Extrait "Vigneronnes"

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C L AI R E NAUD I N

LA VIE CLAIRE R É G I O N  : B O U R G O G N E DOMAINE : NAUDIN-FERRAND

INSTALLÉE EN 1994 officiellement (première vinif’ en 1991) SON ÂGE 50 ans cette année (« mais 30 dans ma tête, parce que depuis mes 30 ans je ne me sens plus vieillir  ! ») AGRICULTURE Pas de certification UNE VIGNERONNE ADMIRÉE « Ma grand-mère, Claire Naudin déjà, qui a toujours trouvé les arguments pour convaincre mon grand-père de planter de la vigne ; en toute discrétion, elle a œuvré – c’est à elle que je dois presque tout » UNE DEVISE « Tout est en avant » (Florin Callerand) MON VIN COUP DE CŒUR Bellis Perrenis, à boire avec Nue de Clara Luciani dans les oreilles, parce que la beauté est sans fards

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De Claire, j’ai d’abord eu une quille en main – étiquette sobre, élégante, une fleur comme signature. J’ai versé le vin dans le verre et boum ! conquise : une finesse arachnéenne, un fruit pur, une profondeur minérale. Le genre de vins dont on peut écrire des commentaires sans fin, mais dont on jouit encore plus sûrement. Il y avait là-dedans de l’affirmation, du caractère et un plaisir infini. Claire est une vigneronnenée, ou quasi. « J’y suis tombée à l’âge de sept ans. Ma tante (vieille fille que ses parents ont refusé de laisser se marier pour s’assurer une bonne à domicile, ce qu’elle a parfaitement fait jusqu’à leur mort) m’a expliqué que j’étais la seule des trois filles à pouvoir reprendre. J’ai dit : “Jamais, tout sauf ça, moi c’est les cailloux que j’aime.” Mais la graine était semée... » Un lien à la terre donc, qui s’est tissé autour des vignes, avec un respect total pour le vivant et ses cycles. C’est la volonté de Claire, réussir à arrêter tout traitement phyto. En tout cas arrêter au plus vite le cuivre et le soufre. Jusqu’au-boutiste, elle n’a jamais rien lâché même si elle reconnaît dans son parcours des moments difficiles. « La plus grosse baffe a été pour la naissance de notre premier enfant. J’ai découvert que le statut d’ingénieure agro et œnologue avec dix ans d’expérience valait le SMIC (on a droit à dix semaines d’aide par une personne payée au SMIC, si jamais on veut s’arrêter un peu pour s’occuper du bébé ; même une femme de ménage ou un étudiant en œnologie gagne plus, et ça me paraît normal d’ailleurs...). Je m’en suis remise. J’ai eu l’énorme chance d’avoir une santé de fer. Pour notre troisième fils, trois jours d’arrêt en tout. » Raide, tout de même. Mais avec une volonté pareille, qu’est-ce qui peut bien vous résister ? Irréductible optimiste, Claire considère toujours le verre à moitié plein. « En arrivant dans le monde du vin, j’ai décidé qu’être femme ou vigneronne n’était pas un problème. J’ai vite fait à mon idée sans écouter ce qu’on disait de moi. Et bizarrement j’ai rapidement été responsable syndicale, élue par des hommes qui adhéraient à mes idées et étaient convaincus par mes arguments. »

Passionnée de voyages, elle a eu un véritable coup de foudre pour l’Himalaya, et c’est là que dès que leurs moyens le leur permettent, ils se rendent avec son mari. « Nous avons une affection toute particulière pour les Népalais. Mais comme c’est quand même un peu loin, nous aimons aussi beaucoup le Jura et y passons de plus en plus de temps. » Une femme qui aime le Jura ne peut-être qu’une personne de qualité, foi d’adoratrice du poulsard.

ADRESSE — DOMAINE NAUDIN-FERRAND 1 2 , R U E D U M E I X G R E N O T – 2 1 7 0 0 M A G N Y- L È S - V I L L E R S TÉL — 03 80 62 91 50

VIGNERONNES

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STÉPHAN I E O L M ETA

CÉL I N E O U L I É

ELLE ÉCRIT UNE NOUVELLE PAGE R É G I O N  : C O R S E

INSTALLÉE EN 2006 SON ÂGE 44 ans AGRICULTURE Biologique DEVISE Ne pas faire aux autres ce que l’on ne voudrait pas que l’on vous fasse UNE VIGNERONNE ADMIRÉE EN SECRET Toutes ! PASSION La nature et l’environnement foisonnant de Patrimonio, beauté parmi les beautés

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CHAPEAU, MESDAMES R É G I O N  : S U D - O U E S T

D O M A I N E : L E S M E T S D ’Â M E S

DOMAINE : OLMETA

Secrétaire, Stéphanie n’est pas du tout intéressée par la vigne et n’a jamais été effleurée par l’idée d’être vigneronne. Très attachée à son village – son oncle en est maire – et à la nature, elle n’a pas du tout la tête à ça. Pourtant, quand un jour son père lui propose de reprendre les vignes familiales, elle n’hésite pas une seconde. Fonceuse, un brin provocatrice peut-être, Stéphanie s’embarque dans cette aventure avec une conviction qui en étonne plus d’un. Un sacré chantier : les vignes laissées par les grands-parents à l’origine doivent être retravaillées, restructurées. Plants manquants qu’ils s’échinent (son mari l’a rejointe dans l’aventure) à remplacer, et puis surtout construire un chai, penser à la gestion globale du vignoble. Deux ans avant de sortir un premier millésime qui s’avère convaincant. Des vins pleins d’énergie, précis, et d’une fraîcheur remarquable. Autodidacte certes, mais avec des idées bien arrêtées depuis le début : Stéphanie veut travailler en bio, « par amour du partage et de la nature ». Patrimonio lui facilite sans doute les choses : c’est la première appellation en France à indiquer dans son cahier des charges l’interdiction de l’usage du glyphosate. En ce qui concerne les vins, c’est très simple : rouge 100 % niellucio, et blanc 100 % vermentino, sans oublier le muscat. En pays corse, les vigneronnes déchirent, en voici encore un exemple !

Là encore, c’est une femme qui m’a parlé de Céline : la sororité a du bon. Une valeur qui doit sûrement parler à Céline, venue au vin pour donner du sens à sa vie, être actrice et créer du lien. Bottes aux pieds, lunettes sur le nez, elle gère d’une main de velours son domaine-ferme de vingt hectares répartis en prairies naturelles où broutent moutons et ânes, landes et forêt, et vignes bien entendu. Elle produit pacherenc et madiran, privilégiant le naturel, goûtant beaucoup, se fiant énormément à ses sensations et à son instinct. Elle bosse en biodynamie, parce que ça vient des tripes, parce qu’elle veut transmettre, parce qu’il y a dans cette agriculturelà une idée de respect et d’équilibre. Cette ingénieure en environnement a repris l’exploitation familiale après dix ans de boulot dans sa formation de base. Le clin d’œil dans le nom du domaine à l’arrière-arrière-grand-mère qui a fondé le domaine en 1924 est évidemment voulu, car depuis le début, ce sont les femmes qui ont en grande partie écrit l’histoire du lieu : « Nous sommes la matrice actrice, le creuset de la vie ! Profitons de cette grande chance. »

A D R E S S E — D O M A I N E L E S M E T S D ’Â M E S 4, CHEMIN L AFITAU – 64350 AURIONS-IDERNES T É L — 0 5 5 9 1 2 0 0 8 0

INSTALLÉE En 2014 SON ÂGE 38 ans AGRICULTURE Biologique UNE VIGNERONNE ADMIRÉE EN SECRET « Celles qui œuvrent avec le Grand Cœur à la régénération de la Terre » UN MANTRA « Aime et sème l’amour » MON VIN PRÉFÉRÉ L’Ove, un pacherenc-du-vicbilh sec, à siroter avec l’élu·e de son cœur, loin de l’agitation

