6 minute read

Mot du directeur général - Steeve De Marchi - Et comment ça va dans le joyeux monde de la vente de véhicules d’occasion?

Voici le 45e « Mot du Directeur » que j’ai le privilège d’écrire pour le magazine AMVOQ. Je dois avouer que, pour la première fois en 11 ans, je ne suis pas certain de la réponse à donner à la question que je pose dans le titre.

La grande majorité des membres à qui nous posons cette même question répondent que c’est de plus en plus difficile de faire de bonnes affaires, que c’est plus fatigant. Il faut dire que depuis quelques années, notre industrie a vécu son lot de bouleversements. Les commerçants de véhicules d’occasion ont toujours fait face au changement, mais depuis quelques années ça devient, comment dire, essoufflant. On dirait que même le changement lui-même est fatigué… Pourtant, tout n’est pas noir

Il est vrai que certains indicateurs sont au vert. La Banque du Canada annonçait le 24 juillet dernier une seconde baisse de 0,25 % du taux directeur. L’effet de cette baisse est relativement faible, mais il s’agit tout de même d’un signal positif. Les paiements mensuels des clients sont à la baisse et le fardeau de financer l’inventaire est aussi moins grand (un peu…). La dernière annonce du gouverneur de la Banque laissait même entrevoir la possibilité d’autres baisses d’ici la fin de l’année. Trois autres annonces sont prévues soit : le mercredi 4 septembre, le mercredi 23 octobre et le mercredi 11 décembre. Soyons optimistes…

L’inventaire de véhicules neufs continue aussi de s’améliorer ce qui amène les manufacturiers à reprendre les rabais et les taux d’intérêt subventionnés. Cela contribue à une augmentation des ventes depuis le début de l’année chez les concessionnaires. Bien que la baisse de prix des véhicules neufs entraine une certaine pression à la baisse sur le prix des véhicules usagés, elle permet au moins une plus grande disponibilité de véhicules d’occasion sur le marché. Cependant, il faudra composer avec le fait qu’il n’y a pas eu beaucoup de ventes (ni de locations) lors de la pandémie. La partie n’est donc pas encore gagnée du côté de l’approvisionnement.

Mais c’est pas facile…

Notre industrie a toujours connu des changements au cours de son histoire. Cependant, plusieurs de ces changements étaient mineurs et touchaient généralement l’aspect mécanique. Ceintures de sécurité, freins ABS, passage aux injecteurs, etc. Puis, il y a eu la pandémie, la TRANSFORMATION NUMÉRIQUE

SAAQ et deux projets de loi coup sur coup en juin 2024. Il y a un peu plus d’un an (1er juin 2023) le ministre de la Justice déposait à l’Assemblée nationale le projet de loi n° 29, Loi protégeant les consommateurs contre l’obsolescence programmée et favorisant la durabilité, la « réparabilité » et l’entretien des biens. Une semaine plus tard, le ministre des Finances déposait à son tour le projet de loi n° 30, Loi modifiant diverses dispositions principalement dans le secteur financier. Plus récemment, l’Office de la protection du consommateur publiait le Portrait des plaintes des consommateurs pour la période de janvier à mars 2024. Sans grande surprise, les ventes de véhicules d’occasion sont au premier rang avec 17 % de toutes les plaintes reçues à l’Office. Le commerçant de véhicule d’occasion est de plus en plus celui sur qui on aime bien frapper.

Malgré, ou avec tous ces changements, notre industrie s’adapte, elle évolue. Face aux modifications concernant la distribution de produits d’assurance, la préoccupation est de trouver des sources de revenus qui compenseront celles perdues. Plusieurs possibilités s’offrent aux commerçants et certaines options semblent plus attrayantes que d’autres.

Comment réagir?

Certains parlent d’alliance avec des fournisseurs de produits d’assurance pour créer des cabinets. Tentant… mais pour générer des marges intéressantes, il faudra que les prix payés par les consommateurs pour les mêmes produits soient beaucoup plus élevés. Pas tout à fait ce que l’AMF a en tête lorsqu’elle parle de traitement équitable des consommateurs. On parle aussi d’augmenter les offres en produits de garanties esthétiques ou garanties d’apparence. Il faut être très prudent lorsqu’on offre des produits qui s’identifient comme des « garanties ». Certains de ces produits répondent plus à la description d’un produit d’assurance qu’à une garantie. Certains encore considèrent les garanties prolongées comme la réponse pour combler le manque à gagner. Encore une fois, les autorités règlementaires sont très attentives à tout ce qui touche les garanties prolongées. Il ne serait pas surprenant de voir de nouvelles législations être présentées à l’Assemblée nationale si les autorités considèrent que le traitement des consommateurs en matière de garanties prolongées n’est pas « équitable ». Beaucoup de questions, mais peu de réponses pour le moment.

Il reste un enjeu que la majorité des commerçants de véhicules d’occasion semblent vouloir esquiver pour le moment : l’électrification des transports. On mentionnait dans la dernière édition du magazine AMVOQ qu’il devenait urgent que les commerçants de véhicules d’occasion emboitent le pas. Le gouvernement du Québec a d’ailleurs annoncé le 10 juillet que l’interdiction complète de la vente de véhicules neufs à combustion en 2035 sera confirmée dans un règlement qui sera vraisemblablement présenté cet automne. Qu’on le veuille ou non, les véhicules électriques sont – seront – les véhicules d’occasion dans les prochaines années. Seulement une poignée de nos membres profitent de cette opportunité. Si on ne le fait pas, quelqu’un d’autre le fera.

Est-ce le temps de revoir son modèle d’affaires?

Clairement, les choses ne vont pas comme on le voudrait dans notre industrie. Lorsque les résultats ne sont pas au rendez-vous, il est normal de se remettre en question. L’objectif d’une remise en question est de réviser nos choix, nos modèles pour voir s’ils sont encore en phase avec les réalités de notre marché. Malheureusement, on passe souvent par-dessus cette démarche et on continue de faire ce qu’on faisait, soit par manque de temps, soit par peur du changement. Plus facile à dire qu’à faire…

Et finalement?

Sans dire qu’ils occupent la meilleure place dans toute l’industrie de la vente de véhicules routiers, les commerçants de véhicules d’occasion possèdent malgré tout de bons atouts. À choisir entre être manufacturier, concessionnaire de neuf ou commerçant de véhicule d’occasion dans le marché actuel, le commerce de véhicules d’occasion offre plein d’avantages. Certes, ce n’est plus « comme avant », mais de belles opportunités sont disponibles. Il faudra simplement s’ajuster. N’oublions pas qu’il se vend environ 3 usagés pour un neuf. Un véhicule change donc de mains plus de trois fois après sa mise en service. Pour profiter de cet avantage, notre industrie doit revoir certains de ses paradigmes…

Alors, comment ça va dans le joyeux monde de la vente de véhicules d’occasion? Eh bien, je vous dirais que si vous croyez que le monde de la vente de véhicules d’occasion est joyeux ou que vous croyez que le monde de la vente de véhicules d’occasion n’est pas joyeux, vous avez raison*… En fait, la réponse vient de vous!

On se voit au congrès de l’AMVOQ pour en discuter?

Steeve De Marchi, MBA
This article is from: