Fig. a : François Lieutaud, Bureau plat estampillé FL, Paris, vers 1720-1725, ébène, bronze doré, 78 x 162 x 82 cm, Neue Reidenz Bamberg, inv. Ba. M 113.
Fig. b : Noël Gérard, Bureau plat estampillé NG, Paris, vers 1720-1730, ébène, bronze doré, 180,47 x 91,69 cm, Toledo Museum of Art.
Cependant, selon Alexandre Pradère, cette production peut être rattachée plutôt au commerce de Noël Gérard, l’un des principaux pourvoyeurs en meubles du marché parisien pendant les années de la Régence et au début du règne de Louis XV. Ancien ébéniste, il devint maître par son mariage en 171011 et exerça d’abord Au Cabinet d’Allemagne, Grande-ruedu-Faubourg-Saint-Antoine. En 1725, il allait reprendre Le Magasin général, ouvert depuis 1722 par Hubert Houdart, en association avec le banquier David Crosne, dans l’ancien hôtel du collectionneur Everhard Jabach (1618-1695), rue Neuve-Saint-Merri12. On sait, depuis la publication
des travaux de Stéphane Boiron en 1990 sur l’ébéniste Jacques Dubois que celui-ci et son aîné, Louis, lui aussi ébéniste, étaient les demi-frères de Noël Gérard13 et que Jacques avait vraisemblablement travaillé en tant qu’ouvrier libre pour ce dernier pendant un bon nombre d’années, avant d’accéder lui-même à la maîtrise, le 5 septembre 1742. Il faut ainsi reconsidérer la démarche de Noël Gérard, lequel, après l’accession à la maîtrise de marchand mercier le 17 juillet 172614, développa au Magasin général un commerce de meubles de luxe d’une ampleur sans précédent, appuyé principalement sur un solide réseau de relations d’endogamie socioprofessionnelle. Hormis les frères Dubois, des liens de famille l’unissaient aux ébénistes Pierre Lelibon, Nicolas Collin et à ses fils Urbain, Jean et Nicolas, ainsi qu’à Pierre Moulin, frère utérin de Louis-Simon Painsun, gendre et successeur d’Étienne Doirat, tous également ébénistes. Le succès de Noël Gérard dans le commerce de meubles reposait également sur les rapports professionnels qu’il entretenait avec d’autres ébénistes, basés sur le principe de la soustraitance, processus dans lequel il se réservait, à l’évidence, un rôle directeur. Il utilisa des modèles de bronzes d’André-Charles Boulle qu’il avait achetés à ses fils après le décès du maître, ou des surmoulages à la cire perdue d’après les originaux de celui-ci. De ce fait, il serait difficile de se prononcer sur l’auteur de notre table de jeux, qui s’apparente aussi bien aux productions que l’on peut actuellement attribuer à André-Charles II Boulle dit Boulle de Sève, notamment avec deux secrétaires de pente, dont un plaqué en palissandre15 et l’autre en laque de Chine et en vernis européen16, présentant la même découpe des pieds et de la ceinture et des poignées similaires en bronze sur les côtés (fig. c-d), mais qui évoque également les meubles de Lieutaud ou des bronzes de Doirat.
Fig. c : Attribué à André-Charles II Boulle dit Boulle de Sève, Secrétaire de pente, Paris, vers 1720-1725, chêne, placage en palissandre, 78 x 65 x 46 cm, ancienne collection Didier Aaron.
Fig. d : Attribué à André-Charles II Boulle dit Boulle de Sève, Secrétaire de pente, Paris, vers 1720-1725, chêne, placage en laque de Chine et vernis européen, 79,5 x 67,5 x 45,5 cm, ancienne collection des princes de Mérode, Christie’s, Paris, 13 décembre 2006, n°222.
Arch. nat., Min. cent., LXXXVII, mariage du 14 décembre 1710 avec Marie Colin, veuve en premières noces de l’ébéniste Jean Chrétien. 12 A. Pradère, ibid., pp. 111-114 ; P. Grand, Le mobilier Boulle et les ateliers de l’époque, L’Estampille-l’Objet d’art, 266, février 1993, pp. 48-71. 13 S. Boiron, Jacques Dubois maître du style Louis XV, L’Estampille-l’Objet d’art, 237, juin, 1990, pp. 42-59. 14 Cité par S. Boiron, ibid., p. 45. 11
36. MOBILIER ET OBJETS D’ART | 9 JUIN 2015. PARIS
Très probablement issue du commerce de Noël Gérard, cette table de jeux peut être considérée comme un meuble représentatif de l’ébénisterie parisienne des dernières années de la Régence, à l’orée du style rocaille, grâce à sa composition originale et à ses bronzes d’une très belle qualité.
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Ancienne collection Didier Aaron. Ancienne collection des princes de Mérode, Christie’s, Paris, 13 décembre 2006, n°222.