Martinique tiers lieu

TIERS LIEU À LA VILLE DE SAINT-PIERRE

Inspiration

TIERS LIEU DARWING À BORDEAUX

L’écosystème Darwin, laboratoire d’initiatives sur la rive droite de Bordeaux. Deuxième lieu le plus visité de la ville, Darwin accueille tous les ans plus de 700 000 visiteurs. Un tiers lieu avantgardiste qui fait cohabiter entreprises, associations, projets expérimentaux et grand public.

Le projet Darwin émerge à Bordeaux en 2009 : les bâtiments d’une caserne militaire abandonnée deviennent alors le terrain d’expérimentation d’un immense tiers lieux. Aujourd’hui, on y trouve un espace de coworking, une épicerie et

un restaurant biologiques, un espace pour les sports urbains, une pépinière d’entreprises (en partenariat avec la Ville), une ferme urbaine, une vingtaine de places en hébergement d’urgence, un atelier de réparation de vélos, etc. : tout cela sur un espace de 40 000 m² où l’art urbain se mêle au mobilier construit à partir de matériaux de récupération. Lieu professionnel, avec 220 structures aux statuts juridiques divers, il est aussi ouvert au grand public et organise régulièrement des évènements, comptabilisant plus de 500 000 visites en 2016.

Tiers lieux à Saint-Pierre

Saint-Pierre (97250) - Ancien évêché de Saint-Pierre

PRESENTATION DU SITE ET DU CONTEXTE

Dissimulé au plein coeur du bourg de Saint-Pierre, le projet s’inscrit dans le quartier centre du mouillage, au sein du site de l’ancien évêché. Il vise à travers l’alternatif du tiers lieu à redynamiser cette ville d’art et d’histoire en perpétuelle mutation qui compte de nombreuses zones archéologiques. En effet, la part culturelle de la ville qui en fait l’un de son atout majeur, est d’ailleurs l’élément clef qui a poussé à l’émergence d’un tel

projet dans cette commune du nord caraïbe de la Martinique.

Kay 72 a été l’opportunité d’imaginer un lieu d’échange, de travail, de passage mais également d’ancrage) se voulant être conviviale dans un territoire parfois délaissé. Elle permet d’offrir une nouvelle vision beaucoup plus contemporaine de la ville, en créant un espace qui donne à voir une

Visualisation du projet

Majestueux cocon végétal

quatrième métamorphose de celle-ci.

C’est ainsi que, le projet a été possible grâce au caractère unique du site. L’ancien évêché, devenu par la suite presbytère est un lieu privé appartenant à la communauté diocésaine de la Martinique, qui se dresse dans la ville comme un délaissé urbain luxuriant de verdure et parsemé de quelques édifices architecturaux.

Totalement idyllique de près de 7 000 m², le site cristallise une perception différente de Saint-Pierre, où chacun de ses deux niveaux dévoile une nouvelle sensation, un nouveau tableau. Entrer dans cette demeure permet d’acheminer

une ascension grâce aux multiples escaliers présents.

Le jardin au premier niveau du site s’orne de majestueux palmiers royaux qui s’élancent comme pour indiquer le sens de circulation, ainsi qu’une fontaine laissée à l’abandon symbole d’harmonie et de romance. Le second niveau se distingue quant à lui principalement d’éléments bâtis, notamment par la présence de la maison créole dégradée, datant du 19 ème siècle qui faisait office de presbytère. Elle est composée également des ruines de la chapelle de l’évêché monument classé.

Métamorphose de la ville de Saint-Pierre

BOURG

Saint-Pierre

Une addition au passé

Réhabilitation d’un site baigné d’histoire, garder son essense et lui apportant une touche de contemporrain

PROBLEMATIQUE

Comment apporter du contemporain sans pour autant dénaturer un lieu aux multiples histoires ? L’essence générale du projet a été de chercher à faire du site un lieu palimpseste en essayant de préserver ses multiples couches historiques et lui ajouter de nouvelle qui s’ancrerons dans une contemporanéité.

