiers non ligneux.

D’autre part, il me semble indispensable du lutter contre la banalisation des paysages de pentes par la progression des pinèdes qui viennent effacer progressivement tout le travail de terrassement effectué par des générations de paysans luttant contre les difficultés du relief et la schizophrénie du climat méditerranéen. Pourquoi ne pas organiser alors un redéploiment de l’agriculture dans ces espaces identitaires et représentant les empreintes de l’histoire rurale de la commune?

Il faudrait passer outre deux limites: la pente implique l’implantation de cultures nécessitant peu d’entretien afin de minimiser les coûts de fonctionnement et de viabilisation des parcelles; et la pauvreté des sols qui ne permet pas n’importe quelles cultures. Mais si l’on implique la question économique dans ces stratégies et que l’on réfléchit à un travail énergétique en amont, préparer en premier lieu un plan de descente énergétique à l’échelle de la commune (en conciliant, parc photovoltaïque en forêt et valorisation de la biomasse par broyage/compostage) permettrait d’emmagasiner de nouvelles économies qui pourront être par la suite ré-injectées dans la viabilisation de projets agricoles, qu’ils soient privés ou collectifs. La commune pourrait alors créer une association à son image («Tous producteurs, tous acteurs pour la transition») afin de gérer ses propres financements pour la mise en place de projets alternatifs et augmenter ses forces de proposition pour la gestion et la fabrication des paysages de transition.

Il s’agit donc d’imaginer les énergies alternatives au service de l’agro-écologie et de la préservation des identités paysagères. Dans ce cas, la transition énergétique est absorbée dans l’objectif de transition écologique et de protection de la biodiversité. On pourrait donc envisager une actualisation écolo-économiques des pratiques culturales locales.

128

Fig. 64 - Mouvements des lisières entre l’agriculture et la forêt à Correns. En 100 ans, l’agriculture garde une place dynamique mais le patrimoine des restanques en pierres sèches tend à s esto per au profit de la pin de conquérente - Source: I. .N. - Illustration: . .

1918

1960

1988

2011

Coeur de biodiversité Natura 2000 - Z.N.I.E.F.F.

CORRENS

CORRENS

ACCOMPAGNER, RENFORCER ET PARTAGER LE DYNAMISME AGRICOLE DE CORRENS.

Recyclage de la biomasse des futaies de pins et des forêts mixtes Implantation d’un centre de broyage et compostage en zone UB Périmètre d’expérimentation pour la restauration écologique selon la méthode Jean Pain Espaces naturels soumis aux risques incendies à gérer par le prélèvement de biomasse Paysages agricoles remarquables à restaurer et à valoriser (terrasses par ex.)

Espaces potentiels pour le développement de parc photovoltaïque

0

1 km

Fi .

- edéfinir les ronti res des espaces a ricoles et valoriser le patri oine des terrasses Correns - Fonds: P.O.S. (S.I. . ar) polo ies de peuple ents orestiers (O e) P oto rap ie aérienne 2 1 (I. .N.) - Illustration: . .

Peuplements forestiers Taillis mixte

Futaie de conifère

Principaux axes de communications vecteurs d’urbanisation

Forêt ouverte, garrigue et strates basses

Mélange futaie et taillis d’essences mixtes

Espaces naturels à risque à gérer: potentiellement in a ables et ou au contact de l urbanisation

129

Localisation de la simulation de projet

Principes de gestion

©

A.M.

Bûcheronnage, élagage, émondage, débroussaillage Sylvo-pastoralisme Recyclage de la biomasse forestière Aggradation/Fertilisation naturelles des sols

Technologies envisagées

A.M.

Énergie solaire (fermes ou particuliers)

©

En plein cœur de la commune, sur les reliefs qui ne dépassent pas les 350 mètres au Sud-Ouest du centre-ville, les pinèdes de Bélair et des Caounes et les forêts ouvertes autour du domaine des Bréguières pourraient se prêter à des expérimentations agro-sylvicoles. Représentant les limites physiques des paysages agricoles associant vignes et oliveraies sous forme de «clairière», ces espaces forestiers subissent l’enrésinement des massifs, favorisant ainsi le risque incendie et la monospécificité progressive de la strate arborée.

Une gestion de l’accroissement des massifs forestiers par prélèvement raisonné de biomasse des résineux et des broussailles permettrait de diminuer le risque «feu» tout en permettant le développement d’une filière locale de compostage (peut-être associative et qui s’intégrerait à l’A.M.A.P. Bois déjà crée à Correns) qui viendrait redistribuer de l’humus fertile pour les différentes cultures communales et les jardins particuliers. Il s’agit de faire interagir les potentialités d’une méthode de gestion alternative des forêts et des sous-forêts avec les potentialités de production agricoles in-situ.

Peut-être que l’utilisation de compost de broussailles entre les rangs de vigne empêcherait le développement des advenctices et serait un principe d’actualisation vers la fertilisation agro-écologique des sols. Le compostage par entretien des lisières permettrait de redonner un potentiel agronomique aux anciennes terrasses enfrichées et ainsi l’implantation de petites parcelles de vignes ou de plantations d’olivier.

Fig. 71 - De nouvelles synergies écologiques et énergétiques contemporaines au sein des interaction entre la silva et l’ager - Illustration: A.M.

CORRENS

CORRENS

DES LISIÈRES VIVANTES ET FERTILES ENTRE L’AGRICULTURE ET LA FORÊT.

Broyage de la biomasse des espaces naturels et des jardins Centrale de biomasse Jean Pain - Compostage Biogaz produit par la centrale Jean Pain

Fig. 70 - Schématisation du phénomène d’enrésinement des bas de pentes en forêts mixtes (taillis mélangés, futaies de conifères) au contact de l’agriculture, principale dynamique responsable de l e ace ent d anciennes terrasses a ricoles - Illustration: . .

Fi . 72 - Sc é atisation des e ets d un éclaircisse ent d un écotone or t-a riculture sur la redéfinition des ronti res de la silva tout en o rant l ouverture de nouveau espaces a ricoles ertilisés r ce un travail de la bio asse récoltée apr s dé ric e ent et a éna e ent - Illustration: . .

130

131

Localisation de la simulation de projet

LA RESTAURATION DU PATRIMOINE AGRICOLE COMME OUTILS DE SENSIBILISATION

C’est le cas de l’exemple choisi en illustration.

En sortant du village et en se dirigeant sur la route vers le vallon Sourn, on peut apercevoir un relief particulièrement travaillé en terrasses et qui accueille encore une grande oliveraie. Il s’agit ici d’une part, de réhabiliter une partie de ce versant Sud témoin, de mettre en évidence que la gestion et l’entretien des espaces forestiers au service du maintien de l’agriculture de pente peuvent aussi amener la sensibilisation et la communication au sein des espaces qui s’y prêtent le mieux. Il semble difficile d’emmener le visiteur observer les effets des méthodes de gestion durable dans les pinèdes autour du domaine des Bréguières mais en revanche, ce genre d’espace ouvert au niveau du «Plan» (fig. 73) pourrait devenir un lieu extérieur de communication au public pour le sensibiliser aux alternatives potentielles expérimentées sur la commune.

Car si la transition écologique ou énergétique peut être silencieuse, invisible ou difficilement discernable dans les paysages,

Pourquoi ne pas prendre exemple sur cette association mais en l’adaptant au sein d’une vision écosystémique des pratiques de conservation, de gestion et d’entretien des paysages de Provence Verte? On aurait peut-être alors la possibilité de créer différentes formations: «technicien biomasse», technicien «agro-forestier», technicien pierresèche, «agronome des simples» (herboriste) ou d’autres...

132

A.M.

il faut en parallèle qu’elle soit un support socio-écologique pour la sensibilisation, l’éducation et la formation aux métiers d’avenir et pour la création des structures nécessaires à leur mise en œuvre ainsi qu’au partage de connaissances au service de la valorisation des patrimoines naturels et bâtis, des savoirs-faire constructifs et des paysages ruraux de Provence (élagueur, technicien en pierres sèches, centre de compostage, association).

Pour cela, je propose de prendre exemple ou même de s’appuyer sur l’association «Alpes de lumière» fondée par Pierre Martel en 1953 dans un contexte d’après-guerre dans les Basses-Alpes, et qui oeuvre en faveur du patrimoine rural, naturel et anthropique, de la Provence. Cette association amène la réflexion vers l’action, en apprenant du passé pour se projeter vers l’avenir et en proposant des animations territoriales (conférences, visites de sites, expositions), des chantiers bénévoles mais aussi des formations professionnelles (technicien pierre sèche, valorisateur de patrimoine, artisan du territoire).

©

Il s’agit alors d’envisager l’accroissement de la biomasse forestière comme un potentiel de fabrication énergétique au service de la gestion de l’écotone agriculture-forêt dans cette commune. L’exemple précédent incarnait une agriculture presque «invisible» si on ne va pas la chercher dans le paysage. En revanche, lorsque l’on se trouve dans la dépression de l’Argens à Correns, les reliefs boisés vous encerclant constituent les repères visuels et les limites physiques des paysages. Selon son point de vue, l’habitant, le visiteur ou le touriste pourra croiser du regard des paysages remarquables de terrasses agricoles dont certaines encore visibles, sont symboles de l’identité du terroir de Correns et de l’histoire agricole méditerranéenne.

Un versant Sud où poussent les oliviers est aujourd’hui colonisé progressivement par la pinède.

Pourquoi ne pas ce servir de cette parcelle comme support visible de communication sur les étapes de fabrication de ce faciès paysager typiquement provençal, de la gestion à la matérialisation?

Fig. 73 - Vision symbolisant la mise en lumière du patrimoine rural provençal de Correns par des méthodes de communication et de sensibilisation autour des pratiques passées et d’avenir. © A.Moréni

133

CORRENS

CORRENS

ET DE COMMUNICATION.

Par ailleurs, on peut imaginer d’autres vocations pour ces espaces agricoles patrimoniaux en friche, cela dépend des stratégies à mettre en oeuvre. En reprenant l’exemple de l’association «Alpes de lumière», pourquoi ne pas cibler certains espaces et les mettre à disposition de chantiers de formation ou de chantier bénévole? Cette méthodologie de chantier permettrait d’engager un modèle de formation participatif et in-situ pour les personnes désirant acquérir une certaine formation ou simplement les amoureux du patrimoine rural de leur commune et de Provence.

A.M.

© A.M.

Aujourd’hui, c’est un paysage de forêt ouverte que l’on rencontre, entre zones de pleine lumière et secteurs à l’ombre. On retrouve inévitablement les pins colonisateurs, des chênes blancs encore nombreux, des chênes verts et certaines espèces significatives des garrigues épineuses telles que le genévrier cade ou le chêne kermes.

Chemin de transhumance ou «Carraire»

©

C’est le cas pour ces paysages de terrasses orientées au Sud qui se situent derrière le domaine des Vieras, au Nord-Est du centreville et sur le chemin amenant au domaine de Palière. Ici, ces espaces témoignent des efforts considérables que les paysans ont dû fournir pour viabiliser les pentes en faveur de l’agriculture. Les empreintes sont omniprésentes, de l’ancien abris au chemin de transhumance ou «carraire», ce vallon incarne l’histoire agro-pastorale de la commune.

Four à cade ou abris?

©

A.M.

Cet espace m’est apparu être un vallon exposé Sud, privilégié pour le développement de la culture de produits forestiers non ligneux, en considérant toutes les strates végétales, de l’arbre aux champignons, des fruits aux herbes aromatiques et médicinales.

Le motif de la terrasse omniprésent dans ce vallon

134

CORRENS

CORRENS

DÉVELOPPER DES LABORATOIRES EXPÉRIMENTAUX: L’AGRO-ÉCOLOGIE AU SERVICE DU PATRIMOINE.

Fig. 74 - Processus de viabilisation de terrasses agricoles oubliées par l’association de cultures de produits forestiers non ligneux et sylvicoles par l’intermédiaire d’un chantier de formation aux méthodes Jean Pain et à la restauration des restanques en pierres sèches. © A.Moréni

135

Pourquoi alors ne pas rêver dans ces espaces empreints d’histoire, à une valorisation et une gestion collective de ces paysages aujourd’hui naturels? Employer la méthodologie du chantier formation ou chantier bénévole semble être une formule intéressante pour la fabrication du projet. Quelle vocation alors pour ces espaces? Relativement pauvres agronomiquement, se trouvant sur des terrains en pente et associant ombre et lumière, ma vision de ce vallon terrassé (fig.74) s’oriente vers un jardin des simples, associant des aromatiques et des médicinales endémiques donc, avec des méthodes arboricoles (olivier, figuier) et sylvicoles (taillis de chênes blancs, futaie de chêne vert...).

Il s’agira alors après une analyse agronomique des sols et un diagnostic des expositions présentes sur le site d’entreprendre soit des éclaircissements favorables au développement d’espèces héliophiles (thym, romarin, lavande), soit de conserver des espaces à l’ombre afin de mettre en place des cultures de plantes aromatiques et médicinales de sous-bois. Car si ces cultures ne sont pas tant demandeuses en main d’œuvre, elles peuvent être par contre compétitives sur le marché local, régional voire national.

En effet, si on admet le potentiel lié aux différentes transformations possibles avec les herbes aromatiques et médicinales (distillation, huiles essentielles, condiments, bio-médication) on peut vite mettre en lien ces méthodes culturales avec des filières orientées vers l’agro-alimentaire, la santé ou le médical.

Cette vision cherche à promouvoir la valorisation de toutes les strates des faciès forestiers typiques méditerranéens en tenant compte

de l’énorme potentiel de produits non ligneux offerts par le climat méditerranéen.

Ce type d’espace tend à amener la notion de jardinage dans la forêt en proposant le développement d’un jardin agro-forestier expérimental qui pourrait mettre en lien des connaissances herboristes, sylvicoles et agricoles afin de participer à l’échange de savoirs-faire et de techniques culturales typiques méditerranéennes.

Car lorsque l’on réfléchit en terme d’association et d’interaction, les végétaux offrent de nombreuses possibilités et de nombreux débouchés.

Il s’agit alors par la suite d’envisager des circuits de valorisation de ses productions tant locaux et intercommunaux que plus larges. Imaginons alors des terrasses associant gestion collective et exploitant privé, supportant des cultures endémiques typiques (romarin, thym, verveine) qui permettraient à la commune de contractualiser et d’attirer des entreprises comme Caudalie ou d’autres (orientant les produits finis vers une qualité biologique ou naturelle reconnue - cosmétique, parfums, soins divers) ou des entreprises bio-thérapeutiques dans l’objectif de valoriser les produits tout en permettant de créer de la valeur ajoutée à ses cultures.

Il s’agit simplement de mettre en évidence que pour valoriser l’identité locale d’un terroir, il n’ y a pas que le chemin de la spécialisation agricole mais aussi celui de la diversification, de la protection et du jardin, qui amène dans ces pratiques à considérer l’entière architecture multi-strate des espaces naturels et les interactions biologiques qui s’opèrent entre ces strates, sans tendre vers une artificialisation représentative de l’ager contemporain.

Imaginons par ailleurs que cette restauration écologique et paysagère permette l’implantation de ruches au sein même de ce jardin de produits forestiers non ligneux.

Une nouvelle ramification apparaît, une nouvelle filière rentre en interaction au sein de l’écosystème durable permis par la valorisation des potentialités écologiques et économiques.

Voilà, l’objectif affiché: identifier les potentialités des territoires naturels et agricoles afin de chercher les synergies durables à mettre en place pour la conservation et la valorisation de la typicité méditerranéenne par des principes culturaux adaptés aux spécificités géo-climatiques locales et inscrits dans des systèmes plus larges.

136

On peut par exemple réintégrer la pratique du lessivage des olives à la cendre de fenouil, en cultivant ce dernier dans cet herbier provençal et en le réassociant dans le cycle de production des olives de Correns.

L’agro-écologie (et notamment l’agro-foresterie) apparaît alors comme une méthode durable permettant, en l’associant avec la méthode de compostage Jean Pain, de lier l’exploitation de la biomasse forestière au service de la fertilisation des sols pauvres et de cultures de nouveaux genres.

CORRENS

CORRENS

IMPLIQUER L’INTÉGRALITÉ DE L’ARCHITECTURE VÉGÉTALE POUR VIABILISER L’AGRICULTURE DE PRODUITS FORESTIERS NON LIGNEUX.

Fig. 75 - Exemple de planche d’herbier provençal contenant certaines espèces à valoriser pour développer une «éco-culture» de valorisation de la strate herbacée en Provence entre aromatiques et médicinales. Illustration A. M.

L’agro-écologie constitue un modèle de gestion dont le pays de Provence Verte se doit de s’approprier dans la gestion raisonnée des interfaces entre les espaces naturels et agricoles, des lisières entre les territoires de l’ager et de la silva.

On retrouve les inconditionnelles méditerranéennes telles que le romarin, le thym, la verneine, le fenouil, le laurier sauce, l’asperge sauvage, et bien d’autre, le basilic, la menthe, la bourache, la lavande, la germandrée, la sauge, la sariette, le millepertuis, l’estragon, la coriandre....

La notion d’interactivité entre les territoires d’exploitation et de production peut-elle alors permettre la viabilisation à long terme de ces cultures? Quels modèles expérimenter?

137

ACTUALISER LES FONCTIONS DU SALTUS EN RÉOUVRANT DES ITINÉRAIRES FORESTIERS: LE PARCOURS COMME DÉCOUVERTE DES EMPREINTES PASTORALES.

Les espaces naturels et forestiers caractérisés par un mélange de futaie, de taillis et de forêt ouverte, représentent le principal motif paysager de la commune, accompagné des espaces agricoles en fond de vallée et de la rivière Argens qui apporte fraîcheur et paysages remarquables. Ce cadre attractif, dont l’espace naturel sensible du vallon Sourn (falaises abruptes) fait parti, oriente la commune vers un tourisme vert loin du tourisme de masse, qui privilégie gites ruraux et activités de nature (kayak, escalade..) ainsi qu’une offre culturelle orientée vers le patrimoine médiéval et les arts.

