090/DESIGN
Par : Sylvie Gassot
Jean-François Fourtou
L’art des vitrines Hermès
E
ntre la maison de luxe et le talent onirique du plasticien, la rencontre tient du coup de foudre ! Hermès donne à Jean-François Fourtou carte blanche sur un an pour imaginer ses vitrines de la Rive Gauche. Au fil des saisons, il réalisera quatre décors : “Pour le premier, j’ai choisi de représenter une salle de bains dans laquelle des animaux géants parasitent la pièce. Le prochain sera une chambre, ensuite un salon... Pour cet opus, le cheval porte une selle de la maison.” Ce que cherche l’artiste ? ”Une interaction avec le public, le magasin et la rue. Ce dialogue avec le tissu urbain, nous l’avons initié en 2003, sous la verrière Hermès à Bruxelles, avec une cabane de géant, qui invitait les visiteurs à retrouver leurs sensations d’enfants.” En métamorphosant ses vitrines en musée éphémère, Hermès gagne un bénéfice d’image international ; et le créateur, une formidable opportunité de toucher d’autres publics. “A ce titre, Hermès est une maison très particulière, souligne Jean-François Fourtou. Elle est dotée d’un esprit de famille et d’attention à l’autre qu’on ne retrouve pas ailleurs. Cette ouverture d’esprit et de contact est une chance !” Un défi artistique aussi, une démarche, qui, loin d’être une tendance, remonte à une tradition comme une signature historique…
chef étalagiste, des vitrines conçues comme des scènes de théâtre. Habile mise en scène qui pallie par un jeu d’éclairage la pénurie de produits sous l’occupation. On vient alors voir les vitrines-tableaux du Faubourg Saint Honoré, signées Christian Bérard, Sacha Guitry, Jean Cocteau, Marie Laurencin, Léonor Fini… comme on va au musée. Tradition qui se perpétue en intégrant les objets manufacturés aux décors où les œuvres dialoguent avec des matériaux inattendus : paille, journaux, sable, crottin de cheval, moineaux vivants. Dès 1978, Leila Menchari crée en magicienne des parenthèses enchantées aux luxuriants décors saisonniers. Elle propulse les passants de sous-bois en savane africaine, d’un appartement de Maharaja à une jungle peuplée de perroquets et papillons multicolores. Entre conte et exotisme, elle intègre un fabuleux casting d’artistes. A Tokyo, en 2009, la maison expose le carré de soie gonflé d’air et sa vidéo du designer Tokujin Yashioka, puis les spectaculaires effets de loupe d’Haruka Kojin. En 2012, après Christian Astuguevielle, place donc à Jean-François Fourtou et son bestiaire magique façon Lewis Caroll. Un excellent cru ! Pour susciter le désir, les marques hors du cadre traditionnel des galeries, présentent des scénographies abouties…
Vitrine tableau Précurseur, réputé pour son imaginaire poétique, Emile Hermès aménage, dès les années 20, sous l’impulsion d’Annie Beaumel,
Jean-François Fourtou : Dar El Sadaka, Bab Atlas, Marrakech. Hermès : 17, rue de Sèvres, Paris
Buzz chez Vuitton. Attroupement à Londres face à la girafe de Bond street en 2010, et à Paris où une cohorte de zèbres au réalisme saisissant fait écho à la collection Marc Jacobs, puis aux motifs exclusifs de Stephan Sprouse. Cinq fois par an, les boutiques arborent un nouveau décor qui vole de New York à Hong Kong. Tradition initiée par le fondateur Gaston Louis Dreyfus, passionné d’art, qui, chaque semaine, peignait son univers en aquarelle. Depuis, les créateurs insufflent leur magie dans les décors de Noël : Bob Wilson, Ugo Rondinone, Olafur Eliasson et son cercle lumineux -en forme de pupilleexposé, comble du luxe, sans aucun produit ! Ou Rajeev Sethi et son décor Diwali éclairant des malles en papier comme des lanternes. Lanvin provoque l’imaginaire pour créer une émotion, éveiller le désir d’entrer… et plus si affinités ! Pensées par Albert Elbaz comme un univers parallèle, les vitrines s’accordent aux défilés. Si chacun est le point de départ d’un scénario, les décors du Faubourg Saint Honoré en sont l’écho à coup de slogan : Veux tu m’épouser ? Le banquet libertin, Echec et mat… En situation décalée, les mannequins prennent parfois l’allure d’un miroir grinçant, tendu vers les passants. Humour théâtral chic et choc. Dior adore l’art ! Et a ouvert en l’honneur de l’artiste allemand Anselm Reyle, qui électrise le sac Lady Dior ainsi qu’une ligne d’accessoires et de maquillage, un pop up store à Miami Art Basel. L’art, un petit luxe dans le monde du grand luxe ?