AFRIKArchi Magazine #1

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AFRIKArchi M A G A Z I N E

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1,2ha pour booster le secteur tertiaire 1.2 ha to boost the tertiary sector

CITÉ INTERNATIONALE DE DAKAR INTERVIEW

Conservation et réhabilitation du patrimoine architectural CRITIQUE ARCHITECTURALE Architectural criticism

MOHAMED BOUSSALEH

Conservation and rehabilitation of the architectural heritage

ADJAYEtecture | KEREtecture Octobre - Décembre 2013 | #1


DEFINIR A CHAQUE PROJET UNE IDENTITE

Global Archiconsult

> Architecture > Construction > Architecture d’intérieur > Urbanisme > Audits techniques > Gestion & suivi de chantier > Etude de projet > Permis de construire > Conseils

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EQUIPE REDACTIONNELLE REDACTION DIRECTEUR DE PUBLICATION ET DE REDACTION Romarick ATOKE (romarick.atoke@afrikarchi.com)

EDITORIAL Madame, Monsieur, Chers lecteurs, Toute naissance est un événement. AFRIKArchi se lance dans une nouvelle aventure, en publiant AFRIKArchi Magazine. Ce dernier compte mettre en avant les acteurs africains dans les domaines de l’architecture, la construction, l’urbanisme, les réseaux, le paysage, le design, le développement durable, les énergies renouvelables ainsi que l’investissement et le droit immobilier en Afrique. Nous cherchons à promouvoir sur la scène internationale ceux qui, souvent dotés de talent, sont méconnus par les africains eux-mêmes. Nous cherchons également à faire prendre conscience aux décideurs africains que les domaines précités sont d’importants catalyseurs pour un développement durable, nécessaire, de l’Afrique. AFRIKArchi Magazine privilégie ainsi les portraits et interviews des acteurs de terrain, le visuel de projets et reportages, la critique architecturale, l’analyse de projets réalisés ou en cours sur le continent africain, ainsi que des articles sur les enjeux et problématiques relevés sur le terrain. Chaque numéro sera enrichi d’un contenu particulier et dédié à la fois aux acteurs des domaines concernés mais également au grand public. AFRIKArchi Magazine s’adresse à tous, professionnels, étudiants comme amateurs, passionnés par les domaines tels que l’architecture, la construction, les énergies renouvelables, le développement durable, le design, l’investissement immobilier. Bilingue français-anglais, le magazine pourra être consulté et téléchargé gratuitement sur le site internet www.magazine.afrikarchi.com. Des offres d’abonnement sont également mises en place. Pour assurer le lancement et le développement de ce magazine novateur, premier de son genre en Afrique, AFRIKArchi a tout mis en œuvre pour vous satisfaire mais compte aussi sur vous pour nous accompagner dans cette aventure. Vous aussi, vous pouvez devenir acteur de ce développement en nous soutenant ou en nous rejoignant. AFRIKArchi ambitionne de faire de ce magazine le pionnier africain sur la scène internationale. UNE FIERTE AFRICAINE ! Je souhaite vivement, que vous aurez autant de plaisir à découvrir et vous fidéliser à AFRIKArchi Magazine que nous en avons eu à le réaliser. BONNE LECTURE ! Romarick ATOKE Directeur de Publication

DIRECTEUR AJOINT DE PUBLICATION ET DE REDACTION Khader BERREKLA (khader.berrekla@afrikarchi.com)

REDACTRICE EN CHEF Sinatou SAKA (Bénin) REDACTEUR EN CHEF ADJOINT Roland YAO KOUASSI (Sénégal) SECRETAIRE DE REDACTION Moïsette TJEGA ATALA (Cameroun) REDACTEURS Mauried ATAYI (Tunisie) Myriam LAMOUNI (France) Lahbib EL MOUMNI (Maroc) Abiola AKANDE YAYI (Brésil) Roland YAO KOUASSI (Sénégal) Rachidatou TCHAGBELE (Gabon) Ella Zita Rose BIKIM (Sénégal) Conrad KUZOOKA (Ouganda) Michael ASSI (Côte d’Ivoire) Abel KOUAME (Côte d’Ivoire) ONT COLLABORE A CE NUMERO Louise PASCALE (Tunisie) Chloé OZOUX (France) DIRECTION ARTISITQUE Serges Claude MEKA OTELE (Tunisie) TRADUCTION & ASSISTANCE Inspire Afrika inspireafrika@inspireafrika.com PUBLICATION NUMERIQUE Boris HOUSSOU (France) ABONNEMENTS Ecrivez-nous à : magazine@afrikarchi.com Magazine Édité par AFRIKArchi 90, Aveunue des Acacias 91800 Brunoy – FRANCE Tél : +33 (0)6 26 57 41 60 +33 (0)6 82 83 68 87 www.afrikarchi.com AFRIKArchi © Oct – Nov – Déc 2013 La reproduction, même partielle, des articles publiées dans AFRIKArchi Magazine est interdite. AFRIKArchi Magazine décline toute responsabilité pour les documents remis. Les photos et illustrations avec la mention © DR sont des éléments à droits réservés. Les articles sont libres de toute publicité, y compris l’agenda. Les dessins techniques reproduits sont non-contractuels.

« On s’attend vraiment à ce que nos lecteurs, professionnels comme étudiants, s’approprient ce magazine qui est le leur »


Sommaire INTERVIEW

Francis Kéré : rencontre avec un acteur reconnu de l’architecture en Afrique.

D’origine burkinabé, il a à son actif plusieurs grands prix de prestige dont l’Aga Khan Award for Architecture en 2004 et le Global Holcim Gold Award for Custainable Construction les années 2011 et 2012. Pour vous, AFRIKArchi a interviewé l’architecte que nous avions pu rencontrer lors des Global Holcim Awards 2012 qui ont eu lieu en début d’année à Mumbai en Inde.

ADJAYEtecture | KEREtecture Quelle architecture pour l’Afrique ? Le débat est lancé sur les orientations à donner à l’architecture en Afrique. Nous vous présentons deux démarches différentes de ces experts du domaine, reconnus internationalement, ainsi que les perspectives qui peuvent en découler.

CRITIQUE ARCHITECTURALE

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A LA UNE

Cité Internationale de Dakar Un morceau de ville sur 1,2 hectares pour booster le secteur tertiaire. Le Sénégal dévoile ses ambitions pour le développement de Dakar. Un projet ambitieux qui redonne de l’espoir à plusieurs secteurs de l’économie du pays.

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PATRIMOINE

A l’occasion du récent colloque international sur la conservation de l’architecture de terre au sein de l’UNESCO, AFRIKArchi a rencontré M. Mohamed Boussaleh, Directeur du CERKAS (centre de conservation et réhabilitation du p a t r i m o i n e a r c h i t e c t u ra l d e s z o n e s atlasiques et sub-atlasiques) à Ouarzazate.

Conservation et réhabilitation du patrimoine architectural au Maroc.

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A LIRE AUSSI... ARCHITECTURE 7 8 11

L’architecture est tout un processus Interview des lauréats du 1er prix Concours ARCHIGENIEUR AFRIQUE 2012 Holcim Forum Student Poster Competition

CONSTRUCTION 32 35 36

Africités ou chinoiseries ? Constructions en carton sous les eaux Georges Pericles : Un think-thank au service du Rwanda

URBANISME & VRD 44 48 50 52

Quel aménagement urbain pour les villes africaines? Etat de l’urbanisme et de l’architecture au Sénégal Quelle évolution pour l’arcitecture et l’urbanisme en Tunisie ? Quand se loger rime avec difficultés dans les villes africaines

AGENDA 54

Quelques dates à retenir

Crédits photographiques : Couverture, pages 22 à 31 © Groupe 3 Architectes ; page 7 © Karina Walbreck ; pages 8 à 10 © AFRIKArchi pages 11 et 12 © Holcim Forum ; pages 14 à 16 © DR ; pages 18 à 20 © DR ; pages 32 et 33 © DR ; page 35 © DR ; page 36 © George Pericles ; pages 38 à 42 © DR sauf page 41 © Yvon Fruneau ; page 44 © Altahine; Page 46 © DR ; page 48 et 49 © DR ; page 50 et 51 © AFRIKArchi page 52 © DR. Sommaire : © Groupe 3 Architectes et © DR.

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GRAND CONCOURS D’IDEES EN ARCHITECTURE - URBANISME - PAYSAGE ET GENIE CIVIL

CONCOURS INTERNATIONAL

ARCHIGENIEUR AFRIQUE 2013 CONCEVOIR OU REHABILITER UN

MARCHE EN MILIEU URBAIN EN AFRIQUE

CONCOURS GRATUIT & OUVERT AUX : - Etudiants inscrits dans des Écoles et Universités d’architecture, d’urbanisme, d’ingénieurs, d’origine africaine ou non * - Jeunes professionnels Africains, diplômés entre 2013 et 2010. MEMBRES DU JURY : Architecte DPLG DEA Jardins Paysage et Territoire

PRIX : 1er Prix : 1500€ 2e Prix: 1000€ 3e Prix : 750€

Attribution de mentions aux projets méritants Autres lots en nature

Denis TARGOWLA Monica CORALLI Architecte - Urbaniste Docteur en géographie

Mahmoud KELDI

Architecte DPLG - Urbaniste

Architecte DPLG Responsable de programmes à la Cité de l'Architecture et du Patrimoine

Fiona MEADOWS

Emmanuel AMOUGOU Alpha Mohamed SOW Docteur en Histoire

Sociologue - Professeur à ENSAPLV

Franck HOUNDEGLA Scénographe Doctorant en Architecture

Francis SESSOU Architecte DPLG

DATE LIMITE DES INSCRIPTIONS : 30 NOVEMBRE 2013 SUR WWW.AFRIKARCHI.COM/AFRIKARCHINETWORK

* Le Chef d’équipe doit impérativement être Africain(e) ou issu(e) de la Diaspora Africaine

CONFERENCE DE PRESSE 13 SEPTEMBRE 2013 Cité de l’Architecture et du Patrimoine Palais de Chaillot 1 Place du Trocadéro 75016 Paris, France

en partenariat avec : info@afrikarchi.com

Ne pas jeter sur la voie publique - AFRIKArchi © 2013 - Balogun Market | Lago, Nigeria | ©UNFPA - Akintunde Akinleye


L’architecture est tout un processus

Plaidoyer d’un étudiant ougandais en architecture

Parfois je reste assis là et je réfléchis… Qu’ai-je accompli sur le plan architectural qui me motive à être un architecte? Plusieurs questions traversent mon esprit. Suis-je capable de concevoir un immeuble de 80 étages ? Puis-je exceller dans ce domaine ? Qu’estce que j’aurais fait si je n’avais pas choisi cette filière? Traumatisé et confus, je réfléchis et pense au bon vieux temps, quand je venais juste d’entrer à l’école. J’étais plein d’enthousiasme. J’étais prêt à passer des nuits blanches juste pour démontrer que mes idées étaient viables, et que je méritais d’être un étudiant en architecture. Je parcourais le dictionnaire juste pour trouver des concepts qui étaient parfois irréalisable. Plusieurs fois j’ai eu des idées qui étaient pour moi revigorante, mais à chaque fois, mon professeur principal me rappelait que je ne pensais pas assez comme un architecte. Je me suis alors demandé « qu’est ce qui rendait les étudiants en architecture si spéciaux ? ». Je ne saurais répondre à cette question. Nous sommes tous si différents les uns des autres. Au début, chacun de nous essaie de développer un style architectural qui lui est propre. Avec le temps, nous nous confondons tous et nous ne pouvons plus faire la différence entre où nous venons et où nous allons.

Certains prenaient cela comme un manque de sérieux, alors que moi je considère chaque présentation comme un travail, comme un rendez-vous avec un client. Mais aucun de mes projets n’a été facile. De toute façon, si la réalisation d’un de vos projets se passe sans encombre, c’est qu’il y a un problème quelque part. Cinq ans peuvent paraître comme une éternité quand il s’agit de se maintenir au top. Que ce soit en école d’architecture ou dans la vie en général, c’est pas si simple de rester le meilleur, surtout dans des environnements hostiles. Alors que faire ? A mon avis, il faut s’occuper ; architecturalement. Les opportunités offertes par notre école sont si minces qu’il est souvent difficile d’être un architecte complet à la fin de son parcours. Il faut donc développer sa méthodologie le plus possible. Il faut affiner son style en participant aux concours postés çà et là sur le net, et même appliquer votre logique a tout projet, qu’il soit architectural ou non. Vous pouvez vous essayer à l’art, à la mode ou encore à la musique. Occuper votre esprit, exercez-vous continuellement et vous resterez ainsi au top.

Chaque chose doit être pensée Tout le monde a eu à inventer quelque chose, nous avons cherché à construire un bâtiment de façon particulière. Je pourrais citer ici de belles ou moins belles citations énoncées par des architectes célèbres ou non ; mais tout ce que je sais, c’est que l’architecture est un processus. Nous travaillons tellement dure pour pouvoir trouver notre style que parfois nous oublions qui nous sommes. Cependant, nous n’oublions pas que chaque chose que nous faisons doit être pensée. Comme à l’école, quand vous commencez un projet, vous devez d’abord faire de la recherche, sélectionner vos sources, faire un résumé de ce que vous avez trouvé et enfin rendre votre projet final. Mais tout ceci est un processus. La seule raison pour laquelle votre projet n’aura pas abouti ou n’aura pas été parfait, est la suivante : Vous aurez manqué de méthodologie. Le but de l’architecture n’est pas de gagner le plus de projets possible. Vous en gagnerez certains et en perdrez d’autres. Par contre, vous gagnerez toujours à donner le meilleur de vous-même. Il est toujours intéressant de voir combien de nuits blanches il est possible de passer pour faire un devoir qui sera corrigé en seulement dix minutes. Mais quand ce devoir sera réalisé, je le verrais comme une victoire personnelle. Ne dit-on pas qu’il faut parfois perdre une bataille pour gagner la guerre ? De toute façon c’est équitable, car au moins les échecs nous permettent de garder les pieds sur terre. J’ai été mis sur la sellette plusieurs fois, surtout parce que je souriais toujours après une présentation.

Développer sa propre méthodologie Dans mon cas, j’ai essayé d’écrire une histoire, j’ai participé à un concours national et ce fut une expérience très enrichissante. J’ai été parmi les finalistes mais je n’ai pas gagné ; mais cette défaite m’a permis d’ouvrir les yeux. J’ai essayé de composer une chanson, j’essaie toujours d’ailleurs… J’essaie d’une façon comme d’une autre, de développer ma méthodologie. Développer une méthodologie n’est pas si compliqué. Il s’agit juste de réaliser de petites choses, étape par étape, afin d’arriver à faire quelque chose de grand. La méthodologie tient en une phrase « peu c’est plus ». Si vous choisissez la brique comme matériau de construction, demandez à la brique : Brique, que veux-tu être ? Dans le processus de notre développement personnel, nous devons commencer par développer un dialogue architectural. L’architecte s’adresse au client en matérialisant sa pensée, même si il reste influencé par la société dans laquelle il vit. La méthodologie est éclectique. Elle doit être sensible au changement, doit suivre la mode, tout en restant simple. La simplicité est la complexité de la science architecturale. C’est un argument que nous développerons une prochaine fois. Je pense tout de même que, en Ouganda et même dans le monde, l’architecture est une question de méthodologie. Conrad Kuzooka

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ARCHITECTURE | Interview Exclusive

Youssouf Sawadogo & Zied Hattab

Lauréats du 1er Prix Concours ARCHIGENIEUR AFRIQUE 2012

A l’issue de la délibération trois lauréats ont été désignés par le jury : 1er Prix : Le baobab urbain de Youssouf Sawadogo et Zied Hattab de l’Ecole Nationale d’Architecture et d’Urbanisme de Tunis (ENAU), Tunisie 2e Prix : Urban Slum Lab de Eric Amoah-Awuah, Joshua Dodoo et Sarbeng Yaw-Kuffour de Kwame Nkrumah University of Science and Technology (KNUST), Kumasi, Ghana 3e Prix : Biryogo collective housing de Jean-Paul Bigirimana et Flavia Gwiza de Kigali Institute of Science and Technology (KIST), Kigali, Rwanda

Bonjour ! Vous êtes les heureux gagnants du concours #1 d’AFRIKArchi. Pourriez-vous vous présenter brièvement ? SAWADOGO Youssouf : Je suis étudiant burkinabé en architecture à l’École nationale d’architecture et d’urbanisme de Tunis (ENAU). Je suis actuellement en stage professionnel chez un jeune architecte de la place. Je m’intéresse surtout à la notion de ville et d’architecture. HATTAB Zied : Étudiant en architecture à l’ENAU également, je manifeste ma motivation et ma passion à l’architecture par mes projets, ma démarche, ma réflexion à renouveler l’architecture en sollicitant mes ressources propres, la relation à l’environnement, à l’usage, à la matière et à la structure. C’est la convergence de ces éléments qui va constituer l’architecture dans ses différentes dimensions.

Qu’est-ce-qui vous a poussé à participer à ce concours ? SAWADOGO Youssouf : L’esprit du challenge et aussi le thème du concours, le logement collectif en milieu urbain. C’était une occasion pour nous d’imaginer un modèle d’habitat qui puise ses ressources du contexte local.

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HATTAB Zied : C’est en quelque sorte la problématique posée dans le concours de « repenser » le logement en Afrique et de présenter notre vision de l’habitat africain dans son contexte complexe et varié.

Clin d’oeil AFRIKArchi est une association à but non lucratif créée et basée en France depuis 2011. Elle est représentée dans plusieurs pays africains tels que : ALGERIE, BENIN, CAMEROUN, COTE D’IVOIRE, GHANA, GUINEE EQUATORIALE, MALI, MAROC, NIGER, NIGERIA, OUGANDA, SENEGAL, TOGO, TUNISIE... L’association a pour valeurs l’esprit d’équipe, l’ambition et la dynamique internationale, la créativité, la compétence et le professionnalisme, l’ouverture, l’initiative et la vie associative. L’objectif de l’association est de soutenir et d’amplifier l’enseignement de l’architecture, de l’urbanisme et du géniecivil en Afrique. C’est dans cette optique qu’est organisé chaque année un concours international nommé ARCHIGENIEUR AFRIQUE. Pour la première édition lancée le 1er octobre 2012, il a été demandé aux participants de concevoir un « COMPLEXE DE LOGEMENTS COLLECTIFS EN MILIEU URBAIN EN AFRIQUE». Ce concours a connu la participation de plus de 1000 étudiants et jeunes diplômés issus de plus de 80 écoles, dans plus de 30 pays Africains. Réunissant un jury international et pluridisciplinaire, composé d’architectes, urbanistes, ingénieurs, sociologues et historiens, la délibération a eu lieu le 1er Février 2013, à la Cité de l’Architecture et du Patrimoine, au Palais de Chaillot à Paris. Aussi, plusieurs projets ont été sélectionnés pour participer à l’exposition internationale qui a débuté en Mars 2013 dans plusieurs villes d’Afrique et du Monde.

Parlez-nous un peu de votre projet. SAWADOGO Youssouf : Le projet est l’aboutissement d’une réflexion sur l’habitat africain en particulier celui burkinabé. Le projet tente de réconcilier matériaux locaux, écologiques et pratiques locales de l’espace avec une architecture contemporaine. HATTAB Zied : Le baobab urbain est un projet contextuel qui offre un cadre de vie communautaire convivial incluant la notion de confort thermique. C’est l’aboutissement d’une réflexion sur l’habitat africain avec sa particularité, par une réinterprétation de l’habitat burkinabé, des pratiques locales de l’espace et l’utilisation de matériaux locaux pour présenter une architecture écologique qui réinterprète l’ancien pour créer le présent.

Qu’est-ce-que vous avez appris lors de la réalisation de ce concours ? Une anecdote ou un souvenir particulier ? SAWADOGO Youssouf : Le projet se situe au Burkina Faso et je suis étudiant burkinabé en Tunisie. Pour moi, c’était l’occasion d’appliquer ces connaissances apprises en Tunisie sur un contexte local qu’est le mien. En fait, c’est un feedback réussi. C’était aussi une occasion pour mon binôme de découvrir un nouveau contexte socio-culturel et une autre façon de pratiquer l’espace. HATTAB Zied : Pour moi, c’est une nouvelle expérience où j’ai appris à réfléchir pour un nouveau cadre urbain, un nouveau contexte environnemental et social. C’est une communauté qui a sa propre culture, son mode d’utiliser et de s’approprier l’espace, sa méthode de bâtir donc j’avais à apprendre à répondre à leurs besoins en offrant une réponse architecturale.

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ARCHITECTURE | Interview Exclusive

Comment voyez-vous l’avenir de l’Architecture en Afrique ? SAWADOGO Youssouf : Toute l’Afrique est à reconstruire et elle regorge pas mal de jeunes talents africains. Alors la réponse, vous la connaissez déjà ! HATTAB Zied : L’Afrique regorge de potentiels humains, des jeunes concepteurs qui n’attendent qu’une plateforme propice à la créativité pour voir le jour. Pour moi, l’avenir de l’architecture et des jeunes architectes n’est pas clair tant qu’il n’y aura pas de cadre qui respecte et prend en charge ses potentiels.

Quels conseils pouvez-vous donner aux futurs architectes et aux futurs participants à ce concours ? SAWADOGO Youssouf : De ne pas oublier leur racine culturelle. Elle doit être perceptible à travers leur projet. C’est la seule façon de s’identifier sur le plan international. HATTAB Zied : De comprendre et considérer le contexte africain dans sa richesse à ses différentes dimensions sociale, culturelle, urbaine et environnementale et essayer de présenter une réflexion où une réponse architecturale prend en compte ces éléments. Propos recueillis lors de l’exposition ARCHIGENIEUR AFRIQUE à Tunis, à l’École Nationale d’Architecture et d’Urbanisme (ENAU).

Compte rendu A l’issue de la remise des prix, AFRIKArchi et les gagnants ont eu l’opportunité d’être reçus à l’ambassade du Burkina-Faso à Tunis où ils ont rencontré Madame Laurence Diakité, Conseiller et Chef de Service des Affaires Consulaires. Le projet lauréat a été beaucoup apprécié et les autorités ont encouragé les jeunes gagnants mais aussi AFRIKArchi à continuer sur cette voie permettant de valoriser l’Afrique. En outre, une partie du projet devrait être réalisé au Burkina-Faso et c’est dans ce but que AFRIKArchi en collaboration avec les lauréats ont monté un dossier d’appel à donations. Le projet nécessitant un budget de 158 000€ pour sa réalisation, AFRIKArchi a récemment lancé une campagne de collecte de fonds afin de trouver ce financement. L’association compte non seulement sur des mécénats mais prévoit aussi de répondre à des appels à projets afin de récolter les moyens financiers nécessaires pour la réalisation de celui-ci. La construction sera organisée sous forme de worskhop international ouvert aux professionnels et étudiants et permettrait donc aux acteurs africains et internationaux de participer à la concrétisation de ce projet. Ce concours étant organisé chaque année, la prochaine édition sera lancée le 1er Octobre 2013 et aura comme thème « Concevoir ou réhabiliter un marché en milieu urbain en Afrique ». Espérant que cette édition puisse aussi attirer encore plus de candidats avec des idées tout aussi novatrices pour notre cher continent. Le dossier d’appel à donations pour le « Baobab urbain » est disponible sur le site internet de l’association www.afrikarchi.com et peut être aussi envoyé par mail sur demande. Mauried ATAYI

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Lahbib El Moumni & Channane Reda

Lauréats de la 4e édition du “Holcim Forum Student Poster Competition”

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Projet : Urban Microstructure to Generate a New Development of the Old Medina of Tetouan Ainsi, ce Forum s’est déroulé sur trois jours avec la participation de formateurs, de professionnels, de mécènes, de spécialistes de la nature, de l’anthropologie, d’architectes et d’urbanistes. Notons que d’éminents experts y ont participé tels que David Chipperfield, Alejandro Aravena, Lucas Bretschger et Brinda Somaya. Le concours associé à cet événement a permis aux étudiants issus des écoles participantes de présenter 24 études. A l’issue d’un vote de plus de 300 participants, c’est le projet de deux étudiants de l’École d’Architecture de Casablanca, en l’occurrence, Lahbib El Moumni, 5ème année et représentant AFRIKArchi Maroc et Reda Channane, architecte diplomable, qui ont remporté le trophée de vainqueur. www.afrikarchi.com | 11

e domaine de l’architecture et de l’urbanisme a fait des émules dans le Royaume Chérifien, grâce à la Fondation de l’International Holcim Forum. Lahbib El Moumni et Reda Channane se retrouvent en effet sur la première marche du podium ! Sponsorisé par la Fondation Holcim pour la construction durable basée à Zurich, en Suisse, la 4ème édition de ce Forum, s’est tenu sous le signe de l’« Économie de la Construction Durable » du 11 au 13 Avril 2013 à Bombay, en Inde.

Un concours associant plusieurs écoles inernationales, évalué par un jury prestigieux


ARCHITECTURE | Récompense

Le projet a tenu toute l’assistance en haleine tant par son originalité que par sa qualité : Urban Micro Suture to Generate a New Development of the Old Medina of Tetouan. Rappelons que trois ans plus tôt, lors de sa première participation, l’École d’Architecture de Casablanca avait glané le 2ème prix, avec le projet Tomb Houses.

Une opération d’acupuncture urbaine pour la médina de Tétouan Cette année, ce projet de Lahbib El Moumni et Reda Channane a principalement consisté en une opération d’acupuncture urbaine. Autrement dit, un ensemble d’opérations de petite échelle qui ont notamment consisté en l’aménagement d’espaces publics, ayant vocation d’offrir une meilleure qualité de vie aux habitants. Le projet s’est développé le long de l’un des axes importants de la médina de Tétouan, caractérisée par une imbrication de plusieurs problématiques. Ce site est ainsi marqué par un relief tortueux et une forte déclivité, des enjeux liés à l’écoulement des eaux, au traitement des déchets, de problèmes de mobilité notamment des personnes vulnérables. Aussi, c’est un territoire qui abrite des populations pauvres et dont les espaces publics sont peu qualitatifs, prenant souvent la forme de délaissés. L’objectif de ce projet était donc de requalifier cet axe en offrant à chaque fois des réponses adaptées aux enjeux évoqués, et ce par le biais de la création d’espaces publics répondant aux besoins locaux de la population. Nous pouvons citer par exemple, la création d’espaces pour les marchands ambulants, de belvédères, l’aménagement de places de jeux ou encore d’espaces dédiés à l’agriculture urbaine. C’est a travers une analyse de terrain et une étude fine des espaces vacants et de leur capacité de mutation que ce projet se veut être un exemple pour la préservation d’un tel patrimoine. Roland KOUASSI

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ARCHITECTURE | Interview Exclusive

Francis Kéré

L’architecte du Sahel Reconnu internationalement pour ses projets tels que l’École de Gando et le Centre de l’Architecture en terre au Mali, cet architecte est l’un des architectes africains qui fait la une de grands magazines internationaux, Mais en plus, il réalise ses projets en privilégiant les matériaux locaux et en faisant travailler la manne ouvrière locale. Son nom, Francis D. Kéré. D’origine burkinabée, l’homme s’est vu décerner plusieurs grands prix de prestige dont l’Aga Khan Award for Architecture en 2004 et le Global Holcim Gold Award for sustainable construction les années 2011 et 2012. Pour vous, AFRIKArchi a interviewé l’architecte que nous avions pu rencontrer lors des Global Holcim Awards 2012 qui ont eu lieu en début d’année à Mumbai en Inde.

Les étudiants africains ne connaissent pas M. Kéré. Qui est Francis Kéré ? Francis Kéré ? C’est moi, une modeste personne. Je suis né au Burkina-Faso. J’ai décroché une bourse du gouvernement allemand, ce qui m’a permis de passer mon baccalauréat en suivant des cours du soir puis faire des études d’architecture à Berlin. Après y avoir passé deux années, je m’ennuyais à l’Université, où j’étudiais les vieilles techniques de construction en Allemagne. C’est alors que je suis reparti au Burkina-Faso pour construire une école. J’ai construit ce bâtiment avant de passer mon diplôme. Je ne voulais pas vraiment passer mon diplôme, je voulais apprendre à construire et c’est tout ! J’ai commencé très tard les études. J’ai commencé à 30 ans, ce que les gens ne savent pas. Il faut dire que je n’avais pas le stress que j’ai aujourd’hui. J’avais étudié avec des jeunes qui avaient 20 ans. Mais, avec le travail et les voyages, les choses ont beaucoup changé. J’ai construit mon premier bâtiment en 2001 et il a eu le prix Aga Khan en 2003. Cela, deux mois après avoir obtenu mon diplôme ! Aujourd’hui, je continue à aider mon village et j’ai des projets un peu partout dans le monde.

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On sent qu’il y a une ligne directrice dans vos projets. Y en a t’il vraiment ? Il y a une continuité dans ce que je fais. Une certaine ligne directrice, celle de travailler avec le climat, protéger les bâtiments contre l’eau et la température ce qui se manifeste de plusieurs façons. J’ai souvent deux toits. Un faux plafond massif qui protège la structure contre la chaleur extérieure, et une autre toiture plus fine. Ces deux toits ont une fonction importante pour moi. Une double toiture crée une circulation de l’air entre les murs massifs, ce qui permet une climatisation naturelle entre les bâtiments. Ce n’est pas rare que je choisisse de faire des grands toits pour mes bâtiments dans les projets que je fais au Burkina Faso.

Les bâtiments emblématiques que vous avez construits sont souvent des équipements. Avez-vous essayé de faire dans l’habitation ce type de démarche? Oui, j’ai souvent fait des écoles mais je conçois aussi des logements. Mon deuxième projet était un logement. Mais, il y a une écriture très émotionnelle dans ce type de bâtiment ! C’est pourquoi je n’en avais pas trop parlé, ces bâtiments sont qualifiés souvent comme des friches de villages. Il y a des idées à grande échelle. Cependant, les moyens financiers nous obligent à attendre et il faut le dire, je suis toujours lié à l’académie dans l’enseignement.

Votre premier projet porte sur l’éducation. Créer une école pour des gens qui n’y avaient pas accès. Vous tenez à participer à ce projet social. Et dans plusieurs autres projets vous avez également intégré la population de votre village dans leur construction. Et cela relève aussi d’une forme d’éducation. Qu’est ce que cela représente pour vous ? L’éducation, je la décrirai ainsi : peut être que si nous sommes pauvres, c’est que nos peuples sont coupés de l’information parce qu’on ne sait pas lire ni écrire. L’éducation constitue la base de tout développement économique et même culturel. Moi, j’ai quitté ma communauté traditionnelle du Burkina Faso qui était un village. Je voulais revenir construire une école ici, pour pouvoir voyager et découvrir. J’ai pu faire ça en travaillant avec cette population. C’était une technique constructive innovante qui a été utilisée, donc il a fallu apprendre à ces gens la maîtrise de cette technique. En fin de compte, c’est à la fois apporter et créer une infrastructure pour l’éducation et donner à cette communauté la possibilité de construire cette infrastructure.

Quels conseils pouvez-vous donner aux jeunes étudiants architectes? Peut être que je suis le mauvais conseiller de mon domaine et de mon continent. Mais, je crois qu’il faut qu’on ait plus de courage. Comme Alejandro Aravena dit, « il faut plus de lait naturel de la maman ». Il faut que ce lien avec nos racines soit mieux cultivé et qu’on ait le temps de méditer dessus. En Afrique, ce qui nous manque, c’est le courage, la volonté et les informations. Je suis conscient que c’est un grand problème. Il ne faut pas oublier aussi que ce qui est important, c’est la relation humaine. Elle compte plus que l’argent. Il faut considérer ce que nous avons comme une valeur importante pour nous. C’est ce que tout architecte comme moi essaie de faire. Alejandro Aravena m’a parlé de cela et c’est ce qu’il vient de me répéter encore. Il était chez moi dans mon village et il m’a dit : « tu sais, ce n’est pas parce que tu es un architecte de là-bas que l’ambassadeur des Etats-Unis s’est mobilisé ». Un jour, il y a un juge de la cour suprême des Etats-Unis qui est venu dans mon village pour voir mon projet. Ce petit village au cœur de l’Afrique ! www.afrikarchi.com | 15


ARCHITECTURE | Interview Exclusive

«Le terrain est nouveau, l’erreur serait d’abandonner. C’est nous l’avenir de l’Afrique» Si j’avais copié une mode américaine, ça n’aurait jamais bougé quelqu’un parce qu’il y en aura des milliers et il aurait préféré aller ailleurs. C’est parce que j’ai eu le courage de m’engager pour ma communauté en utilisant ce que j’ai appris dans une école d’architecture. Ainsi, tu fais bouger les gens, tu fais réfléchir les gens et c’est ce que nous devons faire. J’ai toujours repoussé, rejeté et refusé le fait de marcher comme des moutons derrière la mode. Les autres ont tous découvert quelque chose parce qu’ils ont eu le courage de le faire en premier.

Un petit mot pour l’Association AFRIKArchi. Qu’est ce que vous pouvez dire pour cette initiative ? Je souhaite surtout beaucoup de courage à AFRIKArchi. Ce n’est pas facile, c’est le début. Le terrain est nouveau pour vous, les initiateurs. L’erreur serait d’abandonner, parce que la grande force que vous avez eue, c’est d’avoir démarré et avoir eu le courage d’oser. Pourquoi attendre les institutions qui sont supposées parler à notre place ? C’est nous l’avenir de l’Afrique et il ne faut pas abandonner. C’est un bon choix et je ne peux que vous encourager dans ce sens, et nul ne sait ce que ce sera demain. Cela pourra déboucher, peut être, sur une plateforme pour tout le continent, une ouverture pour le monde, sur l’Afrique. Lahbib EL MOUMNI

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fro e d m a m CS I R B

AFRICAN OR F A als ri

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Made from African Materials or Fabrics


ARCHITECTURE | Critique Architecturale

ADJAYEtecture | KEREtecture

Quelle architecture

I

ls sont tous deux architectes africains, nés en Afrique noire, mènent des projets d’envergure dans les quatre coins du monde. Ils enseignent l’architecture dans de prestigieuses universités. Ils se sont vus décerner de prestigieux prix d’architecture et font la une de grands magazines internationaux. Ils ont tous deux effectué leurs études supérieures d’architecture en Europe. De nombreux points en commun, mais des approches de l’architecture différentes ! L’un s’inspire particulièrement de la culture africaine ainsi que des objets communément utilisés en Afrique pour concevoir ses projets. L’autre puise son inspiration dans le terroir africain et fait participer les acteurs et des matériaux locaux dans ses projets. Vous avez sûrement déjà pu voir leurs profils, interviews et projets dans de nombreux magazines, car ce sont eux qui tiennent les rênes quand il s’agit de l’architecture en Afrique. 18 | #1

Deux hommes qui ont la côte en Afrique et dans le monde Leurs noms, David O. Adjaye & Francis D. Kéré. L’un est ghanéen, l’autre burkinabé. Ont-ils une même lecture et une même conception de l’architecture ? A l’heure actuelle où l’économie de l’Afrique est en plein essor, et où l’on compte des taux de croissance à deux chiffres dans certains pays, il est plus qu’important de se pencher sur l’architecture, l’urbanisme, l’assainissement et les VRD dans les villes africaines. En effet, l’on s’interroge sur le rôle et la place de ces architectes-urbanistes de renommée internationale. Se penchent-ils assez sur les maux dont souffre le continent ? Car malgré les efforts consentis, l’on peine à voir le résultat des démarches menées.


re pour l’Afrique ? « Le modèle anglosaxon»

d’euros). Inexistante en Afrique à ses débuts, l’agence commence toutefois depuis quelques années à piloter des projets sur le continent, tels que le Princess Town Resort (Takoradi, Ghana, en cours), Sylvia Bongo Ondimba Foundation (Libreville, Gabon, en cours), Cape Coast Slavery Museum (Cape Coast, Ghana, en cours). Aussi, l’architecte participe à de nombreux colloques et ateliers qui se déroulent sur le continent africain. Parmi ces projets, certes très prestigieux, l’on ne constate cependant pas d’action de grande ampleur traitant les vrais problèmes de l’architecture, l’urbanisme et les VRD. Puisque l’architecte ne cesse de multiplier ses projets sur le continent ces dernières années, espérons qu’il puisse non seulement ouvrir une agence en Afrique et se pencher vraiment sur les maux dont souffre le continent africain, mais aussi essayer de par sa notoriété de faire comprendre aux gouvernements africains que les domaines tels que l’architecture et l’urbanisme sont des catalyseurs pour le développement de l’Afrique. Car, il est non seulement un modèle pour toute la jeunesse africaine, mais aussi l’un des architectes africains vus par la scène internationale.

DAVID ADJAYE

Pourtant né de parents ghanéens, David Adjaye se dit « britannico-ghanéen » et certains le désignent d’ailleurs comme architecte britannique.

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é en 1966 à Dar Es Salam en Tanzanie d’un père diplomate ghanéen, cet architecte est le fondateur de Adjaye Associates, anciennement appelé Adjaye Architectes. Aujourd’hui, l’agence est installée dans de grandes villes à travers le monde telles que Londres, New York, Berlin, et également au Qatar. Pourtant né de parents ghanéens, David Adjaye se dit « britannico-ghanéen » et certains le désignent d’ailleurs comme architecte britannique. L’agence a réalisé de nombreux projets prestigieux dans le monde. On peut notamment citer le Nobel Peace Center d’Oslo (2005), le Rivington Place à Londres (2007), le musée d’Art contemporain de Denver (2007). En 2009, son agence a remporté l’appel d’offre du prestigieux monument à Washington, le National Museum of AfricanAmerican History and Culture, projet d’une valeur de 500 millions de dollars (environ 370 millions www.afrikarchi.com | 19


ARCHITECTURE | Critique Architecturale Aujourd’hui, l’architecte compte à son actif de nombreux projets dans le monde notamment au Mali, au Yémen, mais aussi en Inde ou encore en Espagne. Toutefois, là aussi, au delà de ces projets qui fonctionnent à échelle réduite, celle du village, l’on peut regretter l’absence de solutions sur les problèmes de fond liés à l’urbanisation en Afrique.

Quelle identité architecturale réflete le siège social de l’Union Africaine ? Qu’en est-il de la question d’identité architecturale et une architecture adaptée aux pays africains? Aujourd’hui, le manque d’une identité architecturale propre à l’Afrique est criant, cela même quand il s’agit de construire le siège social de l’Union Africaine, à Addis-Abeba. C’est une fois encore une occasion ratée. En effet, ce sont les chinois qui ont offert à l’Afrique cet édifice de 20 étages, construit à un coût de 200 millions de dollars et qui ont aussi réalisé l’infrastructure où aucune lecture architecturale africaine n’est lisible. Pourquoi ne pas avoir fait appel à un architecte africain pour la conception d’un tel édifice, pourtant supposé refléter une Afrique qui se veut indépendante et libre d’expression, y compris architecturalement ? N’aurait-t-on pas des architectes Africains ou en Afrique, qui ne se soucieraient pas de la question? Ou tous feraient-t-ils semblant de ne point aborder la question ? Les architectes David Adjaye & Francis Kéré, mondialement connus, ne pourraient-t-ils pas faire comprendre aux dirigeants africains qu’il serait temps que nous cessions de copier l’architecture occidentale et que nous définissions enfin une identité architecturale propre à l’image de nos pays africains. Tous les architectes des pays africains se doivent d’y contribuer.

« Formé à l’école allemande »

FRANCIS KERE

N

é en 1965 à Gando au Burkina Faso, l’homme est le fondateur de l’agence Kere Architecture et de l’association « des pierres pour construire des écoles à Gando» (1998). Diplômé du Technische Universität de Berlin (T.U.), le parcours de cet architecte n’est pas du tout celui du commun des mortels. Ayant d’abord appris le métier de charpentier dans son village natal, l’homme part à Ouagadougou où il fut employé comme formateur par BMZ, une ONG allemande qui finance des ateliers de formation technique dans son pays. Suite à l’obtention d’une bourse par cette ONG, Francis Kéré s’envole pour l’Allemagne où il étudia alors l’architecture. L’architecte est connu pour l’école de Gando qu’il a réalisé pendant qu’il était toujours étudiant. Ce projet qui n’est plus à présenter, a valu à Francis Kéré le prestigieux prix Aga Khan Award for Architecture en 2004. Cette école, dont le fonctionnement est plus lisible en coupe, est réalisée en briques de terre, matériau local. La structure est couverte par une toiture en auvent, favorisant ainsi une température modérée dans les salles de classe. Le débordement de la toiture sert de pare-soleil et joue parallèlement un rôle de protection des murs. Au fil des années qui ont suivi sa construction, des salles de classes, un centre d’hébergement d’étudiants et de professeurs, un terrain de sport puis un jardin ont été ajoutés à l’école. L’école de Gando et le Centre de l’architecture en terre au Mali sont des exemples même de la recherche avancée sur l’architecture appropriée dans les pays du Sahel. Car non seulement les matériaux locaux sont utilisés, mais en plus de cela, les hommes et les femmes de village participent à la réalisation de l’architecture. Ainsi, des formations sont faites au fur et à mesure que les constructions se réalisent.

Romarick ATOKE

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Annuaire International de consultants en externalisation de compétences (outsourcing) pour l'Afrique. Les consultants sont classées par secteurs d'activités et par pays.

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DOSSIER

La CitĂŠ Internationale de Dakar 22 | #1


Quartier de Fann Hock, Dakar, Sénégal Groupe 3 Architectes (Omar Tijani, Skander Amine) Conception : 2013

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ARCHITECTURE | Dossier

L

Dakar, véritable mégalopole africaine peuplée de plus de 4 000 000 d’habitants, accueillera dans peu de temps « La Cité Internationale de Dakar ». Elle regroupe ainsi les représentations de diverses institutions et organismes internationaux du grand ouest africain ! Bâtie sur une superficie de 1,2 ha, elle s’élance de l’Île du Cap Vert jusqu’au littoral dakarois, au Sénégal. Riche de sa façade maritime, elle pourra davantage mettre en avant le tourisme balnéaire, par ricochet. Dakar s’enorgueillit ainsi, sur les hauteurs, d’être la première Riviera ouest africaine ! de proche et de lointain, d’universel et de local. Tout ceci, en prenant en compte des principes de sécurité et de qualité de vie.

Le projet est constitué, dans une relative simplicité, d’un socle bas, permettant d’assurer les fonctions communes : accueil, salles de conférence, restaurants, espaces lounge. Il accueille également Aussi, Dakar est une ville qui offre des atouts des bureaux. Ce socle, qui longe la limite parcellaire, infrastructurels importants pour un tel projet. vient border les rues et marquer la séparation entre En effet, il est situé à proximité de l’aéroport intérieur et extérieur. En effet, l’un des forts enjeux international Léopold Sédar Senghor. De larges du projet est celui de répondre à une nécessaire avenues ainsi que des autoroutes permettent une exigence de sécurité au sein de la cité internationale. circulation fluide, et une voie ferroviaire intérieure assure la desserte domestique. D’autres moyens de Toutefois, le traitement de la façade vient adoucir communication tels que l’internet à haut débit, la cette brutalité apparente : des panneaux de téléphonie mobile sont en plein essor et contribuent parement en motifs floraux viennent s’articuler et jouer avec le traitement végétalisé qui est prévu le à l’attractivité de ce territoire. long des façades sur rue. Cet emplacement favorable donne à ce projet l’ambition de signifier un nouveau repère urbain Un vide central, traîté comme un pour Dakar, ambition que les concepteurs ont voulu jardin intérieur également traduire par la qualité apportée au design et au choix des matériaux. Le socle s’organise ainsi autour d’un vide central, Pour un projet d’une telle envergure, le respect traité comme un jardin intérieur, et qui devient des normes architecturales, urbanistiques et l’un des éléments majeurs du projet. Ce jardin, peu climatiques comptent. La cité internationale de visible de l’extérieur, participe de la dialectique de Dakar cultive ainsi sa différence vis à vis des cités l’ouverture et de la fermeture et contribue à créer administratives occidentales. L’un des principaux un effet de surprise auprès du visiteur. Le jardin se enjeux consiste à modeler ses atouts naturels et lit ainsi comme un espace protégé par le socle qui infrastructurels pour que transparaisse la chaleur l’entoure. de l’accueil et de la convivialité africaine. Le jardin est d’ailleurs décaissé par rapport au Ainsi, des bâtiments dont l’architecture reflète niveau du sol, ce qui permet de faire entrer de la les cultures et les traditions africaines, travaillent lumière naturelle sur les niveaux de parking situés sur les dialectiques d’ouverture et de fermeture, en souterrain. 24 | #1

’idée forte du projet émerge de l’enjeu majeur de son implantation urbaine. En effet, il prend place au coeur d’un site de premier plan à l’échelle de l’agglomération dakaroise. Située à la pointe de la presqu’île du Cap-Vert, la cité internationale de Dakar prend place sur la frange de la corniche ouest de la ville.


Au dessus de ce socle, prennent place cinq émergences. Celles-ci, constituées de plateaux de bureaux, vont du R+1 au R+5. Leur épannelage a été particulièrement étudié afin que l’ensemble puisse s’intégrer au mieux dans le paysage urbain de Dakar.

systèmes de persiennes en bois qui donnent leur identité aux bâtiments. L’ouverture se lit depuis les étages où l’on domine la ville, et d’où l’on bénéficie d’une vue sur tout Dakar et sur l’océan. Le projet de la cité internationale de Dakar se distingue donc par sa capacité à répondre à des impératifs forts de sécurité, de performance et d’évolutivité. Ceci tout en offrant une réponse architecturale claire, affirmée, valorisante pour le Dakar de demain. C’est ainsi à travers ces éléments que la cité universitaire de Dakar manie la dialectique de l’ouverture et de la fermeture pour mettre en valeur toute la façade maritime de Dakar, en particulier et de tout le Sénégal, en général.

Une vue imprenable sur Dakar et l’océan Au sein de ces différentes émergences, tout un travail a été effectué sur leur dimensionnement, l’optimisation du confort des utilisateurs et leur capacité a ménager des vues. Bien évidemment, les façades sont étudiées de manière à intégrer au maximum les enjeux climatiques : débord de dalle et protection solaire de la façade sud par des

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ARCHITECTURE | Dossier

es cinq ours du nçu sur aissant percée visuelle

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TRAMES URBAINES

COEUR D’ILOT VEGETALISE - ACCES DISSOCIES

vues

VUES - POROSITES

LUMIERE NATURELLE - VUES

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ARCHITECTURE | Dossier

Du point de vue paysager, la cité internationale de Dakar porte un parti fort, à la fois dans son intégration à son environnement ainsi que dans sa propre conception.

Des végétaux sélectionnés de manière à réduire l’humidité

Un soin particulier est apporté au choix des essences végétales utilisées dans ce projet, puisqu’elles sont En effet, le projet est conçu de manière à intégrer notamment sélectionnées pour leur capacité à un jardin central, entouré par le socle bâti, qui réduire l’humidité de l’air et à absorber l’humidité. devient le véritable coeur de l’ensemble construit. Elles permettent ainsi, également, de lutter contre Celui-ci vient de nouveau traduire la dialectique de la prolifération des moustiques. l’ouverture et de la fermeture puisqu’il est masqué de l’extérieur, et s’offre au visiteur s’engouffrant Le choix des végétaux permet également de dans l’édifice. Il constitue d’ailleurs un passage ménager des vues et des ouvertures depuis les obligé avant de se rendre dans les bureaux situés étages hauts. De plus, le jardin est légèrement dans les étages. décaissé, lui permettant de gagner en volume et des différences de niveaux jouent avec les différences de hauteurs des végétaux choisis. 28 | #1


La protection solaire a une part importante dans les choix architecturaux puisque c’est ce qui aura guidé le parti de façade. En effet, la hauteur et l’intensité du soleil à Dakar a orienté le choix de Un projet « vert » grandes lamelles de bois disposés en façade Sud. En effet, l’approvisionnement électrique Clairsemées, elles laissent entrer assez de lumière du bâtiment sera assuré par des panneaux naturelle en limitant l’impact climatique à l’intérieur. photovoltaïques disposés en toiture et surélevés, Sur les autres façades, ce sont des débords de dalle permettant la création d’une lame d’air ventilée qui assurent la protection solaire. qui maintient l’édifice au frais. Aussi, un couplage L’emploi des matériaux s’inscrit dans une même d’une ventilation naturelle à une ventilation logique. Ainsi, le choix de matériaux hydrophiles mécanique du bâtiment permettra à ses occupants s’explique par leur capacité à stocker la vapeur d’eau de bénéficier du meilleur confort. Ceci est complété (inertie hydrique). C’est en ce sens que les architectes par un système de déshumidification de l’air dans ont choisi d’utiliser des enduits à base d’argile, les bureaux, permettant un confort idéal et ce à matériau local, pour l’enveloppe du bâtiment. toute période de l’année. Dans la continuité de ce travail sur le végétal à vertu bioclimatique, le projet s’inscrit dans une véritable démarche de développement durable. www.afrikarchi.com | 29


ARCHITECTURE ARCHITECTURE | Dossier

FACADE PRINCIPALE OUEST

été reprise de l’air vicié en partie haute du volume puis rejet dans la cheminée d’extraction

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hiver

étagère à lumière air frais déshumidifié protection solaire extérieure permettant de réfléchir les apports solaires en partie basse et de faire pénétrer la lumière diffuse en profondeur en partie haute

allège à réseau d’eau froide pour déshumidifer l’air

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TRAMES URBAINES

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Programme : Tertiaire (bureaux et centre de conférences) Maître d’ouvrage : Privé Surface : 35 000 m² Livraison : 2016 Coût : n.c.