Ce territoire connaît donc des dynamiques anthropiques relativement lentes avec une faible croissance démographique et des activités touristiques saisonnières. En revanche, cette commune sur le chemin du Verdon et de la Haute-Provence était autrefois un immense saltus, c’est à dire que les reliefs boisés représentaient des espaces de parcours pour les éleveurs et leurs bétails, qui se déplacer entre les fonds de vallée et les sommets.

Si l’on observe les photographies aériennes anciennes mises à disposition par l’I.G.N. sur Géoportail, on peut observer des 1958 les nombreux sentiers utilisés dans la forêt.

Afin de s’inscrire dans l’histoire communale et dans les vocations touristiques contemporaines de Châteauvert, la démarche de projet proposée ici cherche à refaire vivre cette notion de parcours dans les espaces naturels, afin d’une part, de réinscrire un modèle de gestion durable des massifs par le pastoralisme et d’autre part, d’ouvrir ces sentiers au public afin d’engager un travail de sensibilisation aux empreintes pastorales dans le paysage.

Loin d’imaginer un «espace plein» comme on pouvait considérer les forêts du Moyen-Âge très utilisées, il s’agit ici de développer des itinéraires de découverte du patrimoine architectural agricole des clairières difficilement discernable et non indiqué aujourd’hui sur la commune. Ces itinéraires passeraient sur d’anciennes drailles ou carraires (chemin de transhumance), symboles des coutumes instaurées par les comptes de Provence depuis le 11ème siècle.

Associée à Correns qui met déjà en place une gestion pastorale de sa forêt communale, Châteauvert pourrait entreprendre une réouverture pastorale de ces chemins historiques sous forêt au service de la gestion du risque incendie, d’un entretien écologique des massifs et du renforcement de l’identité de parcours des forêts du territoire communal qui pourraient être ouvertes au public.

Les forêts étant totalement privatisées sur la commune, un des enjeux prépondérant ici est l’intégration de la gestion pastorale au sein

138

1958

1984

2003

2011

Parcelle repère

0

1 km

Espaces naturels les plus sensibles à préserver et à gérer durablement Espace Naturel Sensible du Vallon Sourn Espaces d’escalade

CHÂTEAUVERT

CHÂTEAUVERT

Petite commune avec 82 % de sa surface recouverte de forêts en totalité privées, Châteauvert et sa configuration en hameaux sans coeur de village est un territoire d’accueil unique en son genre, encore confirmé de nos jours par ses plus récents habitants venus y exploiter des vignobles réputés, ou des artistes, peintres, sculpteurs, musiciens, qui y travaillent au calme avant d’exposer en France et dans le monde entier.

Fig. 76 - Épaississement forestier à Châteauvert. En 50 ans, les lisières agriculture/forêt sont restées pratiquement identiques en revanc e c est l intérieur des assi s qui a évolué en se densifiant. Les no breu c e ins pastorau présents sur la co une sont au ourd ui «avalés» par des or ts i tes - Source: I. .N.

On peut voir par ailleurs que les territoires cultivés étaient un peu plus présents sur la commune mais ont régressé aux profits de l’épaississement des lisières forestières. Nous avons donc là une double dynamique, des lisières et des coeurs de massifs, qui tend vers une densification des espaces et donc vers une augmentation de la biomasse forestières et du risque incendie associé.

Mises à l’eau pour kayak Architecture agricole remarquable Réouverture de sentiers pastoraux au public Zones humides à préserver et à accompagner Urbanisation le long des axes de pénétration principaux à surveiller et accompagner Espaces naturels potentiels pour l’implantation de parc photovoltaïque Espaces boisés classés à accompagner et à valoriser Principaux axes de communications vecteurs d’urbanisation Fig. 77 - Favoriser le tourisme vert à Châteauvert: À la redécouverte du saltus - Fonds: P.O.S. (S.I.G. Var) / Typologies de peuplements forestiers (Ofme) / Photographie aérienne 2010 (I.G.N.) - Illustration: A.M. Peuplements forestiers Futaie de conifère

Forêt ouverte, garrigue et strates basses

Mélange futaie et taillis d’essences mixtes

Espaces naturels à risque à gérer: potentiellement in a ables et ou au contact de l urbanisation

139

des «Plan Simple de Gestion» des propriétés faisant plus de 25 Ha qu’un possible conventionnement avec le Conseil Général pour rendre un parcours possible sur des parcelles privées.

Pourquoi ne pas envisager alors juridiquement d’une part, une actualisation des documents de gestion forestière qui intègreraient dans le futur de possibles «servitudes de restauration écologique patrimoniale» et d’autre part, imaginer un document de gestion plus large et englobant les parcelles forestières concernées afin d’engager un projet de coopération public/privé qui permettrait de développer sur la commune un «parcours paysage» afin:

CHÂTEAUVERT

La figure 78 ci-contre représente un exemple de processus de restauration écologique d’un ancien chemin de transhumance forestier.

Il s’agit tout d’abord de rechercher les traces, les empreintes laissées par l’histoire pastorale.

Le plus souvent, il faut repérer des murs en pierres sèches qui matérialisent un passage, des sentiers empierrés ou encore la présence du Brome érigé (Bromus Erectus), herbacée relique d’un ancien espace pâturé.

Ce repérage d’anciens tracés peut être acoompagné d’un travail de localisation sur cartographies ou photographies aériennes anciennes afin de pouvoir géolocaliser précisément ses couloirs de mouvement dans le paysage.

1

Le principal effet du pâturage en forêt est le développement des strates basses épineuses et toxiques laissées sur place par les troupeaux qui ne les affectionnent pas. La guarrigue dense se transforme alors progressivement en lande de chêne kermès par exemple.

Le surpâturage peut donc représenter un risque pour la diversité des sous-forêts méditerranéennes mais il est loin d’être d’actualité sur la rive Nord du bassin méditerranéen.

2

Une gestion durable pastorale pourrait donc être un moyen économique et écologique de réouvrir des parcours en forêt afin que le public puisse vivre l’expérience des mouvements historiques des anciens bergers provençaux sur le chemin des alpages.

Cette stratégie amène à vivre de nouveaux des paysages anciennement très pratiqués mais en amenant la notion de projet de paysage pédagogique à la recherche des traces de l’histoire agraire provençale.

3

C’est pourquoi, plutôt que de parler ici d’énergie, mettre l’accent à Châteauvert sur de possibles itinéraires de découverte, amène à réfléchir sur les potentialités sociales d’un projet local de restauration patrimoniale.

