Moussem Culturel International d'Assilah 35

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Les nouveaux contours de l'Orientalisme à l'international et dans les arts contemporains arabes

L’orientalisme, avant d’être approfondi par Edward Saïd et remis à l’épreuve de son instrumentalisation par l’Occident relève de cette fascination pour un ailleurs imaginé tel qu’il s’est développé au XIXe siècle. De l’orientalisme au colonialisme l’amalgame a été rapide et sa construction contestable à travers la peinture et cette flamboyance des représentations qui aveugle. Et, jusqu’au milieu du XXe siècle, l’Occident qui échafaude son identité en regard de l’Orient sera pour longtemps encore convaincu de sa «mission civilisatrice » avant de se fourvoyer dans l’illustration et un académisme formel décadent. Puis, a surgi, comme une pièce à conviction de cette imposture, la thèse d’Edward Saïd. Elle a consisté à démontrer avec la publication de l’Orientalisme, l’Orient créé par l’Occident (1978) comment l’Occident s’était renforcé, en tant que culture dominante, face à un Orient qu’elle aurait inventé en s’appuyant sur une imagerie sous-tendue par des modes de représentation, des peintures, des avatars photographiques et même des chercheurs et des institutions savantes. Les interrogations aujourd’hui sont devenues plurielles: Qu’est-il advenu de ces aléas historiques si l’on décide de mettre le concept d’orientalisme tel qu’il s’est inscrit dans l’histoire de l’art à l’épreuve de l’art actuel et existe t-il vraiment une (ou des) forme(s) d’orientalisme(s) contemporain(s) ?

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Dans cette perspective à rebours les interrogations se succèdent : Le voyage peut-il toujours en être le vecteur et/ou l’atelier ? Et si voyage il y a, quelle serait la Constantinople du XXIe siècle ? De quelle complicité avec de nouvelles valeurs romantiques et une vision imaginaire contemporaine (versus l’inspiration réaliste et naturaliste) s’agit-il désormais? Trouve t-on des récits possibles et des codes de représentation d’un ailleurs inconnu susceptibles de provoquer une avidité des publics prête à être nourrie pas des œuvres ? Les distinctions Ici & Ailleurs sont-elles toujours opérantes ? De nouveaux créateurs « orientalistes », autres que ceux du passé, ont-il été révélés ? L’Orientalisme a-t-il épuisé toutes ses ressources ou ces dernières ont-elles été renforcées par les migrations volontaires ou involontaires qui font de la planète un faisceau en mouvement permanent ? Le pittoresque a t-il toujours cours ? L’Orient peut-il être synonyme d’une nouvelle renaissance ? Que peut-on dire à travers les œuvres du regard qu’il pose sur l’Occident aujourd’hui ? Enfin, le discours sur l’Orient tenu par l’Occident est-il encore fondateur de la construction de l’identité occidentale. Et, Edward Saïd ayant opéré un rétablissement spectaculaire de la pensée sur l’Orientalisme, sans cette exploration l’Orientalisme serait-il resté une interrogation désuète ? Bref, l’orientalisme enfin est-il une question pérenne, épuisée ou un concept à revisiter? Et de quelle manière les enjeux se sont-ils « réorientés » en art ? Faire œuvre c’est produire du sens et une pensée sur le monde dans lequel celles-ci s’inscrivent, il s’agit donc bien d’amorcer, avec ces rencontres, une réflexion sur la manière dont la création arabe et la création internationale rendent compte de cette gageure entre tentative d’instrumentalisation des Orientalismes ou appropriation critique du défi que tout cela recouvre. Ceci est le point focal de ce laboratoire de recherche tel qu’organisé à Assilah en ce mois de juin 2013. En interrogeant le passé pour instruire une réflexion sur le présente, une dizaine d’intervenants avertis va donner un éclairage nouveau à cette question et ouvrir des pistes de réflexion à travers pratiques et expériences personnelles. Nadine Descendre, Lyon le 22 mai 2013


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