Mexique2009

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MEXIQUE Carnet de voyage avril Ă septembre 2009

Antoine Perez


I

prĂŠ-carnet -la prĂŠparation-















II carnet 1


20 avril 2009 Des rivières entièrement gelées, lacs et forêts enneigées, México tel que l’on ne s’y attend pas. C’est normal, je n’y suis pas encore. Après être passé au dessus de la banquise du Groenland, nous survolons le Grand Nord Canadien par un beau soleil qui me donnerait envie de m’y arrêter.

21 avril Rencontré dans l’avion John, qui est venu me voir parce qu’il me connaît apparemment par l’intermédiaire d’amis communs. À l’arrivée, les personnes qui devaient venir me chercher n’étaient pas là. Je prends donc un taxi avec lui et un de ses amis, Rémi. Nuit d’hôtel près du monument de la révolution, le lendemain nous allons place du Zócalo dans le centre historique, où nous prenons une chambre dans une auberge de jeunesse. Cybercafé. Colin, en vadrouille au Mexique depuis environ 2 ans, m’envoie l’adresse d’un hôtel pas cher de la capitale, et parallèlement je reçois les courriels de réponse de 2 mexicains que j’avais contacté via CouchSurfing, un site internet de partage d’hébergements gratuit dans le monde entier. Les deux sont négatifs, mais l’un d’eux me donne son numéro de téléphone si jamais pour me faire héberger par des amis à lui... à voir. Ballade dans México avec mes 2 compagnons de voyage improvisés, les marchés d’artisanat, les habits, les quartiers spécialisés dans les rouleaux de tissus, les bâtiments de style colonial colorés, les chaussées défoncées, les églises et basiliques baroques typiques que l’on reconnaît instantanément, des rues aux aménagements fort étranges dûs à de nombreux vieux édifices qui s’enfoncent dans le sol et s’inclinent (une rue a été recréée en creusant dans le sol, des escaliers et des rampes permettent ainsi d’accéder à l’entrée d’une basilique fondée au début de l’ère coloniale). Des vierges sculptées, des autels au coin d’une rue, des sucreries et tacos en todo lado et à toutes les heures, les mexicains ne mangent pas vraiment (ou en tout cas pas comme en France): ils grignotent un peu toute la journée.


22 avril Le matin nous visitons le musée de la ville de México, l’histoire de l’édification de la cité à l’origine construite sur une île par les Mayas, puis l’assèchement total des lacs de la région pour permettre son extension, et maintenant le manque d’eau qui oblige Mexico à l’importer de beaucoup plus loin, ce qui a comme conséquence d’assécher ces endroits là également. Une exposition de photos; notamment d’émeutes récentes dans le centre (2 octobre 2008), manifestation en commémoration des révoltes étudiantes de 1968 qui eurent lieu au même endroit et qui furent réprimées dans le sang. Le soir je réussi à me faire héberger par un couchsurfeur qui habite à côté de la faculté. 23 avril Rendez-vous avec Adriana, directrice des Perros Negros, le collectif artistique dans lequel je dois faire mon stage. Je la rencontre en compagnie d’un ami à elle, Felipe, artiste chilien vivant à New York. Elle m’explique que tous leurs projets sont un peu en stand-by par manque d’argent. Je peux travailler avec elle peut-être 2 jours par semaine, et elle a peut-être également un ami à elle artiste et architecte qui va faire une expo début juin de sièges qu’il construit et qui aura sûrement besoin d’aide. Felipe se rend au MACO (México Arte Contemporáneo) et me propose de venir avec lui. J’accepte et nous partons enseguida. Quasi une heure de bouchons en taxi pour arriver là-bas, la circulation est vraiment très frustrante (à ce propos, un chauffeur fut surpris d’apprendre que si l’on grille un feu rouge en France, on risque de se faire arrêter par la police). Arrivés au Centre Banamex, lieu de la foire, je visite, me rends au stand de sa galerie où il me présente d’autres personnes, entre autre Fernando de la galerie Gaga, qui pourrait potentiellement me prendre en stage lui aussi. Pamela, du Proyectos Monclava, que je tenterai également de contacter. Puis je me fais ramener avec lui par des galeristes et me fais déposer à côté de la colonia Cuauhtémoc (la statue de l’indépendance) où je me rends pour une réunion de CS dans un bar-restaurant de spécialités argentines. J’y rencontre plusieurs personnes, me fais inviter à un asado (grand barbecue) samedi dans une maison dans la montagne, trouve peut-être à me faire héberger pour le mois de mai, rencontre de 2 sino-américaines, des mexicains, et un couple de français et une péruvienne avec qui je décide de visiter les ruines de Téotihuacán - la cité des dieux - le lendemain. Je rentre à 1 heure du matin avec mon couchsurfeur et des amis à lui par le bus de nuit le long de la longue avenue Insurgentes (23 km) et rencontre par une coïncidence fort troublante ma voisine dans l’avion (pour mémoire, México = 20 millions d’habitants).








24 avril Les voladores. Des hommes sont attachés par des cordes, ils descendent, la corde se déroule au ralenti. Ce rite s’effectue une fois par an et met en scène un genre de calendrier vivant. Site énorme, Teotihuacán ne peut se dévoiler que partiellement. On estime que 10% du site a été fouillé et inventorié. Peu d’arbres sur le site, des cactus énormes de 3-4 m de haut, climat très sec et air brûlant, les représentations ne trompent pas: des successions d’escaliers très raides à l’infini, une démesure dans les proportions à l’image des entités cosmiques admirées. On imagine très facilement la foule énorme rassemblée devant la pyramide au sommet de laquelle les sacrifices aux dieux étaient donnés. pierre de cendre volcanique jaguars serpents oiseaux terre brûlée


De plus en plus de gens portent des masques sur la bouche et le nez. Une personne s’assoit même à côté de moi dans le métro, avec masque et gants en caoutchouc en lisant son journal. Rentré chez Javier, mon couchsurfeur, je prépare un bon repas à la française avec légumes et trompettes de mort (oui, je n’ai pas résisté à l’envie d’en ramener de France!). Nous commençons à parler de l’influenza (je ne connais pas le nom de la maladie en français) - je saurai plus tard qu’il s’agissait de la grippe H1N1 - qui s’est déclaré à mexico, d’où cette paranoïa ambiante qui fait que les gens commencent à se ruer dans les pharmacies pour acheter des masques. À la télévision, ils ne cessent de rabâcher les précautions d’hygiène à prendre ponctuées d’interviews et de reportages dans les rues et des centres hospitaliers. Toutes les écoles et universités ont été fermées pour au moins une semaine, Javier va partir demain retrouver sa famille au Chiapas. Nous avons posté sur CS une demande d’hébergement d’urgence pour moi, puisque je suis sensé rester à Mexico pour faire mon stage. Mais les données ne cessent de changer, puisque Javier n’arrête pas de communiquer par internet, ponctué d’appels téléphoniques réguliers. Demain, normalement vernissage de l’exposition de Gabriel Orozco à la galerie Kurimanzutto. Du coup, je ne sais même pas comment va se passer demain. J’appellerai Adriana dès le matin, Javier me dit que ça sera sûrement interrompu, et que je devrai partir à Vera Cruz, ou au Chiapas en attendant, vision exotique et quelque peu fantasmée d’un français blessé à Dien Bien Phû (5 points de suture pour ma part) rejoignant le sous-commandant Marcos dans la jungle. Mais en remettant un peu les pieds sur terre, n’est-ce pas un peu exagéré cette agitation, alors que vraiment très peu de gens sont touchés? Pués si, solo tengo que esperar...


samedi 25 avril Pas d’expo de Gabriel Orozco pour moi, Javier s’en va, et personne pour m’héberger. Finalement et au dernier moment il me laisse les clefs de son appartement et me tiendra au courant par mail pour que je parte avant qu’il ne revienne du Chiapas, puisque sa soeur, qui est également sa colocataire, n’est pas au courant. L’après-midi je me rends à l’adresse que l’on m’a indiqué pour l’asado, et au lieu d’une maison à la campagne attendue, c’est sur la terrasse d’un immeuble qu’a lieu la fête, au pieds duquel s’entassent de petites maisons sans étages, à peine plus riches que dans un bidonville, le tout séparé par une petite rivière à l’eau grisâtre recouverte de déchets. Le lendemain, après une courte nuit, je rentre à l’appartement, bien décidé à faire une bonne sieste. Mais là, problème. Impossible d’ouvrir la porte. Tours et détours dans le quartier, tout est fermé le dimanche. Je me résous à appeler un serrurier, qui après bien des difficultés réussit sa tâche, ce qui me coûte 700 pesos (une cinquantaine d’euros). Ballade dans l’UNAM (Université Nationale Autonome de Mexico) où je fais la sieste dans un grand parc, rencontre de jongleurs et rochers d’escalade, des musiciens qui jouent et dansent, et de plus en plus de gens qui portent des masques partout. Des files d’attentes se forment dans le métro devant des policiers qui font des distributions gratuites de masques. lundi 27 avril Rendez-vous avec José Rojas, artiste avec qui je vais travailler et l’aider à monter son exposition le 11 juin dans la galerie Gaga. Tandis que nous parlons, une sensation bizarre: comme une montée soudaine d’alcool ou de cannabis. Je vois un fil suspendu dans la pièce bouger. Un tremblement de terre. Nous sortons immédiatement et patientons un peu à l’extérieur, mais pas de nouvelles secousses. Je suis plutôt d’un naturel optimiste, mais là j’avoue que je commence à me poser des questions. Rentré à l’appartement, je suis simultanément les informations à la télé mexicaine et sur internet, qui ne rassurent pas vraiment, puisque le risque épidémiologique de la grippe H1N1 a été relevé de l’échelon 3 à l’échelon 4. Je reçois un courriel d’Amandine, une amie à Colin qui est ici comme lui depuis 2 ans environ. Elle est au DF (Districto Federal) et part demain à Cuernavaca. Je décide de la rejoindre. J’oubliais une chose: sur la ligne 2 du métro, fréquentée comme tous les autres par des vendeurs ambulants qui changent à chaque station (de manière quasi


ininterrompu), j’assiste à quelque chose d’assez surprenant: 3 jeunes torses nus entrent, commencent à faire des acrobaties en s’aidant des barres, l’un d’eux pose un tissu au sol qui contient de nombreux bris de verre et des pièces. Son dos et ses épaules sont couverts de blessures. Il commence à se jeter dessus et s’acharne de manière violente, tandis qu’un autre explique qu’ils veulent quelques pièces et par la même occasion encourage les gens à bien s’occuper de leurs enfants s’ils ne veulent pas qu’ils deviennent comme eux. Puis ils s’en vont à la station suivante, réitérant certainement leur performance dans un autre wagon.



Cuernavaca Sur la place publique, des camions d’informations sur l’influenza ont été installé par l’état et diffusent en boucle des messages de prévention. J’achetais un jus de fruit et fus surpris de voir la vendeuse me rendre la monnaie par l’intermédiaire d’un sac plastique.


danses et rites traditionnels aztèques à Cuernavaca


Le lendemain nous quittons Cuernavaca pour Buena Vista, où je laisse mon gros sac à dos chez Amandine. L’après midi promenade dans la forêt de Tepostlán sous


les manguiers. Je découvre au marché les tortas de maís, champignons aux fleurs de courges et au nopal, qui est un cactus au goût de haricot vert, et tortas de chapulines (sauterelles grillées)... délicieux. Le soir nous reprenons le bus dans lequel Amandine se met à chanter en échange de quelque monnaie, et nous arrivons chez des amis à elle qui jouent dans un groupe de musique, de jeunes argentins qui vivent tous dans ce même quartier à la campagne. Xiú (Oscar) m’héberge. Maison en moellons apparents à 2 pièces, des instruments et le nécessaire pour écouter de la musique et faire à manger, un matelas et quelques habits. Il y a également de quoi faire de l’artisanat avec de la laine. Lui fabrique de petits tapis, des mandalas dessinés avec la laine.


Dégustation de pulque, l’alcool de maguey (un sous genre des agaves), suc fermenté le tout autour d’une partie de dominos. Mon tee-shirt - une des représentations de l’évolution, du singe à l’homme qui se redressent petit à petit jusqu’au dernier qui s’est retourné et leur dit: stop following me = arrêtez de me suivre - fait débat, et une discussion commence à se créer sur l’origine de l’Homme. «Nous descendons du singe et sommes des Homo sapiens» affirme Don Felipe, le plus vieux des trois. «Comment peux-tu dire de telles choses, nous sommes faits de terre et d’iode, de poussière nous redeviendrons poussière» répond Don Andrès. «Vous vous trompez, Ève vient d’une côte d’Adam, et c’est de là que tout démarre».


À 8 h du matin, Namí nous rend visite car avec Xiú ils partent courir dans la forêt. Je me joins à eux, parcourant 4-5 kms en faisant un détour pour éviter des chiens menaçants pour arriver jusqu’à une petite rivière où nous nous baignons. Construction d’une douche extérieure, arrivée d’amis avec qui nous partons déguster le pulque, et le soir danse sur les djembés de la plaza de armas de Cuernavaca. Au matin une demi heure de marche dans la forêt (en buvant un maté au réveil) jusqu’au centre du village où nous buvons des jus de fruits maison et mangeons des tlacoyos au marché, des galettes de maïs noir (on dit bleu ici) fourrés à la farine de fèves et au fromage, le tout recouvert de tranches de nopal cuit (cactus), fromage et sauce piquante. lundi 4 mai Amandine poursuit sa route, elle va à Puebla avant de rentrer en France dans 2 semaines. Je rentre au DF avec Fernando, un salvadorien que j’ai rencontré là, en taxi jusqu’à 3 Marias puis en stop. Se joignent à nous 3 auto-stoppeurs avec qui nous parvenons à nous faire prendre à l’arrière d’un camion. Adeptes de peyotl, de photo et de poésie, nous sympathisons vite avec eux, ils me donnent de nombreuses références en littérature mexicaine, me conseillent d’aller dans le désert et l’un d’eux, photographe de profession, me donne sa carte afin de pouvoir le recontacter.


Début du travail avec l’artiste José Rojas le 6 mai. Pour le moment il n’a pas encore les matériaux et j’effectue surtout des transits à travers la ville pour prendre des photos de lavabos, demander les prix de vitroblocs, dalles de marbre et gomme de sol genre lino, par ailleurs introuvable quand il s’agit d’un modèle précis, ce qui me vaudra de passer un après-midi de déplacements dans le métro. Soit: visite des quartiers de magasins de lavabos, marbres, tissus, plastiques, sacs à papier, papeterie, jointures, chaussures (car on en use), une autre manière d’appréhender une ville. Et un vendeur ambulant à chaque coin de rue, de chips, bonbons et autres grignotages, en passant par les tacos, tortas et quezadillas. Problème de gaz, ça fait des jours que l’on ne mange que ça; aujourd’hui 11 mai, le problème est enfin résolu et nous nous cuisinons pour notre plus grand plaisir des patates agrémentées d’oeuf, tomates, oignons et brocolis. Pense-bête: -Sandwich milanaise, ananas, fromage fondu, tomate, oignon, nopal, poivron. -graines de courges: grillées à la poêle dans l’huile.


Je connaissais déjà les cafés-internet, je découvre ici les glaciers-internet et les papeteries-internet. Les arrêts de bus: quasi inexistants, pour prendre ces transports en commun il faut déjà savoir où attendre ou bien demander, car il n’existe aucune carte les répertoriant, la municipalité elle-même en ignore les trajets exacts et leur nombre. Pour sortir, on appuie sur le bouton timbre (sonnette) et le bus s’arrête dès qu’il le peut, ou bien on descend dès qu’il est à l’arrêt (bouchons, feux rouges,... la porte arrière est constamment ouverte de toute façon). Le 13 mai Découverte, à côté de l’atelier de José, d’une boulangerie qui fait des croissants à la dulce de leche (confiture de lait). hmmm... samedi dernier, marché de Tepito avec Fernando et Felipe. Un endroit paraitil dangereux, où sont vendus de la drogue, des armes,... rien vu de tout cela, mais plutôt énormément de monde, de la nourriture à foison, des habits, chaussures gadgets, tous les CD et DVD imaginables pirates à 10 pesos l’unité (moins d’un euro) et des tiendas de porno au nombre effarant. Le dimanche, nous partons en bus au desierto de los leones, une forêt d’altitude proche de México, mais au climat néanmoins changeant, de nombreux pins, beaucoup de vert, et ça fait du bien. Vue partielle de la ville embrumée, la pollution stagnant au dessus.



samedi 23 mai Vernissage de l’expo de Cyprien Gaillard à la galerie Proyectos Monclova. Je m’y rends, et là je sympathise avec un artiste qui pourrait peut-être me mettre en relation avec Pedro Reyes (sa fameuse oeuvre «1527 armes, 1527 pelles, 1527 arbres plantés» a été exposée à la Maison rouge à Paris ainsi qu’à la Biennale d’art contemporain de Lyon). Il me propose d’aller visiter son atelier la semaine prochaine. Je commence à m’habituer à México df. Là où je m’efforçais de prendre sur moi, la ville, le bruit, la pollution, le manque de nature surtout, qui crée de grandes difficultés pour moi, je prends peu à peu mes repères. Les musées et autres lieux d’expos sont comme des refuges, des ambassades internationales où je me sens à l’aise. J’ai depuis découvert des parcs, rencontré des jongleurs, et même si la solitude


dans un pays étranger est plus difficile (je veux dire étant le seul français), elle est à la fois bénéfique car il est vraiment simple de rencontrer de nouvelles personnes, il suffit d’entamer la conversation et peu à peu les contacts se créent: jongleurs, artisans, musiciens (tous mes voisins le sont), artistes pour mon stage... être ouvert et entreprenant à la fois, cela suffit à créer une infinité de connexions.





Visite de l’atelier de Carlos Ranc, très sympathique, je vais peut-être travailler avec lui sur un projet d’aménagement d’une maison, projet qui se veut collectif, c’est à dire un travail de collaboration entre 5 artistes en août - septembre. jeudi 4 juin -commencé une peinture murale dans l’appartement de Fernando, mélange d’inspiration maya et d’énergies renouvelables. -le travail avance bien à la galerie Gaga, après des lampes, fabrication d’une table en béton ainsi que d’un siège et un pouf dans le même matériau. -découverte, tout près de la galerie, d’un petit bar-restaurant alternatif. Je sympathise avec le serveur, il pourra peut-être par la suite me mettre en relation avec des communautés zapatistes au Chiapas afin de mettre en oeuvre des projets artistiques. Sur le chemin du retour pour prendre le microbus, je rencontre un uruguayen, nous marchons dans la même direction. Il fabrique des colliers et bracelets en fil de fer et perles qui peuvent se former et déformer à volonté mais toujours en gardant une régularité géométrique, chaque position étant une représentation de l’univers, un mandala. Il se rend à une réunion de soufisme, para girar: danser. Il me propose de l’accompagner. J’accepte. Je laisse mes chaussures à l’entrée, me voici dans une mosquée de Chapultepec. Il y a là 12 personnes. La scène s’organise. Certains sont en blanc, haut chapeau de feutre et robe longue qui se soulève quand ils tournent, habits traditionnels musulmans, d’autres ont un simple couvre-chef blanc ou un voile pour les femmes, d’autres encore portent des habits de tous les jours. La cérémonie


commence. Voix de femme, chant mélodieux et mélancolique qui provoque en moi de nombreux frissons. Tambourins, instruments à corde soufi, chants collectifs. Un homme, vêtu de noir et d’un chapeau de feutre blanc se déplace d’un pas très lent parmi les danseurs.


Match de foot El Salvador vs México, vu entouré de salvadoriens, par chance ils gagnent 2-1. Fierté nationaliste exacerbée par le fait que pour une fois, c’est le petit pays, celui des immigrés, de los maras (la mafia salvadorienne) qui surpasse le grand. Colin appelle pendant la partie. Je vais le chercher à Insurgentes. Cheveux en pagaille, allure de voyageur avec ses sandales et sac de cuir fabriqués par ses propres soins, je le retrouve après 2 ans passés à voyager au Mexique entre voiture, bus, vélo, autostop et mobylette suite à un problème de ligaments du genou qui l’a contraint à arrêter de pédaler pour le moment. jeudi 11 juin Dernières finitions pour l’expo de José, tables en béton coulé puis retournées, colonnes de béton, marbre, verre, bois dans l’espace d’exposition qui reprend les matériaux usités dans les constructions de México, elles-mêmes copiées/collées de l’architecture occidentale, les wc ont été transformés en une grotte mêlant un patchwork de parties de moulages de résine, maquettes, plâtre dégoulinant sur les murs et formes organiques. À l’intérieur 6 lavabos les uns au dessus des autres forment comme une fontaine que l’on met en route chaque fois que l’on veut se laver les mains. lundi 15 juin Cireur de chaussures. Un métier catégorisé XIX ème siècle en occident, mais toujours actuel ici. Assis sur un banc public, j’observe l’un d’eux, recolector (qui récupère des déchets pour revendre la matière première au kilo) en même temps. Profitant de sa pause pour aplatir à l’aide d’une grosse pierre des canettes, il les range ensuite dans son sac dans le but d’en revendre l’aluminium. Instant de pause, de lectures pour celui qui se fait cirer ses chaussures, alternant un pied, puis l’autre, tout en continuant de tourner les pages de son journal, comme pour retarder la fin de cette isolation reposante. San Ángel - Chapultepec, un trajet quotidien qui se termine, le voyage peut commencer!


mardi 16 juin À l’aide du Fer y del Kano, je réalise une photo parodique de l’artiste belge Francis Alÿs au Zócalo, remplaçant son panneau «TOURIST» par le mien: «Vous voyez, j’y étais», positionné et cadré de la même manière, me faisant prêter des habits semblables pour l’occasion. L’après-midi, je pars rejoindre Colin à Puebla (départ gare San Lazaro). Il nous faut bien une heure en car pour quitter complètement le DF, la banlieue s’étend à perte de vue, maisons de moellons bruts sans étages, souvent non finies, les rares habitations peintes le sont de slogans politiques vota el 5 de julio ou de publicités au bord des routes. Les champs augmentent en proportions, les pins. Des arbres fruitiers! Puebla. Colloc’ de jongleurs. Très haut de plafond mais sans électricité parce qu’on leur a coupé. On devait normalement aller semafórear, c’est à dire jongler aux feux rouges pour gagner des sous, mais la pluie nous en a empêché. jeudi 18 juin Retour au DF déjà, je quitte Colin un peu précipitamment pour monter dans un camion qui m’emmène au terminal de cars. Chargé de mes deux gros sacs, je passe à la galerie rendre des livres, puis vais au bar la «karacola» pour confirmer mon départ avec la caravane en zone zapatiste et payer le voyage. On m’envoie au Q.G. quelques quartiers plus loin. Des banderoles «Liberté à tous les prisonniers politiques», des infos sur les répressions et les actions au Chiapas. À l’inscription on m’explique les conditions. Ça n’a rien d’un voyage touristique. Il s’agit d’une rencontre internationale et d’une série de débats au sujet de la répression militaire au Chiapas. Le camion doit ensuite pour ceux qui le souhaitent aller dans une autre communauté en tant qu’observateurs/acteurs, c’est à dire donner quelques coups de mains si c’est nécessaire (constructions, cours aux enfants, ...). Mais pour cela,


l’aval d’une organisation est exigé, afin de ne laisser n’importe qui y participer. Ayant discuté et sympathisé quelque peu avec le collectif de la Karacola auparavant, je fais inscrire leur nom sur mon pass afin de pouvoir y aller. Ensuite, des règles: interdit d’aller où on veut, se promener dans la forêt (ce ne sont pas des vacances et ça peut être dangereux), ne jamais prendre en photo ou filmer le visage des personnes et les plaques d’immatriculation, et dans tous les cas, toujours demander avant de vouloir le faire (ça va pas être évident avec mes projets). vendredi 19 juin Réunion du groupe, rappel des règles, nous partons vers 20 h. Je sympathise avec un couple d’argentins, des mexicains bien sûr, une espagnole, une nordaméricaine (mais qui vit là depuis un an et demi maintenant). Nous roulons toute la nuit. L’aube se dévoile sur une forêt tropicale embrumée. Arbres immenses, lianes, bananiers, ponctués de taches de couleurs formées par des vaches venues ici on ne sait comment. Champ de maïs, terre rouge, pins, chevaux, relief accidenté, brouillard. Le paysage ne se révèle jamais dans son entier. 1 h de pause à San Christobal de las Casas, le temps de déjeuner et nous repartons pour encore quelques heures, nous enfonçant encore plus profondément dans la campagne. Deux piliers qui supportent une poutre, le même assemblage en face: un terrain de foot. Herbe rase, marais, toujours la même terre rouge. De plus en plus de pins, nous avons monté en altitude. Le ciel s’est partiellement dégagé, découvrant des coins de ciel bleu. Les premières maisons en terre que je vois, du maïs, des courges, du manioc, des toiles tendues sur lesquelles sèchent des piments, des enfants se servant d’un bout de plastique comme d’une luge sur une pente de terre, des poules en liberté.


Encuentro National Contra la Impunidad y por la Justicia Autónoma (Caracol de Morelia, zone zapatiste, Chiapas) Inauguration de la rencontre: une femme nous fait une chanson féministe chants communs: «Zapata vive vive, la lucha sigue sigue» -confrontation de témoignages/points de vue de représentants (non officiels) de pays d’Amérique du Sud et Centrale. Pérou: contamination, massacres des indigènes (qui gênent) par les multinationales (mines, pétrole, gaz, bois, ...), pollution des rivières, puits qui se retrouvent à sec, populations et cultures au bout de la chaîne qui se retrouvent sans eau car entièrement puisée par l’industrie. NB: à savoir: Coca cola est aujourd’hui le plus grand propriétaire terrien au Chiapas. «La tierra es nuestra madre: no se vende» «Porque la grán mayoría no sabe que todo es posible»


«Comme il y a une multinationalisation du capitalisme, il y a une multinationalisation des résistances autonomes». -dernier témoignage très émouvant d’une femme dont le mari est mort en travaillant dans une mine de Michoacan (Mexique) dans des conditions déplorables, pollution, intoxications... EZLN (Ejercito Zapatista de Liberacion Nacional)


dimanche 21 juin solstice d’été, le jour le plus long. Ce qui ressort de cet encuentro, en dehors des malheureusement trop nombreux cas particuliers de victimes de multinationales par expropriation des terres, contamination des eaux et exploitation des ouvriers, c’est la place importante que tous accordent à la terre, la Pachamama, et le grand respect qu’ils ont pour elle. «La tierra es nuestra madre, no se puede vender», slogan fortement repris et qui résonne comme quelque chose d’étonnement international, une opinion partagée par une grande variété de peuples et identités culturelles à travers le monde.



lundi 22 juin Moins nombreux, nous quittons le caracol de Morelia près d’Altamirano sous une pluie battante. Je garde en mémoire le nombre impressionnant de toilettes sèches construits en série (une cinquantaine) au pieds desquels croissent des bananiers. Quand l’un est rempli, un bananier est replanté à la place et les toilettes reconstruites à côté. Nous reprenons le car pour 4 heures de route jusqu’au caracol d’Agua Azul, plus au nord et proche de Palenque. Mais arrivés 2 kms avant, problème: une corde tendue au milieu de la route, des gens. Ils exigent 20 pesos par personne pour passer, nous refusons. Ce sont les habitants du village voisin, ils sont contre les zapatistes. Nous faisons demi tour. Arrêt quelques kilomètres plus loin, nous essayons de contacter la Junte. Attente de quelques heures. Il n’y a pas d’autre chemin d’accès. Une solution est finalement trouvée, nous retournons là-bas. Des zapatistes viennent nous chercher


et nous escorter à l’aide de machettes, et nous pouvons passer sous condition de parcourir les 2 kilomètres restants à pied chargés de nos sacs. C’est dans un ancien hôtel abandonné et récupéré par l’EZLN que nous arrivons exténués et suants. De nombreux pochoirs à l’effigie de Zapata, du Che et du Sous-Commandant Marcos. 23 juin Agua Azul Une rivière marron due aux pluies des jours précédents, première baignade au Chiapas à la nuit tombante. Les herbes au bord de l’eau sont survolées par des centaines de lumières qui apparaissent par intermittence et de façon croissante à mesure que s’efface la lumière du jour, réaction chimique complexe à l’intérieur même d’un corps vivant, et qui confère un aspect féerique et un charme certain à ce moment.


La proposition de l’un de mes dessins comme peinture murale est acceptée, avec pour une fois rien de moins que 3 assistants pour m’aider à sa réalisation.

Petit atelier de peinture avec les enfants de la communauté. Certains d’entre eux signent «EZLN». Mais que signifient ces mots pour eux? une identité, une fierté, un engagement...?


vendredi 26 juin Nous avons quitté ce matin «El balneario El Salvador», laissant derrière nous un groupe plus restreint d’observateurs arrivés la veille; 2 camionnettes envoyées par la Junta del Buen Govierno (= la junte du bon gouvernement, les zapatistes) nous amènent jusqu’à Palenque, où le car nous attend. Sur le trajet, nous traversons un ou deux hameaux mentionnant à l’entrée par une pancarte: «Ustedes están en territorio zapatista» (= Vous êtes en territoire zapatiste). Un autre panneau assez surprenant: «Multa por tirar basuras: 90 salarios mínimos» (= amende encourue pour décharge sauvage: 90 x le salaire minimum). Il faut savoir que le salaire minimum est différent selon la région. Il est de 56 pesos par jour au DF (environ 4 euros), et seulement de 33 pesos (environ 2 euros) dans l’état de Morelos. Préférant une arrivée dans la capitale au petit matin plutôt qu’au milieu de la nuit, «los compas» (compañeros, les compères) décident d’espérer jusqu’à 17h avant de partir, le temps de manger (je ne résiste pas à une assiette de riz avec des bananes frites) et d’aller visiter les ruines mayas de Palenque, qui se dressent au milieu de la jungle. Mea culpa Arturo, expulsé pour avoir joué de la flûte au sommet des pyramides à ma demande parce que je voulais le filmer (j’ai quand même réussi). Qui l’eut crû? Un instrument aussi classique que la flûte traversière comme objet de résistance. Certaines paroles peuvent déplacer des montagnes, d’autres mélodies peuvent carrément rompre des pyramides!


Retour dans la ville de Palenque, c’est le moment que je choisi pour quitter la caravane. Au revoirs expéditifs, le car n’attend pas. Ma maison sur les épaules, j’entre tout sourire et le coeur vaillant dans la petite ville, le monde devant moi, libre et sans contrainte, il est temps de foncer.


samedi 27 juin Visite du cimetière de Palenque au matin, des tombes énormes carrelées ou peintes de couleur vives, certaines disposent de bancs pour mieux pleurer leurs défunts, de gros lézards que je surprends en train de se dorer dessus au soleil. Une sculpture de licorne cabrée bleu vif sur un caveau. construction anarchique, le seul chemin est parfois la tombe ellemême pour pouvoir passer. Je prends un car pour San Christobal de las Casas, je vais rejoindre John, le boulanger français que j’ai rencontré dans l’avion lors de mon arrivée. 5 h de routes de courbes, de dos d’âne beaucoup trop fréquents, une infinité de poules et chiens en liberté qui cohabitent sans difficulté, une vingtaine de vautours encerclant une charogne sur la route qui s’envolent au passage du camion, des pins encore une fois, des courges et du ricin.


28 juin Sorti de la gare routière, je me dirige vers le Zócalo, la place principale au centre ville et tombe tout de suite sur John, attablé à une terrasse, buvant une bière avec un anglais. Échange d’histoires, après 2 mois passés chacun de son côté. Il a loué une voiture avec un autre français et un hollandais pendant 1 mois, parcourant tout le Yucatán, prenant des auto-stoppeurs... Le lendemain nous partons accompagnés de Paul, l’anglais, à cheval jusqu’au village voisin, San Juán Chamula. Une heure d’arrêt dans ce petit pueblo, où je retrouve


cette même atmosphère que dans les films de Jean Rouch, et assiste à une cérémonie proche des «Maîtres fous», avec ces mélanges culturels pratiqués par de nombreuses ethnies qui fait qu’ils sont capables, dans cette culture catholique européenne qu’on



leur a imposé et dont ils sont maintenant imprégnés, d’intégrer voire d’exacerber une identité culturelle qui leur est propre, mais aux influences assumées (masques artisanaux à l’effigie de personnages de dessins animés). Des habits sombres en laine, veste en poils de chèvre noir pour les hommes et robes de la même matière pour les femmes. Certains lancent des pétardsfusées de fabrication maison, tout en buvant le poch, l’alcool de maïs. Des groupes sont formés devant l’église qui parlent, s’agitent, jouent de la musique, prient à voie haute. Intérieur de l’église. Des épines de pins vertes recouvrent entièrement le sol. Pas de bancs, mais une série de 6-8 tables surchargées de cierges allumés nous faisant face à l’entrée. Deux couloirs sur les côtés où des personnes seules ou accompagnées de membres de leur famille assis à même le sol disposent des cierges en arc de cercle devant eux et prient. L’église est ici considérée comme un lieu de guérison des maladies et autres aléas de la vie. De l’encens fait d’écorces résineuses (le copal) rempli le lieu d’odeurs fortes, une femme tenant entre les mains un coq aux pattes attachées qu’elle déplace autour du corps d’une personne à genoux effectuant le signe de croix. Elle récite toujours la même prière à voix haute. Elle fini en tordant le coup du coq et le dépose en offrande devant la sculpture d’un saint qu’elle accompagne d’une petite bouteille en verre de soda de type Coca ou Fanta décapsulée. De longues bandes de tissu coloré pendent du plafond. Des cérémonies pour soigner les maladies, la disposition et le nombre de cierges de chaque couleur dépend du genre de maladie. L’église comme lieu de culte mais aussi où s’activent les guérisseurs. La croix comme symbole de chance, de bonheur.




1er juillet Départ de San Christobal hasta (= jusqu’à) Palenque avec Elena, une espagnole vivant au Guatemala rencontrée à la casa Babylon. Elle travaille avec une association de développement dans une communauté près du lac Atitlán, apprenant aux locaux à réutiliser les sacs plastiques trouvés dans la nature pour faire de l’artisanat avec. Durant le trajet, nous avons la surprise de rencontrer une autre française d’Annecy. Piercing au milieu du front, joli sourire et regard, Marine. Elle rejoint une amie berlinoise et doit retrouver plus tard d’autres connaissances à Tulum dans le Quintana Roo. Nous nous quittons donc à la gare routière de Palenque et partons, Jonathan, Elena et moi dormir dans un camping devant l’entrée des ruines. Personne à la réception, hormis un petit vieux qui n’a pas l’air très au courant et qui préfère rester faire la sieste dans son hamac. Il nous dit de nous installer, quelqu’un viendra nous voir. Ne voyant personne, nous retournons à plusieurs reprises à la réception, sans que les choses avancent plus. Nous rencontrons un américain Newyorkais que nous avions déjà remarqué, assis seul sur sa chaise sans bouger depuis un moment. Grosse difficulté à parler en anglais, je ne peux m’empêcher de finir mes phrases en espagnol. Du peu que nous avons saisi, il vit là depuis 3 ans à ne pas faire grand chose, rencontrer les touristes et faire la fête, et donner des coups de main occasionnels. Comme tout bon gringo qui se respecte, il ne connaît pratiquement pas la langue du pays dans lequel il vit, mais est quand même assez gentil pour nous


trouver des hamacs pour passer la nuit. Orage dans la jungle. Abrités sous notre toit de tôle ondulée, bruit assourdissant de la pluie, résonnent comme en écho les cigales, oiseaux et singes, branches qui bougent et feuilles qui frémissent, gouttes qui tombent. Le lendemain départ à 6h00 pour John et moi, un camion vient directement nous chercher.






Le parfum de l’aventure a ceci d’attirant, qu’il se partage entre l’imprévu et les rencontres, fractionnant le temps et ne laissant à l’écriture qu’un rythme discontinu. Lors ce départ à 6h00 (voir pages précédentes) nous emmène jusqu’à la frontera Corozal. Une lancha (petite embarcation de bois pouvant contenir 10 personnes) nous emporte au fil de l’eau pour 1/2 heure de trajet jusqu’à Yaxchilán, la cité des pierres vertes; ruines visibles depuis le bord du fleuve entourées de jungle et dont le seul chemin d’accès est celui-ci. Cris de singes hurleurs, cigales, sueur. Puis Bonampack, la cité des peintures. Le soir, nous trouvons à dormir dans de petites cabanes au bord d’une rivière dans le village de Lacanja. Baignade, discussion avec nos compagnons de route, des mexicains bien sûr, mais aussi 2 hollandaises, un allemand et une grecque, et un couple d’australiens. Et au détour d’une cabane, surprise! Marine, croisée la veille, qui sans concertation a choisi la même étape. Dans ce même village, une rencontre étonnante: un maya, comme ils aiment à se faire appeler, cheveux longs, noirs profond et lisses, lunettes épaisses et bouche de côté, de toutes petites mains, tout ce qu’il porte se trouve disproportionné par rapport à sa taille. Comme un pote à Gaston Lagaffe mais qui n’a jamais connu l’époque hippie. Il est guérisseur chaman, celui qui connaît les plantes et entre en relation avec les gens. Il nous conte ses histoires, nous rassure sur le jaguar qu’il voit parfois sur le chemin qui le ramène à sa maison les jours de pleine lune, mais qui ne s’attaque qu’aux personnes de mala onda. Il nous invite chez lui. Deux petites maisons en bois, des poules qui courent, maïs et bananiers, herbes médicinales et cultures vivrières, un coin de rivière pour se laver. Il nous montre les plans de tabac qui poussent ici comme la mauvaise herbe. Sa femme sort un sac de bijoux d’artisanat qu’elle a fait pour nous les montrer. Elle ne parle pas espagnol, mais la langue de son ethnie, la langue maya. Le guérisseur nous traduit. Le lendemain matin, retour à la frontera Corozal, mais cette fois nous allons au Guatemala. Aucun pont n’existant dans cette zone, nous traversons le fleuve Usumacinta en lancha. En face la végétation de toute part. Nous allons en amont. En chemin quelque chose traverse l’eau devant nous. Le conducteur le voyant ralenti soudain l’allure, l’embarcation effectue un bref mouvement d’esquive. C’est un puma, qui émet un grognement à notre passage. Nage jusqu’à la rive, quelques bonds jusqu’à un arbre couché du haut duquel il nous adresse un regard, avant de disparaître dans le vert. «Maintenant il est guatemaltèque!» lance le conducteur en riant. Quelques lanchas et pirogues attachées à des troncs, un cabanon: la douane. Passeports tamponnés, nous y voici! Un sol couvert de mangues que je ramasse le temps d’effectuer les formalités, et de nouveau quelques heures de trajet de pistes de terre et parfois un peu de goudron avant d’arriver jusqu’à Flores, petite ville sur une île au milieu du lac Peten-Itza. Eau réellement chaude, très peu de pluie comparé à San Christobal.