En faveur de la fabrication collective des paysages, la transition écologique devient une méthodologie de gestion intégratrice à l’interface des pratiques antropiques (anciennes et futures) et des dynamiques naturelles.

140

Fig. 78 - Sur les traces des carraires, processus de réouverture au public d’un ancien chemin de transhumance. La recherche des empreintes au service de la fabrication d’un projet de paysage pédagogique et écologique. © A. Moréni

141

CHÂTEAUVERT

- de donner des clefs de lecture concernant les empreintes laissées par l’histoire pastorale sur les paysages; - d’aborder l’aspect évolutif des paysages et des pratiques forestières; - d’offrir des itinéraires de nature où il est possible de rencontrer les acteurs participant à la fabrication des paysages de Châteauvert, agriculteurs ou éleveurs et; - de réaffirmer le rôle social des paysages de saltus oubliés aujourd’hui.

Dans un deuxième temps, la gestion pastorale permet alors de défricher naturellement le chemin et ses abords. Si on l’associe à une gestion sylvicole, on se retrouve dans la situation n°2, où les principaux arbustes et petits sujets ont été élagué et où les strates basses ont été éclaircies par les bêtes.

LA PENSÉE SYSTÉMIQUE AU SERVICE DE SYNERGIES LOCALES DURABLES. Afin d’intégrer ces actions de protection et de valorisation des espaces naturels et agricoles dans des systèmes plus larges, je propose une réflexion systémique qui met en relation l’agriculture, la forêt et les espaces naturels, et les espaces habités périurbains.

La figure 79 ci-contre tente de mettre en évidence les relations qui pourraient exister au sein d’un système d’interactions durables qui associerait la valorisation des énergies renouvelables, l’accompagnement et la protection de l’agriculture et l’inscription des modèles périurbains. Il s’agit alors d’établir des interdépendances entre les éléments les plus identitaires du territoire d’étude, mélangeant les échelles, de la parcelle jardinée des lotissements à l’échelle du paysage et des espaces naturels. Cette expression des possibilités d’échanges m’amène à cette réflexion:

Les territoires identitaires de Provence Verte: interdépendances entre les piliers de la transition écologique et énergétique Espaces naturels et forestiers du saltus et de la silva

Principes de gestion

Espaces agricoles en glissement vers la périurbanité

Bûcheronnage, élagage, émondage, débroussaillage

Espaces habités périurbains (ici typologie de lotissement représentée)

Sylvo-pastoralisme Recyclage de la biomasse forestière Recyclage des déchets verts d’entretien des jardins Aggradation/Fertilisation naturelles des sols

Diversification des productions Bois en plaquettes Bois en granulés Produits Forestiers Non Ligneux Produits maraîchés de proximité Eau chaude

La vocation future du territoire de Provence Verte, «écartelé» par l’influence des territoires externes, ne serait-elle pas dans la coopération et les associations locales afin de forger une identité commune et multiscalaire?

Ne serait-il pas ce jardin d’éden expérimental de nouvelles coopérations locales et surtout de transmission culturelle de ces coopérations afin de développer une nouvelle éthique de développement adaptée à la fragilité des paysages méditerranéens?

142

Effets escomptés Entretien et régénération naturelle des «sous-forêts» (strates herbacées et arbustives) Diminution du risque incendie Fonctionne ent des (collectives et privées)

c au eries

locales

Fonctionnement des appareils ménagers pour les unités de production et l’habitat individuel

Énergie solaire (fermes ou particuliers)

Fonctionnement des engins agricoles aux énergies durables Soutiens financiers des conso ateurs envers l a riculture de pro i ité ( . . .P. et circuits courts) Échanges socio-culturels concernant les pratiques locales durables

Lé ende de la fi ure 79

Micro-grid intelligente dans les espaces habités Technologies envisagées

Broyage de la biomasse des espaces naturels et des jardins Centrale de biomasse Jean Pain - Compostage Biogaz produit par la centrale Jean Pain

Fig. 79 - Essai systémique de coopération et d’interactions associant pratiques ancestrales et contemporaines vers une actualisation des échanges entre les espaces habités, l’ager, le saltus et la silva - Source: Pictogrammes, TheNounProject.com - Illustration: A.M.

143

SYNTHÈSE

SYNTHÈSE

Ce territoire pourrait-il alors oser les expérimentations ambitieuses entre préservation de ses héritages ancestraux (agro-sylvo-pastoralisme) et appropriation des techniques modernes (énergies renouvelables)?

Électricité durable

CONCLUSION. En Méditerranéen, l’homme a de tous temps participer d’une manière ou d’une autre à la fabrication des paysages. Cette fabrication s’incarne dans des processus historiques liés à l’évolution des économies locales, à la maîtrise des techniques, aux innovations scientifiques, aux ajustements politiques et aux prises de conscience des populations sur les possibilités et les limites qui s’incarnent dans leurs espaces de vie.

L’agriculture et la maîtrise des énergies est au fondement de notre mode de vie sédentarisé.

Le monde agricole est aujourd’hui hyper-spécialisé, se positionne à l’échelle internationale et se dirige vers des techniques de pointe.

Les dérives de l’industrialisation en ont fait un système économique aux productions polluantes, de par l’utilisation de nombreux pesticides permis par les lobbys pharmaceutique et agro-alimentaire, et uniformisées par l’utilisation des machines sur des surfaces mono-spécifiques pouvant être gigantesques (U.S.A., Indonésie, Brésil).

Une pratique qui était à la base ressource nécessaire et adaptée à la subsistance des sociétés locales, est devenue le théâtre dérégulé de productions de masse, polluantes et érosives. Autrement dit, l’ager contemporain globalisé peut être selon les productions, une marionnette productive inscrite dans la logique économique de croissance exponentielle des sociétés pétrolifères (céréales, huile de palme...). C’est le reflet parfait de la volonté de contrôle de l’homme sur la nature, il représente l’espace le plus artificialisé après la ville.

Des modifications génétiques au pompage massif des nappes d’eau, l’ager aujourd’hui mondialisé est à l’image des sociétés humaines qui tentent de s’imposer à la nature sans penser en terme d’échanges.

L’agriculture contemporaine à objectif de hauts rendements prélève à la terre mais que lui apporte-t-elle?

Entre autres, elle organise les pollutions des sols et des aquifères par l’utilisation de nombreux produits chimiques qui viennent s’établir dans le cycle de l’eau global et déréguler l’écosystème planétaire...

C’est pourquoi le projet agro-écologique local peut être un moyen de résistance face à ses pratiques hors d’échelle, déraisonnables et polluantes.

Pourquoi ne pas orienter le développement local, qui aujourd’hui possède toutes les forces de proposition nécessaires, sur une trajectoire de sobriété collectivement établie, dans les réflexions et dans les actions et qui oublierait cette éthique «moderniste» de prendre, toujours prendre, sans redonner en retour à cette nature nourricière, source et ressource de cycles de vie dynamiques dont nous faisons partie. Loin d’être au-dessus de la nature, nous sommes des éléments constitutifs de l’écosystème planétaire, qui au fil des âges et des avancées technologiques ont perturbé, perturbent et perturberont de plus en plus notre terre d’accueil si nos modèles de développement ne sont pas actualiser rapidement vers la durabilité plutôt que de jouer les apprentis sorciers avec le climat ou la génétique.

Alors il me semble facile de véhiculer une vision négative de l’avenir des hommes sur cette planète surtout lorsque l’on voit la croissance démographique mondiale qui ne cesse d’augmenter, la diminution progressive des réserves d’eau potable, les pollutions multiples engendrées par nos modes de vie et nos modes de culture (les continents de plastiques, les pesticides, les chemtrails, la couronne de satellites et déchets divers), la déforestation, le développement des maladies ou encore les futures guerres énergétiques qui se préparent.

144

Car, en sachant pertinemment que les énergies sont à la base du développement des sociétés humaines, et qu’elles engendrent des chaînes d’interdépendances entre des espaces productifs et des espaces consommateurs, il est très facile d’imaginer les nombreux conflits géopolitiques qui seront en jeu au moment du déclin progressif de la suprématie pétrolière. On voit déjà ce qu’il se passe en Russie et les formes de contrôles géopolitiques de la production de gaz naturel, ou encore les nombreux conflits autour de la gestion de l’eau dans les villages d’Afrique centrale et saharienne.

C’est pour cela qu’il est important de réfléchir à mon sens à des stratégies de descente énergétique locale, afin de tendre vers un développement sobre et moins dépendant des systèmes extérieurs. Choisir la sobriété énergétique est un chemin vers la sécurité des territoires.

Aujourd’hui, la question énergétique est plus que jamais une question politique mise sur le devant de la scène française et internationale. Avec les prises de consciences écologiques du 20ème siècle concernant l’érosion de la biodiversité et la nouvelle vision du développement durable, les sociétés modernes sont amenées à réfléchir sur l’avenir des ressources planétaires et les modes de gestions durables de ces dernières.

De ce fait, les énergies renouvelables représentent aujourd’hui des alternatives possibles afin de faire évoluer nos systèmes de consommation et de production énergétique vers des solutions plus durables. Ces visions nouvelles engendrent de profondes espérances et c’est dans ce cadre positif qu’est apparu le mouvement de transition en Angleterre.

De la même façon que l’histoire de l’humanité a connu l’âge du bronze, du fer ou du charbon, nous connaissons une période de prospérité inégalée grâce à l’âge du pétrole, énergie

qui a permis de démultiplier les possibles de productions et de déplacements des biens et des hommes sur la planète. Cette énergie, de paire avec la globalisation des systèmes financiers, a amené les hommes a ne penser le progrès et la croissance que sur des indicateurs de richesse économique et matérielle.

Mais si la conception de la croissance ou le concept de développement (concept inventé par les pays industrialisés impliquant qu’il y ai des pays «sous-développé» et d’autre «en développement», mais par rapport à un seul modèle aujourd’hui globalisé!) est indexée sur des indicateurs économiques et financiers, nos modèles de développement ne changeront jamais. Or, aujourd’hui, la science nous apprend que la consommation de cette énergie fossile a atteint un pic et que nous sommes dans la phase de déclin de la ressource postérieure à ce pic. Il s’avère alors que cette période entre la prise de conscience de la fin programmée du pétrole et le passage vers l’âge d’une autre énergie est précisément ce que l’on appelle aujourd’hui la transition, ou le temps de résilience que possèdent les sociétés pour s’adapter à ce futur choc énergétique qui redéfinira les échelles de vie et impactera l’économie des territoires, la politique, le commerce, les déplacements et la sociologie des réseaux.

La transition cherche alors à organiser les pensées individuelles et collectives vers une vision sociétale qui s’affranchit progressivement du pétrole. Cette vision implique une approche positive qui met en avant le génie humain et l’éventail des possibles offert par la coopération. Par ailleurs, nous avons vu que ce concept de transition amène à reconsidérer les échelles de projet vers les projets locaux, échelle où les acteurs d’un territoire peuvent s’approprier les projets et qui permet d’orienter efficacement les réflexions vers l’action.

145

C’est dans ce cadre éthique que le paysagiste que je suis s’inscrit. Éthique, dans le sens de Paul Ricoeur, dont la définition met en avant une posture réflexive à la recherche de cadres collectivement discutés qui amèneraient vers le projet durable cohérent.

Alors comment le paysagiste aujourd’hui peutil s’approprier les questions écologiques et énergétiques afin de devenir partenaire des acteurs locaux pour la fabrication de projets de paysages durables?

Quel est le rôle du paysage aujourd’hui dans le projet de transition des villes et des territoires? Il n’ y a pas, à mon sens, de projet paysage sans la mobilisation d’identités collectives puissantes et vectrices de développement cohérent.

C’est pourquoi mon travail d’analyse à cherché à mettre en avant les identités typiques méditerranéennes, provençales et varoises afin de les mobiliser dans une vision potentialiste du développement local.

Le paysage, et sa dimension trans-disciplinaire et multiscalaire, (il se trouve à la rencontre de toutes les disciplines scientifiques et humaines et implique toutes les échelles de réflexion) pensé sous le prisme des énergies et de l’écologie, permet alors d’intégrer les identités locales au sein d’un système territorial global.