C’est alors que le projet s’est bâti sur le principe de l’addition. Conserver le passé, les fondations et ajouter de nouveaux éléments qui contrebalanceront avec l’existant. L’idée s’est d’abord construit par rapport au bâti majeur du site, la maison créole qui sera le coeur du tiers lieu. La proposition retenue est celle qui donne le mieux, le sentiment

de préservation du passé, le tout en cherchant à garder une harmonie avec tous les éléments. Elle garde l’aspect extérieur du bâtiment et améliore le confort intérieur.

Le projet basé autour de la nature, se construit en rattachant à la maison créole une structure organique, qui prend, appui au sol. Celle-ci s’élance pour presqu’envahir la maison. Une structure inspirée des racines, des lianes, symboles de liens. Elle questionne le fait de tisser des liens entre individus et le fait de tisser des liens avec la nature.

Nouvel élément positionné à côté de la maison mais dans l’aménagement de

Esquisse du site

l’espace. La structure organique s’appuie sur le travail de MATTIAS Plessing, artisan qui travaille le bois courbé avec la technique du cintrage. Elle permettra avec l’utilisation d’un bois local, comme le mahogany, de mettre en avant les ébénistes de l’île.

À part cette structure, la couleur est également un atout phare du lieu, qui a permis d’apporter du contemporain.

Le blanc cassé pour agrandir l’espace, le jaune d’ocre pour chercher à impressionner, le bleu pour les ornements et l’orange pour la signalétique.

Evêché avant

Evêché aujourd’hui et avec la mise en place du projet

Couleurs du projet

message fort pour la planète, elle met en valeur l’ensemble des organismes vivants et leurs milieux de vie, donc la totalité des écosystèmes présents que ce soit dans la lithosphère, l’hydrosphère et l’atmosphère.

L’aménagement paysager, qui prend empreinte du travail du célèbre architecte paysagiste brésilien Roberto Burle Marx, redessine le site et amène l‘architecture du paysage moderniste aux Antilles.

L’aménagement intérieur des espaces du tiers lieu prend appui sur l’aménagement paysager de celui-ci. La nature est amenée à l’intérieur pour établir des liens avec l’extérieur et tenté de casser les codes. Une expérience unique et atypique anime chaque pièce et espace et emmène l’utilisateur à faire un voyage.

Dans le projet à l’aménagement atypique, la programmation est assez typique :

- un parc et jardin

- un café philo

- un coworking

- une revalorisation de ruine

- des toilettes extérieures

- une médiathèque

- un hébergement

- une zone de stockage

- des espaces de détente/ air de repos

Café philo

Le café philo est le point culminant de rassemblement. Pour le mettre en valeur, un aménagement qui reprend les codes de la maison créole a été créé, c’est-à-dire la prise en compte de façades libres et de la coursive. Les visiteurs découvrent dans les extrémités de l’espace, un couloir faisant office de salle d’exposition, qui permettra aux jeunes talents d’immerger et de se faire connaître assez rapidement, grâce à

RDC structure organique

l’ampleur que le tiers lieu aura dans le temps. Celle-ci se complète d’une zone centrale qui fait office de bar et de cafétéria, qui donne l’impresssion, grâce au travail du boisement du plafond, de se promener dans une forêt tropicale. L’addition de deux usages différents, dans un même lieu, permet de créer un espace beaucoup plus convivial ouvert à l’échangea et à l’art.

Afin d’accéder aux étages supérieurs de la maison créole, l’usager doit se rendre dans la nouvelle structure. Elle a été aménagée par un monte personne et un escalier, afin de rendre les espaces en hauteur accessibles aux personnes à mobilité réduite. Au rez-de-chaussée, elle s’ouvre entièrement sur l’extérieur, et le principe de poteau poutre permet de créer un patio qui dirige la lumière vers un bassin naturel.

Le premier étage de la structure met en valeur les coursives de la maison créole car, les couloirs latéraux sont utilisés comme des zones complémentaires à l’espace du coworking.

Surtout à ce niveau, la structure et la maison ne font plus qu’un élément mais, les matériaux arrivent à délimiter une frontière.

Le coworking situé au premier étage de la maison créole est constitué de 5 îlots de travail qui peuvent accueillir une vingtaine d’entrepreneures ou d’étudiants. L’objectif de ce lieu est à la fois de permettre du travail individuel, mais également du travail coopératif par la présence d’un open space.