ADRESSE — DOMAINE OLMETA LIEU-DIT LUSTINCONE, D80 – 20253 PATRIMONIO T É L — 0 6 7 5 7 7 7 2 1 3

VIGNERONNES

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I SABEL L E PAN GAULT

ISABELLE LA CHASSERESSE R É G I O N  : LO I R E D O M A I N E : L’A F F Û T

INSTALLÉE EN 2018 SON ÂGE 36 ans AGRICULTURE Pas de certification UN SIGNE PARTICULIER Adore la musique et cherche des paysan·ne·s et vigneron·ne·s musicien·ne·s pour monter un groupe ! (message passé) UNE VIGNERONNE MODÈLE Noëlla Morantin, pour son parcours, ses vins profonds et droits et sa gentillesse, parce que l’humain ça compte UNE DEVISE « Quand rien n’est certain, tout est possible »

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Peu ou prou nous avons le même âge, et deuxième point commun, c’est aussi à la petite vingtaine que l’amour du pinard s’est affirmé chez toutes les deux. « Quand j’avais vingt ans, mon père m’a emmenée avec lui à Sancerre à une dégustation d’un même vin élevé en fûts de chêne de différentes origines et c’est là qu’est vraiment né mon intérêt pour le vin. J’ai découvert un produit qui, comme le bois, est noble, vivant et met tous les sens en éveil. Mais le vin, encore plus que le bois, est aussi vecteur de culture et de partage et cette passion ne m’a plus quittée. » Pourquoi le bois ? Basique, simple : la famille du côté paternel travaillait dans ce milieu depuis plusieurs générations, et c’est d’ailleurs cette voie-là qu’Isabelle a explorée en premier, en faisant des études en gestion forestière, puis en poursuivant avec un diplôme d’ingénieure agronome spécialisée en viticulture-œnologie. La faute au papa et à cette dégustation ligérienne marquante. Pendant dix ans, elle exerce alors dans le sud de la France et à l’étranger, en viticulture, œnologie et marketing du vin. Et en retient une certaine frustration : « Je n’étais toujours qu’un maillon de la chaîne et je devais faire les vins qu’on me demandait de faire. Quand j’ai eu mon fils, à la veille des vendanges 2016, j’ai ressenti l’envie de revenir au bercail, en Loir-et-Cher, et de défendre le vignoble local, sur le terroir de Sologne, dans un projet plus personnel et créatif. » C’est sûr, un pays où les gens ne font pas de manières (tu me manques Michel) mais où l’installation à partir de rien n’est pas facile pour autant. Il y a tant à faire, d’abord et c’est impératif pour Isabelle, entamer la conversion en agriculture biologique (biodynamique par la suite) et de conservation des sols, afin de favoriser les équilibres écologiques et la biodiversité ; la replantation de cépages autochtones en voie de raréfaction (menu pineau, fié gris, romorantin, pineau d’aunis…) pour maintenir l’ampélodiversité dans une région dominée par le sauvignon blanc. Férue de musique, elle adore écouter Jeanne Added et Christine & The Queens, des filles qui « envoient du bois », pour cultiver un mental de guerrière dans l’adversité,

mais qui font aussi preuve d’une grande sensibilité. Il en faut pour prendre soin de ses vignes, de ses vins et de son équipe. « Plaisir décuplé dans le chai où la résonance est jouissive quand je chante sans retenue ! » J’aimerais bien voir ça : peut-être un jour, après avoir dégusté des nigiri sushi unagi (sushi à l’anguille grillée), son plat préféré, un assemblage aigre-doux à la texture fondante. Isabelle est pleine d’espoir quant à l’avenir des femmes dans ce métier. « Certains a priori ou comportements inappropriés ont encore la vie dure, mais les choses bougent dans le bon sens, grâce notamment à des personnages inspirants comme Pascaline Lepeltier ou à des associations comme Women do wine, qui met à l’honneur la diversité et la passion des femmes qui travaillent dans le monde du vin. Les femmes peuvent enfin prendre pleinement la place qu’elles ont souvent occupée dans l’ombre et mettre en avant leurs qualités, différentes mais ni meilleures ni moins bonnes que celles des hommes. »

A D R E S S E — D O M A I N E L’A F F Û T CHEMIN DU MOULIN – 41700 SASSAY TÉL — 06 12 16 19 87

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