4 juillet Tikal, site pré-hispanique au milieu de la jungle, dont on ne connaît que 7 %. 6 à 7 heures de visites ne permettent de n’en avoir qu’un petit aperçu, mais une petite sieste à l’ombre d’un arbre au pied des pyramides s’avère fort régénérateur dans ce lieu. Premier animal rencontré, un coati. Puis les singes, se jetant de branches en branches à une dizaine de mètres de hauteur, passant et repassant au dessus de nos têtes, déféquant et urinant (attention à bien être aux aguets). Escaliers impressionnants, l’ascension par un autre petit escalier parallèle en bois l’est encore plus, et c’est là que se découvrent le sommet de quelques pyramides, dépassant entre les cimes des arbres.





Nous quittons Flores pour 4 heures 1/2 de car jusqu’à Rio Dulce. 1 heure de pause pendant laquelle nous nous baignons dans le port entre bateaux, maisons sur pilotis et palétuviers, avant d’embarquer pour 2 heures de lancha jusqu’à Livingston, petite ville face à Bélise en grande partie peuplées de Garifuna, des descendants d’esclaves noirs. Comme sorti d’un reportage de Thalassa, Cette petite ville tournée vers la mer se parcours sans difficulté. Des infrastructures d’hôtellerie et de restauration beaucoup trop nombreuses par rapport à la demande, chaque casa (=maison) de bord de plage vend son lot de rafraîchissements gazeux et d’apéritifs plastifiés. Des personnes sympathiques, des bateaux et des barques de pêcheurs, des cabanons sur pilotis aux toits de palmes, un seul rotativo (voiture-taxi à 3 roues) dans toute la ville. 3 heures de marche aller-retour sur la plage les pieds dans l’eau nous emmènent jusqu’aux «Siete altares», une rivière constituée de cascades et de bassins de formation calcaire qui se jette dans la mer. Rencontre d’un français qui vit à Saint Martin, et 2 américains de Boston. Dans une tienda, je découvre des récipients faits à base de feuilles de bananiers et de maïs. Renseignements pris, ils sont fabriqués dans une communauté indigène qui vit le long du río Tatin, qui se jette dans le río Dulce. Nous décidons donc de nous rendre là-bas le lendemain. Nous prenons une lancha qui à notre grande surprise nous dépose à un hôtel, maison de bois au toit de palme sur pilotis. Les maisons sont éparpillées au bord de l’eau, chacun se déplace en barque à moteur ou en cayuco, pirogue taillée directement dans un tronc d’arbre, on va faire ses courses en kayak. Coassements, frottements d’ailes de cigales, chuintements, cris stridents, grincements et bruits épisodiques viennent compléter ce paysage sonore couvert la nuit par les trombes d’eau qui s’abattent sur le toit de palme. Au petit matin nous empruntons des kayaks pour la journée. 2h30 de trajet, nous permettant de développer nos bras et abdominaux, et nous arrivons au biotope de Chocon Machacas, site protégé où vivent de nombreuses espèces d’insectes, de poissons, d’oiseaux, notamment le quetzal, vert vif à la queue démesurée, symbole du Guatemala et devise du pays, ou encore le lamentin, mammifère marin qui profite des eaux calmes du Río Dulce,


pour venir se reproduire. Suivant un cours d’eau, nous le remontons un bon moment jusqu’à ne plus pouvoir car des arbres écroulés barrent la voie. Nous zigzaguons à l’ombre de la végétation et des lianes qui depuis la cime des arbres tombent dans l’eau. Énormes racines des palétuviers, sol parcouru par des crabes violoncellistes en tout sens. Le retour s’effectue quant à lui à contre-vent et sous les trombes d’eau.


lundi 13 juillet 30 minutes de marche dans la jungle avec un couple de suisses rencontrés la veille, une rivière sans pont à traverser en m’efforçant de ne pas mouiller mon sac, l’eau m’arrivant à la taille, et le courant me donnant quelques frayeurs. Arrivée à Ak’Tenamit (= pueblo nuevo, nouveau village), en langue q’eqchi’ (prononcer à l’anglaise «air-chi»), centre de villages regroupant une trentaine de communautés


indigènes fondé il y a 15 ans en partenariat avec une association américaine d’aide au développement. Il y a là une école de 600 élèves (15 à l’origine), un terrain de foot, une tienda d’artisanat fait par les apprentis en formation, des dortoirs collectifs à leur usage propre, cantine et lieux de vie, et même une salle informatique dans une cabane en haut de la colline avec accès internet. Je discute un moment avec un professeur d’artisanat et son élève à propos de leur travail au sein de la communauté, avant de leur montrer mon propre artisanat: des marques-pages et des dessins réalisés à l’encre de chine et à l’aquarelle que je vends au Mexique. Puis mon carnet de voyage, et c’est tout naturellement que la discussion en vient à me laisser leur demander de les interviewer, ce qu’ils acceptent. J’échange ensuite avec Manuel, le jeune apprenti, mon adresse électronique et il est très fier de me dire que maintenant nous sommes amis, et que je suis le premier étranger avec qui il discute vraiment, c’est à dire faire plus qu’expliquer comment il fabrique ses objets et combien ils coûtent. N.B.: lui envoyer une photo de ma maison sous la neige au retour. Hôtel Finca Tatin: rencontre d’une autrichienne qui travaille dans un club de plongé au Honduras. La soeur de sa grand-mère a participé au mouvement des actionnistes viennois dans les années 1970, et a été emprisonnée à l’époque pour avoir fait une vidéo dans laquelle elle se masturbait sur l’hymne national autrichien.


14 juillet Départ. Nous prenons la lancha-bus jusqu’à Río Dulce, puis un car jusqu’à la capitale. Hôtel pas cher, lit mou, coups de klaxons qui ne s’arrêtent jamais même en pleine nuit. Je commence à tomber malade, nous écourtons notre séjour ici pour nous rendre à Antigua le lendemain. Ville beaucoup plus sympathique, rues pavées et édifices colorés de peu d’étages, une forte ressemblance avec San Christobal. 2-3 jours de rétablissement me sont cependant nécessaires. Rencontre de notre voisin dans l’hôtel, un vieux texan excentrique qui pousse des cris et chante à l’envie, pratique le taï-chi et se lève tous les jours à 4 h du matin. Il nous explique qu’il a 150 ans, mais que grâce au yoga il ne les fait pas. Il connaît étonnement très bien la littérature française: Jean-Paul Sartre, Victor Hugo, Jean Giraudoux, Eugène Ionesco,... 18 juillet Ascension du Pacaya 1h30-2h de forte montée avec plusieurs pauses de trop pour John mais vraiment salutaires en ce qui me concerne. Un vent fort souffle, qui nous pénètre au fur et à mesure que les arbres se raréfient sur notre chemin. De la terre noire qui devient de petits grains noirs, pratiquement plus de plantes, une ascension difficile sur des pierres volcaniques instables et tranchantes, un vent très déstabilisant, des chutes fréquentes. Marchant sur une coulée de 2 semaines, nous voilà devant une masse mouvante sortant de terre, une lumière d’en dessous recouverte de taches sombres. Je n’aurais jamais cru pouvoir m’approcher d’aussi près: moins de 2 mètres! Certains avaient acheté des marshmallows pour les faire griller au bout d’un bâton. Nous avions des empanadas. John a choisi de les réchauffer, moi de les manger au chaud dans une cavité avec la chaleur de la terre. Nous entamons la redescente avec un couché de soleil sur les volcan del Fuego y del Agua et finissons le trajet de nuit, à la lampe torche. dimanche 19 juillet Départ d’Antigua. Nous prenons un chicken bus (les bus d’écoliers américains jaunes) qui sont tous ici décorés différemment par leurs propriétaires: gris alu et rouge, bleu, vert, bordeaux, jaune,... Au moment de prendre la correspondance pour Panajachel, John se rend compte qu’il n’a plus son porte-feuille. On a dû lui voler en sortant du bus bondé. Perte de 1300 quetzales, de sa carte d’identité, son permis de conduire et sa carte de retrait. Après qu’il ait couru dans tous les sens excédé, nous nous rendons sur conseils au commissariat. Blocage de carte, un peu de temps passé à expliquer notre cas et là on nous propose de nous emmener dans une unité jusqu’à Panajachel puisqu’il n’a plus de quoi payer son voyage. Nous embarquons donc dans un 4 x 4 avec 2 policiers, l’un conduisant et l’autre à sa droite fusil à pompe en main. Incrédules, nous laissons faire la situation. 10 minutes après être partis, nous devons arriver à la fin de leur juridiction puisqu’une autre voiture de police sur le bas-côté attend là. Nous transférons nos sacs