Fiche technique

Système constructif : Trame structurelle en béton armé Socle : béton imprimé clair à motif floral Plots : vitrage et écran persienné bois en façade sud

Khader BERREKLA, avec Roland KOUASSI

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CONSTRUCTION | Regard

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Africités ou chinoiseries ? es villes africaines se construisent à une vitesse très importante à l’image de l’économie de l’Afrique. Tous les organismes financiers internationaux s’accordent à le dire, en ces temps de crise financière, l’Afrique le continent de tous les maux, présente une bonne santé économique et une croissance de 6% selon agenceecofin.com. Pour le citoyen lambda, bien loin de toutes les analyses, le progrès est visible au travers des multiples chantiers (routes, hôpitaux, écoles, port, aéroports,…) lancés par l’Etat qui modifie son environnement.

La construction chinoise est en passe de devenir une reférence de par la rude concurrence qu’elle oppose aux entreprises locales. apportant de l’électricité aux villages reculés, et attirant des investissements étrangers. En Afrique de l’Ouest un projet important de chemin de fer reliant quatre pays (Côte d’Ivoire, Bénin, Niger, Burkina Faso) est en chantier pour un coût de 5 milliards de francs CFA.

La Chine fait main basse sur un immense marché Le rythme actuel de l’urbanisation en Afrique (3.4%, selon ONU-Habitat), est le plus élevé au monde. Entre 2010 et 2050 la population urbaine sera multipliée par trois. Face à de telles prévisions, les Etats se doivent d’améliorer les infrastructures (routières, énergétiques, sanitaires,…) et de fournir des logements sociaux adéquats ; seulement selon la BAD le montant nécessaire à l’Afrique est de 40 milliards de $ par an et nombre de pays ne disposent pas de moyens suffisants. Les bailleurs de fonds habituels (FMI, Banque Mondiale), face aux nombreuses dettes, hésitent à avancer de nouveaux prêts. La Chine quant à elle s’avère jusqu’ici un partenaire efficace.

Ces dix dernières années, les investissements dans l’infrastructure de transport (ponts, routes, aéroport) ou énergétiques (barrages, raffinerie, gazoducs), les logements sociaux et la maintenance se sont multipliés sur le continent: le Mali a investi près de 700 milliards CFA dans les infrastructures routières ces dix dernières années, le Congo a injecté 380 milliards de francs CFA en 2012 contre 70 seulement en 2005, à côté le « Gabon émergent » compte investir 18 milliards d‘euros en cinq ans. Nul doute que la politique volontariste des Etats, participe à cette croissance fulgurante des villes africaines, favorisant le désenclavement des régions, 32 | #1


- Forte capacité d’intervention (technologies simples et robustes, mobilisation de milliers d’ouvriers si besoin) tandis que les entreprises locales ont recours à la soustraitance même étrangère pour faire le poids ; ce qui alourdit leurs frais et les éloigne de la concurrence De 2001 à 2010 l’aide chinoise en Afrique pour la construction de routes, chemins de fer et réseaux électriques est passée de 1 à 7 milliards de $ par an. La Chine a aidé les pays africains à construire plus de 2000 km de routes, plus de 3000 km de chemins de fer, une centaine d’écoles, une soixantaine d’hôpitaux, et a annulé pour plus de 3 milliards de dollars de dettes en Afrique. En effet, l’intérêt accru de la Chine, ces dernières années, pour le continent, avec des prêts et annulation de dette, les accords commerciaux, les dons et les partenariats « gagnantgagnant » qui vont avec, viennent à point nommé aider à combler le déficit en infrastructures.« Lorsque je veux construire une autoroute, il me faut cinq ans pour conclure avec la Banque mondiale. Avec la Chine, c’est réglé en quelques jours : je dis oui ou non, et je signe. » L’ex président sénégalais, Abdoulaye Wade, résumait en ces termes, lors du sommet Union européenneChine de 2007, la nouvelle alliance avec l’Empire du Milieu. Les dons chinois (stades, hôpitaux, dispensaires, orphelinats…) sont souvent financés et entièrement construits par les entreprises et ouvriers chinois.

- Tarifs 30-40% inférieurs à ceux de la concurrence. Prix imbattables qu’autorise le recours en partie à une main-d’œuvre très bon marché, importée de Chine, tout comme le matériel de travaux publics, transporté par bateaux - La Chine n’a pas de zone privilégiée, elle est partout même dans les zones à risques ou d’instabilité, abandonnées par les Occidentaux

Face à la multiplicité des interlocuteurs, les Africains imposent parfois aux groupes chinois la présence de consultants occidentaux, ce qui leur permet à la fois de bénéficier des coûts chinois peu élevés et des exigences de qualité et d’efficacité des groupes occidentaux. La construction du barrage d’Imboulou au Congo par la société CMEC sous le contrôle de la société allemande Fichtner, constitue un exemple parlant. Outre les problèmes financiers pour rivaliser avec la concurrence, les entreprises locales font face à un manque de moyens matériels et de personnel les poussant à recourir à des sous-traitances et les privant ainsi de la chance d’être compétitifs.

- Elle bénéficie d’une forte activité diplomatique se traduisant par des dons réalisés entièrement par des entreprises chinoises ou des contrats à l’ « Angola mode » c’est-à-dire infrastructures contre matières premières - Courage et détermination des ouvriers pour aller à l’aventure malgré les difficultés de la langue

- Rapidité d’exécution et discipline de travail. Les autres concurrents de la Chine en Afrique, les entreprises Françaises Bolloré et Bouygues sont de moins en moins présentés. A présent plusieurs pays émergents (Inde, Brésil,..) suivent l’exemple de la Chine en Afrique, multipliant les contrats. Néanmoins l’autre concurrent sérieux de la Chine, dans le BTP, sur le continent est la Turquie. La Turquie fortement présente au Maghreb commence à investir l’Afrique subsaharienne. Les entreprises de BTP turques (Dogus Holding, Mak Yol, la firme Galkon,…) qui détiennent plus de 3% du marché mondial de la construction, ne bénéficient pas de subventions directes de la part de leur Etat, mais sont tout aussi peu chers que les chinois. Les quelques gré à gré qui subsistent malgré le risque de corruption et son caractère illégal dans certains pays, ne profitent toujours pas aux nationaux. Ceci étant, nombre d’entre eux dénoncent une concurrence déloyale et réclament une politique protectionniste. Mais, cette situation a aussi permis à plusieurs de revoir leurs standards. Rachidatou TCHAGBELE

Les raisons qui expliquent le succès de la Chine : - Soutien de la banque étatique, China Export-Import Bank (CEB), qui dispose de réserves colossales (plus de 1900 milliards de dollars) alors que les banques locales sont plus réticentes face aux prêts d’entreprises, vu la lenteur de paiement de l’Etat

- Savoir-faire avéré par rapport aux entreprises locales dans les grands travaux

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CONSTRUCTION

Maintenant disponible en kiosque

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Des constructions comme du carton sous les eaux

Les constructions dans plusieurs villes ne résistent pas aux intempéries

L

a saison des pluies est devenue le cauchemar des populations de la sous-région d’Abidjan, à Niamey et Dakar. Des pluies accompagnées de vents violents font de nombreux désastres sur leur passage, plongeant ainsi les populations dans le désarroi et l’émoi. Ces dernières décennies, l’urbanisation, certes effrénée, n’a pas souvent suivi l’évolution galopante de la démographie de ces métropoles ouest-africaines. Les habitations n’ont souvent pas été construites selon les normes de l’urbanisme et de l’architecture modernes. Les matériaux utilisés ne sont pas adaptés aux intempéries tropicales ! Les canalisations ne supportent plus la densité de la population car les ménages sont passés du simple au double. Même si elles existent, elles sont obstruées par des commerces ou des bidonvilles qui pullulent les cités. Par ailleurs, le développement durable n’est pas promu par les autorités des États. Les ministères en charge de l’environnement et du développement durable entreprennent des actions qui s’avèrent inefficaces et inefficientes.

Par conséquent, les déchets non-biodégradables enfouis dans les canalisations y sont nombreux et leur présence perdure. Les cours d’eau sont pollués et deviennent le lit des déchets des entreprises riveraines. Cela a une influence certaine sur l’environnement. Cette situation présentée de la sorte est très propice aux dégâts matériels et aux pertes en vie humaines, dès les premières pluies. Les gouttes de pluie se rassemblent à travers de petites rigoles, qui elles-mêmes s’agrandissent et deviennent de plus en plus puissantes. Elles détruisent tout sur leur passage, des maisons s’effondrent, des ponts s’écroulent, des routes sont coupées. Et l’on enregistre des pertes en vie humaine.

Des quartiers peu viabilisés et des réseaux insuffisants En août 2012, à la suite des pluies diluviennes à Dakar, il y a eu des dizaines de morts. Rien n’est fait pour résoudre les problèmes des sites dangereux. Le plan ORSEC, dispositif permettant la gestion des crises, ne règle pas les problèmes en amont de l’avènement des premières pluies. De même, en Côte d’Ivoire en 2009, les quartiers qui n’ont pas été viabilisés ont été sous les eaux pendant la saison des pluies. Aussi, les cités dites résidentielles souffrent des conséquences des précipitations. Dans ce pays, des bidonvilles ont subi des dégâts matériels et humains très importants. Il est grand temps qu’une prise de conscience se fasse auprès de tous les acteurs concernés. Roland KOUASSI

Un manque d’information du public et une opacité de fonctionnement des entreprises En amont, les populations n’ont pas été sensibilisées sur l’intérêt de telles actions. De plus, face à la déliquescence de l’autorité de l’État, les entreprises en charge de l’entretien de la cité en termes de ramassage d’ordures et de balayage sabotent les programmes de salubrité de la ville.

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CONSTRUCTION | Regard

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George Pericles

Un think-tank au service du Rwanda Ce mélange permet un transfert de savoir et d’idées dont bénéficiera Kigali. Le projet se déroule à la fois sur le terrain, avec une immersion auprès des habitants des quartiers de Kigali, notamment Kagugu, pour mieux comprendre leur mode de vie et se sensibiliser à leurs besoins ; mais aussi par l’organisation d’une conférence et d’une exposition afin de diffuser les résultats de la recherche qui a pour but d’aider à l’urbanisation des grandes villes dans l’Afrique entière. LE DESIGN DU RWANDA AU BURUNDI Les designers sont aussi à l’origine d’une ligne de fournitures de luxe inspirées des traditions du Rwanda, réalisées à partir de matériaux locaux, et en partenariat avec les artisans du Rwanda. La collection Kubaka lie modernité et traditions. On retrouve également la construction de maisons privatives dans le projet des designers et architectes de George Péricles. La maison Rugo est l’un des exemples de leur travail. Cette maison low-cost est en continuité avec l’esprit des traditions associées à la modernité. Elle est inspirée des maisons traditionnelles du Rwanda et du Burundi, pays frontaliers. Les architectes ont donc voulu apporter des solutions aux besoins des populations locales en leur permettant d’accéder à des maisons à moindre coût. Chloé OZOUX

eux architectes et designers formés à Nantes, Anaïs Le Grand et Guillaume Sardin, ont fondé le studio George Péricles, basé au Rwanda et à Paris afin de contribuer au développement de ce pays qui présente de nombreux avantages, tant par ses vastes terres que ses ressources naturelles, propres à l’Afrique. « Le design pour tous » est l’un des mots d’ordre de ces deux architectes qui tentent de transmettre leur savoir tout en gardant l’esprit traditionnel du Rwanda. LE PROJET « LEARNING FROM KIGALI » Avec un PIB de +7% en 2012 et de +5,9% au premier trimestre 2013, le Rwanda est un pays propice à l’urbanisation. En effet, avec une population qui migre de plus en plus vers les villes, la demande dans les grandes agglomérations devient forte.

Un collectif d’architectes rwandais et français pour étudier la vie à Kigali C’est pourquoi, les deux jeunes architectes ont monté le projet d’étudier cette ville comme un site pilote avant de développer des projets similaires à travers toute l’Afrique. Kigali, capitale du Rwanda et sa plus grande ville, offre donc un terrain riche en enseignements pour ce collectif de vingt architectes rwandais et français. 36 | #1


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PATRIMOINE | Focus

CONSERVATION ET RÉHABILITATION

Patrimoine architectural africain Mise en valeur de constructions à base d’argile cuite Les 17 et 18 Décembre 2012 a eu lieu à Paris le Colloque international sur la conservation de l’architecture de terre au sein de l’UNESCO. AFRIKArchi a eu le privilège d’y assister, ce qui nous a permis de rencontrer des personnalités importantes au développement des pays africains, et à la conservation du patrimoine. Parmi elles, M. Mohamed Boussaleh, Directeur du CERKAS (centre de conservation et réhabilitation du patrimoine architectural des zones atlasiques et subatlasiques) à Ouarzazate au Maroc que nous avons pu interviewer.

