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Passe le temps... Je voulais encore vous dire

L’Histoire forge les individus. Les individus sont-ils à l’origine de l’Histoire ? Trop vaste sujet pour être développé ici, mais, qui peut inciter à la réflexion. Il est des auteurs qui nous rapportent des faits passés et nous font partager la vie d’antan. Marcel Lucas est de ceux-là. Il évoque pour nous les personnes qu’il a connues et aimées. Elles font, en quelque sorte, partie de notre passé collectif. Ces fragments de vie - ainsi va la mémoire - composent un récit agréable. C’est un témoignage. En le lisant, nous retrouvons des scènes oubliées, des modes de vie abandonnés, qui resteraient ignorés si nul ne les évoquait.

C’est ici que se déroule la vie des membres de la famille de l’auteur, « tués à l’ennemi » en 1916 et 1940. Cadre d’une vie de labeur, illuminée par un amour conjugal, l’un de ceux qui semblent si rares. C’est aussi celui des « os troubles dans les marais » qui font penser à un roman policier, mais qui illustrent l’âpre réalité de la guerre et le poids de certains souvenirs. Marcel Lucas n’oublie pas de nous décrire son parent, Michel-Marie, au comportement étrange, hors du commun, à la fois attachant et socialement difficile à vivre. Il n’oublie pas les fêtes, les bals, les réunions familiales et amicales.

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Est relaté cet évènement inoubliable et inimaginable pour ceux qui l’ont vécu, ces 14 premiers jours de congés payés. Nous n’en mesurons pas l’importance, la nouveauté, le caractère exceptionnel. C’est un changement de vie radical. Cet ouvrage est une sorte de testament, dont l’objet est de laisser une trace de sa propre existence, autant que de celles qu’il a côtoyées et estimées. Il cite des lieux qui nous sont familiers, un vocabulaire ancien et local. Avec plaisir et satisfaction, nous retrouvons certains traits qui nous sont communs, particulièrement en ce qui concerne la vie pratique. L’absence de notre confort, devenu pour nous indispensable, nous dépeint, sans indulgence, la vie passée. Marcel Lucas nous montre l’empreinte que nous ont laissée nos ancêtres, peu éloignés dans le temps.

Le temps passe-t-il vraiment ? Existe-t-il ? Autre problème à débattre pour les philosophes. Nous, nous passons. C’est pourquoi Marcel Lucas fait là œuvre utile. C’est sa contribution à l’Histoire, à la nôtre.

Ces marais salants, cadre de vie de l’auteur, ne sont plus seulement des panoramas magnifiques à toute heure, ils sous-entendent un système hydraulique particulier, connu et géré par les paludiers. Ils ne sont plus, vus d’avion, cette mosaïque compliquée faite de miroirs orientés vers le ciel, reflétant tous les nuages et toutes ces teintes en perpétuel changement, ils sont un lieu de travail. Ceux qui découvriront ce texte, et le liront, auront un autre regard, en longeant la route qui les traverse.

Grâce à un écrivain tel que lui : « … en vain, l’oubli, nuit sombre, où va tout ce qui tombe… » comme l’écrit Victor Hugo, n’enfouira pas le souvenir des hommes, leur vie ne nous sera pas inconnue.

Christiane Marchocki

Passe

Éditions du Traict

98 pages, 10 €