Chacun se voit travailler et c’est ce travail collectif qui permet parfois en

échangeant, de faire évoluer et progresser une idée. Le coworking sera le seul lieu formel où l’objectif principal sera le travail, les autres espaces seront dédiés à la détente.

La couleur du lieu minimaliste, apporte une chaleur humaine qui rapproche les individus un peu austères à ce type de méthode.

Terrasse sur l’eau

La terrasse sur l’eau dévoile encore une nouvelle sensation inattendue, l’impression de marcher et d’être assis sur un espace flottant. La gravité est remise est question et les occupants peuvent travailler, manger ou prendre un verre en plein air. L’espace inspiré des jardins japonais, est un des deux bassins naturels du site, ou tout prend vie, notamment les espèces aquatiques marines présentent dans l’eau.

Hébergement

Situé en périphérique du deuxième accès du site, l’espace hébergement, inspiré d’un principe d’une auberge de jeunesse, est dédié tout d’abord de façon temporaire, aux étudiants en recherche d’un logement en location longue durée.

Il se compose du strict minimum, d’une cuisine commune, de deux chambres avec lits superposable, mitoyennes à une salle de bain commune et d’une

chambre adaptée pour les personnes en situation de handicap avec salle d’eau. Cet espace leur permet d’échanger, tout en leur permettant de passer un moment convivial.

Par ailleurs, d’autres publics qui font à leur tour aussi vivre le tiers lieu sont aussi accueillis, tels que les artistes et designers en résidence.

L’espace ruine se compose de deux zones. La première est un atelier ouvert ou les associations ou groupe de personnes pourront mettre en place des manifestations à visée citoyenne. Animé de musique, de danse, de sport, de chant, il permet de faire revivre la deuxième zone, des vestiges de l’ancienne chapelle de l’évêché. Le contraste vie - mort, permet de mettre en valeur ces ruines, qui étaient laissées à

l’abandon dans le site.

Les courbes de la structure organique, donnent la sensation, à leur tour aussi, de faire renaître cet espace. Les visiteurs pourront, parcourir les ruines afin de se remémorer l’histoire du site. Car, comme le disait Aimé Césaire, «pour nous le choix est fait. Nous sommes de ceux qui refusent d’oublier...».

Le tiers lieu KAY 72, qui accueille de multiples activités, a besoin d’un espace de stockage pour stocker les éléments qui contribuent à lui donner vie.

Par conséquent, l’espace de rangement est stratégiquement situé à l’arrière. Il ne gêne pas l’activité et est placé suffisamment près pour l’alimenter.

Espace ruine

Stockage

Abri vélo

L’abris vélo dans le projet avant d’être un projet de design, est un parti-pris pour changer les moeurs de la ville. Parce que, penser à une mobilité active dans cette ville comptoir permettrait de désengorger la circulation envahissante des véhicules.

Cela permettra aussi, comme tout l’ensemble du projet, de mettre en avant une perspective de long terme, en

Espace temporaire temporelle

intégrant les contraintes écologiques et sociales, à l’économie. De surcroît, la conception de la forme de l’abri dépend de l’idée organique de l’ensemble du projet. L’usager a la sensation de rentrer dans une arche ou la végétation prend vie vers le haut. Quelques assises, permettent en autre, de faire de l’abri un espace de rencontres et non pas seulement de passage.

Bien que le projet est un espace temporaire, il donne aussi à voir une vie nocturne, ce qui fait de lui un espace temporel. La nuit, l’espace donne une ambiance sensorielle unique, qui submerge la ville dans une dynamique constante. Symbole d’un phare, le lieu d’échange social et de travail collaboratif est sans limites.

Cette réhabilitation du site en tiers lieu

n’est qu’un projet précurseur d’une série de multiples autres tiers espace qui seront implantés, successivement dans différentes communes du nord de la Martinique afin de la redynamiser.

Implantation dans quelques années des divers Tiers lieu

Avant après de l’espace

Kay 72 se veut être un projet innovant visant à redynamiser le bourg de SaintPierre, en proposant un tiers lieu de jeunesse qui fera de la ville passante une ville ou se dresse une réelle activité professionnelle et culturelle. Espace pérenne et éphémère, le projet se dresse comme un phare dans la ville qui en 1902 avait laissé place à une Pompéi des caraïbes.

Anne-Laure LOUIS-THERESE