AFRIKArchi : « Bonjour Monsieur Boussaleh, c’est un honneur de vous avoir rencontré. Permettez-nous de vous remercier de nous accorder cet entretien. Pourriez-vous nous dire qui est Mohamed Boussaleh ? » M. Boussaleh : « Je suis né dans le sud du Maroc, au sud d’Agadir. J’ai grandi dans la ville d’Azrou, dans le Moyen-Atlas. J’y ai fait mes études ; du primaire au baccalauréat. J’ai ensuite intégré le centre national des sciences de l’archéologie et du patrimoine à Rabat. J’ai fait partie des premières promotions : en 1986, l’institut a été créé et j’y ai été en 1989. On a fait de l’archéologie, et après 4 ans je me suis spécialisé en anthropologie sociale et culturelle. J’ai aussi fait en 2 ans un CES (Certificat des Études Supérieures). Puis j’ai intégré le CERKAS, centre qui a été créé par le ministère de la culture depuis 1989, en collaboration avec le CNUT et l’UNESCO, pour essayer de trouver des solutions aux problèmes de l’éclatement des architectures, soit de pierre soit de terre, dans les régions de l’Atlas et du Sud-est du Maroc. Ce centre a été créé 2 ans après que le Ksar Ait Ben Haddou (ndlr : ensemble de bâtiments de terre ceint de murailles) ait été classé dans la liste du patrimoine mondial de l’Unesco, en 1987. J’ai commencé en m’occupant des enquêtes ethno-historiques concernant le patrimoine architectural en terre. En 1997, j’ai quitté le Maroc pour faire un diplôme d’études supérieures en Égypte, à l’université Léopold Sédar Senghor d’Alexandrie. J’y suis resté 2 années, puis je suis retourné à Ouarzazate au CERKAS, où je suis devenu responsable de l’unité « enquêtes et études » en 2000.

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C’est un projet qui a duré 5 ans, et qui nous a permis de restaurer un grenier en terre dans un village non loin de Ait Ben Haddou. Je suis aujourd’hui expert auprès de l’UNESCO pour l’architecture en terre, expert et membre de l’ICOMOS en architecture en terre aussi, enseignant vacataire à la faculté polydisciplinaire de Ouarzazate (tourisme) et à l’Université d’Agadir (patrimoine) où j’encadre des étudiants en master. J’ai formé des guides de montagne, à Azilal, dans le centre de formation des métiers de la montagne. J’ai dirigé de nombreux travaux de restauration dans la région ; les ksours, les villages, les casbahs, les greniers, en terre, en pierre. J’ai également publié beaucoup d’articles, de manuels de conservation. J’ai aussi participé à des colloques ; aux USA, au Pérou, en Afrique… J’ai visité dans le cadre d’expertises le Mali, le Niger, la Mauritanie, le Sénégal…Maintenant, je suis en train de préparer toute une conception sur l’élaboration des plans de gestion pour les sites du Maghreb avec le bureau de l’UNESCO à Rabat, pour former tous les gestionnaires. »

AFRIKArchi : « C’est donc à partir de cette forte expertise que vous avez élaboré les plans de gestion des autres sites ? » M. Boussaleh : « Oui tout à fait. Aujourd’hui je travaille donc avec la Getty Foundation Institute, avec Claudia Cancino, qui est une amie de longue date. Un jour, elle m’a proposé de travailler avec elle sur un projet au Maroc. En 2010, ils sont venus et nous avons visité une bonne partie du Maroc, notamment le Sud-est et les vallées présahariennes. Ensuite, nous avons choisi une Kasbah à Ouarzazate - la plus grande construite en terre -, celle de Taourirte. Nous allons donc commencer un grand projet de restauration et de réhabilitation, en prenant en compte les lieux d’artisanat, les lieux d’accueil. On va aussi créer une ville d’artiste dans la Kasbah. »

La même année j’ai commencé un grand projet avec la société Helvetic en Suisse, qui consistait en l’inventaire du patrimoine architectural de la vallée du Dra’a, grâce à des photographies aériennes. Son titre exact est « Inventaire par photographie aérienne du patrimoine architectural de la vallée du Dra’a ». C’est une vallée d’à peu près 250km de long. On a donc élaboré un système d’information géographique (SIG) , ce qui nous a permis après à peu près 8 ans d’inventorier presque 300 villages communautaires. Pendant 8 ans, nous avons dû tout étudier sur ces villages: l’architecture, les éléments architecturaux (portes, fenêtres…), les galeries, les techniques, l’organisation sociale. Puis, en 2003, j’ai été nommé directeur du CERKAS. En 2004, j’ai été nommé délégué du ministère de la culture à Ouarzazate. En 2007, j’ai abandonné la délégation, pour continuer à gérer le CERKAS. J’ai fait beaucoup d’études techniques à l’école polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), ainsi que des stages en informatique, en SIG, traitement d’images, cartographie etc. Ceci me permet de pouvoir former le personnel du CERKAS. J’ai aussi été codirecteur d’un projet avec Wallen* Bruxelles pour une « étude archéologique sur les greniers de l’Atlas ».

AFRIKArchi : « Vous avez une grande expertise vis-à-vis de ce site ! Pourriezvous nous en dire un peu plus sur vos projets actuels ?» M. Boussaleh : « Je travaille maintenant avec les grandes provinces du sud d’Agadir, pour la sauvegarde des greniers collectifs en pierre. Pour l’étude, la restauration et la construction d’un centre d’interprétation des greniers du Maroc en pierre. Tout ceci avec des maquettes qui mettent en avant les éléments architecturaux etc. Il y’a aussi un travail sur les panneaux de signalétique. » www.afrikarchi.com | 39


PATRIMOINE | Focus

AFRIKArchi : « Quels sont les partenariats mis en place pour l’élaboration et l’aboutissement de vos projets ? » M. Boussaleh : « Il y a l’argent de notre ministère, mais aussi celui des collectivités locales qui me proposent toujours d’intervenir pour de la restauration. Il y a les deux, mais c’est toujours l’état. Quelque fois, c’est le secteur privé, mais c’est encore rare. On fait un peu d’expertise, d’idées qu’on lance à ces gens-là. Mais bon, tout l’argent c’est l’état. »

équipés. Surtout pour ce qui concerne les équipements pour la restauration, le matériel informatique. On a beaucoup de locaux, on n’a pas de problèmes pour recevoir les chercheurs, les étudiants. On a l’espace pour organiser des workshops, on a même un amphithéâtre en plein air, en plein milieu de la Kasbah. »

AFRIKArchi : « Aujourd’hui, quel est le grand projet qui vous tient à cœur, que vous tenez à réaliser ? » M. Boussaleh : « Déjà, il y a des projets personnels, et des projets qui viennent de cette euphorie des travaux. Aujourd’hui le grand projet qui me tient à cœur, c’est l’aménagement, la réhabilitation et la restauration de la Kasbah et du Ksar de Taourirt. Parce qu’aujourd’hui, on veut démontrer à la communauté nationale et internationale, qu’avec la terre, avec un monument qui avait un rôle, nous avons un système politique, économique et social. Et puis, à partir du XXe siècle, après l’indépendance, un autre système s’est installé, qui a apporté un autre mode de vie. Alors, le ksar -village fortifié-, a été fortifié car le système politique de l’époque imposait cette fortification. Parce qu’il n’y avait pas d’état centralisé, il y avait des tribus et donc des guerres. Donc les gens étaient obligés de se protéger. Le ksar était situé sur le trajet des caravaniers, qui n’existent plus. Il était là pour répondre à une structure sociale basée sur l’entraide, sur une architecture compacte. Après l’indépendance on est tombé dans l’individualisme, on ne veut plus vivre avec les autres, enserrés dans les murailles. On est donc passé vers un autre système, jusqu’à aujourd’hui. Après on a laissé le Ksar, qui était très serré, on a partagé les terrains, et chaque famille maintenant a des terrains énormes, et a construit une maison à l’horizontale. On est passé de la construction verticale à l’horizontale. Il y a eu l’étalage d’une architecture sur l’espace, qui ne respecte plus l’aménagement. Lorsque les gens sont sortis du [ksar], il n’y avait pas de plan d’aménagement à l’époque, il n’y

AFRIKArchi : « Ne faites-vous pas appel à des mécènes ? » M. Boussaleh : « Des mécènes, c’est très rare. Et l’UNESCO c’est rare, du moins ce n’est pas grand-chose. C’est surtout pour les études, vers les 15 000 voire 20 000 $ US, ce qui est peu. Pour la Wallen Bruxelles, à un certain moment ils ont financé la restauration du grenier. Puis avec la Suisse c’est eux qui ont financé l’inventaire puis c’est nous qui avions dirigé tout ça.

AFRIKArchi : « Le schéma est donc : des partenaires financent, et vous dirigez l’expertise ? » M. Boussaleh : « Oui c’est ça. C’est nous qui dirigeons tout. Et nous avons encadré beaucoup de stages, d’étudiants en architecture de Valence, de Barcelone… Ils viennent pour un mois, avec leurs professeurs, dans un village, dans un Ksar et on les encadre pour les relevés, les études, pour comprendre l’âme et l’esprit de cette architecture. L’université de Liège participe aussi, ainsi que celle de Vienne.

AFRIKArchi : « Les écoles françaises ne sont pas impliquées dans le processus ? » M. Boussaleh : « Non, il y a les suisses, les autrichiens, les belges, les espagnols… Mais, ce n’est pas un problème. Aujourd’hui, le CERKAS est l’un des centres les mieux

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avait rien du tout ! Alors, vous ne pouvez pas imposer aux gens qui avaient déjà cet esprit, cette mentalité ! Imaginez, vous venez et vous dites aux gens : « écoutez, on va vous construire des logements sociaux ! », 50m² ! Mais c’est n’importe quoi ! Vous ne pouvez pas venir et faire habiter des gens dans des cages. Il n’y a personne dans la région qui a déjà habité dans 50m² ! C’est de la folie ! Alors après, ils ont abandonné le village, sans détruire le Ksar. Ils ont laissé la nature faire son travail ! La terre retournera à la terre ! Ça s’effrite comme du chocolat ! Après un certain moment, c’est fini ! Mais vous savez, cela se fait depuis des siècles. Depuis le XVème, XVIème siècle, les gens abandonnaient leur village, et en construisait un nouveau ! Et puis au XXème siècle, ils ont trouvé de nouveaux modes de construction, de nouveaux matériaux. Donc, ils ne veulent plus retourner en arrière.

« Des états qui ont tout rasé » La grande erreur qu’ont commise les états, c’est que lorsqu’ils se sont retrouvés avec des villes de plus de 500 000 habitants, comme Ouarzazate, Zagora, etc, ils n’ont pas aménagé et assuré une continuité de la technique des matériaux, pour proposer un autre mode de construction qui ne soit pas totalement différent de l’ancien. Donc ils cassaient tout, ils rasaient tout ! Alors, si l’état qui ne reconnaît même pas la terre comme matériau, comment voulez-vous que les gens suivent !