En refusant d’associer le paysage systématiquement à sa définition héritée qui se focalise sur la «perception du dedans» et qui oppose la subjectivité individuelle à la notion de bien commun, il apparaît prendre sens dans la synthèse des processus de fabrication spatiale entre l’ histoire des hommes et celles des espaces naturels. Cette fabrication interactive entre les hommes et les espaces naturels est très significative dans l’ histoire des paysages méditerranéens.

De fait, ce travail s’est orienté vers la compréhension des héritages laissés par l’histoire des civilisations méditerranéennes afin, de pouvoir décrypter aujourd’hui les impacts et les transformations spatiales qu’engendrent les modèles de développement contemporain, dont le fait urbain et la périurbanisation incarnent les principaux facteurs de mutations aujourd’hui.

Ces modèles uniformisants et insipides effacent progressivement les identités locales et les paysages patrimoniaux du Pays de Provence Verte. En parallèle, la gestion des dynamiques naturelles, orientée principalement vers la conservation et la sacralisation des paysages, a oublié que l’action de l’homme est indispensable au maintien de la biodiversité des espaces naturels méditerranéens et amènent aussi la disparition de l’héritage agricole patrimonial provençal.

C’est dans ce contexte de pressions et de valorisation des identités locales que j’ai définies comme «piliers» que ma démarche tente d’amener une méthodologie de projet à la recherche des interactions entre la biodiversité, les énergies renouvelables, l’agriculture et la périurbanité.

Cette vision questionne donc les relations qui pourraient exister demain entre les espaces habités, l’ager et la silva, le saltus ayant pratiquement disparu des pratiques varoises, mais également les liens idéologiques et opérationnels qui s’inscrivent dans les relations entre transition énergétique et transition écologique. Penser alors les paysages sous le prisme des énergies alternatives et de l’écologie permet d’appréhender ces espaces individualisés dans les politiques d’aménagement de manière systémique et synergique.

Il ne s’agit pas alors de revenir en arrière et de reproduire des modèles hérités de l’histoire mais plutôt de chercher une actualisation contemporaine des interactions possibles entre l’agriculture, la forêt et les espaces habi-

146

tés méditerranéens. Cette actualisation des interdépendances territoriales au sein des quatre piliers à articuler pour la transition du territoire de Provence Verte amène la mobilisation de nouvelles méthodes de réflexion et d’action. Parmi ces méthodes, l’agro-écologie est essentielle. Elle envisage l’agriculture et la gestion des espaces naturels au sein d’un écosystème auto-régulé qui implique les hommes avec sobriété.

La méthode Jean Pain de valorisation de la biomasse apparaît alors comme révolutionnaire pour la gestion des interfaces entre la forêt et l’agriculture.

Reconnus à l’échelle internationale, les pouvoirs du compostage des broussailles et des rameaux doivent être absolument mis en pratique pour gérer la biodiversité fragile des espaces naturels méditerranéens, développer une filière de fertilisation biologique pour l’agriculture locale, générer des énergies propres et lutter contre le risque incendie.

Pourquoi alors ces méthodes, connues depuis des années, ne sont-elles pas mises en pratique au sein des interfaces agriculture/forêt du pays de Provence Verte?

Il peut sembler ambitieux de tenter la mise en application de projets alternatifs énergétiques et écologiques. Pour limiter les risques d’échec et pour augmenter les temps de réussite de ses mises en application, la coopération territoriale me semble essentielle. En effet, développer une réelle éthique de coopération locale dans le pays de Provence Verte permettrait le partage de nouveaux savoirs-faire et surtout, serait déterminant dans l’aménagement des territoires, le partage des responsabilités vis à vis des objectifs proclamés par les politiques de développement durable. Le principe d’«association», au sens large, est indispensable pour la fabrication des paysages méditerranéens qui sont aujourd’hui le théâtre de puissants

métissages entre des héritages ancestraux et des pratiques modernes. Association des territoires, association des pratiques, association énergétique et écologique ou association des hommes, la coopération, qu’elle soit villageoise, communale, intercommunale ou régionale offre un chemin favorable pour la résilience des territoires face aux changements de modalités de fabrication des paysages qui s’opéreront dans le futur face aux crises énergétiques et climatiques.Aujourd’hui, les actions pour la transition commencent à se démocratiser et à se développer dans le monde entier mais elles restent plus ou moins invisibles face au poids de l’économie de marché et des modes de vie contemporains. Pourtant, je crois sincèrement que la «sobriété heureuse» de Pierre Rabhi est un chemin honorable pour assurer un avenir convenable au génération future. Cette sobriété est aujourd’hui possible grâce aux avancées sociales, à la progression des techniques et à la montée des prises de consciences vitales pour les hommes.

Alors bien-sûr, il existe aujourd’hui plus de détracteurs envers ce mode de pensée que de personnes engagées éthiquement pour le développement durable des territoires. Il est bien plus facile de se complaire dans le système que d’envisager des actualisations durables.

Conscient de faire parti de cette minorité de personnes à l’échelle planétaire ou locale, de passer peut-être pour un naïf ou un utopiste pour certain, ma vision n’amène pas vers des propositions figées et fermées mais cherche au contraire à apporter de la matière afin de nourrir le débat autour de la place du paysage, des énergies renouvelables et de l’écologie dans la fabrication de projets durables. À la recherche de l’actualisation économies réelles des territoires...

147

des

Ressources.

Livres.

Revues numériques et articles.

- Braudel. F., La méditerranée: L’espace et l’histoire. Poche. (1977) - Braudel. F., La Méditerranée: Les hommes et l’héritage. Arts et métiers graphiques. (1978) - Hopkins R., Manuel de transition. De la dépendance au pétrole à la résilience locale. Broché. (2010) - Tassin C., Paysages végétaux du domaine méditerranéen. Quézel, Médail.

(2003) - Ouzoulias P., Les campagnes gallo-romaines: quelle place pour la villa?. La découverte. (1999) - Grimal P., La vie de la Rome antique, Que sais-je ? n° 596. (1994) - Gros P., La Gaule narbonnaise au 3e siècle apr. J.-C.. Picard. (2008) - Ciseri I., Le Romantisme. Günd. (2004) - Löwy M., Sayre R., Révolte et mélancolie. Le romantisme à contre-courant de la modernité. Payot. (1992) - Gille B., Histoire des techniques. Extrait. (1964) - Rifkin J., La troisième révolution industrielle. Les liens qui libèrent. (2014) - Pain I. et J., Les Méthodes Jean Pain, ou un autre jardin. Auteurs-éditeurs.