et c’est reparti, un autre 4 x 4, puis encore un autre, et un autre, toujours le même, seul l’état intérieur, les policiers et le type d’armes à feu qu’ils ont change (fusil à pompe, mitraillettes à lentille, AK-47,ou fusil). La septième voiture nous dépose enfin sur la place du village 2 heures plus tard, après s’être arrêtée pour nous faire admirer la vue sur le lac Atitlán depuis le mirador. Avec du recul, je pense maintenant que nous avons certainement servi d’excuse à un entraînement imprévu des troupes destiné à vérifier leur efficacité à évacuer des personnes importantes en cas de force majeur. mardi 21 juillet Visite de San Antonio, petit village escarpé au bord du lac Atitlán où nous allons en lancha, après nous être arrêté nous baigner dans une source d’eau chaude qui jaillit directement dans le lac. Rencontre d’un québécois. mercredi 22 juillet Départ de Pana pour Los Encuentros, croisement sale, bruyant, bouchonné, nouveau camion pour Quetzaltenango, appelé aussi Xela (chela). Casa Jaguar, conseillée par le couple suisse croisé à la Finca Tatin: une immense chambre bleue avec une carte de l’empire romain en CXX après J.C. peinte au mur, meublé, table, cuisine, frigo et terrasse, à 30 q par jour chacun! Visite du musée de la ville où est


exposé un peu tout et n’importe quoi donné par des habitants ou autre, de l’antique machine à écrire à un téléphone portable, en passant par une vieille machine à laver, un ordinateur des années 1980, des traités, des médailles. Muséum d’Histoire Naturelle au premier étage, un cabinet de curiosités vraiment étonnant entre herbier et méthode de fabrication du plastique, extraction de l’étain, culture du tabac et pierres précieuses, poteries pré-colombiennes, animaux mal empaillés et à moitié rongés par les mites, repeints pour faire plus vrai, mise en scène pathétique de pattes d’oiseaux sortant de la gueule béante d’un renard maigrichon. Crocodiles empaillés suspendus contre le mur, veau malformé et curiosités biologiques en bocaux. Mauvais éclairage, commentaires en lettres cartonnées dorées d’un goût douteux sur une accumulation de bric-à-brac, musée décidément très curieux. À voir.


III carnet 2


27 juillet Départ de Xela, nous quittons Derrick, un américain rêveur passionné par le fonctionnement des molécules de champignons hallucinogènes, un argentin jongleur et artisan, ainsi que quelques guatémaltèques et un costaricain artisans également. Arrivée à Huehuetenango en fin de journée, nous mangeons des tacos, allons nous prendre une bière, pas grand chose à faire, aucun étranger, nous allons nous coucher.


LE PANTALON Le 28 juillet 2009 nous partons pour Todos Santos, petit village à 2500 m d’altitude perdu dans la cordillère des Cuchumantanes dans une camionnette collective surchargée comme à chaque fois (24 personnes pour 16 places). Nous nous faisons déposer au croisement de 3 caminos, et plutôt que d’attendre 2 heures le prochain collectif jusqu’au village, nous choisissons de faire du stop, et pour 10 quetzales chacun (ici l’autostop se paye), John et moi nous retrouvons à l’arrière d’un camion de chantier, assis entre moellons, tuiles d’argiles et sacs de ciment. Les sacs sur le dos nous faisons notre entrée. Un couple suisse rencontré vers le rio Dulce dans le nord du pays nous a parlé de ce lieu, où vit depuis 15 ans un autre suisse marié avec une femme de la communauté Mames, du nom des habitants de ces montagnes. Il loue quelques chambres dans sa maison, nous nous lançons donc à sa recherche. Dans un virage, nous demandons notre chemin à une tienda. L’homme prend énormément de temps pour les explications, nous raconte qu’il aime parler avec les personnes venues d’ailleurs, qu’il a vécu 2 ans aux États-Unis à changer ses habitudes alimentaires, vestimentaires et de vie en général face à des personnes très différentes venues du monde entier, et


c’est ce qui lui donne cette facilité d’ouverture et de parole avec les étrangers. Il s’appelle Roberto. À force de questionsréponses j’en viens à lui raconter que je suis étudiant en école d’art en France. Il me demande alors combien je voudrais être payé pour repeindre la devanture de son magasin. Surpris, je lui dis que je n’en sais rien, je n’ai jamais fait ça au guatemala et je ne sais pas combien un peintre demande pour ce travail ici. Nous convenons de mon retour le soir même pour en parler. Au bout d’un quart d’heure de côte, suant nos sacs d’artisanat en trop, nous voici à la maison de Roman, un étonnant petit coin de Suisse au milieu des montagnes guatémaltèques, chalet de bois tout confort où l’on se sent comme chez soi et où tout est à disposition à condition de racheter ce qu’on a mangé.


Installés dans les chambres et enfin un peu reposés, je retourne voir Roberto en fin de journée. Nous tombons finalement d’accord sur un échange: je lui ferai une peinture expliquant qu’il donne des cours de couture et qu’il répare également tout type de marques de machines à coudre, en échange de quoi il me fera un pantalon traditionnel sur mesure aux bandes verticales rouges et blanches, porté sans exception ou presque par tous les hommes dans ces montagnes, du jeune garçon de 5 ans au vieillard de 70 ans. -Les vestes sont quant à elles en général blanches à lignes bleues, complétées d’un épais col violet, bleu, vert ou rouge à motifs. Les femmes portent des jupes noires et des huipiles, chemises colorées à motifs de tonalité bleu, violet et rougeébauche

Je me mets au travail le lendemain matin. Au Guatemala, mais au Mexique également, on pourrait résumer une bonne part de la création artistique par ARTISTE = PEINTRE. Je me suis donc prêté au jeu, et bien que ma pratique artistique habituelle utilise peu cette technique, me voilà peintre professionnel, demande à laquelle j’avais déjà répondu dans un appartement de la capitale de México ainsi que dans une communauté zapatiste au Chiapas.


Pendant 3 jours je me rends donc au magasin de Roberto et peints sa devanture. Je manges avec lui, sa femme et ses enfants le plat de base, riz et haricots noirs moulus avec des tortillas de maïs. Il me parle en espagnol, les échanges qui se font avec sa famille sont en langue indigène que je ne comprends pas. Il est le seul avec son apprenti à m’adresser la parole, ses 2 jeunes fils se contentent de rigoler en me souriant, et sa femme ne s’adresse qu’à lui dans leur langue. Pendant la réalisation, de nombreux curieux

viennent me voir et me demandent ce que je vais faire. On me propose à 2 reprises de repeindre d’autres magasins, offres que je décline puisque je suis avant tout en voyage, et que mon intérêt réside surtout dans cet étonnant échange culturel, tradition contre réclame aux lettres psychédéliques issues d’une histoire plus occidentale.


Le deuxième jour, Roberto m’annonce devant sa femme qu’elle voudrait me parler. Le troisième jour, elle m’adresse enfin la parole et je découvre alors qu’elle parle également espagnol, contrairement à ce que j’avais cru au début. Curieux rapport social de domination homme/femme qu’en tant qu’étranger je ne peux que constater, certainement pas critiquer. Dans la matinée, il faut à Roberto un peu plus de 3 heures pour me confectionner mon pantalon tandis que j’achève la peinture. Je profite des derniers instants pour me promener au marché avant de récupérer mon pantalon terminé, mes affaires, et en passant devant l’hôtel on me propose une fois de plus -dans le cas où je voudrais revenir l’année suivantede repeindre toute la façade contre l’hébergement gratuit. 15h30, nous partons dans le dernier car de transport de la journée.

L’apprenti de Roberto au travail

Le fils de Roberto et un petit

voisin



31 juillet Entre temps, je m’étais accordé une «pause» sportive, puisque nous étions partis à quatre, Jonathan, 2 filles belges rencontrées sur place et moi-même pour une journée entière de cheval dans l’Altiplano des Cuchumantanes à 3100 m d’altitude. Herbe rase, habitations en adobe (mélange de terre et de paille), murets de délimitation en pierre ou barrières naturelles de magueyes, par ailleurs énormément différents de ceux que j’ai eu l’occasion d’observer au Mexique, en Andalousie ou ailleurs, les tiges de 3-4 m de hauteur sont plus épaisses, et les fleurs beaucoup plus compactes.


2 août Quittant Todos Santos, nous revenons à Huehue, correspondance jusqu’à La Mesilla, la frontière avec le Mexique, passeports, tampon (on ne nous fait pas payer cette fois!). Cuidad Cuauhtemoc, San Christobal de las Casas, arrivée à 2h30 du matin.