On voulait donc par ce grand projet, créer un grand centre historique pour la ville, parce qu’il est inconcevable aujourd’hui qu’une ville n’aie pas d’histoire, pas de racine. Parce que Ouarzazate, la ville nouvelle, a été créée en 1928. C’est un poste militaire. Les français sont arrivés dans les vallées pour conquérir les vallées présahariennes du Maroc. Ils ont installé un poste militaire sur les traces d’une fortification du XVème, XVIème siècle. Après la ville s’est développée suivant les années, mais le centre historique a été abandonné. Alors, aujourd’hui, tous les maux de la société s’y trouvent; la drogue, la prostitution. Ainsi, avec Claudia (Getty institute), on voulait restaurer la kasbah et le ksar. Dans la kasbah, il y a le centre du CERKAS, et on a aussi installé une grande médiathèque, avec l’aide de l’ambassade de France ; c’est la seule installée dans un site patrimonial. Et puis, on voulait à travers ça, créer un musée ethnographique des vallées présahariennes et de l’architecture en terre. Et pour le Ksar, proposer une autre conception, qui soit conviviale, sociale, et adaptée aux modes de vie, avec des activités, pour générer des revenus pour les habitants. Le 2ème projet, qui est plus personnel, concerne les greniers. Vous savez, nous avons les plus grands greniers du monde, en pierre et en terre. Même les marocains n’en connaissent pas l’existence. Donc, on travaille sur le classement dans la liste du patrimoine mondial www.afrikarchi.com | 41


PATRIMOINE | Focus des greniers du Maroc, qui sont l’icône de l’architecture berbère sur tous les plans. Il y a des cas suspendus entre ciel et terre, du haut d’une falaise. Et aujourd’hui, même si on arrive tous avec toutes nos connaissances, on n’arrivera pas à produire une telle architecture. Et vous n’allez même pas OSER aller dans les cases ! Entre la porte de la case et la falaise il y a 50cm, et entre la case et la rivière 100m ! »

AFRIKArchi : « L’entrée au site du Ksar Ait Ben Haddou est toujours gratuite ? » M. Boussaleh : « Oui. Actuellement le CERKAS essaye d’avoir un compte indépendant dont le budget sera divisé en 3 parties. La 1ère permettra de payer une partie du personnel du site ; 2 caissiers, 4 guides et des agents d’entretien. La 2ème sera consacrée aux travaux de restauration préventive. Et la dernière aidera les projets communautaires des habitants. Aujourd’hui on reçoit entre 150 000 et 200 000 touristes par an, ce qui fait beaucoup d’argent qui s’évapore. L’industrie cinématographique peut aussi contribuer dans ce sens-là. » Myriam LAMOUNI

AFRIKArchi : « De quand datent ces greniers ? » M. Boussaleh : «XVème, XVIème siècle… Nous avons beaucoup de travail pour la valorisation de ces greniers dans la région du Souss-Massa-Dra’a où je suis responsable de la direction des travaux de restauration, ainsi que pour le Ksar Ait Ben Haddou. Je ne me peux plus échapper à ces sites, ça coule dans mes veines maintenant ! Donc en 2013, je vais entreprendre un grand projet de restauration de toutes les maisons du Ksar Ait Ben Haddou. »

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GREEN'ARCHI

ENERGIES RENOUVELABLES ENERGIES DE NOTRE SIECLE www.afrikarchi.com | 43


URBANISME & VRD | Focus

L

Quel aménagement urbain p ’aménagement urbain est une des questions les plus importantes dans la croissance que nous remarquons sur le continent depuis quelques années. Selon diverses statistiques économiques transmises par les institutions comme le Fonds Monétaire International ou la Banque Mondiale, l’Afrique serait en train de connaître une croissance économique, malgré la crise qui secoue actuellement le monde. Mais nous ne saurions parler d’aménagement urbain sans recourir à la politique qui est un des facteurs importants dans la planification territoriale. Pour cela il nous faut faire un petit détour à travers le temps. Pour ne pas remonter trop loin, nous 44 | #1 débuterons notre raisonnement à partir de la période coloniale. Durant cette période où l’urbanisation telle que nous la connaissons aujourd’hui en Afrique a débutée, les intérêts politiques et économiques étaient liés aux nécessités du colon. Le commerce étant le but principal de la présence étrangère, le choix du lieu stratégique des premières occupations y était directement lié. Un autre facteur important de ce choix géographique était la défense. Étant donné que la situation politique en Europe durant cette période n’était pas très sure, il fallait protéger ses intérêts contre de possibles envahisseurs. En général, les grandes capitales africaines sont nées de ce principe, chacune

PETIT HISTORIQUE

Un aménagement urbain pour une Afrique moderne oui, mais l’Afrique Un urbanisme de qualité passe par une planification urbaine qui se pr


pour les villes africaines ? conservant toutefois, évidemment, ses spécificités. L’installation de ces noyaux généralement constitués d’édifices administratifs, de bases militaires, et de résidences, impliquait la construction d’infrastructures pour répondre aux problèmes d’ordre sanitaires, de transports, d’organisation, en résumé de bien-être social. On peut remarquer que durant cette période, les villes étaient moins étendues et leur occupation était plus régulée. Après les indépendances, ces centres urbains antérieurement dédiés aux occupants européens, passèrent sous l’administration des nouveaux

e comme exemple de l’urbanisme du futur c’est encore mieux. réoccupe de tous.

pouvoirs, donc sous des idéologies socio-politiques et économiques complètement différentes. Dans un panorama général, ces nouveaux gouvernements africains étaient alors confrontés au communisme, au socialisme et au capitalisme. Le capitalisme ayant alors émergé, cela a une influence notable sur le développement urbain. Les noyaux urbains de l’époque coloniale deviennent alors source de spéculations, car offrant une bonne qualité de vie. Ces espaces, aujourd’hui contenus dans nos centres villes, sont actuellement particulièrement prisés et valorisés. Ainsi, beaucoup d’infrastructures de nos centres villes en Afrique datent de l’époque coloniale. www.afrikarchi.com | 45


URBANISME & VRD

LES DÉFIS D’AUJOURD’HUI P lus de 50 ans après les premières indépendances, l’on constate aujourd’hui qu’il y a beaucoup de choses à revoir dans nos stratégies de planifications urbaines. La majorité des pays africains s’attellent à construire une démocratie, qui reste encore très fragile pour la plupart. À cela, s’ajoute une croissance galopante de la population urbaine, sans compter que nous sommes confrontés au géant chinois, et aux multinationales mondiales qui voient en l’Afrique leur avenir d’un point de vue économique. Sans que cela ne profite nécessairement aux populations résidentes. Ainsi la situation socio-politique et économique actuelle génère de nombreux problèmes d’aménagement. L’exemple le plus flagrant est l’étalement du tissu urbain, mais également la présence de nombreux espaces résiduels à l’intérieur des tissus déjà constitués. Ceux-ci sont principalement dûs au manque de planification et aux spéculations immobilières, mais aussi à l’insuffisance d’infrastructures. des quartiers existants. Ceux-ci doivent se développer par le biais, mais dans le respect et l’adéquation aux réalités et aux spécificités urbaines de chaque localité. Dans le cas de la voirie, les collectes d’ordures ménagères et leurs traitement sont insuffisantes, voire inexistantes dans certaines régions. On constate ainsi de réels problèmes d’insalubrité dans de nombreux quartiers. Les pires situations étant dans les bidonvilles où l’on en vient à voir des gens vivre sur des tas d’immondices. Il faudrait plus d’investissement dans ce sens, et des stratégies écologiques comme la collecte sélective de déchets usagers, qui permet le recyclage de certaines matières, diminuant ainsi les dommages causées à l’environnement. Dans de nombreux cas, les réseaux de collecte d’eaux usées domestiques, sont mal entretenues ou insuffisants pour répondre de manière efficace à la demande. Les canalisations à ciel ouvert sont monnaies courantes, et les infrastructures sont très vite débordées. Car au delà de leur usage prévu, l’évacuation des eaux usées, elles doivent aussi drainer les eaux pluviales, ce qui provoque des inondations qui sont de plus en plus fréquentes. Les résidus générés par la dynamique de la vie urbaine en occurrence les eaux usées, les ordures ménagères et industrielles devraient donc être traités. Malheureusement, la réalité est tout autre. Les eaux usées sont généralement déversées sans traitement dans les cours d’eaux naturels comme la mer, les lacs, les rivières et autres. Abiola YAYI

Un enjeu fort autour de la question de l’étalement urbain L’étalement urbain est un problème qui est au centre des discussions actuellement dans les pays dits du tiers monde. Étant donné l’accroissement de la population urbaine qui s’effectue très rapidement, et le manque de planification, il est très difficile de pallier à ce problème. Le rapport « densité - qualité de vie » n’est pas équilibré. Cela passe alors par des stratégies urbaines à grande échelle, permettant le développement de nouveaux quartiers et surtout le renouvellement urbain 46 | #1


APPEL A COLLABORATION BENEVOLAT LE

COTONOU Projet de charte architecturale, urbaine et paysagère

GRAND

Les enjeux du projet > Proposer des aménagements d’espaces verts paysagés durables et de qualité dans la ville. > Améliorer l’accessibilité, l’assainissement et les VRD dans les quartiers de la ville.

> Désengorger la ville et proposer des solutions > Privilégier les circulations routières et piétonnes sécurisées à travers la ville et rénover l’éclairage > Proposer des identités architecturales, urbaines et les percées.

Architectes Ingénieurs Urbanistes Topographes ... Sociologues Historiens Anthropologues ... Acteurs locaux Consultants ...

Explication et Di usion de la démarche sur la ville. Elaboration du cahier des charges & plan d’actions

Visites de sites Précision des actions à mener

Sensibilisation & Implication d’entreprises nationales et internationales

Bouclage d’une première proposition du projet

Activater la première graine

1 Mise en place

2 Egrainer Recherches Etudes Archives Cartes Bibliographie Entretiens 2013

3

4 Fédérer :

5

6 Activer :

7

8 Pérenniser : Présentation du projet à la municipalité de Cotonou Recherches d’investisseurs nationaux et internationaux 2015

Equipe

Echanges Conférences et tables rondes occasionnelles, melant experts, usagers et acteurs de la ville. 2014

Workshops, Expérimentations, Construction maquette ou échelle 1 Prototypage

Vous êtes interessé par une collaboration internationale pour ce projet sur le Grand Cotonou. Où que vous soyez, Contactez-nous!

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URBANISME & VRD | Regard

Destination Sénégal

Un état global de l’urbanisme, de l’architecture et des domaines connexes.

S

ur le site de l’Agence de l’Informatique de l’État (ADIE) du Sénégal, l’on apprend que l’urbanisation du pays s’est accrue ces dernières années, mettant ainsi en exergue un boom démographique sans précédent. Le déséquilibre de la démographie de la population urbaine est des plus flagrantes. Rien qu’en 2009, la population urbaine était estimée à 5,08 millions d’habitants, ce qui reviendrait à dire que 42% de la population au Sénégal vivraient en zone urbaine. Mais force est de constater que près de la moitié de cette population urbanisée se situe à Dakar. C’est ce que révèle le rapport sur la situation économique du Sénégal publié par l’ANSD (Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie). Cela est sans doute lié au fait que Dakar concentre tous les pôles administratifs de l’état. Ce qui pose d’énormes problèmes d’un point de vue urbanistique, comme nous allons le constater.

Malgré les efforts des politiques, l’écart entre quartiers résidentiels des centres et les banlieues se creusent de plus en plus. Par ailleurs, des quartiers tampons où vivent des populations aux revenus moyens montrent elles aussi les limites des actions gouvernementales : routes non goudronnées, sentiers de sable, habitat spontané, insécurité, problèmes liés à l’irrigation, inondation … La typologie des quartiers de la ville tient en quelques mots : • Centre-ville: mélange d’habitations de type coloniales et modernes où vivent et travaillent des gens aisés. • Quartiers mixtes où habitations aisées, universités, grandes écoles et infrastructures touristiques se côtoient. Et où les prix de l’immobilier grimpent sans cesse. A titre d’exemple de quartiers résidentiels, nous pouvons ainsi citer les Almadies, où les prix du logement commencent à partir de 750 000 F CFA pour un appartement vide S+2 ; Les Mamelles (même grille tarifaire), Fann Résidence (à partir de 1 000 000 F CFA)… Ainsi, ne s’y installent que les gens aisés, les employés internationaux, les expatriés et les personnels d’ONG. • Couronne d’habitat planifié par l’État composée de lotissements et grands ensembles occupés par les classes moyennes (HLM, Parcelles Assainies, SICAP) datant de la 2eme moitié du XX siècle.

Dakar, une capitale plurielle Dakar est une ville très développée quand on considère sa population aux autres villes du pays. L’urbanisation galopante de cette métropole africaine a donné naissance à des disparités spatiales très importantes. Les inégalités entre quartiers sont très flagrantes et résultent la plupart du temps du manque d’espace, des prix élevés du logement,du terrain, ou encore du matériau de construction. 48 | #1


Là aussi, à titre d’exemple, les quartiers tampons se nomment Ouakam, Liberté VI Extension, Castor, les logements y sont à partir de 100 000 F CFA. Ils sont notamment habités par des personnes aux revenus moyens, des étrangers, des fonctionnaires d’état. • La Medina : zone d’habitat précaire pour population défavorisée et où l’absence de confort et d’infrastructures dignes de ce nom sont constatées.

Des quartiers divers mais accessibles En effet, le tracé des voiries est généralement bien dimensionné, de plus les travaux entrepris par l’ancien régime ont encore de beaux jours devant eux : l’Autoroute à péage, la route de la corniche, ou encore la V.D.N (Voie de Dégagement Nord), ayant pour but de décongestionner Dakar. Tous ces travaux titanesques ont ainsi contribué à réduire les embouteillages, désenclaver les banlieues et relancer l’économie. Aussi Dakar, ville qui se veut aujourd’hui moderne et contemporaine peine à faire oublier un patrimoine architectural hérité de la période coloniale. Car ce passé reste disséminé dans la ville. L’absence d’une politique de préservation du patrimoine architectural hérité de la colonisation, n’empêche toutefois pas que certaines habitations inscrites dans ce patrimoine soient bien conservées. Il n’en demeure pas moins que des réalisations architecturales plus modernes voient le jour à Dakar. C’est le cas, par exemple, du Centre commercial Sea Plazza, de l’Hôtel Radisson Blu, ou encore de l’Hôtel le Terrou Bi, fort bien situé sur la corniche. Près d’une vingtaine de bureaux d’études et d’agences d’architecture se disputent ces chantiers prestigieux.

Le travail remarquable de ces bureaux d’études reconnus n’empêche pas l’existence de certains qui construisent des bâtiments de façon archaïques sans ne respecter aucune règle (non respect des normes, de l’éthique…) et mettant ainsi les populations en danger. En dépit de ce développement architectural et urbain, il reste à déplorer que les problèmes d’équipement et de fonctionnement des constructions n’aient pas accompagné l’accroissement de la population. Les services de première nécessité tels que l’assainissement, l’eau, l’éclairage public, sont difficilement assurés. Si l’alimentation en eau potable est, l’un des rares services, qui n’a pas encore franchi le seuil critique, l’électrification quant à elle, souffre de la vétusté d’une partie du réseau d’alimentation, ce qui entraîne des coupures d’électricité fréquentes. L’absence de réseaux d’évacuation des eaux et le mauvais entretien des vieilles bâtisses donnent ainsi lieu à de terribles inondations chaque année. Ndlr : 1€ = 665 F CFA | 1$ US = 495 F CFA

Ella ZITA

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URBANISME & VRD | Retrospective

Quelle evolution pour l’architecture et l’urbanisme en Tunisie ?

Un aperçu des évolutions urbanistiques du pays en lien avec les mutations politico-sociales

L

’urbanisme et l’architecture en Tunisie sont des domaines dans lesquels politique et économie sont mêlés. Les villes tunisiennes sont ainsi, généralement construites selon l’image que le gouvernement en place souhaite donner à la population et aux pays industrialisés. C’est ainsi que, à l’époque du président Bourguiba, la Tunisie s’est offert les services d’architectes et d’urbanistes de renom, tel qu’Olivier Clément Cacoub. L’architecture du pays est passée de celle arabo-musulmane à une 50 | #1

architecture arabisante, les Médinas sont devenues des pôles d’attraction touristiques se vidant d’une population locale. Sous l’ère Bourguiba, de grands axes routiers, tels que des avenues et des boulevards voient le jour. Autour des Médina, ce sont des immeubles dont le style se rapproche de celui décrit par Haussmann, avec des balcons filants et des rezde-chaussée à usage commercial. L’architecture se développe en hauteur, la Tunisie prenant alors conscience de l’étroitesse de son territoire.


Avec Ben Ali, le pays s’ouvre bien plus et le marché de l’immobilier a le vent en poupe. De nombreux terrains sont alors vendus à des investisseurs qui sont pour la plupart des saoudiens, des qataris, des turcs… Les villes tunisiennes se parent de villas de plus en plus somptueuses. Avec l’augmentation de la population, se développe alors également la création de villes dortoirs telles qu’El Aouina ou la Soukra. Des quartiers dits chics apparaissent notamment dans la capitale, Tunis. C’est le cas des quartiers comme Ennasr, le Lac. Mais toutes les villes ne sont pas conçues ainsi. En effet, les villes touristiques comme Hammamet ont développé majoritairement un seul secteur d’activité, l’hôtellerie. Les immeubles sont donc relativement hauts, et le tracé de la ville tend à vouloir se rapprocher de celui des villes de la côte ouest américaine : de grandes voies et des palmiers ornant les terre-pleins.

Un ralentissement récent du dynamisme urbain du pays Très récemment, la Tunisie a connu un grand frein sur le domaine architectural et celui de l’urbanisme. Force est de constater des retards de plus d’un an sur de grands chantiers tels que celui de la Cité de la culture. Aussi, les investisseurs étrangers injectent de moins en moins de capitaux dans le secteur du bâtiment. De plus, même les quartiers d’envergure tels qu’Ennasr rencontrent de grosses difficultés notamment dans la construction des grandes infrastructures. Est-ce à croire que la Tunisie se construit afin de se donner une image valorisante, mais que derrière ce dynamisme de façade, la réalité soit bien moindre ? Le pays compte des écoles d’architecture, qui accueillent aujourd’hui les futurs espoirs dans le domaine. Il est question pour les étudiants qui y sont de s’attendre à relever de nombreux défis, notamment celui de réussir à imposer une architecture qui soit à la fois esthétique, fonctionnelle et opérationnelle. Louise PASCAL

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URBANISME & VRD | Logement

D

Se loger rime avec difficultés dans les villes africaines ans les métropoles africaines, se loger est souvent un vrai casse-tête chinois. Les loyers sont de plus en plus élevés, même loin du centre-ville. Dans un quartier populair e comme Abobo à Abidjan par exemple, un appartement deux-pièces sans toilettes se loue à 40 000 F CFA par mois, quand le salaire mensuel moyen est de 80 000F CFA. Aussi, il n’est pas facile non plus d’acquérir une portion de terre, tellement les prix flambent à cause de la spéculation foncière qui rejette les pauvres en périphérie.

Chaque changement d’hommes à la tête de l’état du ministère en charge de la construction et de l’urbanisme, comme il est nommé, ici, suscite un changement de politique d’urbanisation. Ce qui devient alors un éternel recommencement. Ainsi, certaines entreprises immobilières publiques sont soutenues par des capitaux privés. Il s’agit, par exemple, de l’intervention de bailleurs de fonds internationaux et des banques de l’habitat.

A Dakar, la situation n’est pas rose non plus. Un studio sans toilettes dans un quartier tel que la Médina coûte environ 50 000 F CFA. Pour tenter de résoudre ces problèmes, les pouvoirs publics proposent des lotissements sociaux, avec l’octroi de parcelles à bâtir, ou le développement de parcs de logements sociaux avec des sociétés immobilières. Malheureusement, cet élan a été ralenti par de nombreuses difficultés économiques. Aujourd’hui, des programmes de logements dits économiques fleurissent un peu partout depuis 2000 : projet de 10 000 logements sociaux au Burkina Faso, de 60 000 logements sociaux en Côte d’Ivoire et de HLM (Habitat à Loyer Modéré) au Sénégal, avec 13 432 logements à Dakar et sa banlieue. Pourtant, il s’agit principalement de logements dont les matériaux utilisés ne sont pas adaptés au climat local. Et, compte tenu de l’accroissement démographique, cette réponse semble n’être qu’une goutte d’eau dans la mer ! Par ailleurs, il est bon d’ajouter que dans la plupart des pays du Sud, l’État est obligé d’être présent dans ce secteur, eu égard aux conséquences politiques que cela peut engendrer du fait du déficit d’habitat. Malheureusement, cette présence de l’État n’est pas profitable aux entreprises car elle ne leur permet pas de gérer ce secteur de façon rationnelle. 52 | #1

Une architecture monotone, sans grande qualité Quant à l’architecture proprement dite, l’on constate toujours une même monotonie dans la construction des maisons et bien peu d’innovations. Les réalisations actuelles vont à l’encontre des cultures africaines qui veulent pourtant que les concessions occupent un grand espace et qu’il y ait plus de chaleur et de convivialité entre le voisinage. Aussi, il faut le dire, l’acquisition d’un logement social est un parcours du combattant : du fait des lourdeurs administratives dans la délivrance des documents de propriété, de la corruption pour devenir propriétaire de maisons, et des échéanciers qui sont sont élevés et difficiles à respecter. En Côte d’Ivoire par exemple, certains locataires des maisons SICOGI (Société de Construction et de Gestion Immobilière) livrées depuis les années 1975, n’ont pas encore honoré leurs engagements. Ces maisons louées entre 11 000 F CFA et 16 000 F CFA selon qu’elles soient à deux pièces, trois pièces ou quatre pièces, sur une période de 25 ans devraient leur revenir. Aujourd’hui, nombreux sont ceux qui n’ont pas encore réglé leurs dus. La volonté de faire émerger le logement social en Afrique existe, certes, mais il reste encore énormément de chemin à parcourir, hélas ! Roland KOUASSI


Déjà disponible sur www.inspireafrika.com


AGENDA

Quelques dates à retenir ! CONCOURS HOUSES FOR CHANGE Date limite de rendu des projets : 16 Décembre 2013 L’Université IE annonce son premier concours « HOUSES FOR CHANGE » (des maisons pour le changement), organisé par l’École d’Architecture et de Design IE. Le but du concours est de considérer le logement comme un enjeu urgent et fondamental pour l’amélioration des environnements urbains pour les pauvres et à risque, et de proposer des alternatives de logements viables pour ceux qui sont souvent négligés ou laissés pour compte. + Infos : http://www.housesforchange.net/competition/houses-change

EVENEMENTS BATIMAT 2013 Pour une construction plus durable et plus performante | Du 04 au 08 Novembre 2013 - Paris Nord Villepinte, France. BATIMAT 2013 sera à nouveau au cœur des enjeux de la construction, particulièrement en ce qui concerne la performance énergétique et la basse consommation. Plusieurs autres thèmes complètent l’édition 2013 : l’accessibilité et le confort d’usage des bâtiments ainsi que la forte dimension technologique de la construction. En 2011, ce salon a accueilli 351 758 visiteurs dont 19 % de visiteurs étrangers issus de 177 pays. + Infos : http://www.batimat.com

URBAN REVITALIZATION OF MASS HOUSING Date limite de rendu des projets : 31 Janvier 2014 UN-Habitat promeut un nouveau modèle de planification urbaine. Cela intègre plusieurs enjeux notamment autour du logement, du développement économique, du commerce de détail, des loisirs, de l’éducation, de l’agriculture urbaine, etc. Le but de ce changement de modèle est ainsi d’atteindre des densités urbaines adéquates pour minimiser l’impact de l’étalement urbain, améliorer la mobilité et réduire les émissions à effet de serre. L’objectif final est d’atteindre la durabilité sociale, économique, environnementale et culturelle des villes. +Infos : http://www.urbangateway.org/content/internationalcompetition-urban-revitalization-mass-housing

ARCHIBAT Le rendez-vous majeur des professionnels du bâtiment et du grand public | Du 07 au 12 Octobre 2013 - Abidjan, Côte d’Ivoire. Organisée tous les 2 ans, cette édition prend la forme d’un Salon-Exposition B2B. Ouvert également au grand public, le salon permet de débattre autour des problèmes du secteur de la construction et de l’habitat et d’y trouver des solutions durables. + Info : http://www.archibat2013.com AFRICAN PERSPECTIVES CONFERENCE : The Lagos Dialogues Tous les chemins mènent à Lagos | Du 12 au 15 Décembre 2013 – Lagos, Nigéria Organisé par Archi Afrika, cette rencontre rassemble à la fois étudiants et professionnels venant d’Afrique en vue de mettre en place un forum pour partager et débattre. Ceci s’articule autour de thèmes clés qui façonnent les bâtiments et l’environnement urbain de l’Afrique, à travers un certain nombre de perspectives culturelles et sociales y compris la littérature, les arts ainsi que les disciplines traditionnelles de l’environnement. + Info : http://africanperspectivesconference.wordpress.com

WARWICK JUNCTION - Concours international d’étudiants en architecture Date limite de rendu des projets : 31 Mars 2014 Basé sur le thème du congrès ‘Architecture Otherwhere’ (Architecture, Ailleurs, Autrement), le concours a pour objectif de mettre en évidence l’écologie complexe de ‘Warwick Junction’ et sa dynamique économique, sociale et culturelle. Il s’agit de proposer les solutions pour le bénéfice et le bien-être de la communauté et du demi million de personnes qui fréquentent chaque jour ce site situé à Durban, en Afrique du Sud. Les projets devront proposer simultanément trois visions : un aménagement à long terme et à grande échelle ; à moyen terme et à échelle moyenne, ainsi qu’une intervention immédiate et ponctuelle à petite échelle. + Infos : http://www.uia-architectes.org/fr/s-informer/ concours/7546#.Uh0ZOz8lHch

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En vente dans les librairies et en ligne

« Les populations immigrées, ou plus précisément les fractions des diasporas mobilisées sur le territoire hexagonal ou ailleurs, entretiennent les mêmes croyances aux appartenances - ctives ou réelles - à base ethnique. Celles-ci constituent un des ressorts essentiels des mobilisations et revendications collectives ou individuelles caractéristiques de ces populations. Ce sont les mécanismes et les pratiques liées à ces imaginaires, presque massivement partagés, que tente d'explorer cet ouvrage. »


Youssouf Sawadogo & Zied Hattab lancent un

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AFRIKArchi

Lauréats du 1er Prix Concours ARCHIGENIEUR AFRIQUE 2012

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