(1979) - Sanson B., Marcel O. , Ambroise R., Paysage d’après-pétrole. Revue Passerelle n°9. (2013) - Gadrey J., (2012) Adieu à la croissance, bien vivre dans un monde solidaire.

Alternatives Economiques / Les petits matins.

- Clébert J.P., (1985) Herbier provençal. Rivages

- Verdier A., Husson J.P., Roche X., Olivier S., Blond S., Froger. J. (n°3 novembre 2013) La forêt et ses marges. Autour de la biogéographie historique: outils, résultats, enjeux. Http://rgh.univ-lorraine.fr - Auclair L., Genin D. Des forêts et des hommes. Dossier thématique. La forêt rurale méditerranéenne. Http://www.suds-en-ligne.ird.fr/foret/pdf/2-questcescienceshum.pdf.

- Mazel F. (2011) Réflexion sur les partages de l’ancien comté de Provence au 12ème siècle. http://mefrm.revues.org/634 - Sintès G. , B. Rogers G. , Fiches J.L. , Codou Y., Bérard G. (2003) Matavo et le pagus Matavonicus, revue archéologique de la Narbonnaise, http://www.persee. fr/web/revues/home/prescript/article/ran_0557-7705_1993_num_26_1_1439 - Rosanvallon P. (1989) Le Libéralisme économique: histoire de l’idée de marché.

Points Politique, n° 134 - Conférence de Marc Giget. L’innovation à la Belle époque, professeur de gestion de l’innovation au Conservatoire national des arts et métiers. http:// culture.cnam.fr - Houtart F. (2007) Les effets de la mondialisation. http://www.cetri.be/spip. php?article79 - Rumpala Y. (2014) Formes alternatives de production énergétique et reconfigurations politiques. La sociologie des énergies alternatives comme étude des potentialités de réorganisation du collectif. Calenda, Flux n°92, Avril-Juin - Association Forêts Méditerranéennes (2002) Problématique de la forêt méditerranéenne. Hors série n°1.ISSN. 0245-484 X - Flamant J.C. Var 2020: quels futurs pour l’agriculture? Mission d’Animation des Agrobiosiences - Baldini S. (1993) Produits forestiers non ligneux dans la région méditerranéenne. F.A.O.

148

149

Sites internet.

Principales sources cartographiques

-http://www.negawatt.org/scenario/renouvelables/biomasse -http://www.solagro.org/site/219.html -http://www.novethic.fr/novethic/transition-energetique/politique-energetique/ developpement-durable/ -http://www.transitionfrance.fr -http://www.ademe.fr/paca -http://www.alterenergies.org

- Schéma de Cohérence Territorial de Provence Verte (diagnostic, état initial de l’environnement) - Observatoire de la Forêt MEditerranéenne: cartothèque interactive - D.R.E.A.L. Provence-Alpes-Côte-d’Azur - Géoportail3D : Institut Géographique National, Recensent agricole, Corine Land Cover - Google Earth

-http://www.onf.fr -http://www.fao.org -http://planethumus.com/sols-mediterraneens/ -http://meridianes.org

Vidéos

-http://www.paysprovenceverte.fr -http://www.ofme.org -http://www.espacestemps.net/articles/lorsque-la-mobilite-territorialise-2-2/ -http://www.espaces-naturels.info/articles_dossier/dossier12 -http://babel.revues.org/1418

- La voix du vent, semences en transition. Carlos Pons. Mosaïc Project (2013) - In Transition 1.0 / 2.0. Transition Towns. Transition Network (2010) - Solutions locales pour désordre global. Colline Serreau (2010)

-http://www.info-brf.com/forum/ -http://www.arpentnourricier.org/category/transition/ -http://permaculturenews.org/2011/12/15/the-jean-pain-way/ -http://www.gillesclement.com/cat-lhommesymbiotique-tit-L-Homme-symbiotique -http://fr.wikipedia.org/wiki/Portail:Monde_antique

150

151

Depuis la naissance de l’agriculture méditerranéenne à la suprématie de l’énergie fossile, il s’agira d’explorer les cadres structurels à l’origine du développement de nos territoires contemporains.

Espaces de vie, ressources ou fantasmes, la question de la fabrication des limites des paysages méditerranéens sera traitée en articulant différentes échelles de réflexions, au travers des rapports de force entre perturbations anthropiques, écologie du paysage et énergies. À partir d’un diagnostic territorial s’appuyant sur l’échelle de cohérence territoriale du «pays» de Provence Verte à la détermination des piliers stratégiques à mettre en œuvre pour engager ce territoire dans la transition, une méthodologie dynamique est proposée ici vers la recherche des identités mobilisables et potentielles pour un projet de paysage durable.

Depuis les influences exogènes au territoire vers les rapports de force internes, cette vision questionne les mutations contemporaines qui s’opèrent dans le passage d’un espace à dominante rurale vers une certaine périurbanisation. Il s’agira alors de réfléchir aux liens idéologiques et spatiaux entre transition écologique et transition énergétique afin de faire glisser la réflexion vers des protocoles d’actions adaptées aux spécifités des territoires d’étude.

Comment le paysagiste aujourd’hui peut-il s’approprier les questions écologiques et énergétiques afin de devenir partenaire des acteurs locaux pour la fabrication de projets de paysages durables?

Quel est le rôle du paysage aujourd’hui dans le projet de transition des villes et des territoires?

Mots clefs: Méditerranée, transition, énergies renouvelables, sobriété, écologie, projet local, agriculture, biodiversité, développement durable, coopération, périurbanisation.

- Document non contractuel Atelier Tél.

Saltus 07

77

-

paysgistes 26

44

DPLG 18

/

/

CDE

Petra

Patrimonia

-

contact@cde-petrapatrimonia.com

86 -

avenue Siret

des :

Frères 530

Lumières

618

115

83160 000

La 14

Valette –

APE

du

Var.

4120B