4 août C’est le moment que nous choisissons pour nous séparer, Jonathan et moi. Lui part pour la côte pacifique rejoindre un mexicain qu’il avait rencontré précédemment qui possède un petit ranch face à l’océan, moi pour la péninsule du Yucatán où j’ai l’intention d’aller à la rencontre des requins-baleines. Départ de San Chris à 14h30, voyage toute la nuit et arrivée à Tulum, Quintana Roo à 6h00 le matin suivant. Rencontre d’un uruguayen artisan et jongleur dans l’hôtel, proposition de travailler une semaine pour l’ouverture d’un hôtel à distribuer des flyers aux touristes pour celui-ci, logé dans une paillote face à la mer des Caraïbes, nourri et 50 pesos de gagnés par personne ramenée. Je décline la proposition, le temps me presse et il me reste encore tant à découvrir...


ruines de Tulum, 6 août 2009 7 août Je prends un camion jusqu’à Cancun, et là j’apprends qu’il n’y a plus de bus pour Chiquila, le village faisant face à l’île d’Holbox où je veux me rendre. Bien décidé à ne pas rester plus qu’il ne faut dans cette ville sur-touristique construite dans les années 1970 spécialement pour les gringos et dont l’emplacement a été choisi en fonction de la température, des facilités d’accès maritimes et terrestres et du sable blanc (si on regarde sous l’alignement de chaises longues et de parasols on parvient à en voir), je prends un camion pour Kantunilkin. De là, un pousse-pousse jusqu’à la sortie de la ville, où je commence à faire du stop. Un camion de chantier me prend et me dépose à l’intersection de San Ángel, où j’attends à la nuit tombante, au bord d’une ligne droite qui n’en fini pas entourée de jungle des deux côtés. Je pense aux pumas, panthères et autres animaux sauvages qui pourraient la traverser. Au bout de 10 minutes, une voiture -la seule!- avec 2 hommes dedans s’arrête et m’emmène jusqu’à


Chiquila. ça me fait plaisir, ils me croient chilien ou argentin à mon accent. Buvant des bières, ils m’en proposent que j’accepte, et du «perruco», de la cocaïne, que je refuse. Je me sens un peu comme l’auto-stoppeur de «Las Vegas Parano» de Terry Gilliam en quand même plus confiant. Sur une question que je leur pose à propos d’un panneau indiquant un arbre millénaire, ils font un détour pour me le montrer. Ils me parlent d’un autre arbre célèbre à Oaxaca, au tronc tellement énorme qu’il faut 13 personnes pour l’enserrer dans son entier. Arrivée à Chiquila, nous allons au port boire des bières, reprenant la voiture pour faire des tours dans le village, dire bonjour aux connaissances, revenir au port. Tacos de rue, voiture, et avant que je comprenne ce qui se passait, ils me déposent devant l’hôtel et me donnent 140 pesos pour passer la nuit.


Lendemain matin: je trouve une place libre restante dans une embarcation pour aller voir et nager avec les requins-baleines, principal attrait touristique du lieu. Budget explosé, 800 pesos, mais pour une telle rencontre je suis beaucoup moins regardant. 2 heures de lancha nous emmènent de l’autre côté de l’île d’Holbox, la pointe du Yucatán où se rencontrent les courants marins du golfe du Mexique et de la mer des Caraïbes, formidable profusion de plancton attirant toute la chaîne alimentaire qui en découle. J’ai rencontré la Vie, telle pourrait être la phrase qui résume ce moment. Avec palmes, masques et tuba nous sautons à l’eau, tandis que ces êtres venus depuis la nuit des temps la gueule béante frôlent l’embarcation. Bien que leurs mouvements paraissent lents, il nous faut palmer vite pour pouvoir rester à leur niveau. L’eau, troublée par le plancton, ne permet pas une visibilité à plus de 5-6 m, ce qui me réserve quelques surprises. En ayant perdu un, je sors la tête de l’eau pour en chercher un autre, et l’on m’en indique immédiatement un derrière moi. À peine le temps de


replonger la tête que je vois arriver une bouche ouverte de plus d’un mètre de large tout droit sur moi. Je l’esquive de peu et l’observe passer à mon côté. De petits yeux sur les côtés de la gueule, peau bleue tachetée de blanc. Un fourmillement de poissons le suivent de très près, se retrouvant ainsi sous sa protection. Puis une autre rencontre, celle dont je rêve depuis des années, une raie manta. Énorme, grandiose, majestueuse, plus difficile à observer mais que j’arrive à suivre cependant durant quelques instants. Noire dessus et blanche dessous, mouvements lents mais puissants, forme aérienne qui donne réellement la sensation de la voir voler, une envergure de plus de 3 mètres... Tandis que je nage auprès d’elle, frôlant sa nageoire sans cependant la toucher pour ne pas l’effrayer et provoquer une éventuelle réaction, passent soudain à ma droite sans prévenir une bouche, un oeil, puis une nageoire costale, dorsale, taches blanches sur fond de mer bleue qui diminuent peu à peu avant de s’agrandir encore une fois dans une grosse forme sombre que constitue la queue dont la seule taille me dépasse largement.


Retour, 1 heure d’arrêt à Holbox dont je profite pour marcher dans ses rues de sable, cocotiers, maisons de bois peintes de blanc de mi-hauteur jusqu’en haut, et de marron tacheté de blanc pour la partie inférieure. Plages de sable blanc, coquillages, os de poissons... et découverte d’un petit requin marteau de 30 cm mort sur la plage. Le continent: le port de Chiquila, l’arrivée des pêcheurs qui débarquent leur cargaison de poissons et de poulpes, promenade dans la mangrove attenante parmi les moustiques ravageurs. Là, en s’approchant accroupi à pas de loup (ou plutôt à pas d’humain maladroit marchant malencontreusement sur des branches), j’observe des ibis blancs cherchant leur nourriture dans la boue qui s’envole à ma vue. Troisième découverte de la journée: une petite mue de limule, appelée «mech» ici), d’à peine 4 cm, animal préhistorique considéré comme fossile vivant qui n’a pas évolué depuis 200 millions d’années. Être au sang bleu qui intéresse fortement les scientifiques du fait de ses propriétés. Dépourvu de système immunitaire, le sang


de la limule se gélifie pour parer à des infections bactériennes. Elle change de peau tous les 14 mois, les femelles viennent à terre une fois l’an à la pleine lune y déposer leurs oeufs. C’est par le conducteur d’une voiture qui me prendra plus tard en stop que j’aurai ces précisions. Rencontre de pêcheurs. Ils me donnent la poche remplie d’encre d’un pouple, afin d’essayer de peindre avec. Au village, je recroise le passager de la voiture d’hier au volant d’une grosse moto sans plaques qui m’invite à venir manger chez lui avec sa famille le soir même du poulpe. 6 enfants de 5 à 12 ans qui me pressent de terminer rapidement mon assiette parce qu’ils veulent aller au port pêcher de nuit. Un fil, un écrou servant de plomb, un hameçon avec un bout de poisson accroché dessus, et les voilà tout excités. Au bilan, un poisson chat de 40 cm qu’ils mangeront le jour suivant accompagné de jus de citron.


Départ le lendemain de Chiquila, un seul bus dans la journée à 5h30 du matin, trop tôt, je reviens en stop à Kantunilkin dans une grosse mercedes climatisée conduite par un sexagénaire fumant un joint se rendant à une réunion, puis une autre voiture jusqu’à Tizimin, constituée de 4 hommes entre 50 et 60 ans. Nous nous faisons arrêter par la police, qui exige un droit de passage de 40 pesos que le conducteur lui donne. De Tizimin je prends une camionnette jusqu’à Merida où je passe la nuit. Merida - Palenque, 9 heures de route, à peine 2 minutes de répit que j’embarque déjà pour ma correspondance de 16 heures jusqu’à Oaxaca. Sur la route, en passant par Tabasco, un panneau en bord de mer annonce une amende équivalente à 3 fois le salaire minimum si quelqu’un est surpris à jeter ses poubelles là. Curieux, elle était de 90 fois le salaire au Chiapas. Plus tard j’appris que le salaire minimum fixé est différent dans chaque état du Mexique. Dans la nuit, une voiture percute le car. Les occupants, en tord, s’enfuient et abandonnent leur véhicule 200 m plus loin.


arbre «El Tule», 2000 ans

Aujourd’hui, j’ai rencontré un être âgé de 2000 ans.


extraits de magazines de Oaxaca



Hierve el Agua, je rencontre d’autres français très sympathiques, les artisans de Oaxaca, les cactus géants! Musée du textile. L’indigo était originairement extrait d’un coquillage dont il fallait broyer une quantité énorme pour récupérer un peu de colorant. À l’époque romaine, l’empereur était donc le seul à porter des habits de cette couleur. Les indigènes de la région de Oaxaca procédaient d’une toute autre manière. De même que dans l’architecture Maya ils préféraient superposer que détruire, les communautés du littoral ramassaient les coquillages vivants pour en récupérer la bave avant de les replacer sur les rochers où ils allaient continuer leur cycle sans que cela ne leur porte préjudice.


Retour à México dans un bus de seconde classe à peine moins bien que les autres et un tout petit peu plus long mais deux fois moins cher, 240 pesos contre 480 pesos pour les cars climatisés avec télé classiques.


Arrivée le soir, je retrouve Colin et Fernando. L’Ollijazz, festival de jazz en extérieur, à boire du Pulque. Départ le lendemain nos sacs sur le dos. Nous nous séparons à une station de métro, Colin et Fernando partent en stop jusqu’à Cancun où ils espèrent arriver en moins d’une semaine. Cela fait environ 3 jours de trajet en car, c’est le temps qu’ils mettront en pouce. De là-bas, ils prendront un avion pour Cuba. Je reste pour ma part au DF où je dois normalement travailler avec l’artiste Carlos Ranc, et en attente de réponse je m’attarde quelques jours chez Arturo, rencontré dans la caravane se rendant dans les communautés zapatistes, avant d’emménager en collocation avec Alexandro, lui aussi présent dans la même caravane d’observation. C’est un tout petit appartement au sommet d’un édifice de 6 étages, avec le toit comme terrasse et un lavoir collectif, près du métro Cuauhtémoc et pas loin du centre historique.


«L’exotisme peut se définir comme l’intégration (...) de l’insolite géographique, ethnologique et culturel; il traduit le goût de l’écrivain pour des contrées qui lui apparaissent comme étranges et étonnantes, féeriques ou légendaires, qui contrastent avec la sienne propre par le climat, la faune, la flore, les habitants (leur apparence physique, leurs costumes et traditions).» Dictionnaire International des Termes Littéraires, article «Exotisme» «Les voyages par procuration avec les héros de nos livres dessinent les contours de notre carte du monde. Ainsi, nous partons sur leurs traces, en territoire presque connu.» référence non trouvée


3 septembre Visite du musée d’anthropologie avec Guit, Ariane et Cédric, des connaissances d’Annecy arrivés depuis quelques jours et que j’héberge. Nous découvrons les fameuses énormes têtes Olmècques sculptées posées à même le sol, et le célèbre calendrier aztèque, grande roue de pierre de 3 mètres de diamètre qui a fait couler beaucoup d’encre.


mercredi 9 septembre Départ pour mon ultime aventure à Xilitla, à dix heures de route au nord de México. Des vallons très secs faits d’arbustes et de cactus semblables à Oaxaca. Puis nous montons en altitude. Des pins, des bananiers, beaucoup de végétation, on se croirait au Chiapas cette fois. Des personnes qui montent ou qui descendent du car au milieu de nulle part, comme autant d’histoires potentielles sans trame ni fin ni caméra non plus attestant de leur existence. Arrivée de nuit sous les trombes d’eau, je me trouve un hôtel barato (=pas cher) à 120 pesos la nuit contre 350 pesos pour le moins cher selon les premières personnes à qui j’ai demandé.


jeudi 10 septembre Visite de Las Posas, château d’Edward James et son musée. Edward James, milliardaire anglais, petit-fils de Henri VIII, mécène de la revue surréaliste «Minotaure» et ami de Dalí a fait construire au milieu d’une végétation luxuriante et de multiples cascades son palais idéal, chantier de 40 ans resté inachevé et qui depuis sa mort au début des années 1980 se fissure, s’effrite, tombe en ruine sous les assauts d’une végétation tenace et d’une forte humidité. Les formes, sculptures de fleurs en béton, portes, fenêtres ont entièrement été imaginées par luimême, des artisans locaux se sont occupé de la réalisation des coffrages. Surprenantes ruines modernes. Milieu d’après-midi: départ de Xilitla en stop plutôt qu’attendre le bus. Quelques kilomètres plus loin des dépanneuses avec des grues au milieu de la route, un bouchon commence à se former. En contre-bas un semi-remorque


complètement en miette. Le conducteur ne s’en est pas tiré. Une heure d’attente à les regarder manoeuvrer, accrocher et décrocher les chaînes, parvenant peu à peu avec beaucoup de difficulté malgré les deux puissantes remorques à sortir le châssis et les roues, seul élément encore entier. Puis nous reprenons la route. Mon chauffeur me laisse à un embranchement où je n’ai qu’à monter dans le car qui nous suivait de peu, au moment où il se met à pleuvoir. Ouf. Direction Ciudad Valle. À peine débarqué je prends immédiatement mon billet pour San Luís Potosí, j’y arrive à une heure du matin.


vendredi 11 septembre Lever un peu tardif, je visite le musée de sculptures Federico Silva, pas convaincu, je passe ensuite par le musée d’art contemporain, collection Tamayo évidemment (c’est un riche collectionneur mexicain), beaucoup plus intéressant. Au coin d’une rue passent des camions transportant des tigres, 3 girafes, 3 zèbres et 2 chameaux en cages. Départ pour Réal de Quatorce. Terminal d’autobus, Matehuala, 2h15. Le camion de Réal de Quatorce. Je m’attendais à voir plus de touristes, je suis le seul étranger. La route se fait piste, on croise parfois des villages, des hameaux de quelques maisons où des gens montent, descendent. Certains transportent des colis, ou d’énormes sacs qu’ils mettent en soute. Des femmes avec des enfants. À travers la fenêtre, la plaine. De petits buissons, des youkas, peu de grands cactus, mais une infinité de variétés de plus petite dimension, du vert vif aux formes de corail agrémenté de longues épines jaunes, à l’énorme boule sortant de terre vert sombre et épines rouges, ou encore à celui, très proche dans la forme aussi, aux épines blanches. Des «cerros», de petits vallons secs et gris-vert nous entourent. Une grande partie des villages que le car traverse sont à plus de 50% en ruine, des bouts de lettres d’une ancienne publicité subsistent parfois sur les murs décrépis, jaunies, d’un jaune d’or sur un soleil couchant. Une lumière rasante qui révèle l’essence des choses, donne cette vie et cette force du lieu aux végétaux du désert, aux visages, aux formes usées par le temps. Des témoins d’un vécu également, d’anciennes mines d’argent abandonnées avec les 3/4 du village par la même occasion. L’autobus nous dépose à l’entrée d’un tunnel, nous embarquons dans une navette, sièges dos aux parois se faisant tous face. Une incroyable traversée de ce tunnel truffé de débuts de forages de tous côtés. La roche, des consolidations en adobe, qui semble réellement issue de l’imagerie du western quand une succession de planches et de piliers en bois retiennent le tout. Une cohérence mexicaine: là où nous aurions un abris éclairé en Europe, ils ont installé une chapelle. Le car frôle les parois des 2 côtés, la traversée se fait donc par intermittence, grâce à des feux installés aux deux sorties. Rapide pensée pour la catastrophe du tunnel du Mont Blanc. Réal. Rues pavées inclinées, tordues tout comme les murs en pierre s’efforçant de s’adapter aux rigueurs de terrain. Je proposerais 2 titres pour ma soirée: «Dans la nuit les ânes passent» ou «Ce soir j’ai regardé le ciel étoilé


samedi 12 septembre Promenade dans les rues. De nombreuses personnes à cheval et/ou des ânes, beaucoup portent un chapeau type cowboy. On me propose à plusieurs reprises d’aller à cheval au village fantôme dans la montagne. À 30 minutes - 1 heure de marche, je décide d’y aller à pied. Toujours cette même végétation, verte en cette saison de pluies, mais cet aspect résolument sec: des cactus, des plantes grasses, journée d’observation. Je me régale de tunas, des figues de barbarie bien juteuses. De nombreuses ruines, la place du village, les murs de l’église. Des forages jusque dans les maisons. Je m’aventure dans l’un d’eux. Sur la droite une galerie, j’aperçois de la lumière au fond. J’avance à tâtons sur une vingtaine de mètres et débouche dans une galerie parallèle en amont et fini par me diriger vers la sortie. Puis je décide de monter au sommet de la première colline, pour voir la vue et pour m’arrêter manger mes gorditas de frijoles,


papas, omelette, y nopal achetées le matin même. Puis la deuxième colline. Le vent apporte les nuages, il est temps de rentrer. Sur la route de pierre un homme à cheval, il mène à l’aide d’une baguette un autre cheval et un âne attachés ensemble au village. Je discute avec lui quelques instants. Il vient de son ranch à 4 heures de cheval d’ici. Il me parle d’une cérémonie le 20 septembre prochain pendant laquelle le portrait peint de Saint François d’Assise est amené à travers les montagnes huastèques par une procession jusqu’à Réal de Quatorce. Face à moi la montagne sacrée du peuple Huichol où sont régulièrement pratiquées des cérémonies avec absorption du peyotl (petit cactus poussant à flanc de terre dans la vallée) pour son pouvoir hallucinogène. Une fois l’an, une grande réunion de «ceux qui communiquent avec les esprits» a lieu à cet endroit, des indigènes du nord du Mexique, du sud, mais aussi appartenant à des peuples aux États-Unis, en Amérique Centrale et Amérique du Sud absorbent le peyotl dans des cérémonies qui durent au total 5 jours. Certaines ont lieu dans des grottes plongées dans l’obscurité, desquelles ils sortent la cinquième nuit, par une nuit sans lune, afin d’observer les étoiles et les interpréter. Naissent alors les prophéties mayas.





Affichages muraux

Touristes - 2009 affichage sur la terrasse d’un immeuble à México. Les personnages représentent des minorités indigènes armés d’appareils -photos.


GLOBALMÉXICO - 2009 En Mésoamérique, les peuples pré-hispaniques pratiquent depuis plus de 3000 ans le jeu de balle, qui consiste en l’affrontement de 2 équipes de joueurs sur un terrain, une balle en caoutchouc (le caoutchouc est la sève extraite de l’hévéa, un arbre originaire d’Amérique) et un anneau de pierre disposé verticalement accroché à un mur. La trajectoire de la balle lors de cérémonies représente la course du Soleil qui ne devait pas s’arrêter. L’issue du jeu a parfois permis de calmer ou trancher des débats et conflits politiques sans passer par la guerre. Le terrain était alors un grand espace, en forme de « I » majuscule. Dans cette installation, celui-ci prend cette fois une forme étriquée: la cour intérieure d’un immeuble de 5 étages qui ne voit pratiquement jamais la lumière du jour, et un anneau accroché à son sommet probablement inaccessible. Ici, c’est un pneu de voiture en caoutchouc industriel qui fait office d’anneau. Le bâtiment se situe dans la banlieue de México d.f., où s’entassent quantité de migrants des campagnes et d’Amérique Centrale, pour certains descendant actuels de

ces peuplades pré-hispaniques. Globalméxico est leur nouvel horizon.


COMMERCE ÉQUITABLE 2009 Dans l’histoire du Mexique, les civilisations pré-hispaniques comme les Mayas et les Aztèques utilisaient traditionnellement les fèves de cacao comme monnaie d’échange. J’achetais des fèves de cacao, et rencontrant des gens au hasard de mon voyage au Mexique, je leurs proposais de m’échanger une poignée de fèves contre ce qu’ils voulaient, de préférence léger et/ou utile afin de les ramener facilement dans mon sac à dos.

une bouteille d’eau une carte de Oaxaca

un couteau suisse deux préservatifs

un collier un livre de contes asiatique et un bracelet

une carte de métrobus un bracelet



Carnet de voyage au Mexique et Guatemala avril Ă septembre 2009 Antoine Perez antoineperez2007@yahoo.fr issuu.com/antoineperez


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